Les Dossiers du Grihl
2018-02 | 2018
Michel de Certeau et la littérature
La fiction-sorcière : contre la littérature ?
Laurence Giavarini
Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/dossiersgrihl/6864
DOI : 10.4000/dossiersgrihl.6864
ISSN : 1958-9247
Éditeur
Grihl / CRH - EHESS
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Référence électronique
Laurence Giavarini, « La fiction-sorcière : contre la littérature ? », Les Dossiers du Grihl [En ligne],
2018-02 | 2018, mis en ligne le 15 mars 2018, consulté le 19 février 2019. URL : http://
journals.openedition.org/dossiersgrihl/6864 ; DOI : 10.4000/dossiersgrihl.6864
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La fiction-sorcière : contre la littérature ?
La fiction-sorcière : contre la
littérature ?
Laurence Giavarini
1
J’ai abordé le colloque « Michel de Certeau et la littérature » en me demandant quel
rapport je pouvais élaborer, littéraire travaillant sur la construction politique de la
littérature au XVIIe, avec ce que le travail de Certeau sur l’opération historiographique fait
avec les écrits, fait et ne fait pas avec la littérature : le décloisonnement certalien ne
relève pas d’une atopie, pas plus qu’il n’appelle à une atopie. La réponse à la question
posée est ardue, tant parce que l’écriture de Certeau est formidablement dense et
construite, que parce que, ainsi tournée, cette question peut conduire à une
confrontation entre des usages présents et passés (le passé de Certeau) de la littérature.
Elle vaut néanmoins la peine d’être posée, ne serait-ce que pour mobiliser la clarté de la
démarche de Michel de Certeau contre une certaine confusion idéaliste concernant les
rapports de l’histoire et de la littérature, et la façon dont la littérature sert aujourd’hui à
dire des choses sur l’histoire, peut-être surtout d’ailleurs sur le désir d’auteur de
l’historien1. Je commencerai donc par expliciter ce que sont les places données aux mots
de « fiction » et de « littérature » dans trois textes de Certeau sur l’historiographie, pour
montrer en quoi ils se distinguent : si la fable n’est pas la littérature, comme il a été dit
dans ce colloque, la fiction n’est pas non plus la littérature. Je regarderai ensuite ce qu’il
en est de la fiction dans deux historiographies de Certeau, à certains égards
complémentaires. Enfin, je m’arrêterai sur la question de la littérature comme pratique
politique de décontextualisation des écrits – pratique qui se constitue à l’époque sur
laquelle Certeau a travaillé de manière privilégiée, le XVIIe siècle.
Fiction / littérature
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La question de la littérature n’intervient pas dans les écrits de Certeau pour différencier
des types d’écrits, ceux qui porteraient sur la littérature et les autres, par exemple. Elle
est transversale à un partage entre ses textes de réflexion sur l’écriture de l’histoire et ses
textes de terrain (Loudun, la fable mystique, l’histoire religieuse du XVIIe siècle). Je force
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La fiction-sorcière : contre la littérature ?
volontairement le partage qui n’est, en réalité, pas si net : le chapitre sur l’écriture de
Moïse et le monothéisme, qui prend place à la fin de L’Écriture de l’histoire, est à la fois un
terrain et un opérateur de réflexion sur la fiction2, comme l’est le latin de Nicolas de Cues
dans La Fable mystique II3.
3
Au début de la description de l’opération historiographique – annonçant la troisième
partie ajoutée à l’article « L’opération historique » déjà paru en 19744 – le mot de
littérature intervient pour nommer, après la place de l’historien et ses techniques
d’analyse, la construction d’un texte :
Envisager l’histoire comme une opération, ce sera tenter, sur un mode
nécessairement limité, de la comprendre comme le rapport entre une place (un
recrutement, un milieu, un métier, etc.), des procédures d’analyse (une discipline), et
la construction d’un texte (une littérature).5
4
Littérature, c’est à la limite le nom de tout texte en tant qu’il est le résultat d’une pratique,
d’une écriture. Cet emploi du mot peut se lire comme la marque du caractère
historiquement situé du discours de Certeau en 1975, entre ce que Paul Veyne dit alors du
« récit » qu’est l’histoire dans Comment on écrit l’histoire (livre fondé sur la révolution
foucaldienne6) et, dans une moindre mesure, ce que Roland Barthes affirme concernant le
récit historique, sur fond de destruction de la littérature monumentale par la nouvelle
critique7. Pour interroger l’écriture de l’historien, Certeau ne va pas vers la littérature en
tant que lieu d’un savoir sur le récit et la fiction. À la même époque, dans l’émission
Radioscopie8, il peut dire qu’il y a plus de réel dans un roman de Balzac que dans un livre
d’histoire. Mais son travail ne consiste pas à faire venir des textes supposément littéraires
dans la démarche historienne, des textes qui diraient plus le réel que l’histoire – même un
certain réel : ce procédé de retournement admiratif, on le rencontre dans des travaux
d’historiens qui privent pourtant la littérature de sa dimension d’élaboration symbolique,
laquelle est bien là, en revanche, dans le propos de Certeau. Celui-ci ne va pas non plus
vers la littérature pour penser une limite du récit de fiction et du récit historien, comme
le fera plus tard Ginzburg dans Le Fil et les traces. Vrai, faux, fictif, recueil d’articles motivé
par la question des conditions épistémologiques du négationnisme9. L’exigence,
constamment revendiquée, de vérité de l’histoire n’implique pas de poser un lieu de la
fiction qui serait la littérature, mais à l’inverse de prendre en charge ce qui détermine
une partie de l’opération historiographique, l’écriture, pour y voir ce qui fait de l’histoire
une science / fiction. Certeau reprend donc la fiction à la littérature – opération
d’attribution dont il rappelle qu’elle a une histoire – et utilise le terme de littérature d’une
manière qui semble d’abord vague, sans jamais chercher à en préciser autrement le
contenu.
5
Quelques années plus tard, dans l’article qui ouvre Histoire et psychanalyse, et dont les états
divers vont de 1977 à 1982, il a soin en revanche de définir les « quatre fonctionnements
de la fiction dans le discours historien », plus exactement les couples de termes
comprenant la fiction qui déterminent négativement ce qui fait la science historique :
histoire/fiction, réalité/fiction, science/fiction, « propre »/fiction. Et là, la fiction se
trouve partout : dans la position savante de l’historien construite contre la fiction, mais
qui cache les conditions sociales de sa pratique ; dans ce que l’historiographie produit en
fait de réalité ; dans le « camp de la science » non historique qui planifie le temps de sa
production en recourant à des artefacts scientifiques, fictions qui « organisent » le
débarquement lunaire (on notera l’hiatus, il s’agit là d’un fonctionnement hors de la
discipline historique, même s’il détermine l’histoire d’une science). Enfin, c’est le
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quatrième terme servant à définir la fiction, vient une explication du rejet qui l’affecte : la
fiction est sorcière, elle se meut dans le « champ de l’autre », elle est métaphorique, elle
n’a pas de langage propre, elle « raconte une chose pour en dire une autre », et c’est pour
cela qu’elle a été mise à l’écart de la science historique10. Une fois marquée cette place où
l’histoire relègue la fiction pour se constituer comme science, Certeau ne se contente pas
de faire revenir la fiction dans l’écriture de l’historien, mais il en fait une sorte de cœur
négatif de la science historique en tant qu’elle s’écrit, il la désigne partout comme
puissance de retournement de ce qui la refoule : le passé écrit ? fiction masquant
l’opération institutionnelle dans son présent ; le réel ? légendaire de l’institution qui
appelle littérature la fiction qui la hante et qu’elle refoule hors de son champ ; l’histoire ?
fiction de toute science. Désignée comme la sorcière, la fiction est ailleurs la sirène que
l’historien ne doit pas écouter11. Mais la métaphore de la sorcière est plus profonde sous
la plume de Certeau, car elle prend sens par rapport à ses travaux sur la sorcellerie, bien
plus intéressés au phénomène de « l’expérience diabolique » que ce que sa façon de
l’adosser négativement à la mystique pourrait laisser croire : en témoignent certains
travaux non universitaires, un article sur Les Diables de Ken Russell, l’année même de La
Possession de Loudun (1970), et un entretien sur L’Exorciste de William Friedkin en 1975 12.
Dans la réflexion sur l’historiographie, la fiction est sorcière en ce qu’elle est une
puissante structure de retournement de la fiction d’une science historique qui ne serait
que science, une puissance de dévoilement des histoires que l’histoire se raconte sur ellemême, plus encore que des histoires qu’elle raconte.
6
Cette notion de fiction offre donc un bénéfice par rapport à celle de littérature : elle n’est
pas seulement le nom de ce que refoule l’histoire, cette « obscure moitié que la discipline
dénie »13 : elle n’est pas seulement la vérité de l’opération historiographique, elle est,
comme opération de dévoilement, la structure même de la narration historique,
conséquence de la perte propre à l’historiographie qui fait que le temps peut s’y
introduire, conséquence du fait que l’histoire, seule vérité, est fondée sur une perte de
l’avant (avant peut-être mythique, constitué comme tel par le récit historique). Le passé
se construit ainsi dans un travail et une apparition, un affleurement de la vérité. Ce n’est
sans doute pas un hasard si ce développement sur la fiction est passé par les « écritures
freudiennes », notamment le texte sur L’Homme Moïse et le monothéisme, inédit dans le
volume de 197514. La théorie psychanalytique fait apercevoir les caractéristiques de la
narrativité historique comme production dans laquelle le temps (roman, fiction ou fable)
peut entrer ; elle fournit en outre la structure du récit de dénégation comme révélateur (
fictif, fabulation, légende), en deux séries qui bien sûr se croisent15. Si la force de révélation
par la fiction des fondements de l’historiographie intervient au moment où Certeau
formalise l’histoire comme écriture (« une littérature »), c’est que le mot entend dire, dans
sa dissémination conceptuelle, un effort pour prendre acte de ce que l’on pourrait appeler
une « castration » symbolique de l’histoire, ou peut-être de l’historien mélancolique, en
même temps qu’une puissance de production de l’histoire.
Historiographiques certaliennes : pratique et temps
7
Peut-on relever quelques articulations entre ces deux termes – fiction et littérature –
dans des exemples d’historiographies certaliennes, chercher en quelque sorte des
« recettes », selon son mot, pour faire un récit ou raconter des histoires. Quelles sont les
formes d’identification de la fiction dans les récits de Certeau ? Dans L’Écriture de l’histoire,
les chapitres qui suivent « L’opération historiographique » (« Production du lieu ») sont
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mis en position d’approfondissement de cette analyse, comme autant d’exemples
d’opérations historiographiques produites par Certeau, alors que les choses se
présentaient différemment dans les publications antérieures en revue. Tel est du moins le
livre L’Écriture de l’histoire que peut se fabriquer le lecteur.
8
Je prends donc deux exemples, l’un dans L’Écriture de l’histoire, l’autre dans un ouvrage
antérieur, deux exemples très différents mais où se lit chaque fois, quoique à des échelles
très différentes, la description d’un processus temporel comme articulation entre
destruction/perte et commencement. Dans le chapitre intitulé « La formalité des
pratiques » de L’Écriture de l’histoire, d’abord paru dans un livre italien en 1973 et introduit
par un préambule original dans la partie « Production du temps. Une archéologie
religieuse » du volume, la « recette » principale mise en œuvre par Certeau consiste à
cacher l’appareil technique de l’historien pour mettre en relief le « grand récit » du
passage, au XVIIe siècle, d’une organisation religieuse du monde à une éthique politique
ou économique, terrain d’analyse du « croyable » dans une société. Ce grand et
formidable récit d’une « inversion » serait né, souligne Certeau au début du chapitre, du
souhait d’articuler une sociologie des comportements et une histoire des doctrines
(p. 180). Il me paraît s’exhiber comme fiction au sens que M. de Certeau donne à ce mot. Le
travail du récit historien y est en effet indexé sur la longue durée du temps référentiel –
un des artefacts de l’historiographie selon lui –, ce qui permet de dire le glissement d’une
lecture religieuse à une lecture sociale du monde. Affirmant sous toutes ses formes une
disparition, celle de « la vertu intégrative que représentait la vie religieuse », le récit pose
en outre que la religion comme « objet social » s’est ainsi constituée dans un grand
processus de « détérioration de l’univers religieux » (p. 228). Sur la très longue durée, la
« trajectoire » (p. 182) générale du récit appelle à une confrontation avec l’analyse des
pratiques, « en tant qu’elles sont génératrices de sens », en tant qu’elles donnent lieu à
ces discours contemporains ou plus tardifs avec lesquels travaille Certeau.
9
Une autre façon de dire que ce grand récit s’exhibe comme science/fiction (ce qui n’est
pas la même chose que de dire qu’il est « littéraire »), est d’observer que les pratiques qui
sont l’objet de l’analyse n’y sont pas discursives, quoique une parenthèse inclue dans la
définition de leur formalité « les pratiques du langages » (p. 193), et quoique Certeau cite
de nombreux écrits de philosophes. Mais précisément, ces citations interviennent à titre
de preuves pour son récit, elles sont inscrites dans les discours du passé, figées par le
temps et non saisies comme actions d’écritures :
Rousseau désigne la mutation qui s’accomplit lorsqu’il écrit à Voltaire « Le dogme
n’est rien, la morale est tout ». (p. 181)
Même la philosophie chrétienne est mobilisée par la tâche que définit
Malebranche : « Découvrir par la raison entre toutes les religions celle que Dieu a
établie ». (p. 184)
La religion, écrit Du Plessis Mornay en 1581, n’est-elle pas le « moyen de réunir et
de réconcilier » ? Or voici que le moyen d’unir est divisé : « Y en a-t-il un ou
plusieurs ? » Pour reprendre une image chère à cet auteur, le « pont » s’est
fragmenté en une pluralité de religions ! (p. 184)
Montesquieu dira bientôt des chrétiens qu’ils « ne sont pas plus fermes dans leur
incrédulité que dans leur foi ; ils vivent dans un flux et reflux qui les porte sans
cesse de l’une à l’autre » (p. 199, citation de la lettre 75 des Lettres persanes).
10
On trouve aussi dans ce chapitre, outre un travail avec les historiographies des collègues
historiens, outre une réflexion sur les pratiques, la « morale par provision » de Descartes
(p. 185), « le système de la religion chrétienne » de Bayle et de Fontenelle (p. 185), la vertu
comme « reine de toutes les vertus » de Hobbes (p. 189), la « manutention des esprits » de
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Mersenne, le « combat spirituel » de Campanella (p. 190), le « moralisme mystique » de
Bremond (p. 205), la « religion civile » de Rousseau (p. 217), les « missionnaires de la
raison » de Leibniz (p. 220), « l’instinct moral » comme « principe immédiat de la
conscience » de Rousseau (p. 221)… Pas véritablement de pratiques discursives donc : ces
citations ne sont pas prises comme traces de pratiques de la littérature ou de la
philosophie – et, de ce point de vue, le fait qu’elles se situent dans la littérature ou la
philosophie n’a au fond guère d’importance.
11
On pourrait à ce sujet retourner à Certeau la question qu’il pose dans son beau texte sur
Surveiller et punir : peut-on faire une histoire de pratiques non discursives 16 ? Et qu’est-ce
que faire cette histoire ? De mon point de vue, une telle question vise à définir le
problème de ce que l’on fait du récit certalien quand on travaille avec la littérature
comme pratique politique : jusqu’à quel point peut-on se situer dans ce récit ? Doit-on le
faire venir à la fin d’une démonstration, comme une « preuve » ? Peut-on lui reprendre
les figures qui donnent à voir chez lui le changement historique comme processus et
condensent la fiction de ce récit scientifique ?17 L’image, par exemple, « des pièces de
l’ensemble qui se mettent à tourner autrement » (p. 179), figure qui qualifie la nature
d’une inversion historique et fait voir ce que la science/fiction historique veut raconter.
Cette figure revient plus loin dans le même chapitre – « les structures religieuses
commencent à “tourner” différemment, comme prise par masses dans l’élément
politique » (p. 193) – et il en est d’autres qui la relaient : « les croyances et les institutions
se mettent à marcher différemment » (p. 192), la doctrine est « désorbitée », etc.
12
La fiction de ce récit tient peut-être en outre au fait que cette historiographie ne peut être
que sociale, parce que tel est le langage à disposition de l’historien, en un mouvement par
lequel, décrivant le passé comme changement, il va à la rencontre de son propre présent
ou construit son récit comme venant au-devant de son présent :
[…] ce que l’historien met sous le terme de « société », ce n’est pas l’un des pôles
d’une confrontation avec la religion, mais c’est l’axe de référence, le « modèle
évident » de toute intelligibilité possible, le postulat actuel de toute compréhension
historique (p. 172).
13
La société du XVIIe siècle ne se pense pas dans les termes de l’analyse sociale qui est la
nôtre, si bien que la fiction du récit de Certeau est bien cette constitution au XVIIe du
langage qui le définit au XXe siècle comme historien18.
14
La recette de La Possession de Loudun est d’un autre ordre, fournie en premier lieu par la
collection « Archives » qui réclamait que les documents du passé fussent au cœur du récit
de l’historien. Dans ce livre, la fiction sociale du récit est celle de la crise comme
révélateur du changement politique et religieux, récit qui est le sens même de la fiction
au travail dans l’écriture historique. D’emblée, à l’ouverture du livre, le lecteur est saisi
par le texte volontairement littéraire, quasi fantastique, de la fiction certalienne, cette
affirmation que le temps de l’événement est éruption : ce temps que refoule
l’historiographie selon Certeau est cela même qui, à en croire ce récit, sorte d’écriture
littéraire de la fiction historiographique du livre que l’on va lire, est défini par l’image de
l’affleurement ou celle de l’irruption19. Une figure tente de dire ce qui a lieu – métaphore
de « l’étrange » sorti du lieu où il réside « d’habitude » (premier mot du texte), au
présent : « D’habitude, l’étrange circule discrètement sous nos rues ». De quel présent
s’agit-il ? De quelle « habitude » ? Sont-ils valables pour le présent (de Loudun) et pour le
présent (de l’historien), ou pour le présent de l’un plutôt que de l’autre ? Entrer dans le
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récit par ce texte, c’est en tous les cas saisir dans l’écriture de l’histoire le présent qui la
travaille malgré elle.
15
Ce récit de révélation est décliné plusieurs fois dans le livre : « Une mobilisation s’opère
tout de suite. Elle organise la cité. Elle en révèle aussi les tensions latentes, celles qu’on a
cru résoudre et qu’on veut oublier » (chap. 2, p. 53) ; « Elle [La possession] révèle quelque
chose qui existait » (p. 54). Ou, à propos de la question religieuse, et de la domination du
protestantisme à Loudun : « La situation se renverse donc, selon un processus que la
possession révèle et précipite » (p. 56) ; ou encore, sur le fait que la possession n’est pas
qu’un phénomène religieux : « L’ambiguïté dévoile une évolution » (p. 59). Si une société
se révèle à l’historien dans les archives de la possession, c’est précisément parce que la
possession est une maladie sociale. Le récit n’est pas celui d’un processus cette fois :
l’historien du XXe siècle voit le monde social se révéler dans les discours (« les langages de
l’inquiétude sociale »), et saisit « un monde intermédiaire entre ce qui disparaît et ce qui
commence » (p. 22).
16
Dans La Possession de Loudun, il y a bien de la littérature. Un chapitre a pour titre « Après la
mort, la « littérature »20, et d’ailleurs Certeau utilise aussi l’expression « une littérature »
pour désigner l’ensemble des publications d’après la mort d’Urbain Grandier (le
« sorcier »), qui ne relèvent pas de ce que nous appellerions « littérature », plutôt d’une
presse de publications, de libelles, un ensemble génériquement cohérent (plusieurs
relations, procès-verbaux, lettres, etc.). Un peu plus loin, dans le chapitre sur Jean-Joseph
Surin, on trouve de manière analogue l’expression de « littérature de triomphe » pour
désigner des publications qui commencent à partir de 163521, après la victoire-défaite du
jésuite, et nommer là encore une masse d’écrits qui paraissent dans un temps resserré,
dont les bornes sont identifiables. S’il n’y a donc pas un genre « littérature » parmi tous
les écrits mobilisés et décrits (Certeau parle de texte, de roman, il questionne l’écriture
– Loudun est un « événement d’écriture » : il y a là une certaine façon de se situer, comme
historien, par rapport au passé qui vient dans le récit d’histoire), s’il n’y a pas un genre
« littérature », il y a bien en revanche un moment de la littérature dans l’historiographie de
la possession, il y a un temps de la littérature, et l’on pourrait donc dire que c’est le temps
de l’après (après la mort, après le triomphe) et de la prolifération. La littérature, ça ne
désigne donc pas exactement un type d’écrits spécifiques, plutôt les écrits dans le
moment proliférant de l’après. Doublement d’ailleurs : l’après des faits, l’après de l’écriture
des faits par l’historien, entrelacée aux écrits du passé.
17
Car dans cette liste que mobilise Certeau, il y a un petit nombre d’écrits (cinq ou six sur
une vingtaine) dont il s’est servi dans les chapitres précédents, parmi d’autres, pour la
plupart manuscrits ou relevant des extraits de registres, et des publications du XIXe siècle
ou d’archives déjà présentes dans des travaux d’historiens. On aurait pu imaginer qu’il en
ait fourni la liste, pour Grandier du moins, au début de son récit. Mais ils seraient alors
apparus comme sources, formule que son écriture de la possession écarte en mettant au
premier plan des archives manuscrites et des extraits de registres, mais aussi en cousant
son propre texte – pour remplir certains vides ou commenter le temps référentiel qui
passe – à un récit fourni par le texte de ces archives : c’est ainsi que les sous-titres qui
ponctuent le premier chapitre du livre découpent un texte qui n’est que celui du premier
procès-verbal mentionné (p. 38-44), sans autre intervention que quelques élucidations
entre parenthèses, qui rappellent depuis quel présent ces textes sont lus : « dès la nuit
d’entre le vingt et un et vingt-deux septembre dernier [1632] […] jusqu’à ce jour troisième
de ce mois [d’octobre], « un teston [piécette valant 19 sous] ». Peut-être peut-on lire là une
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tentative pour faire de l’archive un autre usage que celui de la citation qui
l’instrumentalise dans l’écriture de l’histoire. En tous les cas, certains des textes de cette
littérature valent donc deux fois dans l’historiographie de la possession, voix situées du
passé entremêlées à la voix de Certeau, contribuant à ce zigzag que dessine Charlot à la
fin du pèlerin22 et que l’historien évoque à deux reprises au moins, pour évoquer le travail
de l’histoire ou ses propres études entre deux disciplines. Mais ces écrits du passé
forment aussi un ensemble d’imprimés « proliférant », suscitant un tableau statistique (p.
347-349) ; ils valent en tant qu’ils appartiennent à l’après de ce que Certeau appelle, pour
le bûcher de Grandier, un « acte historique » (p. 351), en tant qu’ils se répètent les uns les
autres « autour de la place du mort » et esquissent le « devenir de l’affaire », sa
fragmentation, son instrumentalisation politique.
18
À ce titre, dans La Fable mystique, la lettre de l’illettré éclairé relève aussi de la prise en
charge d’un type de prolifération qui a à voir avec ce que Certeau appelle littérature : en
particulier dans sa version pastorale, dans cette « identité littéraire » qui « sert d’appel
pour quatre conférences qui viennent à la suite et qui, largement attribuées à notre
berger, ont certainement été ajoutées au texte »23. Littérature nomme un moment
spécifique dans la circulation d’un écrit, un moment qui s’étudie dans sa dimension
statistique, qui relève d’une histoire du livre et de l’imprimé, qui donne accès à ce qui
d’un acte historique ou d’une expérience se transmet et à cet instant critique où le sens se
partage, se perd, se déforme. Un moment qui est celui de l’après, mais qui est encore relié
à ce qui a eu lieu.
19
Peut-on dire que ce moment de la littérature est celui de la fiction que le passé construit
sur lui-même ? Sans doute pas aux yeux de Michel de Certeau, parce que cette production
de littérature n’est en réalité pas prise comme étant uniquement du côté de l’après. La
production qui reste relève plutôt de la « légende » d’où part la recherche historique,
« source » ou « critère d’information » qui « définit à l’avance ce qu’il faut lire dans un
passé »24 et à quoi se noue l’opération historiographique. Il est possible de reconnaître
dans ce statut des écrits qui restent, à l’intérieur du récit historique, une sorte de
balancement entre, d’un côté un travail de la preuve à l’œuvre dans l’utilisation de la
source et, de l’autre, l’expérience d’un affleurement ou d’une révélation du passé dans la
fiction historiographique : la fiction, ce serait alors ce travail de prise de la « source »
comme lieu d’une irruption, comme symptôme à analyser, tout en sachant qu’elle vient
après la crise, après la mort – ce qu’affiche le récit inaugural, proprement fantastique,
d’une remontée de l’étrange, récit littéraire de ce qu’est peut-être une fiction : quelque
chose qui affleure, remonte, quelque chose qui fait retour.
La littérature, contre la fiction
20
Il n’y a donc pas vraiment de littérature dans « La formalité des pratiques », mais fiction
historiographique. Il y a de la littérature dans La Possession de Loudun, ou disons un
moment de la littérature qui permet de faire voir la fiction du récit historique indexé sur
le temps référentiel donné par les archives. La littérature n’est pas la fiction (pour le récit
historique du moins), plutôt ce qui permet de voir la fiction historiographique en tant que
telle, en tant que fabrication du passé à partir d’un présent, fabrication d’un « avant » qui
existe pourtant, mais qui est en partie configuré depuis le présent. Ce que Certeau appelle
littérature est pourvu d’une certaine homogénéité formelle : libelles, plaquettes, fictions
narratives, ce sont des discours encore accrochés au moment de la prolifération, au temps
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La fiction-sorcière : contre la littérature ?
chaud de l’événement, ce sont des discours « immenses ». Certeau ne dit pas littérature
pour défaire une identification de la littérature au monument, comme l’a fait la nouvelle
critique à la même époque, mais pour dire qu’il y a de l’écriture et que c’est là que se rend
visible le temps de l’après que la fiction historiographique tend toujours à placer avant.
21
Comment, à partir de là, travailler avec Michel de Certeau ? La première chose est que, si
l’après est un produit de la fiction historiographique, la littérature a ses propres fictions
temporelles, élaborées par les textes et leur entour. Ce fait peut s’observer dans le
moment qui intéresse Certeau. Il y a à l’époque de Loudun des écrits qui se
« délocalisent » de l’événement pour ainsi dire, qui se décontextualisent et font ainsi
apercevoir une politique de la littérature qui ne s’identifie pas, par exemple, à la façon
dont la politique vient à Loudun avec Laubardemont, le procureur. Ce qui n’est pas tout à
fait présent à Loudun, et d’une certaine manière pas dans les historiographies
certaliennes, c’est la littérature en tant que pratique concertée d’une prise déplacée de
l’événement – question qui commence alors à se former, à l’époque même de Loudun,
mais dans un écart avec les publications homogènes que décrit Certeau, suivant un
processus propre au XVIIe siècle qui n’est pas l’objet de son travail – ce qui ramène au
caractère situé de celui-ci dans les années 70 – , mais que l’on peut tout à fait imaginer
d’impliquer dans un travail avec Certeau. Les années de la possession de Loudun sont en
effet celles d’une constitution politique de la littérature comme lieu dépolitisé de l’écrit,
lisible par exemple dans Le Gascon extravagant, ce roman comique anonyme paru en 1637
et écrit par un loudunais protestant. Ce roman, Sophie Houdard avait souligné il y a une
dizaine d’années, qu’il « appartient à Loudun »25. Disant cela, il ne s’agit pas de faire
observer une faille dans le recensement des pièces de la possession par Certeau qui
n’aurait pas « ratissé » aussi large pour Loudun qu’il l’a fait avec l’illettré éclairé de La
Fable mystique26 : on peut tout à fait d’ailleurs observer que cette histoire comique
participe de « l’événement d’écritures » qu’est Loudun selon Certeau. Encore que 1637,
c’est après la date de 1634, qui marque une limite dans La Possession de Loudun, mais avant
celle de 1638, donnée comme limite de la possession dans l’article qui reprend le dossier
Loudun dans L’Écriture de l’histoire27…
22
Le Gascon extravagant est un roman qui construit un dispositif de décontextualisation de la
possession, si reconnaissable soit-elle dans le récit, pour déplacer les coordonnées de la
possession dans un lieu de la philosophie épicurienne, et la réduire en signes, en
signifiants : Signa y est le nom d’une Fille possédée, entourée du narrateur, d’un Gascon
« extravagant », ainsi que d’un vieux prêtre. La structure romanesque – soulignée par le
redoublement de la voix narrative entre le narrateur et la figure du Gascon qui rapporte
ses aventures en suivant le modèle picaresque, comme pour souligner qu’on est bien là
dans un roman – permet de « construire un récit qui, loin de recouper la position des
auteurs pamphlétaires de l’époque, se distingue par un contenu de vérité spécifique »28 :
une critique, dans le temps de la possession, de l’appareil théâtral monté autour du corps
des Ursulines, et aussi une satire de la censure des écrits à Loudun. Le roman comique va
plus loin en ce sens que le poème de Du Bellay que Certeau insère à la fin du chapitre
consacré, dans La Possession de Loudun, au « théâtre des possédées », au titre, explique-t-il,
des « impressions analogues à celles de beaucoup de spectateurs loudunais » (p. 206). Il va
plus loin que le renversement de la peur en rire rapporté dans ce poème. Il intègre en
effet une réflexion sur les conditions socio-politiques de production de l’écrit et un
discours sur le social qui, traversant l’expérience du Gascon (sur la prison, sur le
vêtement, sur l’écriture même), emprunte les voies de l’extravagance29. Ce n’est pas de
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La fiction-sorcière : contre la littérature ?
l’auto-référentialité de la littérature qu’il s’agit, mais du sens politique de cette autoréférentialité, car si la littérature semble se placer ainsi dans un hors-temps, ce travail de
déprise de l’événement et de décontextualisation ne l’empêche nullement de mobiliser un
langage social, un discours sur le social, voire une satire de la censure par un
acquiescement ouvertement simulé à ses exigences.
23
Comment la fiction historiographique peut-elle prendre en charge la fiction satirique en
tant qu’elle est un discours dépris de l’événement, mais indexé sur le social et le politique
par la reprise des formes littéraires à la mode à son époque ? Sûrement pas comme
un savoir transhistorique du monde social, mais plutôt comme fiction précisément, au
sens que lui donne Certeau, au sens de ce qui permet à l’historien d’entrer dans le récit
fabriqué de l’après, et de l’analyser. Comment se rencontrent par ailleurs la fiction
historiographique de l’historien du passé et le travail du spécialiste de littérature avec la
fiction de la possession ? Comment leurs savoirs respectifs du social et leurs manières de
laisser entrer le temps dans un récit peuvent-ils être mis en relation, et construire un
savoir sur le passé ?
24
Faire entrer la « littérature » comme pratique socio-politique dans le grand récit
certalien, ou dans l’analyse de La Possession de Loudun, ce peut être travailler avec la façon
dont la littérature se produit elle-même comme fiction temporelle, fiction d’une
décontextualisation et d’un temps propre de la littérature, fiction qui n’est pas réductible
à l’articulation d’un avant et d’un après, mais semble d’emblée éloigner l’écrit d’un
éventuel statut de document. Ce travail montre les conditions de production de l’écriture
polémique dans la conjoncture de la possession ; il peut introduire de l’hétérogène formel
dans la série littérature que Certeau propose – un hétérogène qui fait bouger la
délimitation du temps même de la possession, et interroge pour cela l’opération
historiographique ; il peut contribuer enfin à mettre de l’extériorité dans le récit
religieux, dans l’apologétique qui affleure sans cesse sous la plume de Certeau. Et de par
cet écart que celui-ci ne désavouerait assurément pas, il permet peut-être aussi de
prendre en charge, dans une réflexion sur la nature du geste historiographique, ce
moment des années 2010 où apparaît une confrontation nouvelle entre histoire et
littérature. Comment une fiction historiographique peut-elle prendre en charge la
littérature comme discours à distance de l’événement, comme déprise de celui-ci, mais
pouvant contribuer à un travail d’écriture de l’histoire néanmoins ? Il me semble que la
réponse à cette question constitue un des enjeux d’un retour à l’opération
historiographique telle que définie par Michel de Certeau et qu’elle peut, par là même,
apporter une réponse méthodologique profonde à certaines instrumentalisations
actuelles de la littérature par les historiens30.
NOTES
1. Je pense à deux livres d’Ivan
JABLONKA ,
L’Histoire est une littérature contemporaine. Manifeste pour
les sciences sociales, Paris, Le Seuil, 2014, et à Laëtitia ou la fin des hommes, Paris, Le Seuil, 2016.
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La fiction-sorcière : contre la littérature ?
2. « La fiction de l’histoire. L’écriture de « “Moïse et le monothéisme” », dans L’Écriture de
l’histoire, Paris, Gallimard, « Folio / Histoire », 1975, chap. IX.
3. La Fable mystique. II, établi et présenté par Luce Giard, Paris, Gallimard, « Bibliothèque des
Histoires », 2013, p. 61.
4. « L’opération historique » dans Jacques Le Goff et Pierre Nora (dir), Faire de l’histoire, Paris,
Gallimard, « Folio/Histoire », 1974, t. I, p. 3-41.
5. « L’opération historiographique », dans L’Écriture de l’histoire, ouvr. cité, p. 77-153 (p. 78).
6. Paul
VEYNE,
Comment on écrit l’histoire. Essai d’épistémologie, Paris, Éditions du Seuil, 1971. Sur ce
contexte des réflexions de Michel de Certeau, voir Roger
CHARTIER,
Au bord de la falaise. L’histoire
entre certitudes et inquiétude, Paris, Albin Michel, « Histoire », 1998, p. 163-172. À noter que le titre
du livre de Chartier reprend une réflexion de Certeau.
7. Roland
BARTHES,
« Le discours de l’histoire », Social Science Information, vol. 6, 1967/4, p. 63-75.
Cet article consiste à lire l’historiographie positiviste avec le même angle de réflexion que
l’article sur l’effet de réel « lit » le roman réaliste.
8. Émission du 22 octobre 1975.
9. Carlo
GINZBURG,
Le Fil et les traces. Vrai faux fictif [Il Filo e le tracce, Milan : Feltrinelli, 2006],
traduit de l'italien par Martin Rueff, Paris : Verdier, coll. « Histoire », 2010.
10. « L’histoire, science et fiction », dans Histoire et psychanalyse entre science et fiction, Paris,
Gallimard, « Folio/Histoire », 2002 [1987], chap. I, p. 53-56.
11. Ibid., p. 56.
12. Voir sur ce point Sophie Houdard, « Mystique et sorciers. Michel de Certeau et “l’expérience
diabolique“ », dans Luce Giard (dir), Michel de Certeau. Le Voyage de l’œuvre, actes du colloque du
Centre Sèvres (2016), Paris, Éditions de la faculté jésuite de Paris, « Philosophie et sciences
humaines », 2017.
13. « L’histoire, science et fiction », dans Histoire et psychanalyse entre science et fiction, ouvr. cité,
p. 80-81.
14. « La fiction de l’histoire. L’écriture de “Moïse et le monothéisme” », dans L’Écriture de l’histoire
, ouvr. cité, p. 392 : « C’est le propre de la fiction de faire entendre ce qu’elle ne dit pas ».
15. Ibid., n. 3 p. 492.
16. « Microtechniques et discours panoptique : un quiproquo », dans Histoire et psychanalyse entre
science et fiction, Paris, Gallimard, « Folio/Histoire », 2002, p. 181-182.
17. Toutes questions qui se sont peu à peu posées à moi pendant l’écriture de L’Expérience libertine
du
XVIIe
siècle, mémoire original d’HDR, soutenu le 1er décembre 2017 à l’université de Paris 3 –
Sorbonne Nouvelle.
18. Je reprends ici une analyse d’Elie HADDAD, « Le cas et le récit. Réflexions sur les rapports entre
écriture de l’histoire, histoire religieuse et historiographie chez Michel de Certeau »,
Zeitsprünge. Forschungen zur Frühen Neuzeit, n° 12/1-2, Philippe Büttgen et Christian Jouhaud
(dir.), Lire Michel de Certeau - La formalité des pratiques / Michel de Certeau lesen - Dir
Förmlichkeit der praktiken, Frankfurt am Main, Vittorio Kolstermann, 2008, p. 217-232.
19. La Possession de Loudun, Paris, Gallimard, « Folio/Histoire », 2005 [Julliard, 1970], p. 13-14.
20. Ibid., p. 337-365.
21. Ibid., p. 386 sq.
22. « Faire de l’histoire » [1970], dans L ‘Écriture de l’histoire, op. cit., p. 70-71 (« [L’histoire] joue
entre deux, sur la limite qui sépare ces deux réductions, comme Charlie Chaplin se définissait, à
la fin du Pèlerin, par sa course sur la frontière mexicaine, entre deux pays qui le chassaient tour à
tour et dont ses zigzags dessinaient à la fois la différence et la couture. ») ; « L’absent de
l’histoire » [1973], dans Histoire et psychanalyse, op. cit., p. 208 (« Cette région du metaxu ou de
l’intervalle, est remplie de mirages qui lui sont propres. Elle peut être seulement, comme la
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frontière sur laquelle jouait le Charlot du Pèlerin, le moyen d’éviter les polices de chaque
“discipline”, mais aussi toute confrontation sérieuse »).
23. La Fable mystique I, Paris, Gallimard, « TEL », 1987, p. 295.
24. La Possession de Loudun, op. cit., p. 24.
25. Sophie
Fille
HOUDARD,
dans
Le
« Voyage aux Enfers ou rêve de jeune-fille ? Les révélations curieuses de la
Gascon
extravagant »,
Les Dossiers du Grihl,
2007-01,
URL :
http://
dossiersgrihl.revues.org/41.
26. Voir l’article de Patrick GOUJON et S. HOUDARD dans ce volume.
27. « Le langage altéré », dans L’Écriture de l’histoire, ouvr. cité, p. 284-315.
28. Filippo
D’ANGELO ,
« Roman et censure : le cas du Gascon extravagant », Les Dossiers du Grihl,
2007-01, URL : http://dossiersgrihl.revues.org/39.
29. Laurence
discours
GIAVARINI,
d’histoire
« Le Gascon extravagant, la valeur de l’expérience et la fiction comme
(de
Loudun) »,
Les
Dossiers
du
Grihl,
2007-01.
URL :
http://
dossiersgrihl.revues.org/225.
30. Au nombre de ces « instrumentalisations », il y a, outre les ouvrages mentionnés d’I. Jablonka,
la perspective « savoirs de la littérature » qui s’est introduite en 2018 jusque dans un des axes du
programme du concours d’entrée aux ENS.
RÉSUMÉS
Dans cet article, j'analyse le sens dans lequel Certeau parle de « fiction » à propos du travail de
l'historien, puis je confronte cette analyse à deux exemples possibles de fiction certalienne. Cette
démarche permet de différencier nettement la « fiction » de la « littérature », et de réfléchir à
des prolongements concernant le travail historiographique de la littérature au XVIIe siècle.
In this paper, I analyze the meaning given by Certeau to "fiction" when he speaks about the work
of historian ; then I confront this analysis with two possible examples of certalian fiction. This
approach allows to clearly distinguish "fiction" from "literature", and to reflect on extensions
concerning the historiographical work of the 17th-century literature.
AUTEUR
LAURENCE GIAVARINI
Laurence Giavarini, maître de conférences en littérature française des XVIe-XVIIe siècles à
l'université de Bourgogne et membre du GRIHL, a publié La Distance pastorale. Usages politiques de
la représentation des bergers (XVIe-XVIIe siècles) (Paris, Vrin-EHESS, "Contextes", 2010), plusieurs
collectifs (Construire l'exemplarité. Pratiques littéraires et discours historiens ( XVIe-XVIIIe siècles), EUD,
2008 ; L'Écriture des juristes (XVIe-XVIIIe siècles), Garnier, 2010 ; Pouvoir des formes, écriture des normes.
Brièveté et normativité (XVIe-XXe siècles), EUD, 2017), contribué à plusieurs éditions critiques (Il
compendio della poesia tragicomica de G. Guarini, Champion, 2008 ; L'Astrée, Champion Classiques,
2011 et 2016 avec une équipe dirigée par D. Denis ; La Bibliothèque française de Charles Sorel (1667),
Champion, 2016, avec une équipe du GRIHL. Elle a consacré son habilitation à diriger des
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recherches (2017) aux rapports entre expérience historique et politiques de la littérature au XVIIe
siècle, en particulier à la question libertine.
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