Academia.eduAcademia.edu

Pratiques croisées en philosophie et sociologie

2020, Terrains/Théories

https://doi.org/10.4000/teth.2432
Terrains/Théories 11 | 2020 Pratiques croisées en philosophie et sociologie Introduction Pratiques croisées en philosophie et sociologie Camille Chamois et Marie-Claire Willems Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/teth/2441 ISSN : 2427-9188 Éditeur Presses universitaires de Paris Nanterre Ce document vous est offert par Université Paris Nanterre Référence électronique Camille Chamois et Marie-Claire Willems, « Introduction », Terrains/Théories [En ligne], 11 | 2020, mis en ligne le 07 juillet 2020, consulté le 12 juillet 2020. URL : http://journals.openedition.org/teth/2441 Ce document a été généré automatiquement le 12 juillet 2020. Les contenus de Terrains/Théories sont mis à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International. Introduction Introduction Pratiques croisées en philosophie et sociologie Camille Chamois et Marie-Claire Willems 1 Ce numéro a pour but d’illustrer la fécondité des échanges interdisciplinaires, notamment à partir d’articles co-écrits par de jeunes chercheur·es en sociologie et en philosophie. En effet, depuis le XVIIIe siècle, la spécialisation disciplinaire dans le domaine scientifique a conduit à ériger une frontière plus ou moins nette entre la philosophie et la sociologie – ou, plus largement, entre la philosophie et les sciences sociales. Ce point a été largement documenté1. Schématiquement, on peut dire que les sciences humaines et sociales ont progressivement pris en charge un certain nombre d’objets qui étaient jusque-là essentiellement la chasse gardée de la philosophie sociale. S’en suit une série de tentatives, tantôt pour « sécuriser » un domaine considéré comme l’apanage d’une discipline particulière, tantôt pour « s’approprier » un nouveau champ. On peut ainsi distinguer trois types de démarches dans les relations qu’entretiennent la philosophie et la sociologie2. Une première démarche « démarcationniste » cherche à établir une barrière stricte entre disciplines. Une deuxième approche, qu’on peut qualifier d’« intégrationniste », cherche à abolir la frontière disciplinaire afin de développer une réflexion générale sur tel ou tel objet d’étude (les formes contemporaines du travail, du care, etc.). Enfin, on peut nommer « conversionnistes » les tentatives qui acceptent les exigences initiales de la philosophie mais cherchent à y répondre à partir des méthodes des sciences sociales – produisant ainsi une sorte de « dépassement » de la philosophie. Ce numéro a pour but d’illustrer la diversité des démarches « intégrationnistes » en montrant comment de jeunes chercheur·es se réemparent aujourd’hui de ces questions3. Philosophie et sociologie : quelle intégration ? 2 Les articles mettent tous en évidence la nécessité d’une articulation forte entre philosophie et sciences sociales ; et en même temps, par leur facture même, ils illustrent la diversité des modalités d’articulation – ou d’intégration – entre les disciplines. La nécessaire articulation interdisciplinaire est clairement analysée par Terrains/Théories, 11 | 2020 1 Introduction Christian Lazzeri dans l’entretien présent dans ce volume. Il y montre en effet que les travaux en philosophie sociale ou politique qui abordent des phénomènes comme l’organisation du travail, le statut des conflits dans les régimes démocratiques, les formes de la domination sociale, etc., ne peuvent pas faire l’économie d’une connaissance précise des travaux sociologiques qui portent sur ces domaines – sauf à produire, selon son expression, une « sociologie de philosophes » (dont Jean-Paul Sartre et Margaret Gilbert seraient des illustrations). Symétriquement, les travaux sociologiques qui s’appuient, explicitement ou non, sur les notions générales d’« individu », de « disposition », d’« identité », etc. (qu’il s’agisse de la sociologie dispositionnelle de Bernard Lahire ou de la théorie de l’« identité » ou de l’« identification » de James Coleman) ne peuvent pas contourner les travaux philosophiques qui en évaluent la cohérence interne et les difficultés éventuelles. Christian Lazzeri milite ainsi pour un enrichissement réciproque des deux disciplines chaque fois que la proximité de leurs objets d’études le permet 4. On peut donc lire les contributions de ce numéro comme des illustrations concrètes du caractère heuristique du dialogue entre philosophes et sociologues. 3 En effet, la question des rapports entre philosophie et sociologie se pose de façon particulièrement saillante lorsque les travaux de philosophie se présentent, non pas comme des théories normatives de la société, qui cherchent à décrire comment le social devrait être organisé (comme ce peut être le cas chez John Rawls ou Jürgen Habermas 5) mais comme des théories descriptives de la société, qui cherchent à analyser comment le social est organisé – et qui, pour ce faire, prennent appui sur certaines données fournies par les sciences sociales. Cependant, les modalités mêmes de cet appui doivent être précisées. Relèvent ainsi de l’« ontologie sociale » les approches philosophiques qui tentent de cerner les grandes caractéristiques des objets sociaux, notamment par distinction avec les objets non-sociaux ou naturels. À cet égard, l’ouvrage de John R. Searle est généralement considéré comme la référence centrale, notamment dans le cadre de la philosophie analytique6. Ces analyses ont le mérite de proposer une réflexion critique approfondie sur les catégories populaires ou savantes de la théorie sociale – et par exemple, sur les débats classiques qui entourent l’hypostasie des collectifs en super-sujets abstraits7, la détermination économique des phénomènes sociaux8, la sous-détermination psychophysiologique des interactions sociales 9, etc. Elles courent cependant le risque de se placer elles-mêmes en situation de « philosophie première », évitant ainsi une confrontation sérieuse avec ce que les sciences sociales placent elles-mêmes en position de fondement de l’être social. Un deuxième groupe d’études est plus directement articulé aux analyses sociologiques, à savoir les études d’« épistémologie des sciences sociales » : on peut nommer ainsi les travaux qui cherchent à rendre compte des dimensions proprement conceptuelles des théories sociologiques – et notamment de leurs innovations conceptuelles, à travers l’étude des notions de « représentation collective », de « technique du corps », d’« habitus »10, etc. Un double risque guette cependant l’épistémologie des sciences humaines et force à resserrer les liens avec les sciences sociales : le risque du schématisme, d’une part – au sens où l’on généraliserait à « l’histoire des sciences sociales » dans sa totalité ce qui ne ressort que de l’étude de quelques grands noms canoniques –, et le risque de l’aller sans retour d’autre part – au sens où on se contenterait de formaliser abstraitement certaines considérations sociologiques sans s’inquiéter de l’heuristicité, voire des éventuelles conditions de falsification, de ces considérations. Les articles présents dans ce numéro mobilisent ponctuellement des Terrains/Théories, 11 | 2020 2 Introduction approches qui relèvent de l’ontologie sociale ou de l’épistémologie des sciences humaines mais proposent une approche plus résolument convergente sur le plan interdisciplinaire, notamment dans la mesure où la plupart des articles sont co-écrits par des auteur·rices de disciplines différentes. Présentation des articles 4 Dans le premier article de ce volume, Alain Loute analyse le renouveau de la philosophie sociale à partir d’une étude de la sociologie de Luc Boltanski et de la théorie de la reconnaissance d’Axel Honneth, ainsi que de ses développements par Emmanuel Renault. L’auteur repère au sein de ces démarches une méthode qu’il qualifie d’« herméneutique » au sens où il s’agirait pour les théoriciens d’étudier et de critiquer la « mise en mot » de l’expérience du monde social par les agents sociaux. L’article discute alors les présupposés d’une telle approche, à partir notamment d’une référence à l’herméneutique de Paul Ricœur et d’une présentation des développements récents de la théorie de l’attention (que ce soit en phénoménologie, chez Bernhard Waldenfels ou Frédéric Moinat ou dans les essais de Jonathan Crary) : le paradigme de l’attention sert ainsi de contrepoint critique à partir duquel discuter les travaux de philosophie sociale. Si cette première contribution relève plus directement de la théorie sociale, les cinq articles suivants, tous co-écrits par un·e sociologue et un·e philosophe, relèvent plus directement de la convergence voire de l’intégration interdisciplinaire. 5 Le deuxième article, rédigé par Cécile Lavergne et Claire Vincent-Mory, s’appuie sur une enquête sociologique menée auprès des Organisations de Solidarité Internationales issues des Migrations (OSIM). Le statut ambigu de ces organisations et les réactions parfois mitigées qu’elles suscitent dans le contexte républicain français permettent d’illustrer concrètement la question des revendications contemporaines de reconnaissance sociale et de revenir de façon concrète et critique sur le sens de cette notion. L’article propose alors une explicitation des théories de la reconnaissance sousjacentes (notamment à partir d’auteur·rices comme Nancy Fraser, Axel Honneth, Charles Taylor, Alain Caillé et Christian Lazzeri) ; et souligne notamment les points de débat entre les modèles proposés par Nancy Fraser et Axel Honneth. Il aborde enfin le rôle spécifique et problématique des institutions dans cette dynamique de reconnaissance, en articulant la réflexion théorique sur la question et sa confrontation au terrain évoqué. 6 Le troisième article, co-écrit par Leonardo da Hora et Martin Jochum, développe une réflexion générale sur la pertinence de la théorie marxiste pour l’analyse du capitalisme contemporain, en la confrontant aux systèmes d’échange locaux (SEL), c’est-à-dire des monnaies locales limitées à l’échange et qui ne permettent pas l’épargne. Les auteurs sont alors conduits à appréhender le capitalisme, non pas uniquement comme un mode de production, mais également comme un ordre social institué. Sur cette base, l’article discute les concepts fondamentaux de la théorie marxiste ainsi que ceux de la tradition hétérodoxe en économie française (André Orléan, Frédéric Lordon). 7 Dans le quatrième article, Anne-Claire Collier et Mona Gérardin-Laverge ouvrent un dialogue autour de la question de la production et de la transmission du savoir. À partir de leurs travaux respectifs – sur la circulation et la traduction du postcolonial en Terrains/Théories, 11 | 2020 3 Introduction France pour Anne-Claire Collier, et sur la performativité du langage ordinaire dans la construction du genre pour Mona Gérardin-Laverge –, les deux auteures proposent de cesser d’envisager les concepts comme des mots ou des catégories immuables et sans histoire, et invitent au contraire à s’intéresser à leurs conditions de production, d’émergence, de diffusion et à leurs effets dans le champ social, académique et politique. Elles mettent ainsi en évidence l’intérêt, pour la sociologie comme pour la philosophie, de prendre en charge la dimension située de tout savoir. Cet article permet dès lors de rendre compte des rapports réels entre militantisme politique et production académique. 8 Le cinquième article écrit par Myriam Giargia et Marie-Claire Willems présente un débat en philosophie et sociologie dans lequel les deux auteures échangent quant à la place singulière du religieux dans leurs recherches. Miryam Giargia appelle à penser le concept hobbesien de « naturel religieux » défini à partir de trois perspectives interliées alors que Marie-Claire Willems évoque les processus « désethnicisation » du religieux et principalement de l’islam en France. L’interprétation philosophique du « naturel religieux » et l’analyse sociologique des processus de « désethnicisation » et d’acculturation sont ainsi mis en lumière par les questionnements de chacune d’elles. Ce chapitre aborde alors le rapport à la confession et à la « déconfessionalisation du religieux », aux cadres d’interprétation, aux dimensions socio-politiques, à la subjectivation ou encore à l’historicité nécessaire. Avec le souci d’évoquer la singularité de leurs perspectives, les auteures reviennent régulièrement sur les limites et les apports d’une telle pratique croisée entre sociologie et philosophie. 9 Enfin, l’article Camille Chamois et Jérémy Lemarié, s’appuie sur l’étude sociohistorique des pratiques du surf à Hawaï depuis le XVIIIe siècle : l’enjeu consiste à cerner les spécificités de l’expérience du he‘enalu, le surf traditionnel, dans sa dimension à la fois cosmologique et rituelle. Pour ce faire, trois modèles théoriques sont successivement évalués : une approche en termes de « représentations collectives », en lien avec le débat qui a récemment opposé Marshall Sahlins et Gananath Obeyesekere ; une approche en termes de « sensibilité à l’environnement », qui s’appuie sur le renouveau des travaux en histoire des sensibilités, dans la lignée d’Alain Corbin ; et une approche en termes d’« attribution d’agentivité », ou d’« ontologie », suivant ainsi certaines pistes de l’anthropologie contemporaine et notamment de Philippe Descola. Cet article propose un retour réflexif sur les soubassements épistémologies de ces trois modèles et développe une approche à la fois analytique et critique en les confrontant à l’étude du terrain hawaïen. Ouverture 10 Les articles présents dans ce numéro ne prétendent évidemment par incarner la bonne manière d’articuler sociologie et philosophie – mais simplement une manière parmi d’autres, épistémologiquement heuristique. En guise d’ouverture problématique, nous voudrions rappeler d’autres modalités d’articulations interdisciplinaires possibles et les différents éclairages partiels qu’elles permettent. 11 D’abord, la sociologie de la philosophie apparaît à première vue comme l’expression typique de l’approche que nous avons, dans la typologie ci-dessus, qualifiée d’« intégrationniste ». Cependant, si les lectures sociologiques des productions philosophiques se présentent naturellement comme des lectures « externalistes » des Terrains/Théories, 11 | 2020 4 Introduction philosophèmes, il est utile de se demander jusqu’où et comment la philosophie peut devenir un « objet » pour le sociologue. Les lectures sociologiques ou socio-historiques sont-elles forcément suspectes de « réductionnisme » à l’égard des productions théoriques qu’elles cherchent à éclairer11 ? Dans son étude de la pensée de Heidegger, Pierre Bourdieu mettait ainsi en garde contre un double écueil : l’« absolutisation du texte », d’une part, et, d’autre part, une focalisation unilatérale sur les conditions sociales de production qui perd de vue le contenu des textes eux-mêmes 12. Bourdieu a ainsi tenté de montrer que, même si les intérêts et les affects de Heidegger pouvaient ponctuellement s’exprimer dans ses textes, il n’en a pas moins dû se confronter à l’état du champ philosophique et conceptuel de son époque, et ainsi trouver des équivalents spécifiquement conceptuels à ce qui peut par ailleurs relever d’intérêts extérieurs à ce domaine. Dans une veine similaire, Louis Pinto a montré tout l’intérêt de corréler les différentes prises de positions des intellectuels français sur Nietzsche avec les positions sociales et institutionnelles de ces derniers13. On trouve des tentatives similaires à propos des œuvres de Sartre, Levinas ou Foucault chez Anna Boschetti, Louis Pinto ou Jose Luis Moreno Pestaña14. Jose Luis Moreno Pestaña a ainsi montré qu’on pouvait éclairer les premiers textes de Michel Foucault en rappelant les errements institutionnels de leur auteur, entre philosophie et psychologie : certains textes, comme L’introduction à Binswanger, se présentent plutôt comme un travail de « veille des frontières », qui conserve à la philosophie sa position de surplomb par rapport aux débats théoriques ; d’autres, comme Maladie mentale et psychologie, optent plus résolument pour une ouverture vers les sciences humaines15. Il semble donc qu’au-delà des grands partages théoriques, la question des conditions sociales de la pensée philosophique – et donc de la légitimité d’une sociologie de la philosophie – n’a, encore aujourd’hui, pas reçu l’analyse approfondie qu’elle mérite. 12 On peut d’ailleurs s’en convaincre si l’on note que le même genre de préoccupation apparaît sur le versant historique. On peut schématiquement opposer une histoire philosophique de la philosophie, c’est-à-dire une histoire attachée à reconstituer les systèmes de philosophèmes, et une histoire sociale de la philosophie, préoccupée par la mise au jour des conditions de possibilité de ces énoncés. Là encore, comme l’a souligné Roger Chartier, que ce soit du côté des historiens ou de philosophes, chacun se trouve confronté à une alternative ruineuse entre une histoire de la philosophie constituée « à partir de l’interrogation philosophique elle-même – et d’elle seule » et des histoires sociales de la philosophie (voire des idées) marquées par « leur réductionnisme hâtif et leur déterminisme naïf16 ». On peut ainsi relire certaines querelles fameuses, comme celles qui ont opposé Ferdinand Alquié et Martial Guéroult ou Jacques Derrida et Michel Foucault, comme des querelles entre les partisans d’une histoire d’abord philosophique de la philosophie et ceux d’une histoire d’abord sociologique de la philosophie 17. Ces débats sont cependant loin d’être stériles et ils conduisent à des tentatives diverses particulièrement riches et intéressantes. Par exemple, Giuseppe Bianco et Frédéric Fruteau de Laclos ont récemment souligné que l’histoire de la philosophie était largement une histoire systématique de la philosophie, c’est-à-dire une histoire attachée à reconstituer des systèmes philosophiques – ou, pour le dire encore autrement, une histoire philosophique de la philosophie 18. Ils défendent au contraire une histoire de la philosophie (et non des idées) qui accepte de prendre en charge les dimensions non-systématiques, mais plutôt biographiques ou soumises aux contingences de l’expérience sociale, de la production théorique 19. Terrains/Théories, 11 | 2020 5 Introduction 13 Enfin, de façon particulièrement intéressante, on assiste aujourd’hui au développement d’une « philosophie de terrain », qui emprunte pour partie ses méthodes à la sociologie. L’idée, en un sens, n’est pas neuve et on peut éventuellement la faire remonter aux tentatives d’enquête ouvrière de Karl Marx20. Certaines démarches s’hybrident alors pour se rapprocher, selon les formules de Michel Foucault, du « journalisme » ou du « reportage d’idées21 ». C’est en ce sens que Christiane Vollaire parle aujourd’hui de « philosophie de terrain22 ». D’autres se tournent plus résolument vers une pratique de l’enquête statistique, la réalisation d’entretiens, l’observation participante, etc. : le but est alors explicitement d’abandonner la posture de la philosophie comme « philosophie première » afin de mettre à l’épreuve toutes les dimensions » testables » que la conceptualité implique23. Reste que les modalités même de « test » ne sont probablement pas stabilisées à l’heure actuelle (ou sont en voie de déplacement partiel) : il apparaît donc fondamental de s’interroger sur ce que peut bien signifier un « terrain » pour une pratique philosophique et les modalités d’interdisciplinarité qui s’y jouent24. 14 Ces différentes formes d’articulation disciplinaire impliquent évidemment des soubassements et des objectifs théoriques relativement divers et certainement peu solubles en un programme commun. Néanmoins, ce n’est pas là l’effet de la confrontation de modèles théoriques hétérogènes et incompatibles entre eux, mais plutôt l’illustration de la richesse et de la diversité des modes de convergence interdisciplinaire – dont ce numéro est un exemple parmi d’autres. BIBLIOGRAPHIE ALQUIÉ Ferdinand, « Structures logiques et structures mentales en histoire de la philosophie », Bulletin de la société française de philosophie, n° 3, 1953, p. 89-130. BIANCO Giuseppe et FRUTEAU DE LACLOS Frédéric, « Introduction », dans G. Bianco et F. Fruteau de Laclos (dir.), L'angle mort des années 1950. Philosophie et sciences humaines en France, Paris, Publications de la Sorbonne, 2016, p. 6-13. BIANCO Giuseppe, « Entre système et création. Le cas du jeune Deleuze historien de la philosophie », Ipseitas, vol. 1, n° 1, 2015, p. 45-59. BOURDIEU Pierre, « Les sciences sociales et la philosophie », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 47-48, 1983, p. 45-52. CALAFAT Guillaume, LAVERGNE Cécile et MONNET Éric, « Philosophies et sciences sociales : les enjeux de la conversion », Tracés. Revue de Sciences humaines, n° 13, 2013, mis en ligne le 01 janvier 2017. URL : http://journals.openedition.org/traces/5684 CHARBONNIER Sébastien, Que peut la philosophie ? Être le plus nombreux possible à penser le plus possible, Paris, Seuil, 2013. CLÉMENT Fabrice et KAUFMANN Laurence, « Esquisse d’une ontologie de faits sociaux. La posologie de John Searle », Réseaux, n° 79, 1996, p. 123-161. Terrains/Théories, 11 | 2020 6 Introduction FABIANI Jean-Louis, « Quel est l’intérêt de la sociologie de la philosophie ? », Le philosophoire, vol. 40, n° 2, 2013, p. 71-77. FOUCAULT Michel, « Les “reportages” d'idées », Dits et Ecrits, t. III, Paris, Gallimard, (1978) 1994, p. 706-708. FOUCAULT Michel, « Mon corps, ce papier, ce feu », Dits et écrits, vol. II, Paris, Gallimard, (1972) 2001, p. 1113-1136. GALLO LASSERE Davide et MONFERRAND Frédéric, « Les aventures de l’enquête militante », Rue Descartes, vol. 96, n° 2, 2019, p. 93-107. LEMIEUX Cyril, « Philosophie et sociologie ? Le prix du passage », Sociologie, vol. 3, n o 2, 2012, p. 199-209. LE ROUX Daphné, La marche nuptiale. Subjectivation et technique de soi dans le rituel de mariage catholique, Thèse de doctorat sous la direction de Martine de Gaudemar et Michael Houseman, Paris, Nanterre, 2018. KARSENTI Bruno, « Techniques du corps et normes sociales : de Mauss à Leroi-Gourhan », Intellectica, vol. 1-2, n° 26-27, 1998, p. 227-239. KARSENTI Bruno, D’une philosophie à l’autre. Les sciences sociales et la politique des modernes, Paris, Gallimard, 2013. LAZZERI Christian, « Identité constituante, identité constituée », Terrains/Théories [En ligne], 3 | 2015, mis en ligne le 02 juillet 2015. URL : http://journals.openedition.org/teth/615 ; DOI : 10.4000/teth.615 LIGNIER Wilfried, « La nature humaine nous laisse tous indistincts », Genèses, vol. 100-101, n° 3-4, 2015, p. 162-168. LIGNIER Wilfried et Nicolas MARIOT, « Où trouver les moyens de penser ? Une lecture sociologique de la psychologie culturelle », dans Bruno Ambroise et Christiane Chauviré (éd.), Le mental et le social, Paris, Éditions de l’EHESS, 2013, p. 191-214. MONFERRAND Frédéric, « Genèse et complexité : les deux ontologies de Georg Lukács », Actuel Marx, vol. 62, n° 2, 2017, p. 140-153. NICOLI Massimiliano, PALTRINIERI Luca et PRÉVOT-CARPENTIER Muriel (dir.), Le philosophe et l'enquête de terrain, Toulouse, Octarès, 2020. NISBETT Richard et WILSON Timothy, « Telling More Than We Can Know : Verbal Reports on Mental Processes », Psychological Review, vol. 84, n° 3, 1977, p. 231-259. PINTO Louis, La théorie souveraine : les philosophes français et la sociologie au XX e siècle, Paris, Éditions du Cerf, 2013. POPPER Karl, Misère de l’historicisme, Paris, Plon, 1956. PROUST Joëlle, « Redéfinir l’humain. Pour une convergence des sciences de l’homme », Le Débat, n° 180, 2014/3, pp. 56-69. RENAULT Emmanuel, « Théorie sociologique, théorie sociale, philosophie sociale : une cartographie critique », Sociologie, vol. 9, n° 1, 2018, p. 43-59. SEARLE John, La construction de la réalité sociale, Paris, Gallimard, (1996) 1998. TIROLE Jean, Économie du bien commun, Paris, PUF, 2016. Terrains/Théories, 11 | 2020 7 Introduction TOLLEFSEN Deborah, Groups as Agents, Cambridge, Polity Press, 2015. NOTES 1. Voir par exemple : LEMIEUX Cyril, vol. 3, no 2, 2012, p. 199-209 ; « Philosophie et sociologie ? Le prix du passage », Sociologie, FABIANI Jean-Louis, « Quel est l’intérêt de la sociologie de la philosophie ? », Le philosophoire, vol. 40, n° 2, 2013, p. 71-77 ; PINTO Louis, La théorie souveraine : les philosophes français et la sociologie au XXe siècle, Paris, Éditions du Cerf, 2013 ; KARSENTI Bruno, philosophie à l’autre. Les sciences sociales et la politique des modernes, Paris, Gallimard, 2013 ; Guillaume, LAVERGNE Cécile et MONNET D’une CALAFAT Éric, « Philosophies et sciences sociales : les enjeux de la conversion », Tracés. Revue de Sciences humaines, n° 13, 2013, mis en ligne le 01 janvier 2017. URL : http://journals.openedition.org/traces/5684. 2. Nous reprenons ici la tripartition proposée par Cyril Lemieux dans l’article cité. 3. La problématique générale a été clairement formulée par Bruno Karsenti, lorsqu’il se demande : « que s’est-il produit exactement avec l’émergence des sciences sociales dans l’espace du travail intellectuel ? Et qu’est-ce qui, en contrepoint de cette irruption, permet de dire que l’on fait encore de la philosophie, mais d’une autre manière qu’avant cet événement – bref que l’on s’est trouvé enclin à passer d’une philosophie à une autre ? » KARSENTI B., op. cit., p. 13. 4. Pour une version détaillée de l’argument, voir aussi : LAZZERI Christian, « Identité constituante, identité constituée », Terrains/Théories [En ligne], 3 | 2015, mis en ligne le 02 juillet 2015. URL : http://journals.openedition.org/teth/615. 5. Les théories normatives du monde social subissent régulièrement des accusations d’abstraction de la part des théories des sciences sociales. Pour un exemple symptomatique, voir les remarques de Jean Tirole sur Michael Sandel, Michael Walzer et Debra Satz. TIROLE Jean, Économie du bien commun, Paris, PUF, 2016, p. 57-62 notamment. Pour une défense philosophique de la nécessité d’un soubassement sociologique clair à toute philosophie politique normative, voir : RENAULT Emmanuel, « Théorie sociologique, théorie sociale, philosophie sociale : une cartographie critique », Sociologie, vol. 9, n° 1, 2018, p. 43-59. 6. SEARLE CLÉMENT John, La construction de la réalité sociale, Paris, Gallimard, (1996) 1998. Voir à cet égard : Fabrice et KAUFMANN Laurence, « Esquisse d’une ontologie de faits sociaux. La posologie de John Searle », Réseaux, n° 79, 1996, p. 123-161. 7. Parmi une multitude de références possibles, voir : POPPER, Karl, Misère de l’historicisme, Paris, Plon, 1956. Pour un compte-rendu général sur la question de l’intentionnalité collective, voir : TOLLEFSEN Deborah, Groups as Agents, Cambridge, Polity Press, 2015. 8. MONFERRAND Frédéric, « Genèse et complexité : les deux ontologies de Georg Lukács », Actuel Marx, vol. 62, n° 2, 2017, p. 140-153. 9. Pour une défense et une critique du naturalisme sociologique (au profit, en l’occurrence, de la psychologie culturelle), voir : NISBETT Richard et WILSON Timothy, « Telling More Than We Can Know : Verbal Reports on Mental Processes », Psychological Review, vol. 84, n° 3, 1977, p. 231 et PROUST Joëlle, « Redéfinir l’humain. Pour une convergence des sciences de l’homme », Le Débat, n° 180, 2014/3, pp. 56-69, d’une part ; LIGNIER Wilfried, « La nature humaine nous laisse tous indistincts », Genèses, vol. 100-101, n° 3-4, 2015, p. 162-168 et LIGNIER Wilfried et Nicolas MARIOT, « Où trouver les moyens de penser ? Une lecture sociologique de la psychologie culturelle », dans Bruno Ambroise et Christiane Chauviré (éd.), Le mental et le social, Paris, Éditions de l’EHESS, 2013, p. 191-214, d’autre part. 10. KARSENTI Bruno, « Techniques du corps et normes sociales : de Mauss à Leroi-Gourhan », Intellectica, vol. 1-2, n° 26-27, 1998, p. 227-239. Terrains/Théories, 11 | 2020 8 Introduction 11. Nous reprenons ici l’expression de Louis Pinto : PINTO Louis, « La philosophie, un “objet” pour le sociologue ? », Le philosophoire, vol. 40, n° 2, 2013, p. 47-69. Voir aussi, dans le même numéro : FABIANI Jean-Louis, « Quel est l’intérêt de la sociologie de la philosophie ? », Le philosophoire, vol. 40, n° 2, 2013, p. 71-77. 12. BOURDIEU Pierre, L’ontologie politique de Martin Heidegger, Paris, Éditions de Minuit, 1988, p. 10 et 109. 13. Pour un approfondissement de cette question à partir du cas de Gilles Deleuze, voir : MEZIANE Bruno, « Le Nietzsche de Deleuze : entre légitimation institutionnelle et mise en question de l’institution philosophique », Methodos, n° 19, 2019, mis en ligne le 25 janvier 2019. URL : http:// journals.openedition.org/methodos/5727 14. BOSCHETTI Anna, Sartre et les Temps Modernes, Paris, Éditions de Minuit, 1985 ; MORENO PESTAÑA Jose Luis, En devenant Foucault. Sociogenèse d’un grand philosophe, Broissieux, Éditions du Croquant, 2006 ; PINTO Louis, La religion intellectuelle. Emmanuel Levinas, Hermann Cohen, Jules Lachelier, Paris, PUF, 2010. 15. MORENO PESTAÑA Jose Luis, op. cit., p. 150. 16. CHARTIER Roger, « Histoire et philosophie », Au bord de la falaise. L’histoire entre certitudes et inquiétude, Paris, Albin Michel, 1998, p. 236-237. Voir aussi : « L’histoire de la philosophie est restée partagée entre une histoire interne (dont le principe reste la décontextualisation des philosophèmes et leur réassemblage dans de longues chaînes fictionnelles objectivées dans des programmes, à travers des listes de noms d’auteurs et des listes de thèmes et de questions) et une histoire externe qui a emprunté quelques-unes de ses méthodes à l’histoire sociale, mais qui est très largement restée prisonnière de schèmes d’intelligibilité tout entiers ancrés dans des macrostructures, et qui n’a jamais pris suffisamment ses distances avec la problématique marxienne qui voit dans les contenus philosophiques autant de fragments d’idéologie dont on peut repérer la source dans le structure sociale ». FABIANI Jean-Louis, « Quel est l’intérêt de la sociologie de la philosophie ? », Le philosophoire, vol. 40, n° 2, 2013, p. 73. 17. Ferdinand Alquié cherche par exemple à élaborer un concept de « structure mentale » qui soit en mesure de sortir d’une histoire purement systématique de la philosophie sans pour autant la diluer dans l’ensemble des productions idéelles : « En parlant de structure mentale, je ne veux donc pas faire dériver l’histoire de la philosophie vers ce qui est affectif, vers ce qui est passager, je ne veux pas l’orienter vers l’étude des structures propres à chaque individu, à chaque auteur, je ne veux pas confondre philosophie et littérature. Bien au contraire, je crois que c’est par une telle méthode que l’on peut atteindre l’esprit, l’esprit humain j’entends, dans son contact avec l’Être », ALQUIÉ Ferdinand, « Structures logiques et structures mentales en histoire de la philosophie », Bulletin de la société française de philosophie, n° 3, 1953, p. 103. De même, dans sa réponse à la critique de Derrida, Foucault l’accuse justement de procéder à une lecture purement philosophique de la philosophie : « Ce n’est point par un effet de leur inattention que les interprètes classiques ont gommé, avant Derrida et comme lui, ce passage de Descartes. C’est par système. Système dont Derrida est aujourd’hui le représentant le plus décisif, en son ultime éclat : réduction des pratiques discursives aux traces textuelles ; élision des événements pour n’y retenir que des marques pour une lecture ; inventions de voix derrière les textes pour n’avoir pas à analyser les modes d’implication du sujet dans les discours ; assignation de l’originaire comme dit et non-dit dans le texte pour ne pas replacer les pratiques discursives dans le champ des transformations où elles s’effectuent ». FOUCAULT Michel, « Mon corps, ce papier, ce feu », Dits et écrits, vol. II, Paris, Gallimard, (1972) 2001, p. 1135. Pour une analyse socio-historique de la dispute, voir : FABIANI Jean-Louis, « Disputes, polémiques et controverses dans les mondes intellectuels. Vers une sociologie historique des formes de débat agonistique », Mil neuf cent. Revue d’histoire intellectuelle, vol. 1, n° 25, 2007, p. 45-60. Terrains/Théories, 11 | 2020 9 Introduction 18. BIANCO Giuseppe et FRUTEAU DE LACLOS Frédéric, « Introduction », dans G. Bianco et F. Fruteau de Laclos (dir.), L'angle mort des années 1950. Philosophie et sciences humaines en France, Paris, Publications de la Sorbonne, 2016, p. 6-13. 19. Pour une illustration concrète, voir : BIANCO Giuseppe, « Entre système et création. Le cas du jeune Deleuze historien de la philosophie », Ipseitas, vol. 1, n° 1, 2015, p. 45-59. 20. Sur ce point, voir : GALLO LASSERE Davide et MONFERRAND Frédéric, « Les aventures de l’enquête militante », Rue Descartes, vol. 96, n° 2, 2019, p. 93-107. 21. FOUCAULT Michel, « Les “reportages” d'idées », Dits et Ecrits, t. III, Paris, Gallimard, (1978) 1994, p. 706-708. 22. VOLLAIRE Christiane, Pour une philosophie de terrain, Paris, Créaphis, 2017. 23. On pense par exemple aux travaux de Sébastien Charbonnier sur la pédagogie et surtout à ceux de Daphné Le Roux sur la subjectivation en contexte rituel. Voir respectivement : CHARBONNIER Sébastien, Que peut la philosophie ? Être le plus nombreux possible à penser le plus possible, Paris, Seuil, 2013. LE ROUX Daphné, La marche nuptiale. Subjectivation et technique de soi dans le rituel de mariage catholique, Thèse de doctorat sous la direction de Martine de Gaudemar et Michael Houseman, Paris, Nanterre, 2018. 24. Voir à cet égard : NICOLI Massimiliano, PALTRINIERI Luca et PRÉVOT-CARPENTIER Muriel (dir.), Le philosophe et l'enquête de terrain, Toulouse, Octarès, 2020. AUTEURS CAMILLE CHAMOIS Camille Chamois est docteur en philosophie : ses travaux portent notamment sur les acceptions philosophiques et anthropologiques de la notion de « perspectivisme ». Il enseigne actuellement la philosophie dans le secondaire. MARIE-CLAIRE WILLEMS Marie-Claire Willems est docteure en sociologie, membre du laboratoire Sociologie, PHilosophie et Anthropologie Politique (Sophiapol) et du Réseau Thématique Pluridisciplinaire « Les chercheurs sur l’islam dans la cité ». Ses travaux portent sur l'étude des usages et significations du mot "musulman" ainsi que sur l'identification de soi en tant que musulman.es aujourd'hui en France. Elle a co-dirigé l'ouvrage Appartenances in-désirables. Le religieux au prisme de l’ethnicisation et de la racisation avec Simona Tersigni et Claire Vincent-Mory paru aux éditions Petra en 2019. Terrains/Théories, 11 | 2020 10