Papers by Margaux Goldminc (Merand)
Merand, 2024
L’anorexie mentale est ici comprise comme une psychopathologie résultant d’un sentiment douloureu... more L’anorexie mentale est ici comprise comme une psychopathologie résultant d’un sentiment douloureux d’ignorance de soi-même. L’impossibilité pour le sujet anorexique de savoir et, plus fondamentalement, de sentir qui il est, se traduit par une tentative désespérée de donner corps et forme à une identité nette à travers l’amaigrissement. Mais l’anorexie mentale ne peut, ce faisant, que rigidifier à l’extrême la défense qui est à l’origine de la douleur psychique. La rémission ne pourra ainsi passer, à même de nouvelles expériences du corps et du lien aux autres, que par l’acceptation du retour à un état de vulnérabilité permettant l’assouplissement des défenses et le contact avec le soi profond.
Merand, 2024
Article paru dans la revue Gestions hospitalières, n° 638, août/septembre 2024.
L’anorexie ment... more Article paru dans la revue Gestions hospitalières, n° 638, août/septembre 2024.
L’anorexie mentale ne saurait être comprise indépendamment de ses racines dans l’existence antérieure, apparemment non pathologique, du sujet. Si le sujet anorexique semble « tomber malade » gravement, nous voulons montrer ici qu’il en va, dans cette « maladie », autant d’une rigidification de mécanismes défensifs mortifères que d’une tentative de révolte et d’auto-guérison. Ainsi l’anorexie est-elle une tentative désespérée d’échapper au sentiment d’inexistence (et de fausse existence) qui menace d’anéantir complètement le sujet. Ainsi l’organisation compulsive du vide au cœur du jeûne est-elle l’approximation, quoique pathologique, d’une expérience sereine de l’absence, condition de possibilité du lien à l’autre.
Merand, 2024
Mon article « La possibilité du vide pour contrer les logiques du désespoir ? » est disponible da... more Mon article « La possibilité du vide pour contrer les logiques du désespoir ? » est disponible dans le #6 de la revue Huis Clos, qui peut être commandé ici : https://www.editionshuisclos.com/
Quelques extraits :
Au fondement de tout apprentissage se trouve le vide (cela vaut aussi pour ce qui est de manger). Mais si le vide n'a pas été éprouvé comme tel au début, alors il se transforme en un état à la fois redouté et compulsivement recherché.*
« (…) Que le vide n’ait pas pu être éprouvé comme tel « au début » signifie qu’il n’a pas pu être vécu, dans les premières expériences de l’enfant, comme un état qui précède l’apparition de quelque chose, et, finalement, la satisfaction du besoin et la satiété. C’est dans ce sens que Winnicott peut écrire que « le vide primaire veut seulement dire : avant de commencer à se remplir. »
(…) lorsque l’environnement n’a pas été suffisamment régulier dans ses réactions, l’enfant n’a pas acquis la confiance qui lui permet de tolérer le vide, et celui-ci menace alors d’être permanent. Le vide n’est plus un état annonciateur d’une satisfaction ultérieure : il est pur vide (…). C’est comme si le bébé devait virtuellement rester à tout jamais captif de ce vide, exsangue et affamé, exposé à la mort.
(…)
Dans les anorexies dites « mixtes », celles qui sont associées à des crises de boulimie suivies de vomissements, dénommées ainsi par opposition aux anorexies purement « restrictives » (ascétisme et jeûne exclusifs), la crise d’hyperphagie traduit immanquablement la même logique. Se jeter à tout prix, le plus vite possible et sans discrimination d’aliments, sur des quantités gigantesques de nourriture, répond à l’anxiété basale de ne jamais pouvoir manger. Le sujet anorexique se gave par anticipation, dans l’urgence, tant que la nourriture peut être arrachée au mauvais sort.
(…)
Une personne anorexique avec laquelle j’avais réalisé une série d’entretiens avait ainsi pu me dire qu’au cours de sa guérison, elle avait réussi à se convaincre qu’il n’y avait aucune nécessité réelle de se ruer sur des gâteaux dans une boulangerie, car ceux-ci « ne s’envoleraient pas et seraient toujours là le lendemain ». Aussi absurde que cela puisse paraître, c’est exactement ce changement de disposition d’esprit, qui consiste en apparence seulement à adopter une attitude rationnelle – contre la croyance magique ou superstitieuse que les aliments vont disparaître à tout jamais sous l’effet d’une volonté sadique extérieure au sujet (…) –, qui est au cœur de la rémission. Pour une personne anorexique, de la même manière que le vide peut ne jamais finir, la douleur de la faim peut n’avoir pas de terme, et les aliments peuvent s’envoler.
(…)
Il en va ici de sujets qui, terrifiés à l’idée du vide, préfèrent maintenir structurellement la relation qu’ils ont à un mauvais objet interne, même lorsque la cure analytique leur a permis de s’en détacher. La raison en est qu’ils n’ont pas d’autres repères relationnels et que l’état de transition entre l’ancien conditionnement et la possibilité d’une expérience inter et intrasubjective nouvelle se traduit par un vide intolérable. Ce vide transitoire est, au demeurant, caractéristique de nombreux progrès dans la cure analytique. Les patients s’attacheront alors à recréer le mauvais objet – c’est-à-dire à le retrouver dans l’expérience et à le répliquer à nouveau sous une forme internalisée – pour ne pas vivre dans l’angoisse morbide qu’au vide ne succède jamais rien. (…)
Comment, alors, permettre à ces patients d’échapper au pire, c’est-à-dire à la réaction désespérée à la répétition de la relation au mauvais objet interne qui finit par être vécue sur le mode de la fatalité : « l’aspiration au non-être, dans l’expression d’une auto-suffisance idéale qui se réduit progressivement jusqu’à l’anéantissement »** ? Comment contrer cette logique du désespoir ? Deux pistes apparaissent à mes yeux. (...). »
*D. W. Winnicott, « La crainte de l'effondrement », La crainte de l’effondrement et autres situations cliniques, Gallimard, Paris, 2000 [1989].
**André Green, La folie privée, Psychanalyse des cas-limites, II, « L’analyste, la symbolisation et l’absence dans le cadre analytique », Gallimard, Paris, 1990.
Merand, 2024
Dans mon dernier texte, je me demande si l’anorexie mentale est uniquement affaire « ontologique ... more Dans mon dernier texte, je me demande si l’anorexie mentale est uniquement affaire « ontologique » de faux self, en lien notamment à la relation archaïque à l’autre maternel. N’est-elle pas aussi dérivée de l’expérience vécue de la négation du désir féminin ?
https://margauxmerand.fr/2024/06/23/la-jeune-femme-devant-la-sauvagerie-masculine/
Merand, 2024
« Il faut donc le dire expressément : l’effondrement dépressif, qui superficiellement apparaît co... more « Il faut donc le dire expressément : l’effondrement dépressif, qui superficiellement apparaît comme un effondrement du soi, n’est que l’effondrement des défenses qui avaient eu, jusque-là, une certaine pérennité et viabilité. Le psychanalyste travaille, par excellence, à partir de la dépression – et ne se hâte pas de la chasser – ; le patient travaille à partir d’un état de terreur auquel tout l’enjeu est de s’efforcer de donner, cette fois, une issue différente. C’est en ce sens qu’un sujet anorexique qui commence à aller mieux bascule dans un état dépressif angoissant – sauf à remettre plus loin sa véritable guérison.
Cette situation est retorse puisqu’analyste et patient doivent contenir, aussi bien, le risque suicidaire élevé qui est lié à l’angoisse de l’état de désorganisation, au moment où le cœur du travail se fait ; et celui qui sera lié, plus tard et une fois la cure significativement avancée, à la prise de conscience du patient de l’étendue de l’existence antérieure qu’il aura menée dans un état de mort-vivant, déconnecté, non seulement de son expérience, mais également d’autant de « parties » de lui-même qui avaient été enterrées. Ce deuxième « danger » n’est peut-être pas suffisamment étudié et concerne l’état de sidération, ou de tristesse spécifique, qui vient avec la rupture introduite dans le mode d’être du patient lorsque la cure a précisément… réussi ! »
Merand, 2024
Quel problème l’anorexique a-t-il perçu ? Ce qu’avec Marx, Joseph Gabel et Guy Debord, nous pourr... more Quel problème l’anorexique a-t-il perçu ? Ce qu’avec Marx, Joseph Gabel et Guy Debord, nous pourrions appeler la « fausse conscience », et qu’avec Winnicott je considérerai comme une existence en faux self...
Un article à retrouver dans le #4 de la revue Huis Clos : https://www.editionshuisclos.com/product-page/revue-huis-clos-4
Merand, 2023
La psychanalyse est-elle une philosophie appliquée au sujet ? Par plusieurs aspects, comme éthiqu... more La psychanalyse est-elle une philosophie appliquée au sujet ? Par plusieurs aspects, comme éthiques et disciplines de désillusion, psychanalyse et philosophie semblent être de même nature, appliquées à des échelles différentes. Mais la psychanalyse peut-elle se satisfaire du savoir ?
Merand, 2023
Le dernier roman de Sarah Chiche, Les Alchimies, paru en août 2023 aux éditions du Seuil, propose... more Le dernier roman de Sarah Chiche, Les Alchimies, paru en août 2023 aux éditions du Seuil, propose une réflexion autour de la connaissance à partir du parcours initiatique de Camille Cambon, médecin légiste en quête d’absolu. À l’occasion d’une soirée organisée par l’association Textes et Voix consacrée à ce livre, Margaux Merand a choisi de poser quelques questions à Sarah Chiche.
Merand, 2023
Dans ce dialogue, l’écrivain Olivia Resenterra et la psychanalyste Margaux Merand échangent à par... more Dans ce dialogue, l’écrivain Olivia Resenterra et la psychanalyste Margaux Merand échangent à partir d’une série photographique de Seiichi Furuya et de la littérature pour tenter de comprendre en quoi les manifestations du désespoir et de la solitude qui lui est attachée n’ont pas nécessairement la valeur négative qu’on leur prête ordinairement.
Merand , 2023
Dans ce deuxième dialogue, Olivia Resenterra, écrivain, et Margaux Mérand, essayiste, tentent de ... more Dans ce deuxième dialogue, Olivia Resenterra, écrivain, et Margaux Mérand, essayiste, tentent de décrire des féminités atypiques… sans s’inscrire dans une perspective féministe. La négation du maternel est-elle une négation du féminin ?
Merand , 2023
Au détour du film Les chiens de paille de Sam Peckinpah, Olivia Resenterra, écrivain, et Margaux ... more Au détour du film Les chiens de paille de Sam Peckinpah, Olivia Resenterra, écrivain, et Margaux Merand, essayiste, évoquent sans tabous la question du désir féminin et de son ambivalence, mais surtout de son irréductibilité à toute idéologie et à toute morale. Un authentique féminisme ne passe-t-il pas par un discours honnête sur le désir ?
Merand, 2023
La Règle du Jeu, numéro 78, 25 janvier 2023.
Je propose une analyse de la nouvelle Un Jeûneur... more La Règle du Jeu, numéro 78, 25 janvier 2023.
Je propose une analyse de la nouvelle Un Jeûneur de Kafka, en lien notamment avec les concepts winnicottiens de vrai self et de faux self.
« C’est une bien curieuse situation que celle du jeûneur, qui s’enorgueillit de ce que les autres seraient incapables de pratiquer son art avec la même radicalité, et qui reconnaît finalement que ce qui les en rend incapables, c’est de connaître, quant à eux, des sources de satisfaction dans l’existence. Si le jeûneur peut jeûner, et si les autres n’y parviendraient pas, c’est parce qu’ils ne partagent pas les mêmes conditions initiales : les autres aiment vivre ; lui pas. Il pense donc n’avoir aucun mérite à « sacrifier » un plaisir de toute manière inexistant. Il pense avoir d’autant moins de mérite que ce sacrifice apparent est, en réalité, une tentative d’apaisement. Chose intéressante : si les personnages kafkaïens sont confrontés, je le disais, à la terreur d’une incompréhension du monde, d’une distorsion malveillante des causes et des effets, force est de constater ici que c’est le jeûneur lui-même qui avoue n’être pas dupe de sa propre inversion des apparences et des réalités. Mais cette distorsion a bien la véracité paradoxale que Philip Roth prêtait à l’illusion romanesque : le jeûne est, pour l’artiste de Kafka, une manière de vivre plus fidèle à son désir, serait-ce imparfaitement, que ne le serait une existence sans jeûne. Ce désir demeure toutefois manqué (...).
Je fais l’hypothèse que l’aliment que le jeûneur n’a pas trouvé, c’est lui-même. Le jeûneur souffre d’une absence de contact, ou communication, avec ce que Winnicott appellerait son « vrai self », le noyau de son identité réelle. Il déplore cette méconnaissance de lui-même en la projetant de manière fantasmée, et angoissée, sur le monde extérieur : « le monde » le renvoie à un trop-plein d’incompréhension auquel il répond par un désengagement de l’existence dans le jeûne. Un retrait actif néanmoins puisqu’il continue à attendre du « monde » une reconnaissance. »
Merand, 2022
Revue Zone Critique, Rubrique "Idées", 11 janvier 2023.
Cet article propose d’envisager Légèr... more Revue Zone Critique, Rubrique "Idées", 11 janvier 2023.
Cet article propose d’envisager Légère de Marie Claes, le récit d’une jeune adolescente anorexique, comme un texte qui montre particulièrement que l’anorexie mentale, loin d’être la manifestation d’une pulsion de mort, est d’abord un excès d’auto-conservation, une quête d’immortalité et de permanence.
Merand, 2022
Revue Zone Critique, Rubrique "Idées", 21 décembre 2022.
Cet article propose de lire Les liens ... more Revue Zone Critique, Rubrique "Idées", 21 décembre 2022.
Cet article propose de lire Les liens artificiels de Nathan Devers en miroir avec les concepts de Peter Sloterdijk destinés à décrire la vie psychique de l’individu moderne vivant seul en appartement. De l’appartement-monde à l’ « Antimonde » de Nathan Devers, il en va bien de l’écriture d’une solitude définie non plus comme absence de relation mais comme relation du Moi au moi virtuel.
Merand, 2022
Revue Zone Critique, Rubrique "Idées", 7 décembre 2022.
L’ouvrage Nom de Constance Debré, pub... more Revue Zone Critique, Rubrique "Idées", 7 décembre 2022.
L’ouvrage Nom de Constance Debré, publié aux éditions Flammarion, est ici considéré comme une littérature de la pensée anarchiste en acte, caractérisée par une forme de subversion non consensuelle et idiosyncrasique. Notre article s’efforce notamment de montrer en quoi l’écriture de Debré, par la revalorisation qu’elle opère du libre-arbitre et du jugement rationnel, exhibe les écueils et les limites inhérentes à la discipline psychanalytique.
Merand, 2022
Our research focuses on analysing the relationship between normality and pathology in light of an... more Our research focuses on analysing the relationship between normality and pathology in light of an eating disorder: anorexia nervosa. Our aim is twofold: achieving a better understanding of anorexia nervosa, whilst also assessing how this clearer view can help us grasp what constitutes a normal healthy relationship to one’s body. Does normality differ in degree or in essence from this psychopathological condition? Can normality be extrapolated from the patient’s previous experience before the onset of anorexia? Can it be found in the social norm outside of the patient? We argue that the criterion of normality can only emerge and emanate from the heart of the pathological experience and its subsequent recovery. We were therefore compelled to focus our study on a definition of the latter two.
Our research includes a conceptual definition of anorexia nervosa as an alienated by-product of subjectivity within the determined sociological context of modern individualism. We base our study on the findings of Dorothée Legrand who, starting from the phenomenological notion of “bodily self-consciousness”, reaches a vision of anorexia nervosa as a rupture of the typical relationship between the ‘‘body-as-subject’’ (the body perceived from the inside) and the ‘‘body-as-object’’ (the body perceived and targeted from the outside, as sharing its existence with other external objects). According to this definition, an anorexic patient seeks to transform, in a controlled fashion, her own object-body in order to turn it into a material expression of her subjectivity. Paradoxically, losing weight and becoming thin, even to the point of reaching a negation of the object-body, are inherent parts of the process insofar as they contribute to expressing and consolidating the patient’s subjectivity. The anorexic patient’s self-affirmation is achieved through the controlled modification of her object-body: she uses her objective dimension as a mirror of her own subjectivity. She is then able, from that exteriorised controlled manifestation, to seek self-recognition from others.
The fact that the awareness of the subject-body is too weak in an anorexic patient, as opposed to an overpowering object-body, leads her into trying to control the object-body in an attempt to turn it into an external prop for expressing her inner self, and thus bearing witness to her own existence. This allows us to understand anorexia nervosa in a Hegelian perspective: the anorexic patient works on her body, so as to stamp it with the seal of her own inner self, determined by her own conscience. This enables her to escape the estrangement of her own raw material body and allows her to inhabit a body she recognises as her own; the workings on her body will also allow her to achieve self-recognition from others. However, this definition does not cover the full extent of anorexia nervosa.
In our opinion, anorexia nervosa appears to be a partly addictive strategy through which the patient attempts to become a socially integrated individual, whilst avoiding a true expression of her inner subjective “self”. We think that the anorexic patient’s notion of self is opaque and ill-defined, hence hard to exteriorize within the object-body. Indeed, how could she express something she does not fully grasp (or maybe, rather, « experience »)? We suggest that anorexia nervosa stems from a fundamental anxiety: that of an undetermined subjectivity, due notably to a predominance of alexithymia in the personality. Interestingly, this lack of subjective self-awareness coexists in our modern western society with a pressure, keenly felt by perfectionist anorexics, to be “someone”, i.e., to become an accomplished individual and be granted social recognition as such. Lastly, as revealed by Hilde Bruche’s work, anorexic people intrinsically suffer from a feeling of “inefficiency”, which makes them convinced they are not really capable of leading autonomous lives and to have a positive impact on the outside world despite their efforts. Achieving thinness therefore brings three outcomes: (a) it provides a substitute identity (a kind of “fake self”) to the anorexic person unable to find out who she is, (b) it allows them, through this substituted identity, to appear like a highly performing individual, admired by others for their self-discipline and high achievement, (c) it allows an immediate relationship to their body and provides an escape from other personal achievement demands, such as work, which confront them with an external reality potentially uncontrollable and unpredictable. On the opposite, the body is perceived as ultimately self-controlled.
Our analyses lead to an understanding of the key stages of recovery, which depend on the patient gaining real autonomy. This autonomy can only be achieved firstly through a capacity by the patient to identify and understand her own inner emotions and develop an immanent “self” awareness, no longer dependent on external parameters, and secondly through an ability to understand signals inherent to her own body and achieve a body shape adapted to the body itself. When the body is no longer forced to be the symbol of a subjectivity based on a weak or non-existent self-awareness (alexithymia), it can then fulfill its own individual norms. This is the criterion of a healthy and normal relationship to one’s body. Thus, a pathological state is that of a body being used as physical proof and compensation for a subjectivity experienced as non-existent and ill defined; whereas a healthy relationship to one’s body is one which follows its own needs, freed from the coercion to be the externalised marker of a subjective state of confusion.
Notre travail de thèse porte sur l’analyse des rapports entre le normal et le pathologique à la l... more Notre travail de thèse porte sur l’analyse des rapports entre le normal et le pathologique à la lumière d’un trouble du comportement alimentaire : l’anorexie mentale. Nous cherchons conjointement à élaborer un modèle d’intelligibilité de l’anorexie mentale, et à déterminer ce que ce modèle nous enseigne du rapport normal et sain au corps. La normalité relève-t-elle d’une différence de nature ou de degré avec l’état psychopathologique ? Le critère de la normalité peut-il être saisi dans l’expérience antérieure au développement du trouble chez le sujet anorexique ? Peut-il être recherché dans une norme sociale extérieure au sujet ? Nous avançons que le critère de la normalité ne peut être découvert que de manière immanente, au cœur de l’expérience pathologique et de celle de la rémission. C’est donc à la conceptualisation de ces dernières que nous avons dû nous consacrer.
Notre travail comprend la conceptualisation de l’anorexie mentale comme d’une forme de production aliénée de la subjectivité dans le contexte sociologique déterminé de l’individualisme moderne. Nous nous appuyons premièrement sur les travaux de Dorothée Legrand, qui, à partir de la notion phénoménologique de « conscience de soi corporelle », voient dans l’anorexie mentale une rupture des liens typiquement complémentaires entre le corps-comme-sujet (le corps vécu depuis une perspective interne) et le corps-comme-objet (le corps visé, perçu extérieurement, mais aussi en tant qu’il partage une matérialité commune avec d’autres objets). Le sujet anorexique est celui qui, d’après cette conceptualité, cherche à transformer, de manière contrôlée, son corps-objet, afin d’en faire une matérialisation ou expression de sa subjectivité. Paradoxalement, l’amaigrissement et même la « négation » du corps-objet sont « auto-constitutives » en ce sens qu’elles contribuent à exprimer et consolider la subjectivité. Le sujet anorexique s’affirme à travers la modification contrôlée de son corps-objet : il fait de la dimension objective de son corps une sorte de miroir de sa subjectivité. Il peut alors, à partir de cette extériorisation maîtrisée, rechercher la validation de sa condition de sujet par d’autres sujets.
C’est parce que le vécu du corps-sujet est trop faible chez la personne anorexique, et celui du corps-objet hypertrophié, qu’elle tente de contrôler le corps-objet pour en faire un support externe doué d’une capacité expressive du soi et par suite une attestation de sa propre existence. Nous pouvons alors comprendre l’anorexie mentale dans une perspective hégélienne : le sujet anorexique « travaille » son corps pour y apposer le « sceau » de son intériorité, les déterminations de sa conscience. Ce faisant, il arrache à la matérialité brute du corps son caractère d’étrangeté et peut s’y reconnaître ; de même, il peut, à l’issue de son travail, obtenir des autres sujets une reconnaissance. Nous pensons cependant que ce modèle n’épuise pas la compréhension de l’anorexie mentale.
Selon nous, l’anorexie mentale relève plutôt d’une stratégie à composante addictive par laquelle, tout à la fois, le sujet tente de devenir un individu performant sur la scène sociale, et échappe à une réelle expression de sa subjectivité. Nous pensons que le « soi » du sujet anorexique est une notion opaque pour lui, dont les contours sont mal définis, et qu’il ne peut par suite extérioriser les composantes de ce « soi » dans le corps-objet. Comment le pourrait-il, en effet, s’il ne se connaît pas réellement lui-même ? Nous avançons ainsi que l’anorexie mentale procède d’une angoisse fondamentale : celle de l’indétermination de la subjectivité, notamment en raison de la prévalence de l’alexithymie dans la personnalité. Or, cette indétermination subjective interne coexiste, dans les sociétés occidentales modernes, avec l’injonction, intensément ressentie par les sujets anorexiques perfectionnistes, d’être « quelqu’un » – c’est-à-dire de devenir un individu accompli et d’obtenir à ce titre une validation sociale. Enfin, comme le mettent en évidence les travaux de Hilde Bruch, les personnes anorexiques souffrent d’un « sentiment d’inefficacité » intrinsèque, qui les persuade qu’elles ne sont pas réellement capables d’atteindre l’autonomie et d’avoir une incidence positive sur le monde extérieur par leurs efforts. L’amaigrissement joue alors un triple rôle : (a) il délivre une identité de substitution (sorte de « faux-self ») à la personne anorexique qui ne parvient pas à savoir qui elle est, (b) il permet, via cette identité substitutive, d’apparaître comme un individu ultra-performant dont les qualités de discipline et de réussite sont saluées par les autres, (c) il privilégie le rapport immédiat au corps et échappe aux difficultés propres à d’autres formes d’accomplissement individuel, comme le travail, qui mettent le sujet en relation avec une réalité extérieure potentiellement aléatoire et immaîtrisable. Le corps, lui, est a priori directement soumis à la volonté du sujet.
À l’issue de nos analyses, nous pouvons mettre en évidence les articulations nodales de la rémission, qui relèvent de l’acquisition d’une réelle autonomie par le sujet. Celle-ci est indissociable (1) d’une capacité à connaître et à discerner ses états émotionnels internes et à développer une notion immanente du « soi » qui n’est alors plus indexée sur des indices externes ; et (2) corrélativement, d’une aptitude à démêler les signaux inhérents au corps et à atteindre une forme corporelle dont la norme est donnée par le corps lui-même. Quand le corps n’est plus chargé de symboliser une subjectivité dont les notions internes sont trop faibles voire inexistantes (alexithymie et faible sentiment intrinsèque du soi), il peut alors obéir à des normes qui lui sont propres, ce qui constitue le critère du rapport sain au corps. Le rapport pathologique au corps est ainsi celui qui instrumentalise le corps pour en faire la preuve externe compensatoire d’une subjectivité vécue comme inexistante et discontinue ; le rapport sain au corps est celui, qui affranchi de cette finalité d’être le marqueur externe de la subjectivité, peut se régler sur ses propres besoins.
Merand, Lemoine, 2021
Annales Médico-psychologiques, revue psychiatrique
ISSN 0003-4487
https://www.em-consulte.com/ar... more Annales Médico-psychologiques, revue psychiatrique
ISSN 0003-4487
https://www.em-consulte.com/article/1451789/l-anorexie-mentale%20-une-fatigue-de-ne-pas-etre-soi
This article understands anorexia nervosa as a strategy for self-production, shaping the body in a certain way to achieve intersubjective recognition. More precisely, it would be a strategy to systematically achieve three objectives characteristic of modern social existence, where individuals are called upon to achieve themselves through their own resources, freeing themselves from any authority. Subjected to the injunction to be “someone”, and to achieve a remarkable individual performance, the anorexic subject would be singularly sensitive to the risks of failure that constitute these two social ideals. Thus, 1) thinness would allow the anorexic subject to avoid the question of his or her identity, by producing through the thin body a type of identity rather than a true subjectivity. Scared at the idea of not being able to define the borders and faculties of the “self”, the anorexic person would hide behind the type of identity suggested by a very slim appearance. 2) Working on their body, the anorexic subject would escape the hazards of conventional forms of work and self-actualization, by choosing a material – their own body – over which they have immediate power and which a priori only tests their will, by suppressing any external, unmanageable hazard. 3) Conscious of the social representations with which leanness is invested, the anorexic subject would control the kind of judgment made on them by others: they would thus escape the risk, normally structural, of not being recognized by the other conscious subjects, or of being misunderstood by them.
Le présent article comprend l’anorexie mentale comme une stratégie visant à se produire soi-même, en modelant le corps d’une manière déterminée, afin d’obtenir une reconnaissance intersubjective. Il s’agirait plus précisément d’une stratégie permettant de systématiser la réussite de trois objectifs caractéristiques de l’existence sociale moderne où les individus sont appelés à se réaliser au moyen de leurs propres ressources, en s’émancipant de toute tutelle. Soumis à l’injonction d’être « quelqu’un », et d’accomplir une performance individuelle remarquée, le sujet anorexique serait singulièrement sensible aux risques d’échec constitutifs de ces deux idéaux sociaux. Ainsi, 1) la maigreur permettrait au sujet anorexique de faire l’économie de la question de son identité, en produisant à travers le corps maigre un type d’identité plutôt qu’une véritable subjectivité. Effrayée à l’idée de ne pas parvenir à cerner les frontières et facultés du « soi », la personne anorexique se retrancherait derrière le type d’identité que suggère une apparence très amincie. 2) Travaillant sur son corps, le sujet anorexique échapperait aux aléas des formes conventionnelles de travail et d’accomplissement de soi, en choisissant un matériau – son propre corps – sur lequel il a un pouvoir immédiat et qui a priori ne met à l’épreuve que sa volonté, en supprimant tout aléa extérieur immaîtrisable. 3) Conscient des représentations sociales dont la maigreur est investie, le sujet anorexique contrôlerait le genre de jugement porté sur lui par les autres : il échapperait ainsi au risque, normalement structurel, de ne pas être reconnu par les autres sujets conscients, ou d’être incompris d’eux.
Merand, 2019
In this article we examine the links between anorexia, bulimia and self expression. We start on t... more In this article we examine the links between anorexia, bulimia and self expression. We start on the hypothesis that an anorexic tries to express himself or herself through his/her skinniness just as a worker tries to express himself/ herself through his/her work. In this respect the anorexic mindset seems to mirror the worker’s.
Yet we will challenge these premises on several grounds:(1) the anorexic, crushed by expectations perceived as unattainable achievements, tries instead to avoid the exaction of being “someone” . (2) skinniness allows him/her to fit into an abstract personal trait rather than assume a specific personality. (3) the anorexic tries to go beyond mere acceptance rather than seek it.
We will then show how the strategy of anorexia meets with its intrinsic failure: skinniness does not work as a work objective, hence the anorexic is alienated in the Marxian sense. Our conclusion will explore the theme of recovery along two possible pathways.
Dans cet article nous examinons les rapports entre anorexie mentale, boulimie et expression de soi. Nous formulons d’abord l’hypothèse que l’anorexique cherche à s’exprimer dans sa maigreur comme le travailleur s’exprime dans l’objet qu’il produit. La démarche anorexique semble ainsi mimétique par rapport à l’activité du travail. Nous critiquons cependant cette idée à différents niveaux : (1) le sujet anorexique, écrasé par un sens disproportionné des réussites qu’il a à accomplir, cherche plutôt à se soustraire à l’exigence d’être « quelqu’un » ; (2) la maigreur exprime davantage un « genre » abstrait de personnalité qu’une subjectivité singulière ; (3) l’anorexique veut plutôt dépasser la demande de reconnaissance qu’obtenir cette dernière. Nous montrons ensuite comment la stratégie anorexique est constitutivement mise en échec : la maigreur ne fonctionne pas comme l’objet du travail, et à ce titre le sujet anorexique est aliéné : sans objets. Notre conclusion esquisse deux axes sur le thème de la guérison.
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Papers by Margaux Goldminc (Merand)
L’anorexie mentale ne saurait être comprise indépendamment de ses racines dans l’existence antérieure, apparemment non pathologique, du sujet. Si le sujet anorexique semble « tomber malade » gravement, nous voulons montrer ici qu’il en va, dans cette « maladie », autant d’une rigidification de mécanismes défensifs mortifères que d’une tentative de révolte et d’auto-guérison. Ainsi l’anorexie est-elle une tentative désespérée d’échapper au sentiment d’inexistence (et de fausse existence) qui menace d’anéantir complètement le sujet. Ainsi l’organisation compulsive du vide au cœur du jeûne est-elle l’approximation, quoique pathologique, d’une expérience sereine de l’absence, condition de possibilité du lien à l’autre.
Quelques extraits :
Au fondement de tout apprentissage se trouve le vide (cela vaut aussi pour ce qui est de manger). Mais si le vide n'a pas été éprouvé comme tel au début, alors il se transforme en un état à la fois redouté et compulsivement recherché.*
« (…) Que le vide n’ait pas pu être éprouvé comme tel « au début » signifie qu’il n’a pas pu être vécu, dans les premières expériences de l’enfant, comme un état qui précède l’apparition de quelque chose, et, finalement, la satisfaction du besoin et la satiété. C’est dans ce sens que Winnicott peut écrire que « le vide primaire veut seulement dire : avant de commencer à se remplir. »
(…) lorsque l’environnement n’a pas été suffisamment régulier dans ses réactions, l’enfant n’a pas acquis la confiance qui lui permet de tolérer le vide, et celui-ci menace alors d’être permanent. Le vide n’est plus un état annonciateur d’une satisfaction ultérieure : il est pur vide (…). C’est comme si le bébé devait virtuellement rester à tout jamais captif de ce vide, exsangue et affamé, exposé à la mort.
(…)
Dans les anorexies dites « mixtes », celles qui sont associées à des crises de boulimie suivies de vomissements, dénommées ainsi par opposition aux anorexies purement « restrictives » (ascétisme et jeûne exclusifs), la crise d’hyperphagie traduit immanquablement la même logique. Se jeter à tout prix, le plus vite possible et sans discrimination d’aliments, sur des quantités gigantesques de nourriture, répond à l’anxiété basale de ne jamais pouvoir manger. Le sujet anorexique se gave par anticipation, dans l’urgence, tant que la nourriture peut être arrachée au mauvais sort.
(…)
Une personne anorexique avec laquelle j’avais réalisé une série d’entretiens avait ainsi pu me dire qu’au cours de sa guérison, elle avait réussi à se convaincre qu’il n’y avait aucune nécessité réelle de se ruer sur des gâteaux dans une boulangerie, car ceux-ci « ne s’envoleraient pas et seraient toujours là le lendemain ». Aussi absurde que cela puisse paraître, c’est exactement ce changement de disposition d’esprit, qui consiste en apparence seulement à adopter une attitude rationnelle – contre la croyance magique ou superstitieuse que les aliments vont disparaître à tout jamais sous l’effet d’une volonté sadique extérieure au sujet (…) –, qui est au cœur de la rémission. Pour une personne anorexique, de la même manière que le vide peut ne jamais finir, la douleur de la faim peut n’avoir pas de terme, et les aliments peuvent s’envoler.
(…)
Il en va ici de sujets qui, terrifiés à l’idée du vide, préfèrent maintenir structurellement la relation qu’ils ont à un mauvais objet interne, même lorsque la cure analytique leur a permis de s’en détacher. La raison en est qu’ils n’ont pas d’autres repères relationnels et que l’état de transition entre l’ancien conditionnement et la possibilité d’une expérience inter et intrasubjective nouvelle se traduit par un vide intolérable. Ce vide transitoire est, au demeurant, caractéristique de nombreux progrès dans la cure analytique. Les patients s’attacheront alors à recréer le mauvais objet – c’est-à-dire à le retrouver dans l’expérience et à le répliquer à nouveau sous une forme internalisée – pour ne pas vivre dans l’angoisse morbide qu’au vide ne succède jamais rien. (…)
Comment, alors, permettre à ces patients d’échapper au pire, c’est-à-dire à la réaction désespérée à la répétition de la relation au mauvais objet interne qui finit par être vécue sur le mode de la fatalité : « l’aspiration au non-être, dans l’expression d’une auto-suffisance idéale qui se réduit progressivement jusqu’à l’anéantissement »** ? Comment contrer cette logique du désespoir ? Deux pistes apparaissent à mes yeux. (...). »
*D. W. Winnicott, « La crainte de l'effondrement », La crainte de l’effondrement et autres situations cliniques, Gallimard, Paris, 2000 [1989].
**André Green, La folie privée, Psychanalyse des cas-limites, II, « L’analyste, la symbolisation et l’absence dans le cadre analytique », Gallimard, Paris, 1990.
https://margauxmerand.fr/2024/06/23/la-jeune-femme-devant-la-sauvagerie-masculine/
Cette situation est retorse puisqu’analyste et patient doivent contenir, aussi bien, le risque suicidaire élevé qui est lié à l’angoisse de l’état de désorganisation, au moment où le cœur du travail se fait ; et celui qui sera lié, plus tard et une fois la cure significativement avancée, à la prise de conscience du patient de l’étendue de l’existence antérieure qu’il aura menée dans un état de mort-vivant, déconnecté, non seulement de son expérience, mais également d’autant de « parties » de lui-même qui avaient été enterrées. Ce deuxième « danger » n’est peut-être pas suffisamment étudié et concerne l’état de sidération, ou de tristesse spécifique, qui vient avec la rupture introduite dans le mode d’être du patient lorsque la cure a précisément… réussi ! »
Un article à retrouver dans le #4 de la revue Huis Clos : https://www.editionshuisclos.com/product-page/revue-huis-clos-4
https://zone-critique.com/2023/05/24/olivia-resenterra-laura-du-lieu/?fbclid=IwAR0oiWKVSdQLe61H6FWkkFXrHcRx108L0-P8eEAo6o1TyqDWg_69ZCW3CVo
Je propose une analyse de la nouvelle Un Jeûneur de Kafka, en lien notamment avec les concepts winnicottiens de vrai self et de faux self.
« C’est une bien curieuse situation que celle du jeûneur, qui s’enorgueillit de ce que les autres seraient incapables de pratiquer son art avec la même radicalité, et qui reconnaît finalement que ce qui les en rend incapables, c’est de connaître, quant à eux, des sources de satisfaction dans l’existence. Si le jeûneur peut jeûner, et si les autres n’y parviendraient pas, c’est parce qu’ils ne partagent pas les mêmes conditions initiales : les autres aiment vivre ; lui pas. Il pense donc n’avoir aucun mérite à « sacrifier » un plaisir de toute manière inexistant. Il pense avoir d’autant moins de mérite que ce sacrifice apparent est, en réalité, une tentative d’apaisement. Chose intéressante : si les personnages kafkaïens sont confrontés, je le disais, à la terreur d’une incompréhension du monde, d’une distorsion malveillante des causes et des effets, force est de constater ici que c’est le jeûneur lui-même qui avoue n’être pas dupe de sa propre inversion des apparences et des réalités. Mais cette distorsion a bien la véracité paradoxale que Philip Roth prêtait à l’illusion romanesque : le jeûne est, pour l’artiste de Kafka, une manière de vivre plus fidèle à son désir, serait-ce imparfaitement, que ne le serait une existence sans jeûne. Ce désir demeure toutefois manqué (...).
Je fais l’hypothèse que l’aliment que le jeûneur n’a pas trouvé, c’est lui-même. Le jeûneur souffre d’une absence de contact, ou communication, avec ce que Winnicott appellerait son « vrai self », le noyau de son identité réelle. Il déplore cette méconnaissance de lui-même en la projetant de manière fantasmée, et angoissée, sur le monde extérieur : « le monde » le renvoie à un trop-plein d’incompréhension auquel il répond par un désengagement de l’existence dans le jeûne. Un retrait actif néanmoins puisqu’il continue à attendre du « monde » une reconnaissance. »
Cet article propose d’envisager Légère de Marie Claes, le récit d’une jeune adolescente anorexique, comme un texte qui montre particulièrement que l’anorexie mentale, loin d’être la manifestation d’une pulsion de mort, est d’abord un excès d’auto-conservation, une quête d’immortalité et de permanence.
Cet article propose de lire Les liens artificiels de Nathan Devers en miroir avec les concepts de Peter Sloterdijk destinés à décrire la vie psychique de l’individu moderne vivant seul en appartement. De l’appartement-monde à l’ « Antimonde » de Nathan Devers, il en va bien de l’écriture d’une solitude définie non plus comme absence de relation mais comme relation du Moi au moi virtuel.
L’ouvrage Nom de Constance Debré, publié aux éditions Flammarion, est ici considéré comme une littérature de la pensée anarchiste en acte, caractérisée par une forme de subversion non consensuelle et idiosyncrasique. Notre article s’efforce notamment de montrer en quoi l’écriture de Debré, par la revalorisation qu’elle opère du libre-arbitre et du jugement rationnel, exhibe les écueils et les limites inhérentes à la discipline psychanalytique.
Our research includes a conceptual definition of anorexia nervosa as an alienated by-product of subjectivity within the determined sociological context of modern individualism. We base our study on the findings of Dorothée Legrand who, starting from the phenomenological notion of “bodily self-consciousness”, reaches a vision of anorexia nervosa as a rupture of the typical relationship between the ‘‘body-as-subject’’ (the body perceived from the inside) and the ‘‘body-as-object’’ (the body perceived and targeted from the outside, as sharing its existence with other external objects). According to this definition, an anorexic patient seeks to transform, in a controlled fashion, her own object-body in order to turn it into a material expression of her subjectivity. Paradoxically, losing weight and becoming thin, even to the point of reaching a negation of the object-body, are inherent parts of the process insofar as they contribute to expressing and consolidating the patient’s subjectivity. The anorexic patient’s self-affirmation is achieved through the controlled modification of her object-body: she uses her objective dimension as a mirror of her own subjectivity. She is then able, from that exteriorised controlled manifestation, to seek self-recognition from others.
The fact that the awareness of the subject-body is too weak in an anorexic patient, as opposed to an overpowering object-body, leads her into trying to control the object-body in an attempt to turn it into an external prop for expressing her inner self, and thus bearing witness to her own existence. This allows us to understand anorexia nervosa in a Hegelian perspective: the anorexic patient works on her body, so as to stamp it with the seal of her own inner self, determined by her own conscience. This enables her to escape the estrangement of her own raw material body and allows her to inhabit a body she recognises as her own; the workings on her body will also allow her to achieve self-recognition from others. However, this definition does not cover the full extent of anorexia nervosa.
In our opinion, anorexia nervosa appears to be a partly addictive strategy through which the patient attempts to become a socially integrated individual, whilst avoiding a true expression of her inner subjective “self”. We think that the anorexic patient’s notion of self is opaque and ill-defined, hence hard to exteriorize within the object-body. Indeed, how could she express something she does not fully grasp (or maybe, rather, « experience »)? We suggest that anorexia nervosa stems from a fundamental anxiety: that of an undetermined subjectivity, due notably to a predominance of alexithymia in the personality. Interestingly, this lack of subjective self-awareness coexists in our modern western society with a pressure, keenly felt by perfectionist anorexics, to be “someone”, i.e., to become an accomplished individual and be granted social recognition as such. Lastly, as revealed by Hilde Bruche’s work, anorexic people intrinsically suffer from a feeling of “inefficiency”, which makes them convinced they are not really capable of leading autonomous lives and to have a positive impact on the outside world despite their efforts. Achieving thinness therefore brings three outcomes: (a) it provides a substitute identity (a kind of “fake self”) to the anorexic person unable to find out who she is, (b) it allows them, through this substituted identity, to appear like a highly performing individual, admired by others for their self-discipline and high achievement, (c) it allows an immediate relationship to their body and provides an escape from other personal achievement demands, such as work, which confront them with an external reality potentially uncontrollable and unpredictable. On the opposite, the body is perceived as ultimately self-controlled.
Our analyses lead to an understanding of the key stages of recovery, which depend on the patient gaining real autonomy. This autonomy can only be achieved firstly through a capacity by the patient to identify and understand her own inner emotions and develop an immanent “self” awareness, no longer dependent on external parameters, and secondly through an ability to understand signals inherent to her own body and achieve a body shape adapted to the body itself. When the body is no longer forced to be the symbol of a subjectivity based on a weak or non-existent self-awareness (alexithymia), it can then fulfill its own individual norms. This is the criterion of a healthy and normal relationship to one’s body. Thus, a pathological state is that of a body being used as physical proof and compensation for a subjectivity experienced as non-existent and ill defined; whereas a healthy relationship to one’s body is one which follows its own needs, freed from the coercion to be the externalised marker of a subjective state of confusion.
Notre travail comprend la conceptualisation de l’anorexie mentale comme d’une forme de production aliénée de la subjectivité dans le contexte sociologique déterminé de l’individualisme moderne. Nous nous appuyons premièrement sur les travaux de Dorothée Legrand, qui, à partir de la notion phénoménologique de « conscience de soi corporelle », voient dans l’anorexie mentale une rupture des liens typiquement complémentaires entre le corps-comme-sujet (le corps vécu depuis une perspective interne) et le corps-comme-objet (le corps visé, perçu extérieurement, mais aussi en tant qu’il partage une matérialité commune avec d’autres objets). Le sujet anorexique est celui qui, d’après cette conceptualité, cherche à transformer, de manière contrôlée, son corps-objet, afin d’en faire une matérialisation ou expression de sa subjectivité. Paradoxalement, l’amaigrissement et même la « négation » du corps-objet sont « auto-constitutives » en ce sens qu’elles contribuent à exprimer et consolider la subjectivité. Le sujet anorexique s’affirme à travers la modification contrôlée de son corps-objet : il fait de la dimension objective de son corps une sorte de miroir de sa subjectivité. Il peut alors, à partir de cette extériorisation maîtrisée, rechercher la validation de sa condition de sujet par d’autres sujets.
C’est parce que le vécu du corps-sujet est trop faible chez la personne anorexique, et celui du corps-objet hypertrophié, qu’elle tente de contrôler le corps-objet pour en faire un support externe doué d’une capacité expressive du soi et par suite une attestation de sa propre existence. Nous pouvons alors comprendre l’anorexie mentale dans une perspective hégélienne : le sujet anorexique « travaille » son corps pour y apposer le « sceau » de son intériorité, les déterminations de sa conscience. Ce faisant, il arrache à la matérialité brute du corps son caractère d’étrangeté et peut s’y reconnaître ; de même, il peut, à l’issue de son travail, obtenir des autres sujets une reconnaissance. Nous pensons cependant que ce modèle n’épuise pas la compréhension de l’anorexie mentale.
Selon nous, l’anorexie mentale relève plutôt d’une stratégie à composante addictive par laquelle, tout à la fois, le sujet tente de devenir un individu performant sur la scène sociale, et échappe à une réelle expression de sa subjectivité. Nous pensons que le « soi » du sujet anorexique est une notion opaque pour lui, dont les contours sont mal définis, et qu’il ne peut par suite extérioriser les composantes de ce « soi » dans le corps-objet. Comment le pourrait-il, en effet, s’il ne se connaît pas réellement lui-même ? Nous avançons ainsi que l’anorexie mentale procède d’une angoisse fondamentale : celle de l’indétermination de la subjectivité, notamment en raison de la prévalence de l’alexithymie dans la personnalité. Or, cette indétermination subjective interne coexiste, dans les sociétés occidentales modernes, avec l’injonction, intensément ressentie par les sujets anorexiques perfectionnistes, d’être « quelqu’un » – c’est-à-dire de devenir un individu accompli et d’obtenir à ce titre une validation sociale. Enfin, comme le mettent en évidence les travaux de Hilde Bruch, les personnes anorexiques souffrent d’un « sentiment d’inefficacité » intrinsèque, qui les persuade qu’elles ne sont pas réellement capables d’atteindre l’autonomie et d’avoir une incidence positive sur le monde extérieur par leurs efforts. L’amaigrissement joue alors un triple rôle : (a) il délivre une identité de substitution (sorte de « faux-self ») à la personne anorexique qui ne parvient pas à savoir qui elle est, (b) il permet, via cette identité substitutive, d’apparaître comme un individu ultra-performant dont les qualités de discipline et de réussite sont saluées par les autres, (c) il privilégie le rapport immédiat au corps et échappe aux difficultés propres à d’autres formes d’accomplissement individuel, comme le travail, qui mettent le sujet en relation avec une réalité extérieure potentiellement aléatoire et immaîtrisable. Le corps, lui, est a priori directement soumis à la volonté du sujet.
À l’issue de nos analyses, nous pouvons mettre en évidence les articulations nodales de la rémission, qui relèvent de l’acquisition d’une réelle autonomie par le sujet. Celle-ci est indissociable (1) d’une capacité à connaître et à discerner ses états émotionnels internes et à développer une notion immanente du « soi » qui n’est alors plus indexée sur des indices externes ; et (2) corrélativement, d’une aptitude à démêler les signaux inhérents au corps et à atteindre une forme corporelle dont la norme est donnée par le corps lui-même. Quand le corps n’est plus chargé de symboliser une subjectivité dont les notions internes sont trop faibles voire inexistantes (alexithymie et faible sentiment intrinsèque du soi), il peut alors obéir à des normes qui lui sont propres, ce qui constitue le critère du rapport sain au corps. Le rapport pathologique au corps est ainsi celui qui instrumentalise le corps pour en faire la preuve externe compensatoire d’une subjectivité vécue comme inexistante et discontinue ; le rapport sain au corps est celui, qui affranchi de cette finalité d’être le marqueur externe de la subjectivité, peut se régler sur ses propres besoins.
ISSN 0003-4487
https://www.em-consulte.com/article/1451789/l-anorexie-mentale%20-une-fatigue-de-ne-pas-etre-soi
This article understands anorexia nervosa as a strategy for self-production, shaping the body in a certain way to achieve intersubjective recognition. More precisely, it would be a strategy to systematically achieve three objectives characteristic of modern social existence, where individuals are called upon to achieve themselves through their own resources, freeing themselves from any authority. Subjected to the injunction to be “someone”, and to achieve a remarkable individual performance, the anorexic subject would be singularly sensitive to the risks of failure that constitute these two social ideals. Thus, 1) thinness would allow the anorexic subject to avoid the question of his or her identity, by producing through the thin body a type of identity rather than a true subjectivity. Scared at the idea of not being able to define the borders and faculties of the “self”, the anorexic person would hide behind the type of identity suggested by a very slim appearance. 2) Working on their body, the anorexic subject would escape the hazards of conventional forms of work and self-actualization, by choosing a material – their own body – over which they have immediate power and which a priori only tests their will, by suppressing any external, unmanageable hazard. 3) Conscious of the social representations with which leanness is invested, the anorexic subject would control the kind of judgment made on them by others: they would thus escape the risk, normally structural, of not being recognized by the other conscious subjects, or of being misunderstood by them.
Le présent article comprend l’anorexie mentale comme une stratégie visant à se produire soi-même, en modelant le corps d’une manière déterminée, afin d’obtenir une reconnaissance intersubjective. Il s’agirait plus précisément d’une stratégie permettant de systématiser la réussite de trois objectifs caractéristiques de l’existence sociale moderne où les individus sont appelés à se réaliser au moyen de leurs propres ressources, en s’émancipant de toute tutelle. Soumis à l’injonction d’être « quelqu’un », et d’accomplir une performance individuelle remarquée, le sujet anorexique serait singulièrement sensible aux risques d’échec constitutifs de ces deux idéaux sociaux. Ainsi, 1) la maigreur permettrait au sujet anorexique de faire l’économie de la question de son identité, en produisant à travers le corps maigre un type d’identité plutôt qu’une véritable subjectivité. Effrayée à l’idée de ne pas parvenir à cerner les frontières et facultés du « soi », la personne anorexique se retrancherait derrière le type d’identité que suggère une apparence très amincie. 2) Travaillant sur son corps, le sujet anorexique échapperait aux aléas des formes conventionnelles de travail et d’accomplissement de soi, en choisissant un matériau – son propre corps – sur lequel il a un pouvoir immédiat et qui a priori ne met à l’épreuve que sa volonté, en supprimant tout aléa extérieur immaîtrisable. 3) Conscient des représentations sociales dont la maigreur est investie, le sujet anorexique contrôlerait le genre de jugement porté sur lui par les autres : il échapperait ainsi au risque, normalement structurel, de ne pas être reconnu par les autres sujets conscients, ou d’être incompris d’eux.
Yet we will challenge these premises on several grounds:(1) the anorexic, crushed by expectations perceived as unattainable achievements, tries instead to avoid the exaction of being “someone” . (2) skinniness allows him/her to fit into an abstract personal trait rather than assume a specific personality. (3) the anorexic tries to go beyond mere acceptance rather than seek it.
We will then show how the strategy of anorexia meets with its intrinsic failure: skinniness does not work as a work objective, hence the anorexic is alienated in the Marxian sense. Our conclusion will explore the theme of recovery along two possible pathways.
Dans cet article nous examinons les rapports entre anorexie mentale, boulimie et expression de soi. Nous formulons d’abord l’hypothèse que l’anorexique cherche à s’exprimer dans sa maigreur comme le travailleur s’exprime dans l’objet qu’il produit. La démarche anorexique semble ainsi mimétique par rapport à l’activité du travail. Nous critiquons cependant cette idée à différents niveaux : (1) le sujet anorexique, écrasé par un sens disproportionné des réussites qu’il a à accomplir, cherche plutôt à se soustraire à l’exigence d’être « quelqu’un » ; (2) la maigreur exprime davantage un « genre » abstrait de personnalité qu’une subjectivité singulière ; (3) l’anorexique veut plutôt dépasser la demande de reconnaissance qu’obtenir cette dernière. Nous montrons ensuite comment la stratégie anorexique est constitutivement mise en échec : la maigreur ne fonctionne pas comme l’objet du travail, et à ce titre le sujet anorexique est aliéné : sans objets. Notre conclusion esquisse deux axes sur le thème de la guérison.
L’anorexie mentale ne saurait être comprise indépendamment de ses racines dans l’existence antérieure, apparemment non pathologique, du sujet. Si le sujet anorexique semble « tomber malade » gravement, nous voulons montrer ici qu’il en va, dans cette « maladie », autant d’une rigidification de mécanismes défensifs mortifères que d’une tentative de révolte et d’auto-guérison. Ainsi l’anorexie est-elle une tentative désespérée d’échapper au sentiment d’inexistence (et de fausse existence) qui menace d’anéantir complètement le sujet. Ainsi l’organisation compulsive du vide au cœur du jeûne est-elle l’approximation, quoique pathologique, d’une expérience sereine de l’absence, condition de possibilité du lien à l’autre.
Quelques extraits :
Au fondement de tout apprentissage se trouve le vide (cela vaut aussi pour ce qui est de manger). Mais si le vide n'a pas été éprouvé comme tel au début, alors il se transforme en un état à la fois redouté et compulsivement recherché.*
« (…) Que le vide n’ait pas pu être éprouvé comme tel « au début » signifie qu’il n’a pas pu être vécu, dans les premières expériences de l’enfant, comme un état qui précède l’apparition de quelque chose, et, finalement, la satisfaction du besoin et la satiété. C’est dans ce sens que Winnicott peut écrire que « le vide primaire veut seulement dire : avant de commencer à se remplir. »
(…) lorsque l’environnement n’a pas été suffisamment régulier dans ses réactions, l’enfant n’a pas acquis la confiance qui lui permet de tolérer le vide, et celui-ci menace alors d’être permanent. Le vide n’est plus un état annonciateur d’une satisfaction ultérieure : il est pur vide (…). C’est comme si le bébé devait virtuellement rester à tout jamais captif de ce vide, exsangue et affamé, exposé à la mort.
(…)
Dans les anorexies dites « mixtes », celles qui sont associées à des crises de boulimie suivies de vomissements, dénommées ainsi par opposition aux anorexies purement « restrictives » (ascétisme et jeûne exclusifs), la crise d’hyperphagie traduit immanquablement la même logique. Se jeter à tout prix, le plus vite possible et sans discrimination d’aliments, sur des quantités gigantesques de nourriture, répond à l’anxiété basale de ne jamais pouvoir manger. Le sujet anorexique se gave par anticipation, dans l’urgence, tant que la nourriture peut être arrachée au mauvais sort.
(…)
Une personne anorexique avec laquelle j’avais réalisé une série d’entretiens avait ainsi pu me dire qu’au cours de sa guérison, elle avait réussi à se convaincre qu’il n’y avait aucune nécessité réelle de se ruer sur des gâteaux dans une boulangerie, car ceux-ci « ne s’envoleraient pas et seraient toujours là le lendemain ». Aussi absurde que cela puisse paraître, c’est exactement ce changement de disposition d’esprit, qui consiste en apparence seulement à adopter une attitude rationnelle – contre la croyance magique ou superstitieuse que les aliments vont disparaître à tout jamais sous l’effet d’une volonté sadique extérieure au sujet (…) –, qui est au cœur de la rémission. Pour une personne anorexique, de la même manière que le vide peut ne jamais finir, la douleur de la faim peut n’avoir pas de terme, et les aliments peuvent s’envoler.
(…)
Il en va ici de sujets qui, terrifiés à l’idée du vide, préfèrent maintenir structurellement la relation qu’ils ont à un mauvais objet interne, même lorsque la cure analytique leur a permis de s’en détacher. La raison en est qu’ils n’ont pas d’autres repères relationnels et que l’état de transition entre l’ancien conditionnement et la possibilité d’une expérience inter et intrasubjective nouvelle se traduit par un vide intolérable. Ce vide transitoire est, au demeurant, caractéristique de nombreux progrès dans la cure analytique. Les patients s’attacheront alors à recréer le mauvais objet – c’est-à-dire à le retrouver dans l’expérience et à le répliquer à nouveau sous une forme internalisée – pour ne pas vivre dans l’angoisse morbide qu’au vide ne succède jamais rien. (…)
Comment, alors, permettre à ces patients d’échapper au pire, c’est-à-dire à la réaction désespérée à la répétition de la relation au mauvais objet interne qui finit par être vécue sur le mode de la fatalité : « l’aspiration au non-être, dans l’expression d’une auto-suffisance idéale qui se réduit progressivement jusqu’à l’anéantissement »** ? Comment contrer cette logique du désespoir ? Deux pistes apparaissent à mes yeux. (...). »
*D. W. Winnicott, « La crainte de l'effondrement », La crainte de l’effondrement et autres situations cliniques, Gallimard, Paris, 2000 [1989].
**André Green, La folie privée, Psychanalyse des cas-limites, II, « L’analyste, la symbolisation et l’absence dans le cadre analytique », Gallimard, Paris, 1990.
https://margauxmerand.fr/2024/06/23/la-jeune-femme-devant-la-sauvagerie-masculine/
Cette situation est retorse puisqu’analyste et patient doivent contenir, aussi bien, le risque suicidaire élevé qui est lié à l’angoisse de l’état de désorganisation, au moment où le cœur du travail se fait ; et celui qui sera lié, plus tard et une fois la cure significativement avancée, à la prise de conscience du patient de l’étendue de l’existence antérieure qu’il aura menée dans un état de mort-vivant, déconnecté, non seulement de son expérience, mais également d’autant de « parties » de lui-même qui avaient été enterrées. Ce deuxième « danger » n’est peut-être pas suffisamment étudié et concerne l’état de sidération, ou de tristesse spécifique, qui vient avec la rupture introduite dans le mode d’être du patient lorsque la cure a précisément… réussi ! »
Un article à retrouver dans le #4 de la revue Huis Clos : https://www.editionshuisclos.com/product-page/revue-huis-clos-4
https://zone-critique.com/2023/05/24/olivia-resenterra-laura-du-lieu/?fbclid=IwAR0oiWKVSdQLe61H6FWkkFXrHcRx108L0-P8eEAo6o1TyqDWg_69ZCW3CVo
Je propose une analyse de la nouvelle Un Jeûneur de Kafka, en lien notamment avec les concepts winnicottiens de vrai self et de faux self.
« C’est une bien curieuse situation que celle du jeûneur, qui s’enorgueillit de ce que les autres seraient incapables de pratiquer son art avec la même radicalité, et qui reconnaît finalement que ce qui les en rend incapables, c’est de connaître, quant à eux, des sources de satisfaction dans l’existence. Si le jeûneur peut jeûner, et si les autres n’y parviendraient pas, c’est parce qu’ils ne partagent pas les mêmes conditions initiales : les autres aiment vivre ; lui pas. Il pense donc n’avoir aucun mérite à « sacrifier » un plaisir de toute manière inexistant. Il pense avoir d’autant moins de mérite que ce sacrifice apparent est, en réalité, une tentative d’apaisement. Chose intéressante : si les personnages kafkaïens sont confrontés, je le disais, à la terreur d’une incompréhension du monde, d’une distorsion malveillante des causes et des effets, force est de constater ici que c’est le jeûneur lui-même qui avoue n’être pas dupe de sa propre inversion des apparences et des réalités. Mais cette distorsion a bien la véracité paradoxale que Philip Roth prêtait à l’illusion romanesque : le jeûne est, pour l’artiste de Kafka, une manière de vivre plus fidèle à son désir, serait-ce imparfaitement, que ne le serait une existence sans jeûne. Ce désir demeure toutefois manqué (...).
Je fais l’hypothèse que l’aliment que le jeûneur n’a pas trouvé, c’est lui-même. Le jeûneur souffre d’une absence de contact, ou communication, avec ce que Winnicott appellerait son « vrai self », le noyau de son identité réelle. Il déplore cette méconnaissance de lui-même en la projetant de manière fantasmée, et angoissée, sur le monde extérieur : « le monde » le renvoie à un trop-plein d’incompréhension auquel il répond par un désengagement de l’existence dans le jeûne. Un retrait actif néanmoins puisqu’il continue à attendre du « monde » une reconnaissance. »
Cet article propose d’envisager Légère de Marie Claes, le récit d’une jeune adolescente anorexique, comme un texte qui montre particulièrement que l’anorexie mentale, loin d’être la manifestation d’une pulsion de mort, est d’abord un excès d’auto-conservation, une quête d’immortalité et de permanence.
Cet article propose de lire Les liens artificiels de Nathan Devers en miroir avec les concepts de Peter Sloterdijk destinés à décrire la vie psychique de l’individu moderne vivant seul en appartement. De l’appartement-monde à l’ « Antimonde » de Nathan Devers, il en va bien de l’écriture d’une solitude définie non plus comme absence de relation mais comme relation du Moi au moi virtuel.
L’ouvrage Nom de Constance Debré, publié aux éditions Flammarion, est ici considéré comme une littérature de la pensée anarchiste en acte, caractérisée par une forme de subversion non consensuelle et idiosyncrasique. Notre article s’efforce notamment de montrer en quoi l’écriture de Debré, par la revalorisation qu’elle opère du libre-arbitre et du jugement rationnel, exhibe les écueils et les limites inhérentes à la discipline psychanalytique.
Our research includes a conceptual definition of anorexia nervosa as an alienated by-product of subjectivity within the determined sociological context of modern individualism. We base our study on the findings of Dorothée Legrand who, starting from the phenomenological notion of “bodily self-consciousness”, reaches a vision of anorexia nervosa as a rupture of the typical relationship between the ‘‘body-as-subject’’ (the body perceived from the inside) and the ‘‘body-as-object’’ (the body perceived and targeted from the outside, as sharing its existence with other external objects). According to this definition, an anorexic patient seeks to transform, in a controlled fashion, her own object-body in order to turn it into a material expression of her subjectivity. Paradoxically, losing weight and becoming thin, even to the point of reaching a negation of the object-body, are inherent parts of the process insofar as they contribute to expressing and consolidating the patient’s subjectivity. The anorexic patient’s self-affirmation is achieved through the controlled modification of her object-body: she uses her objective dimension as a mirror of her own subjectivity. She is then able, from that exteriorised controlled manifestation, to seek self-recognition from others.
The fact that the awareness of the subject-body is too weak in an anorexic patient, as opposed to an overpowering object-body, leads her into trying to control the object-body in an attempt to turn it into an external prop for expressing her inner self, and thus bearing witness to her own existence. This allows us to understand anorexia nervosa in a Hegelian perspective: the anorexic patient works on her body, so as to stamp it with the seal of her own inner self, determined by her own conscience. This enables her to escape the estrangement of her own raw material body and allows her to inhabit a body she recognises as her own; the workings on her body will also allow her to achieve self-recognition from others. However, this definition does not cover the full extent of anorexia nervosa.
In our opinion, anorexia nervosa appears to be a partly addictive strategy through which the patient attempts to become a socially integrated individual, whilst avoiding a true expression of her inner subjective “self”. We think that the anorexic patient’s notion of self is opaque and ill-defined, hence hard to exteriorize within the object-body. Indeed, how could she express something she does not fully grasp (or maybe, rather, « experience »)? We suggest that anorexia nervosa stems from a fundamental anxiety: that of an undetermined subjectivity, due notably to a predominance of alexithymia in the personality. Interestingly, this lack of subjective self-awareness coexists in our modern western society with a pressure, keenly felt by perfectionist anorexics, to be “someone”, i.e., to become an accomplished individual and be granted social recognition as such. Lastly, as revealed by Hilde Bruche’s work, anorexic people intrinsically suffer from a feeling of “inefficiency”, which makes them convinced they are not really capable of leading autonomous lives and to have a positive impact on the outside world despite their efforts. Achieving thinness therefore brings three outcomes: (a) it provides a substitute identity (a kind of “fake self”) to the anorexic person unable to find out who she is, (b) it allows them, through this substituted identity, to appear like a highly performing individual, admired by others for their self-discipline and high achievement, (c) it allows an immediate relationship to their body and provides an escape from other personal achievement demands, such as work, which confront them with an external reality potentially uncontrollable and unpredictable. On the opposite, the body is perceived as ultimately self-controlled.
Our analyses lead to an understanding of the key stages of recovery, which depend on the patient gaining real autonomy. This autonomy can only be achieved firstly through a capacity by the patient to identify and understand her own inner emotions and develop an immanent “self” awareness, no longer dependent on external parameters, and secondly through an ability to understand signals inherent to her own body and achieve a body shape adapted to the body itself. When the body is no longer forced to be the symbol of a subjectivity based on a weak or non-existent self-awareness (alexithymia), it can then fulfill its own individual norms. This is the criterion of a healthy and normal relationship to one’s body. Thus, a pathological state is that of a body being used as physical proof and compensation for a subjectivity experienced as non-existent and ill defined; whereas a healthy relationship to one’s body is one which follows its own needs, freed from the coercion to be the externalised marker of a subjective state of confusion.
Notre travail comprend la conceptualisation de l’anorexie mentale comme d’une forme de production aliénée de la subjectivité dans le contexte sociologique déterminé de l’individualisme moderne. Nous nous appuyons premièrement sur les travaux de Dorothée Legrand, qui, à partir de la notion phénoménologique de « conscience de soi corporelle », voient dans l’anorexie mentale une rupture des liens typiquement complémentaires entre le corps-comme-sujet (le corps vécu depuis une perspective interne) et le corps-comme-objet (le corps visé, perçu extérieurement, mais aussi en tant qu’il partage une matérialité commune avec d’autres objets). Le sujet anorexique est celui qui, d’après cette conceptualité, cherche à transformer, de manière contrôlée, son corps-objet, afin d’en faire une matérialisation ou expression de sa subjectivité. Paradoxalement, l’amaigrissement et même la « négation » du corps-objet sont « auto-constitutives » en ce sens qu’elles contribuent à exprimer et consolider la subjectivité. Le sujet anorexique s’affirme à travers la modification contrôlée de son corps-objet : il fait de la dimension objective de son corps une sorte de miroir de sa subjectivité. Il peut alors, à partir de cette extériorisation maîtrisée, rechercher la validation de sa condition de sujet par d’autres sujets.
C’est parce que le vécu du corps-sujet est trop faible chez la personne anorexique, et celui du corps-objet hypertrophié, qu’elle tente de contrôler le corps-objet pour en faire un support externe doué d’une capacité expressive du soi et par suite une attestation de sa propre existence. Nous pouvons alors comprendre l’anorexie mentale dans une perspective hégélienne : le sujet anorexique « travaille » son corps pour y apposer le « sceau » de son intériorité, les déterminations de sa conscience. Ce faisant, il arrache à la matérialité brute du corps son caractère d’étrangeté et peut s’y reconnaître ; de même, il peut, à l’issue de son travail, obtenir des autres sujets une reconnaissance. Nous pensons cependant que ce modèle n’épuise pas la compréhension de l’anorexie mentale.
Selon nous, l’anorexie mentale relève plutôt d’une stratégie à composante addictive par laquelle, tout à la fois, le sujet tente de devenir un individu performant sur la scène sociale, et échappe à une réelle expression de sa subjectivité. Nous pensons que le « soi » du sujet anorexique est une notion opaque pour lui, dont les contours sont mal définis, et qu’il ne peut par suite extérioriser les composantes de ce « soi » dans le corps-objet. Comment le pourrait-il, en effet, s’il ne se connaît pas réellement lui-même ? Nous avançons ainsi que l’anorexie mentale procède d’une angoisse fondamentale : celle de l’indétermination de la subjectivité, notamment en raison de la prévalence de l’alexithymie dans la personnalité. Or, cette indétermination subjective interne coexiste, dans les sociétés occidentales modernes, avec l’injonction, intensément ressentie par les sujets anorexiques perfectionnistes, d’être « quelqu’un » – c’est-à-dire de devenir un individu accompli et d’obtenir à ce titre une validation sociale. Enfin, comme le mettent en évidence les travaux de Hilde Bruch, les personnes anorexiques souffrent d’un « sentiment d’inefficacité » intrinsèque, qui les persuade qu’elles ne sont pas réellement capables d’atteindre l’autonomie et d’avoir une incidence positive sur le monde extérieur par leurs efforts. L’amaigrissement joue alors un triple rôle : (a) il délivre une identité de substitution (sorte de « faux-self ») à la personne anorexique qui ne parvient pas à savoir qui elle est, (b) il permet, via cette identité substitutive, d’apparaître comme un individu ultra-performant dont les qualités de discipline et de réussite sont saluées par les autres, (c) il privilégie le rapport immédiat au corps et échappe aux difficultés propres à d’autres formes d’accomplissement individuel, comme le travail, qui mettent le sujet en relation avec une réalité extérieure potentiellement aléatoire et immaîtrisable. Le corps, lui, est a priori directement soumis à la volonté du sujet.
À l’issue de nos analyses, nous pouvons mettre en évidence les articulations nodales de la rémission, qui relèvent de l’acquisition d’une réelle autonomie par le sujet. Celle-ci est indissociable (1) d’une capacité à connaître et à discerner ses états émotionnels internes et à développer une notion immanente du « soi » qui n’est alors plus indexée sur des indices externes ; et (2) corrélativement, d’une aptitude à démêler les signaux inhérents au corps et à atteindre une forme corporelle dont la norme est donnée par le corps lui-même. Quand le corps n’est plus chargé de symboliser une subjectivité dont les notions internes sont trop faibles voire inexistantes (alexithymie et faible sentiment intrinsèque du soi), il peut alors obéir à des normes qui lui sont propres, ce qui constitue le critère du rapport sain au corps. Le rapport pathologique au corps est ainsi celui qui instrumentalise le corps pour en faire la preuve externe compensatoire d’une subjectivité vécue comme inexistante et discontinue ; le rapport sain au corps est celui, qui affranchi de cette finalité d’être le marqueur externe de la subjectivité, peut se régler sur ses propres besoins.
ISSN 0003-4487
https://www.em-consulte.com/article/1451789/l-anorexie-mentale%20-une-fatigue-de-ne-pas-etre-soi
This article understands anorexia nervosa as a strategy for self-production, shaping the body in a certain way to achieve intersubjective recognition. More precisely, it would be a strategy to systematically achieve three objectives characteristic of modern social existence, where individuals are called upon to achieve themselves through their own resources, freeing themselves from any authority. Subjected to the injunction to be “someone”, and to achieve a remarkable individual performance, the anorexic subject would be singularly sensitive to the risks of failure that constitute these two social ideals. Thus, 1) thinness would allow the anorexic subject to avoid the question of his or her identity, by producing through the thin body a type of identity rather than a true subjectivity. Scared at the idea of not being able to define the borders and faculties of the “self”, the anorexic person would hide behind the type of identity suggested by a very slim appearance. 2) Working on their body, the anorexic subject would escape the hazards of conventional forms of work and self-actualization, by choosing a material – their own body – over which they have immediate power and which a priori only tests their will, by suppressing any external, unmanageable hazard. 3) Conscious of the social representations with which leanness is invested, the anorexic subject would control the kind of judgment made on them by others: they would thus escape the risk, normally structural, of not being recognized by the other conscious subjects, or of being misunderstood by them.
Le présent article comprend l’anorexie mentale comme une stratégie visant à se produire soi-même, en modelant le corps d’une manière déterminée, afin d’obtenir une reconnaissance intersubjective. Il s’agirait plus précisément d’une stratégie permettant de systématiser la réussite de trois objectifs caractéristiques de l’existence sociale moderne où les individus sont appelés à se réaliser au moyen de leurs propres ressources, en s’émancipant de toute tutelle. Soumis à l’injonction d’être « quelqu’un », et d’accomplir une performance individuelle remarquée, le sujet anorexique serait singulièrement sensible aux risques d’échec constitutifs de ces deux idéaux sociaux. Ainsi, 1) la maigreur permettrait au sujet anorexique de faire l’économie de la question de son identité, en produisant à travers le corps maigre un type d’identité plutôt qu’une véritable subjectivité. Effrayée à l’idée de ne pas parvenir à cerner les frontières et facultés du « soi », la personne anorexique se retrancherait derrière le type d’identité que suggère une apparence très amincie. 2) Travaillant sur son corps, le sujet anorexique échapperait aux aléas des formes conventionnelles de travail et d’accomplissement de soi, en choisissant un matériau – son propre corps – sur lequel il a un pouvoir immédiat et qui a priori ne met à l’épreuve que sa volonté, en supprimant tout aléa extérieur immaîtrisable. 3) Conscient des représentations sociales dont la maigreur est investie, le sujet anorexique contrôlerait le genre de jugement porté sur lui par les autres : il échapperait ainsi au risque, normalement structurel, de ne pas être reconnu par les autres sujets conscients, ou d’être incompris d’eux.
Yet we will challenge these premises on several grounds:(1) the anorexic, crushed by expectations perceived as unattainable achievements, tries instead to avoid the exaction of being “someone” . (2) skinniness allows him/her to fit into an abstract personal trait rather than assume a specific personality. (3) the anorexic tries to go beyond mere acceptance rather than seek it.
We will then show how the strategy of anorexia meets with its intrinsic failure: skinniness does not work as a work objective, hence the anorexic is alienated in the Marxian sense. Our conclusion will explore the theme of recovery along two possible pathways.
Dans cet article nous examinons les rapports entre anorexie mentale, boulimie et expression de soi. Nous formulons d’abord l’hypothèse que l’anorexique cherche à s’exprimer dans sa maigreur comme le travailleur s’exprime dans l’objet qu’il produit. La démarche anorexique semble ainsi mimétique par rapport à l’activité du travail. Nous critiquons cependant cette idée à différents niveaux : (1) le sujet anorexique, écrasé par un sens disproportionné des réussites qu’il a à accomplir, cherche plutôt à se soustraire à l’exigence d’être « quelqu’un » ; (2) la maigreur exprime davantage un « genre » abstrait de personnalité qu’une subjectivité singulière ; (3) l’anorexique veut plutôt dépasser la demande de reconnaissance qu’obtenir cette dernière. Nous montrons ensuite comment la stratégie anorexique est constitutivement mise en échec : la maigreur ne fonctionne pas comme l’objet du travail, et à ce titre le sujet anorexique est aliéné : sans objets. Notre conclusion esquisse deux axes sur le thème de la guérison.
Un deuxième axe serait de se demander dans quelle mesure une norme de santé idéale peut être dégagée à partir de l’analyse de nos normes alimentaires empiriques actuelles. À l’image de Rousseau qui, dans son Second Discours, pose l’état naturel comme repère normatif heuristique et ultime quant à ce qui est sain et ce qui ne l’est pas, – les manières de manger introduites par le processus civilisationnel étant décrites comme dégénérées, tantôt dans l’excès constant des riches, tantôt dans le défaut qui mène à des excès ponctuels chez les pauvres –, pourrions-nous déterminer ce qu’est un rapport sain au corps et à la nourriture objectivement, en dépassant le simple critère de la « normalité » sociale ?
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