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Henri Wallon, une théorie originale de la conscience

2019

Henri Wallon, professeur au Collège de France, ministre de l'éducation dans le gouvernement provisoire de Charles De Gaulle à la libération, fondateur de la revue "Enfance", Philosophe, médecin et psychologue, il a été contemporain de Jean Piaget et de Sigmund Freud. Sa théorie de la conscience est construite sur le modèle marxiste de la matière et s'oppose à celle de Piaget (qui n'est pas psychologue mais un épistémologue) qui est une théorie du "savoir".

Henri Wallon, une théorie originale de la conscience. 1 Henri Wallon (1879-1962) est issu d’une famille engagée politiquement. Il est le petit-fils d’Henri Wallon (18121904), député, ministre, sénateur et « père de la 3ème République ». A la fin de la seconde guerre mondiale, en 1944, il se retrouve, à son tour, ministre de l’éducation dans le gouvernement provisoire présidé par Charles De Gaulle, puis sera ensuite élu député. Henri Wallon est le fondateur du laboratoire de psychobiologie de l’enfant et de la revue « Enfance ». Il est aussi à l’origine d’une importante réforme du système éducatif avec Paul Langevin. (De nombreux établissements scolaires portent son nom ou ces deux noms). Il sera enfin nommé professeur au Collège de France. Il fera dans un premier temps des études de philosophie, puis dans un second temps un cursus de médecine. Les premières lui donneront à la fois l’importance du milieu, du social et des autres ; les secondes du biologique. Sa définition de l’individu se résume ainsi : c’est du biologique plongé, immergé dans du social. Nous 2 avons déjà là un grand principe de la pensée wallonienne qui fonctionnera toujours d’une manière couplée. Le couple (ici formé par le social et le biologique) sera toujours analysé en terme dialectique. Il refusera toujours le concept d’orthogenèse (cher à Jean Piaget et Sigmund Freud) car, si le biologique peut paraître relativement stable à l’échelle d’une ou deux générations, le social lui est en perpétuelle transformation. L’individu sera donc différent et sera condamné à évoluer, p o s i t i v e m e n t , constamment. Ainsi l’enfant de 2016 est différent de celui de 1925, car le milieu dans lequel il évolue a considérablement changé en bien et n’est plus le même. La théorie d’ Henri Wallon est une théorie de la conscience. Il souhaite montrer comment la conscience apparaît, se forme et se construit au cours du développement de l’individu. Le sens philosophique qu’il donne au développement est le suivant : l’enfant est initialement un être social. Totalement dépendant du milieu pour sa survie, l’enfant va progressivement s’ « individuer » et devenir un être autonome. Mais ce développement n’est pas linéaire, il se fait par crises successives, c’est-à-dire par ruptures d’un système couplé (soit A > B, soit B > A, mais jamais A = B). 1. Une théorie de la conscience Henri Wallon se demande d’où provient la conscience, c'est-à-dire le psychisme ou la conscience de soi. Fidèle au matérialisme dialectique il considère que la conscience de l’individu est une émergence progressive de la matière en pleine transformation. Il nous propose donc d’étudier la matière et d’y voir émerger les 3 prémices d’un psychisme. Qu’est-ce qu’un nouveau-né ? C’est, d’une manière lapidaire, trois kilogrammes de matière en mouvement. Il va donc se livrer à une analyse minutieuse des mouvements que fait le bébé dès la naissance. Ceux-ci semblent pour lui se diriger dans deux directions opposées : le tonus musculaire et le clonus musculaire. Le tonus musculaire, premier aspect du mouvement, permet le maintien des postures et des attitudes. Il s’enracine dans la musculature lisse et les sensibilités intéroceptives (pondérales et viscérales) et proprioceptives (sous cutanées) en assurent le dosage et la fonction. Il exerce une force de type centripète, centrée sur le corps propre, occupée à gérer le maintien postural. Le second aspect du mouvement est le clonus musculaire qui se traduit par un rallongement ou un raccourcissement de la musculature striée. Il permet le déplacement du corps (la locomotion) et celui des objets (la préhension) et les sensibilités qui le gèrent sont extéroceptives (les 5 sens). Il exerce une force de type centrifuge permettant d’établir des rapports entre l’individu et son milieu. Nous avons là un second couple fonctionnel (tonus/clonus) qui conformément à la dialectique wallonienne ne sera jamais en équilibre c'est-à-dire : ou le tonus l’emporte sur le clonus, ou c’est l’inverse, mais nous n’aurons jamais tonus = clonus. Henri Wallon va observer dans ces mouvements opposés les prémices du psychisme et de la conscience : le tonus, centripète, va être en charge du développement de l’affectivité et de la personne et le clonus, centrifuge, du développement de la sociabilité et de l’intelligence. Nous observons ici que contrairement à Jean Piaget (théorie du savoir) qui n’étudie que le développement des processus cognitifs chez l’enfant, Henri Wallon va étudier l’individu dans sa totalité (affectivité, personne, sociabilité et intelligence). Ces quatre aspects sont toujours présents à chaque moment du développement. Il y a simplement 4 une loi de prépondérance fonctionnelle (Tonus>Clonus, Clonus>Tonus) et une loi d’alternance fonctionnelle (si le tonus domine en 1, c’est obligatoirement le clonus qui dominera en 2, et ainsi de suite). Le développement de l’individu est donc pour Wallon une succession d’alternances de prépondérances fonctionnelles. 2. Les stades chez Henri Wallon. Henri Wallon n’est pas le seul à avoir imaginé et construit des stades de développement. Toutes les théories de la genèse de l’individu ont recours à ce concept de stade. Ce qui va changer c’est le sens philosophique, le nombre, les noms et les contenus. Sigmund Freud, Jean Piaget, Arnold Gesell et Henri Wallon vont chacun décliner le développement en ayant recours à ce concept cardinal en psychologie. Le sens : exemple, pour Jean Piaget qui étudie l’intelligence, l’enfant va d’un égocentrisme initial à une socialisation. Henri Wallon montrera que l’enfant est d’abord social et va s’autonomiser. Le nombre : exemple, pour Sigmund Freud il y a 5 stades « obligés » et chez Arnold Gesell 24, etc. Revenons aux stades de Henri Wallon. Ils vont se développer de part et d’autre d’un axe de vie qui part d’une socialisation syncrétique (le nouveau-né est social, pour des raisons vitales et biologiques : il a besoin de son milieu pour exister et le représentant le plus important en est sa mère) à une autonomie et une individuation. De part et d’autre de cet axe les stades vont se succéder en alternance de la naissance à l’âge de seize ans, donnant ainsi l’impression d’un développement en dents de scie. Il n’y a pas grand-chose de psychologique qui se 5 passe avant la naissance pour Henri Wallon. Le biologique est le plus important. Le premier stade est appelé impulsif et émotionnel et couvre la première année (impulsif 0-3 mois et émotionnel 3-12 mois). Il se trouve du côté du tonus, ce qui veut dire que la prépondérance est donnée au développement affectif et à la personne. Le terme impulsif est dû aux réflexes archaïques, sorte de décharges motrices pures qui préfigurent, la maturation aidant, des réponses qui deviendront émotionnelles. L’émotion, pour Henri Wallon est d’origine tonique. Elle prend sa source dans le tonus postural et sera la première forme de communication du nouveau-né avec son entourage. Social, dépendance, parasitisme radical. Autonomie, individuation, identité. Figure 33 : axe de vie et sens du développement chez Henri Wallon. L’enfant est pour Henri Wallon une sorte de résonateur musculaire qui vibre en phase avec le tonus émotionnel de la mère qui est à cette époque la représentante principale du milieu dans lequel il vit. Le nouveau-né pille et imite déjà le tonus de son environnement immédiat. Il calque son tonus sur celui de sa mère. Nous sommes ici en plein dans ce « dialogue tonique » décrit par Julian De Ajuriaguerra1, qui va permettre la construction des prémices de sa personnalité en s’enracinant 1 Neuropsychiatre et psychanalyste, il succédera à Henri Wallon au collège de France. Il est, bien que psychanalyste, le disciple et le continuateur de l’œuvre d’Henri Wallon. 6 dans le modèle émotionnel maternel. Et vers la fin de la première année, le stade émotionnel se modifie progressivement : le tonus s’efface pour permettre à l’activité clonique de prendre le dessus et l’apparition de la marche en est le signe majeur. Le second stade, appelé Sensori-moteur et Projectif commence donc au début de la seconde année. Il s’agit d’un stade Centrifuge, c'est-à-dire qui donne le prima du clonus cinétique au développement. CENTRIPETE Tonus musculaire Sensibilités: maintien postures & attitudes intéro et proprioceptives Clonus musculaire locomotion. Sensibilités Déplacement du corps : Extéroceptives Déplacements des objets : Préhension. CENTRIPETE Figure 34 : Répartition du tonus (centripète) et du clonus (centrifuge) de part et d’autre de l’axe de vie. Autrement dit c’est la sociabilité et l’intelligence qui vont se développer en importance. Mais nous n’aurons jamais chez H. Wallon de stades purement sociaux ou intellectuels, pas plus que de stades affectifs et centrés sur le développement de la personne : ces quatre aspects de ce qui forment l’individu sont toujours présents ensemble mais sont soumis à la loi de l’alternance de prépondérance fonctionnelle. Ce second stade est lui aussi divisé en deux demi stades : la partie sensori-motrice (12 7 à 18 mois) et la partie Projective (18 à 36 mois) Les progrès entre 12 et 18 mois sont d’ordre social et intellectuel. En effet, l’évolution psychomotrice permet à l’enfant d’aller ou de ne pas aller volontairement vers autrui grâce à la marche. Cette locomotion lui permet d’investir aussi l’espace environnant et les objets qui le composent. A partir de 18 mois, l’apparition de la fonction sémiotique lui permet de développer l’intelligence et ses représentations. CENTRIPETE TONUS MUSCULAIRE Sensibilités intéro et Proprioceptives Maintien des postures et des attitudes STADE 1 IMPULSIF (0-3 mois) puis EMOTIONNEL (3-12 MOIS) TONUS POSTURAL CLONUS MUSCULAIRE Sensibilités extéroceptives Déplacements du corps et Des objets (locomotion et Préhension) CLONUS CINETIQUE CENTRIFUGE STADE 2 SENSORI MOTEUR (12 – 18 mois) puis PROJECTIF (18 – 36 MOIS) Figure 35 : Alternance de prépondérance fonctionnelle entre le premier et le second stade. Le troisième stade (le personnalisme) commence à trois ans. Il réinvestit le tonus postural et reste centré sur le développement de l’affectivité et de la personne. C’est ici que la conscience de soi se consolide. Elle est le résultat de la convergence de deux couples fondamentaux : la conscience d’autrui qui précède, prépare et permet la conscience de soi et la 8 conscience du corps qui permet, en la précédant, la conscience de soi. Le personnalisme montre que l’enfant passe par des phases d’imitation des modèles adultes aimés et une phase d’opposition très importante pour la construction de soi, de ces mêmes modèles. Le langage qui passe du « il » au « je » traduit cette affirmation de la conscience de soi. Le stade catégoriel est le quatrième stade. L’intelligence (c’est l’âge universel de la scolarité obligatoire : 6 ans) et les relations sociales sont les aspects dominants de cette période qui va jusqu’à douze ans. Ce stade rebascule du côté du clonus cinétique et les catégories opératoires qui se développent ici sont fondées sur le couple. Figure 36 : Les cinq stades du développement. T 1. Stade Impulsif et Emotionnel 3. Stade du Personnalisme 5. Stade de l’Adolescence C 2. Stade Sensori moteur et Projectif 4. Stade Catégoriel 9 Le premier couple opératoire est la tautologie (A=A). Si l’on demande à l’enfant ce qu’est la pluie, il répondra : la pluie c’est de la pluie. Puis le couple dépasse la tautologie (A=A) par, la pluie c’est du vent, par exemple, (A=B). Enfin le dépassement du couple est la série, etc. Et les mécanismes d’identification de la conscience évoluent et le groupes (les copains) sont investis : la vie sociale est à son apogée. A partir de la puberté (obligation biologique de l’espèce), on change à nouveau de prépondérance. Le tonus postural reprend le dessus : C’est le stade de l’adolescence (résultat de processus sociaux) ultime étape de la construction de la conscience de soi et qui va de douze à seize ans. Elle est ponctuée par des crises identitaires importantes (crises d’adolescence) nécessaires pour devenir adulte. Tout se passe comme si l’adolescent pour devenir adulte passait par une phase d’opposition (seconde crise après celle du personnalisme) à l’adulte pour enfin devenir conforme à celui-ci. On y retrouve aussi la problématique de l’image et de la conscience du corps (transformations staturales énormes), de l’imitation et de l’identification à de nouveaux modèles héroïques (acteurs, chanteurs, etc.) et de l’opposition quasi systématique. Cependant cette seconde crise d’opposition fait tache d’huile ne se limitant plus aux parents mais semble remettre en cause toute la société. Ce stade marque pour Henri Wallon l’achèvement de la conscience de soi qui est maintenant temporelle : l’adolescent devient capable de se projeter dans le futur. En résumé, le développement de l’individu pour Henri Wallon est ponctué de crises de croissance (rupture de l’homéostasie ou 10 entropie) nécessaires à la construction de l’affectivité, de la personne, de l’intelligence et de la sociabilité. Il semble toutefois que Henri Wallon soit plus intéressé par les aspects relevant de la fonction « tonico-posturale » que ceux relevant du « clonicocinétique » : en effet trois stades sont consacrés aux prémices de la conscience de soi (émotionnel), à son apparition (personnalisme) et à son achèvement (adolescence) alors que deux seulement semblent nécessaires à la formation de l’intelligence et de la sociabilité. 3. l’image spéculaire Cas particulier de l’étude et de la théorie de la conscience de soi chez Henri Wallon, l’image spéculaire (l’image de soi dans un miroir) est exemplaire de sa démarche intellectuelle. Le dispositif est très simple : un enfant et un miroir sont suffisants. Exemplaire car il répond point par point à la dialectique de la genèse de la conscience de soi. Tout d’abord nous, adultes, savons que les mouvements du l’image dans un miroir sont tributaires des mouvements du modèle : Si je bouge l’image va bouger en même temps. Nous savons aussi que l’image d’un miroir est une image inversée par rapport au modèle. L’image de ma main droite est du même côté de l’hémi plan que ma vraie main. L’enfant va devoir faire toutes ses expériences pour s’approprier son image du corps. Devant le miroir, l’enfant est le modèle. Il s’enracine donc dans des sensations de types intéroceptives et proprioceptives qui relèvent donc d’une activité « tonico-posturale ». 11 En face de lui, c’est-à-dire dans le miroir, il voit une image (visuelle = extéroceptive) qui relève donc de l’activité « clonicocinétique ». Si Henri Wallon a raison, l’enfant va d’abord voir dans le miroir en face de lui un autre enfant différent de lui-même (La conscience de l’autre précède la conscience de soi). Comment va-t-il progressivement s’approprier cette image pour la faire sienne ? Vingt sept mois sont nécessaires pour qu’il comprenne que cette image visuelle est bien la sienne. Autrement dit l’appropriation de l’image spéculaire (qui passe par la conscience somatique de luimême consubstantielle de celle de l’autre) lui permet de prendre conscience psychologiquement de lui et entrer ainsi dans le stade du personnalisme (conscience objective de soi). L’appropriation de l’image spéculaire se fait par une succession d’étapes qui suivent les stades du développement. A trois mois les réactions du nourrisson devant le miroir sont indiscutablement des réactions sociales. L’image est donc bien celle d’un autre. A huit mois apparaît le retournement. Le dispositif est le suivant : un adulte se tient derrière le bébé en restant silencieux. L’enfant voit dans le miroir deux choses : un autre bébé (son image) et un adulte. Puis l’adulte fait du bruit : le bébé se retourne vers la source sonore et voit l’adulte. Et dans le miroir, l’adulte ne sera plus qu’une image. Dès que l’enfant verra par la suite quelque chose dans le miroir (une personne, un objet, etc.), il se retournera systématiquement. Il y a généralisation du processus en même temps qu’il y a un décalage (un conflit, donc un déséquilibre). En effet l’image de l’enfant reste toujours celle d’un autre enfant alors que celle de l’adulte n’est qu’une image renvoyant à un autre. Vers douze mois nous assistons à une première expérimentation active : l’enfant se déplace vers le miroir, joue avec l’autre qui s’y trouve et ne réussissant pas à le toucher et l’attraper va voir 12 derrière le miroir. A dix huit mois, en prenant simplement l’enfant sur ses genoux devant le miroir, l’adulte va angoisser l’enfant jusqu’à le faire pleurer. Pourquoi ? L’enfant sait dans son tonus musculaire qu’il est sur les genoux du même adulte. Il y a conflit entre le proprioceptif (tonus) et l’extéroceptif (vision) d’où l’apparition de l’angoisse. Vers vingt deux mois, c’est une seconde phase d’expérimentation active qui apparaît. L’enfant va tester l’autre dans l’image, le prendre en défaut. Il va suspendre ses propres mouvements pour voir ce que fait l’autre. Il va ainsi comprendre que l’autre est tributaire du miroir et n’existe que dans la glace et cet autre devient un autre privilégié car toujours le même. A vingt cinq mois commence une phase d’évitement de l’image qui est dans le miroir. L’enfant se bloque, ne joue plus avec l’autre, n’ose plus le regarder. Henri Wallon pense que c’est le résultat d’un conflit perceptif entre les éléments en faveur d’un autre et les indices aussi nombreux en faveur de soi. Vers vingt sept mois enfin, c’est l’appropriation de l’image spéculaire sous forme d’ « insight ». Il jubile narcissiquement parce qu’il sait maintenant que l’image est celle de lui. Il va aussi s’appeler par son prénom. A partir de là l’enfant va sembler régresser devant la glace : il devient maladroit et gauche. Mais cette maladresse apparente est 13 la traduction d’un énorme progrès : il est devenu capable de réunir les informations d’origine toniques et cloniques. Autrement dit, il se sert maintenant de la vision pour ajuster sa motricité, et comme l’image est inversée par rapport à l’hémi plan, il cafouille. C’est comme si nous adultes nous nous servions des informations visuelles pour nous raser ou nous maquiller. La vision n’est plus que le support des informations kinesthésiques. René Zazzo, élève d’Henri Wallon, travaillera sur les jumeaux (couple) et notamment sur leurs réactions devant le miroir. Il montrera que ceux-ci mettent plus de temps que les autres enfants pour s’approprier l’image spéculaire (1960). Ils sont perturbés par leur double gémellaire et donc victimes plus longtemps de cette illusion. De la même manière, les jumeaux ont un retard dans l’acquisition du langage parlé (6 mois en moyenne), car ceux-ci peuvent utiliser (50% d’entre eux) un langage qui leur est personnel : la cryptophasie gémellaire. C’est une sorte de langage secret (jargon incompréhensible par toute la famille et autrui) qu’ils s’inventent1 pour pouvoir communiquer entre eux. Enfin les Gardner (1969) ont travaillé en utilisant l’ameslan (American sign language = langage des signes américains pour sourds muets) sur les réponses des chimpanzés à leur image spéculaire. Ils ont montré que ces singes adultes s’appropriaient immédiatement leur image dans le miroir2. 1 La cryptophasie gémellaire est une notion développée par René Zazzo. Yves Lebrun, cryptophasie gémellaire et retard de langage chez les jumeaux, Enfance, 1982, 35/3, pages 101 à 108. (La cryptophasie peut apparaître exceptionnellement chez des couples très fusionnels : il s’agit alors d’idioglossie ou de langues dites indépendantes). 2 Tous les primates ne se reconnaissent pas dans le miroir : le gorille, par exemple, et Koko semble bien être une exception. Les bonobos, les chimpanzés, les ourangs-outans réussissent l’expérience de l’image spéculaire (Eugene Linden, Ces singes qui parlent, Paris, Seuil, 1979).L’éléphant d’Asie se reconnaît lui aussi dans le miroir (Self-recognition in an Asian elephant by Joshua M. Plotnik, Frans B. M. de Waal and Diana Reiss, PNAS published online Oct 30, 2006) ainsi que les raies manta (Journal of ethology, May 2016, Volume 34, Issue 2, pp 167–174, Ari Csilla. & D’Agostino Dominic “Contingency checking and selfdirected behaviors in giant manta rays: Do elasmobranchs have self-awareness?”). Les chiens et les chats ne semblent pas réussir l’épreuve du miroir, par contre la pie, le choucas et le 14 corbeau se reconnaissent parfaitement. ENFANT MIROIR Modèle Image Tonus postural Clonus cinétique Enfant voit d’abord Un autre Puis va, par étapes successives, comprendre que cet autre c’est : Lui (tonique) Lui (visuel) l’enfant et le miroir ne font plus qu’un Figure 37 : Le dispositif théorique du miroir. La reconnaissance (appropriation) se fait quand les sensations intéroceptives (tonus) et proprioceptives (clonus) convergent 15 Œuvres choisies d’Henri Wallon Délire de persécution. Le délire chronique à base d’interprétation, Paris, Baillière, 1909. La Conscience et la vie subconsciente in G. Dumas, Nouveau traité de psychologie, Paris, PUF, 1920-1921. L' Enfant turbulent, Paris, Alcan, 1925, réédition, PUF, Quadrige, Paris, 1984. Psychologie pathologique, Paris, Alcan, 1926. Les Origines du caractère chez l'enfant. Les préludes du sentiment de personnalité, Paris, Boivin, 1934 ; réédition, Paris, PUF, Quadrige, 2002. La Vie mentale, Paris, Éditions sociales, 1938 ; réédition 1982. L’Évolution psychologique de l'enfant, Paris, Armand Colin, 1941, réédition 2002. De l'acte à la pensée, Paris, Flammarion, 1942 ; réédition 1970. Les Origines de la pensée chez l'enfant, Paris, PUF, 1945 ; réédition 1963. Principes de psychologie appliquée, Paris, Armand Colin, 1938. Niveaux de fluctuation du moi, Paris, 1956, in l'Évolution psychiatrique, p. 607 à 617, octobre décembre 2007. Présentés par Emile Jalley et Liliane Maury, Ecrits de 1926 à 1961 - Psychologie et dialectique, Paris, Messidor, 1990. La vie Mentale, tome VIII de L’encyclopédie Française, sous la direction d’Henri Wallon, Paris, Edition Larousse, 1938. 16 274 Hommages à Henri Wallon Hommage à Henri WALLON, Paris, L'Évolution psychiatrique, Centre d'éditions psychiatriques, t. XXVII, numéro 1, janvier-mars 1962. In Memoriam: Henri Wallon (1879-1962), Paris, Revue Française de Sociologie, vol. 4, numéro 1, janvier mars 1963, p. 11. Lecture d'Henri Wallon, choix de textes. Introduction de Hélène Gratiot Alphandéry, Paris, Éditions sociales, 1976. René Zazzo, Psychologie et marxisme ; la vie et l’œuvre d’Henri Wallon. Paris, Denoël Gonthier, 1975. René Zazzo, Le problème de l’autre dans la psychologie d’Henri Wallon, in Vers l’Education nouvelle, N° spécial, « hommage à Henri Wallon, 1964, pages 73-79. Émile Jalley, « Wallon lecteur de Sigmund Freud et Jean Piaget. Trois études suivies des textes de Wallon sur la psychanalyse », Paris, Éditions La Dispute, Collection Terrains, 1981, Émile Jalley, « Wallon : La vie mentale », Paris, Éditions sociales, 1982. Émile Jalley, « Freud, Wallon, Lacan. L'Enfant au miroir », Paris, Éditions EPEL, 1998. Monette Martinet, théorie des émotions. Introduction à l’œuvre d’Henri Wallon, Paris, Aubier Montaigne, 1972. Philippe Melrieu, Sous la direction de, Hommage à Henri Wallon, pour le centenaire de sa naissance, Toulouse, Université de Toulouse II Le Mirail, (aujourd’hui Université Jean Jaurès).1981. Serge Nicolas, Henri Wallon (1879-1962) au Collège de France. Paris, Bulletin de psychologie, 2003, vol. 56, numéro 463, 105-119. 17 275 276