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Vers une forme ecclesiale de Prophetie chretienne

On ne compte plus les groupes, sectes, et individus qui ont justifié leurs conceptions religieuses novatrices (mais souvent hétérodoxes) en se référant à la citation de l’Évangile de Jean, mise en exergue ci-dessus. Même si, pris à la lettre, ce propos de Jésus peut être compris comme englobant par avance les développements doctrinaux postérieurs à la Révélation, les théologiens qui tiennent pour cette opinion en ont étroitement ‘encadré’ l’application concrète, en lui assignant des règles précises qui garantissent que ces changements sont licites et qu’ils ne portent pas atteinte au « dépôt de la foi » transmis de génération en génération par la Tradition. L’histoire de l’Église témoigne des difficultés de l’exercice et des controverses qu’il engendra. C’est dire que le recours fait par un individu à ce texte scripturaire pour justifier l’orthodoxie d’une conception et/ou d’une doctrine de son cru n’a guère de chance d’être entériné par le Magistère. Pourtant, c’est ce que je fais depuis quelques années pour obéir à ce que me dicte ma conscience, sans oublier l’avertissement de l’apôtre Paul : Ma conscience, il est vrai, ne me reproche rien, mais je n’en suis pas justifié pour autant. Mon juge c’est le Seigneur (cf. 1 Co 4, 4). Le problème qui a longtemps été le mien, est le suivant. Que faire lorsque, en pleine possession de ses facultés psychiques, on a été a soudain l’objet de ce qui semblait être une révélation privée, relative aux desseins de Dieu, et dont le contenu ne paraît pas faire explicitement partie de l’enseignement du Magistère de l’Église ? La situation d’incommunicabilité qui fut et est encore la mienne à ce propos tient moins au caractère insolite du phénomène qu’au scepticisme, le plus souvent radical, des ecclésiastiques auxquels je me suis adressé pour en discerner l’authenticité éventuelle. On trouvera, dans les pages qui suivent, une brève synthèse de l’élaboration que j’ai faite, au fil du temps, de cette intense expérience spirituelle, en m’aidant de ma raison humaine. Ce type d’exposé étant, par nature, succinct et sélectif, je l’ai équipé de nombreuses notes et de cinq Annexes (ci-après, p. 27-41), incluant une bibliographie de mes travaux, auxquels est invité à se reporter quiconque veut discerner l’esprit qui m’anime. Je remercie par avance les uns et les autres, de la charité et de l’empathie dont, je l’espère, ils feront preuve à l’égard de mes écrits, afin que, s’il s’y trouve ne serait-ce qu’une once de bien, ils n’en « éteignent pas l'Esprit », « n’en déprécient pas la prophétie » – que, par pure grâce de Dieu, elle pourrait contenir –, bref, qu’ils « vérifient tout et retiennent ce qui est bon » (Cf. 1 Th 5, 19-21)...

Vers une forme ecclésiale de «Prophétie chrétienne» Une initiative spirituelle proposée aux Pasteurs Menahem R. Macina 1 Avant-Propos J'ai encore beaucoup à vous dire, mais vous ne pouvez pas le porter à présent. Mais quand il viendra, lui, l'Esprit de vérité, il vous introduira dans la vérité tout entière; car il ne parlera pas de luimême, mais ce qu'il entendra, il le dira et il vous dévoilera les choses à venir. (Jn 16, 22-23). On ne compte plus les groupes, sectes, et individus qui ont justifié leurs conceptions religieuses novatrices (mais souvent hétérodoxes) en se référant à la citation de l’Évangile de Jean, mise en exergue ci-dessus. Même si, pris à la lettre, ce propos de Jésus peut être compris comme englobant par avance les développements doctrinaux postérieurs à la Révélation, les théologiens qui tiennent pour cette opinion en ont étroitement ‘encadré’ l’application concrète, en lui assignant des règles précises qui garantissent que ces changements sont licites et qu’ils ne portent pas atteinte au « dépôt de la foi »1 transmis de génération en génération par la Tradition. L’histoire de l’Église témoigne des difficultés de l’exercice et des controverses qu’il engendra. C’est dire que le recours fait par un individu à ce texte scripturaire pour justifier l’orthodoxie d’une conception et/ou d’une doctrine de son cru n’a guère de chance d’être entériné par le Magistère. Pourtant, c’est ce que je fais depuis quelques années pour obéir à ce que me dicte ma conscience, sans oublier l’avertissement de l’apôtre Paul : Ma conscience, il est vrai, ne me reproche rien, mais je n’en suis pas justifié pour autant. Mon juge c’est le Seigneur (cf. 1 Co 4, 4). Le problème qui a longtemps été le mien, est le suivant. Que faire lorsque, en pleine possession de ses facultés psychiques, on a été a soudain l’objet de ce qui semblait être une révélation privée, relative aux desseins de Dieu, et dont le contenu ne paraît pas faire explicitement partie de l’enseignement du Magistère de l’Église ? La situation d’incommunicabilité qui fut et est encore la mienne à ce propos tient moins au caractère insolite du phénomène qu’au scepticisme, le plus souvent radical, des ecclésiastiques auxquels je me suis adressé pour en discerner l’authenticité éventuelle. On trouvera, dans les pages qui suivent, une brève synthèse de l’élaboration que j’ai faite, au fil du temps, de cette intense expérience spirituelle, en m’aidant de ma raison humaine. Ce type d’exposé étant, par nature, succinct et sélectif, je l’ai équipé de nombreuses notes et de cinq Annexes (ci-après, p. 27-41), incluant une bibliographie de mes travaux, auxquels est invité à se reporter quiconque veut discerner l’esprit qui m’anime. Je remercie par avance les uns et les autres, de la charité et de l’empathie dont, je l’espère, ils feront preuve à l’égard de mes écrits, afin que, s’il s’y trouve ne seraitce qu’une once de bien, ils n’en « éteignent pas l'Esprit », « n’en déprécient pas la prophétie » – que, par pure grâce de Dieu, elle pourrait contenir –, bref, qu’ils « vérifient tout et retiennent ce qui est bon » (Cf. 1 Th 5, 19-21). Voir, ci-après, le chapitre 1 et, plus loin, l’Annexe 1 intitulée « Le problème de la transmission fidèle du "dépôt" de la foi », p. 27. 1 2 1. Développement de la foi ou hérésie ? Quand, voici un demi-siècle (1967) - alors que j’étais en prière et profondément recueilli –, s’imprima en moi la phrase suivante concernant le peuple juif : « Dieu a rétabli son peuple »2, j’étais loin de me douter des conséquences qu’allait avoir cette « révélation privée »3 sur ma vie spirituelle et sur l’approfondissement de ma foi, d’abord, sur la crédibilité de mes publications de chercheur et sur ma réputation personnelle, ensuite. Hasard ou relation de cause à effet ? (Dieu seul le sait) : le fait est qu’après que quatre de mes ouvrages aient trouvé éditeur sans problème entre 2009 et 2012, plus aucun de ceux que j’ai proposés depuis la parution de mon petit livre autobiographique cité ci-dessus4 n’a été retenu5. Il se peut aussi que mon assomption de la condition juive (1977) - dont je n’ai jamais fait mystère 6 – ait constitué une cause majeure du discrédit rampant7 dont je fais l’objet jusqu’à ce jour. J’ai fait un récit détaillé de cet événement spirituel intime dans mon petit livre, Confession d’un fol en Dieu, éditions Docteur Angélique, Collection Témoignage mystique, Avignon, 2012, p. 35-41. On peut en consulter une version en ligne. 3 En 1998, le Cardinal Ratzinger précise ce qu’il entend par cette expression : « En théologie, le concept de privé ne signifie pas que la personne impliquée est seule concernée et que toutes les autres ne le sont pas elles aussi. C’est plutôt une expression qui regarde le degré d’importance, comme c’est le cas, par exemple, pour le concept de messe privée. On entend dire par ce terme que les révélations des mystiques Chrétiens et des prophètes ne peuvent jamais s’élever au même niveau que la Révélation biblique : elles ne peuvent que mener jusqu’à celle-ci et doivent se mesurer avec elle. Ceci, par ailleurs, ne signifie pas que ce type de révélations ne soit pas important pour l’Église dans sa totalité. Lourdes et Fatima prouvent le contraire. En dernière analyse, ces révélations ne sont rien d’autre qu’un nouvel appel à la Révélation biblique, et d’ailleurs c’est précisément cela qui leur confère une fiabilité importante. » (Extrait d’une interview du Cardinal Joseph Ratzinger par Niels Christian Hvidt, en mars 1998 : texte italien sur le site de l’Agence de presse catholique Zenit, de Rome, sous le titre «Il problema della profezia cristiana» ; version française (pdf) dans le magazine 30 Giorni n° 1, de 1999, sous le titre «Le problème de la prophétie Chrétienne», dont extraits sur Academia.edu : « Le problème de la prophétie Chrétienne, interview du cardinal Ratzinger (1999) »). S’agissant du discernement de l’authenticité ou du caractère imaginaire des révélations privées, voir : Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Normes procédurales pour le discernement des apparitions et révélations présumées. 4 Voir note 1, ci-dessus. Le cher Fadiey Lovsky, théologien réformé aujourd’hui décédé, auquel me liait une fidèle amitié, me confiait, à l’époque, que certains de ses amis et relations qui avaient lu tout ou partie de cet opuscule, estimaient que son auteur était « fou ». 5 Le cas le plus frappant étant celui de l’ouvrage intitulé « La pierre rejetée par les bâtisseurs. L’"intrication prophétique" des Écritures », qui, d’abord formellement accepté par un éditeur catholique français de renom, et dont la parution était prévue en 2013, se vit brutalement retiré du planning, sans autre forme de procès et avec des ‘explications’ embarrassées peu convaincantes. On peut lire une version de l’ouvrage, en prépublication, sur le site Academia.edu. 6 Sans apostasie de ma foi chrétienne, je le précise. Voir mon interview réalisée par les éditions Docteur Angélique, qui ont publié deux de mes livres. Pour un récit événementiel plus détaillé, lire « Juif "par effraction" ». 7 Je dis ‘rampant’, parce que je n’ai jamais fait l’objet de critiques publiques. Par contre, dans mes relations privées avec certains ecclésiastiques et des responsables de maisons d’éditions catholiques, je ne me suis pas seulement heurté à des rejets de mes propositions éditoriales sous des prétextes souvent fallacieux, mais j’ai parfois été l’objet d’une antipathie voire d’une animosité ouvertes, le caractère oral des échanges assurant l’anonymat à ceux qui me les manifestaient de diverses manières. 2 3 Ces contradictions – qui sont souvent le fait de fidèles et d’ecclésiastiques, scandalisés par mon itinéraire spirituel insolite – m’ont amené à me frayer, en solitaire, au fil des années, un chemin difficile et semé d’embûches, en marge du monde honorable, rassurant et bien ‘balisé’, de l’édition et de la théologie chrétiennes. Durant les cinquante années écoulées, je n’ai cessé de méditer ce que Dieu, dans son immense miséricorde, a bien voulu me faire comprendre du mystère du rétablissement, déjà accompli, du peuple juif8 et de la réaction hostile que provoquera parmi les nations, en général, et les chrétiennes, en particulier, la découverte de cet aspect inattendu du dessein de Dieu. Toutefois, en raison de ma piètre réputation évoquée ci-dessus, il ne m’a pas été possible de partager cette "bonne nouvelle" avec les fidèles et les responsables religieux de mon lieu de résidence, ni d’obtenir d’eux un discernement autorisé. Confronté à ces conditions défavorables et à l’incommunicabilité qui en découlait, j’ai enfoui ce message au plus profond de moi durant plusieurs décennies. Jusqu’à ce qu’un jour, parvienne à ma conscience – et que je la ressente comme mienne – la plainte douloureuse de Jérémie : Je m’étais dit : Je ne penserai plus à lui, je ne parlerai plus en son Nom. Mais c'était en mon cœur comme un feu dévorant, enfermé dans mes os. Je m'épuisais à le contenir, mais je n'ai pas pu. (Jr 20, 9). Ce n’est qu’en 2009 que je suis sorti de ce long silence, quand mon premier livre a été accepté et édité9. Dès lors, je n’ai plus cessé de publier le fruit de mes recherches et méditations, d’abord sous la forme de livres édités, puis sur Internet (en prépublication10), sans me préoccuper de ce que l’on disait et pensait de moi. Je l’ai fait non seulement pour porter témoignage du dévoilement d’un aspect du dessein de Dieu, dont j’avais bénéficié malgré mon indignité, mais aussi dans l’espoir que des autorités théologiques et ecclésiales me remontreraient – même sans ménagement – en quoi le contenu de mes publications s’écarte éventuellement de la foi chrétienne, comme on m’en a accusé en privé plus ou moins explicitement. À ce jour, mes publications n’ont fait l’objet d’aucune mise en garde doctrinale, ce qui ne signifie pas qu’il n’y ait rien à y redire. En effet, outre que tant ma personne, sans renommée, que le ‘poids’ théologique négligeable de mes écrits, ne sont pas de nature à attirer l’attention des autorités religieuses et des théologiens, nul ne peut s’attendre à ce que la hiérarchie ecclésiale se prononce sur l’orthodoxie éventuelle de tout ce qui se dit et s’écrit11. Ce qui ne m’a pas empêché de m’examiner scrupuleusement durant des décennies pour vérifier, à la mesure, forcément limitée, de mon savoir, si je ne m’écartais pas de la doctrine et de la tradition de ma confession de foi originelle (catholique). 8 Voir, entre autres, Dieu a rétabli son peuple: témoigner que le peuple juif est sur le point d'affronter son destin messianique. 9 Chrétiens et Juifs depuis Vatican II. État des lieux historique et théologique. Perspective eschatologique ; éditions Docteur angélique. 10 Sur ce mode de publication voir l’article Prépublication sur Wikipédia. 11 Pour les catholiques, le Magistère ordinaire suffit. Ce n’est qu’exceptionnellement que les autorités ecclésiales se prononcent, le plus souvent pour dénoncer et réformer ce qu’elles considèrent comme une hérésie, ou un enseignement erroné présentant un danger pour la foi et/ou la moralité des fidèles. 4 Aujourd’hui, âgé de 83 ans, alors que ma capacité visuelle s’est dégradée , suite à une prescription médicale inappropriée, et ce de manière irréversible, réduisant considérablement mes capacités de lecture et d’écriture, je m’efforce de conformer mes sentiments aux belles paroles de Paul : Même si notre homme extérieur tombe en ruines, notre homme intérieur se renouvelle de jour en jour. Car la légère tribulation d'un instant nous prépare, jusqu'à l'excès, une masse éternelle de gloire, à nous qui ne regardons pas aux choses visibles, mais aux invisibles ; les choses visibles en effet n'ont qu'un temps, les invisibles sont éternelles. Nous savons en effet que si cette tente - notre maison terrestre - vient à être détruite, nous avons un édifice qui est l'œuvre de Dieu, une maison éternelle qui n'est pas faite de main d'homme, dans les cieux. Aussi gémissons-nous dans cet état, ardemment désireux de revêtir par-dessus l'autre notre habitation céleste. […] Oui, nous qui sommes dans cette tente, nous gémissons, accablés; nous ne voudrions pas en effet nous dévêtir, mais nous revêtir par-dessus, afin que ce qui est mortel soit englouti par la vie. Et Celui qui nous a faits pour cela même, c'est Dieu, qui nous a donné les arrhes de l'Esprit. (2 Co 4, 16 à 5, 5). Je n’en suis que plus sensibilisé à l’exclamation de du même Apôtre – « le temps se fait court » (1 Co 7, 29). Aussi ai-je décidé, à mes risques et périls12, d’obéir à ma conscience qui m’incite à porter à la connaissance des fidèles du Christ ce que « m'a dit le Seigneur lorsque sa main m'a saisi et qu'il m'a appris à ne pas suivre le chemin de ce peuple… » (Is 8, 11), à savoir, que le rétablissement du peuple juif et son rôle dans les prodromes douloureux des temps messianiques13 sont entrés dans une phase décisive, et ce qu’il convient de faire, dès maintenant, pour correspondre au dessein de Dieu sur ce point. Cette mienne conviction14, qui découle des « visions et révélations du Seigneur » (cf. 2 Co 12, 1), méditées et approfondies durant des décennies, semble corroborée par les événements dramatiques et inquiétants qui agitent le monde depuis quelques décennies et plus particulièrement, ces dernières années. Des millions de gens meurent victimes de fanatisme politique et religieux, tout autant que de l’égoïsme économique des nantis, et ce dans l’indifférence presque générale de l’ensemble de l’humanité, dont un nombre considérable de chrétiens. L’athéisme et l’indifférentisme religieux font des progrès foudroyants dans la vieille Europe, tandis que la foi du grand nombre tiédit et s’affadit15, et que, comme l’a prophétisé Jésus lui-même, par suite de l'iniquité croissante, l'amour s’est refroidi chez le grand nombre. (Mt 24, 12). Dieu merci, les disciples du Christ ne sont pas tous dans ces mauvaises dispositions. Il en est qui, au contraire, aspirent à une prise de conscience et à une repentance du peuple chrétien. Ils constituent le Reste dont parle Paul, pour notre consolation : Voir, à ce sujet : « Payer le prix d’un changement de la théologie chrétienne du peuple juif (version mise à jour ». 13 La tradition juive parle à ce sujet des « douleurs de l’enfantement des temps messianiques ». 14 Elle n’est, bien entendu, pas à l’abri des risques d’erreur. J’espère néanmoins bénéficier de la grâce garantie par Paul aux disciples du Christ, en ces termes : « Lorsqu’on vous conduira devant les synagogues, les magistrats et les autorités, ne cherchez pas avec inquiétude comment vous défendre ou que dire, car le Saint Esprit vous enseignera à cette heure même ce qu'il faut dire. (Lc 12, 11-12). 15 Cf. Mt 5, 13 : « Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel vient à s'affadir, avec quoi le salera-t-on? Il n'est plus bon à rien qu'à être jeté dehors et foulé aux pieds par les gens. » 12 5 Dieu n'a pas rejeté son peuple que d'avance il a discerné. Ou bien ignorez-vous ce que dit l'Écriture à propos d'Élie, quand il s'entretient avec Dieu pour accuser Israël: Seigneur, ils ont [abandonné ton alliance] tué tes prophètes, rasé tes autels, et moi je suis resté seul et ils en veulent à ma vie! Eh bien, que lui répond l'oracle divin? Je me suis réservé sept mille hommes qui n'ont pas fléchi le genou devant Baal. De même, au temps présent, il y a un Reste, élu par grâce. (Rm 11, 2-5). Mais le découragement de ce « Reste » est grand. Ils se sentent comme « des brebis qui n’ont pas de berger » (Mc 6, 34). Avec le psalmiste, ils s’écrient : Nos signes ont cessé, il n’y a plus de prophète, et nul parmi nous ne sait jusques à quand. (Ps 74, 9). Ce que contestent de toutes les manières les « prophètes de bonheur » en traitant de « catastrophistes » et de « sinistrologues » les « guetteurs »16 que Dieu leur suscite pour les avertir de l’approche d’une épreuve sans précédent. Dieu a bien prophétisé d’eux par la bouche de Jérémie : Les prophètes prophétisent le mensonge […]. Et mon peuple aime cela! Mais que ferez-vous quand viendra la fin ? (Jr 5, 31). Et le même Jérémie de s’en plaindre à Dieu en ces termes : …Ah! Seigneur Éternel ! Voici que les prophètes leur disent: vous ne verrez pas l'épée, la famine ne vous atteindra pas; mais je vous octroierai une paix véritable en ce lieu. Alors L’Éternel me dit: C'est le mensonge que ces prophètes prophétisent en mon nom; je ne les ai pas envoyés, je ne leur ai rien ordonné, je ne leur ai point parlé. Visions de mensonge, divinations creuses, rêveries de leur cœur, voilà ce qu'ils vous prophétisent. C'est pourquoi, ainsi parle l’Éternel: Ces prophètes qui prophétisent en mon nom, alors que je ne les ai pas envoyés, et qui racontent qu'il n'y aura en ce pays ni épée ni famine, eh bien! c'est par épée et famine qu'ils disparaîtront, ces prophètes-là! (Jr 14, 13-15). De même, lors de l’altercation entre Jérémie et le prophète Hananya (Jr 27, 2 à 28, 17) sur le point de savoir qui, des deux envoyés de Dieu, prophétisait la vérité : Jérémie, qui annonçait le malheur, ou Hananya qui niait la chose et assurait au peuple qu’aucune des catastrophes prédites par Jérémie ne se produirait, celui-ci répondit : Les prophètes qui nous ont précédés, toi et moi, depuis bien longtemps, ont prophétisé, pour beaucoup de pays et pour des royaumes considérables, la guerre, le malheur et la peste; le prophète qui prophétise la paix, c'est quand se réalise sa parole qu'on le reconnaît pour un authentique envoyé de L’Éternel. (Jr 28, 8-9). Ma conviction personnelle est que le dessein de Dieu est de mettre définitivement et glorieusement en vigueur sa Royauté sur le monde. Jésus l’a inaugurée par anticipation17, et la Bonne Nouvelle en a été prêchée au monde par ses premiers témoins avec la puissance de l’Esprit. Cet aspect de la dispensation de la Révélation n’étant pas encore compris dans sa plénitude18, les signes avant-coureurs de la En son temps, j’ai tenté de sensibiliser celles et ceux des chrétiens qui partagent plus ou moins ma vision des choses - sans grand succès jusqu’ici. Voir « Charte spirituelle des "Guetteurs/Tsofim" ». 17 Ce que les théologiens appellent prolepse. Pour une analyse complète et savante du terme, voir l’article « Prolepse » dans Wikipédia. 18 Ce dont a témoigné Jésus en disant : « J'ai encore beaucoup à vous dire, mais vous ne pouvez pas le porter à présent. Mais quand il viendra, lui, l'Esprit de vérité, il vous introduira dans la vérité tout entière; car il ne parlera pas de lui-même, mais ce qu'il entendra, il le dira et il vous dévoilera les 16 6 manifestation du Royaume constitueront une épreuve, voire une « pierre d’achoppement »19 tant pour l’humanité que pour « tout Israël » (Rm 11, 26), son peuple, composé des Juifs et des disciples de Jésus, généralement appelés chrétiens. Il y aura alors une nouvelle et ultime prédication du Royaume, comme le prophétise Jésus : Cette Bonne Nouvelle du Royaume sera proclamée dans le monde entier, en témoignage à la face de toutes les nations. Et alors viendra la fin. (Mt 24, 14). La fin, ce sera la coalition blasphématoire des nations et leur montée « contre Dieu et contre son Oint » (Ps 2). Les prophètes annoncent deux montées des nations : l’une maléfique, l’autre bénéfique. Les deux perspectives se mêlent dans les oracles des prophètes, comme on peut le constater en lisant les deux suivants. Celui de Joël d’abord : Je produirai des signes dans le ciel et sur la terre, sang, feu, colonnes de fumée! Le soleil se changera en ténèbres, la lune en sang, avant que ne vienne le jour de L’Éternel, grand et redoutable! Tous ceux qui invoqueront le nom de L’Éternel seront sauvés, car sur le mont Sion il y aura des rescapés, comme l’a dit L’Éternel, et à Jérusalem des survivants que L’Éternel appelle. Car en ces jours-là, en ce temps-là, quand je rétablirai Juda et Jérusalem, je rassemblerai toutes les nations, je les ferai descendre à la Vallée de Josaphat; là j’entrerai en jugement avec elles au sujet d’Israël, mon peuple et mon héritage. Car ils l’ont dispersé parmi les nations et ils ont partagé mon pays. Ils ont tiré mon peuple au sort; ils ont troqué les garçons contre des prostituées, pour du vin ils ont vendu les filles, et ils ont bu ! (Jl 3, 3-5 4, 1-3). Perspective plus eschatologique encore chez Michée : Maintenant, des nations nombreuses se sont assemblées contre toi. Elles disent: Qu’on la profane et que nos yeux se repaissent de Sion! C’est qu’elles ne connaissent pas les plans de L’Éternel et qu’elles n’ont pas compris son dessein: il les a rassemblées comme les gerbes sur l’aire. Debout ! foule le grain, fille de Sion ! car je rendrai tes cornes de fer, de bronze tes sabots, et tu broieras des peuples nombreux. Tu voueras à L’Éternel leurs rapines, et leurs richesses au Seigneur de toute la terre. Maintenant, fortifie-toi, Forteresse ! Ils ont dressé un retranchement contre nous ; à coups de verge ils frappent à la joue le juge d’Israël. Et toi, (Bethléem) Ephrata, le moindre des clans de Juda, c’est de toi que me naîtra celui qui doit régner sur Israël ; ses origines remontent au temps jadis, aux jours antiques. C’est pourquoi il les abandonnera jusqu’au temps où aura enfanté celle qui doit enfanter. Alors le reste de ses frères reviendra aux enfants d’Israël. Il se dressera, il fera paître son troupeau par la puissance de L’Éternel, par la majesté du nom de son Dieu. Ils s’établiront, car alors il sera grand jusqu’aux extrémités du pays […] Alors, le reste de Jacob sera, au milieu des peuples nombreux, comme une rosée venant de L’Éternel, comme des gouttes de pluie sur l’herbe, qui n’espère point en l’homme ni n’attend rien des humains. Alors, le reste de Jacob sera, au milieu des peuples nombreux, comme un lion parmi les bêtes de la forêt, comme un lionceau parmi les troupeaux de moutons: chaque fois qu’il passe, il piétine, il déchire, et personne ne lui arrache sa proie. (Mi 4, 11-14 - Mi 5, 1-7). choses à venir. Lui me glorifiera, car c'est de mon bien qu'il recevra et il vous le dévoilera. » (Jn 16, 12-14). 19 Comme il est dit, sous forme d’oracle, en Is 8, 14 : « Il sera un sanctuaire, un rocher qui fait tomber, une pierre d'achoppement pour les deux maisons d'Israël, un filet et un piège pour les habitants de Jérusalem. » 7 Habacuq n’est pas moins dramatique : Avec rage tu arpentes la terre, avec colère tu écraseras les nations. Tu t’es mis en campagne pour sauver ton peuple, pour sauver ton oint (litt. : "tes oints"), tu as abattu la maison de l’impie, mis à nu le fondement jusqu’au rocher. Tu as percé de tes épieux le chef de ses guerriers qui se ruaient pour nous disperser, avec des cris de joie comme s’ils allaient, dans leur repaire, dévorer un malheureux […] J’ai entendu! Mon sein frémit. A ce bruit mes lèvres tremblent, la carie pénètre mes os, sous moi chancellent mes pas. J’attends en paix ce jour d’angoisse qui se lève contre le peuple qui nous assaille ! […] Mais moi je me réjouirai en L’Éternel, j’exulterai en Dieu mon Sauveur ! (Ha 3, 12-19). Zacharie, enfin : Il arrivera en ce jour-là que je ferai de Jérusalem une pierre à soulever pour tous les peuples, et tous ceux qui la soulèveront se blesseront grièvement. Et contre elle se rassembleront toutes les nations de la terre. (Za 12, 3). Le même Zacharie dévoile soudain la perspective eschatologique d’une parole prophétique de Jésus, qui n’était pas perceptible au temps où elle fut émise : Épée, éveille-toi contre mon pasteur et contre l’homme qui m’est proche, oracle de L’Éternel Sabaot. Frappe le pasteur, que soient dispersées les brebis (cf. Mt 26, 31= Mc 14, 27) ; et je tournerai la main contre les petits. Alors il arrivera, dans tout le pays, oracle de L’Éternel, que deux tiers en seront retranchés et que l’autre tiers y sera laissé. Je ferai entrer ce tiers dans le feu ; je les épurerai comme on épure l’argent, je les éprouverai comme on éprouve l’or. Lui, il invoquera mon nom, et moi je lui répondrai ; je dirai: Il est mon peuple et lui dira : L’Éternel est mon Dieu! Voici qu’il vient le jour de L’Éternel, quand on partagera tes dépouilles au milieu de toi. J’assemblerai toutes les nations vers Jérusalem pour le combat ; la ville sera prise, les maisons pillées, les femmes violées ; la moitié de la ville partira en exil, mais le reste du peuple ne sera pas retranché de la ville. Alors L’Éternel sortira pour combattre les nations, comme lorsqu’il combat au jour de la guerre… (Za 13, 7-9 à 14, 1-3 La montée bénéfique, ce sera celle des nations qui reconnaissent qu’Israël est resté l’élu de Dieu, et que son Rédempteur lui a fait grâce et va lui restituer sa gloire passée, qu’Isaïe nous décrit en ces termes : Il arrivera, à la fin des jours, que la montagne de la maison de L’Éternel sera établie en tête des montagnes et s’élèvera au-dessus des collines. Alors toutes les nations afflueront vers elle [Sion] ; alors viendront des peuples nombreux qui diront : Venez, montons à la montagne de L’Éternel, à la maison du Dieu de Jacob, qu’il nous enseigne ses voies et que nous suivions ses sentiers. Car de Sion vient la Loi et de Jérusalem la parole de L’Éternel. (Is 2, 2-3). Je suis conscient qu’ainsi exposé, le présent témoignage court le risque d’être considéré comme étant de nature à favoriser la constitution d’une secte qui s’érige en alternative à l’enseignement du Magistère en cette matière. Et, de fait, ce pourrait être le cas si, parallèlement à l’Écriture, je ne tenais pas ferme à la Tradition, dont l’autorité fut contestée dès les débuts du Christianisme. On sait en effet que l’Église fut en proie à des groupes sectaires qui opposaient des doctrines hérétiques à l’enseignement des Apôtres, conservé dans les communautés chrétiennes et diffusé par elles dans tout le monde civilisé d’alors. 8 Quiconque lira ces pages voudra bien consulter l’Annexe 1 de cet ouvrage20. Son contenu traduit, mieux que je ne saurais le faire, ma position personnelle en matière de foi et de tradition. 20 Intitulée « Le problème de la transmission fidèle du "dépôt" de la foi, ci-après, p. 26. 9 2. Comment porter un témoignage qui se veut prophétique sans tomber dans l’hérésie ou la susciter Contrairement à l’opinion commune, le don de prophétie n’a pas cessé à la mort de Jean le Baptiste, considéré comme le dernier prophète de l’Ancien Testament. Tout théologien sait que l’action de l’Esprit Saint continue de s’exercer, au bénéfice de l’Église tout entière. Un chapitre de la Constitution dogmatique Lumen Gentium, du Concile Vatican II, intitulé « La participation des laïcs à la fonction prophétique du Christ et au témoignage », l’expose solennellement, en ces termes21 : Le Christ, grand prophète, qui par le témoignage de sa vie et la vertu de sa parole a proclamé le Royaume du Père, accomplit sa fonction prophétique jusqu’à la pleine manifestation de la gloire, non seulement par la hiérarchie qui enseigne en son nom et avec son pouvoir, mais aussi par les laïcs dont il fait pour cela des témoins en les pourvoyant du sens de la foi et de la grâce de la parole (cf. Ac 2, 17-18 ; Ap 19, 10), afin que brille dans la vie quotidienne, familiale et sociale, la vertu de l’Évangile. Ils se présentent comme les fils de la promesse, lorsque, fermes dans la foi et dans l’espérance, ils mettent à profit le moment présent (cf. Ep 5, 16 ; Col 4, 5), et attendent avec constance la gloire à venir (cf. Rm 8, 25). Cette espérance, ils ne doivent pas la cacher dans le secret de leur cœur, mais l’exprimer aussi à travers les structures de la vie du siècle par un effort continu de conversion, en luttant "contre les souverains de ce monde des ténèbres, contre les esprits du mal" (Ep 6, 12) [...] à tous [les laïcs], le devoir s’impose de coopérer à l’extension et au progrès du règne du Christ dans le monde. C’est pourquoi les laïcs doivent chercher à connaître toujours plus profondément la vérité révélée, et demander instamment à Dieu le don de sagesse. Mais la nature et les modalités de cette participation des laïcs à la fonction prophétique du Christ a-t-elle été suffisamment expliquée et clarifiée ? On peut en douter à la lecture de l’affirmation suivante du théologien Niels Christian Hvidt, qui figure dans l’introduction à son interview du Cardinal Joseph Ratzinger, en 199822 : On n’a jamais mené de réflexion systématique sur ce qui constitue la spécificité des prophètes, sur ce qui les distingue des représentants de l’Église institutionnelle et sur la façon dont la parole révélée par eux se rapporte à la Parole révélée dans le Christ et transmise par les apôtres. Et effectivement, aucune véritable théologie de la prophétie chrétienne n’a jamais été développée et de fait, les études sur ce problème sont extrêmement rares. Il faut lire l’entièreté de cette interview pour mesurer l’originalité de la contribution du Cardinal à ce que l’on peut appeler une théologie de la « prophétie chrétienne », même si le Cardinal n’emploie pas lui-même cette expression. L’extrait suivant illustre clairement qu’il ne s’agit ni de prospective ni de spéculation23 : […] Dieu se réserve le droit d’intervenir directement, par les charismes, dans l’Église pour la réveiller, l’avertir, la promouvoir et la sanctifier. Je crois que cette histoire prophético-charismatique traverse le temps de l’Église. Elle est toujours présente, surtout dans les moments les plus critiques, les moments de transition. Pensons, par exemple, à la naissance du monachisme, à sa première manifestation Il s’agit de l’article 35 de ce document, en ligne sur le site du Vatican. Extrait d’une interview du Cardinal Joseph Ratzinger par Niels Christian Hvidt, en mars 1998 : texte italien sur le site de l’Agence de presse catholique Zenit, de Rome, sous le titre « Il problema della profezia cristiana » ; version française (pdf) dans le magazine 30 Giorni n° 1, de 1999, sous le titre « Le problème de la prophétie chrétienne », dont extraits sur Academia.edu : « Le problème de la prophétie Chrétienne, interview du cardinal Ratzinger (1999) ». 23 Ibid., p. 6, § 4. 21 22 10 que constitue la retraite de saint Antoine dans le désert. Ce sont les moines qui ont sauvé la christologie de l’arianisme et du nestorianisme. Hvidt fait alors remarquer qu’à en croire « l’histoire de l’Église » l’expression prophétique dans l’Église cause « nécessairement des blessures de part et d’autre ». À quoi le Cardinal répond24 : Il en a toujours été ainsi; l’impact prophétique ne peut se produire sans une souffrance réciproque. Le prophète est appelé d’une manière spécifique à l’imitation de la souffrance: il se reconnaît au fait qu’il est prêt à souffrir et à partager la croix avec le Christ. Il ne cherche pas à s’imposer lui-même. Son message est vérifié et rendu fertile dans la croix. Et quand Hvidt déplore que « la plus grande partie des prophètes de l’Église ont été rejetés durant leur vie », ajoutant même qu’« il semble quasi inévitable que l’Église adopte une attitude critique ou même une attitude de refus à leur endroit » et que « c’est ce que l’on peut observer pour la majorité des prophétesses et des prophètes chrétiens », le Cardinal ne se dérobe pas. Non seulement il assume cette critique, et n’hésite pas à y ajouter expressément la rudesse de réaction de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi face au mystique qui interpelle l’Église, mais il indique dans sa réponse quelle doit être l’attitude de l’une et de l’autre25. Oui, c’est vrai. Ignace de Loyola a été en prison, la même chose est arrivée à Jean de la Croix. Brigitte de Suède a manqué d’être condamnée au Concile de Bâle. Du reste, c’est une tradition de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi d’être, dans un premier temps, très prudente quand elle se trouve face à des prétentions mystiques. Cette attitude est, du reste, plus que justifiée, car il existe beaucoup de fausse mystique, beaucoup de cas pathologiques. Il est donc nécessaire de se montrer très critique pour ne pas risquer de tomber dans le sensationnel, l’imaginaire, la superstition. Le mystique se manifeste dans la souffrance, dans l’obéissance et dans la patience dont il est capable. S’il se manifeste ainsi, sa voix dure dans le temps. Quant à l’Église, elle doit veiller à ne pas encourir le reproche d’avoir « tué les prophètes. (cf. Lc 13, 34 et Mt 23, 37-39). Nul doute que l’arrière-plan de la réflexion du Cardinal ait été celui des directives de Paul : N’éteignez pas l’Esprit, ne dépréciez pas les prophéties, mais vérifiez tout et retenez ce qui est bon (1 Th 5, 19-21). Pour les prophètes, qu’il y en ait deux ou trois à parler, et que les autres discernent. Si un autre qui est assis a une révélation, que le premier se taise. Car vous pouvez tous prophétiser à tour de rôle, pour que tous soient instruits et tous exhortés. Les esprits des prophètes sont soumis aux prophètes ; et le prophète doit avoir la maîtrise de son esprit. » (1 Co 14, 29-32). 3. Comment porter devant l’autorité religieuse un témoignage que ni elle ni ses théologiens ne peuvent admettre à ce stade? Une telle initiative constituerait déjà un défi considérable pour un théologien de métier qui, par hypothèse, serait parvenu, par les seules ressources de son intelligence et de sa science, à des conclusions identiques ou analogues aux miennes 24 25 Ibid., p. 12, § 15. Ibid., p. 12, § 16. 11 et entreprendrait de les exposer à ses pairs et aux instances magistérielles ad hoc. Dans ces conditions, à quel accueil peut s’attendre le fidèle ordinaire que je suis, seul et sans crédit ni appui, qui non seulement semble vouloir ‘enseigner l’Église’, mais prétend, de surcroît, que Dieu lui a révélé un « développement » inattendu de la Révélation, qu’il croit de son devoir d’exposer ? Je rappelle en effet que, comme je l’ai évoqué au début de cet écrit, l’événement qui est à l'origine du présent témoignage, est une « révélation privée »26 dont j’ai bénéficié au printemps de 1967, et que j’ai longtemps gardée secrète. J’en ai fait, en son lieu, un exposé détaillé, dont voici un passage27 : Ce jour-là, je venais de lire, pour la énième fois, la célèbre exclamation prophétique de saint Paul, dans son Épître aux Romains : « Dieu aurait-Il rejeté son peuple? – Jamais de la vie! Dieu n’a pas rejeté le peuple qu’il a discerné d’avance. » (Rm 11, 1-2). Alors, jaillit de mon âme une protestation presque violente dont, jusqu’alors, je n’avais pas pris conscience qu’elle était latente en moi depuis longtemps. C’était un véritable cri, qui peut se résumer à peu près en ces termes, que j’émis avec fougue et dans le silence d’un recueillement intense et déjà quasi surnaturel : « Mais enfin, Seigneur, dans les faits, les Juifs sont éloignés du Christ et de Son Église. Qu’en est-il de la prophétie paulinienne de rétablissement d’Israël ? » Il faut croire que l’ardeur désespérée de ce cri fut agréable à Dieu, puisque, dans Son immense miséricorde, Il daigna me répondre […] La vision fut brève et la suspension de mes sens cessa assez vite. Toutefois, juste avant que se dissipe la lumière surnaturelle, s’imprima clairement en moi la phrase suivante: « Dieu a rétabli Son peuple ». En même temps, m’était infusée la certitude qu’il s’agissait du peuple élu ; que le rétablissement de ce dernier, dont on venait de m’annoncer la « bonne nouvelle », était chose faite, et que l’événement concernait autant les Juifs d’aujourd’hui, la terre d’Israël et Jérusalem, que la Chrétienté et toute l’humanité. Je suis conscient qu’un tel récit peut perturber, voire inquiéter tant les fidèles que leurs pasteurs. C’est la raison pour laquelle, durant plusieurs décennies, je n’en ai fait état publiquement, de manière sporadique, qu’à partir de 2008, sauf erreur, sur l’un ou l’autre de mes blogs, soit après une quarantaine d’années d’enfouissement timoré et de méditation inquiète de ce que je crois être une parole de Dieu pour son Église. Je précise que si j’y reviens dans ces pages, c’est qu’après avoir, à l’exemple de Marie, « conservé et médité toutes ces choses dans mon cœur » (cf. Lc 2, 19) durant tant d’années, je suis parvenu à la conviction que cohabitent, dans l’« aujourd’hui de Dieu » (cf. He 3, 7.13, etc.), la transmission traditionnelle de la foi, de personne à personne, telle que l’ont pratiquée les premiers chrétiens – et qui reste toujours indispensable - et la mise à disposition de tous, par les moyens modernes de Dans l’interview évoquée ci-dessus (note 21), le Cardinal Ratzinger précise ce qu’il entend par cette expression : « En théologie, le concept de privé ne signifie pas que la personne impliquée est seule concernée et que toutes les autres ne le sont pas elles aussi. C’est plutôt une expression qui regarde le degré d’importance, comme c’est le cas, par exemple, pour le concept de messe privée. On entend dire par ce terme que les révélations des mystiques chrétiens et des prophètes ne peuvent jamais s’élever au même niveau que la Révélation biblique : elles ne peuvent que mener jusqu’à celle-ci et doivent se mesurer avec elle. Ceci, par ailleurs, ne signifie pas que ce type de révélations ne soit pas important pour l’Église dans sa totalité. Lourdes et Fatima prouvent le contraire. En dernière analyse, ces révélations ne sont rien d’autre qu’un nouvel appel à la Révélation biblique, et d’ailleurs c’est précisément cela qui leur confère une fiabilité importante. » 27 Extrait de Menahem Macina, Confession d’un fol en Dieu, op. cit., « Deuxième visitation », p. 35 et s. 26 12 communication, de l’immense trésor spirituel de la connaissance du dessein de Dieu et de sa volonté, accumulé au fil des siècles par la rumination qu’en ont faite des myriades de saints serviteurs et servantes de Dieu, et dont moi-même, « en tout dernier lieu, comme l’avorton » (cf. 1 Co 15, 8), je me fais le relais, tout en étant conscient de ma fragilité et attentif à l’avertissement de saint Paul : Mais ce trésor, nous le portons en des vases d’argile, pour que cet excès de puissance soit de Dieu et ne vienne pas de nous. (2 Co 4, 7). Celles et ceux qui me connaissent peuvent témoigner que je n’ai pas négligé pour autant l’effort d’intellection dont le fidèle, même s’il est gratifié des plus hautes révélations28, ne doit pas trop vite se considérer comme dispensé. Cet effort est d’autant plus indispensable dans le présent cas de figure, que le dessein de Dieu sur les deux parties, juive et chrétienne, de son peuple est encore enveloppé de mystère29, et que l’Église n’a pas encore exprimé clairement sa saisie de quatre événements majeurs contemporains dans lesquels le peuple juif est impliqué, et la signification qu’elle leur donne au regard de la Révélation du Mystère du Salut en Jésus le Christ. Je veux parler (1) de la Shoah, (2) de la création de l’État d’Israël, (3) de la réappropriation par la majeure partie du peuple juif de sa capitale prophétique : Jérusalem, et (4) de la contradiction mondiale de plus en plus violente que soulèvent, une fois de plus, le comportement et même la simple existence du peuple juif30. Ces considérations étant émises, je crois utile d'esquisser, dans leurs grandes lignes la forme et l’esprit du témoignage envisagé. Mais auparavant, il me faut répondre d’emblée à une objection théologique apparemment imparable. Bien avant qu’on me l’administre ad nauseam, je l’avais formulée moi-même au sortir de l’illumination spirituelle évoquée plus haut : la Révélation divine est complète, m’étais-je dit, il n’y a donc rien à y ajouter. Je ne saurais mieux répondre à cette objection qu’en citant ces propos du Cardinal Ratzinger lors de l’interview précitée, tant ils énoncent, avec maîtrise théologique, l’esprit qui doit animer celles et ceux qui croient devoir s’inscrire dans une démarche telle que celle qui fait l’objet de cet écrit : 28 Conformément à la célèbre formule de saint Anselme de Cantorbéry, « fides quaerens intellectum » (la foi qui s’efforce de comprendre). 29 Rappelons que l’Église bute toujours sur le mystère (cf. Rm 11, 25) de la persistance de l’incroyance juive en la messianité et en la divinité de Jésus, et qu’elle n’est pas encore convaincue que le retour de plus des deux tiers du peuple juif d’aujourd’hui sur sa terre d’antan est inclus dans le dessein et la prescience de Dieu, comme devant être un signe de contradiction qui « révèle les pensées intimes de beaucoup de cœurs » (Cf. Lc 2, 34-35). J’ai exposé succinctement ma vision personnelle des choses à ce propos dans la Conclusion de mon livre intitulé Un voile sur leur cœur, et extensivement dans mon livre en prépublication, intitulé Le peuple juif, révélateur des desseins des cœurs des peuples, à l’approche de la fin des temps. Quant au problème que pose à l’Église l’existence, de plus en plus contestée au plan international, de l’État juif, que la hiérarchie catholique considère, dans l’ensemble, comme un fait exclusivement politique, j’en ai traité dans deux chapitres de mon livre cité (« Un voile sur leur coeur. Le "non" catholique au Royaume millénaire du Christ sur la terre »), intitulés respectivement « Le retour des juifs dans leur antique patrie: Perspective juive », et « La question de l’État d’Israël : perspective chrétienne ». 30 Les deux articles suivants, parmi d’autres, témoignent des hésitations de la perception de l’institution catholique concernant ces questions : « Le cardinal Koch évoque "la position délicate des catholiques quant à l’évangélisation des juifs " » ; et « Selon Benoît XVI, Pas de conversion des Juifs ...jusqu’à ce que soit entrée la totalité des païens ». 13 [La numérotation correspond aux questions posées par l’intervieweur (N.C. Hvidt) ; les italiques et les mises en couleur rouge sont de moi]. 3) […] la thèse selon laquelle l’accomplissement de la Révélation a marqué la fin de toute prophétie existe effectivement. Mais il me semble qu’il y a dans cette thèse un double malentendu. D’abord, il s’y cache l’idée que le prophète, qui est essentiellement associé à la dimension de l’espérance, n’a plus de rôle à jouer, parce que, précisément, le Christ est désormais là et que la présence est venue remplacer l’espérance. Il s’agit là d’une erreur, car le Christ s’est fait chair, après quoi il est ressuscité dans l’Esprit Saint. Cette nouvelle présence du Christ dans l’histoire, dans le sacrement, dans la Parole, dans la vie de l’Église, dans le cœur de chaque homme, est l’expression et le début de l’avènement définitif du Christ « qui remplit toute chose ». (cf. Ep 1, 23 ; cf. Ep 4, 10.) Cela signifie que le christianisme va toujours vers le Seigneur qui vient, dans un mouvement intérieur. Mouvement qui se produit aujourd’hui encore, mais de façon différente car le Christ est déjà présent. Le christianisme porte, en effet, toujours en lui une structure d’espérance. L’eucharistie a toujours été conçue comme une marche vers le Seigneur qui vient. Aussi représente-t-elle l’Église entière. L’idée que le christianisme est une présence déjà totalement complète et qu’il ne porte pas en lui de structure d’espérance est la première erreur qu’il faut rejeter. Le Nouveau Testament a en lui une structure d’espérance, différente certes, mais qui reste cependant toujours une structure d’espérance radicale. Dans le nouveau peuple de Dieu, il est donc essentiel pour la foi de se faire serviteur [lire « servante »] de l’espérance. [...] la Révélation a atteint son but avec le Christ, parce que — selon la belle expression de saint Jean de la Croix — quand Dieu a parlé personnellement, il n’y a plus rien à ajouter. On ne peut rien dire de plus que le Logos. Celui-ci est au milieu de nous de façon complète et Dieu ne peut nous donner ni nous dire quelque chose de plus grand que Lui-même. Mais, précisément, cette totalité du don de Soi de Dieu — à savoir que Lui, le Logos, est présent dans la chair — signifie aussi que nous devons continuer à pénétrer ce Mystère. Et cela se relie à la structure de l’espérance. La venue du Christ est le début d’une connaissance toujours plus profonde et d’une découverte progressive de ce qui est donné dans le Logos. De cette façon, c’est un nouveau moyen d’introduire l’homme dans la vérité tout entière qui s’offre, comme le dit Jésus dans l’Évangile de Jean, lorsqu’il parle de la descente de l’Esprit Saint (Cf. Jn 16, 13) Je considère que la christologie pneumatique du discours par lequel Jésus prend congé (Cf. Jn 16, 5 et s.) est très importante pour notre sujet: le Christ explique en effet que sa venue dans la chair n’est qu’un premier pas. La venue effective se réalise dans la mesure où le Christ n’est plus lié à un lieu ou à un corps limité localement, mais vient en Esprit, chez tous, comme Ressuscité et fait en sorte que l’entrée dans la vérité acquière toujours plus de profondeur. Il me paraît personnellement clair que — précisément quand cette christologie pneumatique détermine le temps de l’Église, c’est-à-dire le temps dans lequel le Christ vient à nous en Esprit — l’élément prophétique, comme élément d’espérance et de rappel, ne peut naturellement être absent ni disparaître. 6) Thomas d’Aquin ne serait pas concevable sans Dominique, sans le charisme de l’évangélisation qui lui était propre. On remarque, à la lecture de ses écrits, combien ce thème a été important pour lui. [...] Et il a déclaré que la vraie règle de son Ordre se trouve dans les Écritures Sacrées et qu’elle est constituée par le quatrième chapitre des Actes des Apôtres (« ils n’avaient qu’un cœur et qu’une âme », cf. Ac 4, 32) et par le dixième chapitre de l’Évangile de Matthieu (annoncer l’Évangile sans prétendre à rien pour soi, cf. Mt 10, 8-10). Telle est, pour Thomas, la règle de toutes les règles. Chaque forme monastique ne peut être que la réalisation de ce modèle 14 originaire, qui a naturellement un caractère apostolique, mais que la figure prophétique de Dominique lui a fait redécouvrir sous un jour nouveau. À partir de ce premier modèle, Thomas développe sa théologie comme évangélisation, c’est-à-dire comme le fait de circuler dans le monde avec et pour l’Évangile, en partant de la réalité bien enracinée du n’avoir qu’un cœur, qu’une âme de la communauté des croyants. [...] Je crois qu’il est possible de démontrer comment, pour tous les grands théologiens, une nouvelle élaboration n’est possible que si l’élément prophétique a, au préalable, ouvert un passage. Tant que l’on procède de façon purement rationnelle, rien de nouveau ne peut se produire. On pourra, peut-être, construire des systèmes toujours plus précis, on soulèvera des questions toujours plus subtiles, mais le passage par où peut resurgir la grande théologie ne peut être l’effet du travail rationnel de la théologie, mais celui d’une pression charismatique et prophétique. Et c’est en ce sens, selon moi, que la prophétie et la théologie vont toujours d’un même pas. La théologie, comme science théologique au sens strict, n’est pas prophétique. Et elle ne peut devenir théologie vivante que quand elle est poussée et éclairée par une impulsion prophétique. [...] 15 4. Méditer dans l’Église la révélation du rétablissement d’Israël et se consacrer à en prêcher la bonne nouvelle au peuple de Dieu Repentez-vous donc et revenez (à Dieu), afin que vos péchés soient effacés, et qu'ainsi le Seigneur fasse venir les temps du répit. Il enverra alors le Christ qui vous a été destiné, Jésus, que le ciel doit garder jusqu’aux temps de la restauration finale de tout ce que Dieu a dit par la bouche de ses saints prophètes d’autrefois. (Ac 3, 19-21). L’évangile de Jean relate un épisode qui illustre la nature arrogante du rejet de Jésus et de sa mission par des dignitaires religieux juifs versés dans l’interprétation de la Loi, qui ne cachaient pas leur mépris pour la foi simple de leurs coreligionnaires non instruits : Les gardes [envoyés pour arrêter Jésus] revinrent trouver les grands prêtres et les Pharisiens. Ceux-ci leur dirent : « Pourquoi ne l'avez-vous pas amené? » Les gardes répondirent: « Jamais homme n'a parlé comme cela! » Les Pharisiens répliquèrent: « Vous aussi, vous êtes-vous laissé égarer? Est-il un des notables qui ait cru en lui? Ou un des Pharisiens? Mais cette foule qui ne connaît pas la Loi, ce sont des maudits! » (Jn 7, 45-49). Un autre passage, qui figure dans les évangiles de Matthieu et de Luc, révèle le regard et le jugement de Dieu sur les dirigeants et spécialistes religieux juifs d’alors, qui, confrontés à la révélation, par le Christ, d’un aspect inattendu du dessein divin, la rejettent avec scandale : À cette heure même, [Jésus] tressaillit de joie sous l'action de l'Esprit Saint et il dit : « Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d'avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l'avoir révélé aux tout-petits. Oui, Père, car tel a été ton bon plaisir. (Lc 10, 21 = Mt 11, 25). Détail significatif : le récit évangélique précise que ce « bon vouloir » de Dieu envers les simples qui croient, déclenche en Jésus joie et action de grâces. Je n’aurai pas l’impudence de comparer cette situation évangélique à la réaction presque systématique de scepticisme auquel se heurtent mes propos et mes écrits. Pourtant, je ne peux m’empêcher d’y voir une analogie avec le fait qu’à quelques rares exceptions près31, les révélations privées dont j’ai bénéficié, malgré mon indignité personnelle, ne sont accueillies favorablement et crues que par des chrétiens sans formation théologique et religieuse supérieure. Le théologien Niels Christian Hvidt (déjà cité), qui a consacré une riche dissertation doctorale à la prophétie chrétienne32, à laquelle ce chapitre, et même une grande partie du présent écrit, doivent beaucoup, a raison de souligner que C’est le cas, par exemple d’un religieux carme auquel j’avais adressé, en 2006, le tapuscrit de la relation des faveurs divines, pour bénéficier de son discernement, et qui m’écrivait, entre autres choses : « Ces grâces - car je les estime telles - sont absolument gratuites et imméritées, si elles sont un appel à la sainteté, elles ne la confèrent pas. Et elles paraissent ici plutôt liées à une mission confiée… ». 32 Les passages de ce livre, cités ci-après, sont tirés de la version française, réalisée par mes soins, de quelques extraits de l’ouvrage de Niels Christian Hvidt, Christian Prophecy, The Post-Biblical Tradition, Oxford University Press, 2007, que j’ai mise en ligne site Academia.edu, sous le titre « La "prophétie chrétienne", selon Niels Christian Hvidt. Projet éditorial » Je ne saurais trop recommander la lecture attentive de l’intégralité de l’ouvrage (accessible uniquement en anglais). 31 16 les "révélations" des mystiques et des prophètes chrétiens ne peuvent jamais prétendre au même niveau que la Révélation biblique; elles ne peuvent que conduire à cela et elles doivent se mesurer par rapport à elle33. Et de citer Joseph Ratzinger : Mais cela ne signifie pas que ces types de révélations ne sont pas importants pour l'Église dans son intégralité. Lourdes et Fatima sont la preuve qu'ils sont importants. En dernière analyse, ils ne sont qu'un appel à la Révélation biblique et, pour cette raison, ils sont importants. Suivons encore Hvidt : Beaucoup a été écrit sur le rôle du Magistère dans la transmission, l'actualisation et le déroulement de la Révélation, ainsi que sur le rôle des fidèles. Cependant, étonnamment peu a été écrit sur la compréhension pénétrante des réalités spirituelles que les prophètes chrétiens expérimentent et qui constituent la base de leur évangélisation. […] Par conséquent, tant les intérêts pastoraux que les intérêts académiques motivent le débat sur la prophétie. […] L’auteur « résume, avec Karl Rahner, ce qui peut motiver une élaboration théologique sur la prophétie chrétienne », par cette citation du célèbre théologien allemand : Nous devrons être assez précis sur la nature de ces révélations privées postérieures au Christ et qui ont de la valeur pour l'Église et pas seulement pour celui qui en est le bénéficiaire immédiat, parce que ces révélations devraient être parfaitement insérées dans cette phase finale de l'économie du salut. Nous avons vu qu'il ne suffisait pas de le dire: les révélations privées ne sont pas adressées à l'Église ou à l'humanité prises dans leur ensemble et leur contenu n'est pas garanti par le Magistère de l'Église. Se contenter d'affirmer que le contenu de ces révélations n'a qu'une relation accessoire et quasi insuffisante avec la Révélation publique chrétienne, soulève la question: tout ce que Dieu révèle est-il insignifiant? Je souscris pleinement à cet autre passage du livre de Hvidt : Encore une fois, dire que les révélations privées ne contiennent que des vérités que l'on pourrait connaître à travers la Révélation commune - par exemple, la possibilité et l'utilité d'une nouvelle dévotion - c'est soulever encore une autre question: pourquoi Dieu le révèle-t-il, et ne laisse-t-il pas plutôt à l'intelligence des théologiens le soin de rendre explicite ce nouvel aspect de la Révélation? Le même auteur fait remarquer que l’expression « prophétie chrétienne », qui constitue le thème de sa recherche doctorale, est employée par le cardinal Joseph Ratzinger dans son Commentaire de la publication du Troisième Secret de Fatima34. Le document […] décrit la position catholique classique en ce qui concerne les révélations privées. À ma connaissance, ce doit être l'un des premiers documents magistériels à utiliser l’expression de prophétie chrétienne pour des révélations privées, bien que ce soit exprimé prudemment, en mettant le mot prophétie entre guillemets : « Les images qu’ont décrites [les voyants] ne sont pas en effet une simple expression de leur fantaisie, mais le fruit d'une réelle perception d'origine supérieure et intérieure […] C'est la vision dans son ensemble qui compte, et c'est à partir de l'ensemble des images que les éléments particuliers doivent être compris. 33 Op. cit., p. 11. Texte en ligne sur le site du Vatican. Congrégation pour la doctrine de la foi. Le Message de Fatima (http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_cfaith_doc_2000062 6_message-fatima_fr.html). 34 17 Quel que soit le centre d'une image, elle se révèle de manière ultime à partir de ce qui est le centre de la « prophétie » chrétienne elle-même: le centre est là où la vision devient appel et guide vers la volonté de Dieu. » Il est temps maintenant d’esquisser les grandes lignes de l’entreprise spirituelle envisagée35. Contrairement à la forme qu’affectent la plupart des mouvements religieux traditionnels – dont il n’est pas question de remettre en cause la vocation propre et la manière qu’ils ont choisie de l’exercer -, les circonstances de ma vie spirituelle et de l’appel de Dieu m’ont conduit à adopter et à préconiser à celles et ceux qui sont attirés par ce que j’en ai écrit et publié jusqu’ici, une forme de vie à la fois très individualiste et pleinement communautaire. L’Église (j’entends par là le Corps universel du Christ, dont les membres – que Dieu seul connaît –, forment, avec ceux qui sont déjà dans la béatitude céleste, la « communion des saints »), est répandue sur toute la terre et se développe à travers les siècles jusqu’à « constituer cet Homme parfait, dans la force de l’âge, qui réalise la plénitude du Christ » (Ep 4, 13). Elle n’a jamais manqué de l’assistance de cet « autre Consolateur », l’Esprit Saint, que le Christ avait promis de demander à Son Père pour qu’il soit sans cesse avec ses disciples (Jn 14, 16-17). C’est par cet Esprit que Dieu la pourvoit de toutes sortes de charismes et suscite, au fil du temps et en toute circonstance, dans le cœur de fidèles attentifs aux difficultés de l’exercice de la foi ici et maintenant, la volonté de créer des formes de vie qui répondent aux besoins spirituels propres à leur époque36 et contribuent à l’extension de Son dessein de salut de l’humanité. Mus intérieurement par la grâce divine, ces fidèles, ayant constaté des déficiences dans tel ou tel domaine de l’action et de la spiritualité de l’Église de leur époque, y ont remédié de diverses façons, avec leur génie propre, au bénéfice de la Chrétienté tout entière. Après de rudes épreuves et de nombreuses tribulations – le plus souvent infligées par d'autres fidèles, voire par des membres de la hiérarchie religieuse –, leurs initiatives ou leurs réformes ont été intégrées dans l’organisme de la chrétienté et ont porté des fruits bénéfiques qui ont donné lieu à la création de multiples congrégations et instituts religieux et, plus spécifiquement depuis plus d’un siècle, à l’émergence de nombreux mouvements laïcs en prise avec une société en pleine mutation qu’ils tentent, avec succès parfois, de christianiser et de sanctifier. Nul, s’il veut s’inscrire dans cette dynamique d’Église, ne peut faire abstraction de l’existence de ces entités (même si certaines ont déchu de leur ferveur originelle, ou pire, comme ce fut le cas de plusieurs d’entre elles au cours des décennies écoulées, ont été cause de scandale public du fait de défaillances graves de certains de leurs responsables et de leurs membres). Il existe, en effet, des formes multiples 35 Je reproduis ici, largement et parfois verbatim, un texte rédigé par mes soins en 2013, et qui figure en ligne sur Academia.edu, sous le titre « Le charisme de discernement prophétique ». 36 Je m’inspire ici d’un passage de l’œuvre d’Irénée de Lyon, Adversus Haereses, Livre IV, 20, 6, Irénée de Lyon, Contre les hérésies. Dénonciation et réfutation de la prétendue gnose au nom menteur, éditions du Cerf, 1991, p. 473 : « Certains [prophètes] voyaient l’esprit prophétique et son assistance en vue de l’effusion de tous les genres de grâces ; d’autres voyaient la venue du Seigneur et le ministère par lequel, depuis les origines, il accomplit la volonté du Père, tantôt au ciel et tantôt sur la terre ; d’autres voyaient les gloires du Père propres aux époques et à ceux qui voyaient et entendaient alors et à ceux qui devaient entendre par la suite… » (traduction légèrement remaniée par mes soins sur base du latin). 18 de sanctification, tant religieuses et monastiques que laïques37. Toutefois, c’est parce qu’ils n’ont pas trouvé leur place parmi elles, que celles et ceux qui me fréquentent et me lisent, depuis des années pour une partie d’entre eux, ont adhéré à mes conceptions. Mais quelques-uns ont voulu aller plus avant. Sur leurs instances, et après maintes hésitations, j’ai fini par accepter de les accompagner dans leur aspiration à une voie spirituelle, dont ils perçoivent confusément et intuitivement les contours, sans en avoir encore défini la forme et les modalités concrètes. Il doit être clair que quiconque s’engage sur une voie qui n’a pas encore de statut ecclésial défini prend un risque et le fait courir à celles et ceux qui seront enclins à lui emboîter le pas. Les spécialistes de la sociologie religieuse disent fort justement que quiconque veut réformer ou créer une forme de vie dans l’Église conteste, au moins implicitement, celles qui existent déjà. Mais la situation se complique encore plus quand un individu tel que moi affirme qu’il ne veut ni réformer un mouvement existant, ni en créer un nouveau, mais qu’il croit devoir obéir à un appel intérieur, extrêmement fort et persistant, à avertir le peuple chrétien que le dessein de Dieu est entré dans une phase capitale et irréversible, que ni lui ni ses pasteurs, dans leur majorité, n’ont discernée jusqu’ici. Outre le scandale, la dérision, voire l’accusation de démesure, d’hérésie ou de schisme, que risque d’engendrer un tel propos, il sera demandé des comptes à celles et ceux qui le font ou le feront leur. Ils devront donc être, comme le recommande saint Pierre (1 P 3, 15) « toujours prêts à l’apologie face à quiconque vous demande raison de l’espérance qui est en vous ». Cette « apologie » devra être dénuée d’agressivité et formulée avec humilité, ce qui n’exclut pas la fermeté. Mais pour être convaincante, elle devra reposer sur une connaissance solide de la foi chrétienne et de ses racines juives, à la lumière de l’Écriture et de la Tradition. C’est pourquoi la première phase de leur activité ad intra consistera surtout à nourrir leur connaissance religieuse et – j’ose le mot – théologique. Toutefois, ils n’emprunteront pas la voie universitaire (non qu’elle soit mauvaise en soi, mais parce qu’elle n’entre pas dans le cadre de notre appel tel que je le conçois), mais plutôt celle de la Lectio divina. J’entends par là une « lecture sainte » des Écritures38, dans laquelle la centralité christique dessine, de manière étonnante, les contours, encore indistincts mais déjà discernables, de « l’Israël de Dieu » (cf. Ga 6, 16) ; à quoi devra s’ajouter la lecture expliquée des Pères de l’Église, y compris de ceux que l’on qualifie de « millénaristes » parce qu’ils ont enseigné l’instauration du Royaume de Dieu sur la terre, tel Irénée de Lyon, dans le 5ème livre de son Adversus Haereses. On se demandera sans doute dans quelle ligne s’inscrit l’initiative ici décrite. Je réponds en toute simplicité, sans craindre les moqueries (ou le mépris) prévisibles : celle de la tradition prophétique d’Israël et de l’Église des premiers siècles. Certes, il n’y a plus de prophètes au sens biblique du terme – Jean le Baptiste ayant été le 37 Selon le Répertoire des Associations Internationales de Fidèles, établi par le Conseil Pontifical pour les Laïcs, il existe 122 mouvements ecclésiaux ou communautés nouvelles. Voici quelques-unes des plus connues : communauté Sant’Egidio, le Renouveau charismatique et le Mouvement des Focolari, Communion et Libération, les Cursillos di Cristianidad, le Chemin néo-catéchuménal, Schönstatt, les Légionnaires du Christ, le Mouvement pour un Monde Meilleur, l’Institution Thérésienne, le Chemin neuf, le Mouvement Lumière-Vie, l’Arche, les Équipes Notre-Dame, etc. 38 J’emprunte cette expression audacieuse - calquée sur celle d’« histoire sainte » - créée par le cistercien A. Veilleux, « La lectio divina comme école de prière chez les Pères du désert ». 19 dernier d’entre eux –, mais « l’esprit de prophétie », dont parle l’Apocalypse (19, 10), fait toujours partie des charismes dont son fondateur a doté l’Église, il est même le plus éminent, comme en témoigne saint Paul : […] Aspirez aux phénomènes spirituels, surtout la prophétie. Car celui qui parle en langue ne parle pas aux hommes, mais à Dieu. Personne ne le comprend: sous l’inspiration, il énonce des choses mystérieuses. Mais celui qui prophétise parle aux hommes: il édifie, exhorte, encourage. Celui qui parle en langue s’édifie lui-même, mais celui qui prophétise édifie l’assemblée. Je voudrais, certes, que vous parliez tous en langues, mais plus encore que vous prophétisiez ; car celui qui prophétise l’emporte sur celui qui parle en langue, ou bien que [le glossolale] interprète, afin que l’assemblée en tire édification… (1 Co 14,1-5). C’est une erreur commune, et malheureusement très répandue, de croire que prophétiser consiste uniquement à annoncer l’avenir. L’activité des prophètes d’Israël ne s’est pas limitée à cela. Ils ont tout autant repris et corrigé le peuple, tel, entre autres, Isaïe, qui s’écriait : ce peuple s’approche de moi en paroles et me glorifie des lèvres, alors que son cœur est loin de moi et que sa crainte n’est qu’un commandement humain, une leçon apprise… (Is 29,13 = Mt 15, 8-9). Aussi celles et ceux qui désirent suivre cette voie ne devront- pas craindre de faire de même à l’égard de leurs coreligionnaires, si l’Esprit les y pousse, en tenant compte des consignes de saint Paul : Quant aux prophètes, que deux ou trois prennent la parole et que les autres jugent. Si un assistant reçoit une révélation, celui qui parle doit se taire. Vous pouvez tous prophétiser, mais chacun à son tour, pour que tout le monde soit instruit et encouragé. Le prophète est maître de l’esprit prophétique qui l’anime. Car Dieu n’est pas un Dieu de désordre, mais un Dieu de paix. Comme cela se fait dans toutes les Églises des saints… (1 Co 14, 29-33). Ils devront aussi être conscients que nombreux sont, de nos jours, celles et ceux qui se disent prophètes, ou que l’on répute gratifiés du charisme de prophétie. Dans sa 1ère Épître, Saint Jean, les met en garde en ces termes : Bien-aimés, ne vous fiez pas à tout esprit, mais éprouvez les esprits pour voir s’ils viennent de Dieu, car beaucoup de pseudo-prophètes sont venus dans le monde. (1 Jn 4, 1). Ils se garderont de jeter à priori le discrédit sur celles ou ceux qui prophétisent, mais s’efforceront de conformer notre attitude à celle de Moïse, à cet égard : Deux hommes étaient restés au camp ; l’un s’appelait Eldad et l’autre Médad. L’Esprit reposa sur eux ; bien que n’étant pas venus à la Tente, ils comptaient parmi les inscrits. Ils se mirent à prophétiser dans le camp. Un jeune homme courut l’annoncer à Moïse : « Voici qu’Eldad et Médad prophétisent dans le camp », dit-il. Josué, fils de Nûn, qui depuis sa jeunesse servait Moïse, prit la parole et dit : « Moïse, Monseigneur, empêche-les ! ». Moïse lui répondit: « Serais-tu jaloux pour moi ? Ah ! puisse tout le peuple de L’Éternel être prophète, L’Éternel leur donnant son Esprit ! » (Nb 11, 26-29). 20 Jésus réagit de manière similaire quand ses apôtres ne conçoivent pas que d’autres qu’eux puissent opérer des prodiges en son nom39 : Jean prit la parole et dit : « Maître, nous avons vu quelqu’un expulser des démons en ton nom, et nous voulions l’empêcher, parce qu’il n’est pas des nôtres ». Mais Jésus lui dit : « Ne l’en empêchez pas; car qui n’est pas contre vous est pour vous ». (Lc 9, 49-50 = Mc 9, 38-39). Ceci étant dit, l’Écriture nous invite, par le ministère de Michée, à dénoncer les vaticinations des prophètes démagogues qui, au lieu d’avertir et d’appeler le peuple de Dieu à la reconnaissance de ses péchés et à la pénitence, le bercent d’illusions : Ainsi parle L’Éternel contre les prophètes qui égarent mon peuple: S’ils ont quelque chose entre les dents, ils proclament: « Paix ! » Mais à qui ne leur met rien dans la bouche ils déclarent la guerre. C’est pourquoi la nuit pour vous sera sans vision, les ténèbres pour vous sans divination. Le soleil va se coucher pour les prophètes et le jour s’obscurcir pour eux. Alors les voyants seront couverts de honte et les devins de confusion ; tous, ils se couvriront les lèvres, car il n’y aura pas de réponse de Dieu. Moi, au contraire, je suis plein de force et du souffle de L’Éternel, de justice et de courage, pour proclamer à Jacob son crime, à Israël son péché. (Mi, 3, 5-8). La transposition à ce qui se passe de nos jours est facile à effectuer. Pour être authentique, le charisme d'avertissement prophétique, qu’ils s’efforceront d’exercer, devra se conformer aux paroles adressées par Dieu à Ezéchiel en ces termes : Fils d’homme, je t’ai fait guetteur pour la maison d’Israël. Lorsque tu entendras une parole de ma bouche, tu les avertiras de ma part. Si je dis au méchant : Tu vas mourir, et que tu ne l’avertis pas, si tu ne parles pas pour avertir le méchant d’abandonner sa conduite mauvaise afin qu’il vive, le méchant, lui, mourra de sa faute, mais c’est à toi que je demanderai compte de son sang. Si au contraire tu as averti le méchant et qu’il ne s’est pas converti de sa méchanceté et de sa mauvaise conduite, il mourra, lui, de sa faute, mais toi, tu auras sauvé ta vie. Lorsque le juste se détournera de sa justice pour commettre le mal et que je mettrai un piège devant lui, c’est lui qui mourra; parce que tu ne l’auras pas averti, il mourra de son péché et on ne se souviendra plus de la justice qu’il a pratiquée, mais je te demanderai compte de son sang. Si au contraire tu as averti le juste de ne pas pécher et qu’il n’a pas péché, il vivra parce qu’il aura été averti, et toi, tu auras sauvé ta vie. (Ez 3, 17, 21) Enfin, ils se souviendront que Dieu précise à Ezéchiel qu’il doit exercer son ministère d’avertissement, que ses auditeurs « écoutent, ou qu’ils n’écoutent pas » (Ez 2, 5.7 ; 3, 11). Ils feront de même, à leur mesure et en prenant soin de ne pas oublier l’essentiel, qui est l’amour, comme l’écrit magnifiquement l’apôtre Paul : Quand je parlerais en langues, celle des hommes et celle des anges, s’il me manque l’amour, je suis un métal qui résonne, une cymbale retentissante. Quand j’aurais le don de prophétie, la science de tous les mystères et de toute la connaissance, quand j’aurais la foi la plus totale, celle qui transporte les montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien. Quand je distribuerais tous mes biens aux affamés, quand je livrerais mon corps aux flammes, s’il me manque l’amour, je n’y gagne rien. L’amour prend patience, l’amour rend service, il ne jalouse pas, il ne plastronne pas, il ne s’enfle pas d’orgueil, il ne fait rien de laid, il ne cherche pas son intérêt, il ne Paul est dans le même esprit lorsqu’il affirme, en 1 Co 12, 3 : « C’est pourquoi, je vous le déclare: personne, parlant avec l’Esprit de Dieu, ne dit : « Anathème à Jésus », et nul ne peut dire : « Jésus est Seigneur », s’il n’est avec l’Esprit Saint. » 39 21 s’irrite pas, il n’entretient pas de rancune, il ne se réjouit pas de l’injustice, mais il trouve sa joie dans la vérité. Il excuse tout, il croit tout, il espère tout, il endure tout. L’amour ne disparaît jamais. Les prophéties ? Elles seront abolies. Les langues ? Elles prendront fin. La connaissance ? Elle sera abolie. Car notre connaissance est limitée, et limitée notre prophétie. Mais quand viendra la perfection, ce qui est limité sera aboli… (1 Corinthiens 13, 1-10). Dans cet esprit, même si leur témoignage comporte des avertissements sévères, ils se garderont de juger, et pire, de discréditer celles et ceux qui ont un autre appel et des charismes différents, par exemple et entre autres, les artisans de l’œcuménisme, du dialogue interreligieux et de la promotion de la justice sociale, les membres du Renouveau dans l’Esprit, etc., se souvenant de la parole de Jésus : « dans la maison de mon Père, il y a beaucoup de demeures » (Jn 14, 4), ainsi que de l’avertissement de Paul : « Toi, qui es-tu pour juger un serviteur d'autrui? » (Rm 14, 4). Et s’ils sont contredits, voire pris à partie par des hommes d’Église et/ou des fidèles, ils s’efforceront de se conformer à l’exhortation de l’apôtre Pierre : …sanctifiez dans vos cœurs le Seigneur Christ, toujours prêts à l’apologie face à quiconque vous demande raison de l'espérance qui est en vous. Mais que ce soit avec douceur et respect, en possession d'une bonne conscience, afin que, sur le point même où l'on vous calomnie, soient confondus ceux qui décrient votre bonne conduite dans le Christ. (1 P 3, 15-16). Enfin, ils se garderont du zèle intempestif des prédicateurs de catastrophes et de châtiments, qui, lorsqu’ils sont contredits par des disciples du Christ dont la bonne conduite et la pureté de foi sont notoires, se réfèrent à l’altercation entre Hananya et Jérémie, en s’identifiant présomptueusement à ce dernier40. Voir Jr 28, 1-17. J’ai moi-même fait allusion à cet épisode, plus haut, et surtout dans mon ouvrage intitulé Guetteurs pour l’Israël de Dieu. J’espère n’avoir pas laissé aux lecteurs une impression identique à celle que je déplore ici. 40 22 5. Pour un exercice des charismes d’écoute et de consolation, mis au service des Pasteurs, garants de l’unité ecclésiale En confiant la gestion pastorale de son Église à Pierre (Jn 21, 15-17), à ses apôtres et aux Anciens41, et en s’affirmant lié par leurs décisions (Mt 16, 19 ; Mt 18, 18), Jésus a instauré un principe divin contraignant d’unité et d’autorité qui, sauf erreur, n’a pas son équivalent dans d’autres religions. Je citerai plus loin quelques extraits du débat théologique récurrent autour du rôle du Magistère42, car il présente, me semble-t-il, une analogie de fond avec une certaine frilosité théologique et ecclésiastique à l’égard du « prophétisme chrétien », à cette différence près que celui-ci n’a pas, à ma connaissance, fait l’objet de mise en garde ni condamnation formelle de la part du Magistère. Il me semble, en effet – et c’est là qu’à mon sens réside l’analogie entre les deux problématiques – que si ne sont pas suffisamment pris en compte, évalués et discernés par les autorités ecclésiales, les cas, de plus en plus nombreux, de revendications de révélations privées, la frustration et l’incertitude qui découleront de cette déficience risquent de favoriser la prolifération anarchique - qui n’est que trop grande à l’heure actuelle - de ‘prophètes’ autoproclamés ou considérés comme véridiques par des fidèles avides de ferveur religieuse et assoiffés de certitudes. Par ailleurs, il est impossible de nier le déficit récurrent de la pratique du discernement des esprits chez les clercs dont c’est la mission canonique 43, sans parler du scepticisme, voire de l’ignorance dont certains d’entre eux font preuve, causant trouble, incertitude et scandale à des fidèles, qui non seulement ne reçoivent pas l’aide spirituelle dont ils ont besoin, mais sont parfois éconduits sans ménagement44. Un moyen, parmi d’autres, de pallier ce grave dysfonctionnement, pourrait consister en ce qu’après agrément de l’évêque de leur lieu de résidence, des fidèles laïcs, ayant fait l’expérience du prophétisme chrétien, en eux-mêmes ou chez d’autres, se consacrent à l’écoute et à la consolation de celles et ceux qui ressentent un pressant appel intérieur à « chercher le Royaume de Dieu et sa justice » (Mt 6, 33), tout en « demeurant dans l'état où les a trouvés l'appel de Dieu » (1 Co 7, 20.24). Tel est, à ce stade, le premier but qui pourrait être assigné, ad experimentum, à celles et ceux qui, ayant adhéré à l’initiative spirituelle ici exposée, et s’étant préparés, par la prière, l’étude et la pratique de l’obéissance à leurs responsables, à en assumer l’esprit et à en exercer la charge. Ce sera l’objet d’un directoire (en cours d’élaboration), que d’établir le programme de formation spirituelle et intellectuelle qui devrait être proposé à quiconque désire 41 42 Ac 20, 28 ; 1 P 5, 2. Annexe 3. Magistère et désaccord responsable : expression du sensus fidelium. La « missio canonica » est un mandat confié par l’Église à des fidèles, ordonnés ou laïcs, aux fins d’exercer une charge spécifique. Parmi la copieuse littérature consacrée à ce sujet, je recommande la lecture de l’article - un peu technique, mais accessible - d’Ann Jacobs, intitulé « La participation des laïcs à la mission de l'Église dans le Code de droit canonique », ainsi que son article intitulé « Les laïcs membres du peuple de Dieu, à travers de Code de Droit Canonique », paru en 1987, dans la Revue Théologique de Louvain. 44 Je puis témoigner de ces agissements, pour en avoir été moi-même victime. 43 23 se joindre à cette initiative, jusqu’à ce qu’il ait fait preuve des aptitudes et des qualités humaines et spirituelles requises pour en faire partie. Les aspects pratiques et fonctionnels de la mise en œuvre de ce projet de vie seront détaillés dans le directoire évoqué ci-dessus. 24 ANNEXE 1 Le problème de la transmission fidèle du « dépôt » de la foi Il a fallu de longs siècles pour que s’élabore une réflexion systématique sur le problème de la possibilité même que le « dépôt » de la foi chrétienne se transmette, fidèlement et sans altération, au fil des siècles et dans les cultures les plus diverses. Le premier « systématicien » catholique qui posa les fondements de cette réflexion est Vincent de Lérins, un moine du Ve siècle45. La présentation suivante expose clairement la problématique46 : Existe-t-il une règle sûre, d’application générale, canonique en quelque sorte, qui me permette de distinguer la vraie foi catholique de l'erreur des hérésies ? » Cette interrogation fondamentale, qui était celle de Vincent de Lérins lorsqu’il écrivait son Commonitorium [voir le texte], demeure fondamentale pour les croyants de tous les temps. Il n'apparaît guère possible de professer consciemment la foi catholique sans se demander : comment vérifier la continuité de la même foi à travers les siècles ? Comment contrôler la communion dans la même foi des croyants dispersés parmi les continents et les cultures ? Faut-il attacher une importance particulière à l’expression de la foi des origines ? Quand dévie-t-on de la Tradition catholique et qui peut se prononcer à ce sujet ?… Toutes questions inévitables, mais qui ont revêtu une importance particulière dans les périodes d’effervescence ou de perturbation qu’a connues l’Église : lorsque la foi, née de l’Évangile de Pâques et de Pentecôte, fut particulièrement affrontée à l'épreuve du temps, entraînant l'épreuve de la diversité des cultures. Il ne fait pas de doute que de nombreux croyants soient amenés aujourd'hui à faire leurs ces questions. La révision des langages et les interprétations de la foi traditionnelle, la diversité des théologies, les recherches critiques largement vulgarisées, une certaine relativisation de l'autorité du Magistère ecclésial, l’expliquent facilement. Beaucoup souhaiteraient acquérir une méthode de réflexion chrétienne qui leur permettrait, sans devenir pour autant des théologiens professionnels, d’accéder à une certaine autonomie pour vérifier l'authenticité de la foi qu'ils professent. C'est précisément à ces croyants en recherche que s’adresse [...] l’édition de l'œuvre majeure de Vincent de Lérins : sans s'attendre à trouver chez un auteur du 5e siècle une réponse exactement adéquate à leur questionnement de chrétiens du 20e siècle, il leur sera bénéfique de fréquenter le premier théologien qui ait, de façon quelque peu systématique, fait écho à un tel questionnement. [...] Vincent de Lérins est amené à constater que les hérétiques s’appuient sur l’Écriture pour contredire l'orthodoxie : « Ils se servent de l’Écriture, et avec passion ! On les voit courir de livre en livre à travers la Sainte loi, de Moïse aux livres des Rois, des Psaumes aux Apôtres, des Évangiles aux Prophètes ! » (chap. 25). Il importe donc d’établir un critère de l'usage de l’Écriture pour établir « Vincent († avant 450) était moine de Lérins. Il écrit son Commonitorium [Aide-mémoire] sous le pseudonyme de Peregrinus, "à peu près trois ans" après le concile d’Éphèse (431). Cet ouvrage, véritable discours de la méthode en théologie, donne les règles fondamentales qui permettent de discerner l’erreur hérétique de la foi catholique. Vincent met en exergue trois critères : l’universalité, l’antiquité et l’unanimité. Pour contrebalancer ce qu’ont de rigide ces trois repères, Vincent ajoute qu’il existe un progrès dans les sciences théologiques, mais toujours « selon leur nature particulière, c’est-à-dire dans le même dogme, dans le même sens, et dans la même pensée. » (Texte repris du site patristique.org). 46 Extrait de Vincent de Lérins, Tradition et progrès: le Commonitorium, Trad. de P. de Labriolle. Introduction de P.A. Liégé, notes, plan de travail de A.-G. Hamman, PdF 7, 1978. Les italiques sont de moi. 45 25 l’authenticité de la foi catholique. Il ne vient pas à l’esprit de Vincent de minimiser si peu que ce soit l’importance de l’Écriture, qu'il appelle « la loi de Dieu ». Pour lui, l’Écriture, en elle-même, témoigne de la véritable foi. Mais il faut la garantir contre les interprétations erronées, et pour cela confronter les dires de l’Écriture avec les affirmations de la tradition de l’Église catholique ainsi qu'avec les enseignements des Conciles s’il y en a. [...] Treize siècles plus tard, faisant fond sur les critères précurseurs de Vincent de Lérins, John Henry Newman (1801-1890), élabore sa précieuse « théorie du développement » qui repose sur ce qu’un de ses meilleurs commentateurs appelle « les sept tests de fidélité des développements »47 : [...] Newman dégage sept règles pour discerner les développements fidèles des corruptions. Une corruption perturbe les lois de la croissance, obscurcit ou détourne l’idée essentielle, brise ou dissout l’unité; c’est « un état de développement qui défait ses avances antérieures. » Son premier test de fidélité est la préservation du type. Ici l’analogie de la croissance physique est éclairante : « L’animal adulte a la même structure qu’à sa naissance ; les jeunes oiseaux ne deviennent pas des poissons. » Ainsi on parle de juges « corrompus » s’ils se laissent guider par l’esprit de lucre plutôt que par la justice, contredisant ainsi leur vocation. Le second critère, la continuité des principes, est essentiel. En effet, « pour ainsi dire, la vie des doctrines consiste dans la loi ou les principes qu’elle incarne. » [Newman] voit un exemple de principe détaché de sa doctrine, dans l’état d’esprit du monde païen de son temps. Et la doctrine chrétienne, vidée de son principe, aboutit à une foi inféconde, sociologique. Une même idée peut se développer de manière différente suivant les principes la gouvernant : ainsi à partir du caractère souillé de la matière, « les gnostiques d’Alexandrie sont devenus sensualistes, et ceux de Syrie, dévots. » Troisièmement, la puissance d’assimilation, d’union d’une idée, est ce qui la distingue d’une simple formule, qui ne peut croître sans se déliter. « Une tentative de développement montre la présence d’un principe, et son succès, la présence d’une idée. » En outre, plus forte est une idée, plus elle est agile dans ses luttes avec d’autres idées, et moins elle a besoin de garde-fous extérieurs. Le quatrième test est l’anticipation de l’avenir. L’ordre selon lequel les idées bourgeonnent dans les esprits étant souvent fortuit, le fait d’apercevoir, dans les commencements, des indices de développements futurs, fussent-ils vagues et épars, constitue un argument en faveur de la fidélité de ces développements. Ainsi, même si l’érudition des bénédictins contraste avec la simplicité du monachisme primitif, saint Pacôme prescrivait déjà l’existence d’une bibliothèque dans chacune de ses maisons, et saint Basile écrivait ses traités théologiques entre deux travaux agricoles. Son cinquième critère est la cohérence logique. La formation, souvent tardive et non voulue au départ, d’un système à caractère logique et organisé, pérennise les développements qui y ont mené. Ce type de développement, insiste Newman, ne contredit pas la suprématie de la foi : c’est quand il était pénitent à Manrèse, ignorant de la théologie, qu’Ignace reçut ses visions de la Trinité ; la déduction logique est en quelque sorte inférieure à la maturation d’une idée dans un esprit, car elle peut être mise en œuvre par des esprits personnellement étrangers à l’idée en question. Le sixième critère est que les nouveaux développements se fassent de manière à préserver le passé, dans la même ligne que celui-ci. Un vrai développement est « une addition qui illustre sans obscurcir, qui corrobore sans corriger, le corps de pensée dont il procède. » Ainsi une (véritable) conversion d’une fausse religion à une vraie est toujours de caractère positif : on n’est pas dépouillé, mais recouvert par un manteau de vérité, « afin que ce qui est mortel soit absorbé par la vie » (2 Co 5, 4). Le développement de la doctrine chrétienne doit se faire Jérôme Levie, L’essai sur le développement de J. H. Newman. Pour mieux comprendre la contribution insigne de Newman à cette théorie, se reporter au chapitre VII, intitulé « La théorie du développement », de l’ouvrage de Jean Stern, Bible et tradition chez Newman. Aux origines du développement, Aubier, Paris, 1967, p. 170 et ss. 47 26 en « gardant le dépôt » (1 Tm 6, 20) de nos ancêtres, tout comme Notre Seigneur n’est pas venu détruire la loi juive, mais l’accomplir. La dernière règle est la vigueur durable à travers l’épreuve du temps et les confrontations ; la corruption étant de caractère temporaire et fragile. « Qu’il en soit de la religion des âmes comme du développement des corps. Ceux-ci déploient et étendent leurs proportions avec les années, et pourtant ils restent constamment les mêmes. » Newman se pose alors la question : cette théorie est-elle applicable au christianisme ; c’està-dire, le christianisme était-il, dès son origine, susceptible de développement ? Même si l’origine de ses idées est divine, il est normal, vu la nature même de l’esprit humain, qu’il provoque, dans les consciences qu’il pénètre, différentes affirmations, points de vue et opinions. Pour nos esprits en effet, « le temps est nécessaire pour atteindre l’intelligence pleine et parfaite des grandes idées. » Il n’est pas possible de soutenir que la lettre du Nouveau Testament contient, stricto sensu, toutes les formes possibles du message divin, celles-ci étant des résultats de la maturation de l’idée du christianisme dans les cœurs. Notre Seigneur ayant lui-même pris forme humaine, ce n’est pas manquer de respect que de considérer l’évolution du christianisme dans l’intelligence humaine, « croissant en sagesse et en taille » (Lc 2, 52), étant bien entendu que ce qui le distingue d’autres religions et philosophies, c’est l’esprit divin qui le vivifie. La pérennité du christianisme, la construction progressive d’une doctrine une, à l’image de son objet divin, la variété des expressions de celle-ci, attestent son origine divine. De fait, des doctrines telles que le devoir d’un culte public, la place du dimanche, le baptême des enfants, le caractère inspiré - et l’étendue exacte - du Canon, ne viennent ni de la lecture seule de la Bible, ni même d’un simple raisonnement, mais de la croissance inconsciente d’idées suggérées par le message révélé. En outre, sur certains points cruciaux, les indices fournis par l’Écriture sont par trop rares ou mystérieux, rendant ainsi un développement probable et nécessaire. La méthode même de la révélation prophétique que nous montre l’Écriture, n’est pas l’accumulation de prophéties séparées, mais bien une compréhension progressive de ce que les prédictions initiales signifiaient, comme l’émergence de l’idée messianique, ou le développement des écrits prophétiques que constituent la Sagesse et l’Ecclésiaste, ou l’évolution progressive du sacrifice rituel (des prescriptions du Deutéronome au Nouveau Testament, en passant par les prophètes). Jésus lui-même, qui parlait « comme aucun autre homme ne saurait parler » (Jn 7, 46), présente ses actions et ses paroles comme les germes d’une législation, d’un code de vérité. La Bible nous fournit aussi, dans l’évolution d’Israël, un bel exemple de développement politique. « Dieu opère de la même manière dans le cours quotidien de la divine providence, et dans la révélation du Christianisme, utilisant chaque élément en vue d’un autre... » Si l’on suit le fil du temps, on s’aperçoit qu’il est impossible de fixer une limite à la croissance de la doctrine, car après l’Ascension vinrent les premiers baptêmes, après les épîtres pauliniennes, la doctrine d’Ignace sur l’épiscopat et la fixation du Canon. Ainsi, la nécessité naturelle, l’histoire de toutes les sectes et partis religieux, et l’Écriture, autorisent à conclure que la doctrine chrétienne admet des développements formels, légitimes et vrais, c’est-à-dire voulu par son divin Auteur. En effet, si l’Écriture ne proclame nulle part sa propre inspiration, elle annonce par contre clairement le développement social et doctrinal du christianisme, notamment dans les paraboles du sénevé et du levain. 27 ANNEXE 2 Extraits de la Préface du Cardinal J. Ratzinger au livre de N. C. Hvidt, Christian Prophecy. The Post-Biblical Tradition 48 Qu'est-ce qu'un prophète? Un prophète n'est pas un devin; La caractéristique essentielle du prophète n'est pas la prédiction des événements futurs. Le prophète est quelqu'un qui dit la vérité sur la force de son contact avec Dieu - la vérité pour aujourd'hui, qui aussi, naturellement, éclaire le futur. […] Il est tout aussi important de souligner que le prophète n'est pas apocalyptique, bien qu'il puisse l'être. Essentiellement, il ne décrit pas les réalités ultimes, mais il nous aide à comprendre et à vivre la foi comme espoir. Même si, à un moment donné, le prophète doit proclamer la Parole de Dieu comme s'il s'agissait d'une épée pointue, il ne critique pas nécessairement les cultes et les institutions organisés. Son mandat est de contrer les malentendus et les abus de la Parole au sein de l'institution en rendant la revendication vitale de Dieu toujours présente. […] Je crois que la christologie pneumatologique du discours de départ de Jésus est très importante pour notre thème, étant donné que le Christ explique que sa venue dans la chair n'était qu'un premier pas. La vraie venue se produira lorsque le Christ n'est plus lié à un lieu ou à un corps, mais quand il vient à nous tous dans l'Esprit comme ressuscité, afin que l'entrée dans la vérité puisse aussi acquérir de plus en plus de profondeur. Il me semble clair que, compte tenu de la vie entière de l'Église, qui est le temps où le Christ vient à nous dans l'Esprit et qui est déterminé par cette christologie très pneumatologique - l'élément prophétique, en tant qu'élément d'espoir et d'appel, ne peut naturellement pas manquer ou se laisser disparaître. Grâce aux charismes, Dieu se réserve le droit d'intervenir directement dans l'Église pour l'éveiller, l'avertir, l’édifier et la sanctifier. Je crois que cette histoire prophétiquecharismatique traverse tout le temps de l'Église. C'est toujours là, surtout aux moments les plus critiques de transition. Niels Christian Hvidt a travaillé pendant un certain nombre d'années sur le thème de la prophétie chrétienne dans le cadre de la théologie fondamentale. Cette thèse de doctorat est le fruit de ses recherches et fournit de nombreuses idées nouvelles sur ce thème complexe mais vital. Les Pères de l'Église savaient que le christianisme ne pouvait pas être la dernière étape du salut, mais une phase intermédiaire entre l'Incarnation du Christ et son retour glorieux. Cette réalisation et ce que cela signifie pour la nature même du christianisme nécessite une élaboration plus poussée, et Niels Christian Hvidt fournit une contribution importante à ce sujet. Dans la partie historique de son travail, Hvidt montre que l'appel prophétique de Dieu à travers les prophètes apparaît tout au long de l'histoire de l'Église. Dans sa discussion sur la théologie fondamentale, Hvidt étudie donc le but et 48 Paru en 2007, à Oxford University Press (https://global.oup.com/academic/product/christianprophecy-9780195314472?cc=be&lang=en&#). Texte consultable en ligne avec lecteur Google Play : https://play.google.com/books/reader?id=Yaxa6y1k8hAC&printsec=frontcover&output=reader&hl=fr &pg=GBS.PA42.w.1.0.0. 28 les conditions préalables de la prophétie chrétienne, à la lumière des développements réalisés au cours des 50 dernières années dans la théologie de l'Apocalypse, qui ont donné un nouvel élan à la discussion de la prophétie chrétienne. De cette façon, il offre une nouvelle approche à l'actualisation de l'Apocalypse et le développement de la tradition et du dogme concernant l’Apocalypse. La prophétie s'avère être opérationnelle dans tous les domaines de l'actualisation de l'Apocalypse, en particulier dans la vie même de l'Église, ce que les recherches sociologiques montrent d'une manière intéressante. La prophétie est constamment contestée. La prophétie est donc essentielle. Par sa discussion, Niels Christian Hvidt a ouvert de nouveaux horizons théologiques et a contribué de manière importante à un thème qui nécessite une réflexion plus poussée. Je souhaite à ce livre de nombreux lecteurs attentifs. Joseph, Cardinal Ratzinger 29 Annexe 3 Magistère et désaccord responsable : l’expression du sensus fidelium J’ai traité de ces questions difficiles, dans deux études qu’il pourra être utile de consulter malgré leur ancienneté49, et dont on peut lire de larges passages ci-après. 1. Rigueur newmanienne En cette matière, comme en d’autres d’ailleurs, les conceptions de ce grand homme d’Église sont à l’image de celles de son époque (XIX e s.), c’est-à-dire, rigoureuses, voire ultramontaines. Si sévères, voire arbitraires, que soient certaines conceptions exprimées dans le passage qui suit, il faut en prendre connaissance, ne serait-ce que pour se faire une idée de ce qu’était alors l’exercice du pouvoir ecclésiastique : À présent, je continuerai en disant en toute franchise ce que je crois être réellement la grande épreuve de la raison, lorsqu’elle se trouve confrontée avec l’auguste prérogative de l’Église catholique, dont j’ai parlé [l’infaillibilité]. […] L’Église catholique prétend non seulement prononcer des jugements infaillibles sur des questions religieuses, mais critiquer des opinions qui touchent indirectement à la religion et qui ont un objet profane, telles que les questions de philosophie, de science, de littérature, d’histoire. Et elle demande que nous nous soumettions à sa prétention. Elle entend censurer les livres, imposer silence aux auteurs, et interdire les discussions. L’Église, dans ce domaine, prononce moins, en général, des décisions doctrinales qu’elle impose des mesures de discipline. Mais il faut, bien entendu, obéir sans mot dire, et, par la suite des temps, peut-être reviendra-t-elle tacitement sur ses propres injonctions. En de pareils cas, la question de foi n’intervient nullement ; car, en matière de foi, ce qui est considéré comme vrai l’est pour toujours et ne peut être rétracté. De ce qu’il existe un don d’infaillibilité dans l’Église catholique, il ne s’ensuit nullement que les membres de cette Église qui le possèdent, soient infaillibles dans tous leurs actes […] Je trouve que l’histoire de l’Église nous fournit des exemples d’un pouvoir légitime exercé avec dureté ; et l’admettre n’est autre chose que de dire, suivant les paroles de l’Apôtre : « le trésor divin est porté dans des vases d’argile » ; il ne s’ensuit pas non plus que les actes du pouvoir souverain ne soient pas justes et nécessaires parce qu’ils ont pu être vicieux dans la forme […] Mais je vais plus loin et je trouve que les événements ont démontré que, malgré les critiques les plus hostiles portées contre les empiètements ou les sévérités des hauts dignitaires ecclésiastiques du temps passé dans l’exercice de leur pouvoir, qu’ils avaient le plus souvent raison ; et ceux qui éprouvaient leurs rigueurs avaient habituellement tort […] En lisant l’histoire ecclésiastique, alors que j’étais anglican, il m’avait fallu me rendre à cette évidence, que l’erreur initiale d’où naissait l’hérésie, était de promouvoir avec insistance certaines vérités, malgré les défenses de l’autorité, et hors de saison. Il y a un temps pour chaque chose ; plus d’un homme désire la réforme d’un abus, l’approfondissement d’une doctrine, ou l’adoption d’une discipline spéciale ; mais cet homme oublie de se demander si l’époque est venue pour cela. Sachant que personne d’autre que lui ne s’occupera d’accomplir cette réforme sa vie durant, cet homme, sans écouter l’avis des voix 49 M. Macina, « Magistère ordinaire et désaccord responsable : scandale ou signe de l'Esprit ? Jalons pour un dialogue (Update) », en ligne sur le site Academia.edu. ; « Autorité et Sensus Fidelium : Vers la perception d'un Magistère comme lieu privilégié d'expression de la conscience de l'Église (update) ». 30 autorisées, n’hésite pas à le faire. Il gâche ainsi, en son siècle, une œuvre utile qui aurait pu être entreprise et menée à bien, au siècle suivant, par quelqu’un d’autre qui, peut-être, n’est pas encore né. Alors qu’aux yeux du monde, cet homme semble être un champion audacieux de la vérité et un martyr de la conviction indépendante, il n’est, en réalité, qu’un de ces personnages que l’autorité compétente se doit de réduire au silence. La question n’aurait-elle aucun rapport avec l’objet pour lequel cette autorité est reconnue infaillible, ou bien les conditions formelles de l’exercice de ce don seraient-elles absentes, il n’en est pas moins clair que le devoir de l’autorité est d’agir avec énergie. Cet acte d’autorité passera cependant à la postérité comme un exemple d’intervention tyrannique contre le jugement privé ; on aura fait taire un réformateur ; on aura obéi à un bas amour de la corruption ou de l’erreur ; cet acte d’autorité, enfin, sera regardé d’une manière encore plus défavorable, si le pouvoir souverain manque de prudence ou de réflexion dans ses procédés. Quant à tous ceux qui auront pris parti pour l’autorité souveraine, ils seront considérés comme des opportunistes ou comme des gens indifférents à la cause de la loyauté et de la vérité. Au contraire, il peut se produire, d’un autre côté, que l’autorité en question soit soutenue par un violent parti ‘ultra’ qui élève ses opinions au point d’en faire des dogmes et qui a surtout à cœur de détruire toute école de pensée autre que la sienne50. 2. La question du ‘désaccord responsable’ au Concile Vatican II Tout d’abord, il convient de préciser que la possibilité même d’un désaccord avec l’enseignement ordinaire du Magistère de l’Église, n’a rien d’une invention ‘moderniste’, et qu’une telle attitude n’est pas forcément l’apanage de quelques ‘factieux’ ou hérétiques. Il en est périodiquement question dans les réflexions des théologiens, surtout dans les dernières décennies, à propos de ce qu’on appelle la « théorie du développement de la doctrine chrétienne » qui doit beaucoup à Newman. Mieux, au Concile Vatican II, au cours de la préparation de la discussion sur le paragraphe 25 de la Constitution sur l’Église (Lumen gentium), la question du désaccord fut soulevée par des évêques. Nous avons de ce fait crucial deux versions que nous allons examiner en détail51. La première émane de Mgr J. W. Levada (nommé cardinal en 2006, et actuellement préfet émérite de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Il l’a exposée, le 2 avril 1986, à l’occasion d’un discours prononcé devant les membres du Congrès annuel de l’Association nationale de l’Éducation catholique des États-Unis52 : Au cours de la préparation de la discussion, de nombreux évêques demandèrent quel est le statut d’une personne qui estime, de bonne foi, qu’elle ne peut pas accepter l’un ou l’autre enseignement du magistère autorisé mais non infaillible. La Commission théologique du Concile suggéra que ces évêques consultent des experts en la matière. Le point de vue de ces théologiens peut être synthétisé comme suit […] Lorsque un enseignement non infaillible est proposé à notre assentiment, il nous est demandé une pleine soumission de l’esprit et de la volonté à une doctrine qui est proposée par ceux qui sont chargés d’enseigner de façon authentique dans l’Église, 50 J. H. Newman, Apologia pro vita sua, dans Texte Newmaniens publiés par L. Bouyer et M. Nédoncelle, Desclée de Brouwer, T. V, 1967, pp. 435-439. (Les italiques sont de moi). 51 Je cite ici de larges extraits de mon étude intitulée « Magistère ordinaire et désaccord responsable : scandale ou signe de l'Esprit ? Jalons pour un dialogue (Update) », en ligne sur le site Academia.edu p. 1-5) 52 Texte cité d’après La Documentation Catholique, n° 1926, du 19 octobre, pp. 900-907. 31 et qui sont assistés par le Saint-Esprit, de telle façon que l’Église puisse parvenir à la pleine connaissance de la vérité et soit guidée vers une juste conduite de nos vies chrétiennes. Puisque cet enseignement n’a pas été prononcé infailliblement, nous ne pouvons savoir, de façon absolue, que la possibilité d’erreur est exclue : nous pouvons cependant agir selon la prudence, en donnant notre assentiment et accepter cette doctrine, à cause de la conviction que le Saint-Esprit guide les pasteurs de l’Église dans son expression. Mais parce que la proposition d’un enseignement certain, mais non infaillible, ne comporte pas la garantie absolue de sa vérité, il est possible de justifier la suspension de l’assentiment, de la part d’une personne qui est arrivée à des raisons vraiment convaincantes, libres de tout préjugé personnel, qui la portent à croire que l’enseignement en question n’est pas correct. Dans ce cas, cette personne (par exemple le théologien ou le savant dont nous avons parlé plus haut) devrait s’efforcer de clarifier les questions avec ceux qui ont la charge d’enseigner dans l’Église, dans l’intention d’aider au développement de la discussion sur le sujet et d’élaborer une position nouvelle ou révisée, et (ou bien) les soumettre au jugement de ses pairs, dont les commentaires et les points de vue aideraient à clarifier la question mise en doute. Une telle ‘suspension de l’assentiment’ ou ‘désaccord personnel’, est, par définition, un cas rare et exceptionnel, s’il concerne le magistère non infaillible, qui bénéficie de la présomption de la vérité, d’autant plus que ce désaccord, non seulement implique un jugement personnel sur un enseignement qui est intimement lié au dépôt de la foi, mais contient aussi le jugement implicite qu’un tel enseignement n’a pas bénéficié de l’assistance présumée du Saint-Esprit. Il constitue donc un jugement, non seulement sur un point de doctrine, mais aussi, sur l’Église et son Magistère 53. Il n’aura pas échappé que le jugement implicite qui ressort de cet exposé concernant le droit au désaccord avec le Magistère ordinaire, est plutôt péjoratif. Examinons maintenant la version que donne le théologien Sullivan, du même sujet et du même événement, dans son maître-ouvrage54. Dans un paragraphe qu’il intitule : « Reconnaissance officielle de la possibilité d’un dissentiment légitime », il analyse en détail la réponse qui fut apportée, par la Commission théologique de Vatican II, à la proposition d’amendement faite en ce sens par trois évêques, et les implications de celle-ci : Question : Trois Pères invoquent un cas particulier, qui est, au moins théoriquement possible, où une certaine personne compétente, face à une doctrine qui n’aurait pas été proposée comme infaillible, ne pourrait pas, pour des raisons bien fondées, y donner son assentiment intérieur. Réponse : Dans ce cas, les traités théologiques approuvés devront être consultés. Il ressort, à l’évidence, de cette réponse, que les membres de la Commission Théologique savaient que les manuels de théologie en usage dans les séminaires catholiques traitent de la question du dissentiment par rapport à l’enseignement non infaillible du magistère. A titre d’exemple typique d’un tel "traité approuvé", je cite ici cet extrait du manuel, largement utilisé, de Lercher55 : 53 Ibid. p. 904. F. A. Sullivan, Magisterium. Teaching authority in the Catholic Church. Dublin 1983, pp. 166-168. 55 Lercher, Institutiones Theologiae Dogmaticae, Vol. I, 5ème édition, Barcelone, 1951, p. 297. 54 32 Si le Pontife romain, usant de son autorité, mais pas à son plus haut degré, oblige tous [les fidèles] à donner leur assentiment à quelque chose de vrai (soit comme étant révélé, soit comme étant en connexion avec la révélation), il ne semble pas qu’il soit infaillible par principe, ni que nous devions dire que le Saint-Esprit ne permettra jamais qu’il émette un décret erroné. Certes, le Saint-Esprit ne permettra jamais qu’il arrive que, par un tel décret, l’Église soit entraînée dans l’erreur. La façon dont l’erreur serait exclue consiste plus probablement dans l’assistance de l’Esprit-Saint donnée à la tête de l’Église, par laquelle un tel décret serait évité. Cependant il n’est pas impensable que l’erreur [de la part de l’Église] soit exclue par le Saint Esprit de la manière suivante : que ceux qui y sont soumis reconnaissent que le décret est erroné et cessent d’y donner leur assentiment. Ainsi, alors que la question soulevée par les trois évêques, à Vatican II, parlait du cas d’une "personne compétente" qui se sentirait incapable d’accepter un enseignement papal ordinaire déterminé, pour des "raisons bien fondées", Lercher ne restreint pas la possibilité d’un tel désaccord au spécialiste, mais parle simplement des "sujets" [littéralement : ‘ceux qui sont soumis’ à ce décret ; nous dirions, en termes modernes : 'ceux qui en sont l’objet'] qui suspendent leur assentiment à la doctrine qu’ils reconnaissent comme erronée, et qui sont mus pour ce faire par l’Esprit-Saint ! Peut-être, en un tel cas, pourrait-on attribuer leur désaccord à un ‘sens surnaturel de la foi’, par lequel les fidèles sont inclinés, d’une manière presque instinctive, vers ce qui est consonant avec leur foi, et détournés de ce qui ne l’est pas 56. Devant ces deux interprétations assez différentes : celle du cardinal Levada (alors archevêque de Portland), qui est plutôt négative, et celle, très positive, du Jésuite Sullivan, le chrétien moyen peut se sentir désorienté. De plus, il est bien connu qu’un désaccord public est difficile à assumer, que ce soit dans la société, en général, ou dans l’Église, en particulier. Celui ou celle qui prend une telle position ‘critique’ – au sens étymologique du terme : ‘discerner’ – fait généralement figure de contestataire. Le plus souvent il dérange, non seulement les autorités auxquelles toute remise en cause de leurs injonctions fait craindre un vent de révolte, voire un danger d’anarchie, ou, à tout le moins, de désordre, mais même – et c’est bien là le point le plus crucifiant pour ces francs-tireurs de la vérité que sont les tenants d’un authentique ‘désaccord responsable’ – il agace ceux-là mêmes à qui cet acte courageux devrait profiter : les fidèles dénués de compétences théologiques et canoniques et incapables de plaider leur propre cause. En effet, ces derniers, quoique étant parfois victimes de mesures disciplinaires, ressenties comme excessives et, de toute manière, inadéquates, refusent d’avance le combat pour la vérité, soit par apathie, soit par fatalisme, soit parce que, ne comprenant pas grandchose à la problématique complexe qui régit ces dispositions, ils préfèrent les enfreindre tranquillement, ou s’y soumettre passivement et sans conviction, pour éviter toute complication avec l’autorité. Mais le cas du désaccord avec l’enseignement de l’Église est encore plus lourd de conséquences pour celui qui s’en est fait le ‘champion’. Une telle prise de position, en effet, a souvent pour résultat indésirable de réveiller des atavismes religieux viscéraux, du genre de ceux qui causèrent, jadis, des guerres de religion inexpiables. Celui qui croit, en conscience, devoir faire publiquement état de son dissentiment sur un point, même mineur, de l’enseignement ordinaire de l’Église, encourt le risque de condamnation sans appel de la part de clercs et de fidèles ‘ultramontains’, 56 Sullivan, Magisterium, p. 169. 33 ou de quiconque, dans la Communauté chrétienne, croit être investi d’une mission de garant de l’orthodoxie et de lutte contre l’hérésie et l’affadissement du sel de la Parole divine. Ce qu’exprime Sullivan en ces termes : Je pense qu’il est injuste de traiter du désaccord avec l’enseignement ordinaire du Magistère, en termes de désobéissance, ou de transformer l’acceptation de l’enseignement non infaillible en un test de loyauté envers le Saint-Siège. Aucun doute qu’il y a des catholiques dont le respect pour l’autorité enseignante est si grand, que le simple appel à son autorité est suffisant pour les convaincre que son enseignement doit être vrai, de sorte qu’aucune des raisons qui pourraient se présenter, d’elles-mêmes, dans le sens contraire, n’aurait d’effet sur leur disposition à donner leur accord. Mais de telles personnes devraient résister à la tentation de considérer comme ‘déloyaux’ d’autres catholiques dans l’esprit desquels les raisons contre un tel enseignement font une si forte impression, que l’autorité formelle du Magistère n’est pas suffisante pour vaincre leurs doutes et leur rendre possible une adhésion intérieure57. Il est clair que, derrière ce débat réapparaît la problématique d’une question fondamentale qui divise encore les théologiens, à savoir : Qu’est-ce qui fonde l’autorité d’un énoncé du magistère ? - Est-ce l’instance qui l’émet, et à laquelle il est d’autant plus requis d’obéir qu’elle jouit d’un statut plus auguste ? - Ou bien est-ce la vérité qui s’exprime dans cet énoncé, et qui, ayant été reconnue, doit être ‘reçue’ ? Et si l’on penche pour la deuxième solution, - quels seront les critères de discernement de cette vérité, et comment s’exercera ce discernement ? 57 Ibid. p. 169. 34 Annexe 4 Présentation du livre de N.C. Hvidt sur la prophétie chrétienne58 Tout au long de la Bible hébraïque, Dieu guide et sauve son peuple par les paroles de ses prophètes. Lorsque les prophètes sont réduits au silence, les gens s’égarent facilement. Que s'est-il passé après l'incarnation, la mort et la résurrection du Christ? Dieu est-il devenu silencieux? La position dominante de la théologie chrétienne est que la prophétie a effectivement cessé à un certain moment dans le passé – soit après les prophètes de l'Ancien Testament, soit après Jean-Baptiste, Jésus, le dernier apôtre, ou la clôture du canon du Nouveau Testament. Le renouveau charismatique dans les milieux protestants et catholiques a, une fois de plus, soulevé la question de savoir s’il existe une véritable prophétie à l’époque moderne. Les positions théologiques savantes à l’égard de la prophétie contemporaine vont de la négligence au mépris, en passant par le dédain. La théologie systématique, tant protestante que catholique, marginalise ou ignore le don de prophétie. Dans ce livre, cependant, Niels Christian Hvidt soutient que la prophétie a persisté dans le christianisme en tant que caractéristique permanente, inhérente à la vie de l'église. Il présente une histoire complète de la prophétie depuis l’époque de l'ancien Israël jusqu’à nos jours et examine attentivement le développement du discours théologique à ce sujet. Il montre que le débat sur la prophétie conduit à des idées profondes et surprenantes sur la nature même du christianisme et de l'église. Par exemple, certains ont soutenu que le christianisme est un état parfait et que tout ce qui est requis pour le salut est l'acceptation de ses doctrines. D'autres, y compris Thomas d'Aquin, ont affirmé que Dieu continue d'intervenir et de guider son peuple sur la bonne voie. C'est la position que Hvidt défend et développe, avec force et persuasion, dans ce travail ambitieux et important. Le Cardinal Joseph Ratzinger59, a rédigé pour lui une préface précieuse. 58 Ce texte, traduit par mes soins, figure en Quatrième de couverture du livre de Hvidt. (https://global.oup.com/academic/product/christian-prophecy-9780195314472?cc=be&lang=en&#). 59 En avril 2005, le cardinal est devenu pape sous le nom de Benoît XVI, avant de démissionner, pour raisons de convenance personnelle, en février 2013. 35 Annexe 5 Bibliographie Elle figure dans mon Curriculum Vitae en ligne sur Academia.edu : https://shamash.academia.edu/MenahemMacina/CurriculumVitae. Il faut, bien entendu, y ajouter les références bibliographiques citées dans le présent document, et tout particulièrement la thèse de doctorat de Niels Christian Hvidt, Christian Prophecy, The Post-Biblical Tradition, Oxford University Press, 2007 (voir, ci-dessus, note 32). © Menahem R. Macina Texte mis en ligne sur Academia.edu le 21 août 2017 Mise à jour le 23 septembre 2020 36