Academia.eduAcademia.edu

AL-ANDALUS: EUROPE ENTRE ORIENT ET OCCIDENT

Fnjmjp!Hpo{ˆmf{!Gfss“o Bm.Boebmvt Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Qsfnjsf!ejujpo!fo!gsboŽbjt! usbevju!qbs!Kfboofuuf!Bmcfsufmmj!Npjtbo 2011 © EMILIO GOZÁLEZ FERRÍN, 2011 © de esta edición: EDITORIAL ALMUZARA, S.L., 2011 © de la traducción: JEANNETTE ALBERTELLI MOISAN, 2011 Primera edición: abril de 2011 Reservados todos los derechos. «No está permitida la reproducción total o parcial de este libro, ni su tratamiento informático, ni la transmisión de ninguna forma o por cualquier medio, ya sea mecánico, electrónico, por fotocopia, por registro u otros métodos, sin el permiso previo y por escrito de los titulares del Copyright.» Colección AL-ÁNDALUS Editorial Almuzara Director editorial: Antonio E. Cuesta López Editor: David González Romero www.editorialalmuzara.com — [email protected] Diseño y preimpresión: Equipo Almuzara Corrección: Deculturas, S. Coop. And. Impresión y encuadernación: Gráficas La Paz I.S.B.N. 978-84-92924-##-# Depósito legal: J-#### -2011 Hecho e impreso en España. Made and printed in Spain 8 \Ê^!Jdj-!jm!qmfvu!tfvmfnfou!rvboe!mf!wfou!wjfou!ev!tve.ftu/ Ubsjgb-!3117 Mf!gbju!rvf!mÖpo!of!tf!tpju!kbnbjt!qpt!mb!rvftujpoÒ!n‘nf!qbt!bwpjs! ecbuuvÒ-!tj!qbs!ibtbse!mÖijtupjsf!ftu!pv!opo!vo!bsu-!ftu!wsbjnfou!vof! eft!diptft!mft!qmvt!dvsjfvtft!ef!mÖjofqujf!ivnbjof/!Ef!rvpj-!tÖbhju.jm! tjopo@!\Ê^/!Mft!gbjut!ev!qbtt-!rvboe!opvt!mft!sfdvfjmmpot!ef!gbŽpo! opo!bsujtujrvf-!tpouÒ!tjnqmfnfouÒ!eft!sfdvfjmt/!Fu!mft!sfdvfjmt-!tbot! epvuf-!qfvwfou.‘usf!vujmft<!nbjt!jmt!pou!‰!wpjs!bwfd!mÖijtupjsf!dpnnf! mf!cfvssf-!mft!Ðvgt-!mf!tfm!fu!mft!qjdft!pou!‰!wpjs!bwfd!mÖpnfmfuuf/! Mzuupo!Tusbdifz-!Qpsusbjut!jo!Njojbuvsf/1 1 […] boe!puifs!Fttbzt. London: Chatto Windus, 1931 page 160. Écrire un prologue à l’édition française du livre d’Emilio Gonzalez Ferrín Bm!Boebmvt;!Fvspqf!fousf!mÖPsjfou!fu!mÖPddjefou nous oblige à réaliser un effort intense de réflexion sur les fondements idéologiques et culturels qui soutiennent les travaux et les objectifs de la Fondation des Trois Cultures de la Méditerranée tout au long de ses 10 ans d’expérience. Les objectifs de cette institution s’inscrivent dans la promotion du dialogue et la tolérance entre les peuples de la Méditerranée, et notamment la vocation que ses activités liées à la résolution du conflit entre la Palestine et Israël, la coopération avec notre voisin le Maroc et le soutien permanent aux initiatives qui favorisent la rencontre entre la société civile des pays méditerranéens et les institutions européennes, ne laissent aucun doute sur les intentions et les priorités sur lesquelles se basèrent à l’époque les autorités du gouvernement régional de l’Andalousie et le Maroc au moment de créer une institution de cette nature. Dix ans plus tard la configuration politique internationale a changé, le conflit de l’Afghanistan et la situation en Irak s’additionnent, avec des éléments déstabilisateurs, au ralentissement des progrès pour la résolution du conflit entre les Palestiniens et les Israéliens. En outre, la crise économique et financière a frappé particulièrement l’Europe et les États-Unis, de même que le reste des pays de la Méditerranée. Une nouvelle présidence aux États-Unis et un nouveau cadre de travail lié au bassin méditerranéen, l’Union pour la Méditerranée (UPM), de même que la création d’un nouveau service diplomatique au sein du nouveau ministère des Affaires étrangères de l’Union européenne, apparaissent comme de nouvelles variables à prendre en considération dans le contexte actuel. En dépit de tout cela, il y a encore des discours et des déclarations publiques, dans la littérature et dans les œuvres de pensée, de nombreuses références culturelles qui justifient et légitiment 21! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou quelconque type d’attitudes et d’opinions politiques, en utilisant à leur guise ce passé commun et en exploitant des stéréotypes et des clichés qui conviennent à certaines causes. Il est très frappant d’observer souvent comment l’histoire vieille d’une dizaine ou douzaine de siècles reprend son souffle dans le contexte actuel dans des domaines aussi divers comme ceux des relations internationales — impossible de ne pas se référer à Samuel Huntington et son dmbti! pg!djwjmj{bujpot- ou le discours d’Obama au Caire —, ou encore dans des domaines nationaux, voir même, locaux, par exemple au moment de gérer la participation publique des communautés d’origine ou de croyance diverses. En d’autres mots, l’histoire et notre passé sont toujours présents de manière palpable dans la politique et la pensée de nos jours. Mieux encore, parler du passé et nous référer à celui-ci devient un acte obligatoire au moment de défendre ou d’argumenter les positions idéologiques. Cette histoire n’est pas, en conséquence, une matière appartenant uniquement au passé mais bien à notre présent et, évidemment, de manière plus latente à notre avenir. L’utilisation de celui-ci peut nous faciliter la construction d’un avenir de coexistence ou nous figer dans un présent éternel, tjof!ejf. C’est la raison pour laquelle la Fondation des Trois Cultures de la Méditerranée prit la décision de créer un forum de réflexion, la Chaire Al-Andalus, ayant pour but de se porter en défenseur éloquent et en instrument de révision de cette histoire pour rompre les images prédéterminées par l’usage quotidien, faisant sans doute partie de notre tradition mais qui doivent impérativement faire l’objet d’une révision urgente. Précisément pour permettre quand on parle d’histoire de le faire avec des majuscules, en faisant appel aux sources, en fuyant les simples résumés gorgés d’anecdotes, de dates et de justifications supposées, en osant ainsi nous lancer aux arènes pour détruire ces barrières qui souvent nous renferment. C’est avec cet esprit innovateur et d’avant-garde qu’il fut décidé de créer la Chaire Al-Ándalus, dont la direction scientifique a été confiée à Emilio González Ferrín, auteur de ce livre et qui a accueilli dans ces deux années à Séville des personnalités de taille intellectuelle telles que Mohammed Arkoun (Université de la Sorbonne — Paris III), Julio Samsó (Université de Barcelone), Francisco Márquez Villanueva (Université Harvard), l’ambassadeur d’Espagne au Caire, Antonio Qspmphvf 22 López, Susana Calvo de l’Université Complutense de Madrid, ou José Antonio Gonzalez Alcantud de l’Université de Grenade. Même si, on a beaucoup écrit et depuis bien longtemps — il suffit de se rappeler de Claudio Sánchez Albornoz, Américo Castro, Dozy, ainsi que de toute une pléiade d’historiens, arabistes et orientalistes de divers pays tout au long du siècle passé — sur ce passé de coexistence médiévale que vécut la péninsule ibérique au VIIIe siècle et dans les siècles suivants et que des rivières d’ancre ont coulée sur ce que nous avons dénommé le Paradigme Al-Andalus, nous avons pris la décision de remettre au public intéressé un livre pouvant faciliter d’aborder ce dialogue et cette réflexion qui nous conduit depuis l’époque médiévale jusqu’à nos jours. Ce livre, Bm.Boebmvt;! Fvspqf! fousf! mÖPsjfou! fu! mÖPddjefou-! maintient une thèse si innovatrice qu’elle s’empare de nous depuis le début, en nous obligeant à réviser de nombreux concepts que nous avions assumés définitivement, en ouvrant à nouveau la caisse des pensées. Une tâche qui nous interpelle et face à laquelle nous ne pouvons pas demeurer impassibles. Comment assumer alors que ce que nous avons dénommé invasion arabe n’exista peut-être pas, que le monde grec et celui de la Rome orientale ont persisté dans l’Islam ou que l’essor scientifique ultérieur, la renaissance européenne, enfonce ses racines dans le développement scientifique et culturel de Al-Andalus? Des concepts tels qu’identité, tradition culturelle, religion, décadence, pour citer simplement certains largement utilisés dans les textes modernes, les articles et les médias, acquièrent de nouvelles significations à la lumière du contenu de ces pages. Je voudrai vous formuler un seul avertissement : il est impossible de voir à nouveau le monde actuel avec les mêmes yeux après sa lecture. Je vous souhaite beaucoup de plaisir. QS„GBDF! Depuis qu’en 2006 a été publiée pour la première fois l’Ijtupsjb! eÖbm.Boebmvt, les nombreuses présentations de ses deux éditions ont généré un certain débat. Les principaux éléments de discussion sont en général deux idées dont on a tendance à résumer le livre: une nous renvoie au sous-titre — Fvspqf! fousf! Psjfou! fu! Pddj. efou—; l’autre est l’affirmation récurrente, incluse dans ces pages, sur le fait que les Arabes n’envahirent pas la péninsule Ibérique. Sur la première il n’y a pas besoin de plus d’explication, vu que cela s’est converti plus en élément idéologique que scientifique. Ainsi, notre proposition d’al-Andalus comme composant et source culturelle d’Europe choque avec un préjugé de grande prédication: l’idée que les sujets de l’histoire sont les religions, inamovibles depuis le passé le plus lointain. Ce obujpobmjtnf! sfmjhjfvy tend vers la forge des identités par exclusion, procédant ainsi à construire une vision du monde ordonnée et militante. Il paraîtrait que, ou l’on est musulman et l’on hérite de tout ce qui est islamique dans le passé, au service de l’insurrection révolutionnaire contemporaine, ou l’on est d’un Occident —parfois assimilable à chrétien— constitué grâce à l’éradication de ce qui est oriental, toujours envahisseur et qui fut expulsé d’Europe. Cette perception infantile généralisée et malintentionnée de tfssf{! mft! sboht est complètement étrangère à notre théorie de l’histoire, et cela ne mérite pas d’ultérieures considérations intellectuelles car il s’agit d’opinion et non de formation. Mais par contre, une certaine production littéraire émanée de telle polémique mérite d’être considérée, pour ce qu’elle laisse transparaître comme uinf!ef!opusf!qprvf et, comme tel, soumis à un fertile epoobou!de publications. La bienvenue française à l’essai de Sylvain Gouguenheim nous sert ici de départ: dans son Bsjtupuf!bv!Npou.Tbjou.Njdifm (2008), 25! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou cet auteur découvre les traductions que Jacques de Venecia fit du penseur grec dans cette abbaye vers l’an 1127. Telle donnée lui sert à annuler le labeur intellectuel andalusí comme continuateur de l’élément culturel grec, et ainsi, mésestimer tout apport islamique à la construction européenne. Mais Gouguenheim ne tient pas compte du peu de répercussion de telle version, car le propre Thomas d’Aquin appelle Averroès mf!dpnnfoubufvs (d’Aristote), la lecture du Cordouan est interdite à Paris pour fomenter la librepensée, et même d’Aquin commande d’autres traductions du grec pour confronter les Arabes, omniprésents. C’est-à-dire: découvrir une autre source de continuité historique n’annule pas celles qui existent déjà. D’autre part, Gouguenheim a des pages réellement éclaircissantes sur la transmission du bagage classique de l’Orient à l’Occident, mais il est vaincu par le nationalisme religieux lorsqu’il élague tout apport chrétien arabe et qu’il nie l’affectation de celui-ci à la civilisation islamique. De toute façon, l’accablante bienvenue du livre de Gouguenheim en France nous en dit long sur mÖfowjf que l’on avait d’un essai préalable conciliateur eft!ijtupjsft!fu!eft!qstfout; les œuvres de A. de Libera, P. Benoît, F. Micheau, M. Arkoun —ainsi que les traductions françaises des livres de Menocal et Vernet— dans lesquels est tracée une ligne sans solution de continuité du Moyen âge jusqu’à la Renaissance à travers l’Islam. En Espagne, notre version de espjuf!ejwjof boit des mêmes sources telluriques de l’affrontement continuel et naturel entre les religions, en oubliant que mÖfoofnj! nvtvmnbo est récent car l’ennemi a été tout autre jusqu’hier: la menace acharnée de l’Occident était le ust!spvhf Est, destructeur des valeurs et fondements, il est donc difficile de tracer des continuités dans ce sens si ce n’est que la continuité fasse allusion, sans plus, au désir de se forger des ennemis. Elle est longue et variée notre liste d’intellectuels retranchés dans «jmt!of!qbttfspou!qbt» face à un al-Andalus, synonyme d’al-Qaeda. L’on peut englober ici avec surprise académique Serafín Fanjul préfacé par Miguel Ángel Ladero Quesada, celui de Simancas. Fanjul surprenait, ainsi subitement, étant un magnifique arabiste engagé et assermenté, avec l’idée que l’insurrection irakienne, le terrorisme islamique et al-Andalus sont une partie d’un tout menaçant et provoquant un phénomène de rejet. Fanjul nage dans le même courant que Rosa María Rodríguez Ma- Qsgbdf 26 gda, qui obtint le prix Jovellanos de Ensayo en 2008, et qui dans son œuvre cpvdmf!mb!cpvdmf du mépris en niant le plus important; la propre existence d’un légat culturel qualifiable comme andalusí. Mais à ce qui précède s’additionne aussi l’appui logistique d’une grande partie du monde politique, académique et intellectuel en général: voir ce penchant pour la croisade inexplicable pour des noms aussi influents comme Gustavo de Arístegui, Gustavo Bueno, Rodríguez Adrados et un très long et cetera dont le rejet en bloc des univers culturels qu’ils ne vont plus comprendre, ne leur provoque aucun grincement. Particulièrement, les deux derniers considèrent compatible le fait de maudire ce qui est islamique et défendre à outrance ce qui est gréco-latin, comme si cela ne faisait pas partie de la même chose. Mais, dans ce cas, la wfstjpo!ftqbhopmf a une dernière nuance non dédaignable: la préoccupation latente pour l’identité, unité et cohésion historique de l’Espagne. C’est-à-dire: patries comme obligation du passé, plus que comme projets de futur. Dans ce sens, l’inhérente influence de Pelayo dans notre aujourd’hui interprétateur d’hier se présente comme l’unique explication possible du quotidien: l’Espagne, selon ceci, se serait forgée à partir d’un embryon salvateur à Convadonga jusqu’au cadeau du destin de Grenade— 1492— pour notre effort de reconquête. Pour les mêmes raisons alAndalus ne serait pas un élément constitutif d’Espagne mais plutôt des troupes enfin vaincues et expulsées. L’Espagne se serait forgée face à al-Andalus, mais non pas à partir de celui-ci —il suffit de lire la très longue proclamation de l’évangélique César Vidal. Son vestige se circonscrit à certains éléments folkloriques d’une Andalousie— cela va de soi— indolente. Il n’y a pas beaucoup plus à commenter, ceci est une histoire d’images, bonnes et mauvaises. Au sujet de la deuxième idée— si les Arabes envahirent ou non la péninsule Ibérique—, le débat n’est pas moins profond et mérite quelque digression. Mais ici n’entrent pas en jeu des idéologies préalables comme dans le cas antérieur— passionnelles, personnelles, nationalistes —mais le suivi, l’obéissance— ou non à une certaine ijtupjsf!pgßdjfmmf. C’est pour cette raison qu’il est opportun d’inclure un mot préalable qui encadre le tfot! ijtupsjrvf! eÖbm.Boebmvt tel qu’il est perçu dans ce livre, ainsi que certaines dpousbejdujpot!ef!dfuuf!ijtupjsf!pgßdjfmmf, tout cela selon un procédé suivi dans ces pages: l’ijtupsjpmphjf! nqsjtf, comme 27! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Américo Castro la pratiqua, comme Ortega y Gasset l’a définit, qui est cultivée dans une grande partie du monde: théorie de l’histoire, identification des patrons et des mythes, et cetera. Nous traiterons ces trois points dans l’ordre inverse ici annoncé. Commençons, ainsi, par le troisième aspect, l’historiologie: la méthode historiologique a beaucoup été critiquée pour avoir pris l’ifvsjtujrvf —recherche de sources ou dénonce de leur inexistence— et la confondre avec des explications parfaites et complètes impossibles à facturer. Mais l’heuristique est la grande question préalable pour tout scientifique qui se respecte, l’historiologue inclus. Et bien que la paternité du terme historiologie soit encore objet à discussion, la science qu’elle propose n’est pas l’histoire sans archives, mais la question que ne se pose pas le simple archiviste. L’on attribue à Martin Heidegger la séparation entre Hftdijdiue en allemand —succession de faits, qui viendrait de hftdififo-! avoir lieu—, et Ijtupjsjf, du latin ijtupsjb— en relation sémantique avec le grec qjtunf; apprendre en posant des questions. Ce second concept théoriser l’histoire—, correspondrait à l’historiologie, qui prétend ainsi animer l’historien à être quelque chose de plus qu’un simple compilateur de données. Ou, au moins, qu’il recueille des faits vérifiés. N’en déplaise à quelque pauvre archiviste, le monde est très vaste et il y a des choses qui n’apparaissent pas entre les fiches de l’Archivo General de Simancas. La clé dans la lecture historiologique qui nous occupe est le dibohfnfou!ef!qbsbejhnf, le même concept qu’appliqua Darwin en étudiant l’origine des espèces. Lorsque l’on interprète al-Andalus, ce que l’on appelle l’wpmvujpoojtnf, ou même le hsbevbmjtnf, s’opposent à la perception catastrophique des origines. Les choses se produisirent d’une manière beaucoup plus en accord avec les circonstances qui les provoquèrent et non à l’attitude contemporaine que l’on a envers ces faits. Ainsi, notre interprétation change de paradigme lorsque nous prenons parti pour le procédé d’Américo Castro dans cet Ensayo de Historiología qu’il dut publier à NewYork en 1950. Prenant parti pour les apports d’une génération qui s’exprima sans l’idéologie de tfssf{!mft!sboht dont nous avons fait allusion auparavant. L’époque pendant laquelle Stephen Gilman, Antony van Beysterveldt, Samuel G. Armistead, Marcel bataillon ou James T. Monroe comprenaient la maîtrise du procédé d’un Espagnol— alors, le déjà cité Américo Castro—, pendant qu’une grappe Qsgbdf 28 d’Espagnols fleurissaient dehors des amphithéâtres de leur pays: Francisco Márquez Villanueva ou Juan Marichal (Harvard), Vicente Llorens (Princeton), Francisco Marcos Marín (Montréal), Guillermo Araya ou Julio Rodríguez-Puértolas (Californie), Manuel Durán (Yale), et d’autres —quelques-uns, très peu, revinrent— ceux qui surent allier la philologie et l’historiologie à partir de latitudes étrangères à la construction hispane de Goths, catholiques et d’unité. Pendant ce temps, ici se forgeaient des spécialités sans connexion entre elles ou avec l’extérieur, rendant valable cette pensée attribuée au docteur Letamendi, selon lui mf!epdufvs!rvj!dpoob•u!tfvmfnfou!mb! nefdjof-!of!dpoob•u!n‘nf!qbt!mb!nefdjof. Ce livre n’a jamais été initiatique ou de création, mais plutôt une continuité et débiteur d’un grand nombre d’apports qui ne doivent même pas être conséquents en bloc. C’est-à-dire: nous pouvons comprendre la critique que Goytisolo ou Pierre Guichard firent des thèses d’Olagüe —chacune en termes et motifs différents—, ou le révisionnisme actuel sur le compromis corporatif d’Asín Palacios ou García Gómez avec un certain régime. Nous pouvons critiquer l’obsession gothique d’Unamuno, Ortega y Gasset et Maravall, l’esprit de croisade de Menéndez y Pelayo ou la faculté inventive de Menéndez Pidal et son équipe. Mais nous ne pouvons passer par-dessus tous ces noms sans souligner les nouvelles idées qu’ici ou là ressortent le long de leurs œuvres respectives et qui ne vont pas être mésestimées pour d’autres idées incompréhensibles que ces mêmes auteurs aient pu exprimer. Il n’y a rien de plus empirique que d’être strictes et aprioristes dans la conséquence, indemnes dans l’affinité ou le rejet; certainement parce que ni la vie ni l’histoire tendent à la stricte cohérence. Le deuxième aspect que nous annoncions était celui de certaines contradictions de cette ijtupjsf! pgßdjfmmf. Dans une grande mesure, la compilation sans substance de faits qui nous ont été enseignés en ce qui concerne al-Andalus se basent sur des paradigmes— schémas, patrons— de vieille prédication dans la Méditerranée. Trois exemples serviront d’échantillon: l’invasion de l’an 711 à cause de la trahison associée à la fille de Julián ressemble trop aux causes littéraires de la Guerre de Troie dans l’Jmjbef; l’apparition cinématographique du dernier des Omeyyades de Damas sur les plages occidentales en l’an 756 après ses escales nord-africaines ressemble trop au début narratif de l’„ojef de Virgile, avec cet 29! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Énée —dernier des Troyens— suivant les routes similaires. Enfin, le périple des dix mille Syriens entourés dans le nord de l’Afrique et qui finalement s’établirent dans al-Andalus rappelle énormément l’Bobcbtf de Xénophon. Tout cela montre la transmission des idées et récits dans le monde gréco-latin et ses périphéries, partant —cela ne fait aucun doute— de que l’Islam est une civilisation hellénique au moins jusqu’à sa majeure orientalisation —à cause de l’accablant élément perse— au début des années 800. L’époque très tardive du premier grammairien de l’arabe —Shbawayhi, mort en 795—, le témoignage en grec de Jean Damascène —mort en 750— et les lettres latines du Cordouan Euloge —mort en 859— font douter d’une fixation d’un canon coranique ou l’arabisation de l’Occident avant l’an 800. Dans tel cas, au nom de qui ou en quelle langue put se produire tout ce que l’on veut qu’il se produisit en l’an 711? Ceci est la base de notre rejet d’une invasion arabe ou au nom de l’islam, ou —même— composée de Berbères qui, en fin de compte, à cette date n’étaient pas encore les hommes bleus du désert qui arriveraient trois siècles plus tard. Berbère est la transcription de cbscbsvt —latin— ou cbs. cbspj —grec-; Berbères seraient ainsi Saint Augustin, Massinissa, Jugurtha ou Apuleyus; sans turban bleu ni thé vert. Ce rejet de la version officielle d’un créationnisme andalusí se base également sur la question historiologique par excellence dans cette matière: pourquoi ne parle-t-on pas d’invasion islamique jusqu’aux chroniques si tardives comme l’est l’BlicŒs! Nbdinb! au milieu des années 800 —ou ce que l’on appelle les Ds˜ojdbt!Bt. uvsjbobt— ultérieures à l’an 800? Pourquoi ce faible témoignage de ce ibqby documentaire qu’est ce que l’on a appelé à tort Ds˜ojdb! Np{ˆsbcf —aux environs de l’an 754— qui résulte être le seul fiable chronologiquement et qui ne contient pas de termes comme islãm, Mahomet, musulman, Coran, mais qui se consacre à critiquer les versions trouvées aux chrétiens péninsulaires? Pourquoi un pays si cultivé n’écrit pas sur la tragédie unique et localisée de l’an 711 jusqu’à —au moins— cent cinquante ans après? Ceci est l’interrogation constitutive qui inaugure la séquence des doutes et des questionnements qui se succèdent dans ce livre. (L’allusion faite à la dénomination mozarabe —mal nommée— répond au fait que tel terme signifie arabisé; c’est exactement ce que ne voulaient pas être les résistants à l’avance de l’arabisation andalusíe. Ni celui qui impulsa Qsgbdf 2: le terme, Simonet, ni le catalogueur de la Ds˜ojdb!Np{ˆsbcf, Menéndez Pidal, n’en tinrent compte). Et pour conclure avec cet aspect annoncé, nous définirons alAndalus comme mf!ewfmpqqfnfou!ef!mÖIjtqbojf!dvmujwf!rvj!of! wpvmvu!qbt!tÖbeejujpoofs!‰!vof!Fvspqf!dpodsuf!ef!mb!qbsu!ef! Dibsmfnbhof/! MÖIjtqbojf! dpoujovb! qbs! tpo! difnjo! nejufssb. ofo-!qfoebou!rvf!mf!sftuf!ef!mÖFvspqf!tÖfo!mpjhobju/!Bm.Boeb. mvt!ftu!mf!nbrvjt!fvspqfo!eft!istjft!disujfooft!psjfoubmft;! Ebs! bm.Jtmbn. Nous nous ferons l’écho de l’affirmation d’Andrés Martínez Lorca: bqqfmfs!ošusf!‰!mb!dvmuvsf!eÖbm.Boebmvt!tvqqptf! vof!svquvsf!bwfd!dfuuf!evdbujpo!dpmmfdujwf!nbojqvmf!ebot!mb. rvfmmf!opvt!gŸnft!jotusvjut. Et nous signalerons, entre une foule de questions, des affirmations telles que: Al-Andalus s’insert dans le processus constant d’orientalisation de la péninsule Ibérique, duquel fait partie également la christianisation. L’arabisation est un long processus parallèle qui affecta à tout le sud de la Méditerranée. Al-Andalus ne dépendit d’aucun pouvoir étranger jusqu’aux invasions nord-africaines du XIème siècle. Le nord de l’Espagne ne fit pas partie d’al-Andalus pour s’être jointe à un changement graduel européen commencé en l’an 800 par Charlemagne. Cette élasticité des limites territoriales andalusíes généra le concept de frontière, essentiel dans la formation de la culture hispane. Seul le sens d’état d’al-Mansûr —aux environs de l’an 1000— forcerait le nord de l’Espagne à se définir par exclusion du sud. Tant les royaumes chrétiens du nord qu’al-Andalus souffrent des processus alternatifs de centralisation et décentralisation. La décentralisation andalusíe définitive des royaumes de Taifas (1031) marque le moment de splendeur culturelle maximale de notre Moyen Âge, encore arabe en grande partie pendant quatre siècles de plus. L’entrée d’Alphonse VI à Tolède en 1078 —la ville andalusíe qui l’avait recueilli dans son exil— est fondamentale pour la continuité culturelle Ibérique et méditerranéenne. Nous ferons ressortir également que le traitement de ce qui est andalusí de la part du 31! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou reste de la péninsule n’est pas monolithique pendant huit siècles, mais qu’il y a une intéressante évolution entre —par exemple— deux textes conservés: une Dboujhb de la cour d’Alphonse X et l’épitaphe des Rois Catholiques. La Dboujhb! (vers 1280) dit ainsi:!Ejfv! ftu!dfmvj!rvj!qfvu!qbsepoofs!bvy!disujfot-!kvjgt!fu!Nbvsft-!tÖjmt! pou! fowfst! Mvj! mfvst! dpowjdujpot! cjfo! gfsnft. Et l’épitaphe répond deux siècles et demi après (1517) Df!npovnfou!gvu!sjh!‰!mb! nnpjsf!ef!Gfsejoboe!eÖBsbhpo!fu!Jtbcfmmf!ef!Dbtujmmf-!ipnnf! fu!gfnnf!hbvy-!efwbou!mftrvfmt!tÖbhfopvjmmb!mb!tfduf!eft!nbip. nubot!fu!rvj!sbejrvsfou!mft!isujrvft!kvjgt. L’évolution idéologique est évidente, à mesure que s’éloigne cette vieille invasion dans les brouillards des temps. D’entre de telles questions et de tels exemples, nous conclurons qu’al-Andalus est une pré-Renaissance européenne, et comme telle, il mérite le rang de source culturelle de l’Europe, même au-delà du composant identitaire d’Espagne et Portugal. Pendant cette période de ma vie, les trois ans d’aventures passées, je dois à Enrique Ojeda Vila une grande partie de l’écho international que l’œuvre a pu avoir. Comme directeur de la Fundación de las Tres Culturas del Mediterráneo et après comme Secretario de Acción Exterior de la Junta de Andalucía, Enrique Ojeda a compensé largement le peu d’estime hispanique pour ces pages. D’autre part, mon opinion sur le médiévalisme espagnol —je n’expliquerais ce que l’on entend par groupe des nfejbmvdft— a changé radicalement à la suite d’avoir pu connaître les plus sensés et respectables objections de la part de spécialistes comme Gloria Lora, Antonio Collantes et José María Miura. Leur résolution à échanger des idées dit beaucoup sur leur capacité scientifique et modifie substantiellement l’opinion préalable que j’avais de la corporation. Au-delà de tout ceci, la rencontre de notre définition d’al-Andalus avec les questions contemporaines a produit d’intéressantes lectures qui entrent déjà dans ce que l’on connaît comme Qbsb. ejhnf!bm.Boebmvt: une vision qui est un exemple des lumières et des ombres de l’histoire sous bénéfice d’inventaire présent. Pour enlacer avec des théories concomitantes de —par exemple— Muhammad Arkoun ou l’Iranien Jahanbegloo, il est possible de jeter les bases d’une lecture culturelle de l’histoire non manipulée dont l’application présente est illimitée. Je désire souligner à ce sujet l’échange intéressant d’idées avec 32 Qsgbdf Felice Gambin dans l’Université de Vérone à l’occasion du congrès Bmmf!sbejdj!efmmÖFvspqb. Avec Albert Bildner dans celui de Sfwjtj. ujoh! bm.Boebmvt de New-York. Avec Gaspar Cano —Instituto Cervantes— d’abord à Stockholm et après à Berlin en même temps que Sami Naïr. Également avec l’Ambassadeur Antonio López après une présentation dans l’Université d’Al-Azhar (Le Caire), remémorée après à Séville. Je désire aussi me souvenir de Vanessa Herencia pour la puissance d’idées qui me permit de culminer la commande du texte Svncp! bm! Sfobdjnjfoup (Vers la Renaissance). À Darío Villanueva et La Sociedad Española de Literatura Comparada, probablement le forum le plus influencé par Américo Castro, dans lequel nous pouvons abattre les murs entre les spécialités. À Enrique Jaurrieta —Ateneo Navarro—, Román Suárez —Oviedo— Alejandro Nogales —Zafra— et Juan José Tamayo —Universidad Carlos III de Madrid—, pour leur permanente conversation. À Jerónimo Paèz —El legado andalusí— et Francisco Peña —University British Columbia, Canada— je leur dois l’opportunité de bavarder avec Francisco Márquez Villanueva à Grenade faisant apparaître que nous sommes depuis quatre tjdmft! tbot! npsjtrvft. À l’ambassadeur Emilio Cassinello, au Recteur Candido Mendes (Rio de Janeiro) et à Federico Mayor Zaragoza, pour l’espace de débat facilité à San José de Costa Rica à l’occasion d’une réunion sur l’Alianza de Civilizaciones. Enfin, je dois à Balbino Povedano, Margarita Ruiz Schrader et María Sierra l’opportunité d’un an de diffusion d’idées dans la Casa Bailío de Córdoba. Et —bien sûr—, je dois conclure en mentionnant Joaquín Aurioles pour la gageure intellectuelle qui incita ces pages: un contrat d’jowftujhbufvs!tfojps sur al-Andalus dans ce qui était alors un chaudron d’idées du Centro de Estudios Andaluces qu’il créa, remplit et qui, sans lui, se vida. La commande que me fit alors Manuel Pimentel fut l’unique lecture cohérente des recherches qui s’y faisaient. À tous, et à tant de lecteurs anonymes, je dois l’intérêt qui permet cette édition en français. Emilio González Ferrín Sevilla, 2010. J/!QSPM„HPNêOFT 2/2/!Jouspevdujpo! § 1. Al-Andalus n’est pas une période passée, sans plus; c’est un composant. Le temps passe —même si parfois il se résiste à le faire—, les composants se diluent sans grumeaux — au début réticents — ils supposent à la fin une plus grande restriction à la tendance générale qui domine dans l’histoire en marche: l’on finit toujours par regarder vers l’avenir, l’important est toujours comment affronter ce qui vient. Dans ce sens, le passé n’est autre qu’un parapet d’une consistance apparente. Nous arriverons bientôt à Walter Benjamin: il ne faut pas partir des bonnes et vieilles choses, mais des nouvelles et mauvaises choses.1 Pour l’instant, il suffit d’une seule affirmation pour insinuer une idée préalable: que tout regard vers le passé est intentionné car, avec ce regard, nous ne sommes pas mus par la curiosité mais par le vif intérêt d’user des réserves argumentatives. Que nous ne récupérons jamais tout le passé, et que nous ne nous réjouissons pas toujours de ce que nous voyons se préparer pour l’avenir. D’accord: al-Andalus est un composant. Mais de quoi? Ceci dit, nous pensons que d’Europe: de mÖFvspqf! rvf! opvt! dpoobjt. tpot! dpnnf! nbusjdf! ef! m¬Pddjefou! fu! rvÖbm.Boebmvt! tbvub! ev Npzfo!æhf!qpvs!wjwsf!vof!qsfnjsf!Sfobjttbodf. Néanmoins, malgré la tendance générale commune ébauchée ci-dessus —de toujours scruter le passé pour voir ce que nous userons à l’avenir—, il y à des zones de l’histoire qui se montrent— ou que nous 1 Walter Benjamin, Bwbou.hbsef!boe!sfwpmvujpo/!Mjufsbsz!xsjujohtÊ 35! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou montrons— plus incommodes et fuyantes que d’autres. Ainsi, celui qui aujourd’hui cherche al-Andalus, se trouvera devant quelque chose de parsemé, enraciné et qui a tellement changé de couleur, que quelque soit l’échantillon ce sera toujours une métonymie: une partie dans un tout. Même si celle— ci est méprisée, considérée comme nulle ou, au contraire, exaltée et démesurée. La partie toujours folklorique dans un tout tant spécifique comme normal. § 2. Cette façon de toujours regarder vers l’avenir marque indéfectiblement le besoin de pauses contemplatives sur le passé, exemplaires pour l’avenir. Pour m’en remettre à un intellectuel originaire d’al-Andalus Ibn Khaldûn —le Aben Jaldún des réponses pour Ortega y Gasset—, le présent est toujours le miroir où le possible avenir se regarde dans le passé. C’est certain, il le fait d’une façon instinctive. Nous ne regardons jamais en arrière comme le feraient des vaches qui verraient passer un train. Nous ne baillons jamais devant les évènements dans l’attente de leur morale, mais nous appuyons plutôt le pied contre le mur qui est derrière nous pour nous impulser. Nous ne scrutons jamais comment se présentera l’avenir sans nous situer. Nous levons l’ancre à partir de ce que l’on appelle nœud: coordonnées à partir desquelles nous scrutons l’horizon. L’axe sur lequel tournent les trois cent soixante degrés de l’environnement. Et dans ce nœud, dans celui où nous nous trouvons, ont tendance à se fondre —se confondre— ce que nous sommes et ce que nous voulons être. En réalité, pour une saine contemplation du paysage, des coordonnées correctes devraient suffire, disions-nous, à partir desquelles nous projetterions notre regard. Si nous regardons toujours vers l’avenir — où nous voulons arriver—, nous aurions tendance à penser que l’indispensable est eÖpž!opvt!wfopot. Mais non, systématiquement nous donnons plus d’importance à ce que opvt!tpnnft. Le déterminisme historique dans le devenir des peuples. La version sociale du déterminisme biologique: ufm! qsf! ufm! ßmt, ou, encore dÖftu!dpnnf!tj!kÖz ubjt/!L’histoire induite: je lis tout ce que je veux lire, non pas tout ce qui est écrit. L’agnation: comme j’hérite le costume de mon père, je dois agir comme lui. C’est pour cette raison que nous donnons de l’importance au passé pour organiser l’avenir: parce que nous voyons qu’il y a des modèles, des comportements inévitables. C’est ainsi parce que nous assumons que si l’avenir se Qspmhpnoft 36 présente ramifié, cela n’a pas d’importance; vu que nous sommes comme nous sommes, nous ne voyons toujours qu’une seule voie. Indéfectiblement — nous l’assumons— nous répondons aux requêtes pavloviennes, produit de notre entraînement historique. § 3. À cause de cela, les libérateurs des patries donnent tant d’im- portance à l’histoire, aux poètes, au folklore. Jm!of!gbvu!qbt!fyb. hsfs!mft!diptft —aurait soi-disant dit Salvador Allende lorsqu’il haranguait en 1973 les radicaux de gauche qui se barricadaient contre l’armée; qui était encore seulement un conspirateur murmurant—, wpvt!efwf{!ufojs!dpnquf!rvf!mÖbsnf dijmjfoof!oÖftu! kbnbjt!joufswfovf!fo!qpmjujrvf. À la fin, n’importe quel fait surprenant passe à devenir une tradition, mais jamais le fait en soi de provoquer une surprise. Personne ne dit: attention, il y a toujours une première fois. Non, l’histoire commande. Il n’est pas courant d’avoir une lecture historique qui nous lance à être n’importe quoi, parce que nous appartenons à un tout ou, de toute façon, nous pouvons y arriver. Tout bien considéré, le plus courant c’est de dépoussiérer seulement un composant du passé, et de repeindre les blasons pour arriver à être exactement ce que nous croyons et voulons avoir été. À l’état pur, sans hésitation ni contamination. Nous ne buvons jamais à la santé d’un grand-père pauvre; s’il émigra et nous n’eûmes pas de ses nouvelles, tout est bien qui finit bien. Personne ne veut hériter de possibles dettes et pas non plus répartir de possibles fortunes. Unamuno écrivit que nous sommes eft!bojnbvy!‰!foufssfs! mft!npsut. C’est possible, bien que, de la façon avec laquelle nous traitons le passé— les morts: l’histoire—, cela ressemblerait plutôt à que nous voudrions tous être des docteurs Frankenstein. § 4. Ce livre est un livre qui a la volonté d’être consulté. Mais il est difficile de dire d’avance ce qu’il prétend établir; les bases qu’il, sans aucun doute, désire jeter. Il y en a, et quand nous nous occuperons du squelette formel de ses pages, nous essaierons d’en devancer les contenus. Même si, pour le moment, nous nous déplacerons pendant un certain temps à travers les pluies orageuses d’une déclaration de principes. Plutôt dans son acception de débuts que de dogmes, en tout cas. Mais oui, les livres tendent à vouloir transmettre quelque chose, même si certains tiennent plutôt compte du 37! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou lecteur corporatif que de l’indépendant. Dans ce sens, il faut rejeter les lectures de cercles, club ou confrérie, vu que le nomadisme d’auteur et des pages rend impossible la propreté de cette encre, il faudra donc consulter le livre sans cadre scolastique préalable audelà d’un obligé —et intentionné, bizarrement étendu— avis pour les navigateurs. Une des plus célèbres qspgbobujpot d’Ambrose Bierce2 soutient que consulter c’est traiter de trouver quelqu’un qui approuve un chemin déjà élu. C’est ainsi— parce que celui qui sait ce que veut l’auteur, et donc qui est des miens— et pour d’autres innombrables raisons, qu’il faut ouvrir avec une certaine méfiance un livre ayant des caractéristiques comme celui dont nous traitons. Parce que ce n’est pas une thèse instrumentaire partielle, mais plutôt l’interprétation générale d’un ensemble. L’auteur pourra-t-il se rapprocher de ce que je pense déjà d’al-Andalus, ou au contraire me forcera-t-il à l’ennuyeuse et antinaturelle occupation de blinder tout ce que je sais et le contraster avec de trompeuses opinions contraires? § 5. Pour l’instant, nous pouvons anticiper que le livre décevra les chercheurs de combustible idéologique. Aux assoiffés d’arguments frappants. Et il faut qu’il en soit ainsi, par pur respect à l’intelligence du lecteur. C’est une offense d’assumer que l’époque exige de l’insolence et des coups de poing sur la table; c’est-à-dire: pour une grande cicatrice, il faut un grand chirurgien. Non, la clarté peut être subtile. Comme une laparoscopie. Le lecteur doit se méfier des jongleurs, prestidigitateurs des volontés d’autrui. Ceux qui sont capables de feindre un mouvement grâce à leur agilité. Les membres du cercle qui avec les trois boules, toujours les mêmes, interprètent chaque nouvel évènement. Attention aux mains agiles qui terminent toujours —élégamment, ça oui— emportant notre portefeuille. Au passage, profitons-en pour avancer deux clauses préalables: la première est de souligner qu’il faut apprendre à se méfier des histoires pamphlétaires, la deuxième de ne pas pondérer en excès le labeur des pages comme celles que nous traitons. En ce sens, souvenons-nous de cette phrase débitée comme un vaccin contre l’idolâtrie: qpvsrvpj!nf!sfhbsef{.wpvt-!bwfd!dft hsboet!zfvy!fo! cpjt? ainsi penserait le maître Geppetto, tel que le propose Carlo 2 Ambrose Bierce Qspgbobdjpoft. Madrid: Anaya, Mario Muchnik, 1995. Qspmhpnoft 38 Ginzburg, en terminant son œuvre de!Pygmalion: Pinocchio.3 Non, ne parlons pas avec nos créatures alphabétiques, qui se transforment en élucubrations. Ne nous pavanons pas tant, car lorsque nous régurgitons, ce n’est pas si sublime. Établissons la distance nécessaire avec ce qu’il y a de plus périssable dans ce que nous écrivons et lisons; avec ceux qui écrivent et qui lisent. Iconoclasme, epoof.npj!mf!opn!fybdu!eft!diptft!—même si la paraphrase pourrait offenser Juan Ramón Jiménez—. Ne créons pas des idoles qui se retournent contre leurs créateurs. § 6. Il y a deux vérités couramment admises, et les voici comme clauses préalables: la première est que même le diable pourrait citer la Bible pour argumenter en sa faveur. Donc, toute lecture qui ne répond pas à la raison et qui prétend être documentée doit être mise en quarantaine, quelque soit le signe —politique, religieux ou idéologique— qui la distingue. La deuxième, est que bien que copier quelqu’un c’est un plagiat, copier à cent c’est de l’investigation, et nous copions toujours ces mêmes cent. Dans chaque matière, nous utilisons les mêmes sources. Ainsi, la seule chose qui puisse nous différencier, précisément, sera que nous projetons une opinion, et que nous avons beau prétendre une certaine équidistance avec l’objet à étudier. Dans notre cas, il y a de tant et si bons écrits sur al-Andalus —pas nécessairement ces derniers temps—, qu’il suffit de lire et d’interpréter. Il faut beaucoup plus élaguer que recueillir. Mais nous devons le lire dans son contexte, dans son ensemble, et avec rigueur. Par exemple, dédaignons dès le début et pour toujours deux personnages substantiels: le nbvwbjt! Nbvsf et le! cpo! tbvwbhf, pile ou face —et plutôt le mauvais côté de la médaille— dans ce qui est déjà qualifié comme une joejhftujpo!ef!mÖboebmvt“.4 Et avec cette façon de dpqjfs!‰!dfou que nous avons, nous maintenons la tête en dehors de l’eau seulement pour aérer deux idées motrices: que nous sommes poussés par la recherche de la vérité —impératif universitaire, fondement du hbvefbnvt! jhjuvs: la vie est trop 3 Carlo Ginzburg, Pkb{pt!ef!nbefsb/!Ovfwf!sfàfyjpoft!tpcsf!mb!ejtubodjb. Barcelona: Península, 2000. 4 Andalusí: adj. qui appartient ou relatif à al-Andalus ou Espagne musulmane. Diccionario R.A.E. (2003). (N. T.). 39! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou courte pour nous emmêler dans des faussetés — et de même que le biologiste n’aspire pas à se transformer en amibe, nous ne sommes agités, en aucune façon, par les fièvres transcendantales du fvs‘lb! nbvsf, ou cette pandémie si commune qui serait de me raser le crâne parce que j’aime le Tibet. § 7. C’est un essai basé sur la théorie de l’histoire, vu que celuici traite de polir et d’emboîter des éléments qui nous montrent la structure, les lois et les conditions de cette réalité historique appelée al-Andalus. Comme essai, la préparation du terrain — canalisations, éclairage et égouts— est essentiel. Nous ne pouvons pas risquer de rencontrer de futurs problèmes qui nous obligeraient à détruire tous les pâtés de maisons à cause d’une toute petite avarie. La donnée, au service de son sens profond. Ce n’est donc pas une Chronique Générale (comme l’a écrit Ramón Menéndez Pidal), séquence d’évènements qui nous montrent une action historique, bien que nous devions nous en remettre à elle et en tenir compte. Même ainsi elle n’est pas dépourvue d’opinion —comme nous le dîmes auparavant—, ni conçue comme le couronnement d’un riche état de la question qu’elle reflète et représente: si son moteur est intellectuel, le combustible ne peut être l’érudition. Premièrement, parce qu’il n’y a pas d’où puiser, et deuxièmement parce que maintenant elle n’est plus intéressante. Nous vivons une époque fertile d’information et de bureautique dans laquelle personne ne cache une donnée. Autre chose bien différente en serait le sens, si souvent caché précisément par l’affluence très fertile d’information. Dans cet ordre de choses, nous communions avec cet apocryphe de Benjamin qui nous dit: si nous étions objets nous pourrions être objectifs, mais vu que nous sommes des sujets, nous ne pouvons malheureusement qu’être subjectifs. Américo Castro écrit: les wjtjpot! fu! joufsqsubujpot! ev! qbtt! ivnbjo!eqfoefou!eft!jeft!fu!qskvht!ef!dfvy!rvj!mf!dpoufn. qmfou. Mft faits of tpou!qbt!eft!tvctubodft!jnnpcjmft!rvj!qspkfu. ufou!eft!jnbhft!joevcjubcmft ebot!mb!ubcmf!sbtf de!opusf!ftqsju.5 Or, la subjectivité est-elle ou non scientifique? Elle est scientifique, et précisément nous allons en parler; aujourd’hui c’est la manipu5 Américo Castro, Orígen, ser y existir de los españoles. Madrid: Taurus, 1959. Pág. 169. Qspmhpnoft 3: lation objective qui est le plus grand ennemi pour — comme nous l’avons déjà dit— notre but ultime comme scientifiques. La vérité n’intéresse plus personne, il suffit d’une impression avec une objectivité vraisemblable. Nous préférons l’apparence de la raison profonde, plutôt que le doute de l’inexplicable. Cette boutade du fondamentalisme cartésien: kf!qfotf-!epod!kÖfyjtuf. Non, sûrement pas! Je pense, donc, je pense. L’fshp! cartésien est un saut sans filet. La vie, la littérature et le cinéma nous offrent mille exemples de façons de penser qui n’impliquent pas l’existant. Matrix, les lois du marché —ou existences non pensantes— un ficus, un courant froid/!Que le chemin le plus court soit la ligne droite, nous sommes d’accord làdessus, mais quand nous l’avons devant nous, nous n’abattons pas les arbres pour le redresser. § 8. C’est ainsi, avec une tache préalable sur la toile, que nous avons forcé des prototypes dans lesquels n’arrivait pas à apparaître la silhouette soupçonnée. Nous avons tourné autour de différentes méthodes pour savoir avec quelles règles nous pouvons commencer la partie. Et le modèle philologique a été la première méthode à être éliminée; étriper les sources en cherchant l’âme des choses. Rechassons ce traduire flottant et assoupissant qui, pendant les heures d’insomnie, jure avec raison que réaliser une version dans ma langue est compliqué. Ce n’est pas possible: l’histoire médiévale que nous traitons a été recueillie par des propagandistes de régimes —quand n’en-a-t-il pas été ainsi?— créés des dizaines d’années après que se soient produits les évènements en question. Le maniaque du texte se laisse duper, et achète à la première offre. Il est très difficile de contempler huit siècles d’un coup d’œil, quand l’on ne voit pas plus loin que le bout de son nez. Avec le modèle philologique tomba également cette espèce d’auto-école historiographe des mandarins d’avant Mai 68, qui nagent entre leurs fiches jaunies, qui mettent leur veto et manquent à classe: df!oÖftu!qbt!qpttjcmf-!kf!oÖfo!bj!qbt!dpoobjttbodf!fu!dfmb! of!ßhvsf!qbt!opo!qmvt!ebot!nft!bsdijwft. Non; la vieille dispute entre philologues et médiévistes sera respectée et non pas compliquée. Tant pis pour les médications et l’artériosclérose: leur duel peut continuer dans les coins du bas de page. Entre-temps, ils arrivent à obtenir que l’histoire soit interprétée par des journalistes, des militaires en réserve active et des politiciens qui ne sont plus 41! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou votés. Et nous les lisons parce que —au moins — nous comprenons ce qu’ils écrivent. § 9. Si nous voulions le faire sérieusement, il nous faudrait bien réfléchir. Étant incapables , par exemple, d’attaquer le travail selon le modèle allemand du Geschichte même comme histoire monumentale objective, les demandes elles-mêmes des éditions vinrent à l’aide et au sauvetage: une relation d’évènements pendant —au moins— sept cent quatre-vingt-un ans accommodés en une phase préparatoire dense, état de la question, postopératoire, sources et bibliographie commentées, ce qui surpasse de beaucoup l’actuelle espérance de vie humaine et bien plus la saine et cohérente intention commerciale de telles œuvres. En batailles similaires succomba le modèle arabe du codex Tarij Mansuri, comme séquence articulée du devenir temporel, et même s’il endura avec sang-froid les coups de sabre, il eut besoin aussi de considérations ultérieures. C’est ainsi comme de telles considérations ultérieures nous conduisent à la première de maintes illusions —des pièges, en tout cas, faciles à éviter— du livre, que derrière un chromatisme artificiel —ne l’oublions pas— se posent les murs solides d’une histoire frappante, celle d’al-Andalus. Indiscutable dans sa transcendance universelle, au-delà du succès ou non de sa lecture, la manipulation ou non de son influence. Et voici le premier piège, ou question tendancieuse qui a à voir avec la décision d’appliquer ou non, dans nos pages, le modèle d’histoire arabe: est-ce l’histoire d’al-Andalus une partie de l’histoire de l’islãm? 2/3/!Vof!ijtupjsf!eft!sfmjhjpot@ § 1. D’accord, donc, à nouveau: al-Andalus n’est pas une période passée, sans plus; c’est un composant. Mais, de quoi? Nous nous questionnons pour la seconde fois. Parce que nous répondions à brûle pourpoint que d’Europe. Mais en tant que composant et ingrédient, que sommes-nous en train de cuisiner? En quoi se dilue l’andalusí? En annonçant qu’il y aura des conclusions, nous pouvons dire d’avance que ce ne sera pas facile. Le questionnaire préalable de chaque interprétation et le parti-pris moteur d’un grand nombre d’analystes d’al-Andalus. Espagne musulmane ou islãm espagnol? Espagne arabe? Une déviation tortueuse dans la préala- Qspmhpnoft 42 ble et rectiligne histoire péninsulaire? Un raccourci du savoir dans des terres de barbares et envahisseurs sans feux de signalisation? Un point culminant d’une trajectoire expansive et imparable dans l’histoire de l’Arcadie béatifique des musulmans, juifs et chrétiens, tous poètes, musiciens et gourmets, soupirant la main dans la main dans las rues de Cordoue, Séville et Grenade, jusqu’au rugissement royal catholique et inquisitorial? Et enfin, une question importante, des étaux qui ne lâchent pasprise: pourquoi tant de qualificatifs et si peu de substantifs dans l’histoire d’al-Andalus? Ceci dit, il est facile de répondre à cette question-là: parce que cela fait des dizaines d’années —des siècles?— Que nous sommes obsédés par le — dpnnfou!gvu!dfuuf!ijtupjsf?— Et séquestrés par le —jm! qbsb•u! rvÖfmmf! gvu! Ò et sans terminer de définir rvf! gvu. fmmf@ Parce que nous nous occupons trop des buusf{{j, de la mise en scène, au lieu du livret. Et il en est ainsi parce, comme les costumes d’opérette, nous réutilisons toujours des éléments du passé. L’opérette des Maures sur les côtes, dans une vocation invétérée de réveiller les morts pour qu’ils servent de ßhvsbout dans les téléfilms d’aujourd’hui. Et une chose est certaine: à moins que nous ne disloquions la carte, il y aura toujours des Maures sur les côtes. Par conséquent, nous continuons à nous déguiser, parce que tout crâne privilégié vient nous dire que la seule chose qui a changé et s’actualise dans le monde au cours du temps, c’est l’Occident. Le reste s’habille de Chinois, Maure ou Hindou et, même si le temps passe, ils continuent siècles après siècles, libres des modes et des adaptations. En plus, pour eux cela va toujours un peu pire. § 2. Nous avions annoncé que nos allions recourir à Walter Benjamin: il ne faut pas partir des bonnes et vieilles choses, mais des nouvelles et mauvaises choses. Même si cela nous gène, nous n’allons pas contempler al-Andalus sans un clin d’œil intentionné à la contemporanéité. Cette époque-là fut un laboratoire: une coupure diachronique dans l’histoire avec des éléments religieux combustibles en possible litige ou complément, l’islãm en Occident, frontière, ennemi, invasion, déploiement létal de vérités gravées susceptibles d’être contagieuses, radicalisation ou conversion… C’est du carburant à l’état pur pour un membre du cercle. Évidemment, personne ne va contempler al-Andalus sans fouiller entre les restes du naufrage afin de trouver quelque chose qui, convenablement présenté 43! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou aux braises synchroniques, nous servent à nous réchauffer face aux intempéries de la bourrasque médiatique, celle qui grâce au journal télévisé commence en priant: tout est religieux et enfonce ses causes telluriques dans le passé. De cette façon, le mensonge des identités culturelles marquées par la religion a pénétré si profondément dans nos sociétés, y compris dans nos vies, que partir d’autres bases interprétatives signifie aussi qu’il faille ramer à contre courant; cette tâche est un objet de dépendance psychotrope pour mft!fogbout!ufssjcmft, mais une situation détestée par les chercheurs de signes, d’indications et de pistes. Contre courant, nous nous cognons tellement que nous n’apercevons presque de rien de nouveau. Quand le scientifique sent que la marrée l’oblige à nager seul pour ne pas être entrainé, sans —par conséquent— avancer vers un but, il vaut mieux pour lui se laisser emmener un peu par le courant et sortir le plus vite possible, en renonçant au bain. Il est préférable d’esquiver, simplement, la question ou la tirer au sort avec des cartes d’invitation pour un cocktail. Mais les caractéristiques génériques de ces pages ne permettent pas de tirages au sort élusifs, donc il faudra affronter les questions même si celles-ci se présentent sans parapet, avant qu’elles nous entourent de leur volonté avec des intentions tortueuses qui nous assomment. § 3. Ces pages ne peuvent inclure une panoramique systématique de tout ce qu’est l’islãm, et à partir de là jusqu’aux paiements andalusís en ultérieures divagations à savoir: s’il est adéquat ou non d’accuser de religieux tout ce qui est islamique, et d’islamique tout ce qui est andalusí. Trop colorer une histoire passée à travers le prisme du présent, ne bénéficie pas un livre sans vocation d’être un fruit de saison. Mais il y a des choses qui, montrées à partir d’un point de vue strictement personnel, peuvent résulter instructives pour aiguiller les visions du passé, partant d’un coup d’œil de ce que nous appelons la rageuse actualité. En nous plongeant jusqu’au cou: non, et mille fois non. L’histoire du monde n’est pas le développement de ses religions. Le moteur n’est pas l’affrontement religieux. L’identité humaine n’est pas exclusivement religieuse. La cause des faits n’est pas dans les livres sacrés. En définitive: la religion n’est pas le sujet de l’histoire. Le Guatemala, Byzance et la Nouvelle Zélande malgré des religions si Qspmhpnoft 44 proches, n’ont pas une histoire vraiment similaire. Mais elle n’est pas non plus celle d’al-Andalus, l’Indonésie et le Sénégal. Tout cela requiert de nouvelles parenthèses, cette fois à la première personne du singulier et comme témoignage cathartique pour une thérapie de groupe improvisé. § 4. Je ne connais pas l’islãm qui apparaît dans les médias. Je suppose que c’est une question de formation professionnelle, mais malgré la tendance dans ces derniers temps à tout transformer en démoniaque et ce, de façon systématique, cette galerie d’ennemis pervers du bien ne fait pas pencher la balance: l’immense majorité des musulmans que j’ai connu dans ma vie n’étaient pas terroristes. Ils n’étaient pas non plus musulmans en essence génétique exclusive. L’islãm comme signe d’identité est clair pour la télévision et dans les cftu.tfmmfst incendiaires, mais pas tellement dans les vrais livres ou dans les rues du supposé espace islamique. On a du mal à digérer tout ce qui concerne les identités religieuses. Je n’inclurais pas Ben Laden, Averroès, Zidane, Omar Sharif ou Benazir Bhutto dans le même livre, et je ne le ferais pas non plus avec Che Guevara, Galilée, Ronaldinho, John Wayne ou Margaret Thatcher— et n’oubliez pas les équivalences, car le jeu de famille est toujours pédagogique. Je ne parlerai pas des réussites économiques du christianisme, au cas où quelqu’un déciderait comparer la Suisse avec le haut plateau bolivien. Ni de l’échec social de l’Orient, au cas où quelqu’un ferait remarquer que la ville avec le plus de suicides au monde est Stockholm. Par contre, oui, j’inclurais dans n’importe quel épitomé européen —depuis les constitutions jusqu’aux guides touristiques— des références sur les sources culturelles chrétiennes. De même pour les juives et les islamiques: il y a plus d’Averroès et bwfssp–tnf dans La Sorbonne!que dans!l’actuel espace islamique, et il y a plus d’Europe dans le KÖbddvtf de Zola pendant mÖbggbjsf!Esfzgvt que dans toute la pompe européiste édifiée dans mb!Svf!ef!mb!Mpj de Bruxelles. Je le crois ainsi: al-Andalus, Séfarade: sa piste se perd-se gagne —en Europe, non dans les épicentres du Moyen-Orient qui s’envient entre eux. § 5. Mais personne ne parait intéressé par les sources culturelles, parmi lesquelles il faut souligner la religion dans l’histoire des peu- 45! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou ples. Par contre, on élève les religions ou leur absence à la catégorie de sujet de l’histoire. Et décrire un monde sans tonalité de gris va être compliqué: ou une identité dans un exclusivisme islamique, ou un nihilisme occidental éthéré. Pour contraster un peu plus, je dois dire que j’ai un Nouveau Testament en arabe. Dans celui-ci, Saint Jean affirma que le Verbe était Dieu. Mais il inclut Allah —car comme je l’ai dit— il est écrit en arabe. J’ai aussi une image jaunie de Saint Josemaría Escrivá de Balaguer en arabe, imprimée par les chrétiens du Liban. Saint Josemaría Escrivá apparaît comme fondateur de l’Opus Dei. Vu que —j’insiste— il est en arabe, il fut écrit par Amal Allah — œuvre de Dieu, en arabe. A partir de nouvelles comme celles que je viens de citer, les choses de ce monde se sont mélangées pour moi avec celles de l’autre monde; pendant plus de vingt ans d’islamologie et/ou de trajectoire vitale, ce qui me permet plusieurs conclusions partielles entre le personnel et le professionnel: en premier lieu, qu’à mesure que la religion me satisfait en privé —dans mon cas, le christianisme— je la nécessite moins en public. Cela m’empêche de comprendre personnellement l’effervescence des peuples islamiques comme un fait religieux, parce que je sais ce qu’est la religion. C’est pourquoi, tout indice me pousse professionnellement à contempler l’effervescence comme un fait social, non pas religieux. En second lieu, les études islamiques m’ont amené à une formation intellectuelle sur laquelle je peux conter. § 6. Partant de cela, que je sois peu ou très humaniste, les peu- ples qui m’ont impacté et le monde que j’ai connu, me l’ont offert l’arabisme et l’islamologie. Ce fait me rend incapable de parler d’un islãm en léthargie, générique, homogène ou bloqué, parce qu’il m’a réveillé et instruit par son chromatisme, diversité et fertile contradiction. En troisième lieu, les études islamiques m’ont toujours renvoyé au reste du monde et je n’ai jamais senti aucun manque au moment de choisir quoi lire, par exemple, la poésie en arabe ou en quelque autre langue ou traduction que je puisse gérer. Je n’ai pas eu à choisir entre Neruda et Qabbani. Entre Ibsen ou Tawfiq alHakim. Entre Böll ou al-Yabiri. Entre Hegel, Ortega y Gasset ou Ibn Khaldûn. C’est ainsi que, je me sentirais aussi ignorant à mépriser l’Jmjbef ou Mb!npoubhof!nbhjrvf, que j’appellerais ignorant à un professeur agrégé de grec ou d’allemand qui mépriserait le Coran Qspmhpnoft 46 —et il y en a —, qui remplissent les troisièmes pages des journaux et qui occupent des sièges d’Académies. En quatrième et dernier lieu, je perçois que les peurs d’aujourd’hui son les pièges de demain. À long terme, il y a beaucoup de stupidité qui se cache entre ces apparences occasionnelles de rigueur et d’éclat. Les absurdités commerciales d’Huntington, Fallaci, Henry-Lévi, Houelbecq, ou notre César Vidal à la tête d’une ferme espjuf!ejwjof espagnole, ou Ibn Warraq qui cachant son identité explique pourquoi il n’est pas musulman. Ce tel Warraq veut imiter au pire Bertrand Russell, et, illustre sa théorie sur l’incompatibilité de l’islãm avec la démocratie, en utilisant les paroles du roi d’Arabie Saoudite au sujet des difficultés coraniques pour la liberté. Il s’en suit que l’Arabie Saoudite n’est pas une démocratie à cause de la religion, et c’est bien ce qui plairait à ses courageux gouvernants. L’insulte à l’intelligence des lecteurs et des téléspectateurs occidentaux est seulement comparable à l’impuissance des sociétés civiles islamiques face à leurs différents systèmes oppresseurs. Ou, aussi, avec la répression tacite de toute opinion contraire à la majorité de ces réseaux d’entreprises qui contrôlent les monopoles informatifs occidentaux. § 7. Et il en est ainsi; les holdings informatifs qui promènent des inquisiteurs à travers les plateformes digitales, les journaux indépendants du matin et les nouveautés éditoriales sont les leaders de l’opinion publique: les monopolisateurs de la vérité. Ce sont les mêmes qui contrôlent tout et qui nous montrent toujours les mêmes. Pour donner seulement un exemple de ce qui a été cité, la prétendue thèse d’Huntington sur le choc des civilisations, ne réussirait pas à passer l’examen, à n’importe quel degré, dans quelque Université qui s’apprécie. Établir que le monde s’affrontera contre l’alliance confucianiste-islamiste, tel qu’il l’affirme d’une façon centrale et centrifuge dans son livre, c’est une manière sophistiquée de traduire un compliqué —et typifié par les psychiatres— jmt!tpou! upvt!dpousf!npj, et n’importe quel tribunal de thèse renverrait son auteur au lycée. Mais voilà, c’est la thèse centrale de la pensée occidentale centriste. Tout ce qui précède peut être considéré comme défaitisme divagateur, mais ni Galilée supporta la pression de l’opinion majoritaire si consolidée des autres, préférant —le pauvre— acquiescer publiquement à ce que ses opposants postulaient —la terre est fixe— et gar- 47! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou dant pour plus tard un susurrement entre ses dents son — fqqvs!tj! nvpwf!—pourtant elle se meut—: sa conviction basée sur l’observation scientifique, choquait avec ce que nous pouvons appeler les w. sjut!jocsbombcmft. La terre se meut et non pas le soleil. Observation et attention face à une observance rance. Et mille vérités inébranlables!ont beau avoir peur de n’être plus des vérités quand elles ne sont plus fixes. Même s’il y a quelque chose de plus remarquable en matière scientifique— et l’histoire, ne l’oublions pas, est une science—: la terre se meut, que cela plaise ou non —nous l’avons vu— à ceux qui défendent le contraire. Mais c’est qu’elle se meut —et c’est là ce qui est réellement important— même si cela plaît ou non à Galilée. § 8. Le scientifique transfert, il ne participe pas aux paris gustatifs. Il traduit: et il se contredit, il ne faut pas voir en cela une volonté préalable, mais plutôt une nécessité. La vigie —et le scientifique en est une— ne crie pas: terre! Par pur ennui ou par souci d’être le protagoniste. Cela peut arriver une fois, c’est certain, mais ils ne la laisseront plus grimper au mât. Parce que après le cri, ou on arrive à la terre ferme ou on descend la vigie. À propos, quand on parle de vigies, il y a longtemps qu’elles devraient être descendues à la sentine pour s’acquitter de leurs obligations. Le bélier de la droite divine internationale préalablement citée: le Choc des civilisations, par l’œuvre et grâce à Samuel P. Huntington. Ou mieux sa séquelle; si dans ce livre-là il établit que la marée orientale menace l’Occident, dans le suivant — Rvj!tpnnft!opvt?— 6 Il reprend l’idée déjà avancée et appliquée au cas concret nord-américain, menacé par l’altérité aliénante hispano-américaine. Donc, mft!bvusft!bssjwfou, et dans ces bvusft il inclut les Hispanoaméricains. D’accord; et maintenant, avec qui nous marions-nous? Pour poser la question d’une façon simple. Pourquoi les Européens paraissions-nous être une partie de la kfvof!ftqsbodf!cmbodif et maintenant les Hispano-américains restent de l’autre côté? Et que sommes-nous les Espagnoles? Jusqu’où arriverons-nous avec l’identification corporative? Par exemple, la religion comprise en tenant compte des races, comme poignée idéologique, corporative, ou, comme nous le disions plus haut, sujet de l’histoire, c’est une 6 Samuel P. Huntington, ÁRvjoft!tpnpt@!Mpt!eftbg“pt!b!mb!jefoujebe!ft. ubepvojefotf. Tr. Albino Santos Mosquera. Barcelona: Paidós, 2004. Qspmhpnoft 48 idée qui avance seule et à pas de géant jusqu’à la caricature. Parce que le opvt enfermé rétrécit toujours, il est exclusif et égoïste, éternellement accouplé —comme Sisyphe à son rocher— avec ce sentiment inspirateur de Bertolt Brecht: c’est-à-dire, «jmt!wjosfou!qpvs! mft!kvjgt-!qpvs!mft!dpnnvojtuft-!qpvs!mft!ipnptfyvfmt!fu!npj-! kf!of!ßt!sjfo!dbs!dfmb!of!nf!dpodfsobju!qbt/!Rvboe!jmt!wjosfou! qpvs!npj-!jm!of!sftubju!qmvt!qfstpoof!qpvs!nÖbjefsÉ/! 2/4/!Mf!ejtdpvst!ef!mb!nuipef § 1. Non il ne s’agit pas d’une nouvelle critique sur le fondamentalisme cartésien, mais plutôt tout le contraire: faire des éloges sur les vertus d’une méthode et chanter les louanges de ceux qui en implantèrent une et surent la suivre. Tout autant qu’énoncer notre associé —d’une façon pédante, cela est indubitable— au concept de parallaxe. C’est-à-dire l’orientation adéquate en tenant compte du déphasage existant entre le Nord géographique et le Nord magnétique. Entre notre vérité et la Vérité. Entre le soupçon de comment eurent lieu les faits et comment réellement ils auraient dû être. Entre finalement le comment et le pourquoi des choses et leur situation dans l’histoire universelle. En 1928 proposant radicalement l’historiologie, Ortega y Gasset écrivait ceci;!jm!ftu!jobddfqubcmf!ebot!mÖijtupsjphsbqijf!fu!mb! qijmpmphjf!bduvfmmft!mÖfyjtufodf!eÖvo!etrvjmjcsf!fousf!mb!qsdj. tjpoÒ!vujmjtf!qpvs!pcufojs!fu!nbojqvmfs!eft!epooftÒ!fu!mÖjn. qsdjtjpo!Òn‘nf!qmvt-!mb!mtjofsjf!joufmmfduvfmmfÒ!ebot!mÖvtbhf! eÖjeft!dpotusvdujwft/!\Ê^!MÖijtupjsf!dpnnf!upvuf!tdjfodf!fnqj. sjrvf-!epju!‘usf!bwbou!upvu!vof!dpotusvdujpo-!fu!opo!vo!bhshbu/! \Ê^!Mb!dfoujnf!qbsujf!eft!epooft!rvj!efqvjt!mpohufnqt!tpou! sbttfncmft!fu!qpmjft-!tvgßsbju!‰!mbcpsfs!rvfmrvf!diptf!bwfd! vo!ojwfbv!tdjfoujßrvf!cfbvdpvq!qmvt!bvuifoujrvf!fu!tvctuboujfm! rvf!df!rvf!opvt!qstfoufou-!fo!fggfu-!mft!mjwsft!eÖijtupjsf/7! § 2. Donc, il n’y a pas beaucoup plus de nuancement ultérieur: 7 José Ortega y Gasset, Mb!Gjmptpg“b!ef!mb!Ijtupsjb!ef!Ifhfm!z!mb!Ijtupsjp. mph“b…Aussi du même auteur: Mbt!Bumˆoujebt!z!fm!Jnqfsjp!Spnbop!)z!puspt! fotbzpt!ef!Ijtupsjpmph“b*/ Madrid; Alianza Editorial, 1985. 49! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou soyons constructifs. Et construisons l’histoire comme postulait Vitruve: solidité, utilité et beauté. Et que cette dernière soit le résultat des deux précédentes. Ainsi que, pour être du même avis sur des questions méthodologiques préalables, il faut comprendre l’histoire, non pas la savoir. Et ici tout est valable pour comprendre al-Andalus. Comme tout est valable pour comprendre l’histoire. Vu que nous allons préparer des récipients avant leur contenu — pour l’adéquation du terrain—, notre lecture préférée pour la compréhension historique est la suivante, synthétisée par un précipité que nous analyserons après. Il s’agit d’un broiement de micro-histoire —Ginzberg— et d’anthropologie culturelle, une poignée de personnalisme historique— depuis Plutarque jusqu’à Carlyle—, et une bonne garniture d’histoire social —de l’application d’Ibn Khaldûn ou Walter Benjamin jusqu’à la domestication de Max Weber— ceci servi en émulsion lisible avec équidistance— à la distance d’un sabre en garde, pourrait-on dire —du roman historique et du pamphlet idéologique. Le précipité résultant —cocktail historique— doit toujours se servir chambré et accompagné d’un bon digestif à choisir entre la logique floue —peut-être un peu têtue— ou la philosophie de la limite —Eugenio Trías—, et c’est ainsi que les choses se comprennent: quelles ont plus d’une couleur et plus d’une dimension. C’est-à-dire, toutes les choses. Nous devrions dire aussi quelque chose sur la présentation, vu que l’histoire peut être scientifiquement ajustée, mais sévèrement répandue. En ce sens, nous pourrions recourir à la Littérature, et au support transportable que peut avoir l’Histoire. Ce serait évoquer Ortega y Gasset, quand il parlait de mÖijtupjsf! fo! npvwfnfou, et que, depuis Jules César jusqu’à Lawrence d’Arabie, il existe un possible courant littéraire d’interprétation historique. § 3. Ceci étant exposé, sans anesthésie préalable, la description de la méthode élue peut résulter un peu entrecoupée et en surdose. Il faut être confiant, cependant —au moins pour le bénéfice d’un inventaire— car cela a été objet d’une certaine réflexion préalable, et que la litanie peut réussir à s’emboîter jusqu’à faire fonctionner l’engin, et que —étant donné notre vision et application de l’historiologie— cela explique avec le moins d’ombre possible, le devenir des processus remarquables dans une époque connue. Réussir ou Qspmhpnoft 4: non son application directe est une autre histoire; pour le moment, il suffit d’avoir la précaution— dans une œuvre d’historiologie— d’indiquer comment doit se lire l’histoire. § 4. Si le bavardage ci-dessus se laisse censurer— il y aurait sept éléments évalués pour la méthode élue: la micro-histoire,8 en premier lieu, comprise d’une certaine manière grâce à la vocation de sincérité de Carlo Ginzburg.9 En particulier, la narration historique comme métier, reçoit un excellent traitement collatéral dans cet essai énigmatique qui a pour titre Mf! kvhf! fu! mÖijtupsjfo .10 Mais gardons la micro-histoire comme métier. Celle qui conçoit le fragment non pas comme partie perdue ou résiduelle, mais comme le détail d’un tout lisible. Un puzzle qui doit se recomposer sans forcer les pièces que nous avons en main. Et pour qu’elles s’emboîtent on ne peut pas se tromper avec les encoches des pièces. Entre la intra-histoire d’Unamuno et les croyances d’Ortega y Gasset. De la demeure vitale d’Américo Castro à la contexture vitale de Sánchez Albornoz. Enfin, mbt!wjwjevsbt; il est nécessaire de continuer à relire Ortega y Gasset quand il affirme que «ef!df!opvt!dpnnfoŽpot!‰!qfotfs! bvkpvseÖivj!eqfoe!df!rvf opvt!wjwspot!efnbjo!ebot!mft!trvb. sft». Oui, bien sûr; nous devons prêter une attention maximale aux jeux de lumière du passé. Et à ses silences, car l’authentique péché de l’historien est toujours celui de l’omission. N’éblouissons pas les fragments —convertis en détails d’un passé complet— avec les feu 8 Justo Serna y Anaclet Pons, D˜np!tf!ftdsjcf!mb!njdspijtupsjb/!Fotbzp! tpcsf! Dbsmp! Hjo{cvsh/ Madrid, Cátedra— Universitat de València, Frónesis, 2000. 9 Mf!nujfs!rvf!kÖbj!bqqsjt!ftu!dfmvj!eÖijtupsjfo/!DÖftu!vo!nujfs!rvj!nf! qmb•u!qbsdf!rvÖjm!nf!qfsnfu!ef!cpvhfs!ebot!ef!opncsfvtft!ejsfdujpot/!Jm!z! b!eft!ijtupsjfot!rvj!dpoŽpjwfou!mfvs!ejtdjqmjof!dpnnf!vof!gpsufsfttf!pž! mÖpo!qvjttf!tf!sgvhjfs<!eÖbvusft!mb!dpotjesfou!)pv!ev!npjot!jmt!mb!dpotje. sbjfou*!dpnnf!tÖjm!tÖbhjttbju!eÖvo!fnqjsf-!eÖvo!fnqjsf!bwfd!eft!dpoßot!rvÖjm! tfsbju!odfttbjsf!bhsboejs/!Qpvs!npj-!bv!dpousbjsf-!dÖftu!vo!qpsu!ef!nfs-!vo! mjfv!eÖpž!mÖpo!qbsu!fu!pž!mÖpo!sfwjfou-!vo!mjfv!rvj!qfsnfu!ef!sfodpousfs!eft! hfot-!eft!pckfut!fu!eft!gbŽpot!ef!tbwpjs!wbsjft/!Justo Serna y Anaclet Pons, È!Mpt!wjbkft!ef!Dbsmp!Hjo{cvsh/!Fousfwjtub!tpcsf!mb!IjtupsjbÉ/!Archipiélago, 47 (2002), pág. 94-102. 10 Carlo Ginzburg, Fm! kvf{! z! fm! ijtupsjbeps/! Bopubdjpoft! bm! nbshfo! efm! dbtp!Tpgsj. Madrid: Anaya - Mario Muchnik, 1991. 51! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou de la rampe du présent. Regardons toujours l’histoire ancrée dans son antécédent. «Jm!oÖz!b!qbt!ef!tpmvujpo!ef!dpoujovju!ebot!mÖijt. upjsf» ferons-nous dire à Menéndez y Pelayo. Pour garantir que les canalisations du temps en marche transporteront mÖijtupjsf! eft! jeft;! et nous devons toujours douter que les choses puissent se produire à cause d’un ubu!eÖpqjojpo!déterminé. § 5. En second lieu, nous utiliserons ce que les philologues et historiens contemplent —condescendants et avec mépris— plus ou moins comme une enceinte d’élucubrations philosophiques sans application majeure, mais qui situe dans sa juste mesure le devenir des peuples dans la dimension qui nous intéresse: celles des réussites civilisatrices. Il s’agit de l’Anthropologie culturelle, interprétée comme l’étude nécessaire des mécanismes de cohésion interne dans n’importe quel système sociologique. Qui comprendrait la transition espagnole (à partir de 1976) sans le rôle de la morale sociale en évolution, ou sans concepts comme —faisant une liste au hasard, et non pas de façon exhaustive— lettre de change, déshabillage, Seat six cents, Suédoises, consensus ou les gris (gendarmes)? L’Anthropologie culturelle jette une lumière interne sur les thèmes comme la famille, la parenté ou la religion qui sont difficilement extrapolables. C’est quelque chose d’assez sophistiqué intellectuellement mais, abondant dans la comparaison usbotjujpoofmmf espagnole, comment pourrait-on transférer à un Norvégien qui voudrait comprendre ces années-là, une certaine tristesse musicale d’une époque —Cecilia, Nino Bravo, Jeanette, Mocedades etc.?—. Comment traduire: «Wpvt!of!tbwf{!qbt!bwfd!rvj!wpvt!qbsmf{?» C’est, concrètement, ce que les spécialistes nomment le point de vue EMIC. Ce que l’on comprend de l’intérieur et seulement de l’intérieur. Le reste est pure prétention, Anthropologie visuelle, comme celle que pratiquent ceux qui interprètent les autres sociétés sans même connaître les mécanismes de leur langue ou les fondements de leur religion. § 6. De même que l’on doit placer le voyageur devant le touriste, l’Anthropologie culturelle doit être préférée à l’Anthropologie visuelle. En 2004 on réalisa des enquêtes sur les baromètres sociaux Qspmhpnoft 52 comparés.11 Dans l’acte de présentation, on faisait référence à des données illustratives sur les valeurs culturelles, en conclusions généralisatrices. Il s’agissait de commenter et de contraster des réponses à des questions posées à des individus, élus au hasard dans différents coins de la planète. Ainsi, lorsque l’on demande «Qu’estce qui a plus de valeur pour vous: la liberté, le bonheur ou l’argent?» La moyenne des pays maghrébins répondait que l’argent, par contre pour les pays scandinaves le bonheur avait plus de valeur. Donc il en découlerait, que les habitants du Maghreb sont heureux et qu’ils ne sentent pas tellement le manque de liberté. Mais, c’est notre modeste opinion, ceci est de l’Anthropologie visuelle. L’on part d’une réponse apparemment équivalente face au phénomène —pas du tout équivalent— de mettre un micro devant celui que l’on enquête et ceci dans des coins si différents de la planète. Un Suédois npzfo répond sans être conditionné et considère comme un fait acquis qu’il jouit de liberté, et il n’en retient pas la valeur, pour lui, l’argent est quelque chose d’accessoire vu que l’État, par exemple, paie un salaire s’il va à l’Université. Le Maghrébin npzfo, quant à lui, saute dans la rue chaque matin cherchant non pas comment prospérer, mais plutôt d’avoir mangé avant de rentrer chez lui. Et pour lui le concept de liberté est si éloigné, que devant le micro d’une enquête il peut penser que l’État— dans une pleine dureté répressive —cherche des informations. Mais pour l’Anthropologie visuelle cela importe peu; ils partent— ou ainsi il pourrait paraître— de cette extrapolation des Lettres persanes de Montesquieu, où une masse passionnée criait« Dpnnfou! qfvu.po! ‘usf! Qfstf?» Grâce à l’Anthropologie culturelle, l’on doit admettre que l’on peut être Perse, que dans le reste du monde on ne doit pas savoir forcément quel est le dernier hit-parade; que les fumeurs ne vont pas en enfer, ou que dans d’autres époques il n’était pas nécessaire de marcher sur les bords des routes avec des gilets fluorescents. § 7. Dans notre vision de l’analyse historique, tant le point de vue EMIC —interne, ad hoc, non extrapolable— comme les structures internes soupçonnées par l’Anthropologie culturelle, resteront 11 Prèsentation de l’œuvre collective dirigée par Joaquín Aurioles Martín, Elena Manzanera Díaz, Fdpopn“b!z!Tpdjfebe!boebmv{b/!Boˆmjtjt!bwbo{bep!ef! mbt!dbvtbt!efm!eftbsspmmp!sfmbujwp/ Sevilla: Comares, 2004. 53! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou dans un état de léthargie nécessaire, comme clauses de sauvegarde. Nous ne prétendons pas comprendre complètement le sentiment religieux d’un mozarabe —nous verrons plus loin comme cette dénomination est erronée— ou le processus de succession des Zîrides —par exemple—. Mais nous devons le dire, continuons à soupçonner. Comme dirait Meier: la source de la perplexité. Nous ne croyons pas au bobard de: Žb-!po!mf!tbwbju ek‰, parce que l’humilité interprétative est la meilleure conseillère au moment d’avoir des soupçons— ce qui, en fin de compte, fait l’historien. Reconnaissons, ainsi, que nous ne pouvons pas comprendre un peuple, par le canal des sources documentaires. Parce que l’on n’écrit pas exactement ce que l’on vit, et parce que la plus grande partie de ce que l’on écrit se perd, ou l’on écrit pour offrir une idée déterminée. Pas nécessairement la vérité. § 8. Le composant suivant est l’injurieux personnalisme historique. Depuis Plutarque —avec ses Wjft!qbsbmmmft— jusqu’à Thomas Carlyle, il existe une tendance à l’interprétation historique, qui contemple le héros avec l’exploit, et non le mouvement avec le hasard. Qui pondère la date et non le processus. Spécialement Carlyle, qui fut Recteur de l’Université d’Édimbourg, apporta dans son essai de biographies comparées: Mft!ispt, une vision réellement originale de l’histoire comme biographie des grands hommes. Il les appelle héros, définissant cela comme l’essence et la musicalité de l’Humanité. D’accord, il faudra compléter ce courant d’interprétation, mais ne le méprisons pas. Nous pourrons difficilement concevoir le passage andalusí sans prêter une certaine attention aux dates comme 711 —ou sa négation—, des faits comme Las Navas de Tolosa ou des ingrédients personnels comme Abd al-Rahmãn I —quel qu’il fut ou au contraire, qui disait-il être—, ou même Umar Ibn Hafsûn. La date et la majuscule ne sont pas tout, mais sans elles, certaines narrations de l’histoire interprétée n’avancent pas. Et ce complément nécessaire qui situe et contraste le personnalisme c’est mÖijtupjsf!tpdjbmf —à nouveau— avec des restrictions et des réserves. Des auteurs comme Ibn Khaldûn —Les cycles dans l’histoire—, Walter Benjamin, Max Weber et leur concours sur le rôle des monopolisateurs de toute forme de salvation; personnages si médiévaux—, ou même Ortega y Gasset, ont pu affronter la critique de ce que l’on peut appeler tdmsptf!opevmbjsf; une tendance exclusivis- Qspmhpnoft 54 te d’interpréter une opinion préalable d’une manière trop ajustée. L’histoire sociale met en route la Sociologie. Les peuples avancent, reculent, tournent en rond ou stagnent, et l’on peut contempler des tendances, des manies ou des particularités constantes. Il n’y a pas de rails dans l’histoire mais —évidemment—, il y a des revirements inespérés. Non pour cela moins naturels. § 9. Weber est absolument essentiel pour avoir su localiser le rôle des idées religieuses— non pas le déterminisme religieux— dans la société, comme un élément aussi imprédictible comme illogique— à partir d’un point de vue strictement rationnel. Mais dans notre évaluation méthodique des auteurs et leurs écoles, c’est Walter Benjamin qui s’élève avec une certaine prestance pour sa façon tranquille de critiquer l’histoire induite. Quand nous commentions de partir des mauvaises choses du présent et non pas des bonnes choses du passé, nous faisions allusion à la façon —dans certaines occasions— journalistique d’affronter l’histoire. Al-Andalus va-t-il être une explication, éclaircissement, ou une version préalable de ce qui frappe aujourd’hui le monde en rapport avec l’islãm? Absolument pas, mais l’historien de trois sous doit trouver de la bidoche: il a perdu la perception des temps actuels, avec des valeurs différentes. Il en va de même que pour— selon nous commente Ortega y Gasset— certains qui pensent qu’il y a des arbres qui donnent des voitures au lieu de fruits, car les gens ne comprennent plus la nature des choses; il y aura toujours quelqu’un qui explique les pyramides comme une réussite du dialogue entre le patronat et les syndicats. Il y a une saga qui a pour titre Mf!dmbo!ef!mÖpvst!ef!mb!dbwfsof. Son indice de vente —absolument luxurieux— attira l’intérêt du public dans une telle mesure, que nous connaissions l’ère de la caverne tvs!mf!cpvu!ev!epjhu. Nous le décrivions comme s’il s’agissait d’un hypermarché de la banlieue. Nous étions à point de jurer le monde de Pedro Picapiedra (comics). Le temps passait, les ventes se consolidaient, et la millionnaire autrice de la saga, Jean M. Auel, —Nord-américaine de Chicago—, se réfugiait dans sa propre caverne à mesure que les technocrates de la littérature envahissaient les vitrines. Le roman conte les vicissitudes féministes d’une petite fille appelée —dans l’ère du Cro-Magnon— Ayla, là-bas dans les terres de Sébastopol dans l’ère postglaciaire. Se retrouvant orpheline, Ayla est recueillie par une famille de Néandertaliens —ce n’est pas 55! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou rien!— ceux-ci ont une guérisseuse qui s’appelle Iza. Pour ne pas fatiguer le lecteur, en résumé, Ayla entreprend la libération de la femme dans un monde hostile, et le lancement du roman —dans une des multiples éditions— se présentait dans les grands magasins avec une affiche explicative: une usbnf!ef!tfyf- bncjujpot!fu!qpv. wpjs!ebot!m֐sf!ef!mb!dbwfsof. § 10. L’impudence dans l’adéquation, le manque absolu de contexte, finit par convertir toute prétendue adaptation en risible parc thématique. Le concept même de sexe et de pouvoir appliqué à ces latitudes chronologiques, est absurde. Mais absurde aussi la seule remémoration de la trame du sexe et du pouvoir. Les Néandertaliens auraient mangé la pauvre petite fille sans qu’interviennent, les noms, la trame ou la formation. Fin de l’histoire et du roman. Mais nous ne savons pas transposer. Nous admettons que l’histoire a ses idées-moteur en ralenti permanent, jusqu’à ce que quelque chose l’accélère de façon inespérée: un membre du peloton qui fait une escapade. Quelque chose se produisit, différent évidemment de l’époque actuelle. Mais il y en a qui ne perçoivent pas les changements de scène. Avec l’al-Andalus, des matières comme la tolérance, ou même l’invasion devront être étayées, sous peine de tomber dans un parc thématique politiquement correct. En particulier, il y a un thème trop global qui doit être élagué dans toute l’histoire sociale: la déformation professionnelle de détecter les décadences; nous reviendrons après avec Edward Gibbon et ses déclins. Ceci dans al-Andalus est une pandémie: tout est décadence. Tout apparaît comme si durant des siècles il serait entré en décadence mais sans y arriver complètement. On pourrait dire qu’al-Andalus comme moment historique —d’après ceux qui pratiquent son autopsie avec le sujet vivant— se caractérise par ce que l’on appelle une mauvaise santé de fer. En 1212, se produisit un évènement crucial, une césure historique —Las Navas de Tolosa— et à partir de là tout paraît aller vers la fin. D’accord, ça arrivera, mais de la même façon qu’un jeune va indéfectiblement vers la sénilité. En 1212, à al-Andalus il lui reste encore la moitié de son temps historique— rappelons que Grenade est prise en 1492. Est-ce un échec historique se fondre dans ce qui suit? Ne perçoit-on pas clairement que l’histoire n’est pas autre chose que cela précisément: prendre la relève et une rétro-alimentation? Qspmhpnoft 56 2/5!„dsjsf!mÖijtupjsf § 1. Il est évident que l’autopsie pratiquée sur un vivant dans des moments-clés de l’histoire, nous offre des réalités toujours décadentes. Il est très facile d’expliquer les maux a posteriori: prédictions météorologiques d’hier que personne ne lirait. Il s’agit sûrement d’un mal hérité de la sociologie elle-même. Depuis qu’Auguste Comte frappa le terme sociologie vers 1838, contaminé par la décadence de l’Ancien Régime. Cherchant la saine besogne d’étudier les collectivités que forment les êtres, afin de pouvoir ainsi connaître et résoudre leurs problèmes, il en résulta que la finalité obligée de la Sociologie se convertissait, donc, en réactive. Tout est décadence parce que le médecin n’arrive pas en bonne santé, et le sociologue s’est habitué à agir comme le médecin. Il détecte les problèmes, non les caractéristiques. L’on dirait qu’il participe à cette affirmation —typiquement britannique— au sujet de la santé: que c’est une brève phase intermédiaire entre deux maladies; phase qui ne présage rien de bon. Dans le suivi méthodique, nous proposions une aspersion de logique floue ou gv{{z, ou sinon quelque chose de la qijmptpqijf!ef! mb! mjnjuf, si l’antérieure se montrait trop obtuse, comme nous le disions auparavant. À dire vrai, toutes deux participent à la nécessaire prudence face à ce qu’il y a de tiède et gris dans la cruelle réalité. Sjfo!oÖftu!wsbj!oj!ftu!vo nfotpohf-!upvu!ftu!ef!mb!dpvmfvs!ev! wfssf!‰!usbwfst!mfrvfm!opvt!pctfswpot, peut paraitre un proverbe pour ceux qui s’esquivent et qui ont l’habitude de hausser les épaules. Mais c’est quelque chose de plus, il s’agit de ne pas trop jouer. Souvenons-nous de ce que nous disions de Ginzburg: ne rejetons pas les raisonnements nouveaux, même s’ils démontrent que nous n’avons pas raison. La vérité est plus importante que la raison. Cet auteur demandait: of!csŸmf{!qbt!mft!sbjtpoofnfout!qbs!qfvs!ef! ejsf;!kf!nf!tvjt!uspnq. Risquons donc une interprétation, et que cela implique de générer plus de questions que de réponses; se situer dans l’équidistance: dans les zones intermédiaires de l’histoire, la géographie et la pensée. § 2. Dans ce sens Eugenio Trías est, probablement, le penseur espagnol qui s’approche le plus à ce que l’on appelle la philosophie, vu qu’il apporte —enfin— une méthode. Étant donné que la Philo- 57! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou sophie donne des coups de sabre à l’incertitude, une telle méthode vient à propos pour suivre la piste des vérités. Son système philosophique naquit de l’impeccable livre Mft!mjnjuft ev!npoef —1985—, et depuis il n’a fait qu’honorer sa spécialité en suivant l’idée que, si l’on réussit à définir la vérité, la philosophie atteint son objectif. La philosophie de la limite naissait ainsi comme un coussin rembourré entre le blanc et le noir: la raison limitrophe. Ce que certains de nous aimons appeler les zones intermédiaires, et d’autres colorent comme logique floue —ou gv{{zÒ/! Il se passe trop de choses au premier plan, mais nous ne savons rien de ce qui se passe au second plan. Heinrich Böll parle de cela à travers ses narrateurs (12), et c’est applicable à ceux qui arrangent le monde avec des coups de poing sur la table; à ceux qui ne croient pas aux zones intermédiaires, aux gris et aux coulisses. Dans un ample second plan, la raison limitrophe de Trías. Dans son livre Mb!qpmjujrvf!fu!tft!pncsft,13 Eugenio Trías fait une dissection de l’obsession pour la sécurité dans le monde, qui serait bientôt disposé à voter Léviathan; celui qui détruit, celui qui éradique le mal. Léviathan ne se soulève pas, mais il est invoqué. C’est l’Allemagne qui vota Hitler. C’est cinquante ans de vie de certains pays qui ne connaissent pas d’autre ordre politique que celui des généraux —élus démocratiquement—. Ce sont des kystes de révolution permanente convertie en cataplasme de pauvreté et d’isolement. La partie du monde —et de l’esprit— qui a perdu le sens de la liberté. Qui a perdu l’odeur des choses, entre les joies et les peines et que ça, c’est la vie. Pourquoi? Pour ne pas supporter un léger déséquilibre du temps et de l’endroit, guerre-paix, islãmchristianisme, arabe-langue romane… On ne peut pas mieux faire: al-Andalus est une zone intermédiaire, ineffable pour ceux qui interprètent à gros coup de brosse. Il faut un pinceau et des tons gris. Il faut des ombres. § 3. Enfin —et non le moins important—, l’histoire peut avoir un support transportable. Et nous pensions à Ortega y Gasset, quand il parlait de l’histoire!en mouvement, que depuis Jules César jusqu’à 12 Heinrich Böll, Fm!ipops!qfsejep!ef!Lbuibsjof!Cmvn. Barcelona: Noguer y Caralt, 1999 (19741). 13 Eugenio Trías, Mb!qpm“ujdb!z!tvt!tpncsbt. Barcelona: Anagrama, 2005. Qspmhpnoft 58 Lawrence d’Arabie, il existe un possible courant littéraire d’interprétation historique. Et nous nous permettrons l’insertion préalable d’un fragment —apparemment sans refuge: […] à cette opinion, dit Cléarque, se rangèrent aussi les autres. Après cela, ajouta-t-il, sur l’ordre de Cyrus, tous les assistants se levèrent et saisirent Orontas par la ceinture en signe de mort, même ses proches […] Quant on l’eut fait entrer dans la tente d’Artapatès, le plus fidèle des porte-sceptre de Cyrus, personne ne vit plus jamais Orontas, ni vivant, ni mort, et personne ne put dire sûrement comment il mourut. Chacun là-dessus fit des conjectures à sa guise, et son tombeau n’a jamais été découvert. De là Cyrus fait à travers la Babylonie trois étapes, douze parasanges… Ainsi narre Xénophon l’exécution d’Orontas pour avoir trahi —de fait, deux fois— Cyrus le Grand.14 Enterré vivant, oui; mais l’on peut écouter —entre les lignes de la narration historique— ses parents grincer des dents. L’on peut sentir le pouvoir universel de Cyrus. Le vide vital d’Orontas. Il paraîtrait qu’il était courant en Perse, prendre l’accusé par la ceinture pour indiquer la peine maximale. Ils l’emmènent à la tente d’Artapatès, comme si de rien n’était. Et démontent la tente le lendemain, sans que l’inculpé soit sorti. C’est comme un macabre jeu de magie. La froide cruauté du châtiment. Puis un recours cinématographique d’une fin voilée —de là Cyrus fait à travers la Babylonie trois étapes, douze parasanges…— cela accorde encore plus de tension argumentative au chapitre ainsi fermé, sans plus. Antonio Arando, dont on se souvient, disait —dans ses clases de Critique Littéraire— que nous pouvons percevoir au moins deux manières d’indiquer le temps: 07:00. En second lieu, nous pouvons dire —Lorca—: dvboep!mpt!fsjbmft!tvf—bo!wfs˜oj. dbt! ef! bmifm“-! dvboep! mb! mvob! dmbwb! sfkpoft! bm bhvb! njm.15 L’information est la même, bien entendu. Mais il doit y avoir quelque chose qui les différencie. L’on doit chercher ce quelque chose, sinon l’histoire nous tombe des mains, même si nous apportons beaucoup d’information. 14 Jenofonte, Boˆcbtjt. Madrid: Gredos, 2000, 35-36. Traducción de Ramón Bach, versionada. 15 Quand les jeunes taureaux dorment encore en rêvant que la tauromachie se fait avec des fleurs, quand la lune est encore haute et torée avec l’eau. (N. T.) 59! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou § 4. Micro-histoire, Anthropologie culturelle, personnalisme his- torique, Histoire social et pensée limitrophe —poreuse—, c’est un mélange personnel —hasardeux antidote— expressément préparé dans son exubérance pour attaquer une des caractéristiques du temps, qui vient contaminer tous les aspects de la vie en commun: la dictature d’être à jour. L’historien doit chercher sa recette —comme le sorcier sa potion, le politicien son slogan ou le mousquetaire son estoc infaillible—; ne pas s’ajouter à des courants grégaires d’interprétation. Le concept de dppm nord-américain —postérieur et plus tenace que le français ‰!mb!npef — situe le jeune, l’apprenti, à celui qui vient d’arriver, devant la frauduleuse impasse du seul moyen possible. L’erreur de définir la recherche comme une persévérance gymnastique, et non comme exercice mental. Psychologie social d’un sonnailler, être à jour peut encore passer dans la carcasse technologique —codification digitale, servants d’informations, supports variés pour l’art et la communication— et des mœurs —sport, mode, tourisme—. Mais cela devient létal dans la mise au point, les contenus et les conclusions. Comme chaque corporation a ses propres formes de répression et critique, nous ne pouvons pas entrer maintenant dans leurs morcelées —compartimentées— explications du monde. Pour l’instant, seule une touche générique et cyclique. Face aux avatars domestiques du chantier pour réparations et améliorations, nous nous plaignons toujours de ce qu’ont fait le plombier et l’électricien. Ceux-ci critiquent toujours le travail du maçon, qui à son tour fait claquer sa langue —le crayon sur l’oreille— face à certaines décisions de l’architecte, et l’architecte est épouvanté par le goût préliminaire du propriétaire de la maison. La condition humaine consiste précisément à critiquer ce qui précède. Nous créons une apparente personnalité par opposition à quelque chose ou à quelqu’un. Ainsi, la plus grande partie de l’effort pour ‘usf!‰!kpvs s’emploie à démontrer combien le modèle antérieur est erroné, sans apporter rien de nouveau. Par exemple, il n’y a rien de pire dans une table ronde que le premier tour de parole, vu que le reste va se consacrer à commenter ce qu’a dit le premier, aiguisant la pointe, démantibulant le château de cartes, poignardant en commandite, comme sur le grand escalier pendant les ides de mars. César céda la parole pour la dernière fois en disant uv!rvprvf-!ßmmj!nf. Nous sommes Brutus Qspmhpnoft 5: et Zoïle et en Brutus et Zoïle nous nous convertirons. Parce que tout le monde sait que dans les tables rondes —comme dans tant d’autres situations— il n’y a rien à dire qui n’ait été pensé préalablement. Par ailleurs, et de façon similaire, la liste est longue d’enseignants qui utilisent la moitié du cours à expliquer ce que oÖftu! qbt leur matière, au lieu de charger les teintes en pensée positive, d’avancer vers quelque chose. Un autre exemple qui sert d’éclaircissement, est-ce autre chose la politique, que s’opposer au parti contraire, dans une chamaillerie qui feint être gestion? § 5. La préoccupation exclusive d’être à jour; ce souci à tout instant pour les formes et continuer à être très en vue, implique une application si extrême pour les carcasses, que cela exclut tout possible apport de contenu. On raconte de Gorbatchev que lorsqu’il devint président de la défunte Union Soviétique, son prédécesseur au poste lui laissa sur la table trois lettres numérotées, comprenant des conseils pour résoudre des problèmes d’État. Chaque lettre devait être ouverte strictement dans l’ordre, à chaque crise grave du gouvernement. C’est ainsi que, face à la première crise qui se présenta, Gorbatchev ouvra la lettre correspondante dans laquelle était écrit simplement, un conseil: ejt!rvf!dÖftu!ef!nb!gbvuf. Et il le fit ainsi. Peu après, et pour affronter grave crise suivante, il ouvra la seconde enveloppe: ejt!rvf!dÖftu!mb!gbvuf!ef!m֏usbohfs. Et ainsi il suivit les deux recommandations, jusqu’à la troisième crise grave, au moment où il eut recours à la troisième et dernière lettre, dans laquelle il put lire —et encore de la même façon, si concise—: dsjt! uspjt!mfuusft. En cela comme en tout, tf!opo!!wfsp-!!cfo!uspwbup/ Mais en dessous de cela il y a quelque chose de désolant dans la parodie wjop!wjfkp-!pesft!ovfwpt:16 vraiment n’y a-t-il rien à faire de nouveau, n’y a-t-il déjà plus rien de substantif à dire? Est-il vrai que les choses avancent elles-mêmes vers le point de départ? Réellement nous dérobons-nous dans nos opinions publiques? Notre passage dans le monde scientifique et intellectuel est-il si immanent? Tout est-il autant cyclique, autant marqué par des lignes de pointillés, tellement compagnonnage, corporatif, craignant le veto des gourous du moment. Finalement, et comme un double direct: non, et 16 Les choses ne changent jamais. (N. T.) 61! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou même plus, dans chaque matière il y toujours une place pour la relecture nécessaire et utile des auteurs classiques, de leurs prédécesseurs, et même des ennemis de chaire. Si nous ne le faisions pas, si nous nous limitions seul à ce qui est formel, terminologique, médiatiquement à l’ordre du jour ou rageusement actuel et avec opusf!ÒqpvsÒ!opvtÒ!bwfdÒ!mftÒ!njfot- la transmission de la culture s’achève. § 6. Cet illustre «être à jour» formaliste implique, dans notre tâche théorique de l’histoire, que certains auteurs, livres et écoles— selon ce que l’on nous dit— soient dépassés. Il est compréhensible que si un étudiant d’architecture se met à mesurer en coudes et parasanges, son professeur lui présentera quelques nouveautés. Mais de là, à lui dire que le Parthénon est dépassé, on en est loin. Donc, dans la corporation des lettres, être à jour ne veut pas dire qu’il faille des progrès technologiques— bien au contraire, le! dppm est de ne pas utiliser un ordinateur, employer des tournures du genre «joufsofuÊ<!kÖbj!vo!cpvstjfs!rvj!nf!qbttf!df!epou!kÖbj!cftpjoÊ» Non; être à jour n’implique pas des progrès sans purges stalinistes. Bien plus, cela rappelle les procédés cambodgiens, faire le vide intellectuel, appliqués par les Khmers rouges inspirés par Pol Pot: les enfants jouait aux antiques maîtres en freudien parricide, parce que c’était la façon de créer une société complètement nouvelle. Évidemment, la méthode était efficace. Entre les exécutions et les assassinats, moururent un million de personnes. On dit qu’en Chine ils furent six avec Mao. Sans comparaison en efficacité, la corporation des lettres suit le procédé du sergent d’instruction: après chaque thème lu, elle pose la question «Vu?», et le «vu» à l’unisson comme réponse martiale, indique que l’on peut passer à la page suivante du manuel. En Philologie, par exemple, il reste encore des fragments de ce que l’on appelle bobmztf! ef! mb! obssbujpo, méthode dppm et ‰! mb! npef- à son époque, que les candidats au doctorat devaient suivre à la lettre pour commenter des textes. Ils devaient, entre autre, dire des choses comme celles-ci: bdubou! qsjodjqbm! gpodf! tvs! mft! npvmjot!mft!qsfobou!qpvs!eft!hbout. C’est ainsi qu’ils pensaient que l’on pouvait comprendre Don Quichotte. De la même manière que l’on peut comprendre un être humain après avoir regarder avec attention sa radiographie. C’est-à-dire, rien du tout. La science, au service de la cour, de l’argot. Au même niveau que mÖjejpu!bdujg- ca- Qspmhpnoft 62 pable de s’habituer bvy!nbojsft!‰!mb!npef, mais inhabilité pour apporter des résultats. Très efficace en paperasserie pour les primes d’ancienneté et compléments salariaux, infaillible dans les bas de page, mais un naufragé pour un paragraphe. § 7. La propreté ethnique de l’historien— des gens de lettre en gé- néral—, s’exprime par une cruelle étiquette d’un commentaire pervers et fulminant: dfu!bvufvs!pv!df!mjwsf!ftu!ek‰!eqbtt/ Parfois ils emploient des variantes: nbjt!nbdijo!of!stjtufsbju!qbt!‰!vof! bobmztf ijtupsjrvf!tsjfvtf, ou bien, bon, d’accord; fo!sbmju!jm! sfqsfoe!mÖjef!eÖvo!ufm. Et c’est fini, machin est déjà mort. Tu ne le verras pas dans les programmes des cours d’été. La date de caducité des censeurs t’économise la lecture des nouveautés. La terminologie, le processus, marquent la conformité ou non d’un texte. La donnée est rapidement dépassée, et pourrit dans la pile des livres enpet; ceux que l’on ne lit pas, parce qu’ils ont déjà été résumés et, qui a besoin d’un livre, si on peut en lire le compte rendu? C’est comme le jeu du télégramme dans lequel nous susurrons au compagnon suivant ce que nous croyons avoir entendu de l’antérieur, à la fin, la raison historique des faits, personne ne la connait. La méthode à jour, le système dppm!détruisent la culture accumulée. Si, par exemple, nous nous consacrons avec acharnement à la mode des dvmuvsbm!tuvejft sous les auspices d’un commissaire politique d’uveft!ev!hfosf, dans l’analyse de l’empire d’Alexandre le Grand, nous n’avons pas besoin de cartes ni de dictionnaires. Il est possible que l’observance attentive du baromètre social actuel nous pousse à déterrer Alexandre et l’emmener au tribunal de La Haye. Ou à le momifier, non pas dans les conservateurs de l’histoire de la Grèce, mais plutôt dans la— Rvffs!ijtupsz— histoire folle— vu que— parait-il — celui-ci passa à l’histoire pas tant pour ses progrès diurnes que pour ses reculs nocturnes. Il est possible, qu’en prévision de tout cela, ceux qui transportaient son catafalque se perdirent volontairement, sans plus, dans les sables de l’histoire et du désert. § 8. Non. Les tant vanté dvmuvsbm!tuvejft de la théorie de l’histoire nord-américaine — pour citer seulement un exemple de tant de méthodes guidées par des sonnaillers— font une dissection du monde en fonction de mÖizqfo.dvmuvsf, la culture du trait d’union. Un est afro-américain, né-américain, latino-américain, et cetera, et à par- 63! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou tir de là il s’insère dans la tradition historique de compartiment étanche. Dans une supposée culture concrète avec une histoire et une littérature concrète. Selon cela, il n’y a pas de perspective ni comparaison. Il n’y a pas de contraste. Il faudrait se définir et expliquer le monde, en prenant des gants, avec une certaine et incommode politique postmoderne, vu que le contraire serait politiquement incorrect. Si un policier des États-Unis et un européen se retrouveraient devant un cadavre; s’ils s’apercevraient que le mort est de race noir et voulaient retransmettre sa description à la radio, l’un dirait que c’est un Afro-américain et l’autre que c’est un Africain. Ils n’arriveraient pas à dire qu’il est, avant tout, de race noire. Seul un enfant— politiquement incorrect— aurait pu le décrire en un seul mot universellement compréhensible. Mais la compréhension universelle n’est pas dppm-!elle ne satisferait pas les exigences de la méthodologie qui est d’usage: l’argot corporatif des gourous interprétatifs. § 9. Après tout cela, s’impose une information de base. Nous n’al- lons pas respecter qu’al-Andalus soit un chapitre de plus dans l’histoire orientale. La dissection culturelle— que de culturelle n’a en soi que le nom— qui s’impose peu à peu, ne nous importe peu, étant donné que nous partons de l’intérêt historique réel des personnages, époques, zones et/ou mouvements. Celle-ci est pour nous la véritable histoire du monde: celle des progrès. La lente maturation des processus qui, vus du présent, acquièrent une trajectoire. Nous ne parlerons pas de supposés espaces de trois, cinq ou sept cultures. Si nous en trouvons une, avec majuscule, nous en serons satisfaits. À partir d’ici, le présent d’où nous regardons cette!mfouf!nbuvsb. ujpo!eft!qspdfttvt!c’est le présent réel, non pas le corporatif ni celui mit sens dessus dessous vers des buts stratégiques. Sans induction religieuse ni restriction dppm— à la mode— ou politique. C’est, de ce point de vue, que l’on commence à monter la tente bédouine andalusíe: sur quels mâts nous allons l’installer, en tenant compte de notre vision du monde, la culture et l’histoire. Au passage, finissons-en avec la parallaxe que nous annoncions: mb!dpssfdujpo!ev! eqibtbhf! entre df!rvÖftu al-Andalus et df!rvf!mÖpo!eju!rvÖjm!gvu. Oui, en passant, nous avons réussi à étayer une certaine idée sur ce qui n’est pas nécessaire et— même plus— ce qui est pernicieux Qspmhpnoft 64 quant à une interprétation du monde avec un corset religieux, c’est mieux que bien. 2/6/!Jefoujut!sfmjhjfvtft § 1. Il y a un livre qui sûrement nous évoque et initie sur ce que nous disions au sujet du fait l’islamique comme essentiel, le religieux comme différentiel, l’oriental comme altérité. De ce déterminisme historique que nous prétendons mésestimer pour une correcte assimilation du fait andalusí. Seul si l’on estompe les contours établis dans des œuvres comme ce livre— mais après les avoir lues— nous pourrons réussir à dévoiler la boîte à épices d’al-Andalus dans sa pleine spécificité, et pouvoir le saisir comme sujet historique. Étant donné que, tant que nous continuons à le percevoir comme une partie ramifiée d’une histoire de l’islãm, universellement différenciée, nous pourrons seulement pratiquer une autopsie andalusíe. Cette bvupqtjf!boebmvt“f est associée à l’erreur historique, illustre et commentée, de décrire le passage de l’être humain sur la terre comme l’évolution différenciée— et qui s’affronte— des diverses religions. Et cette association— autopsie andalusíe et l’identité religieuse— dérive d’un raisonnement séquentiel absurde et seulement prétendu logique: si le sujet de l’histoire c’est la religion ou— pour le dire en deux mots— si npo!rvjqf c’est la religion, les coupes et les trophées que j’ai gagnés auparavant configurent mon palmarès présent. Enchaînons cette pensée si al-Andalus c’est l’islãm et que moi— supposons— je suis un ingénieur allemand, qui connut la religion islamique à trente ans dans le magasin du coin d’un honnête turc dont j’épousai la fille, et me fit musulman convaincu de son indubitable valeur éthique et intériorisation pour m’approcher de Dieu., ou si— prenons un autre exemple— je suis le petit-fils afroaméricain de Malcom X, qui connut l’islãm dans la grande mosquée de Chicago, maintenant recommençons: si al-Andalus est l’islãm et moi ce musulman —ingénieur allemand, petit-fils de Malcom X et cetera— al-Andalus est donc une partie de mon passé. De ma revendication culturelle. § 2. Nous gagnons depuis le passé— de cette façon psychotrope—, puisque ma vitrine peut se remplir d’une liste de trophées gagnés par mon équipe. De Cordoue à Chicago ou Francfort sans anesthé- 65! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou sie. Par raisonnement collatéral secondaire si al-Andalus c’est l’islãm espagnol, et maintenant il n’y a plus d’islãm en Espagne, cela signifie qu’al-Andalus n’existe plus— question collatérale; Platon n’existe-t-il plus? Hérodote n’a-t-il plus de sens? Et, quand mourut al-Andalus? En janvier 1492, après une très longue agonie. C´est à dire, que si je veux le connaître, il faut que j’ai recours au commentaire des faits préalables à cette date. L’autopsie andalusíe. Pour ne pas tomber dans le coma éthylique produit par de telles vérités, supposées et assumées culturellement et médiatiquement, nous arrivons au livre qui justifie le sous-titre utilisé— l’islãm matriciel. Le livre en question est MÖjefouju!dvmuvsfmmf!ef!mÖjtmŒn, œuvre indispensable de Gustav E. von Grunebaum (17), dans laquelle nous atterrissons après un brève volettement sur ce que nous disions à propos de: s’il convient ou non d’aborder cette histoire islamique, à partir de l’indubitable rigueur du concept arabe du codex de Tarij Mansuri. Nous définissions Ubsjk— de façon pure, mÖijtupjsf — dpnnf! trvfodf! bsujdvmf! ev! efwfojs! ufnqpsfm, et impliquait une forme biologique de préparer l’historicité: nous allons où nous commande notre complexion historique— et non où nous emmène nos pas? Nous apostillons perversement pour la vilipender. § 3. Jusqu’où avons-nous pu percevoir grâce aux gains de l’arabis- me? Il existe quatre concepts essentiels au cours des âges pour les sociétés islamiques, qui eurent conscience d’être précisément cela, islamiques et/ou exprimées dans un espace et temps arabes. Il s’agit de quatre idées enchaînées ou, au moins, en relation; dahr, waqt, ayal et enfin taraja. Ce sont quatre quasi-synonymes pour exprimer le temps et l’histoire, mais avec de graves nuances qui les différencient. Voici une chose dont nous devons toujours tenir compte pour une correcte lecture équilibrée de l’histoire des autres, de peuples différents au nôtre— ou le nôtre exprimé dans une autre langue, comme le cas qui nous concerne—: ce qui est arabe, perse, hindou ou chinois émanent indéfectiblement de la mémoire historique de peuples sages. Ni tous les peuples ont été sages, ni l’est pas non plus un peuple simplement pour triompher économiquement ou militairement. Monaco est riche et son apport historique perd sa couleur dans le 17 Gustav E. von Grunebaum, MÖjefouju!dvmuvsfmmf!ef!mÖJtmbn… Qspmhpnoft 66 département des magazines. Comme complément, nous soutenons que tout n’est pas culture; la manière de tanner la peau de chèvre dans un coin à l’autre bout du monde, pour être tendu sur un tambour de terre cuite, ce n’est pas de la culture, mais plutôt un objet pour l’observation— non pas l’observance, s’il vous plaît— anthropologique. Celui qui contemple le travail artisanal pense toujours: «Rvf!dÖftu!cjfo!df!rvf!uv!gbjt!m‰"!Dif{!opvt!dfmb!gbju!djor!tjdmft! rvf!mÖpo!of!mf!gbju!qmvt/!Kf!wbjt!uf!mÖbdifufs!qpvs!df!rvf!nf!dpŸ. ufsbju!vof!tvdfuuf!ebot!npo!qbzt/ Non; la culture c’est autre chose. C’est l’apport universel pour maintenir la ligne de flottaison à la hauteur de l’époque. En ce sens, respectons la saine crise économique, politique et/ou sociale des peuples sages comme conjoncturelle, mais n’associons pas la qb. hbjmmf!bduvfmmf avec quelque origine traditionnelle que se soit. Nous insistons: les Arabes, les Perses, les Hindous et les Chinois ont interprété le monde dans sa totalité. Puis, deux exposés préalables: en premier lieu, lisons d’égal à égal leurs réponses aux questions universelles; et en second, ne tombons pas dans le paternalisme naïf de croire que — dans ces cultures— tout est ésotérique, transcendant, tellurique et pseudo-zen. Le santal et le hasch sont la mort du respect culturel pour l’oriental. § 4. Donc, dahr, waqt, ayal, et taraja expriment de quatre façons différentes le pas conscient de l’être humain sur la terre. En tant que temps linéal— dahr— tout va vers quelque part. Bien sûr, c’est une perception de ce qui émane d’un sentiment religieux de l’histoire— nuance qui n’implique pas une essence exclusivement religieuse de telle ou telle culture. C’est le temps linéal monothéiste, depuis la Genèse jusqu’à Saint Augustin ou l’islãm. Tout commença et tout finira. La manière techniquement éthique d’envisager le passage— le dernier jour il faudra rendre des comptes— est autre chose. Mais dahr signifie temps sans marche arrière. D’accord, donc: le temps est linéal— non cyclique, comme la perception agricole et grecque, indo-européenne? C’est la même chose— mais, d’une certaine façon, discontinue. Mais c’est que le temps a ses arythmies, pour l’exprimer d’une certaine manière. Et ces portions où se maintient un même rythme, changeant après, marquent les séquences du temps partiel: waqt. L’idée sous-jacente ici, c’est que le temps est en dehors de l’être hu- 67! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou main, antérieur à lui. Nous n’avons pas encore parlé des humanités et, déjà, le temps est en marche — ebis— avec sa boîte de changement de vitesses— xbru. Alors arrive la vie consciente et avec elle le temps humain. Celui marqué par nos œuvres et espaces de temps périssables— bzbm— dont la mémoire, un jour sage, quelqu’un décide de s’en servir comme morale du futur. Les œuvres de ce temps personnel inscrit dans un grand passage inexorable justifient, ainsi, le verbe ubsbkb: écrire des histoires, recueillir, compiler. § 5. Cette séquence— intellectuellement retro-alimentée par le devenir culturel des peuples arabes— donna lieu à Louis Gardet18 d’établir que dans n’importe quelle histoire consciemment araboislamique, il y a un temps en spirale constitué par une succession de séquences personnelles qui, juxtaposées, constituent l’histoire: tarij. Nous avons parlé aussi de la boucle islamique,19 et il s’agit précisément de cela: le temps monothéiste— islamique— avance vers un point en va-et-vient permanent, à la longue progressiste. Cette spirale juxtapose les temps personnels envisagés pour l’ultime fin. Et de cette manière, conscients de cette juxtaposition des temps personnels— aiguillés finalement par le temps unique, linéal-divin, pourrions-nous l’appeler—, les historiens musulmans furent de grands compilateurs d’Annales, et de chroniques: recensions historiques. De nombreux Tarij collectionnables et —enfin— une œuvre collective. L’histoire de Dieu, le destin, le temps linéal…; la main créatrice face à l’être humain, qui profite de l’inertie créative pour apprendre et apporter sa main bsujtbobmf; fioriture d’un temps qui est en dehors de lui et dont il doit maintenir la combustion du moteur. L’être humain pour alimenter de combustible le temps de Dieu. Concevant que l’auteur préalable est divin— temps— et que le labeur instrumental humain est complémentaire. Comme le besoin collectif d’artisanat cathartique— morale pour diriger les âmes vers une fin prévisible—, Les chroniques ont constitué tout un genre littéraire dans l’histoire des Arabes. Un genre dans lequel s’instaurait 18 Voir spécialement, de Louis Gardet, Mb! dju! nvtvmnbof. Vie sociale et politique. Paris. J. Vrin, 1954. Et Mft!ipnnft!ef!mÖjtmbn. Approches des mentalités. Bruxelles: Complexe, 1984. 19 Emilio González Ferrín, Mb! qbmbcsb! eftdfoejeb. Un acercamiento al Corán. Oviedo: Nobel, 2002. Qspmhpnoft 68 le opvt et mft!bvusft propre des peuples avec une certaine arrogance culturelle. Ce que nous sommes, et, les Barbares; en arabe, berbère, mais pris du mot et concept latin. De ce nécessaire mbjttfs! vo!unpjhobhf- dérivent deux conséquences remarquables: que le chroniqueur est plus artisan qu’auteur— donc il se doit à une cause majeure—, et que du propre respect excessif à refléter les faits historiques, l’on peut déduire son manque de rigueur. § 6. Effectivement, si du point de vue du respect pour la religion, il y a seulement un auteur— Auteur avec majuscule— et les autres nous nous consacrons aux arts artisanaux, sans créer— vu que la création est réservée au Créateur, exprimé à l’ancienne—, de la corporation des chroniqueurs et nous apostillons, chronique— l’on peut déduire la cause pour laquelle l’on écrit et l’on agit; la raison collective d’un peuple— qui marche vers le salut éternel, dans la vision religieuse, ou qui est au-dessus du reste qui peut le rendre barbare, avec vision impérialiste ou exclusiviste. Quoi qu’il en soit, nous retournons toujours à la même chose: les chroniques arabes, l’exercice sain et intellectuel du Tarij Mansuri— à nouveau, l’histoire comme séquence articulée du devenir temporel— ne va pas raconter la vérité historique, mais les faits remarquables pour une lecture appropriée et panégyrique d’un peuple. Nous allons reprendre, de cette manière, la critique à la philosophie non complémentaire. Parce que, traduisant la mémoire tant préparée d’un peuple, l’on donne pour digne de foi, ce qui est apparemment vraisemblable. Et même, parfois, l’on traduit comme symbolique ce qui est impossible. Seul un exemple dont nous faisions allusion auparavant, et du type de tant d’autres qui justifient ces digressions: l’on croit que la cavalerie arabe pris Carthage— Tunis actuelle— en 698. Peut-on vraiment croire qu’en une décade l’on puisse prendre tout le nord de l’Afrique et la péninsule Ibérique? Quelle inépuisable source de guerriers infatigables était la péninsule Arabique, à plusieurs milliers de kilomètres non seulement d’Hispanie mais de Carthage même? Pourquoi ne parlons-nous pas d’une autoroute pour chevaucher dans des zones dépeuplées ou peuples à l’Âge de la pierre: le nord de l’Afrique reflétait encore en ce temps-là la splendeur des cultures romaine, byzantine et carthaginoise qui— nous insistons— à cette époque- 69! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou là étaient en pleine conjonction de magnificence et parées d’innombrables armées en discorde. § 7. Il existe une théologie de l’histoire; nous pourrions même dire une téléologie de l’histoire: une ultime raison pour la compilation, et la possibilité d’une ultime raison religieuse. Quoi qu’il en soit, une façon comme une autre de ne pas dire la vérité ou, au moins, de l’embourber. Quelque chose dont ne se sont pas méfié les philologues qui ont traité les textes comme sacrés— et les textes sacrés comme s’il s’agissait d’un annuaire téléphonique ou du Aranzadi (recueil des sentences du Tribunal Suprême espagnol) mais cela, c’est une autre paire de manches. Dans cette vision transcendante de l’historien, la perception et l’explication poétique-religieuse sont le concept transcendant d’un qmjttfnfou!ev!ufnqt. Le retour à Dieu ou, au moins, la fin destructrice qui couronne une création et une trajectoire. Devant des buts si louables, quel est le chroniqueur qui n’exagèrerait pas un peu? Mais attention, cela n’implique pas que le narrateur des chroniques les conçoive comme une prière apocalyptique. Cela veut seulement dire que l’on écrit au nom d’un opvt et avec un sens laudatif dirigé à: opvt!bssjwfspot!‰!cpo!qpsu. En cela comme dans tant de choses, ce sera Ibn Khaldûn (1332-1406), qui se posera la question du pourquoi de l’histoire, arrivant scientifiquement aux mêmes conclusions: l’histoire modèle les mentalités collectives, et les peuples adoptent des conduites que l’on peut prédire. Mais cela continue à être la même chose: nous apprenons du passé pour triompher dans l’avenir, non pour savoir. Ces schémas fixes dans le devenir historique renvoient au concept de la nbusjdf!ef!mÖjtmŒn, concept essentiel dans le livre de Gustav E.von Brunebaum auquel nous faisions référence. § 8. La question qui nous occupe est relativement simple: cette théologie de l’histoire implique une histoire subjective. Cela a une interprétation cohérente— chaque peuple voit midi à sa porte ou comme il voudrait le faire voir— et une lecture paternaliste: que l’on doit donner— reconnaître et se permettre— un rythme propre aux sociétés islamiques, parce que chaque peuple a son rythme et cet être pseudopode— l’islamique— vit avec ses propres coutumes, étranger aux autres rythmes. Se confondent, aussi, spécificité et dif- Qspmhpnoft 6: férence, et nous entrons dans ce que nous pouvons appeler: rendre transcendantal; la conviction qu’il existe des peuples si différents que, pendant que l’histoire de la majorité est pure improvisation de batailles et successions, la leur revêt un tellurisme, une profondeur de desseins et une allure éthico-sociologique imparable et inamovible à travers le temps qui passe. Est-ce cela l’histoire de l’Islãm? L’histoire de l’Islãm est-elle une histoire de l’islãm?20 Est-ce à partir de ce point de vue que nous devons contempler l’Espagne islamique, al-Andalus? Parce que, parler du temps islamique d’Espagne et Portugal est une chose, et autre chose bien différente— de l’être différenciable historiquement et dénommé Islãm dans sa totalité théologique— politique et avec une extension idéale— récupérable?— depuis le cap de San Vicente à la province chinoise de Sin-Kiang, et de Poitiers jusqu’au Transvaal sud-africain. Pour ne pas récidiver dans le néo-islamisme cité avant— Chicago, Francfort, Leeds et tant d’autres. § 9. Croire en la matrice islamique c’est donner à l’alinéa religieux une dimension qu’il n’a pas, en l’appliquant à la diachronie de l’histoire, au lieu de le laisser où il doit être, dans la synchronie du silence intérieur des individus. Pourquoi ce néo-paternalisme occidental-centriste qui établit que, tant que le monde avance vers le trouble technocratique dans l’Occident du nord, l’Orient du sud continue d’être enchaîné d’une façon prométhéenne aux infantiles et pointus rochers civilisateurs du monde? Passons, dans cette zone, dans ce lieu commun de l’islamologie grâce à un livre cité— non digéré— plus pour son titre que pour son contenu utilisable: le manuel généraliste de Philip K. Hitti qui a pour titre MÖjtmŒn-!npef! ef wjf,21 pièce-clé dans le fait religieux surdimensionné— et en surdose— exclusivement dans les mentalités islamiques. L’auteur soutient, plus ou moins, que l’islãm est un conglomérat— plutôt agglomérat— de religion, politique et culture, qui se cache et qui réapparaît dans les chemins tortueux de l’histoire— tantôt splen- 20 Normalement, l’islãm comme religion s’écrit sans majuscule, tandis que l’Islãm comme culture et civilisation s’écrit avec une majuscule. 21 Philip K. Hitti, Fm!jtmbn-!npep!ef!wjeb. Madrid: Gredos, 1985. 71! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou dide, tantôt décadent— et indéfectiblement uni par sa propre indissolubilité aléatoire. Bien sûr, nous partons de l’infantile perception religieuse de ce que nous citons comme uspvcmf!ufdiopdsbujrvf. Celui qui a laissé de côté les légers indices transcendantaux, les marquant comme lest dans l’évolution, plus que comme vestiges éclaircissants de l’origine des choses. Et puis, un jour, le nihilisme postmoderne et l’intégrisme islamique coïncident pour établir une synonymie: le gbju!dpsbojrvf et le gbju!jtmbnjrvf sont exactement la même chose, idée centrale dans le réductionnisme de la nbusjdf!jtmbnjrvf. 2/7/!MÖjtmŒn!nbusjdjfm!! § 1. Et bien non; le fait coranique consiste en la nouveauté d’une nouvelle remise de la Révélation: face à un peuple élu fermé par les juifs— en vertu de l’alliance exclusiviste établie par la Torah—, et fermé à nouveau par les chrétiens— dans cet héritage obligé, certifié, adossant les Évangiles à l’Ancien Testament—, l’islãm susurre que le peuple élu c’est l’Humanité. Et que Dieu parle la langue du peuple. Comme cela se dit dans les sables du désert arabe, cette langue est, évidemment, l’arabe. Le fait coranique se circonscrit, ainsi, à la parole de Dieu en arabe. À partir de là, il y a une rupture essentielle: apparaît le fait islamique ou phénomène religieux postérieur— très souvent opposé— au phénomène prophétique. C’est la relation entre le pèlerinage de Jésus de Nazareth et le Vatican. Ce qu’hérite le musulman et l’image qu’il projette au non musulman provient plus du gbju!djsdpotubodjfm!jtmbnjrvf que de l’fttfo. ujfm!gbju!dpsbojrvf. D’autre part, il s’agit d’une histoire parfaitement normale, vu que l’histoire de l’Islãm— la marche sociale du fait islamique—, suit le paradigme de la marche de l’être humain dans le monde, à l’ombre d’un concept imparfaitement explicable selon les suppositions sociologiques et même rationalistes: l’idée de Dieu. Ce paradigme commence avec l’apparition de l’être humain sur la terre, non pas en 622, pris communément comme l’an zéro de l’islãm, mais, quand simplement il marca son entrée dans le monde. § 2. Ainsi, il est intéressant— mais trop vaste— recréer cette marche de l’homme dans le monde pour comprendre le sens, l’adaptation et l’opportunité de l’Islãm. Il s’agit d’un fait universel, qui se Qspmhpnoft 72 conçoit enchaîné à un passé— qui date de la création du monde— et se dirige à toute vapeur vers un avenir— consistant en la fin de ce monde connu. Jm!oÖz!b!qbt!vo!npoef!qbsbmmmf!jtmbnjrvf<!jm!z!b!vo! npoef!rvj!dpoujfou!mÖjtmŒn/ Évidemment, si nous concevons la portée technologique comme indicatrice de l’évolution, les types de développement comme cultures, et les niveaux économiques comme degrés de développement, nous gardons l’jnnfvcmf!joufmmjhfou comme paradigme culturel. Et indéfectiblement nous laissons le reste du monde pour la distraction anthropologique et le chromatisme des documentaires télévisés. D’ici, à plus pittoresque, plus facile à cerner et à comprendre. D’autant plus uni à moins etpsjfoubou/! Que nous ne savons déjà plus comment taxer d’islamiques certaines attitudes? Ceci dit, je frappe le terme djihãdisme, par exemple, et nous maintenons la presbytie sociologique avec une apparence d’actualisation. § 3. Les détracteurs de la civilisation islamique— d’Ernest Renan jusqu’à Huntington, en passant par un Spengler pressé, partent de l’absolue dissociation des différentes religions; quelque chose qui ne supporte pas une analyse théologique sérieuse. Ils partent aussi de cultures associées en faisant une exclusion de celles-ci; fait intentionné et commun dans l’histoire: le peuple militaire et économiquement le plus prospère aiguille le devenir historique, pour qu’il arrive à sa porte et l’appelle conglomérat religieux et culturel. Enfin, ces détracteurs établissent des évolutions politiques dans une évolution logique de ce qui s’est dit antérieurement. Renan affirmait déjà en 1875, que l’islãm non seulement est une religion d’État, sinon que c’est une religion qui exclut l’État; qu’elle l’a phagocyté. Sur quoi se basait-il? Sûrement de l’image que l’Europe avait du fait islamique en prenant comme exemple la Turquie. Et ici, se produit quelque chose que nous faisions ressortir dernièrement: les attaquants de l’islamique— de la normalité historique, culturelle et religieuse islamique, en milieux parfaitement dissociés— coïncident exactement avec les défenseurs à outrance de l’islãm militant, cette carcasse idéologique qui substitue la religion dans certains espaces islamiques embrouillés socialement. L’islãm— selon cela— 73! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou c’est tout: pour certains, révolution en suspend; pour d’autres un lest dans l’évolution. § 4. En réalité, lorsque l’on définit l’islãm comme mode de vie, l’on prétend magnifier un concept par peur d’une possible simplification d’un autre: la religion. C’est probablement le cas de Gustav E. von Grunebaum, critiqué systématiquement et de façon adroite par Abdallah Laroui.22 Et enfin, nous faisons l’amerrissage, dans l’ample exposition de l’essai cité MÖjefouju!dvmuvsfmmf!ef!mÖjtmŒn/ Dans celui-ci, l’autrichien Grunebaum magnifie aussi le concept dans son interprétation de l’histoire: sans parler explicitement de modes de vie, il parle dans sa vision anthropologique de l’islãm, d’une identité culturelle. Il explique comment dans les terres de l’islãm— non pas exclusivement arabes— se construit toujours une identité culturelle en fonction des facteurs extérieurs, ou du contact avec d’autres cultures, qui rompent l’équilibre établi et suscite à chaque moment, le besoin de nouvelles réponses sur l’homme islamique et sa place dans le monde. Il ajoute même, que la littérature arabe contemporaine ne répond qu’à une réception et assimilation d’éléments culturels des nouvelles tendances occidentales. Il paraît, que Grunebaum diagnostiqua un manque de rationalité interne dans l’islãm, établissant un tel diagnostic grâce à un symptomatique gpoebnfoubmjtnf!dbsutjfo qui s’occupe des phonèmes de ce qui est rationnel comme s’il s’agissait d’un seul barème. Quand Henri Laoust traduisait la profession de foi d’Ibn Batte (m. 997), il nous transmettait un credo bien concret: kf!tvjt!dspzbou!tj!Ejfv! mf!wfvu-!nbjt!mÖbgßsnfs!bwfd!dfuuf!dpoejujpo!jnqmjrvf!vof!dfs. ujuvef/ Que cette affirmation soit plus ou moins valable rationnellement si on la compare avec l’expression cartésienne dphjup!fshp! tvn, nous emmènerait vers d’intéressants méandres intellectuels, dont on ne peut s’occuper dans ces pages. Mais nous sommes sûrs de quelque chose: Ibn Batta et Descartes utilisèrent l’esprit de façon similaire dans leurs tranchants et foudroyants testaments. § 5. L’idée de la matrice islamique pour Grunebaum est, vu d’ici, la suivante: un concept de Dieu généra un prophète— Mahomet—, 22 Voir: Emilio González Ferrín, «Fm!qfotbnjfoup!bmfnˆo!z!fm!jtmbn;!vob! mfduvsb!ef!Ijdifn!Ekb–u». Awrâq. XIX (1998), pág. 285-296. Qspmhpnoft 74 celui-ci rependit un Livre— le Coran—, de là surgit un peuple, et en évolution causal conséquente, un concept de la politique, un état, un empire, un mode de vie. Les polémologues occidentaux, dans leurs permanentes apocalypses, sans documents à l’appui, diraient que le pas suivant c’est ce mot auquel l’on a tant recours: le djihãdisme. De toute façon, suivant Grunebaum— qui, lui, était documenté et raisonnait après avoir lu posément, non pas après avoir passé une nuit blanche et le cerveau vide—, la matrice provoque le développement, et quand nous retournons à elle, nous le faisons par des chemins battus. Conclusion partielle: chaque fois que l’on remet sur le tapis une conception déterminée de la divinité— islamique — l’on pense à un empire— l’islamique et historique. Seulement deux nuances adversatives: selon notre opinion, l’islãm ne généra aucun concept de Dieu différent de celui qui existait déjà— le judaïsme et le christianisme avec leur propre évolution. Et en second lieu, l’Empire islamique est une entéléchie. Sûrement, l’on peut qualifier ainsi seul à l’Empire turc, et il ne nous intéresse en aucun cas pour les bases culturelles de ce qui est arabo-islamique. § 6. Parce que l’arabo-islamique primaire disparut politiquement avec l’Empire turc et lorsqu’il réapparut, il le fit— précisément — contre lui. Avec une cassure finale, ce djihãdisme— élucubration terminologique qui se veut intellectuelle, d’une apparente rigueur historique— offre un matériel irremplaçable pour se disculper face à l’histoire universelle de l’infamie de Borges, déjà citée. Souvenonsnous, par exemple, que le génocidaire serbe23 Slobodan Milosevic dit pour sa défense, devant le Tribunal International de Justice, qu’il fut le premier à combattre al-Qaeda. En réalité, ce pionnier établissait la prémisse d’un nouvel ordre mondial; ceux qui posent des bombes représentent un système culturel. Et que les instructions viennent dans un livre sacré. 23 Pour ne pas aller à contre-courant, nous maintenons la —b — de serbe, malgré que l’on nous ait éduqués (en espagnol) avec servo-croate. Le trait d’union et la —v — et la raison se perdirent dans la même guerre. Le journalisme espagnol dépend de tant d’agences étrangères — rvf!df!tpjfou!fvy!rvj!jowfo. ufou— que personne ne reconnait les concepts habituels. Il faudra peu de temps pour que nous arrivions à avaler des couleuvres comme celle de Beijing, lu beï — djin—, au lieu de Pékin. 75! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Non, la Culture doit servir à démasquer non pas pour jeter de la chaux sur les restes de victimes innocentes. Dans sa critique contre Grunebaum, le Marocain Laroui rompt avec ce culturisme du fait islamique, qui magnifie pour ses défenseurs ou qui réduit pour ses attaquants. Pourquoi cette tendance à voir comme monolithique ce qui est différent et varié? Comment concilier des points de vue de différents courants de l’islãm tels que le chiisme ou le sunnisme, par exemple? Comment allier, d’autre part, le point de vue turc et arabe— tous deux, espaces islamiques— ou, déjà sur la crête de la vague, l’Afghan et l’Iranien en ce qui concerne l’inexistence d’un unique califat, une hiérarchie islamique unique, un pouvoir unique, des lignes maîtresses pour tout l’islãm universel? § 7. La question s’annonçait d’avance: qu’a-t-il à voir al-Andalus avec l’Indonésie? Cette conception de la culture comme un compartiment étanche entrelacé par une religion, sert à Grunebaum pour développer et enregistrer des exclusivismes qui ont rendu propice— et de là notre spécial intérêt— à ce que tout ce qui a rapport avec l’andalusí ne se conçoive jamais comme ce qu’il fut: un passage historique normal et évolué de la vie dans la péninsule Ibérique; vu que l’al-Andalus fleurît dans ce que sont aujourd’hui Espagne et Portugal, cela permit l’accès à la modernité de tout ce que nous connaissons comme tels. À nouveau, non; comme toast final pour son indubitable validité — et inadéquation pour les dérivations matricielles dans nos pages—, l’islãm, est pour tous les temps précisément parce qu’il ne s’agit pas du même temps. Nous devons en finir en matière d’homogénéités, de recherche de familles de père en fils et de déterminisme pavlovien génétique-coranique. Le mot islãm désigne seulement une réalité toujours nouvelle et pas nécessairement comme qualificateur d’identités. Il y eut un temps et un espace qui pria en arabe et qui apporta ses connaissances non négligeables à la hauteur de son époque. Son étude et contemplation reste réservées comme une partie de ce que l’on qualifie d’oriental, du sud et islamique. Mais nous croyons— et dans cette direction nous voulons le signaler pour son développement postérieur— que df! rvj! gvu! Qspmhpnoft 76 boebmvt“!b!sfoev!qpttjcmf!df!rvf!Lbsm!Wpttmfs!bqqfmb!mb!qsf. njsf!Sfobjttbodf.24 2/8/!Opuft!tvs!m֏qprvf!boebmvt“f § 1. Le fait de ne pas respecter les vérités ou les mensonges sans la possibilité de les contraster; le fait de concevoir la science comme mécanisme de la raison, surgit d’une façon parallèle au processus de configuration des sociétés industrielles en Occident. Tout ce que l’histoire offre comme antérieur à cela n’est pas barbare, c’est tout simplement différent. Avant la logique, tout était analogique. La religion, par exemple, nait comme un processus mythique— symbolique, anthropologique— d’interpréter la réalité. Il n’est pas erroné, mais imparfait comme interprétation de la réalité dans sa complétude. Mais la percevoir comme barème social, comme inspiration en qualité de normative, marque un type concret de société non moderne: où l’on admet tout ce qui est le dogme, où l’on pèche. Et si l’on pèche, l’on commet un délit que l’on finira par payer. La somme des péripéties personnelles — mb!hsboef!ijtupjsf!vojwfstfmmf!ef! mÖjokvtujdf — marque le cap et la couleur des époques, des sociétés. Ces sociétés-là sont des sociétés analogiques; l’analogie — et non pas la raison pure — est le mécanisme mental qui lubrifie sa norme sociale: la réponse aux problèmes se trouve dans la comparaison, et face à l’inexplicable, j’établis des relations de parenté. § 2. Ainsi, c’est souvent ce qui arrive dans l’histoire, et face à ce qui est extrêmement quotidien, j’établis des analogies avec une forme humaine — anthropomorphisation de la réalité— comment expliquerais-je le cycle du soleil et de la lune; la force des rayons solaires apaisée pendant la nuit? Soleil — en hébreu: shemsó; Sanson— et nuit en hébreu: laila; Dalila. Dalila coupe les cheveux de Sanson pour lui ôter sa force: la nuit termine avec le soleil ardent. L’explication par analogie, avec des formes humaines, nous rapproche de l’inexplicable. En passant, je peux le charger politiquement: Dalila était Palestinienne— philistine, c’est-à-dire que les choses ne chan24 Karl Vossler, Bmhvopt!dbsbdufsft!ef!mb!dvmuvsb!ftqb—pmb. Madrid: Espasa Calpe (Col. Austral), 1962. 77! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou gent pas—, et le pauvre Sanson était un bon juif. L’analogie anesthésique. J’ai peur dans la chambre obscure, donc je me couvre; cela ne servira pas à grand-chose, si réellement il y a quelqu’un dans l’obscurité, mais je me couvre. Oui: l’analogie explique le monde et applique l’explication. Sa force poétique est impressionnante, mais pas nécessairement raisonnable. Elle fonctionne par l’apparence de l’explication directe, simple, tangentielle. Mais ne doit pas se respecter scientifiquement. Giovanni Sartori, par exemple, a écrit un essai sur la population mondiale. Dans celui-ci, entre des vérités scientifiquement contrôlables et raisonnables, il émet une affirmation: mf Qbqf!oÖftu!qbt! dpotdjfou!ev!nbm!rvÖjm!gbju!bv!ujfst.npoef!bwfd!tpo!joufsejdujpo! eÖvujmjtfs!eft!qstfswbujgt. Le développement du raisonnement est clair: en Chine, en Inde, en Afrique, les couples n’utilisent pas de préservatifs parce que le Pape l’ordonne. Ils aimeraient mieux que le Pape dise le contraire, pour pouvoir ainsi les utiliser. Est-ce cela vraisemblable? Oui: et en fait, ils ne les utilisent pas— autant qu’ils devraient—, et en fait le Pape abomine les préservatifs. Mais, est-ce vrai? La relation cause-effet est absurde; c’est une interprétation fallacieuse. C’est la ligne droite entre deux points. Pour nous, cela n’est pas valable, il suffit de faire deux tours autour du sujet. Même si nous sommes attirés par les analogies. La vérité est en certaines occasions— un chemin plus long et incommode. § 3. Les sociétés industrielles, disions-nous: bien; à la longue, l’homme commença à se confier, comme instance sûre, à la raison. Dans un nouvel et effectif anthropocentrisme: il domina le monde et le comprit grâce à la raison. Avant il le comprenait aussi, mais d’une façon plus mythique — proto-religieuse. Tout cela n’implique pas qu’avant l’on n’eut pas fait usage du raisonnement, y compris de la raison séquentielle— science— ou de la science appliquée— technologie. Cela veut dire simplement, qu’il n’était pas nécessaire de définir tout cela à cette époque. Mais les sociétés industrielles, elles, sont définies par leur technologie, dans un commun pressentiment de que, la société ne peut être ni plus— ni moins— qu’un monde humain régit— au moins, qui peut se régir— par cette raison omni-compréhensive. Depuis toujours, depuis les Grecs — ici l’équivalence est poétiquement juste: entre efqvjt! upvkpvst et efqvjt! mft! Hsfdt! —, le Qspmhpnoft 78 concept de tbwpjs est associé à l’emmagasinage des connaissances. Mais il y avait trois magasins — pour les appeler d’une certaine manière— associés à chaque concept; chaque façon de savoir: le concept d’eidos— l’aspect qu’offre la réalité. L’idée de df!rvf!mÖpo wpju —, le concept d’qjtunf — connaître la structure interne des choses—, et un concept plus éthéré: celui de l’joufmmjhfodf — la possibilité de juger. En plus de ce qui précède, toute société qui se prise a pu laisser quelques portes ouvertes vers l’inconnu— la mort, le mal, la peur—, ou mener à bien des explications prototypiques pour cela. § 4. Sociétés analogiques, explications mythiques des universels: dogmatisme, pré-technologique— après arrivera le technologique…, la religion peut être une explication du monde. Une caractéristique sociologique. Ceux qui prétendent voir la religion comme un élément seul d’idiosyncrasie d’une société primitive— grenier du folklorique, de ce qui peut être subventionné —, oublient, par exemple, que le monothéisme chercha aussi à l’origine d’expliquer et de prédire. Analogiquement, dirigé vers un but majeur: l’histoire — dans cette explication — est la séquence du devenir glorieux des nôtres. Méfions-nous des sources, parce qu’elles gonflent les exploits. Exactement aux antipodes de ce que l’histoire sociale s’efforcera de faire: quand arrive la Sociologie —Comte, vers 1838 —, la France à cette époque devait s’occuper de l’interprétation d’un fait historique: la chute de l’Ancien Régime. Sûrement, ceci est un clin d’œil permanent pour les interprétations sociologiques: les explications d’effondrements, chutes et déclins. Il s’agit de ce que nous avons déjà appelé la nbojf! ef! mb! edbefodf en Histoire sociale. Étant tout cela très intéressant, il n’en est pas moins vrai que le sociologue est, en fin de compte, comme le météorologue, et sa capacité de prévision est, communément basée sur la statistique, étant toujours surpris par la nouveauté. Parce que, s’il y a quelque chose de présent en permanence dans l’histoire universelle — à part le facteur humain, qui est la capacité de surprise d’un élément illogique, génial, héroïque, absurde, illustre ou égoïste— c’est l’impossibilité de situer, à temps, le point de chute d’une civilisation. Le début d’une Ère. La fin d’une époque connue. 79! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Bouispqpmphjf!ev!npoef!jtmbnjrvf,25 Eickelmann propose d’une certaine manière — même s’il l’applique à l’Ère contemporaine — que le chromatisme de l’histoire lui soit attribué par ce que nous pouvons nommer déplacement de l’épicentre. Ceci dit, al-Andalus doit donc être fils d’une époque préalable et père d’une époque postérieure. La pure juxtaposition ne paraît être commune — aseptique translation— d’épicentres historiques — Rome/ Islãm/ Empire espagnol…— sans dérivations, héritages ou relais. L’insertion d’al-Andalus dans le tempo historique demande, ainsi, une telle tâche conceptuelle, que les lignes doivent avancer avec prudence. Vu la singularité — en bien et en mal — il y a une tendance générale dans les études le concernant— tout est atypique, tout est étrangement sauvage, sans continuité—, la normalisation du concept d’al-Andalus est la grande matière en suspens. D’autre part, le dpodfqu!rvf!opvt!bwpot!eÖbm.Boebmvt est une expression trop sérieuse pour que l’on déplace la vulgaire réalité que contient un regard en arrière, toujours en arrière et toujours extirpateur. Entre autres, ce dpodfqu.m‰!eÖbm.Boebmvt ne me paraît pas présentable, parce que dans un tel regard en arrière il n’a pas l’air d’y avoir un rapprochement conceptuel, mais, plutôt, d’image et — plus, bien plus— de stéréotype. Personne n’assume ce qu’implique habiter un coin d’Occident avec un Orient assimilé dans son intérieur — possible optique conceptuelle —, mais que nous perdons en particuliers daguerréotypes d’une étrange époque d’aliénation. § 5. Dans son livre § 6. Telle aliénation — perdre le contrôle du propre passé — existe en premier lieu parce qu’al-Andalus — la péninsule Ibérique de 711 jusqu’à 1492— se fond dans l’imaginaire collectif avec l’islãm générique; nous l’avons déjà vu. Et là, se superposent deux regards soutenus également fuyants: en premier lieu, l’on assume qu’al-Andalus dut être comme ce qu’est aujourd’hui la partie que nous connaissons — que nous croyons connaitre, et ainsi nous le percevons — de l’espace islamique actuel — pirogues qui essaient de passer le détroit de Gibraltar, guerre sainte, barbes, voile, artisanat, hachisch, 25 Eickelmann, Bouspqpmph“b! efm! nvoep! jtmˆnjdp. Barcelona: Trotta, 2002. Qspmhpnoft 7: et une infinité de velléités typifiées comme culture pour que l’islãm tombe dans le discrédit. En second lieu, et en contrepartie, l’on contemple l’islãm contemporain avec le préjugé d’être devant un paysage du XIIIème siècle, par exemple. Le croisement, ainsi consumé, débouche sur deux étiquetages préalables déjà ancrés dans notre perception — qui devrait s’appeler qsdfquf: que l’islãm est étranger et qu’il est en retard par rapport au devenir normal — quelque soit ce que cela implique— de l’histoire. Et qu’heureusement nous eûmes la chance de passer la fièvre islamique comme si nous marchions sur des charbons ardents. 2/9/!Mf!dpodfqu!eÖbm.Boebmvt! § 1. Il n’y a donc pas de concept d’al-Andalus. Mais un stéréotype — qui n’est même pas image et encore moins concept — récréant celui qu’a généralement de l’islãm une partie de l’Occident. Ainsi le stéréotype ébauché partira toujours d’une négation de ce qu’est andalusí. Il y a deux autres stéréotypes qui — selon notre opinion — complètent avec l’antérieur le catalogue de l’effet folklorique dans la perception d’une partie de notre histoire — et «notre» est ici intentionné. Et récapitulons pour ne pas perdre le fil; premier stéréotype: ce n’était pas nous. Nous espérions tous les barbes de Don Pelayo (Pélage qui lutta contre les musulmans). Deuxième et à l’opposé — pour ne pas perdre l’habitude dans l’histoire d’Espagne—: l’islãm des mœurs, gastronomique et classifié en types, est notre unique essence endormie et qui doit se réveiller. Ceci — comme c’est bien connu — ira enchaîné à l’imaginaire espagnol par le folklorisme andalou. Nous abonderons dans ce dernier stéréotype, vers les chapitres de la fin du livre, dans le but d’étudier mÖfggfu!eft!Nbvsft!tvs!mÖBo. ebmpvtjf. L’équation, dans ce second stéréotype, est la suivante: comme les Maures étaient opprimés par le pouvoir central, et les paysans andalous l’étaient par un fils à papa, les paysans andalous sont, en essence, l’héritage des Maures. Le cliché est bien intentionné bien que nous proposerons d’en faire le tour: pour les Maures, comme pour la campagne andalouse du XXème siècle ou entre les paysans russes de la même époque, ou les chantiers navals polonais de la fin du même siècle, ou tant d’autres situations de pression 81! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou sociale — innombrables révoltes du pain, conflits syndicaux, Tiananmen, les multiples mai 68, et cetera —, l’on se posera la question: combien y a-t-il de possibilité ou non de choc de classes? § 2. Mais les Maures ce n’était pas les autres; c’était un «nous» opprimé et — à la fin — enkysté. De toute façon, nous en parlons seulement pour passer au troisième et dernier bloc de stéréotypes de l’andalusí: bm.Boebmvt! tfsu! ef! qpou. Dans le point intermédiaire entre: si nous fûmes al-Andalus ou s’jmt! gvsfou, et qu’à la fin ils partirent, il y a un cliché qui se répète à satiété — surpassé uniquement par le rebattu et progressiste étiquetage de tolérance et coexistence andalusíe. Il s’agit de l’image d’al-Andalus comme pont entre l’héritage culturel gréco-latin et l’européen. Dire, aujourd’hui, qu’al-Andalus fut «les traducteurs de Tolède», équivaut à dire que les noirs ont le rythme dans le sang. Cliché, stéréotypie, exclusivisme proto-raciste. La phrase directe, réactive, renferme l’andalusí. Elle le renferme dans le fait qu’elle sert de pont. Ceci consiste en un résumé-écran d’une pensée ultérieure: établir que cela seul servit aux transporteurs. Dans ce sens, nous ferons abstraction de toute appréciation instrumentale de l’andalusí, ayant été pris comme exemple le fait qu’alAndalus sert de pont.!Non; l’al-Andalus ne traduisait pas autour de Tolède avec le visage de Doña Rosita la soltera (pièce de théâtre de F. García Lorca). L’al-Andalus parcourait, il ne transmettait pas. Il vivait et dépensait, il n’hibernait pas et n’économisait pas non plus. Son rôle n’était pas de canaliser et d’être transmetteur. Il hérita de tout le savoir accumulé. Il fut protagoniste de son temps. Puis, imperceptiblement s’amorça la Renaissance européenne, et dernièrement l’on estime à sa juste valeur le rôle de l’Orient dans les primeurs de la Renaissance — sur lesquelles nous insisterons. Mais Cordoue et Tolède, comme Damas, Antioche, Alexandrie ou Bagdad traduisirent pour savoir. Non pour transmettre. La différence n’est pas futile, car dans la transmission il n’y a pas d’apport, et l’on concède à l’al-Andalus le rôle de transporteur quand il mérite une lecture spécifique de création. § 3. En définitive, présentation, l’al-Andalus s’inscrit proprement dit dans le Moyen-âge. Une époque qui avance lentement et qui en général n’inspire pas d’interprétations d’ensemble. Cependant, c’est Qspmhpnoft 82 dans son ensemble que nous devrions recourir à ce vieux tiroir de couturier duquel nous recyclons des matériaux en les dépoussiérant de leur contexte. L’on ne peut pas comprendre le Cid Campeador sans nous approcher — par exemple — des poèmes écrits en grec qui chante les exploits du Byzantin Basile Diyenis Acrita, sans connaître les sagas en arabe des héros de frontière, sans connaître la force inspiratrice des exploits en Orient d’Alexandre le Grand, sans savoir ce qu’est un héros au Moyen-âge: depuis les limites de la géographie du roi Arthur jusqu’au confins du monde connu de l’Orient. Le Cid — sidi— en arabe, qui signifie seigneur— s’appela Cid parce que quelqu’un l’appellerait seigneur en arabe. Il devait avoir quelques vassaux arabes: il devait avoir quelques troupes arabes. Sans perspective, sans vision d’ensemble, Rodrigo Díaz de Vivar se sèche et perd sa couleur dans la campagne déserte de Castille. Ce que l’on appelle le Moyen-âge se fraie un passage à une époque qui n’est pas obscure mais symbolique. À nouveau, c’est analogique: — c’est-à-dire qui fonctionne par ressemblance — et non essentiellement logique, même si la logique partait d’esprits illustres et d’une façon explicite chez certains penseurs, et de façon implicite dans les légions de scientifiques qui s’affrontèrent dans un effort d’adaptation pour expliquer le monde dans ces siècles-là. Explications avec plus de lacunes que de certitudes, et celles-ci — à nouveau — basées sur le symbolique. Toujours sous l’ombre allongée du temple: la théocratie, le monde à la hauteur de Dieu versé dans les institutions officielles, trouvera son apogée dans un état exceptionnel. § 4. Non, cette théocratie dans un état exceptionnel n’est pas l’islãm; la théocratie par excellence, c’est Byzance. L’apogée culturelle niée par les historiens de la décadence. Non; Byzance n’est pas l’ultime soupir de Rome, c’est Rome. Ce n’est pas la sourdine d’un empire coupé en deux, c’est une évolution cohérente: Rome de l’Orient. L’autre Rome de l’Occident, sautant d’une capitale à l’autre et sans territoires impériaux, se transforme en brise-lames du nord barbare. Jusqu’à ce que surgisse avec pompe ce que l’on appelle l’Empire Sacré, il n’y aura pas plus grande organisation et cohésion dans une Europe de barbarie, pillage et désolation. Le terrain en jachère d’al-Andalus. Henri Pirenne explique dans son adroit Nbipnfu!fu!Dibsmfnb. 83! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou hof26—livre dépassé, diront les thuriféraires de la crédulité historiographique— que la fissure qu’aujourd’hui nous définissons, entre autre, comme orientale et occidentale, se produisit précisément quand Rome, celle de l’Orient, la subsistante, déprécia la barbarie militaire et vacante des tribus centre-européennes. Elle déprécia l’Occident. Rome devint orientale avec délectation et s’appela Byzance, pour éviter de devenir barbare. Elle continuait à être la même, mais reprit le grec comme koinè culturel dans des territoires où ils le connaissaient depuis l’empire alexandrin. § 5. La marée d’invasions — souvenons-nous de la sauvage donnée d’Huntington: ce sont des mouvements migratoires qui changent le chemin de l’histoire — inonde l’espace impérial romain; la Méditerranée. Et entre la marée montante et la marée descendante, plusieurs zones maintiennent quelque chose que nous pouvons appeler stabilité critique. Leur porosité leur permet d’adapter l’essence pour maintenir l’existence, jusqu’à tel point de se convertir, comme le caméléon et son mimétisme, en créateurs-transmetteurs de culture. Telles zones son Byzance — la ville —, Venise, al-Andalus, et probablement Sicile. Porosité, essentielle configuration multi-chromatique à cause de la variation des populations due aux graves et déstabilisants mouvements de migration, et la lenteur de la transmission communicative, le fait religieux comme idéologie… Oui, le Moyen-âge est une époque convulsive. Ces quatre piliers d’une civilisation adaptable — avec un pouvoir et une influence qui changent, ceci est indubitable — ne supportent pas les lectures monolithiques. Eugenio d’Ors n’aimait pas Venise car il la considérait trop orientale, et la ville marque néanmoins, un des grands lieux mythiques de l’Occident. Venise déroba les restes de Saint Marc d’Alexandrie — épitomé de l’Orient, berceau intellectuel du christianisme — et les convertit en patron d’une cité-état indépendante depuis des millénaires, jusqu’à ce que Napoléon décidât de mettre un terme aux zones intermédiaires. Idéologie d’avenues, face aux inévitables ruelles vénitiennes. § 6. En Sicile, Frédérique de Hohenstaufen écrivit aux Arabes d’alAndalus pour essayer de comprendre ce qu’était l’islãm. Byzance 26 Henri Pirenne, Nbipnb!z!Dbsmpnbhop. Madrid: Alianza, 2003. Qspmhpnoft 84 était Byzance, et Venise était Venise quand les illuminés européens décidèrent de mettre en marche ce cycle critique appelé Croisades. Il y eut un moment où Venise se posa la question de si elle devait ou non participer en de telles sottises — migratoires, en fin de compte; économiques, de toute façon —, et l’empereur de Byzance écrivit au Doge vénitien le priant de s’abstenir de mettre en pièces l’Empire avec l’excuse d’en profiter pour sauver le monde.27 Tel que le faisaient ces Barbares centre-européens. Et l’on ne peut pas dire que Byzance chancelait dans sa foi: le livre de René Guerdan28 inclut un chapitre révélateur qui a pour titre Mքubu!rvj!bwbju!mքwbohjmf!qpvs dpotujuvujpo. Oui, la théocratie s’inventa à Byzance non pas dans La Mecque ou Médine. Ce livre mentionne également d’innombrables exemples de combien, suivant les stéréotypes, nous faisons des associations avec des faits islamiques,— qui sont en fait byzantins — et dans quelle mesure ce qui était byzantin passa à être islamique. Par exemple, il parle aussi des eunuques: les Byzantins voulurent créer des anges — asexués — et le résultat fut les eunuques. Dédiés au tfdufvs!tfswjdft — normalement, ecclésiastiques —! dans leur frôlement séculaire — dans sa double acception — avec l’islãm, les Byzantins en arrivèrent à offrir des esclaves eunuques aux musulmans. Quand ceux-ci reçurent les premiers, dans cette séquence de négociation/ incursion que décrivent les chroniques lorsque l’islãm s’approcha de Constantinople, les musulmans ne savaient que faire d’eux et ils les destinèrent aux harems. Les Byzantins n’avaient pas d’harems, la femme participait activement dans la vie publique. Se confirmait ainsi la tant rebattue sfodpousf!ef efvy!dvmuvsft, 27 John Julius Norwick, Ijtupsjb! ef! Wfofdjb. Granada: Almed, 2003, pág. 184. L’on décrit l’arrivée des croisés pour tbvwfs! mb! Disujfou — en réalité, dédiés aux pillages les plus sanglants — dans les termes suivants: df!gvu!mf qjsf moment de Constantinople; bien pire que ce qu’elle devrait affronter deux siècles et demi plus tard après la chute définitive de la ville bvy!nbjot!ev!tvmubo! puupnbo. Chute, cette dernière, favorisée précisément par la trahison des Genevois, qui s’étaient ralliés au nord et qui voyant arriver les troupes turques n’avisèrent pas. Le opvt et les bvusft ne paraissait pas alors être aussi clair qu’il paraît être aujourd’hui. 28 René Guerdan, Wjf-!hsboefvst!fu!njtsft!ef!Cz{bodf. Paris: Plon, 1956; vo! „ubu! rvj! bwbju! mքwbohjmf! qpvs dpotujuvujpo — pages 25-38, inclus l’alinéa MÖFnqjsf!ef!Disjtu!tvs!mb!ufssf. 85! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou même si nous préfèrerions une seule Culture, et différents modes de vie. § 7. L’héritage grec arrive — de cette manière — fondu/ confondu grâce à l’islãm et se répand dans le Moyen-âge: les bibliothécaires d’Alexandrie — par exemple — avaient catalogué l’œuvre de Plotin — Égyptien grec, néo-platonicien — comme Pvwsbhf!qijmptp. qijrvf! eÖBsjtupuf. Mais l’éclectisme est la norme des peuples affamé d’histoire: si Aristote avait parlé de moteur immobile, si Plotin traduisait les idées platoniques et consolidait l’unicité chrétienne, tout cela est évidemment adaptable à la pensée religieuse islamique. Tout passe à travers la recréation de la parole et tout arrive à des penseurs chaque fois plus gréco-tardifs, byzantins. Chaque fois plus pré-musulmanes, jusqu’à se convertir en idées islamiques. La parole arrive à Al-Kindî, Al-Gazzali. Arrive à Al-Fãrãbî, appelé le second maître dans la pensée islamique, parce que le premier sera toujours Aristote. L’islãm ne se pose même pas la question s’il doit ou non retransmettre l’héritage grec. Simplement il l’hérite. Non; al-Andalus n’est pas le facteur d’Orient. C’est l’Orient en Occident. J/:/!Mft!ufssft!joufsnejbjsft29 § 1. Oui; le Moyen Âge est analogique, symbolique et obscur. C’est une frontière. Il est tentaculaire, polyédrique. Kaléidoscopique. À un certain moment, aux environs de l’an chrétien 610— date postérieurement décidée sans tenir compte du calendrier d’usage— commençait la révélation coranique dans les sables du désert de Hiyaz, dans l’actuelle Arabie Saoudite. À cette époque-là, Isidore de Séville composait ses Fujnpmph“bt- dans lesquelles le silence à propos de la situation politico-religieuse en Hispanie est d’une éloquence qu’il vaut mieux ne pas exprimer: conciles, affrontements avec Rome, les Ariens face aux Romains; dès qu’il tait— ce qui est politiquement correct— il y a plus d’explication sur l’entrée de l’islãm que ce que nous expliquent les chroniques, en réalité compilées très longtemps après. Par exemple, la Dispojrvf!ev!Nbvsf!Sbtjt, document essentiel 29 Ampliation du matériel que nous présentions dans la revue Tvnnb!ef! wpmvoubeft, nº 4, en remerciant l’hospitalité à Miguel Presencio. Qspmhpnoft 86 et source indiscutable de l’historiographie andalusíe— son interprétation critique serait autre chose— qui pour ne pas couper les ponts, continuera les Fujnpmph“bt du saint sévillan. L’on ne parle pas de rapports interculturels, mais de culture. L’on n’assume pas être ce pont— l’illustre pont dont nous avons déjà fait allusion— l’on ne rêve pas non plus du progressiste nujttbhf. Simplement, l’on boit d’où l’on peut. Quand Alphonse VI sollicite au roi maure de Séville, Al-Mu’tadid, le transfert du corps de Saint Isidore à Léon le roi maure accepte. Et pourquoi pas? Bv!qsbmbcmf!il n’y a pas de! bouj.sjfo. Le corps de Saint Isidore avait été gardé pendant une époque islamique. Très longtemps après, en 1252, à la mort d’un autre spj!ef!Twjmmf — Ferdinand III, le royaume islamique de Grenade enverra cent cavaliers portant des flambeaux pour veiller le corps du roi sur son lit de mort jusqu’à son inhumation. C’est le moins que l’on puisse faire avec un allié de conquêtes n’est-ce pas? L’enterrement de Ferdinand III se fera dans l’église qui était encore mosquée, dans l’illustre mur de l’édifice: à coté du mihrâb, la fenêtre spirituelle vers La Mecque. § 2. Rien, dans ce Moyen Âge, ni dans l’extension / expansion du phénomène civilisateur islamique, se présente ainsi comme forme compréhensible, homogène. Et nous marquons la séparation entre extension— naturelle— et expansion— induite— pour laisser ouverte n’importe quelle porte interprétative sur l’islamique; sur ce que les spécialistes nomment— nous le voyions— le fait islamique. S’étendit-il comme une tache d’huile, ou se dilata-t-il comme un incendie? Cela dépend de la condition du terrain. Al-Andalus par exemple était trop Hispanie pour tromper les natifs; emporter l’or en échange de bagatelles. La conquête, dans ces conditions, doit se baser plus dans le temps et la séduction d’un avenir, que par le rapt et le pillage. L’Islãm sut conquérir de façon différente tant d’espaces méditerranéens, avec des acceptions bien différentes: conquêtes militaires et conquêtes séductrices. À nouveau: il n’y a pas d’islãm homogène; les dates ne se rapprochent pas ni coïncident quand, en 1258, tomba la ville islamique de Bagdad— pour la nommer d’une certaine manière— aux mains des barbares de Külagü, Séville était déjà— théoriquement et officiellement chrétienne depuis dix ans. Et à Grenade il lui restait deux siècles— ses meilleurs— d’islãm civilisateur. Et le véritable is- 87! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou lãm impérial— le turc— n’avait pas encore commencé, entre autre, parce qu’à Byzance— à la Rome impériale orientale politiquement chrétienne— il lui restait encore à obtenir ses plus grandes gloires. Marco Polo visita les ruines de ce Bagdad apaisé: plus de soixante-dix mille personnes étaient mortes et l’on raconte que le Tigre descendait noir à cause de l’encre des manuscrits que l’on y avait jetés. Bagdad apaisée, mais transférée: qui était passée à Cordoue et au Caire. La première Université du monde— bien que cela dérange les euro-centristes bolognais— avait déjà produit ses fruits: la Cbzu!bm. Ijlnb— la maison du savoir— avait été crée dans la Wjmmf Spoef — Bagdad— du calife al-Ma’Mûn— en l’an 813. La société et la culture qui les avaient rendus propices, n’avaient pas été la rose d’un matin, un essai éphémère. Entre autres continuités universelles, la semence avait déjà pris racine en Europe depuis quelques temps: dans al-Andalus. En fait, une fertile transmission critique y vivait déjà. Le classique était déjà arabe: comme l’affirme Rubiera Mata, jm!z!bvsb!vo!ivnbojtnf!fo!mbohvf bsbcf!ebot mbrvfmmf!mb!dimb. nzef!dmbttjrvf!tf!dpowfsujsb!fo!mb!dbqf!ev!cepvjo.30 § 3. Mais ne devançons pas les évènements. Dans la zone intermédiaire entre l’Orient et l’Occident— non géographique, non temporelle, non culturelle, mais tout à la fois—, il y a une caractéristique qui systématiquement se reproduit dans les mêmes conditions— et c’est là que nous nous sentons matriciels, inducteurs. Il s’agit de la séquence suivante: la ville prospère est toujours cosmopolite, le cosmopolitisme convertit une ville moyenne en capitale, le cosmopolitisme est désintégrateur, et la désintégration provoque un ordre imposé de l’extérieur. En lisant entre les lignes, le processus atteint le résultat d’un islãm— un Moyen Âge par extension— qui est de façon surprenante, urbain. Et surprenant, à cause du mythe méprisant de l’islãm comme un espace entre le bédouin et son chameau. Non: l’islãm c’est la sédentarisation du monothéisme réverbérant dans le sable du désert. Médine, la première ville de l’islãm, signifie précisément cela: ville. Le début de l’islãm, c’est la ville. L’ineffable Lawrence d’Arabie compile ses mémoires complexées 30 M. Jesús Rubiera Mata. Mb!mjufsbuvsb!ˆsbcf!dmˆtjdb!)ef!mb!qpdb!qsf.jtmˆ. njdb!bm!Jnqfsjp!Pupnbop). Universidad de Alicante, 1999, pág. 40. Qspmhpnoft 88 d’espion extravagant dans un volume intitulé Mft!tfqu!qjmjfst!ef!mb! tbhfttf. En réalité Tfqu!qjmjfst, et non pas Les sept piliers, mais les traducteurs sont plus exclusivistes que Lawrence lui-même. Bref, ces sept piliers correspondent à sept villes demi-orientales, nœud de sagesse pour le narrateur perspicace. Et Lawrence visa juste lorsqu’il urbanisa l’Orient transcendantal, fait et concept répété par Ernest Gellner lorsqu’il traita— avec bien moins de poésie, il faut le reconnaître— de villes érudites à Bagdad, Cordoue, Kairouan, Le Caire, mais aussi Séville, Valence, Tunis, Fès, Palerme, Kûfa et Bassora, Alep et Damas, Ispahan, Sîrãf ou Nishãpûr. Vertébrées en forme de rosaire— qui serait plus correct appeler njtcbib- en islamique— avec une telle variété non seulement de perceptions culturelles, mais surtout des propres règles urbanistiques, qui font qu’il est très difficile— enfin, prétentieux— définir quelque chose que l’on appelle ville islamique. Le Moyen Âge est l’époque des villes sans qualificatif. Seul le temps qui passe et la coloration postérieure des cartes les a converties en islamiques ou non. § 4. Cette Bagdad de forme circulaire— capitale supposée monochromatique d’un Empire islamique— explique le Moyen Âge complémenté par Byzance, Aix-la-Chapelle de Charlemagne, et Cordoue. La Bagdad de Hãrûn al-Rachîd— le calife des Njmmf! fu! Vof! ovjut— et le futur Empire sacré de Charlemagne coïnciderons à la même époque et aussi dans leur affrontement avec Byzance, malgré le supposé alignement religieux. Il s’agit d’une Bagdad dessinée pour être sédentaire— urbanisation— d’un islãm civilisateur. Pas du tout vacant, sablonneux ou bédouin. Cette capitale de l’Orient avec des murailles munies de quatre portes et des influences de tous genres, fut nommée al-Salam — la maison de la paix. Elle contenait la citée Bayt al-Hikma— la Maison du savoir—, qui avec rigueur doit s’appeler la première université du monde. À l’époque de sa fondation— aux environs de 750—, il y avait aussi sept cent cinquante hauts fonctionnaires perses établis à Bagdad, les néo-arabisés qui se convertiront en grammairiens d’une langue universelle, et de là à al-Andalus parcourra le savoir arabe, syncrétique de l’Orient à l’Occident. Cette ville est explicable, pratiquement, comme une fière qpmjt grecque. Une ville-état qui, cependant, attire et capitalise tout un empire commercial. Dans la ef. cepvjojtbujpo!‰!Cbhebe de l’islãm se trouve son succès culturel 89! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou et le besoin de mésestimer le cliché chamelier; les poètes de cette capitale écrivaient: Žb!tvgßu ef!qmfvsfs!tvs!mft!svjoft!ev!dbnqf. nfou- faisant allusion au rassasiement d’une tradition bédouine qui n’a pas sa place dans une grande ville. § 5. En fait, pour García Gómez, cette Bagdad de quatre portes est quelque chose comme le rêve américain. Ainsi le sera aussi al-Andalus, quand il offrira plus de stabilité que l’Orient et que sa force centripète proclamera un particulier et préalable Hp! Xftu! L’Occident arabe comme terre promise. Un sentiment partagé par les premiers rois castillans dans leur avance vers le sud; connaisseurs du monde sur lequel s’étendaient leurs domaines. Comme ce roi Alphonse VI de Castille, qui alternait son titre d’Empereur de toute l’Espagne avec celui d’Empereur des deux religions. À l’avenant de tout ce qui a été insinué, il n’est pas difficile de parler des terres intermédiaires entre l’Orient et l’Occident à partir d’al-Andalus. Sans entrer dans le cliché des trois cultures, nous ne voyons pas une meilleure situation pour les frontaliers. Son nom dérive— nous le voyons et nous le verrons— d’Atlantis, le lieu où Platon situa le Finisterre connu et la porte de l’altérité. En plus, l’équivalent en hébreu— Séfarade, provient à son tour de Sparad ou Hesperid, le jardin des Hespérides. À nouveau, le paradis perdu à la frontière de l’autre. C’est pourquoi nous disions que nous ne trouvons pas une meilleure terre intermédiaire, meilleur frontière dans son ample sens. C’est pourquoi nous questionnons le cliché de trois cultures; parce qu’al-Andalus— substance et épitomé de l’idée d’une Espagne islamique— a toujours été une culture avec trois religions, dfmmf!ef!mÖjtmŒn, dfmmf!ef!mb!dbcbmf-!fu!dfmmf!ef!mb! ovju!pctdvsf!ef!m֊nf- qu’écrirait l’indispensable Borges. § 6. Prêts, de cette manière, à délimiter l’Orient et l’Occident, il n’y a pas de meilleur début que l’histoire de l’Andalousie sous bénéfice d’inventaire: al-Andalus. Une terre louée en de tels termes par Isidore de Séville— auteur de l’Éloge d’Hispanie— et par Saqundi de Cordoue— auteur d’Éloge d’al-Andalus -; souvent nous confondons les concepts pour être présentés avec différents noms. Ce dernier, Saqundi, qualifia notre terre intermédiaire comme mf! tpmfjm!rvj!tf!mfwb!ef!mÖPddjefou! jouant ainsi comme peu l’on fait, avec des concepts essentiels pour la propre histoire d’une Europe Qspmhpnoft 8: qu’aujourd’hui nous jugeons uniquement atlantique: l’Andalousie s’orientalisa— s’orienta, nous pourrions dire—, pour la plus grande gloire de l’Occident. Et ce n’est pas le Cordouan Saqundi le seul avisé capable de le percevoir; dans son Ejwbo!eÖPsjfou!fu!eÖPddjefou, l’Allemand Goethe nous laissa une légende ineffaçable pour notre liste de terres intermédiaires: nbhojßrvf!mÖPsjfou!rvf!mb Nejufs. sbof!dspjtb/!Tfvm!dfmvj!rvj!mjsb!IŒß{-!tbvsb!df!rvÖb!dsju!Dbmef. s˜o, Hãfiz étant le plus important poète perse et nous espérons que nous n’avons pas besoin de présenter Calderón de la Barca. Fbtu!jt!fbtu-!boe!Xftu!jt!Xftu-!boe!ofwfs!uif!uxbjo!tibmm!nffuopine honnêtement Rudyard Kipling; l’Orient est l’Orient, l’Occident est l’Occident, et les deux ne se rencontreront jamais— et il continue kvtrv։!df!rvf!mf!djfm!fu!mb!ufssf!tf!qmjfou!gbdf!bv!hsboe kv. hfnfou!ef!Ejfv.! Effectivement, de nos jours une rencontre entre ces deux mondes est difficile, mais peut-être pour la simple raison qu’allègue le journaliste anglais Will Hutton tergiversant avec malice les vers de Kipling et sans perdre sa musicalité: East is East and West is rich— l’Orient est l’Orient, et l’Occident est riche. Même si Kipling laisse une porte ouverte à l’espérance dans ce même poème; nbjt!jm!oÖz!b!qbt!eÖPsjfou!eÖPddjefou-!ef gspoujsf-!sbdf!pv! cfsdfbv!rvboe!mft!qfstpooft!kvtuft!tf!sfodpousfou!gbdf!‰!gbdf-! n‘nf!tÖjmt!qspwjfoofou!ef!ejggsfout!dpjot!ev!npoef/ De là que le principal atout médiateur, la plus claire délimitation de terre intermédiaire, soit sans aucun doute l’être humain. § 7. Dans un monde où se choquent les civilisations, il n’y a qu’une seule façon de mésestimer les frictions: confondre. Il ne s’agit pas de la fusion par confusion à laquelle nous ferons allusion plus tard— des hippies des années soixante dix à l’islãm du début de l’année deux mille, avec un arrêt préalable à Katmandou. Non; il s’agit de la confusion clairvoyante qui retient la hache du bourreau. Le doute raisonnable du droit anglo-saxon. Et la remémoration de l’époque andalusíe, de cette terre intermédiaire, qui n’est pas apte pour ceux qui ont la phobie de la confusion; psychologies bidimensionnelles qui regrettent la vie d’une vache dans le couloir: ou vers l’avant, ou vers l’arrière, sans générer de l’incertitude. De là à ce que le concept de terre intermédiaire soit essentiel dans l’idée même de ville cosmopolite médiévale. Nous parlons d’al-Andalus comme culture frontalière— limitro- 91! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou phe, des gens du mjnft, alluvion du temps et de l’histoire. De personnalités de frontières. En sa version postmoderne, nous parlerions d’inter-culturalité, mais nous continuons à préférer la forme plus claire et résumée de Culture, avec majuscule. L’attitude de réflexion avec laquelle nous lisons de tels corridors culturels— comme l’andalusí dont nous nous occupons—, doit consister à traiter de façon humaniste et enrichissante la matière des civilisations prétendument opposées et exemplaires pour les personnes, œuvres ou époques frontalières concrètes. L’ultime objectif est d’amplifier le concept de l’Orient et de l’Occident d’une manière— nous insistons— intellectuelle. Éloigné des versions et interprétations injustes, folkloristes ou nationalistes Éloigné, enfin, des formes de manipulation politique qui terminent par convertir la Culture en compartiment tellurique et étanche. La culture doit être un moyen et une carte qui fasse ressortir très spécialement le concept de frontière comme une manifestation de cette Culture elle-même. Cette idée de la frontière et du type de personnalité qui en surgit, renvoie, dans la mesure du possible, la perception en usage tant en Orient comme en Occident: conceptions rances du phénomène religieux, omniprésence de ce qui est stratégique, lectures qui analysent les phénomènes sociaux en primant les facteurs économiques, référence induite au passé dépendant des circonstances présentes, et cetera. § 8. Sans doute, citer Kipling était un bon choix, celui qui avait des souvenirs traitres— il naquit indien étant britannique—, celui qui eut une enfance hindoue et l’encre anglaise. À nouveau: l’Orient est l’Orient, l’Occident est l’Occident et les tous deux ne pourrons pas se rencontrer. Et, pourtant, le botaniste Théodore Monod ne concevait pas la vie sans l’équilibre entre la routine quadrillée des pavés de son quartier parisien et l’immense lever du jour à l’abri d’une dune dans le désert libyen. Il avait besoin de sentir l’Orient en se sentant en Occident. Il avait besoin de la distillation d’une vie authentique, de conclusion floue, de question permanente, de résumé quotidien. Non pas avec la hâte apocalyptique des télétypes Qspmhpnoft 92 récents, mais plutôt avec la parcimonie bien intentionnée de longues années qui se réveillent planant sur les restes du naufrage. D’ici, l’Orient est un passé que nous fuyons sans regarder en arrière. D’ici l’Occident est un avenir vers lequel nous poussent les rapides du temps et l’on a beau ramer à contre-courant. Edward Said réagit en dénonçant que ceci est une lecture euro-centriste (31) ; que les siècles ne sont pas les saisons de la longue marche vers l’Occident, tel que le postulait Spengler. Mais il est difficile de se soustraire à cette vérité irréfutable selon laquelle les choses sont comme elles doivent être. Et aujourd’hui le vent souffle du Levant. § 9. L’Orient n’est pas un amalgame de sous-stations sociologiques. Ce n’est pas un paysage décoré avec des costumes d’opérette. Ce n’est pas un puzzle de géographie invraisemblable et la faune somnolente d’un dessert. Ce n’est pas un encéphalogramme aplani par de vieilles vérités plombées. Ce n’est pas la progression géométrique du clonage eÖvo!npotusf!rvj!gbju qfvs!bvy!fogbout. Ce n’est pas une chasse à courre de femmes et d’enfants condamnés. Ce n’est pas le patio intérieur où naissent de sylvestres opiacées et les kalachnikovs. Mais ce n’est pas non plus le fils sans défense abandonné par son parâtre métropolitain et colonialiste. Ce n’est pas non plus l’innocent pachyderme démographique opprimé par le capital. Ce n’est même pas la zone franche d’une pureté de coutumes enracinées dès la première minute du monde. Et encore moins la centrifugeuse des consciences de solidarités occasionnelles. L’Orient c’est l’état qui naquit du despotisme, la géométrie qui naquit des crues fluviales et la religion qui naquit d’une nature marâtre, si impitoyable avec l’homme que celui-ci dut imaginer un péché originel pour en justifier la dureté, motiver le bien, et pouvoir rêver qu’un jour il pourra revenir et mériter de regarder Dieu face à face. L’Orient c’est le paradigme des faits de ce monde: compréhension de la mort et joie inusitée face à n’importe quel indice de vie toujours espérée. L’Orient c’est le premier géant sur les épaules duquel se monta l’homme pour parler de la transcendance des choses, et 31 Lire sans hâte et en soulignant, Edward Said, Psjfoubmjtnp/ Présentation de Juan Goytisolo. Tr. María Luisa Fuentes. Barcelona: Random House— Mondadori, 2003. 93! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou il se surprit à tel point de son inspiration, qu’il eut la courtoisie de prétendre avoir entendu Dieu. Oui l’Orient inventa Dieu et mit dans sa bouche que l’homme donnerait un nom aux choses. Il le faisait déjà, en nommant Dieu. § 10. Quant à lui, l’Occident n’est pas un monde si sûr de lui-même: nous questionnons un mode de vie à chaque bouchée de mal parce que nous voulons croire qu’avec une bonne assurance tous risques nous sommes indestructibles. Notre iconographie de fils à papa satisfait —Ortega y Gasset— est si dénaturée que nous crions si l’avion a du retard ou si le yaourt est périmé, et en même temps nous feignons ne pas savoir qu’il existe certains quartiers dans lesquels la misère devrait faire honte à l’Occident qui se frappe la poitrine comme pour dire: nous sommes les meilleurs! Nos lois ne récompensent jamais le bon, mais châtient le mauvais, et c’est pour cette raison que l’éthique est de plus en plus le genre vedette de la fiction des essayistes. Occident n’est pas le moule de la raison; les indices d’audience griffent l’opinion publique, et l’entéléchie du système renferme un treillis pharisaïque d’enrichissement minoritaire. Mais, néanmoins, l’Occident n’est pas non plus la frivolité à laquelle pense l’Orient. Ce n’est pas seulement le capitalisme dépravé, la botte impérialiste, le luxe du sexe et de la vitesse, le dégoût de la solitude dans la grande ville. L’Occident c’est un mode de vie dans lequel, par principe, l’on peut être différent, avoir des droits, pouvoir dire, exiger, et compter avec le coussin rembourré de l’administration publique. § 11. L’Orient est sûrement le savoir, la science, et l’Occident son application. Comme ceux qui ont— ceux qui savent le plus— au sujet des hémisphères cérébraux, des attributions intuitives et techniques, si différenciées et indépendantes qu’elles nous font donner des coups de gouvernail lorsque seule une partie des mouvements se fait grâce aux commandes. Mais elles sont si liées entre elles, qu’aucun de nous s’amuse avec les trépanations. Et c’est ainsi que le monde perdrait son essence sans la géniale et tellurique controverse entre l’Orient et l’Occident. Comme— on ne sait jamais, quoi qu’en disent les scientifiques— il est possible que la Méditerranée se remplisse grâce à l’eau orientale qui descend des Monts de la Lune à Qspmhpnoft 94 travers le Nil; eaux retenues par les héroïques colonnes d’Hercule. Tel que l’exprima magistralement Hérodote. Devant une telle panoplie, qui ne se sentirait orgueilleux d’habiter— ou au moins, d’entendre parler— d’un Orient en Occident? Il y en eut un Andalusí— Cordouan, pour être plus précis— appelé Saqundi, qui capta l’idée et, plein d’orgueil chanta la terre qui l’avait vu naître et où il vivait. Dans ses vers il n’y a pas d’altérité, d’aliénation, ou le sentiment de se mettre dans la maison d’un autre. Dans une traduction de García Gómez il dit ainsi: mpv! tpju! Ejfv-! rvj! ejtqptb!rvf!dfmvj!rvj!qbsmf!bwfd!pshvfjm!eÖbm.Boebmvt!qvjttf!fo! bwpjs!qmfjo!mb!cpvdif-!tÖfopshvfjmmjs!bvubou!rvÖjm!wfvu-!tbot!uspv. wfs!rvfmrvÖvo!rvj!mf!dpousfejtf oj!mf!h‘of!ebot!tpo!joufotjpo/! Qbsdf!rvf!mÖpo!of!eju!qbt!ev!kpvs!rvÖjm!ftu!pctdvs-!fu eÖvo!cfbv! wjtbhf!mÖpo!of!eju!qbt!rvÖjm!ftu!mbje/ 2/21/!„qprvft!pctdvsft § 1. Dans sa critique à Gibbon, l’indispensable Franz George Maier nous présente une portion de l’histoire méditerranéenne écrite à la lumière du jour.32 L’on pourrait penser que l’heure d’écrire ne peut être importante, mais si, elle l’est! Qui imaginerait Edgard Allan Poe se levant tôt pour écrire, un jour de printemps, les énigmatiques Nevermore de ce corbeau-là? Comment pourraient se concentrer, une après-midi d’été, Lovekraft, Mary Shelley, ou Brian Stocker? Au contraire, peut-on écrire Qmbufsp!z!zp (J. Ramón Jiménez) dans une obscure veille d’hiver; ou Campos de Castilla (Antonio Machado)? Nous ne prétendons pas rendre trivial l’art sacré de l’écriture en donnant plus d’importance à la circonstance qu’à la matière grise inspiratrice. Simplement, nous cherchons à exalter ce que nous 32 Quatre œuvres nous intéressent en ce moment: Franz George Maier, Mbt! usbotgpsnbdjpoft! efm! nvoep! nfejufssˆofp/ Madrid: Siglo XXI, 1994 (19631), Edward Gibbon, Uif!Ijtupsz!pg!uif!Efdmjof!boe!Gbmm!pg!uif!Spnbo!Fnqjsf, (17781), Arnold Toynbee, B! tuvez! pg! Ijtupsz. 2 vol. Londres, (19567), et Henri Pirenne, Nbipnb!z!Dbsmpnbhop, Madrid: Alianza, 2003 (19701). Cette dernière date ne nous sert pas, comme nous l’explique si bien le propre fils de Pirenne— Jacques— dans une passionnée et littéraire préface: Rvboe!npo!qsf upncb! nbmbef-!mf!31!nbj!2:46Ò!mf!kpvs!ef!mb!npsu!ef!tpo!ßmt!nbkfvs!Ifosj.„epvbse! Ò-!jm!mbjttb!tvs!mb!ubcmf!mft!uspjt dfout!qbhft!ev!nbovtdsju!rvÖjm!wfobju!ef! ufsnjofs-! mf! 5! nbj: Mahomet et Charlemagne. Les idées essentielles du livre avaient déjà été annoncées dans des articles homonymes qui datent de 1922. 95! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou avons déjà proclamé comme subjectivité scientifique; de quelle façon l’empreinte de l’auteur et sa situation canalisent la matière traitée qui peut toujours être remise en cause. L’optique que nous en avons en est presque tout. Gibbon est un historien de la décadence. Nous pourrions nous en remettre aux équivalents psychologiques en synchronie avec tel comportement, et spéculer que, cet auteur, aurait affirmé sans ambages qu’vo!qfttjnjtuf!ftu!vo!pqujnjtuf!cjfo!jogpsn. En plus, cet ubu ef!edbefodf de Gibbon a créé une école, mais aussi une certaine pose d’historien méfiant parce qu’il sait— en connaissance de cause— que tout finit par tomber en déchéance. Que les choses vont vers la future falaise inexorable. Qu’elles se suivent de la même façon qu’un banderillero réussit à devenir préfet: en dégénérant. C’est ainsi que Gibbon contemple tout le passé; la jeunesse ne serait autre qu’une descente vers la tombe. Sa vision de l’histoire à l’époque qu’il vécut —à la fin de 1700—33 l’amena à ériger un monumental panthéon historiographique: Ijtupjsf!ef!mb!edbefodf!fu! divuf!ef!mÖFnqjsf!Spnbjo. § 2. Il est évident que tout passe; quoiqu’il ne soit pas moins certain que tout demeure. Et nous pourrions continuer à réciter le célèbre poème du voyageur de Machado, si ce n’était parce que l’histoire pessimiste de Gibbon est plus que quelque chose qui va vers son déclin: elle est apocalyptique; angoissante comme l’Harmagedon. L’auteur ne se contentait pas des décadences, mais il les convertissait en irrévocables chutes aspirant l’avenir. Ainsi la glorieuse Antiquité — classique dans ses manifestations—, coula pour toujours dans les pages de Gibbon, en attirant dans sa descente aux enfers à tout l’environnement méditerranéen, comme s’il s’agissait d’un fin tapis, attiré par le puisard aspirant du chien Cerbère. L’Antiquité tomba, et le monde resta plongé dans ce qu’appelle l’historien les 33 Il faudrait peut-être dire quelque chose au sujet d’un problème que nous devons supporter: l’optique chronologique qui nous affecte chaque fois que, pour exprimer une époque, nous nous en remettons au siècle et non aux années. Dire ‰!npjuj!ev!JWnf!tjdmf!équivaut à wfst!mÖbo!461, avec une réserve: nous avons confirmé dans les classes que, dans le premier cas, la méthode de datation du siècle— numéros romains avec le chiffre suivant des années dont il s’agit; JWnf!tjdmf! pour les années qui commencent par trois— ne contribue jamais à fixer mentalement, une époque concrète, mais plutôt à la disperser. Qspmhpnoft 96 ebsl!bhft. Époques obscures, comme si nous retournions à la Genèse et nous nous plongions tous dans le chaos initial: mille ans de destruction entre discussions byzantines de palais, la barbarie furibonde des peuples germaniques, et atrocités hérétiques œuvre des infidèles mahométans. Pour Edward Gibbon la définition du Npzfo! æhf est: époques obscures. Ainsi tout ce qui arrive lui apparaît comme le dmbrvf. nfou!ef!qpsuf!ßobm de l’Empire Romain après la mort cinématographique de Commode en l’an 192. Et la naissance de l’Europe est messianique dans les pages d’un autre interprète edbefou de l’histoire: pour Arnold Toynbee, entre l’alors et le maintenant, il passa vo!qspgpoe!tpnnfjm!ebot!mÖjoufsshof!fousf!mb!eftusvdujpo!ef mÖfnqjsf!spnbjo!fu!mb!mfouf!bqqbsjujpo-!nfshfbou!ev!dibpt-!ef! opusf!tpdju!pddjefoubmf.34 § 3. Celle-ci serait la décadente réalité méditerranéenne depuis l’an 200 jusqu’à Noël de l’an 800 —par exemple—, date du couronnement de Charlemagne. Sept cents ans de prétendue léthargie jusqu’à l’Europe, vu que l’on situe les bases de la cohésion européenne à la naissance de l’empereur sacré. Peu importe les 1200 ans que nous, les Européens, avons dédié à nous entretuer en ayant la même religion et culture. L’état comateux post-Antiquité classique laisserait passer alors une miraculeuse réparation vers la salvation. Il est intéressant de comparer telles perceptions avec ce que l’on commente, par exemple, l’histoire de l’Islãm. Parce que mb! wjtjpo! efqvjt!mf!Tve consiste en une glorieuse expansion à partir de l’an 632 jusqu’à ce qu’ils appellent mÖfyuovbujpo!ev!dvssjdvmvn!joufm. mfduvfm aux années 1400.35 Époque où commencerait ce qu’appellent— les historiens arabes— bie! bm.zvnve— l’ère de la stagnation— jusqu’à 1800.Malgré la coexistence difficile des dates citées, il y a quelque chose qui apparaît clairement dans les perceptions historiques: la manie du opvt associé à la décadence. L’histoire ne peut être la Ligue: si quelque chose se produit dans la Méditerranée, qu’importe d’où elle vienne, c’est que la Méditerranée continue 34 Arnold Toynbee, B!tuvez!pg!Ijtupsz…, I, page 62. 35 Miguel Cruz Hernández, Fm!qfotbnjfoup!ˆsbcf!dpoufnqpsˆofp. Madrid: Alianza, 2000. Pág.760 97! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou à être vivante. La boîte de résonnance méditerranéenne ne permet les histoires compartimentées que longtemps après. § 4. D’après tout cela, l’inégalable charge de la tragédie et de l’épique résulte évidente: l’histoire pessimiste produit plus d’effet que celle des réussites culturelles. Le susurre lyrique n’arrive pas à évoquer les changements historiques, et le recours à la comédie résulte— à la fin— peut-être un peu irrespectueux, même si l’on maintient que la tragédie, quand elle se répète, se convertit en comédie. Effectivement pour capter l’attention du lecteur d’un manuel, il n’y a rien de mieux qu’être de mauvais augure, sibyllin; plaintif. Les insécurités du professeur doivent toujours masquer grâce à une sévère méfiance, les sourcils froncés, le marqueur rouge: décadence. Mais ces nécromants des processus historiques ne peuvent ni imaginer le mal qu’ils sèment, engoncés dans l’attente des paradis perdus: parce qu’ils éliminent du lecteur présent l’unique secret avec lequel il puisse affronter la réalité historique du changement permanent: apprendre la gestion de l’incertitude. Avec tous ces regards de mauvais augures, et après avoir lu— chose inédite dans l’histoire des historiens— Maier réfute élégamment Gibbon: il n’y a pas d’Époques obscures, si ce n’est que lorsque nous parlons du nborvf! ef! mvnjsf interprétative.! Maier l’applique à l’Europe, et pourrait l’appliquer aussi au nord de l’Afrique: il n’y a pas de stagnation ultérieure. Le devenir méditerranéen n’est pas un sommeil à tour de rôle avec un dbqpsbm!ef hbsef! qui termine toujours par trahir;! que ce soit Boniface appelant les Vandales, que ce soit Julien avec les Maures. Mais non: l’histoire— en réalité— fonctionne à base de croissance, non de décroissance: il y a des accélérations, perçues comme venues du dehors, qui nous produisent la sensation de notre propre lenteur, mais il n’en est pas ainsi. Je ne suis pas lent comparé au champion du monde d’athlétisme. C’est lui qui est rapide. La plus grande partie du monde ne courre pas tant. Comparativement, les peuples ne dépérissent pas: ils sont devancés. L’histoire biblique des peuples foudroyés par leurs péchés ne peut continuer à s’appliquer à l’interprétation séculaire des évènements. § 5. C’était de Maier que nous empruntions l’illuminative perception des sources d’incertitude. L’histoire comme question: si nous nions la perception de la décadence de l’histoire jusqu’à sa caricature, Qspmhpnoft 98 nous devons nous demander — que se passa-t-il et comment cela eut lieu? Et non pas — comment être à nouveau ce que nous fûmes? Parce que ceux qui furent sont déjà morts, et l’histoire ne doit pas être utilisée comme vitrine de trophées. Avoir la gestion de cette incertitude sera la tâche des historiens des époques de litiges, des processus que nous emmènent à la présence naturelle— non enkystée— de ce que nous appelons al-Andalus.! Dans ces Époques obscures, l’auteur arrive à dire que la religion et la barbarie s’emparèrent de la civilisation. Une fois surpassée telle perception, la tendance historique du pendule, et passer à mettre en valeur ces années du Moyen Âge— également, transitoire dans l’imaginaire culturel occidental— comme mb!qsjpef!qfoebou! mbrvfmmf!objttbju!mÖFvspqf/!Ufm qpjou!ef!wvf!sfogfsnf!vo!epvcmf! ebohfs;!tÖpddvqfs!tfvmfnfou!ef!mÖPddjefou!nejufssbofo- uspq! vojmbusbm;!upvkpvst!‰!qbsujs!ev!Npzfo!æhf!fvspqfo.36! § 6. Bien sûr que oui: il est injuste d’instaurer le Moyen Âge comme un simple pont entre le passé que nous fûmes— et qui ne nous laissèrent pas continuer d’être— et celui que finalement nous pûmes reprendre. Concepts d’éternels retours comme renaissance, reconquête, restauration appliqués à l’Espagne, l’Europe ou l’Empire Sacré soustraient les propres mérites de ces trois nouvelles réalités et— ce qui est plus important— mentent toujours sur leurs sources culturelles et créatrices en général. Parce que— à nouveau— il n’y a ni une solution de continuité dans l’histoire, ni génération spontanée. Mais, pour suivre ces conseils— que rien ne surgit du néant—, nous ne pouvons pas continuer non plus à croire aux oiseaux Phénix. L’Espagne, l’Europe, l’Empire Sacré et tout élément qui se distingue historiquement naissent comme nous naissons tous et tout naît: après une longue période de gestation. D’autre part, il est également injuste de uvfs!Spnf en 192. L’Fn. qjsf! spnbjo! ubsejg! est parfaitement détectable en phases qui se différencient jusqu’à la moitié de 1400, et donc, complètement contemporain de la prétendue étrangère et compacte ère islamique. Byzance et l’Islãm évoluent dans une intéressante voju!ijtupsjrvf! nejufssbofoof où il est cohérent!affirmer que les deux dérivent de Rome; que celle-ci donc — bifurque et continue vive, et que les 36 Maier, Mbt!usbotgpsnbdjpoft!efm!nvoep!nfejufssˆofp…, pág.2. 99! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou supposés accès postmodernes de tolérance ne sont autre que la preuve irréfutable de similitude. Ce mythe de Charlemagne comme restaurateur de l’Empire d’Occident cache un double fond réel: la csdif!nejufssbofoof. La séparation politique et spirituelle de Byzance. L’aliénation par la future Europe de tout héritage romain. § 7. En 324, Constantin avait décidé que Rome regarderait vers l’Orient et qu’il présiderait les conciles. Constantinople, comme paradigme de capitale méditerranéenne, est oublié dans l’imaginaire restaurateur européen, mais c’est Charlemagne qui fait battre la monnaie avec le soleil de Constantin; et c’est lui qui appelle Sacré son empire. Celui qui exige d’être couronné par le Pape. Il n’est pas en train de restaurer; il ne tient pas compte de l’existence de l’Orient. Les villes de Paris, Fulda, York ou Tours: même Aix-la-Chapelle, sont des villes repliées sur elles-mêmes. Elles ne pourraient même pas rêver le déploiement international d’un port comme celui de Constantinople. Les églises européennes ne prononcent déjà plus d’anathèmes— même si elles recommenceront à le faire, le moment venu. L’œcuménisme s’est maintenant brisé. Si maintenant personne ne sait d’où viennent le dogme et la foi qui a pu se perdre en route, si personne n’admet une religion dans une autre langue, la spécificité proto-croisade est en train de naître. Non: la restauration de l’Empire Sacré romain est, à Rome, ce qu’un parc thématique est à la réalité plastifiée. Charlemagne assume que pour incorporer dans son bouclier le tpmfjm! jowbjodv de Constantin, il se dresse comme son continuateur. Mais c’est un montage: df!oÖftu qbt!rvf!mf!Npzfo!æhf!tpju!pctdvs-!dÖftu!qmv. ušu!rv։!Bjy.mb.Dibqfmmf!mÖpo!of!mf!dpnqsfoe!qbt/!Qbsdf!rvf! mÖpo! qbsmf! hsfd! fu! bsbcf/! Nous parlions de l’époque médiévale comme gpoubjof!ef!qfsqmfyju/ De l’histoire qui se pose la question sur les problèmes, et pas toujours par périodes. De Charlemagne à Constantin coule une tpvsdf de perplexité qui parcourt le temps et l’espace entre tous les deux. Le voyage pour comprendre! le Moyen Âge passe par revendiquer le caractère romain de Byzance, se souvenir qu’il s’allongea dans le temps jusqu’à la moitié de 1400. Revendiquer le caractère romain, méditerranéen et la normalité historique de l’Islãm, pour pouvoir entrevoir à partir de ces terres la culture d’une réalité historique: al-Andalus. JJ/!MÖìMF!EV!KPVS!BWBOU 3/2/!Bstfobm!qsbmbcmf § 1. La force imparable des mouvements migratoires, la manière avec laquelle l’histoire présente ses propres relais, et la critique spontanée des processus, sont les échantillons de trois idées motrices. D’une façon synthétique, bien sûr; distillatrice. En science, les deux mécanismes propitiatoires de clarté sonore sont l’analyse— de quelque chose de petit dérive la grande interprétation, avec le danger analytique— et la synthèse— le grand a une forme descriptible, applicable et que l’on peut résumer; mais il faut prendre un peu de recul. L’optimum est, néanmoins, de les alterner pour les complémenter: la lecture détaillée de faits concrets nous amène à l’explication d’une époque— premier mouvement—, et l’éloignement perspectiviste de cette époque nous permet de contempler ce qu’elle apporte au cours normal du temps connu — deuxième mouvement. Souvenons-nous de ces infaillibles postulats de la micro-histoire, telle que celle de Carlo Ginzburg: en contemplant les morceaux reconnaissables du passé comme s’il s’agissait des détails d’une peinture. Que l’on nous insinue la réalité complète— détail comme optique, peinture comme somme de beaucoup de détails— et ne défaillons pas en tournant autour de la pièce trouvée pensant qu’il n’y aura rien de plus— fragment comme dispersion, impossibilité de compréhension de quelque chose dans sa totalité. Transformons les fragments en détails. Essayons de comprendre des histoires complètes, non fragmentées. § 2. Le mécanisme analytique tout court— sans complément synthétique— a dispersé ce que l’on peut embrasser comme réalité andalusíe. Incapables d’une connexion avec l’avant et l’après, le :1! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou dessus et le dessous, une grande partie des investigateurs de cette branche paraissent inhabilités pour le travail en équipe; c’est un ensemble de conclusions reliées par des liens d’affinité scientifique. Non pas un méli-mélo de thèses unies par des liens de népotisme; thèses clonées. Non pas interprétatives, mais plutôt clé d’accès à places d’enseignant. Ainsi cette grande partie d’investigateurs s’est faite experte— par exemple— en bttjfuuf!ef!m֏qprvf!eÖbm.Iblbn! JJ/ Ils ne connaissent pas les assiettes— y a-t-il d’autres assiettes dans le monde? — ils ne connaissent pas non plus à al-Hakam II— y aurait-il d’autres choses à son époque?—, mais ils ont chaque marque, chaque éclat de céramique, chaque tournure calligraphique ou paléographique d’une seule assiette, gravés sur le front. La monoculture scientifique résulte désolante; asphyxiante, la somme des heures dédiées à cela sans lectures comparatives. Orphelins d’initiative privée, nus sans parrain qui les protègent, rachitiques de bourses avec plus de galères bureaucratiques que de temps de travail en silence, prisonniers de la rampante étatisation— d’une Mairie jusqu’à l’Union Européenne, en passant par différents régimes—, les jeunes investigateurs ne peuvent pas déduire ce qu’est une méthode scientifique, leur propre personnalité dans le marasme intellectuel espagnol, dans lequel les pontifes féodaux leur font répéter le serment d’adhésion au groupe d’investigation: upvu!jsb!dpnnf!tvs!eft!spvmfuuft!tj!tfvmfnfou!uv!bddfquft!rvf! dfmb nÖbqqbsujfoof, avec la variante: fu!tvsupvu!of!edpmmft!qbt! mf!of{!ef!dfuuf!bttjfuuf!eÖbm.Iblbn!JJ. Mais ainsi sont les choses, lorsque nous improvisons, nous nous posons la question: pourquoi pas?, Un chapelet explosant d’a priori que nous aurions aimé lire entre tant volumineuse dissection du quotidien andalusí. À nouveau: mouvements migratoires, relais historiques, et vitalité critique. § 3. Bien sûr que oui. Les continuels et draconiens changements de domicile des marées humaines— que nous nous sommes habitués à appeler invasions— sont la palette multi-chromatique qui colore notre partie du monde. Par ici ont passé des gens de tout genre, qu’il est très difficile de marquer, avec des dates concrètes, les inévitables et transcendants changements de vent. Nous ferons une petite visite rapide au processus d’assimilation gothique de l’Hispanie pour nous situer avec rigueur en l’an 711, au-delà des mythes romanesques de cavaleries mauresques apocalyptiques. Relais M֕mf!ev!kpvs!bwbou :2 historique: un peuple déterminé ne cède pas face à l’histoire, ne s’humilie pas, ne perd pas la partie par le simple fait d’être substitué dans son contrôle territorial. Simplement, il a vieilli dans ses manières coercitives. Nous verrons combien est logique et cohérent le relais wisigothique, le relais islamique, et le relais national-catholique. Et complétant ces trois idées motrices, en ce qui concerne la vitalité critique: quand García Gómez résumait la ville de Grenade islamique des Nasrides dpnnf!mb!efsojsf!hpvuuf!ev!djuspo!boebmvt“, il était en train de rompre le courant monolithique— ressuscité d’après lui— de la edbefodf!ijtqbop.bsbcf. Mais nous croyons en la naturalité critique de la vie; que cela n’allait pas si mal pour les Nasrides. Pour les catholiques cela allait mieux militairement. C’est conjoncturel, quantifiable en troupes, terres appuis, légitimités. Non pas religieux; nous devons nous souvenir que l’élément religieux est toujours une plaidoirie, non une cause historique. § 4. Ainsi le célèbre difsdif{!mb!gfnnf — l’exagération illustrative machiste au sujet de que dans chaque délit, d’une certaine façon, il y a une femme impliquée—, doit être changée par: qui a-t-il en plus?, chaque fois que nous affrontons un supposé conflit religieux. Parce qu’il y a toujours quelque chose de plus. Ce ne furent pas des révélations qui motivèrent Henry VIII dans sa rupture avec Rome, les Croisades ne sont compréhensibles sans les graves crises microéconomiques européennes de l’époque et cetera. À nouveau: il y a toujours quelque chose en plus. Les trois cvut! fo! npvwfnfou ébauchés — émigrations, relais historiques et vitalité critique— doivent couler dans un va-et-vient permanent— essais et erreurs, comme toujours— sur un terrain limité sans amputations: al-Andalus, fils de son époque et père de l’époque postérieure. Rien de 711 à 1492, lever et baisser de rideau; ou nous partons de la cuisson et nous suivons jusqu’à la digestion, ou am.Boebmvt! tvs! mb! ubcmf ressemble à un repas chinois. Planté là, sans plus, en exotisme aliénant. Boîtes blanches et baguettes décorées avec des caractères incompréhensibles, restes périmés qui terminent à la poubelle sans salir un couvert. Non, la cuisson d’al-Andalus est lente et il est évident qu’elle a besoin d’un four: l’Hispanie préalable. Pas de sable du désert ou de palais d’Bmbejo. :3! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou § 5. Dans la même ligne allusive, l’on doit rechasser la dispersion par ensorcellement maure ultérieur et les prétendus héritages de quartier: le Maure comme justification de la baffe machiste, la nonchalance ou le plat de légumes secs épicé. En revanche, la digestion— par cohérence—, doit être aussi cadencée: pas d’empereurs germaniques identitaires qui identifient l’espagnol face aux Maures irrédentistes venus du dehors. Par ailleurs, pas de minorités essentialistes qui, après leur expulsion nous laissent une Espagne lobotomisée. Non; nous arriverons à un point intermédiaire: la Troisième Espagne. Celle qui fut propice à des assimilations dans sa silencieuse digestion. Pour l’instant, il est nécessaire d’attirer l’attention en la centrant sur des messages variés. Un décalogue dont la propre dispersion résultante— il s’agit de dix insinuations, dix questionnements sans réponse immédiate ou typifiée— contribuera, sans doute, à la majeure véracité de notre idée sur al-Andalus. L’appel est le suivant, en séquences corrélatives; un bstfobm!qsbmbcmf — telle en était!notre volonté depuis le sous-titre — pour affronter le temps en marche auquel s’ajouta celui d’al-Andalus. Ejy! epvuft! sbjtpoobcmft qui justifient, de fait la décision de mener à bien la tâche de ces pages. 3/2/2/!Rvftujpoofnfou!fu!bttjnjmbujpo § 1. De cet arsenal, une partie que l’on ne peut esquiver pour entreprendre la campagne historiologique d’al-Andalus, sera de rebattre les chemins déjà sillonnés par de bons interprétateurs. Assimiler tout questionnement, questionner toute supposée vérité assimilée. Il faut dire que, dans tout travail scientifique, copier quelqu’un c’est un plagiat et copier à cent, c’est de l’investigation. Il faut dire— aussi—, que nous copions toujours aux mêmes cent: l’apport provient en général plutôt du domaine subjectif que de ce qui est objectivement scientifique. Une fois tout ceci établi, quatre investigateurs espagnols marquent ces règles qui— loin d’odieuses comparaisons— ont ouvert de riches filons. Il s’agit indubitablement, de préférences purement personnelles— qu’est-ce qui ne l’est pas?—, parce que— en ces matières— le plus commun c’est que l’on ne puisse citer tous les bons travaux qui le méritent. Pour proposer cela d’une autre façon: il faut choisir des contributions concrètes, plutôt que de dédaigner le M֕mf!ev!kpvs!bwbou :4 reste— tâche vide— ou faire comme si elles n’existaient pas— mépris typique. § 2. Suivant l’ordre, les quatre promoteurs préférés —pour leur perspectivisme et questionnement assimilable— sont Vernet37 —avec sa thèse étendue comme une coupole sur les succès andalusís dans le devenir européen—, Vallé38 —et ses questionnements globaux épatants, de la terminologie jusqu’aux données de la propre conquête et ses prétendues routes—. De même lisons et relisons Pedro Martínez Montávez avec sa lucide triangulation d’Espagne/ al-Andalus/ Monde Arabe.39 Nous soulignerons son travail lucide d’assimilation et répartition. Enfin et pour finir, al-Andalus sera— comme disait le facteur de Neruda—, pour celui qui en a besoin.40 Comme point culminant, nous aurons besoin de Viguera Molíns.41 Avec sa marque de l’histoire politique d’al-Andalus, elle traite le territoire et le temps avec une naturalité scientifique qui distingue ses travaux de ceux que l’on peut diagnostiquer comme mpvbohft!bvy! dispojrvft en usage. Une partie d’al-Andalus comme un territoire avec un découpage progressif, et nous prétendrons aussi faire ressortir sa evsf!sbmju!fo!tvtqfoe;!cet al-Andalus, progressivement découpé, comment se constitua-t-il? Devons-nous suivre vraiment les chroniques auliques, celles qui continuent à proposer une extension inusitée pendant trois ans? 37 Juan Vernet, Mb!dvmuvsb!ijtqbopˆsbcf!fo!Psjfouf!z!fo!Pddjefouf. Barcelona: Ariel, 1978. Rééditée— et augmentée— comme!Mp!rvf!Fvspqb!efcf!bm! Jtmbn!ef!Ftqb—b. Barcelona: Círculo de Lectores, 2001. 38 Célèbres sont ses relectures critiques sur toponymie, tout autant que stridente nous paraît son audace lecture de la conquête après un débarquement aux alentours de Carthagène, non de Tarifa. 39 Voir: Nvoep!ˆsbcf!z!dbncjp!ef!tjhmp. Universidad de Granada, 2005, ainsi que Bm.Boebmvt-!Ftqb—b-!fo!mb mjufsbuvsb!ˆsbcf!dpoufnqpsˆofb, Madrid: Mapfre, 1992. 40 Il s’agit du personnage de Skármeta, paraphrasé. En réalité, il proposait : mb!qptjf!bqqbsujfou!‰!dfmvj!rvj!fo!b cftpjo/ Antonio Skármeta, Fm!dbsufsp!ef! Ofsveb. Madrid: Bibliotex, 2001. 41 María Jesús Viguera Molíns, “Qmboufbnjfoupt!tpcsf!Ijtupsjb!ef!Bm.Bo. ebmvt”. En: J. M. Carabaza Bravo y A. Tawfik Muhamed Essary, Fm!tbcfs!fo!fm! Bm.Boebmvt. Textos y Estudios, II. Universidad de Sevilla-Fundación El Monte, 1999, pág. 121-132. :5! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou 3/2/3/!MÖIjtqbojf!fu!tb!dpoujovbujpo!opse.bgsjdbjof § 1. Nous proposions que la naissance de l’andalusí n’est pas compréhensible sans partir de ce que l’Hispanie et le nord de l’Afrique participaient— avant la supposée invasion de 711— d’un même projet culturel. Le mythe de l’homogénéité des deux côtés du Détroit dans l’époque arabe va de soi— ils furent rivaux politiques et occasionnellement militaires—, non pas dans l’époque préislamique ou post-romaine. Chaque fois que l’on dit berbère dans les premiers siècles d’expansion musulmane, cela signifie tout simplement ce qu’impliquait alors le mot: barbare. Pour nettoyer la narration historique de cette intoxication si commune— rendre berbère l’invasion—, nous devrions employer le mot barbare ou natif au lieu de berbère. La question est de proclamer le doute méthodique et rompre les couples constitués par le Berbère-Touareg et le Berbère-Imazighen. Ce que valent dans la réalité actuelle, qui ne doit pas forcément valoir— en fait, elle s’y oppose diamétralement— des réalités de la même géographie, contemplées quelques siècles auparavant. Nous devrions— pour continuer les devoirs— respecter les appréciations sur ce qui est berbère comme le firent les premiers ethnographes en reconnaissant leur perplexité— sociologues, anthropologues culturels— en étudiant l’univers de population nord-africain: c’està-dire que, dans le nord de l’Afrique, l’po!bqqfmmf!Cfscsf!‰!dfmvj! rvj!oÖftu!qbt!opjs.42 § 2. De telle sorte que, nous devrions dire quelque chose comme: Ubsjd!fousb!ebot!mb qojotvmf!bwfd!eft!uspvqft!dpotujuvft-!fo! tb!qmvt!hsboef!qbsujf-!qbs!eft!psjhjobjsft!ev!opse!ef!mÖBgsjrvf. Celle-ci est l’interprétation berbère dans ce contexte. Parce que l’exotisme dans les chroniques est trompeur: si Taric— mot proche d’Alaric ou Rodéric, noms gothiques des rois wisigoths, en latin Alarico ou Roderico, mais nous ne disons pas Tarico afin de le rendre berbère. Si le tel Taric43 était Berbère selon les chroniques, cela veut 42 Ainsi s’exprimaient Bertholon et Chantre dans leurs Sfdifsdift!bouisp. qpmphjrvft!ebot!mb!Cfscsjf!psjfoubmf. Lyon: s.i. 1912. 43 L’on se pose la question en arabe d’un nom avec la racine T-R-Q— Tãriq, qui signifie dfmvj!rvj!bqqfmmf ou bien dfmvj!rvj!pvwsf!mf!difnjo. Ne s’agirait-il M֕mf!ev!kpvs!bwbou :6 dire qu’il était Byzantin-Wisigoth— ex-Vandale. Amalgame nordafricain de l’époque. Évidemment il parlait un latin tardif chargé de punique et de grec— la même chose que l’on parlait dans le sud de l’Hispanie—, non arabe, la langue qui n’avait pas encore eut le temps de sortir de la péninsule Arabique. Pourquoi les envahisseurs son Berbères/Barbares dans la terminologie de Rome? Pour la Rome qui leur donne un nom, celle qui existait encore à cette époque, et même dans l’attente de ses majeurs succès: Byzance. Les cbscbsj— pluriel de barbarus— mot qu’en grec des Byzantins passe à être cbscbspj. Pourquoi est-elle essentielle la nuance d’homogénéiser les deux côtés du Détroit le jour avant l’an 711? Parce que, quelque soit celui qui les commande, les troupes qui entrent en Hispanie ne se différencient pas de celles qui habitent dans le territoire hispano. Parce que s’ils sont natifs du nord de l’Afrique, ils sont une partie quelconque des peuples qui passèrent déjà par ici. Bien sûr, chrétiens; dans n’importe quelle veine chromatique de l’époque: isujrvft ariens ou donatistes, sûrement. § 3. Mais le mal est déjà fait: dans sa première version— en disant que les troupes d’invasion étaient arabes—, le mensonge ne se soutient pas à cause de l’éloignement de l’unique espace dans lequel l’on parlait déjà arabe— la péninsule Arabique— et il serait ridicule proposer la conquête du monde islamique connu en partant de quelques centaines de personnes récemment islamisées qui composent la UMA— communauté de musulmans— à la mort du prophète Mahomet. Dans sa seconde version révisée— que les troupes d’invasion étaient Berbères—, nous pensons aux hommes bleus, aux Touaregs, ou au quelconque Berbère centre-africain. Ce qui est certain, sans doute, c’est que ce n’était pas des ipn. nft!cmfvt: le!transcendantalisme imazighen o tamazight— qui est le mot berbère pour dire berbère— nous pose une question sur l’essence raciale et culturelle inamovible pendant des millénaires. Mais les Jnb{jhifot d’alors n’étaient pas les seuls Cbscbsft pour Rome. pas, plutôt, de la personnification du concept? D’autre part, accepter ce nom a-t-il un sens, ou serait-il une adaptation postérieure d’un nom étranger Taric, terminé comme Amalric, Roderic et les autres noms centre-européens? Ne serait-il pas crédible son arabisation postérieur? Insistons sur l’époque: ce qui est arabe n’est pas tellement consolidé. :7! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Invasion, oui: une de plus dans la longue liste— il en viendra beaucoup plus pendant m֏qprvf!jtmbnjtuf. Mais en 711 elle ne peut être ni islamique ni arabe. Telles réalités— islãm et arabité— ne sont pas encore constituées dans la plénitude nécessaire pour qu’un état projette l’invasion d’un autre. Ce sera seulement à travers de ces autres marées migratoires postérieures que l’islãm se consolidera dans al-Andalus. 3/2/4/!Cz{bodf § 1. Dans un autre ordre d’idées, mais dans la même ligne dont on a déjà fait allusion, il en découle que le rôle du byzantin et postbyzantin a été complètement méprisé dans les approches du but de l’an 711. Il semble que l’élément et l’héritage byzantin n’existe pas, ou que se serait une simple dérivation du romain occidental périmé. L’étrange perception de l’histoire méditerranéenne depuis l’an 711 confine Byzance derrière les murs de Constantinople, future Istanbul— et si future; il lui reste encore plus de sept cents ans jusqu’à sa chute en 1453, presqu’à la fin de l’époque andalusíe. Byzance est contemporain d’al-Andalus, il y avait beaucoup de choses byzantines en Hispanie, et encore plus dans le nord de l’Afrique vers l’an 711. L’on oublie la force de la culture byzantine dans le sudest hispanique et le nord de l’Afrique.44 Le transit d’émigrants du nord de l’Afrique à l’Hispanie fut continuel et non seulement pour des raisons militaires ou économiques: le climat du plus grand affrontement connu dans la proto-chrétienté dogmatique était en train de se développer: celui qui s’affronta au catholicisme intégriste né du Concile de Nicée et aux nombreux courants tachés d’hérétiques. De l’an 300 à l’an 700 s’écoulent quatre siècles d’effervescence dogmatique similaire des deux côtés du Détroit; de christianisation schismatique, de persécutions, de légi- 44 À ce sujet, la Thèse du doctorat de Presedo Velo, est illustrative, éditée un demi siècle après sa défense. Le livre maintient l’irrésistible force scientifique d’un auteur dans ses premières années, et en même temps une résistance de fer avec le temps qui passe pour l’adéquation et l’importance du thème— chose déjà peu commune dans les Thèses vujmjubjsft. C’est l’inusitée jeunesse— déjà atemporelle— de son auteur. Voir: Francisco Presedo Velo, Mb! Ftqb—b! cj{bo. ujob. Universidad de Sevilla, 2004. M֕mf!ev!kpvs!bwbou :8 timité romaine passée par Constantinople, la capitale de l’Empire byzantin. § 2. Le nord de l’Afrique était un rosaire de préfectures, couvents, écoles de transmission de la pensée chrétienne— schismatique ou orthodoxe— qui s’habituèrent à regarder vers les carrefours intellectuels comme la Séville d’Isidore ou de nombreux centres africains. Saint Augustin n’écrivait pas du haut d’un palmier et n’était pas entouré d’anthropophages: il était conscient du climat culturel environnant. De la spécificité basée sur une langue, le punique— héritage de Carthage—, et un schisme religieux: celui des donatistes45 ou djsdvodfmmjpoj- principalement. Dans le crépuscule de cette ambiance intellectuelle, le comte Bélisaire— le dernier général byzantin victorieux dans le nord de l’Afrique— fut presque contemporain de Mahomet. Bélisaire avait réussit la plus grande extension nord-africaine du pouvoir byzantin sur les restes des peuples latinisés, qui avaient une empreinte cultivée carthaginoise. Le général de Justinien n’arrivait pas à éteindre un feu quand apparaissait déjà le suivant. Une époque se replie sur elle-même, et une autre se déplie. Mais ce n’était pas encore le feu et l’époque de l’islãm: c’était l’bvupdiup. ojf-!sfejsjhf!bqst!qbs!mÖjtmbnjtnf. Le monde méditerranéen occidental— au début des années 700— qui se détachait déjà du joug romain— du latin, Rome, et du grec, Byzance. C’était une société adulte. À la hauteur de son époque. Le futur Maghreb n’était pas une terre en jachère habitée par les coutumiers hommes bleus buvant du thé sur une dune. Nous sommes en train de transposer les époques et les lieux. Son islamisation sera lente et chancelante. 3/2/5/!Qspup.jtmŒn § 1. À l’époque de la supposée invasion islamique de la péninsule— 711—, la religion islamique ne s’était pas encore constituée dans un dogmatisme reconnaissable. Les péripéties de fixation d’un texte coranique n’étaient pas encore conclues, parallèlement à un pro45 Angelo Ghirelli, Fm!qb“t!cfsfcfsf/!Dpousjcvdj˜o!bm!ftuvejp!ef!mpt!ps“hf. oft-!gpsnbdj˜o!z!fwpmvdj˜o!ef!mbt!qpcmbdjpoft!efm!ègsjdb!tfqufousjpobm/!Madrid: Editora Nacional, 1942. Pág. 127. :9! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou cessus d’aucune façon compatible avec une expansion impériale: l’essentielle guerre civile qui sépara les sunnites des chiites et les khãridjites. Si l’islãm— religion— ne s’était pas constitué— ni l’Islãm— univers culturel civilisateur—, ses possibles ordonnances juridiques l’étaient encore moins, vu que les juristes promoteurs des quatre écoles classiques n’étaient pas encore nés. Malgré le mythe circulant d’un supposé Droit Islamique basé sur le Coran, ce sera le droit byzantin truffé de législation mosaïque— juive— et de l’ambiance proche— orientale, la base de la future casuistique processive et juridique de l’Islãm. À Damas— et même à Bagdad— l’on crucifie les accusés par héritage du droit romain-byzantin. Dans l’espace islamique l’on lapidera les femmes adultères par héritage du droit mosaïque— dans le Coran il n’y a pas de lapidation; dans la Bible, si. § 2. Dans cet ordre de choses, l’arabe est aussi en gestation comme langue écrite, l’intellectuel musulman est en train d’apprendre le grec en mettant les bouchées doubles pour pouvoir jeter les fondements de la future culture islamique, et les peuples néophytes où arrive l’islãm— religion— ne savent pas encore distinguer un musulman d’un arien, donatiste, nestorien, monophysite et autres. Probablement pas non plus d’un juif, manichéen ou mazdéen, en certaines latitudes. Il est facile de colorer des cartes mono-identitaires pour les enfants et les mineurs d’âge intellectuel, incapables de réaliser la gestion des incertitudes. Ce n’est donc pas facile— et contre ce qui précède—, peindre ce Moyen Âge qui commençait. L’on dirait que, plus que Moyen entre Antique et Moderne, il était entre beaucoup de mondes en gestation. 3/2/6/!Mb!dbwbmfsjf!jtmbnjrvf! § 1. Ce mensonge communément admis d’une fulgurante victoire islamique sur le territoire hispano— continuation d’un autre mensonge également admis: la rapide expansion par le nord de l’Afrique— coule de source lorsque l’on reconnait que l’Hispanie souffrit au moins un demi-siècle de hvfssf!djwjmf (710-760). Ce demi-siècle peut être amplifié, sûrement, d’un autre demi-siècle en plus. D’autre part, une époque et circonstances similaires à celles-ci caractérisa l’islamisation nord-africaine. La cursive dans la guerre civile en His- M֕mf!ev!kpvs!bwbou :: panie répond à la difficulté de distinguer qui lutte contre qui dans des mouvements migratoires aussi chaotiques et dans les décades postérieures dans lesquelles— maintenant, oui— l’islãm est en train de réaliser la cohésion des territoires. § 2. Non: l’on aurait pu parler de rapide conquête seulement si après les trois années trompeuses de la prompte avance islamique il nous serait resté un témoignage de quelque pouvoir établi, quelque réalisation culturelle remarquable. Au moins, quelque répression de minorités irrédentes. Rien de rien. Il n’y a personne en Hispanie pendant cent ans, à part les grossies et supposées multitudes arabo-islamiques. Le seul document de l’époque— avec ses réserves— est le traité de Théodemir, par lequel paraît-il l’on donna la zone de Murcie à l’islãm. Comment un représentant local— Théodemir— peut-il donner des territoires à sa guise? Par contre: pourquoi n’apparait-il pas au nom de qui agit le supposé représentant islamique? Pourquoi les termes comme roi, calife, état, islãm n’apparaissent-ils pas? Tel document prouve seulement le manque d’organisation et cohésion de l’Hispanie dans cette époque-là et l’improvisation conquérante d’un contingent qui se rapproche de la zone de Murcie. Les cantons de l’Hispanie face à son manque de cohésion. Il y a lieu de faire aussi une allusion significative: en quelle langue fut rédigé réellement le document? 3/2/7/!Dsjujrvft!booft!811 § 1. Nous disions que— d’après ce qu’ils nous racontent— il n’y a personne en Hispanie pendant cent ans. En réalité, tel vide reflété doit être dû à une catastrophe. Mais pas la tant vantée— invasion démoniaque-; quelque chose de très grave dû se passer pendant ce siècle, gravé dans la mémoire historique de l’Hispanie avec le qualificatif de désastreux. Partir du désastre de l’an 711 est anecdotique. Ce qui est substantiel c’est la séquence de famines, le vide documentaire, le progressif repeuplement hispano dans ce siècle qui commençait. Mais il n’y a pas de chroniques arabes de l’époque. Celles en latin sont étranges: ou faisant abstraction des musulmans— actes conciliaires qui prétendent combattre les schismes chrétiens, donc ils ne connaissent pas la présence musulmane— ou 211! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou ne tiennent pas compte de la nombreuse et multi-chromatique population péninsulaire: hispano-romaine, wisigothe, suève, grécobyzantine; tel que le font les chroniques arabes très postérieures. Il y a des épisodes dans lesquels nous nous arrêterons, comme l’évènement de Poitiers: les références franques parlent de la victoire de Charles Martel et le repliement des envahisseurs au-delà — plus près, pour nous— des Pyrénées, bwfd!eft!gfnnft-!eft!fo. gbout! fu! mÖjnqfejnfoub. De quelle intervention militaire s’agit-il? Il ne s’agirait pas plutôt qu’à Poitiers eut lieu le refoulement d’une émigration massive— avec femmes et enfants— face aux famines ou guerres civiles dans le VIIIème siècle qui firent pression sur la population jusqu’à préférer l’incertitude de passer les Pyrénées? Où se trouve-t-elle ici la cavalerie islamique? Les références de plusieurs siècles plus tard ne sont pas valables: l’étiquetage islamique sera déjà patenté comme ennemi de l’Europe. § 2. Il y a aussi des détails collatéraux qui méprisent le siècle: quand le Mfzfoebsjp de Paulo de Mérida recueille les histoires et légendes de saints et d’hommes de foi de l’Hispanie, son auteur vivant pendant les années 700 bien avancées, et recueillant chaque minuscule tradition orale, oublie complètement toute référence postérieure à un tel Renovato, prélat des années 600. Que se passe-t-il donc jusqu’à la vie de l’auteur? Que se passe-t-il dans ce VIIIème siècle? Quelle déconnexion si grande avec la tradition du passé! Le propre Menéndez y Pelayo, qui recueille la nouvelle rapportée— et cet auteur n’a rien de suspect à pallier ce qu’il qualifie de désastre de l’invasion islamique—, il ne s’explique pas ce qu’il arrive, vu que, en Histoire, l’on ne passe jamais l’éponge; il n’y a jamais une solution de continuité.46 Qu’il soit dit en passant, l’Ijtupsjb!ef! mpt!ifufspepypt… de Menéndez y Pelayo est une de nos sources de référence permanente. Non pas pour ce qu’elle exprime— que parfois, aussi— mais surtout pour ce qui demeure implicite— comme l’exemple auquel nous avons fait allusion. Menéndez y Pelayo est un joyau référentiel pour compléter tout ce que nous pouvons nommer m֏ubu!eÖpqjojpo!eÖvof!qprvf. 46 Marcelino Menéndez y Pelayo, Ijtupsjb!ef!mpt!ifufspepypt!ftqb—pmft. Madrid: BAC, 1998 (1948 1), pág. 238. M֕mf!ev!kpvs!bwbou 212 § 3. À ce sujet, ce qui compte pour le moment— en marge de futures considérations plus abondantes— c’est un rendez-vous sans gaspillage; en commentant le développement de la philosophie arabe, il affirme— sans contemplations—: Sin asentir en manera alguna a la teoría fatalista de las razas, puede afirmarse que los árabes, no por ser semitas, sino por su atrasada cultura y vida nómada antes del islãm y por el estrecho círculo en que éste vino a encerrar el pensamiento y la fantasía de aquella gente, han sido y son muy poco dado a la filosofía, ciencia entre ellos exótica y peregrina.47 Tel ubu!eÖpqjojpo— vers 1948—, n’a pas changé en plus d’un demi-siècle. Ou peut-être nous exagérons un peu: oui il a changé en quelque chose de substantiel: les absurdes généralisations ekj. iŒejtuft contemporaines sont exprimées dans un style moins soigné. Le tjnpoujtnf 48 contemporain ne sait déjà plus écrire. 3/2/8/!Tf!nßfs!eft!dispojrvft § 1. Ce conseil a une relation avec tout ce que nous avons dit avant, sans que nous ayons besoin maintenant de recharger l’encre contre la traduction creuse de matériels de propagande pris comme vérité historique. Mais c’est que nous connaissons l’histoire d’al-Andalus à travers les chroniques postérieures à l’an 800. Aux alentours de cent cinquante ans après la supposée conquête— disent-ils— ou début d’invasions— disons-nous-. Avec un pouvoir central islamique déjà constitué autour de Cordoue— en réalité, un processus de constitution—, l’on écrira l’histoire envisagée au présent inducteur du chroniqueur. En tout cas, il n’y a pas d’historien arabe qui ose nous renvoyer à quelque fait remarquable, ou production culturelle mise en relief dans al-Andalus antérieur aux années 850. 47 Sans être d’accord d’aucune façon avec la théorie fataliste des races, l’on peut affirmer que les arabes, non pour être sémites, sinon pour leur culture en retard et vie nomade avant l’islãm et pour l’étroit cercle dans lequel vint s’enfermer la pensée et la fantaisie de ces gens-là, ont été et sont très peu enclin à la philosophie, science pour eux exotique et singulière. (N. T.) 48 Simonet, arabiste espagnol de profonde formation et d’étendue production, traite du np{bsbcjtnf anti-islamique pris pour arabisme; scientifique au service de la cause: histoire maximale de dpoobjt!upo!foofnj. 213! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Ce quasi siècle et demi de fertile processus critique— depuis les débuts admis en 711— annule tout vestige de l’fypscjubouf!difwbv. dif qui est gravée dans notre mémoire historique. D’accord: si nous nous mettons à disséquer l’histoire avec des dates inamovibles, dÖftu! jdj rvf! dpnnfodf! bm.Boebmvt;! ‰! mb! npjuj! ev! JY! nf !tjdmf/!Le!tourbillon démographique,!belliqueux se décante de même que les famines préalables à ces dates. § 2. Le docteur Ibn Yulyul et le géographe Ibn Said, séparément et à partir de branches de savoir différenciées, coïncident avec nous— en réalité, nous avec eux— sur ce point. Tous deux écrivent l’histoire d’al-Andalus sans autre intention que celle de chanter ses succès et il apparaît qu’ils n’en trouvent pas avant cette date: aux alentours de 850. Quels généreux hasards nous offre l’histoire en nous racontant que surgissent dès lors les insurrections, le martyrologue de supposés mozarabes!— en réalité, ils sont encore simplement chrétiens hispano-romains. Pas de mozarabes— musta’arab, arabisé—: ils ne parlent pas arabe, mais latin. Les râlements de l’Hispanie encore irrédentiste Les Cordouans expulsés du quartier de Secunda et qui apparaissent dans la fondation de la ville marocaine de Fez, parleraient-ils l’arabe ou le latin hispano-romain? Parce que Euloge et Alvaro de Cordoue sont scandalisés car les gens comprennent mieux l’arabe, et pourtant ils ne paraissent pas vivre dans un environnement islamisé. Ce qui est arabe et islamique n’apparaît pas comme allant de pair. Le martyrologue des chrétiens cordouans est une partie de la réaction à l’islamisation: l’jowbtjpo!jepmphjrvf!de l’Hispanie commençait. Jusqu’alors, rien n’était vraiment différent de l’antérieur en progrès. Mais il l’était, dans son aspect synchronique comparé avec les cent années antérieures. § 3. Un des grands mystificateurs d’al-Andalus est l’insigne Ibn Hazm, génial auteur de Mf!Dpmmjfs!ef!mb!dpmpncf. Il faudrait faire une étude freudienne— ou mbdbojfoof- plus spécifiquement— de cet intellectuel sans égal dans l’histoire de l’Espagne. Dès son enfance dans les harems jusqu’à sa mort éloigné de tout. C’est un Pétrone heureux; qui a de la chance parce qu’al-Andalus n’a à cette époque aucun Néron dans la ville de Cordoue sans calife. C’est dommage que Gregorio Marañón ne l’inclût pas dans ses M֕mf!ev!kpvs!bwbou 214 élucubrations historico-psycho-biologiques. Ibn Hazm aurait plus de pages substantielles que le pauvre incompris Henry IV ou le mythe de Don Juan. Si Marañón!photographia des indigents tolédans pour démontrer que Le Greco était un peintre naturaliste ou fit le portrait d’un séducteur prisonnier de sa gbjcmf!wjsjmju, que n’aurait-il pas écrit sur Ibn Hazm! De son obsession d’être arabe. D’être blond, pâle, avec des yeux clairs. Des mains de ses collègues— l’éthéré cercle de ce que l’on appelle les ftuiuft!ef Dpsepvf; Cmppntcvssz!dbmjgbm!de dernière heure. Dans les rues d’une capitale en phase de devenir berbère— à ce moment-là, oui. De l’obscurcissement de la peau. Ceci même qui faisait horreur à Ibn Hazm— à nouveau— dû à son obsession d’être arabe. Donc: ils ne l’étaient pas tous? § 4. Ainsi sont les choses, ce monsieur— pour la troisième et dernière fois— qui avait l’obsession que son sang fût de souche arabe— obsession omeyyade—, nous surprend avec l’unique source fiable— vraiment?— des origines arabes de tout l’andalusí: Usbjut!eft! bcpoebouft!mjhoft!bsbcft. Et les investigateurs du traité — dont le titre ne fait même pas allusion à ce qui est andalusí; il n’existe pas comme réalité différenciable— ont recours à ces pages comme s’il s’agissait d’un atlas pour savoir d’où venait la population de chaque morceau de terre andalusíe. Qu’un peuple s’appelle— prenons par exemple— Zenâtaã? Ceci est facile; c’est que sa population provenait des Kabyles berbères [foŒubt.!Et sans perdre contenance, aucun de nous ne se trouble. Dans cette interprétation du monde, toutes les Cordoba d’Amérique furent à l’origine un sédiment d’émigration cordouane. Celle de Ibn Hazm est une carte, oui. Nous pouvons recourir à elle comme nous recourons à la carte qu’inclût J. R. Tolkien dans la préface de Mf! tfjhofvs! eft! boofbvy. Pour ne pas nous perdre dans le roman andalusí. § 5. D’autre part, collatéralement nous sommes touchés par ce que l’historien par excellence— Ibn Khaldûn, 1332-1406 — écrivit pour illustrer la compréhension de l’histoire en bloc— c’est le père de la philosophie de l’histoire— ou se qu’il écrivit pour avaler sa théorie politique de la platonique société parfaite. Ainsi dans son 215! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou monumentale Ijtupjsft!eft!fyqsjfodft,49 nous pouvons trouver les deux illustrations: dans le tome initial— célèbre introduction connue comme la Muqaddima ou Prolégomènes— il développe sa théorie politique, d’indispensable lecture pour tout historien ou sociologue qui se respecte. Mais au long des volumes suivants, il nomadise— de façon permanente et à perpétuité— l’arabe. Ce penseur du social ne pouvait moins faire: son léviathanique traité nous offre essentiellement les termes du contrat entre un peuple soumis et le leader charismatique qui base son pouvoir sur la fermeté, de même que le pouvoir du peuple sur la texture de cohésion sociale— asabiya. Sa wjmmf!jebmf est la opo.wjmmf. La caravane, l’oasis de sincérité primitiviste, authentique. § 6. Ibn Kaldûn est l’antécédent direct de Rodolfo Valentino che- vauchant d’oasis en oasis. Cet historien, tunisien d’ascendance sévillane, citadin expérimenté de la seconde moitié de l’an 1300, désenchanté de polis et qpmjufttf- propose que l’essence de l’état islamique existe dans ce qui est arabe, qu’arabe est équivaut à bédouin, et bédouin équivaut à berbère. À ce moment-là, il vient d’achever le bouillon de culture de la propagande nord-africaine. Non: l’islãm est essentiellement sédentarisation urbaine. Non; les Arabes de la péninsule Arabique ne sont pas les Touaregs nordafricains. Et — enfin et définitivement—: les dynasties nord-africaines — Almoravides et Almohades— sont un élément absolument exotique dans l’islãm. Il est admis que tout auteur postérieur— dans ce cas, l’indispensable Ibn Khaldûn— doit compter avec des contingents berbères et avec les dynasties nord-africaines d’invasion— Almoravides, Almohades, Mérinides et autres— comme une normalisation absolue de ce qui sera arabo-islamique après l’an 1000. Mais nous devons admettre avec tout cela que les dynasties nord-africaines changent la structure sociale de l’islãm— fait d’une certaine façon discutable— et d’al-Andalus— indiscutable. Ils imprimeront du caractère, sans aucun doute;! mais ils représentent un composant exogène. 49 L’œuvre principale et monumentale d’Ibn Khaldûn, le Ljubc! bm.jcbs — littéralement „qjupn ou Dpotjesbujpot—, est traduit comme Ijtupjsf!eft!fy. qsjfodft— par ses protagonistes— ou comme Ijtupjsf!Vojwfstfmmf/ Le second est également correct, vu que le premier volume— Nvrbeejnb ou Qspmhpn. oft— est un très grand traité général sur l’historiologie. M֕mf!ev!kpvs!bwbou 216 Sa typologie ne nous sert pas pour comprendre celle du nord de l’Afrique de l’an 700. 3/2/9/!Mb!qspqbhboef!opse.bgsjdbjof § 1. Donc, nous pouvons déduire ouvertement que la très posté- rieure propagande nord-africaine a une certaine incidence en devenant touareg en tout, mue par la naturelle inclination légitime de dynasties qui depuis le désert contrôlent les cités du nord et passent à al-Andalus comme conquérants. De 1086 jusqu’à 1232, telle propagande imprègne toute chronique rédigée des deux côtés du Détroit. Très spécialement les Almohades— depuis la moitié de 1100— ils procèderont systématiquement à justifier leur invasion. Wv!rvf!opvt!tpnnft!nvtvmnbot— diront-ils en leur faveur— fu!jdj!jm!z!bwbju!eft!nvtvmnbot-!dfdj!oÖftu!qbt!vof!jowbtjpo/!L’affirmation antérieure est une des grandes tromperies interprétatives dans l’histoire d’al-Andalus. L’invasion allemande de Pologne fut-elle moins sanglante même s’ils coïncidaient en leur religion; celle de Napoléon dans la moitié de l’Europe? Nous suivons, dans ce cas, ancrés dans la stupidité des identités religieuses. Cpo-!dÖftu! rvf!mÖjtmŒn!ftu!ejggsfou. Et, ainsi, se complète la stupidité avec la tromperie déjà expliquée de l’aliénante nbusjdf!jtmbnjrvf. § 2. À partir de l’établissement nord-africain dans un al-Andalus accroché à nouveau de manière insolite à l’arabo-islamique par la greffe almoravide et almohade— la poussée castillane préalable est irréfrénable—, l’on repeint les blasons, en islamisant dans leurs chroniques tous les personnages de l’Hispanie. Mais la perception de ce qui est almoravide était— dans le meilleur des cas— comme: qjfe!‰!ufssf-!df!tpou!mft!ošusft. Que l’on en parle au roi de Séville, chargé de chaines par les Almoravides et emporté pour mourir dans une prison africaine. Ayant le couteau sur la gorge— et conscient de tout ce qui s’approchait—, il affirma cette phrase célèbre: kf!qs. gsf!‘usf!dibnfmjfs!bwfd!mft!Bmnpsbwjeft!rvf!qpsdifs!bwfd!mft Dbtujmmbot. Mais ils ne le laissèrent pas chamelier; pas non plus au roi Zîride de Grenade. Le trauma eft! jowbtjpot! opse.bgsjdbjoft est une des clés pour l’essence andalusíe: fmmft! buusjcvfou! mfvs! joepnqubcmf! tqdjßdju! ‰! vo! npoef! qsbmbcmf! cjfo! bttf{! uis, moins 217! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou reconnaissable comme strictement islamique ou arabe. C’est une hypothèse sans la volonté d’établir quoique ce soit de concret, mais il se peut que nous ne parlions même pas d’al-Andalus sans la carcasse islamisante des invasions almoravide et almohade. Le monde préalable péninsulaire serait resté inscrit dans l’histoire— nous continuons avec des hypothèses sans arriver à rien de concret— comme Venise orientalisée; une Sicile multiculturelle sans fttfouj. bmjtnf étranger à ce qui est antérieur et postérieur. 3/2/:/!Mb!ßmusbujpo!eÖbm.Boebmvt! § 1. A part de traiter avec plus de minutie le sujet de la filtration d’al-Andalus, il y a quelque chose que nous devons anticiper: dans cet ordre de choses, nous nous trouvons avec la même incertitude à la fin d’al-Andalus qu’à ses débuts. Pour ne pas croire à la brusque chute de rideau, il nous est très difficile de le projeter dans son issue. Une césure belliqueuse transcendantale comme l’instauration des royaumes de Taifas en 1031, une Séville chrétienne depuis 1248, une Grenade finalement chrétienne en 1492… Vraiment pouvonsnous lire de façon linéaire et séquentiellement les évènements si éloignés entre eux dans le temps en prétendant qu’il s’agit de la décadence d’al-Andalus? Parce que le temps qui sépare de tels évènements est— hspttp! npep— celui qui sépare, par exemple, la découverte de l’Amérique à la guerre de Sécession nord-américaine et celle-ci au collapse des Tours Jumelles. La différence des dates est pareille, nvubujt!nvubo. ejt. Non, une fin d’al-Andalus si longue n’est pas une fin. L’on dirait— comme nous l’annoncions— donc, qu’il eut une nbvwbjtf!tbou!ef! gfs. Ou bien, que la supposée Reconquête laisse beaucoup à désirer— Ortega y Gasset questionnait déjà une reconquête si longue. § 2. Nous partîmes donc de la dissolution progressive d’al-Andalus. De sa filtration par les méandres de l’histoire postérieure, plus crédible— dans n’importe quel cas— que sa possible évaporation, de même que — d’après ce qu’offrent les chroniques arabes— les Wisigoths s’étaient évaporés. Et, en avançant à travers de ces vétilles, lentement nous devons déduire qu’al-Andalus s’appela un jour Séfarade, et un autre jour aussi Grenade et un autre jour Espagne. Et il faudra tisser assez fin, parce que cela ne case pas: qu’un mode de M֕mf!ev!kpvs!bwbou 218 vie si spécifique se retira dans des ouvrages d’artisanat des Maures de l’Alpujarras comme héritage exclusif. Il faudrait peut-être relire l’histoire d’Espagne en partant de quÖbm. Boebmvt!ubju!ek‰!jots!ebot!mb!hosbujpo!rvj!fyqvmtb!mft! Nbvsft. Que le Gran Capitan rasa dans les Flandres avec une cavalerie légère d’inspiration andalusíe. Que les juifs expulsés par les Rois Catholiques déambulèrent en Europe avec al-Andalus dans leurs besaces. Que dans les cales des bateaux qui allaient en Amérique apparurent des livres avec des poèmes d’Ibn Quzman— ou Guzmán—, malgré la macabre blague historique de la qvsfu!ev tboh. § 3. Ici commence une nouvelle odyssée andalusíe: la lecture comparative d’une époque que nous croyions étrangère. Nous essaierons de centrer cela en trois courants d’interprétation, symboliquement représentés par chacun de leur concept: le courtisan Ibn al-Khatîb, l’averroïsme à la Sorbonne et l’érasmisme espagnol. D’Ibn al-Khatîb — polygraphe de Grenade nous devrons souligner qu’il écrivit la même chose— en concept et en application— que Machiavel— Mf! qsjodf — ou Balthasar de Castiglione— Mf!dpvsujtbo. Ibn al— Khatîb est-il un écrivain andalusí, ou de la Renaissance européenne? Suivant notre modeste opinion, celle-ci est une des questions de l’héritage andalusí, vu que ce sont les deux choses en même temps. Parce que peut-être — la Renaissance en Espagne ne pris pas autant de retard que dans le reste de l’Europe— selon ce que déduisent les experts. Peut-être — continuons-nous — parce qu’elle commença en arabe. Il est possible que nous puissions donner une tournure intéressante à l’expression de Karl Vossler— première Renaissance— et normaliser— rendre européenne— la culture andalusíe. À part Ibn al-Khatîb — de tout ce qu’implique pour la opsnbmju! fvspqfoof! boebmvt“f une figure de la Renaissance en arabe—, nous avons insinué des applications postérieures: averroïsme à la Sorbonne et érasmisme.!Effectivement, au sujet du premier, l’étude d’Averroès fut interdite dans l’Université française de la Sorbonne— Paris— du XIIIème siècle pour ce qu’elle impliquait de progressisme philosophique. Nous insistons sur cela: elle fut interdite à Paris non au Caire ou à Bagdad, où il ne fut jamais lu.50!Véto et opposition an50 C’est là une affirmation faite une peu à la légère, mais consciente. Nous opinons avec Bassam Tibi, que ce que l’on a appelé averroïsme-rationalisme, 219! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou ti-averroïste avec quoi certains intellectuels espagnols— Raymond Lulle, presque rien!— étaient d’accord. § 4. Il n’apparaît donc pas, que l’histoire d’Espagne de ces tempslà soit exclusivement une séquence de lieux, capitulations et expulsions. L’histoire des idées était en pleine effervescence, ce qui nous achemine vers le dernier élément de la possible filtration andalusíe— en triple saut de la mort qui méritera un filet à un moment donné—: la troisième Espagne, érasmienne ou illuminée, éthique et condescendante face à l’intégrisme national-catholique. Le converti admet des formalismes changés— rituels—, mais il a besoin d’un fondement éthique qui lui permette de garder des lignes de foi apparemment différente. Cette floraison inusitée— exclusivement en Espagne— de l’érasmisme comme illumination éthique du christianisme; cette uspjtj. nf!Ftqbhof, la triste et illustrée, ne provient pas en exclusivité des vérités enterrées— les mensonges arrachés— par le Saint-Office. Il y a quelque chose de préalable, latent, qui dans sa connexion européenne et le phénomène catalyseur de l’foofnj!uvsd terminera par créer de nouvelles spécificités. Islãm et judaïsme— al-Andalus — en alimentant l’essence catholique d’Espagne, celle qui s’opposera à la Réforme? Ceci dit; c’est une heureuse et traditionnelle incohérence. C’est seulement en Espagne que l’on parle de qjodip!npsvop (chiche kebab), un supposé héritage islamique sous réserve— de que rien ne peut être obvié, et qu’en plus— ici en Espagne, celui-ci se prépare avec de la viande de porc. 3/2/21/!MÖfyqspqsjbujpo!eÖbm.Boebmvt § 1. Finalement dans notre arsenal du décalogue, il ne pouvait manquer cette expropriation andalusíe. La consolidée et illuminée revendication en dehors des succès et des fracas de cette réalité historique appelée al-Andalus par l’islãm extraterritorial. La phrase libéralisme scolastique— est la matière en suspend dans le développement intellectuel islamique postérieur à celui que l’on qualifie d’qprvf!boebmvt“. Voir: Bassam Tibi Mb!dpotqjsbdj˜o/!BmÒ!nv!Õbnbsb. Fm!usbvnb!ef!mb!qpm“ujdb!ˆsbcf. Barcelona: Editorial Herder, 1996. Aussi: Mohamed Abed Yabri, Fm! mfhbep! ß. mpt˜ßdp!ˆsbcf;!Bmgbsbcj-!Bwjdfob-!Bwfnqbdf-!Bwfsspt-!Bcfokbmeo. Lecturas contemporáneas. Tr. Manuel C. Feria García. Madrid: Trotta, 2001. M֕mf!ev!kpvs!bwbou 21: d’un Pakistanais: rvf!ef!hsboeft!diptft!opvt!g•nft!ebot!bm.Bo. ebmvt! Dans ce opvt!g•nft si significatif comme indicatif: que cherche l’islãm contemporain dans al-Andalus? Parce que la référence, loin d’être irritante, pourrait-être flatteuse et agréable. L’exemple d’al-Andalus pour l’avenir. Mais ne nous mettons pas encore dans l’histoire-fiction. Malgré tout, l’on peut anticiper tout ce que l’on veut montrer d’une façon cadencée et que l’on annonçait par am.Boebmvt!ftu!qpvs! dfmvj!rvj!fo!b!cftpjo/ De certaines œuvres de Martínez Montávez, nous arriverons à mettre en tension la perception de ce qui est andalusí a d’arabe et d’islamique contemporains— des réalités pas forcément coïncidentes. Face à cela, le mépris avec lequel se vante l’Occident, comme pour s’abriter devant de nouveaux— et déjà vociférés— àbv!ef!tbvufsfmmft. 3/3/!Nzuift!gpoebufvst § 1. Partons de l’idée communément admise; le mythe fondateur d’al-Andalus: la péninsule Ibérique fut conquise par les musulmans en trois ans à partir de sa fulgurante victoire dans la bataille de Guadalete— l’an 711—, où mourut le roi Rodrigue, dernier monarque wisigoth. Et maintenant contrastons les idées annoncées: à cette époque, l’islãm n’était pas suffisamment constitué ni dogmatiquement, ni juridiquement, ni politiquement comme pour pouvoir classifier ce qui se produisit en Hispanie de la même manière— qu’à la longue— l’Espagne le fera en Amérique, l’Angleterre en Inde, ou— au moins— l’Allemagne en Pologne, le Japon en Manchourie, ou les États-Unis en Irak. Parce qu’il faut un état— ou l’appui d’un état— pour procéder à une invasion systématique. Les incursions et le pillage ne sont pas des invasions. D’autre part, l’Hispanie n’était pas une terre en jachère dépeuplée et le nord de l’Afrique ne l’était pas non plus; et anticipons qu’aux légions romaines il leur fallut deux cents ans pour réaliser ce que les chroniques arabes postérieures adjudiquent à l’islãm en trois cents ans. Il y a cependant un petit inconvénient: il n’y a pas de documentation de l’époque. Conclusion apparente: tout est un mensonge. § 2. D’accord, mais al-Andalus exista. Ce qui est sûr et certain c’est qu’il y a des preuves dignes de foi qui, à partir de — approximati- 221! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou vement— l’an 850, la péninsule Ibérique commence à se situer— culturellement, politiquement et religieusement— dans le sein de l’islãm et ce qui est arabe, quelque soit ce que cela signifie. En un siècle et demi, l’Hispanie change de foi, de langue, de population— ce dernier point, suivant ce que démontrent les livres sur les lignées arabes. Même avant ces dates— à la moitié des années 800— il est évident et démontrable que ce qui est hispano-romain avec une élite coercitive originaire du centre de l’Europe— wisigothe— s’est transformée en arabo-islamique avec une élite coercitive originaire du Moyen-Orient— Syrie, Omeyyades. Avec les nuancements que nous inclurons. L’on comprend l’aliénation des chroniqueurs latins non arabisés qui écrivent à partir de zones marginales de ce qui était islamique. L’on n’a pas la présomption d’une transition ni d’une évolution à partir de quelque chose de concret. Il n’y a pas de fins ni de processus cohérents: l’Hispanie a été ravie. Les Wisigoths: c’est fini, comme finirent les dinosaures. Surgit l’explication du feuilleton— la trahison d’un hypothétique comte Julián; réellement un homme peut-il vendre un État?— et la raison religieuse: le cauchemar peut être seule l’œuvre du diable, qu’aurons-nous fait pour mériter cela, comment pouvons-nous reconquérir ce qui a été perdu? Le traditionnel ‘usf!‰!opvwfbv!df!rvf!opvt!gŸnft de l’Espagne qui réinvente sa tradition à chaque présent incommode. § 3. À partir du moment que nous citions auparavant— aux alentours de l’an 850—, il y a une documentation à propos de révoltes, désobéissances civiles et luttes pour le pouvoir dans une grande partie du territoire hispano-andalusí, mais elles ne s’éloignent pas — en général et au point de vue générique— de ce qui est commun dans le reste du monde dans des états plus ou moins vertébrés. Elles ne reflètent pas le rejet usuel à une occupation militaire soudaine, mais plutôt la traditionnelle insoumission— dans des zones concrètes— de personnages ou contingents face au centralisme: soulèvements, pronunciamientos et insurrections Mais— à nouveau— cela ressemble plutôt à un mécontentement contre le pouvoir établi qu’au rejet d’une invasion étrangère. Peut-être, finissant le verre jusqu’à la lie, la coïncidence des insurrections à la moitié des années 800 pourraient faire penser que rvfmrvf! diptf! ef! djsdpotubodjfm existant déjà— présence mu- M֕mf!ev!kpvs!bwbou 222 sulmane, prééminence de Cordoue— est en train de passer à être qsjpsjubjsf — contrôle islamique, centralisme cordouan. En réalité, ce qui arrivait dans al-Andalus était arrivé avant en Orient avec ce que l’on a appelé mb!swpmvujpo!eÖBce!bm.NŒmjl! — d’une éminence telle que nous lui consacrons après un alinéa—: seulement au début du VIIème siècle— avec un al-Andalus supposément déjà conquis— commencera Damas son arabisation et islamisation sérieuse. Parce que — ne l’oublions point— Damas était la byzantine— hsdp.qbs. mbouf!— dans un environnement de menace sassanide— gbstj.qbs. mbouf/ Et elle est très loin de La Mecque et de Médine. § 4. Oui; probablement la progressive et éthérée présence orien- talisante commença à être évidente, plus arabe, plus musulmane. Mais cela continue à être normalité critique; cela continue sans que l’on est constance de quelque chose essentiel qui nous renvoie clairement à un lever de rideau un siècle avant: y eut-il une invasion dans un territoire culte et développé sans que sa population réagisse au-delà d’une bataille à Guadalete? Pelayo était-il le seul péninsulaire qui était gêné que quelqu’un entrât dans sa maison, cassât ses structures familiales, transformât son église en mosquée et prélevât des impôts spéciaux dans une autre langue? Il y a quelque chose que taisent les chroniques. Ou, d’après ce qui est connu, le supposé désastre de l’an 711 ravissait réellement à l’Hispanie, laissant derrière un subit Hamelin comme s’il s’agissait d’une région froide et désolée, là où il y eut des armées, des écoles de penseurs, des canaux écrits de transmission du savoir, une personnalité culturelle. Et tout cela partagé— au moins en profonde relation— avec un autre Hamelin subit— également désert— dans le nord de l’Afrique. Pour le reste, c’est un fait communément admit et généreusement prouvable— démontrable— l’existence d’al-Andalus comme spécificité culturelle et politique située dans la péninsule Ibérique. Ensuite, deuxième conclusion: oui, ce qu’ils racontent exista. Ce qui se passe c’est qu’il n’exista pas comme ils le racontent. L’erreur interprétative de prétendre comprendre al-Andalus c’est à partir du mythe de la conquête fulgurante, et ne pas qsfoesf ef!m֏mbo dans l’Hispanie préalable, mais en plus très antérieure. Ou nous levons le vol pour remonter et lire dans son ensemble, ou nous avalons comme nous pouvons que des extraterrestres occupèrent l’Espagne 223! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou et furent expulsés huit siècles après, même s’il n’apparaît pas non plus de telles déportations massives. § 5. C’est en ce point où casent à la perfection les doutes raisonnables de Ignacio Olagüe dans un livre traditionnellement méprisé que les érudits superficiels ont tendance à ne pas lire: Mb!sfwpmv. dj˜o jtmˆnjdb!fo!Pddjefouf.51 Olagüe, sans être arabiste ni islamologue— ou peut-être pour cela même—, flaira de grosses brumes et arriva à certaines questions. Il capta à la perfection de quelle manière l’islãm se cristallisa beaucoup plus tard dans al-Andalus— et non pas en l’an 711-; il mit en quarantaine cette prétendue invasion, et normalisa— pour l’intérêt de l’Occident— l’apport culturel et civilisateur andalusí. À partir d’ici, il est possible que son obsession pour la religion comme idée-force le rapprocha trop de ce que nous critiquions au sujet des identités culturelles basées sur la religion, mais peu importe: Olagüe est un des rares auteurs qui décidèrent de faire le tour des choses, au lieu de— simplement— couper et coller les données. Essentiellement, Ignacio Olagüe se centra dans des idées— questions variées bien posées et rédigées en une prose que beaucoup de ceux qui le méprisaient n’auraient pu imiter. Avec l’excuse argumentaire de déchiffrer l’énigme historique cachée derrière la forêt de colonnes de la mosquée de Cordoue, il arrive à dire que le 51 Córdoba: Plurabelle, 2004 (1970 1). Ignacio Olagüe (1903-1974) est un inclassable, et peut-être pour cela l’on n’admet pas son apport intellectuel au-delà de certaines citations occasionnelles arrachées d’un mauvais résumé de son œuvre publiée en français: Mft!bsbcft!oÖpou!kbnbjt!fowbij!mÖFtqbhof, grâce à Jean Baert et — paraît-il— sur commande de Ferdinand Braudel. Le mépris pour l’auteur répond, en premier lieu, à ce que, dans l’environnement universitaire l’on ne pardonne jamais: Olagüe ne provenait pas de l’Université. Et c’est que cet auteur commet la plus grande offense concevable pour une bande de voyous universitaires: venir du dehors et poser des questions. En plus, sa vie intéressante ne peut être absolument pas classée, et cela est également impardonnable pour les entomologistes d’auteurs, de courants et d’écoles. Il fut l’un des premiers de la JONS— Juntas de Ofensiva Nacional-Sindicalista— cependant il n’avait pas la prétention de réaliser des croisades et respectait scrupuleusement la vérité religieuse de l’islãm, dont il démontra connaître l’origine théologique infiniment mieux que la tripotée des transmetteurs de clichés. Il avait écrit sur la décadence espagnole, et il avait un intérêt égal pour l’histoire que pour les mathématiques. Ou les ciné-clubs car il fit de tout, comme un homme inquiet et éveillé. À nouveau: inclassable et — donc— incommode. M֕mf!ev!kpvs!bwbou 224 temple ne fut pas conçu comme mosquée, parce que son plan et sa distribution ne correspondent pas avec ceux des mosquées. Qu’elle put être un centre arien— hérésie du christianisme fortement enracinée dans l’Hispanie wisigothe-; et que le qptu.bsjbojtnf!ubou! qpvstvjwju!jm!qvu!bqqbsb•usf!vo!boujtmŒn!swpmvujpoobjsf/! § 6. L’idée n’est d’aucune façon dédaignable et— incidemment— nous croyons qu’elle connecte avec une réalité incommode autour de laquelle nous devons tourner et retourner; la véritable origine de l’islãm. La façon avec laquelle l’on doit le voir comme héritage judéo-chrétien contre le contexte nomade-païen, et non pas comme héritage nomade opposé à un contexte judéo-chrétien. C’est dommage que l’on ne puisse échanger des opinions— sur ceci et beaucoup d’autres thèmes— avec Ignacio Olagüe, mais nous partageons sa théorie illuminatrice sur l’islãm comme profession de foi née dans une ambiance de sincère opposition au dogmatisme trinitaire chrétien. Il s’agirait d’une religion illuminée par une révélation concrète— la coranique— mais qui surgit de l’affrontement entre mft! vojubjsft— les ineffables ibo•gft du Coran, plus un amalgame de juifs, néo-musulmans, chrétiens non dogmatiques comme le nestorianisme, l’arianisme, le donatisme, le priscillianisme contre mft! usjojubjsft— Concile de Nicée; dogmatisme chrétien imposé par la force des armes contre les istjft citées. Le lecteur pensera: que devient al-Andalus? D’ici nous enchaînerons précisément parce que l’Hispanie était une enceinte d’affrontement entre vojubjsft— une seule personne divine— et les usjojubjsft— l’élucubration symbolique du Père, du Fils et du Saint Esprit. Doit-on demander en passant: y a-t-il quelqu’un qui se soit arrêté à faire cette lecture du Coran? Parce que toute la narration coranique est une intelligente réponse militante à cette diatribe. Mf!Dpsbo!ftu!vof!ejttfsubujpo! jmmvnjof!bsjfoof/!DÖftu!vof!qspdmbnbujpo!qpujrvf!ef!mb!tpmj. uvef!ef!Ejfv/ § 7. Bien sûr; ici apparaît trois problèmes: le premier est que maintenant personne ne sait rien de l’histoire de l’Église ou des idées religieuses en général, et ceci est comme un terrain engraissé pour les prédicateurs de quartier, muftis de vacances d’été et de la Sociologie superficielle. Nous avons éloigné dans une telle mesure 225! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou l’histoire des religions de nos amphithéâtres— convertis en atelier ludiques/politiques de formation professionnelle aliénante—, que nous ne comprenons rien de la raison profonde des choses. Le deuxième problème c’est que les connaisseurs des idées religieuses dans le passé furent toujours apologistes d’une religion concrète: la catholique. Menéndez y Pelayo est disqualifié pour son absurde militance national-catholique. Mircea Elíade pour son transcendantalisme proto-hippie — l’on ne lévite pas tant que cela lorsque l’on prie. Le christianisme ne peut pas être la passion mythique; l’islãm ce n’est pas la cuite du Dieu des derviches. Spengler, pour l’obsessive pondération— quasi jésuitique— du barème économiste dans l’évaluation des cultures. À ces auteurs il faudrait ajouter une foule de militants à faveur ou contre le christianisme ou l’islãm, sans que personne ne se soit arrêté à, simplement, traiter de connaître leur évolution réelle. En troisième lieu, et en analysant l’époque qui nous occupe— les années 700— l’on peut imaginer que dans chaque habitant de l’Hispanie il n’y avait pas un théologien, et le moteur de l’histoire ne peut être— conséquemment— seulement une inquiétude religieuse. Complètement d’accord; mais dans l’histoire des idées religieuses, ce qu’il y a de moins c’est de la religion. Dans la diatribe entre trinitaires— le pouvoir— et unitaires— nombreuses oppositions au pouvoir—, l’on exécutait ceux qui ne suivaient pas les directives dogmatiques du christianisme élevé à Byzance en idéologie d’État. Souvenons-nous de ce que nous annoncions au début: la théocratie naquit de l’Évangile à Byzance, non pas du Coran à Bagdad, qui— finalement— hérite seulement ce modèle d’état. En conclusion, la théologie peut ne pas inquiéter préalablement l’âme du citadin, mais cela peut le gêner lorsque l’on décapite l’évêque de son diocèse, et que tel fait génère une mobilisation sociale. § 8. À nouveau: al-Andalus est orphelin sans remonter à la réalité de l’Hispanie et du nord de l’Afrique très antérieures. L’insistance pour le nord de l’Afrique est due à la connexion entre-elles à l’époque et à cause du fait inévitable de que quels qu’ils furent ceux qui— séquentiellement— entrèrent dans la péninsule de 711 à 850, ils le firent par ce chemin, tel qu’ils continueront à le faire après. En tout cas, nous essaierons d’arracher le moment venu non seulement la réalité historique de l’Hispanie, mais en plus la raison M֕mf!ev!kpvs!bwbou 226 unitaire et antitrinitaire de l’islãm vu que n’importe quelle lecture intelligente du Coran nous amène aux mêmes raisons que Olagüe lorsqu’il insinue l’islãm par contagion et solution, plus qu’exclusivement par la force. Pour l’instant, ce qui nous intéresse le plus c’est la lecture que fait cet auteur de l’histoire à travers l’art. Concrètement il réalise une lecture énigmatique et intéressante de la mosquée-cathédrale de Cordoue avec laquelle nous sommes d’accord: ni mosquée, ni cathédrale, mais plutôt un incontestable symbole de la porosité andalusíe. Vraiment, la forêt de colonnes de la mosquée cordouane n’évoque pas un temple d’offices ni chrétien ni musulman, dans lesquels l’attention doit se fixer vers l’autel/mihrab et/ou l’officiant. Non; dans la mosquée de Cordoue l’on ne voyait pas celui qui parlait. La célèbre forêt de colonnes dont nous avons parlé est plus propice à l’intériorisation de l’âme, non à l’extériorisation demandée dans les offices communautaires de n’importe quelle des deux formes de foi citées. C’est un temple de et pour l’être humain, non pas nécessairement pour le Dieu lointain des théocraties d’usage. C’est une fuite spirituelle, une réaction individuelle, non un hommage étatique. L’anthropocentrisme européen commençait-il? Suivant notre modeste opinion, sans aucun doute. Mais— à nouveau— telles affirmations doivent être ajournées pour l’instant. 3/4/!Mb!dbwbmfsjf!njsbdvmfvtf § 1. Une conquête, ainsi, miraculeuse— 711-; un désastre survenu, une mosquée de Cordoue et autres édifications— après viendront, s’ajoutant à cela, Madînat al-Zahrã’, Madînat al-Zahirã’ ou l’Alhambra— dont les constructions sont toujours entourées de l’inévitable halo magique des grandes œuvres orientalisantes…: il y a une étrangeté permanente andalusíe. Un indéfectible froncement de sourcils étant donné qu’un arc outrepassé (en fer à cheval) en Espagne nous ramène à une époque d’abduction. À cet état d’opinion qui apprit à lire la conquête islamique comme un fléau de sauterelles qui s’abattit sur l’Occident. Mais si l’on nous dit que, pendant le règne du Goth Receswinthe— aux alentours de 661, cinquante ans avant l’invasion islamique— l’on employait déjà l’arc outrepassé dans la construction d’une église dans l’actuelle Venta de Baños, il est assez cohérent 227! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou de penser que les musulmans ne furent pas ceux qui apportèrent l’arc outrepassé. Et commence un jeu intéressant— décourageant pour les chasseurs de sorcières— à la fin duquel nous devrons situer l’Hispanie des années 600— notre future •mf!ev!kpvs!bwbou— à la hauteur de son temps convulsé et dans une situation de mutation induite vers l’andalusí. Parce que la transformation de l’Hispanie en al-Andalus se fait de l’intérieur, malgré que toute croissance— biologique, interne— se produise en transformant et assimilant l’alimentation— qui vient du dehors. § 2. Comment se produira cette transformation de l’Hispanie en al-Andalus? De la même manière que celle de l’Iberia à l’Hispanie ou al-Andalus à l’Espagne, et comme se produisent d’habitude les transsubstantiations des choses: tangentiellement, non dans la ligne droite de l’explication lourdaude et militariste de l’histoire du monde. L’Hispanie changea son essence pour maintenir son existence; paradigme de limes, terre frontalière de ce que l’on a proclamé porosité hispane. À la longue, le rouleau compresseur trinitaire, idéologie essentialiste romaine— déjà sous l’influence de Byzance— provoqua le second grand schisme méditerranéen: l’unitarisme pris le maquis face à l’impossibilité de pouvoir continuer à s’appeler chrétien sans admettre la Trinité. L’islãm impérial héritait la moitié de Rome, et basait sa force— quand n’en fut-il pas ainsi?— en démontrant son pouvoir au milieu d’une longue lutte de classes. Nous disons le second grand schisme, parce que le premier avait été la division entre l’Orient et l’Occident romain. De cette façon, toutes les idéologies sectaires— au début sincèrement chrétiennes dans une époque de décantation dogmatique— purent trouver leur place dans une foi simple et universaliste qui proclamait seulement le pouvoir universel de ce qui est incompréhensible: le destin associé à l’image récurrente de Dieu. Bientôt arrivera l’époque de son propre dogmatisme islamique; bientôt la nouvelle foi réutilisera des vieux moules, parce que— indéfectiblement— en tout temps et tout lieu la maxime d’Hobbes est toujours applicable: de que mÖipnnf!ftu!vo!mpvq!qpvs!mÖipnnf. Mais ne dépassons pas les processus. Restons seuls dans la difficile explication cohérente face au mensonge tranchant. La question face au coup de poing sur la table. M֕mf!ev!kpvs!bwbou 228 § 3. En l’an 632 meure le prophète Mahomet et, après une sanglante guerre civile, entre deux empires en pleine apogée, hostiles et opposés —Byzance et la Perse des Sassanides— sans un Coran recueilli jusqu’un demi-siècle plus tard, apprenant la langue des peuples à travers desquels ils passèrent pour pouvoir se diriger dans leur propre structure proto-étatique —tantôt le perse, tantôt le syriaque, tantôt le grec— il en ressort que les successeurs de ce prophètehomme d’état52 —ses contemporains— éperonnèrent des montures et n’eurent pas le temps de se ravitailler plus ou moins que jusqu’au frein de Poitiers —France, où la tradition raconte que Charles Martel apaisa l’avance islamique—, exactement cent ans après —732—. Qui s’est arrêté à regarder la carte? Ceci, que Lévi-Provençal dénommait le miracle historique,53 doit peut-être, simplement, être rejeté comme illogique. Comme non scientifique. Comme citation d’une citation sans fondement. Comme mythe: intéressante comme explication symbolique, mais que l’on ne peut estimer comme vérité. Cette avance— plus ou moins apocalyptique de la cavalerie arabe et son brusque arrêt, sauveur, à Poitiers le 25 Octobre 732 est une des fantaisies toute faite des plus établies dans l’esprit, non seulement du peuple simple arabe— chose qui pourrait se comprendre—, mais aussi chez les plus illustres universitaires occidentaux,54 inter52 Nbipnfu-!qspqiuf!fu!ipnnf!e֏ubu!est le titre du célèbre livre de W. Montgomery Watt. L’expression est, en soi, le doute méthodique qui alimente un très long et intéressant exposé: que fut avant tout Mahomet, un homme de foi ou un chef caravanier insurgé? Qu’était-ce le plus important en lui? Pour une question mal cicatrisée, nous pouvons dire que s’il passa à l’histoire cela fut par la prophétie. Et, de toute façon, le fait qu’il fut prophète et patriarche à la fois n’implique pas que l’islãm doive adapter ceci comme substantielle démonstration de sa présumée identité politico-religieuse. Ce serait comme prétendre que le Pape doive toujours être menuisier ou pêcheur, d’après ce que racontent les Évangiles. D’autre part, les religions sont ce que veulent leurs fidèles qu’elles soient. Ce qui commença comme militant peut être un jour piétiste, et vice versa. La lecture traditionnelle du piétiste chrétien face à la militance islamiste coule de source si l’on connaît moyennement l’histoire. Celle-ci, parfois, doit se lire pour le simple fait de savoir où nous ne voulons jamais retourner. 53 Lévi-Provençal, Ijtupjsf!eft!nvtvmnbot!eÖFtqbhof. Paris: Maisonneuve, 1950. Vol. I, page 2. 54 Général Bremond, Cfscsft!fu!bsbcft. Paris: Payot, 1950. Après l’avance dans le désert nord-africain pendant la IIème guerre mondiale— au front de contingents alliés contre Rommel—, ce général se demanda qui peut croire le 229! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou prétateurs de ce que l’on appelle mf!gbju!jtmbnjtuf/ Olagüe l’expose magistralement— dans sa prose soignée et ingénieuse, comme c’est habituel chez lui— dans des termes, plus ou moins comme ceuxci:55 les chroniqueurs nous disent— et ce qui est encore plus inouï, si l’on peut dire; ceci est respecté par les spécialistes— que, par exemple la ville de Tunis actuelle serait tombée définitivement dans les mains de l’imparable cavalerie arabe en l’an 701. Évidemment les musulmans durent se mettre à courir, car il leur restait des milliers de kilomètres, une mer, et seulement dix ans pour les dominer. En une décade jusqu’à l’an 711, ils ont seul le temps de ramasser au vol les clés des villes dans lesquelles ils passent et placer des prédicateurs de l’islãm dans chaque village. Pas question de permission pour les troupes. § 4. Si ces masses envahies n’ont pas le temps de résister, les troupes en ont encore moins pour retourner chez elles. Que les cavaliers arabes oublient pour toujours leurs familles. L’Arabie était restée dépeuplée et sa population s’était multipliée à l’extérieur. Ils n’avaient pas le temps; même pas pour s’arrêter pour lutter, ou pour penser combien de gens et d’années il faut pour prêcher dans chaque village ou pour en finir avec la plus petite résistance. Parce qu’ils ne pouvaient pas se retarder: ils avaient un rendez-vous inéluctable avec les historiens à Guadalete, en 711, où l’on assume que l’Hispanie tomba. Et les historiens n’attendent personne. La référence n’est pas amusante; elle est pathétique. Les dates ont été ajustées après, sans le plus petit contraste scientifique des chroniques qui les font apparaître— en tenant compte que toutes les chroniques sont tardives, c’est-à-dire que l’on aurait du se méfier par principe. Et le processus est similaire aux nouvelles de l’Ancien Testament: de Adam et Ève à la diaspora juive en quelques milliers d’années: devons-nous ajuster l’histoire pour des impératifs religieux-politiques aux dates du présent que nous connaissons, et d’ici retourner en arrière jusqu’à ajuster en années complètes la miracle de la cavalerie arabe. Le général était conscient de l’impedimenta dont a besoin une cavalerie, les difficultés d’embarquer des chevaux, l’énorme quantité d’eau qu’ils doivent emmener dans leur avance… Le général Bremond se pose la question au niveau de la mobilité d’un régiment moderne; la difficulté se multiplie avec les capacités proto-médiévales. 55 Ignacio Olagüe, Mb!sfwpmvdj˜o!jtmˆnjdb… pág.36. M֕mf!ev!kpvs!bwbou 22: création du monde? Puisque nous disons que les patriarches vivaient neuf cents ans, ainsi les comptes générationnels cadrent parfaitement. Nous arrondirons avec Mathusalem. D’une façon similaire, les chroniques arabes du Xème siècle et les postérieurs devront justifier et normaliser— comme de bons moyens de propagande— l’arrivée de nouveaux contingents à al-Andalus non aussi drastiquement islamisés comme l’on nous raconte. Cela arrivera encore plus avec l’entrée des Almoravides, Almohades, Mérinides et tant d’autres invasions non censées. § 5. Les chroniques rétro-alimentent la mémoire historique faisant beaucoup plus longue la présence militaire et islamique dans la péninsule Ibérique. Que la façon de le faire est grâce, plus tard, à la longue et miraculeuse ombre d’une islamisation de deux siècles, parce qu’elle se consuma en trois ans, de 711 à 714? Le philologue, traduisant la propagande comme vérité, sans s’arrêter à penser que signifie arriver de La Mecque et Médine à Damas et de là à Poitiers— pour ne parler de comment se renverse la carte vers l’Orient— en moins d’un siècle. Et ce qui est miraculeux n’est pas le fait en soi, ce serait vaguement plausible vues les circonstances: partant de conquêtes dans ce que l’on appelle mÖfggfu! epnjop social, comme celle que l’on nomme des qfvqmft!ef!mb!nfs dans l’histoire Antique du Proche Orient ou celle des Cbscbsft centre-européens dans les mjnft de Rome— déplacement de processus migratoires, pression conséquente répondant à la pression causale: l’Arabe pousse l’Egyptien, celui-ci le Tunisien, qui lui-même pousse l’Algérien et ainsi jusqu’à Don Pelayo. Non; ce qui est miraculeux c’est qu’arrivent des troupes avec des milliers d’effectifs, avec des chevaux, avec une religion établie et une langue consolidée. Et depuis 711 jusqu’à 756 se produisent, dans l’Hispanie ravie, des guerres civiles. Mais— ceci est ce qu’il y a de miraculeux— ces guerres ne sont pas entre clans wisigoths— parce que les troupes wisigothes se volatilisent, elles disparaissent, elles s’évaporent. Même pas les Byzantins, car les historiens les font disparaître de la circulation. Ou, que pouvons-nous imaginer, entre les avances lusitaniennes et hispano-romaines; quelque réduit suève en Galice, des Francs infiltrés dans les Pyrénées… 231! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou § 6. Absolument pas: selon les chroniques, il n’y a déjà plus personne dans la péninsule avant 711. Dans ce demi-siècle de guerres civiles— selon les chroniques postérieures— celles-ci se produisent entre familles…de la péninsule Arabique! Kalbíes et Qaysíes— nord et sud de l’Arabie. Mais: combien de personnes vivaient dans cette péninsule centrifugeuse? Personne ne resta à la maison? Personne ne se répartit de par le monde, tous vinrent à al-Andalus afin de continuer leur bagarre pour les puits et les chameaux? Et ce qui est encore plus miraculeux, personne d’autre n’intervint dans les querelles entre voisins qui proviennent d’un désert à cinq milles kilomètres? Il n’y avait personne d’autre dans l’antique Hispanie, la terre que Rome conquît en deux cents ans, passant par d’inusitées résistances de Numance, de la même manière que les Carthaginois passèrent par celles de Sagonte? Faut-il vraiment continuer à étriper les sources truquées— truffées de propagande islamiste— sans lever le nez et lire entre les lignes? La chose s’aggrave encore plus lorsque l’on constate que l’on a conservé des sources— également peu fiables, mais au moins reconnaissant des difficultés— relatives à la conquête lente et compliquée du nord de l’Afrique. Mais bien sûr que ce fut difficile. Comme c’est le cas d’une conquête qui n’est pas une invasion miraculeuse. L’avance de l’islãm par le nord de l’Afrique est seulement compréhensible imaginant qu’elle dût être comme l’avance dans l’Hispanie: plus comme une longue séquence d’aventures isolées plutôt qu’une conquête et invasion préméditée. Plutôt la solution naturelle d’un siècle de guerres civiles que de deux adversaires cherchant querelle. Al-Andalus et le Maghreb renferment plus d’intérêt historique dans la relève de Rome ou leur naissances comme évolution— respectivement— de l’Hispanie et de la Mauritanie Tingitane, que tombés du ciel par l’opération de cavaleries miraculeuses. 3/5/!Mf!ufssbjo!psjfoubm!fo!kbdisf! § 1. Année 642 de l’ère chrétienne. Cela fait dix ans que mourut Mahomet. Les Arabes— soi-disant — prennent Alexandrie. L’Égypte n’est pas un lac de paix; ni un monolithe païen ou un emplacement de l’Age de la Pierre dont les habitants pourraient être trompés par les néophytes musulmans avec des bagatelles apprises en dix ans d’illumination divine— hypothèse culturaliste. Non; quand l’on M֕mf!ev!kpvs!bwbou 232 écoute des légendes il faut savoir que l’on est en train d’écouter des légendes. Si je lis que les murs de Jéricho furent abattus par le son des trompètes, il y a seulement trois raisonnement collatéraux possibles: un; c’est un mensonge— je perds l’information subliminale; la vraie charge sémantique de toute l’histoire. Deux; j’admets que c’est une légende— il faudra chercher son sens symbolique. Trois; les murs devaient être sur le point de s’écrouler et ce fut une coïncidence— lecture d’un ingénieur: je reste sans information subliminale, sans questionnements sur la vérité ou le mensonge, sans légende et sans murs. La légende de la conquête islamique d’Alexandrie est un exemple du triomphe de la foi simple— l’islãm— sur les élucubrations théologiques. Il s’agit des célèbres ejtdvttjpot!cz{boujoft, en fin de compte causatives de beaucoup de persécutions et mécontentement qui pourrait être regroupé; une insurrection socialement comprise par une foi de minima profonds. Alexandrie avait structuré la foi chrétienne dans son début théologique avec Antioche, sous le regard attentif de Constantinople— capitale de Byzance. Elle avait logé des écoles de droit romain, fermées postérieurement pour excès de zèle dans l’interprétation. Elle avait attiré Plotin et des néo-platoniciens triés sur le volet, adaptateurs de leur passé grec— comme Égyptiens qu’ils étaient. § 2. Nous arrivons, ainsi, à parler de la terre de l’unicité— les propriétés de ce qui est un— elle enfanta le monothéisme, l’état unitaire— Akhenaton— et, avec des néo-platoniciens comme celui dont nous avons parlé Plotin— né à Assouan, au sud de l’Égypte, et attiré par la vie culturelle alexandrine—, jetèrent les bases du monothéisme acharné. Le monothéisme unitaire qui ne comprendrait pas certaines innovations trinitaires du christianisme. Que vient faire le dangereux exposé d’un Dieu en trois personnes? Ne voient-ils pas la confusion qu’ils peuvent provoquer avec les échos du désert? Les dpmjsjejfot— pour en donner seulement un exemple—, interprèteront le trinitarisme comme un trithéisme. Pas question d’vo! Ejfv-! uspjt! qfstpooft. Ce sont trois dieux. Et, comme les dpmjsjejfot adorent Marie- les trois dieux son le Père, le Fils, et la Mère. La sottise est servie. Évidemment, le terrain en jachère polyphonique du Moyen-Orient réclamait à cor et à cri le minimalisme susurrant de la foi islamique. L’vojubsjtnf non seulement 233! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou est l’explication personnelle: c’est leur couleur préférée; l’étendard contre Byzance. Vus à partir de cette optique, certains passages coraniques s’expliquent mieux, le fait même de dédier une sourate complète— chapitre coranique— à l’ennemi byzantin. Non; la force argumentaire du Coran comme défense de ce qui est unique face à ce qui est trois n’a pas de sens comme application directe dans les sables du désert polythéiste. § 3. Le Coran regarde la Méditerranée; il est cohérent avec son époque ouverte. Sa militance n’évoque pas la nature hostile du bédouin mais plutôt l’état d’opinion du monde environnant. Mahomet ne supportait pas dans le cœur de l’Arabie la présumée pression des légions byzantines. Simplement, dans la compilation ultérieure coranique— rédaction définitive?— l’on entre complètement dans l’exposé des époques: contre Byzance, contre les trinitaires exagérés comme ceux qui suivent le trithéisme. Quand arrive le temps de l’affrontement réel entre l’islãm et Byzance, entre le premier— l’unique unificateur de l’unitarisme, et que l’on permette la redondance usjojubjsf —, et le deuxième— hauteur théologique— impériale d’une Rome rendue chrétienne—, dans la très longue guerre entre les deux, le symbole pour la dpitjpo!ev! hspvqf c’est lever trois doigts de la main— Byzantins— ou seul l’index— musulmans. Face à une telle capacité de synthèse dans mb! mvuuf! dpousf! mÖFnqjsf — Byzance—, il est compréhensible qu’une infinité de sectes poursuivies par les légions fassent ce geste— l’index levé— la somme de leur proto-islamisme imperceptible. Pvj<! mÖjtmŒn!dporvju!mf!opse!ef!mÖBgsjrvf!fu!mÖIjtqbojf!eÖvof!gbŽpo njsbdvmfvtf-!nbjt!qbt!bwfd!eft!dbwbmfsjft!bqpdbmzqujrvft/!Jm! mf!ßu!bwfd!vo!hftuf.56 § 4. De cette manière, nous pouvons retourner à Alexandrie en l’an 642, conquise par l’islãm— mais non pas l’Islãm.57 Le christianisme alexandrin était, néanmoins, syncrétique: s’il y avait des images du 56 Ceci dit, c’est le même geste que faisaient les musulmans quand il y avait un échange de prisonniers entre le cbtjmfvt byzantin et le calife; échange qui se réalisait sur la berge du fleuve Lemnos. C’est ainsi: la Méditerranée était agitée par les mêmes idées et dpousf.jeft. 57 Il est essentiel que nous mettions l’accent sur la différence: islãm est religion, Islãm est Empire. La minuscule est— presque toujours, et surtout ici— M֕mf!ev!kpvs!bwbou 234 passé pharaonique représentant la déesse Isis avec son fils Horus assis dans son giron, Alexandrie saura adapter l’iconographie à certains dogmes chrétiens. Marie commence à se déployer comme theotokos— mère de Dieu. L’unitarisme à outrance se retourne sur ses propres bases. D’autre part, si les dieux païens pharaoniques représentent des animaux, l’iconographie alexandrine saura représenter elle aussi— symboliquement— trois évangélistes avec la tête d’un animal. Non: la ville d’Alexandrie qui supposément est tombée dans l’islãm qui n’est pas encore l’islãm, n’est pas une étendue désertique qui attend des troupes pour leur remettre les clés de la ville. Alexandrie sera conquise, mais pas nécessairement prise. Séduite, mais pas nécessairement envahie. Alexandrie en l’an 642 était un univers culturel. Dans un monde en avance comme l’égyptien— gréco-parlant par ses élites—, l’joej. hojtnf christianisé avait sa propre langue de culte. Sa tradition avait adapté l’héritage pharaonique tamisé par le gréco-latin et la christianisation fut associée à la langue et tradition coptes. Dans cette année de dporv‘uf!jtmbnjrvf, le christianisme était déjà également grec. Il était déjà byzantin. Mais pas nécessairement de la même souche. Le copte est le maillon de la chaîne qui s’était perdu, pour Champollion— début du XIXème—, entre la langue de l’époque des pharaons— l’égyptien antique— et le grec. Le copte est la troisième langue apparue sur mb!qjfssf!ef!Sptfuub— entre le hiéroglyphe égyptien et le grec. Champollion eut l’intuition qu’il s’agissait de trois versions d’un même texte, et que la version copte, intermédiaire, stylise les idéogrammes hiéroglyphiques pour les convertir en alphabet. Celui qui sait le copte pourra interpréter avec moins de difficultés les inexpugnables idéogrammes hiéroglyphiques, avec le support additionnel de la traduction grecque. § 5. Le copte— avec une transcendance et une sécurité culturelle telle— n’est pas un christianisme si adaptable. Il est trop antique et réfléchi comme pour pouvoir assimiler une innovation dogmatique— la Trinité: Dieu est Père, Fils et Saint Esprit— dérivée des modes politiques byzantines. Parce que— à nouveau— souvenonsnous que c’est Byzance qui s’exprime en grec et qui défend— impoappréciée si elle est susurrante, et non une imposition frappante, comme la majuscule. 235! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou se— avec ses troupes les dogmes chrétiens de dernière heure. Dogmes qui, en réalité, sont normes impériales. Mesures politiques de coercition, non pas d’annotations théologiques d’illumination. Non; le christianisme copte est essentiellement monophysite— une seule nature de Christ, divine ou humaine, mais seulement une. Exprimée dans la langue copte. Les Byzantins— dominant politiquement et militairement, ceux qui utilisent le grec— sont dualistes. Jésus de Nazareth est Dieu et homme, et plus tard arrivera la dérivation dogmatique du Saint Esprit. L’insistance en élucubrations théologiques et différences idiomatiques n’est pas futile: elle renferme une opposition au régime qui illustre quelque chose: la ville d’Alexandrie prise par l’islãm avait dans son intérieur le magma de l’insurrection. De même que le reste du nord de l’Afrique et même l’Hispanie: beaucoup plus vers le couchant, cette année 642, l’exarque— le gouverneur— byzantin Grégoire gouverne Tunis et s’émancipa de l’empereur Constantin II. Ainsi, à la moitié du VIIème siècle quand mb!njsbdvmfvtf!dbwbmf. sjf!jtmbnjrvf harnache ses montures pour le marathon de Poitiers, tout le territoire nord-africain — territoire par où doivent passer les musulmans pour se greffer dans l’Hispanie et créer al-Andalus— se caractérise par ses signes d’indépendantisme, de revendication comme autochtones, et d’indigénisme. § 6. Ce territoire se caractérise aussi par le refus du pouvoir im- périal établi. Partons d’une évidence: cela n’a rien à voir avec l’islãm; c’est l’islãm qui aura quelque chose à voir avec tout cela. Le fait du surgissement islamique et la revendication autochtone anti-impériale n’ont aucune connexion pour l’instant, le premier saura s’ériger comme champion du second. Ceci est le miracle que Lévi-Provençal détecta. Mais lui le situa dans les sabots des chevaux, et non pas dans l’infinie capacité humaine de s’unir dans un affrontement contre quelque chose aussi menaçant comme l’est un Empire. Le mjnft romain avait été traversé en Occident par les peuples du centre et du nord de l’Europe. Le mjnft! byzantin— romain oriental— souffre— selon ce que nous voyons— une dpouftubujpo différente: les propres peuples qui l’habitent ont assimilé Rome— ils sont Rome, Byzance—, mais ils ne veulent pas être Empire. La théologie sera l’excuse, la pierre de touche, non pas la raison des M֕mf!ev!kpvs!bwbou 236 choses. Le mjnft romain oriental— byzantin-; le ufssjupjsf! joufs. nejbjsf!gspoubmjfs dans la Méditerranée orientale ne souffre pas, évidemment, les mêmes transformations que souffre ce limes dans l’Europe géographique. Il se peut qu’ils soient similaires en tant que tentatives de liquidation d’un centralisme impérial—! avec plus de succès dès lors en Occident qu’en Orient. Mais la subtile différence consiste en l’absence d’invasions exogènes dans le sud. En Orient. Et retournons au livre d’Henri Pirenne, Nbipnfu!fu Dibsmfnbhof: la brèche entre Orient et Occident ne surgit pas de l’affrontement entre l’islãm et le christianisme. Il était né avant, de la propre nécessité de casser Rome en Orient— Byzance— et Occident— peuples barbares clients d’une Rome invertébrée. § 7. C’est l’Orient qui se sépare, avec prépotence, des Barbares en- vahisseurs de l’Occident. Cependant, cet Occident écrira l’histoire proposant que celui qui est envahi, qui a souffert une abduction, éloigné des sources latines c’est l’Orient. C’est l’histoire du monde: je vais en sens contraire pensant que tous se trompent. Ou la version ecclésiastique de ce qui précède: je crois en un dogme nouveau, qui doit entrer avec un chausse-pied militaire— comme le cas de la Trinité— et je pense que celui qui ne l’admet pas c’est parce que c’est un révolutionnaire, un insurgé, un rebelle. Moi j’innove, mais je m’érige en champion de la tradition; en unique interprétateur solvable des sources. De cette façon, l’Occident a interprété depuis lors un rôle qui ne lui correspond pas. MÖfttfoujbmjtnf!hsdp.mbujo!ftu!psjfoubm! fu!opvt!qsufoepot!efqvjt!mÖFvspqf-!rvÖjm!ftu!Pddjefoubm. Le mur d’Hadrien en Grande Bretagne, la manière avec laquelle éclata le barrage des légions romaines au nord de la Gaule, représentent l’appropriation— l’expropriation— de ce qui est romain de la part de ses clients. Afin de l’exprimer d’une façon plus claire: la ville allemande de Cologne était!précisément cela, une colonie. L’apogée latino-tardive de Trèves— la ville allemande la plus antique, actuellement Trier, près du Luxembourg— aurait pu marquer le chemin traditionnel du classicisme centre-européen, mais c’est aujourd’hui un vestige exotique. Ce mur défensif d’Hadrien se plaça en Bretagne— la qfsßef! Bmcjpo— contre la menace des Pictes du nord. L’Europe du nord était une terre de barbares. 237! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou § 8. Entre-temps, l’autre nord— celui de l’Afrique— est même aujourd’hui parsemé de vestiges d’une civilisation romaine permanente: dans ce sens la route qui part de Volubilis, au Maroc, est très illustrative— en réalité, elle pourrait partir de Mérida, Itálica, Baelo Claudia, Carteia…— et va vers l’impressionnant colisée d’El Jem— Tunisie—, le Carthage romain, le rosaire des villes romaines libyennes, pour traverser tout le grenier de Rome— l’Égypte— et arriver jusqu’à Gerasa— Jordanie—, Palmyre— Syrie— et déboucher dans le nœud romain oriental— Constantinople/ Istanbul. Les peuples envahisseurs/clients de l’espace romain— Francs, Goths, Suèves, Vandales, Alains, et tant d’autres se mbujojtsfou dans la Rome occidentale. Mais ils n’étaient pas Rome, mais l’était par contre la partie orientale qui parlait grec. Mais nous renvoyions à l’appropriation indue de ce qui est gréco-latin; nous éloignant jusqu’au grec. Il est évident que— avec le temps écoulé—, chacun de nous peut aujourd’hui étudier Platon beaucoup mieux à Tübingen— Allemagne— qu’à Alexandrie. Mais ne perdons pas la perspective parce qu’à Tübingen nous devrons aussi étudier le platonisme et néo-platonisme alexandrin. En marge, il restera toujours une question sans réponse: serait-ce le grec occidental— Homère, les sources orphiques, la projection asiatique? Pour l’illustrer un peu plus; que comprendrait Platon avant, la théocratie iranienne ou le projet de constitution européen et les mpccjft du Congrès nordaméricain? Suivant notre modeste opinion, le premier cas. Grèce est orientale comme Carthage. À partir d’ici, que les professeurs agrégés de grec préfèrent se promener dans le musée berlinois de Pergame au lieu de s’exposer aux virages dangereux d’Anatolie, c’est quelque chose de compréhensible. Mais ce qu’ils étudient a fleuri sous ces routes, non pas à Berlin. § 9. Nous arrêtant sur cette idée, il est évident que l’Occident a décidé d’hériter sous bénéfice d’inventaire. Ceci est très bien, car c’est la base de la culture. François-Joseph I décora de façon néoclassique une infinité d’édifices grâce auxquels il passe à la postérité comme étant l’urbaniste de l’Empire Austro-hongrois. L’Hôtel de ville de Vienne ressemble aujourd’hui à l’Académie grecque, à cause de son inspiration architectonique classique. Mais ne tombons pas dans la réalité virtuelle de l’Europe centrale expropriatrice. Quand l’Académie grecque était l’Académie grecque, et regardait vers l’Orient, M֕mf!ev!kpvs!bwbou 238 dans la zone européenne de laquelle nous parlons ils descendaient de cheval seulement à coup de hache. Ne représentons pas les rôles qui ne nous correspondent pas. Par exemple— et atterrissant ainsi sur le sol de notre patrie—: le passage du romain au wisigoth en Hispanie dut être aussi sanglant que du wisigoth à l’islamique. Sûrement, encore plus. Néanmoins, d’après notre mémoire historique, il semble que l’imposition des troupes wisigothes en Hispanie fut la révolution des œillets. Entre-temps, déplaçons le concept d’invasion— nous insistons, le concept clé dans la décomposition de l’Empire Romain d’Occident— aux terres d’Orient dans lesquelles il ne case pas. Pourquoi doit-on proposer comme exotique la continuité monothéiste andalusíe? Parce que nous l’appelons andalusíe et faisons dériver ce qui est andalusí d’un Orient auquel nous dépossédons de toute connexion avec nos sources culturelles préalables. Mais alAndalus peut se projeter comme un rejeton de ces mêmes sources culturelles, cohérent dans son évolution initiale. De là à ce que l’on ne perçoive pas la prétendue invasion de l’an 711, et aussi de là à ce que les sources postérieures lèvent les bras au ciel pour ne l’avoir pas perçue ainsi la génération de l’an 711. À la longue l’folztufnfou! npopuijtuf fertilisé par la révolution islamiste s’arabisera. Mais il s’agit d’un processus semblable à celui de la christianisation et sfo. esf!hsfdrvf l’ancestrale Égypte: ce qui est antérieur continue et s’additionne au nouveau. Quelques siècles d’évolution différente au nord des Pyrénées feront qu’al-Andalus marque la note de l’exotisme. § 10. L’Orient auquel nous faisons allusion c’est la Rome proto-islamique qui se greffera en Hispanie— Occident— pour générer al-Andalus. Il s’agit d’un territoire beaucoup plus polyphonique et multichromatique que ce qui est déjà ébauché. Ce n’est pas seulement le byzantin face à la revendication comme autochtones de nombreux rebelles unitaires. En allant un peu en arrière; nous éloignant un peu plus dans le temps, cet Orient c’est Héraclius face à Khosrô. Byzance contre les Perses. La particulière guerre froide développée en Orient entre les deux empires laissait un énorme corridor de territoires intermédiaires entre Rome et la Perse Sassanide; la Rome grecque de Byzance et l’Orient aussi indoeuropéen — les Perses— qui avaient connu l’empreinte indélébile d’Alexandre le Grand. Indoeuropéens entre eux, et tous deux contre les sémites du Sud. 239! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou La dissection méditerranéenne commence à montrer le berceau de tout ce qui est connu: l’Occident barbare— proto-européen — face à l’Orient trinitaire, tous deux indoeuropéens par rapport à l’élément perse— également indoeuropéen—, et tous résumés, fixés sur la ligne de flottation, par l’élément sémitique du sud, également oriental. Et le cercle se fermera; il se produira un tournant historique transcendantal pour comprendre la métamorphose de l’Hispanie en al-Andalus: dans l’Occident barbare l’unitarisme se fixera aussi! Ainsi les Wisigoths insuffleront l’bsjbojtnf — monothéisme schismatique; version du christianisme taxée d’hérétique, que nous commenterons, dans toute la Gaule et l’Hispanie. Le bouillon de culture andalusíe ne peut être plus épicé. § 11. Ce n’est pas une époque tout à fait barbare, pour nous exprimer d’une manière directe. La Rome occidentale épuisée se voit obligée à engager les services des peuples venus du nord. Ils entreront en Hispanie et au nord de l’Afrique pour le maintien de la sécurité des territoires— qui pouvait le leur nier, et avec quels moyens? Pour sa part, en Orient à Byzance le maintien de la paix lui coûtait— en certaines occasions— recourir gravement à ses coffres. Y compris dans des situations dans lesquelles il lui eut été plus facile remporter déterminées quote-part de pouvoir nbov!njmjubsj. Parfois, les vents changeaient: au début du VIIème siècle, la guerre froide entre Byzantins et Sassanides s’était réchauffée: les Perses avaient frappé durement Byzance. Leur expansion réussie leur avait permis de prendre Damas et Jérusalem en l’an 614 et une grande partie de l’Égypte en l’an 620. C’est l’époque à laquelle Mahomet prépare le grand saut de Médine à La Mecque. Mais— à nouveau— partons d’une évidence: les deux faits n’ont aucune connexion. Ce sont seulement— et pour le moment— des coïncidences dans le temps. À la rigueur, elles auront entre-elles la connexion — que nous insinuons depuis un certain temps— du nombrilisme. La tendance naturelle de l’Orient à être le nœud ombilical des routes culturelles, le centre naturel du monde; l’origine des choses. Si Byzance était en train de se rompre politiquement avec une excuse religieuse— Ejfv!ftu!voefvy!pv!uspjt?—, la Perse sassanide n’était pas la dernière avec ses rapports religieux— c’est-à-dire, culturels; ne l’oublions pas. Ainsi, l’ancestral mazdéisme perse— ou zoroastrisme— sera à la longue et avec l’état islamique une des sfmjhjpot!ev!Mjwsf incorporée au M֕mf!ev!kpvs!bwbou 23: cosmopolitisme de la future capitale de Bagdad comme porte de l’arabe à un Psjfou!fodpsf!qmvt!psjfoubm. C’est la religion du feu, d’Ormuz, d’Ahura Mazdak. § 12. Entre-temps, l’éclectique prophète Manès avait tracé des ponts entre le tellurisme religieux du Moyen-Orient et l’éthique chrétienne. Manès parle des jardins de la lumière de même que les omniprésentes ténèbres, parmi lesquelles le prophète restera cloîtré dans l’alternance avec l’étiquetage de ce qui était manichéen, une des nombreuses hérésies combattues par le dogmatisme chrétien. Mais Manès influencera l’Occident illuminant— ses jardins— des points aussi éloignés comme la Galice et Bretagne de l’illustre Priscillien. La Méditerranée est un tambour: Rome avait créé une caisse de résonnance, et le supposé déclin du latin n’arrêtera pas ses ondes expansives. Il est pratiquement impossible effectuer le recensement des innombrables formes de foi surgies entre l’Orient et l’Occident, le Nord et le Sud méditerranéens en phase de christianisation, avec diverses diasporas juives et les zones intermédiaires entre chaque école, schisme, secte ou hérésie. Dans ce contexte seul est compréhensible le fulgurant succès universel de l’islãm: entre tant de voix, multipliées à satiété de ville en ville et réverbérées à cause des échos des déserts, il surgira un certain mode de foi réduite à sa plus simple expression. De solidarité sociale protégée— simplement—, par une promesse de paradis réservée à la communauté dans son ensemble. Il est certain; l’on peut le dire— à nouveau— que l’adaptabilité de l’islãm fut plus miraculeuse dans un monde de carcasses dogmatiques, que le rôle que l’on ne peut renverser qu’eut la fantomatique cavalerie islamique. Plus miraculeuse et— en même temps—, plus croyable. 3/6/!MÖIjtqbojf!fu!mb!Nbvsjubojf!Ujohjubof § 1. L’on a tendance à attribuer à Lord Acton la célèbre phrase de que l’histoire doit s’occuper de problèmes, et non pas de périodes. En réalité, lorsque nous critiquions l’histoire compartimentée des dvmuvsbm! tuvejft nous étions préparés pour à cette éventualité: celle d’avoir à remonter dans le temps, parce que les dates communément admises n’expliquent pas le processus. S’il y a quelque 241! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou chose que l’on peut souligner de la convulsée et intéressante histoire méditerranéenne depuis le renommé effondrement graduel de Rome c’est précisément l’unité du processus et du milieu culturel méditerranéen pendant— au moins— quatre siècles: des années 300 aux années 700.58 Les problèmes et processus locaux, seront donc seulement compris à la lumière de cette souche commune, sous peine de tomber— comme on le fait systématiquement— dans l’histoire par génération spontanée. Dans ces phases préalables à la miraculeuse dibshf!ef!mb!dbwb. mfsjf!mhsf islamique, l’Hispanie et la Mauritanie Tingitane— les futurs al-Andalus et Maghreb— constituent le sédiment occidental de chaque idée et marée provenant de l’Orient. Les deux côtés du Détroit de Gibraltar seront aussi l’origine et le destin d’un permanent trafic entre eux; d’idées, de marées humaines et d’interventions armées avec une réciprocité si habituelle que, s’il y a quelque chose qui surprend dans le passage du Détroit au long de sa vaste histoire, est— précisément—, que l’on continue à se surprendre d’un certain passage du Détroit. § 2. Nous partons, ainsi, de que la romanisation et le devenir barbare des deux bords du Détroit est similaire. Et telle similitude est essentielle pour créer et croire au nécessaire humus culturel sur lequel prendra le lierre islamique. L’on considère communément que depuis qu’arrivèrent les troupes romaines à la péninsule Ibérique— Ampurias, en l’an 218 avant Jésus-Christ (désormais, av. J.C.)—, il s’écoulerait seulement vingt ans jusqu’à soumettre— non conquérir— ce que l’on connu plus tard comme la Bétique— vers l’an 186 av. J.-C. Et il s’agissait d’une guerre impériale sans ménagements. Une occupation avec apparences de permanence organisée par l’état le plus conscient de lui-même à son époque: Rome.59 De cette façon, Rome envoie quatre légions avec hâte pour gfs. 58 Franz Georg Maier, Mbt!usbotgpsnbdjpoft!efm!nvoep!nfejufssˆofp… pág.2. 59 Excusez ces généralisations fausses— pour peu que l’on y pense— comme toutes le sont. C’est une manière télégraphique d’avancer avec un certain critère, vu que les considérations permanentes et complètes enlisent la narration. Bien sûr que oui, l’état avec la plus grande conscience de lui-même fut peut-être — depuis toujours— Chine, et peut-être même l’Inde. Mais tant de va-et-vient terminerait par faire chavirer ces pages nécessiteuses; nous devons détacher M֕mf!ev!kpvs!bwbou 242 nfs!mb!Nejufssbof stimulées par l’aiguillon dense d’une phase lapidaire: efmfoeb!ftu!Dbsuibhp; Carthage doit être détruite. L’opposant du sud-est; l’ingénieux constructeur d’un bateau qui naufrageât quelque temps avant et qui était apparu sur les plages romaines d’Ostie, l’ayant dépecé Rome put déduire deux choses: l’inégalable capacité technologique de l’ingénierie maritime carthaginoise, et la nécessité de s’en approprier. § 3. Détruire Carthage ce n’était pas proclamer l’éradication du mal: c’était la géniale invention de mÖbyf!ev!nbm. La découverte de que l’on n’est jamais aussi uni que contre quelque chose. Rome ne voulait pas, en réalité, détruire Carthage; elle voulait être aussi et en plus Carthage. La puissance commerciale maritime de la Méditerranée. L’essence méditerranéenne qui depuis les escales du Levant— principalement les villes libanaises de Byblos, Tyr ou Sidon— avaient éparpillé les Phéniciens/Puniques dans leurs bateaux à travers notre future Mer— à eux, bientôt; à Rome. Élevée déjà par la culture grecque, il manquait seulement à Rome le commerce punique pour être Rome. Il lui manquait seulement de dominer Carthage, qui depuis sa capitale occidentale— dans l’actuelle Tunis— maintenait d’étroits liens avec d’autres Dbsuibhft fondés— Cartagène, probablement Carteia, Cartaya, ou— disent certains—, Quarteira-; quoi que toutes proviennent de Melqart celui des colonnes, non Hercule (60). Et, sur ces entrefaites, la troisième guerre punique soumit finalement Carthage aux alentours de l’an 146 av. J.-C. Mais cela, évidemment, n’impliquait pas l’éradication de la langue punique/phénicienne ni l’influence extérieure latine. Absolument pas; cela impliquait une nouvelle couche dans la polychromie méditerranéenne. Les cultures, les vraies cultures, s’additionnent, elles ne se substituent pas. § 4. Pour résumer l’occupation romaine de l’Hispanie— et la comparer avec les trois années miraculeuses de la conquête islamique—, il s’agit de deux cents ans d’évolution militaire: depuis l’année 218 notre zone, non proposer que les grandes choses pouvaient être en train de se faire dans d’autres parties du monde. 60 Il s’agit comme vous pouvez le comprendre, d’un jeu onomastique. Hercule et Melqart sont le même personnage mythologique. 243! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou av. J.-C. à Ampurias— au nord de Gérone jusqu’à l’année 19 av. J.C. dans l’actuelle Gijón. Mais nous sommes en train de parler de conquête militaire, non pas de colonisation/latinisation et/ou développement de nouvelles formes de cultes religieux. Un processus, celui-ci, beaucoup plus lent, même en tenant compte de la libéralité et adaptabilité romaines en matière religieuse. Et nous disons « même» parce que nous partons d’une conviction: dans une opposition ouverte, les nouvelles formes religieuses tardent plus à s’implanter qu’une subtile conversion. Si dans la subtil conversion romaine il fallut plusieurs siècles pour que prenne un paganisme latin peu à peu christianisé, aurait-on pu imposer une religion si opposée au christianisme— d’après le peu de connaissances d’aujourd’hui—, comme l’est l’islãm dans l’Hispanie en un supposé espace de temps que l’on prétend si court? À partir d’ici— comme toujours—, l’évolution critique est toujours plus intéressante que la panoplie d’œuvres que nous offre une Histoire somnolente: celle des peuples affectés par une étrange catalepsie. Carthage se fit romaine, elle ne tomba pas dans cette catalepsie historique; tous ses habitants n’allaient pas perdre leur travail, la langue, la religion, la composition génétique. Si nous admettons ces siècles d’occupation romaine des deux côtés du Détroit, le jour à jour de— par exemple— l’Hispano natif ne paraît pas s’être dédié du matin au soir à l’étude du latin, à l’apprentissage pour se mettre la toge, et préparer du hbsvn! sur les plages. La convulsion permanente, en plus des processus migratoires, sont le cœur de l’histoire. Et l’histoire de l’Hispanie romaine est aussi conflictuelle, belliqueuse et critique que n’importe quelle autre. § 5. Ainsi, en pleine romanisation, Quintus Sertorius se fit puissant dans l’actuelle Huesca pour s’opposer à l’oligarchie de Rome. Bien sûr que oui: la guerre sertorienne des années soixante dix av. J.-C. — est la classique lutte des classes entre les récents romanisés— et très peu latinisés— autour du rebelle Sertorius, contre les légions de Sulla et Pompée protégées par les familles hispanes devenues prospères— ce sont toujours les mêmes qui avancent pour s’adapter. Pompée gagne; et ce n’est pas parce que ce sont toujours les mêmes qui gagnent— car c’est aussi pour cela—, mais plutôt parce que l’histoire se raconte à partir de ceux qui gagnent. Et voici un nouveau tour de vis: les vaincus de Pompée passent à être son ap- M֕mf!ev!kpvs!bwbou 244 pui contre les velléités impériales— concrétées postérieurement— de César. Ce qui se passa peut valoir comme marque de spécificité hispane de réitération intéressante quand elle s’appellera al-Andalus: de sorte que— selon ce que nous voyons— un rebelle appelé Sertorius se fait puissant dans l’Hispanie contre les légions de Pompée. Quand ce dernier décide de devenir également puissant, contre un autre modèle de Rome— César Imperator—, il se protègera aussi dans l’Hispanie. Le propre Jules César devra venir défendre son titre en Hispanie. Effectivement, le conflit politique de Rome se déplaça en Hispanie: en l’an 45 av. J.-C., les troupes de Jules César battaient celles des fils de Pompée dans le cœur de l’Andalousie— bataille de Munda, actuelle Montilla. Jules César, dans sa particulière expérience historique— Ijtupjsf!obssf!fo!npvwfnfout, comme nous citions auparavant la façon de l’appeler d’Ortega y Gasset— contemplerait la fin de ses ennemis la décrivant comme poussière, cendres…rien. Le dictateur en avait fini avec le Sénat. Rome changeait de cap. César avait signé sa sentence en descendant ce dernier et célèbre grand escalier d’une façon alternative— shakespearienne— pendant les Jevt!ef!Nbst. Et l’Hispanie en avait offert le cadre. § 6. D’autre part, dans le nord de l’Afrique, la romanisation fut— si l’on peut dire— encore plus lente à cause du long vestige punique— nous insistons: carthaginois; opposition populaire présente aussi en Hispanie. La province de Numidie se crée— la Maghreb, depuis l’actuelle Tunisie jusqu’à la Mauritanie— et postérieurement l’étendue Mauritanie Tingitane. Jusqu’à 148 ans av. J.-C. régna en Numidie Masinissa comme allié de Rome, et vers l’an 100 av. J.-C. se développerait une rébellion de Jugurtha dans le nord de l’actuel Maroc; soulèvement immortalisé par Salluste dans son livre Mb!hvfssf!ef! Kvhvsuib. En lisant Salluste les incursions de Jugurtha vers Rusadir et le fleuve Moulouïa— actuelle zone de Melilla—, l’on perçoit que les barbares commencent à devenir berbères. Mais freinons sec: Non; les Rifains de Jugurtha ne sont pas ceux de Abdelkrim— le génial rebelle de l’éphémère et intéressante S. qvcmjrvf!ev!Sjg au début du XXème siècle—, bien que dans l’imaginaire historique nous ayons sfoev!cfscsf de façon tellurique, depuis toujours, tout le nord de l’Afrique. Jugurtha était, sans doute, un rebelle qui avait des affinités avec la dbvtf!qvojrvf, non par 245! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou passion courtisane vers la famille Barca— les icônes historiques contraires à Rome; Hamilcar, Hasdrubal, et Hannibal—, mais plutôt par dpousbsju envers Rome. § 7. Les hommes armés contre Rome autour de cette sallustienne guerre de Jugurtha ne sont pas des Berbères, malgré qu’ils soient considérés barbares par l’Empire. Ce sont des Carthaginois, vieux peuple, expérimenté culturellement et habitué à la fondation de villes prospères autour de la Méditerranée. Quand ce peuple se romanise et latinise— jamais complètement—, quand il doit ensuite assumer les invasions des Vandales, il ne fera d’autre qu’additionner une autre couche à la somme des nombreuses cultures qui existait déjà. Gènes à sa composition biologique; dans le cas des Vandales, gènes centre-européens. Mais ne nous égarons pas: ce sera à partir du Xème siècle— mille cents ans après— que le nord de l’Afrique recevra l’émigration massive de tribus provenant de l’Afrique sahélienne et saharienne. Avec les Almoravides et les Almohades du Sud se configurera cet apparent efwfojs!cfscsf!dpnnf!sbdf!fu!dpnnf!dvmuvsf. Elle fut suffisamment longue et il passa assez de temps depuis lors comme pour nous laisser croire que la culture nord-africaine fut toujours ainsi, mais l’on ne doit jamais faire des lectures en dehors du temps qui passe si nous parlons, précisément, du temps qui passe— l’histoire. Les natifs nord-africains des occupations françaises et espagnoles partagent seulement le domicile avec les occupations romaines, vandales ou— et ceci est le plus important ici— islamique de première heure. § 8. Celui dont nous faisions référence Masinissa, roi de Numidie et allié de Rome jusqu’à la chute de Carthage, exemplifie le processus de clientélisme patenté par Rome, dont les conditions changeront avec les invasions à partir du nord de l’Hispanie. Si Rome choisit ses alliés— commerciaux—, la loyauté de ceux-ci est stimulée par le pouvoir coercitif des légions romaines. Et elle est bien connue— depuis la légende de l’assassinat d’État de Viriathe, pâtre lusitain—, la manière avec laquelle Rome traitait les loyautés à sa bonne époque— comment Spnf! of! qbjf! qbt! mft! usb•usft/ Mais les choses changent. Que se passera-t-il lorsque la loyauté est décidée par les troupes des clients, les alliés? La situation sera exactement celle- M֕mf!ev!kpvs!bwbou 246 ci en Espagne et le nord de l’Afrique quand— en particulier— les Wisigoths et les Vandales agirent à leur guise prétendant-de iure— parler au nom de Rome, quand— de facto— Rome ne pouvait déjà plus parler. Traditionnellement, nous avons descendu le pont qui va de Rome aux invasions européennes— Wisigoths et Vandales—, nous avons édulcoré les siècles wisigoths prétendant l’évolution naturelle de Rome, par contre nous remontons le pont pour peu que cela ressemble à quelque chose d’arabe. D’accord: la présence wisigothe pendant des siècles dans l’Hispanie est une évolution naturelle de Rome parce que c’est ainsi que l’on fait les lectures historiques. Malgré les genres de pouvoir, langue, famille et religion différentes qui arrivent. Mais, alors, l’évolution naturelle des Wisigoths c’est al-Andalus. § 9. Ce système de clientélisme s’observe dans la relation de —par exemple Masinissa de Numidie avec Rome; cette évolution à partir d’être l’allié jusqu’à se convertir en propriétaires des terres d’affectation— de Masinissa à, autre exemple, Genséric le Vandale—, sera aussi comme dans l’islãm. Cela sera, de fait, la clé des supposés appels au secours des habitants d’al-Andalus aux peuples supposément venus du dehors; Syriens et Nord-africains, principalement, vu que l’élément slave, également présent, est nombreux mais pas encore aussi structuré. Mais l’histoire romaine du nord de l’Afrique n’est pas nécessairement celle d’une lutte permanente, comme ne l’est pas non plus celle de l’Hispanie. Il se produira l’équilibre instable propre aux occupations et l’ineffable enrichissement culturel dérivé de la tolérance obligée. Un exemple paradigmatique est le règne de Juba II dans l’actuel Maroc— vers l’an 24 de notre ère. Juba II était un allié de Rome— disons client. Mais, paraît-il, il avait été déjà séduit par ce qui était romain. Éduqué dans la capitale de l’Empire, il dominait le latin, le grec et le punique, un exemple illustratif de comment le carthaginois— punique— marquait encore les traditions et les besoins d’un homme cultivé. § 10. Pendant le règne de ce Juba le sage, le biologiste Euphorbe fit le recensement de la flore et faune du nord de l’Afrique dans un royaume né pour durer longtemps. Non pas pour être un pont dans 247! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou l’histoire, c’est ainsi que nous voyons toujours les faits du passé quand, regardant en biais, nous devons tenir compte du chapitre suivant. Juba II continua sa lignée dans l’actuelle ville romaine de Volubilis au Maroc avec la fille égyptienne de Marc Antoine et Cléopâtre— Cléopâtre Séléné. À leur fils ils leur donnèrent le nom de Ptolémée, qui gouverna jusqu’en l’an 40, cette même année où les sicaires de Caligula arrêteraient sa vie et son règne. À nouveau: Volubilis, ce pauvre Ptolémée, ses parents, Euphorbe chassant des papillons à travers le Rif, sont Rome. Ils n’attendent pas Abdelkrim ou Taric/Tarico le trompeur. Oui; nous disions le spzbvnf!o qpvs!evsfs!mpohufnqt-!opo! qbt!qpvs!‘usf!qpou!ebot!mÖijtupjsf- pour la même raison cela incite un certain éloignement dans le traitement des futurs al-Andalus et Maghreb: parce que l’histoire ne peut se lire en suivant un seul chemin. Parce que l’Hispanie et la Numidie— ainsi que la Mauritanie Tingitane— ce n’est pas qu’elles fussent romaines: elles étaient Rome. Elles étaient aussi Carthage. Parce que l’islãm qui arrive devra être subtil, vu qu’il ne suffira pas pour les subjuguer de quelques cavaliers, même si l’on propose leur chevauchée comme venue d’une inspiration divine. Et parce que ces supposés cavaliers en petit nombre arriveront à Rome et à Carthage par où étaient passés les Vandales centre-européens. Et ce seront ces Romains— Carthaginois— Vandales nord-africains qui, en tout cas sauteront vers l’Hispanie le moment venu. 3/7/!M֏qprvf!bsbcp.jtmbnjrvf § 1. Ce chapitre voulait s’appeler L’autre terrain en jachère oriental et les autres Hispanie et Mauritanie Tingitane, mais pour les raisons évidentes d’être peu attractif— et pour économiser le langage— il a décidé de s’expliquer lui-même pour justifier ainsi un titre alternatif— l’époque arabo-islamique —, en relations avec les eurêka historiques; avec cette pandémie si commune qui fait dire de temps en temps: mb!edpvwfsuf!rvf!kf!wpvt!npousf!dibohf!upvu. Commune— disons-nous — entre des faiseurs de projets et prestidigitateurs de documentation historique. Il y a lieu de donner, de toute façon, la précision suivante: ce dont nous parlons est en relation directe avec les deux chapitres antérieurs— aussi bien Le terrain en jachère oriental comme L’Hispanie et la Mauritanie Tingitane—, M֕mf!ev!kpvs!bwbou 248 raison initiale du premier titre rejeté. Avec en plus que maintenant nous nous limitons non tant à la propre histoire de cette époque mais plutôt à l’univers culturel en gestation depuis les années 300 jusqu’à la naissance du propre islãm, d’al-Andalus et du Maghreb. Oui; la naissance de trois choses en même temps. Selon ce que nous avons déjà annoncé, cet univers culturel, qui marque des modes sociaux, se base sur l’effervescente évolution des inquiétudes théologiques. C’est-à-dire — et à ceci nous dédions un alinéa— l’évolution des idées religieuses dans une époque méditerranéenne bipolaire— quand n’en a-t-il pas été ainsi?— La Byzance chrétienne face au reste. Normes face à révolution, conciles face à plèbe, orthodoxie face hétérodoxie. Avec le couronnement nécessaire en relation à ces jorvjuveft!uipmphjrvft: si c’est la théologie qui marque les idées sociales, nous ne parlons plus de foi, mais de politique. D’autre part, nous devrions sûrement lire ceci vice versa; ce sont la politique et la société qui marquent la théologie, et c’est valable dans notre cas. § 2. D’accord; le susurre attendu dans notre façon de déambuler à travers l’historie préalable à al-Andalus— l’île du jour avant à laquelle nous accosterons si le vent se maintient— est le suivant: il n’y a pas d’affaire classée dans l’histoire, et bien moins dans celle qui est méditerranéenne. C’est: jm!oÖz!b!qbt!ef!tpmvujpot!ef!dpouj. ovju- mais phases— phrases— corrélatives. De la même manière que l’islãm est une cohérente évolution théologique et sociale d’un contexte concret, al-Andalus et le Maghreb ne sont pas les trophées d’une invasion, mais plutôt les phases de processus propres, avec des résultats palpables occasionnellement transférables. Tous deux sont aussi la cohérente évolution naturelle d’un contexte concret hispano et nord-africain fertilisé par l’oriental. L’on peut penser, nbjt! of qbsmjpot.opvt! qbt! rvÖjm! ftu! jobq. qspqsj! ef! qspqptfs! bm.Boebmvt! dpnnf! vof! qbsujf! eÖjefouju! dvmuvsfmmf!jtmbnjrvf? Et, comme toute question, c’est une bonne proposition de base: bien sûr qu’al-Andalus n’est pas une identité culturelle patentée à partir du présent; entité inamovible appelée jtmbnjrvf/ C’est qu’il est une partie du surgissement mythique de l’islãm; de ses légendes constitutives. De la même façon que tel mythe— l’idée préalable que nous avons sur le surgissement de l’islãm— est dans l’origine d’al-Andalus. D’ici il se battra avec ses pro- 249! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou pres vicissitudes, comme chaque fils d’une civilisation. Indubitablement, al-Andalus partage pendant longtemps les modes culturaux du nord de l’Afrique. L’on peut proposer, même, qu’ils partagent aussi les modes culturaux d’une grande partie de l’Orient arabe, d’où proviennent les nouveautés initiales. Mais al-Andalus suivra toujours ses propres voies. § 3. Nous insinuions une idée quelque peu compacte dont il nous faut retourner pour savoir s’il s’agit de fermeté occulte ou seulement de dureté;!mÖjtmŒn!gbju!qbsujf!ev!tvshjttfnfou!eÖbm.Boebmvt-!fu!bm. Boebmvt!gbju!qbsujf!ev!tvshjttfnfou!ef!mÖjtmŒn/ Cela paraît— ainsi— moyennement tautologique, mais exprime certainement une lecture mûrie des choses basées sur les dates et la naturalité des processus. La fameuse et permanente référence à la religion est autre chose, que l’on ne doit pas confondre avec l’identité culturelle: l’univers religieux islamique est valable dans tous les temps et lieux précisément parce qu’il se produit ou génère— l’on peut élire en fonction des convictions fiables— des modes culturaux différents. Ou des modes semblables qui ensuite divergent. Et c’est— ceci précisément— pourquoi l’islãm a essayé d’être valable en tout temps, lieu et géographie; il est si riche et varié, qu’il ne le serait pas — pour la même raison— s’il exigeait une seule carcasse politique-culturelle possible. Nous retournerons sur cette idée dans l’alinéa où s’additionne tout l’andalusí autour de la révolution nommée d’Abd al-Mãlik. Oui: al-Andalus partage avec le nord de l’Afrique et l’Orient— l’on doit remarquer la permanente différenciation géographique, qui correspondra, à mesure que passe le temps, avec trois califats; trois états différents-; partage disions-nous, un démarrage semblable avec une phase civilisatrice déterminée: ce que l’on a nommé époque araboislamique. Mais ce sont trois mondes islamiques différents qui coïncident seulement dans cette période— pas beaucoup plus— et dans la non dédaignable circonstance que cette période est celle de leur naissance. Celui de trois états, de même que de trois êtres historiques: la naissance de l’islãm,61 de l’Islãm, et d’al-Andalus. 61 Suivant l’avis de zoïles et mbxˆnft: l’on doit respecter le sens de continuité de l’islãm— religion— dans le temps humain. Telle conception de l’histoire part de que l’islãm ne nait pas en 622— date communément admise— mais plutôt à la création du monde. Pour cette raison, le jeu de phrases est réductionniste, pour être purement indicatif. Situer les débuts de l’islãm aux alentours M֕mf!ev!kpvs!bwbou 24: § 4. De quelle époque coïncidente parlons-nous? ; Par exemple depuis la moitié des années 700 jusqu’au début des années 1000. Depuis l’anti-byzantinisme unitaire et diffus à un islãm civilisateur bien forgé. Et depuis l’an 1000 l’on peut amplifier la coïncidence des destins historiques jusqu’à deux siècles de cohérence des deux côtés du Détroit. Une époque moins arabe et plus islamique; celle des dynasties nord-africaines. Avec la divergence résultante entre les deux côtés du Détroit, face à l’Orient. Cette évolutive— en rien monolithique, comme nous pouvons observer— époque islamique partagée par ces trois ensembles arabes fait naître simultanément— ici réside ce qui est réellement important— l’islãm civilisateur qui vient extraire les idées et inquiétudes avec l’autre islãm civilisateur asiatique— de Perse à l’Inde et au-delà. Deux Islãms juste nés, coïncidents avec des passés culturels si spécifiques comme le méditerranéen et l’indo-perse. Et ici trois autres nuancements. Premier: l’islãm comme révélation non questionnable naît dans les sables du désert arabe. Deuxième: comme fait religieux, il plonge ses racines dans l’environnement monothéiste du Proche-Orient, sur lequel il s’érige comme révolution clarificatrice et génialement simplificatrice. Troisième: mais comme facteur culturel, comme civilisation, il évolua simultanément de Bagdad à Cordoue, bien qu’avec un permanent reverdissement oriental dans une première phase. Il n’y a pas de cavalerie islamique de La Mecque à Poitiers en un siècle, ils n’emportent pas non plus dans leurs besaces les livres d’Averroès ou Juwarizmi en attendant que tous deux puissent naître. Pas non plus de livres juridiques ou religieux; pour le Droit Islamique comme tel il faudra attendre un siècle, et à la plus antique eft!mfduvsft!dbop. ojrvft!ev!Dpsbo- un demi-siècle. § 5. Nous répétons l’affirmation antérieure, axe crucial de notre travail: l’islãm ne conquit pas le nord de l’Afrique et l’Hispanie; même pas l’Orient byzantin et perse; il surgit et évolua avec eux /en eux. Cet Islãm/civilisation se crée à cause de l’interaction de des années 700 fait référence à sa codification dogmatique sérieuse. Celle qui est exportable et que l’on peut vojwfstbmjtfs. L’autre, l’essence religieuse, la perception de ce qui est transcendantal, est aussi vieille que le monde. 251! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou ces quatre zones et son évolution historique naturelle— Hispanie, Nord de l’Afrique, Orient byzantin, Orient perse. Le miracle de l’islãm— religion— est la manière avec laquelle se fertilise une époque convulsée, substitue— par héritage cohérent— à une grande partie de Rome, et sur ces terres fertilisées fructifie l’Islãm— civilisation. Nous insistons à l’appeler civilisation, pour le laisser à mi-chemin entre État et Culture, et ainsi ne pas avoir à générer exclusivismes discutables: ce n’est pas un état, mais multiples états, et le concept de Culture exige trop d’engrenage kaléidoscopique. De fait, nous sommes en train de parler d’une plus que possible culture méditerranéenne conjointe, orientale, sémite, indoeuropéenne, judéo-chrétienne et islamique. Parce que tel kaléidoscope c’est celui qui dessine le va et vient de l’islãm comme religion, sans la circonscrire à rien de concret; comme religion elle n’en a pas besoin. Elle est atemporelle et universelle. Elle cerne n’importe quelle civilisation, temps, langue ou géographie par le simple fait qu’elle parle au cœur de l’être humain. Par contre l’autre — Islãm civilisation—, se circonscrit aux quatre ensembles géopolitiques énoncés— al-Andalus/Maghreb/Orient post-byzantin/Orient perse. § 6. Ensuite les quatre zones citées se différencieront— les futurs califats de Cordoue, le Fatîmide du Caire— Tunis et l’Abbãsside de Bagdad, plus l’Orient perse, parce qu’il a une langue différente—, pour suivre postérieurement des courants historiques absolument différents auquel s’ajoutera l’élément turc, lorsqu’arrive le moment de la dés-arabisation; moment transcendantal de l’islãm oriental. Tel multi-chromatisme est difficile à étiqueter, et le jeu des dates noté au bon moment est valable ici: Bagdad tombe aux mains des Mongoles en 1258— dix ans après que Séville soit tombée aux mains des Castillans— 1248. Leurs perspectives n’arriveront plus à confluer. Mais à al-Andalus il lui reste encore deux siècles et demi d’histoire personnelle. Pour cette raison, à la longue— relativement peu—, il n’y a pas d’identité culturelle unique entre ces zones, et encore moins si l’on distingue ce qui est islamique dans un déphasage chronologique: prétendre que l’islãm contemporain puisse partager son identité culturelle exclusive avec ce qui était andalusí. Arrivés à ce point— par ailleurs, essentiel—, il se peut que le lecteur occupé aille s’affronter à l’incertitude suivante, malgré qu’auparavant nous ayons prétendu la conjurer: mÖjtmŒn! dporvju! M֕mf!ev!kpvs!bwbou 252 pv!opo!mÖIjtqbojf-!mb!dpowfsujttbou!fo!bm.Boebmvt? Ce ne fut pas l’islãm-état car il n’existait pas en 711. Il n’y eut pas de cavalerie islamique arrivant à Poitiers sans approvisionnement. La chaîne des prétendus dporvsbout! bsbcft— Uqba dans le nord de l’Afrique, Taric dans l’Hispanie, l’arrivée éthérée et salvatrice de Mûsã…— est un mythe. Le Coran avait été déjà révélé, mais il n’avait pas été répandu. Damas avait déjà substitué à La Mecque et Médine comme capitale de ce qui s’appellera swpmvujpo! jtmbnjrvf. Mais Damas parle encore grec et syrien/araméen. Il n’y a pas d’état islamique ainsi définissable jusqu’à ce que l’on a appelé la révolution d’Abd alMãlik, commencée— mais non pas consumée— au moins vers 685; quarante trois ans après la prétendue conquête arabe d’Alexandrie — en 642. D’ici, à la projection extérieure de cet état, l’on n’a pas le temps si l’on doit arriver à Guadalete en 711. § 7. Cet Islãm-état ne conquit pas al-Andalus par contre l’islãm religion-ambiance culturel oui le fit, mais d’une façon imperceptible; sans encore s’appeler islãm. Et non pas dans les trois années illustres de 711 à 714. À Damas, Alexandrie et Cordoue; ainsi qu’en Perse— nous insistons sur les trois pôles d’interaction culturelle islamique future— se produit presque simultanément la codification de l’islãm comme mode de vie religieuse associée à une culture exprimée en arabe, face à la Perse, où s’élève le farsi comme seconde langue de l’islãm. Le turc arrivera aussi dans sa propre zone d’influence.62 Ceci est seulement possible avec un bouillon de culture préalable très homogène dans son hétérogénéité: des nouveaux modes religieux unifiables dans leur contestation envers l’appareil étatique existant et en vigueur. Oui; l’islãm sera une révolution. Celle des unitaires contre le dogmatisme conciliaire chrétien. Trop théologique, compliqué, recherché? Pour cela même. Parce que le christianisme comme religion d’État— Rome, Byzance— était en train de s’enfermer dans une carcasse théologique, compliquée, recherchée. 62 La géopolitique contemporaine continue cette inertie, malgré le manque de formation environnante qui prétend situer un seul foyer islamique légitimiste, débarras de tout ce qui est l’identité du Proche-Orient. Le dsftdfoep technologique et informatif se traduit, aujourd’hui, en une authentique guerre de paraboliques en Asie centrale, avec les émissions en turc et farsi dpmpojtbou! mft!poeft des anciennes républiques soviétiques caucasiques. Ce défunt jtmŒn! spvhf. 253! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou En plus il y a cette jorvjuvef!bouj.jotujuvujpoofmmf qui s’exprime dans une nouvelle langue dans la Méditerranée. Si nous nous en tenons à la prétendue arabité, personne ne parlait en langue arabe dans ces trois villes— Damas, Alexandrie et Cordoue— en 711— quelques-uns en plus à Damas, quelque peu à Alexandrie, mais pas tellement. Presque tous parleront arabe un siècle après. Ceci est le njsbdmf de la révolution islamique. La subtile transformation des noyaux hostiles au pouvoir coercitif sassanide-byzantin-romainwisigoth-vandale et l’association de cette révolution civilisatrice à un monothéisme minimaliste. Le maintien de la langue perse dans l’Orient islamique dit beaucoup sur la force culturelle de la zone, face à celle de la Méditerranée, dans laquelle s’imposera— avec le temps— un monolinguisme arabe comme reflet d’un monothéisme diversifié gréco-latin, copte, syrien ou punique. Masses unies seulement par l’aiguillon unitaire face à l’impérialisme trinitaire.63 § 8. Les frictions sociales de la fin du siècle— années 750 — 800 — marqueront la centralisation postérieure— institutionnalisation— de l’Islãm comme civilisation embryonnaire. La décantation postérieure aux révolutions; la subtil arabisation de ces espaces, définira l’islamique— lorsque se produit une telle arabisation vers les années 800— comme quelque chose déjà parfaitement différenciable du reste des monothéismes hétérodoxes qu’il cerne et neutralise. Son pouvoir de bride se consolide. Oui; il est en grande partie certain que l’islãm créa al-Andalus. Mais il n’en est pas moins que, aussi en grande partie, al-Andalus contribua à créer l’Islãm. Et nous continuons à marquer la différence entre islãm et Islãm. 3/8/!Mf!Ecbu!Mvyfocfsh § 1. En quoi consiste, tout d’un coup, ce Débat Luxenberg du soustitre? À en terminer avec la perception de l’histoire à coups de bâton. Foudroyer la conviction compétitive de que l’histoire s’écrit comme un château de cartes, et soudain quelqu’un peut arriver et tout démantibuler. Lisons l’humble conclusion de Claude Cahen 63 Voir les alinéas dédiés à la fertile hétérodoxie unitaire méditerranéenne, notant sommairement les données remarquables sur le donatisme, arianisme, nestorianisme, et même le priscillianisme. M֕mf!ev!kpvs!bwbou 254 dans sa monumentale Ijtupjsf!ef!mÖJtmŒn. Il dit ainsi: nous devons simplement avertir le lecteur que l’image de l’Islãm que nous allons lui fournir continue d’être incomplète et, surtout, provisionnelle.64 L’humilité géniale de Cahen— à prendre comme exemple— lorsqu’il propose que peut être provisionnelle une étude si complète comme la sienne est illuminatrice. Non, l’histoire est plus sérieuse et a plus de poids qu’un château de cartes. Tout nouveau courant d’air contribue à rafraîchir, non pas à démantibuler: le Débat de Luxenberg— que nous expliquerons— exemplifie que toute pierre trouvée est un nouveau vestige illuminateur. Mais la nouvelle pierre doit se mettre sur le tas, à côté de toutes les antérieures. Non pas sur la voie, en essayant de faire dérailler tout ce qui venait vers nous. § 2. Tel Débat Luxenberg renvoie à une substantielle nouveauté les sources culturelles de l’islãm qui nous éclaire dans ce que nous cherchons ici à mettre sur la voie: la normalité méditerranéenne de l’expansion islamique, et— en plus— la même normalité dans la naissance de ce qui est andalusí. Nous continuons donc, fortement accrochés à ce que doivent marquer ces pages: qu’al-Andalus n’est pas le résultat d’une génération spontanée, et que l’islamique n’est pas une rupture avec la tradition méditerranéenne gréco-latine. En son temps, Henri Pirenne nous montra avec Nbipnfu! fu! Dibsmfnbhof des réalités inéluctables marquées par une position final— qui paraîtrait plutôt un positionnement préalable— que nous partageons: les barbares qui envahissent Rome se romanisent, mais les musulmans arasent et en finissent avec l’homogénéité méditerranéenne. Il y a un point de friction dans la magnifique narration historique de Pirenne: il arrive à dire qu’entre les années 400 et 600 il ne se passa rien d’exceptionnel dans l’équilibre des forces méditerranéennes, et tout d’un coup surgit un islãm dévastateur; étrangement différent— celle que nous avons déjà citée, m֏usbohfu! islamique et andalusíe. En réalité il est impossible qu’il ne se passe rien pendant plus de deux siècles. La conclusion est que, ou nous ne le savons pas, ou nous l’ignorons délibérément, ou la transformation fut ce qu’il y a de plus profond qui puisse se produire dans l’histoire: modifications substantielles dans les états d’opinion. 64 Claude Cahen, Fm!Jtmbn!/J/Ò!Eftef!mpt!ps“hfoft!ibtub!fm!dpnjfo{p!efm! jnqfsjp!pupnbop. Madrid-México D.F.: Siglo XXI, 1998 (1968 1). Pág. 2. 255! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou § 3. Dans notre lecture prudente des faits, tel fut le cas de la Méditerranée; telle est la raison de la normalité islamique, et telle est la source dans laquelle s’insère— fermement— al-Andalus dans l’histoire. Il ne se passe rien de remarquable dans la Méditerranée? Bien; de très profondes transformations sociales qui— fondamentalement— ouvrirent les esprits et mirent fin aux conciles, aux chancelleries, aux frontières. Et en cet état de choses— d’opinion partagée— surgissent les révolutions silencieuses. Les transformations larvées qui, au premier coup d’œil, n’ont pas changé la physionomie des choses. Mais la radiographie fait apparaître des résultats bien différents. Un écrivain allemand sous un pseudonyme— Christoph Luxenberg— est l’auteur d’une révolutionnaire et apparemment incommode lecture du Coran. Le contenu de son apport intellectuel s’insère dans le questionnement de qu’il ne se passa rien pendant les deux siècles préalables à l’expansion islamique. Cet auteur est aussi celui qui donne son nom au Débat Luxenberg. Le livre est Ejf!tzsp. bsbn‹jtdif!Mftbsu!eft!LpsboÒ!Mfduvsf!tzsp.bsbnfoof!ev! Dpsbo/ Avec un sous-titre éclaircissant: dpousjcvujpo!bv!edijg. gsbhf! ev! mbohbhf! dpsbojrvf.65 La référence directe en allemand est indicative de deux choses: malgré qu’elle soit une des grandes nouveautés éditoriales allemandes de l’an 2000, et que son cadre d’intérêt dépasse ce qui est allemand— sans aucun doute—, l’œuvre n’a pas été traduite. L’on parle depuis pas mal de temps de futures versions anglaises, mais il n’y a rien de concret. Dans un autre ordre de choses, et pour ce qu’il en est de strictement espagnol, à nos latitudes linguistiques et/ou académiques pratiquement personne ne s’est occupé de ce débat, ceci reflète, peut-être, de que peu l’ont 65 Christoph Luxenberg— pseudonyme—, Ejf!tzsp.bsbn‹jtdif!Mftbsu!eft! Lpsbo/!Fjo!Cfjusbh!{vs!Foutdim ttfmvoh!eft!Lpsbotqsbdif/! Première édition à Berlin: Das Arabisch Buch, 2000. Deuxième édition— celle que nous utilisons ici— à Berlin: Verlag Hans Schiler, 2002. Postérieurement la matière continua en deux œuvres principalement— en marge du débat public passionné. Karl-Heinz Ohlig et Gerd-Rüdiger Puin (Eds.), Ejf!evolmfo!Bog‹ohf. Berlin: Verlag Hans Schiler, 2005, avec la collaboration de Volker Popp, le propre Disjt. upqi! Mvyfocfsh, Claude Gilliot, Alfred-Louis de Prémare, Ibn Warraq, Pierre Larcher, Manfred Kropp, Sergio Noja Noseda, Alba Fedeli, Gerd-Rüdiger Puin, Karl-Heinz Ohlig et Mondher Sfar. Cristoph Burgmer, Tsfju!vn!efo!Lpsbo, Verlag Hans Schiler, 2005. M֕mf!ev!kpvs!bwbou 256 fait préalablement en anglais ou français,66 et comme l’on sait en Espagne il faut toujours attendre, car vo!fyqfsu!ftu!vo!npotjfvs! usbohfs!rvj!wjfou!qpvs!qbsmfs!tvs!!oÖjnqpsuf!rvfmmf!diptf/ § 4. Le débat ne nous intéresse pas en soi: il en dit beaucoup sur l’intransigeance dans l’actuelle militance islamique— impropre à la tradition islamique et une crasse erreur, suivant l’opinion des véritables défenseurs de l’islãm—, et dit encore plus sur le mode vociférant de rendre démoniaque tout l’islamique par les sensationnalistes et superficiels rédacteurs occidentaux. Le contenu en concret du livre n’est pas non plus essentiel ici, en ce qui concerne strictement une lecture syrienne d’un texte arabe; quelque chose de si spécifique que l’on doit échapper à la sommaire assimilation des contenus dans une œuvre généraliste comme la nôtre. Mais le livre de Luxenberg parcourt— et en général, le débat autour— diverses idées spécialement indiquées pour nos objectifs: – Le questionnement des dates originaires communément admises de l’islãm canonique. Oui, par exemple, l’on démontre qu’il n’y a d’jtmŒn! pgßdjfm! qu’après 750, comment aurait pu l’islãm envahir l’Hispanie presqu’un demi-siècle avant— pour ne pas parler du nord de l’Afrique? – Les sources culturelles qui entourent l’inspiration coranique: si elles sont syriennes elles sont chrétiennes. Si elles sont chrétiennes elles sont monothéistes. Si elles sont monothéistes orientales elles sont ariennes, ébionites, elcésaïtes, ou n’importe quelle forme d’insurrection face aux difficiles dogmes trinitaires byzantins. Donc, l’islãm n’est pas une expansion 66 La référence à propos de quÖjm!z!fo!b!qfv!rvj!tÖfo!tpou!pddvq!fo!ftqb. hopm: ce qfv est une clause de sauvegarde. Nous ne connaissons aucune étude ou référence en espagnol. En anglais, essentiellement: Angelika Neuwirth, « Qur’an and History— A disputed Relationship. Some Reflections on Qur’anic History and History in the Qur’an”, Kpvsobm!pg!RvsÖbojd!Tuvejft 5.1. (2003), pages 1 à 18. Robert R. Phénix Jr. et Cornelia B. Horn, “Book Review: Christoph Luxenberg (ps.) Die Syro-aramaeische Lesart des Koran…”. Hugoye: Kpvsobm!pg! Tzsjbd!Tuvejft 6,1 (Janv. 2003). François de Blois, «Review of Christoph Luxenberg, Die syro-aramäische Lesart des Koran…». Kpvsobm!pg!RvsÖbojd!Tuvejft 5.1 (2003), pages 92 à 97. 257! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou lourdaude des lois bédouines, mais émane de l’état d’opinion méditerranéen. – S’il s’agit de tout ce qui précède, l’évolution de l’islãm— dérivée de celle de sa source révélée, le Coran— est beaucoup plus cohérente avec l’évolution des idées religieuses dans la Méditerranée, et beaucoup plus normale son expansion idéologique. Cela terminera par l’éternelle étrangeté islamique qui parraine l’usbohfu!boebmvt“f/ – Donc le livre rend inutilisables les mythes de la miraculeuse cavalerie islamique— que l’on peut envoyer à la casse pour sa vente au poids ultérieure et utilisation sectaire domiciliaire, comme en général terminent les mythes rances. Cela nous permet de nous rapprocher d’une manière limpide et historique au processus de la naissance d’al-Andalus, sans avoir à nier la plus importante— l’existence d’al-Andalus. La coupure historique d’un calibre comme celui de l’an 711 est impossible. Guadalete ne suppose pas le lever de rideau d’une réalité complètement neuve en Hispanie. L’Hispanie faisait partie d’un parcours d’idées et de migrations normal en son temps méditerranéen. § 5. Afin d’avancer au moins une dégustation, Luxenberg soutient que le Coran contient des passages en graphie arabe qui doivent être lus non pas en arabe mais en syrien— langue qui a la même graphie.67 Les versets coraniques sont spécialement indiqués68 —Cor. 44.54; Cor. 52.20; Cor. 55.72; et Cor. 56.22—. L’analyse de cet auteur se base sur plusieurs idées préalables essentielles: – Le syrien était la langue culte à l’époque de la révélation coranique. – C’était la langue liturgique des chrétiens du Moyen-Orient. – La tradition monothéiste qui circulait dans l’Arabie du VIIème siècle était hébraïque et grecque, mais transmise en syrien. 67 Nous partons d’un alphabet arabique commun à différentes langues: arabe, perse, urdu, malaisien…et aussi syrien. De même que le latin supporte des langues diverses: espagnol, français, allemand…mais aussi le latin. 68 L’on cite le Coran indiquant Cor. n. de sourate (sûra)— chapitre— n. de verset (ãyãt). Exemple: Cor. 69,20; équivaut au chapitre— sourate— 69 et au verset 20. M֕mf!ev!kpvs!bwbou 258 – La lecture syrienne de ces chapitres cités est cohérente. En fin de compte, l’on sait que la propre parole Dpsbo est d’origine syrienne. Rfsbzˆo, signifie la lecture rituelle dans les offices religieux. – La lecture en arabe de ces chapitres est incohérente— mais communément admise. – Le contenu de tous ces chapitres renvoie à la même chose: le Paradis comme prix pour le croyant, qui renferme— soidisant en arabe— ipvsjt!bvy!zfvy!opjst. Mais, parait-il, qu’il s’agirait d’une mauvaise lecture des mots, en réalité syriens. Lus dans cette langue, mf!npu!ipvsjt!tjhojßf!mb!qspnfttf! ef!sbjtjot!tfdt<!sbjtjot!opjst!tvddvmfout/ – La conclusion technique; il faut lire en syrien les passages du Coran— de même que pour la Bible l’on peut alterner le grec/ hébreu/araméen. – Conclusion théologique: il n’y a pas de houris dans le Paradis. Conclusion sectaire et aberrante pddjefoubmf.dfousjtuf: il n’y a pas de Paradis pour l’islãm. – Conclusion islamo-militante: il s’agit seulement d’une nouvelle offense à l’islãm. La diffusion des contenus du livre de Luxenberg est défendue au Pakistan. § 6. Le débat réveilla— sa caricature simplifiée fut lancée médiatiquement— simultanément le rejet islamique à une lecture non canonique et la raillerie occidentale basée sur la caricature de l’islãm d’usage— si les musulmans terroristes meurent comme martyrs en attendant les houris dans le Paradis, et que tout à coup les attend simplement un bol de raisins secs…69 Ce n’est pas cette version intellectuelle de la presse du cœur, mais plutôt l’évocation subjacente; le Coran s’insère dans son époque: le monde convulsif des idées religieuses des années 600, comme héritage des deux siècles 69 La célèbre plaisanterie stupide de npvsjs!qpvs!vof!qpjhof!ef!sbjtjot! tfdt, reprise par la presse allemande, dit beaucoup sur la symbiose marquée entre l’islãm et le terrorisme, insérée dans l’opinion publique européenne, et traductible en deux tragiques conclusions: en premier lieu, que nous sommes de moins en moins cultivés en Occident. En second lieu, qu’il y aura de plus en plus de terroristes et nous en trouverons moins, parce que nous les cherchons dans les mosquées et non pas entre les groupes de jeunes gens arrogants qui veulent rentabiliser l’éternelle lutte des classes. 259! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou préalables. L’on comprend l’inquiétude dans les milieux qui suivent les traditions islamiques après le livre de Luxenberg, mais j’ai peur que cela soit la clé pour une future normalisation internationale de l’islãm: rompre son étrangeté. Raisonner— ce que fit déjà Averroès— l’indubitable révélation en se basant— précisément—, sur la requête coranique: l’islãm ne vient pas pour annuler, mais pour ratifier. L’idée, ainsi exposée, d’un islãm rattaché à la tradition syrienne, avait déjà été annoncée par des intellectuels de la taille de Bravman —1972—, Lüling —1975— ou Wansbrough —1977—,70 ainsi elle continue dans l’actualité, d’une certaine façon, par des commentateurs musulmans qui s’efforcent comme Abdeljelil, qui dans l’Université de Susa— Tunis— essaie de faire apparaître de nouvelles lumières sur l’origine de l’islãm en se basant sur ce que l’on appelle mft! qbqjfst! ef! Tbobb; documentation d’exemplaires très anciens du Coran trouvés dans la capitale du Yémen; un sorte de RvnsŒo islamique. § 7. Établir ou insinuer un texte pré-canonique du Coran nous intéresse pour la même raison que le problème de la Grande Mosquée du Rocher— Jérusalem— résulte illustratif: les spécialistes admettent sans ambages qu’il n’y eu pas de recension canonique du Coran avant 691— presque soixante ans après la mort de Mahomet—, et que cette même année les inscriptions coraniques furent incluses dans la mosquée du Rocher hiérosolymitain. Ce qui se passe c’est que telles inscriptions sont un peu différentes du texte coranique tel que nous le connaissons, il s’impose donc une version différente des faits: le texte coranique continua à évoluer. Si à cela nous ajoutons que l’islãm se base — en plus— sur d’autres textes comme les hadîths— recueil des faits relatifs au Prophète— ou la propre biographie de Mahomet, et que la plus grande partie de ces derniers livres ne circulèrent pas avant trois cents ans après la mort du Prophète, cela doit nous animer à réécrire la prétendue 70 M.M. Bravman, Uif! Tqjsjuvbm! Cbdlhspvoe! pg! Fbsmz! Jtmbn. Leiden: E.J. Brill, 1972. Günter Lüling, Efs!Vs.Rpsbo 1975. John Wansbrough, 1977. Patricia Crone and Michael Cook, Ibhbsjtn;!Uif!nbljoh!pg!uif!Jtmbnjd Xpsme— “Accrochez-nous: la formation du monde islamique”. Voir, aussi— pour un clair état de la question—, Fred M. Donner, Obssbujwft!pg!Jtmbnjdt!Psjhjot;!Uif!Cfhhjojoht! pg!Jtmbnjd!Ijtupsjdbm!Xsjujoh. M֕mf!ev!kpvs!bwbou 25: histoire des conquêtes islamiques: eÖbcpse!bssjwsfou!eft!voj. ubjsft!ef!upvuft!tpsuftÒ!qbt!ev!upvu!bsbcpqipoft/!Fotvjuf-! eft nvtvmnbot! ek‰! dpnnf! ufmt! fu-! tfvmfnfou! qptusjfv. sfnfou-!eft! nbipnubot.71 Mais non pas en 711; pas encore en Hispanie. § 8. Ainsi, s’il n’y eut pas de Coran écrit— le Coran message est atemporel— jusqu’à 691, au nom de qui fut conquise Jérusalem en 638? Crane et Cook affirment catégoriquement que les premiers prédicateurs— non pas des généraux— musulmans dans Jérusalem ne se différentiaient pas des anachorètes ou sincères proclamateurs du monothéisme dans un ample spectre qui allait du judaïsme au christianisme du Moyen-Orient, idéologique et géographique. L’islãm n’a jamais nié son caractère continuateur dans le message, donc l’origine enracinée est cohérente. Crane et Cook proposent l’expansion des Agaréens— musulmans fils d’Ismaël, ainsi que d’Agar, la concubine d’Abraham— comme la clé de la normalité dans l’expansion du futur islãm. L’idée susurrante est qu’jmt! of! tpou! qbt! mÖbvusf. Ils font partie de la même tradition, peut-être quelque peu éloignés par les inclémences du désert. De cette manière, le concept de Hfot!ev!mjwsf que l’islãm universalise, acquière ici son véritable sens unitaire. Un sens, qui est essentiellement islamique. À nouveau: s’il n’y avait pas de codification strictement islamique ou arabe en général jusqu’à 691, au nom de qui upncb, supposément, Alexandrie en 642 pour le saut postérieur au Maghreb et à l’Hispanie? Sur quelle base pouvons-nous continuer à penser qu’il y avait des musulmans dans le nord de l’Afrique? § 9. Suivant cet ordre de choses, il ne s’agirait pas plutôt de proto- musulmans monothéistes irrédentistes et enflammés dans les terres qu’ils fertilisaient avec leur révolution hétérodoxe pour fructifier après en islãm? Le processus peut se compliquer encore plus en admettant que les sept lectures canoniques du Coran s’établissent et se fixent pendant un siècle, depuis les premières— la lecture 71 La distinction n’est pas futile: l’on commence seulement à parler de Mahomet à cause de l’abondante compilation postérieure de sa biographie et des traditions. 261! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou d’Ibn Amir de Damas en concurrence avec celle d’Ibn Kasir de la Mecque, en 736 et 737 respectivement— jusqu’à la lecture d’al-Kisai de Kûfa en 804, mais non transmise jusqu’à 860 par al-Duri. De cette façon, il en résulte que jusqu’à 860 l’on est en train de codifier l’islãm dogmatique. Ya-t-il un sens que ce soit alors quand se produisent les révoltes de ce que l’on appelle les mozarabes dans Cordoue, ou les lettres d’Euloge de Cordoue qui découvre à Pampelune une biographie de Mahomet et se demande qui est-il? Auraitil un sens le va et vient permanent maghrébin avec des révoltes prétendument berbères qui— sûrement— cache une islamisation progressive? Case-t-elle ici l’arrivée postérieure à al-Andalus de contingents militaires fuyant le Maghreb? Pourra-t-elle avoir une nouvelle lecture surprenante, romanesque— et bobtubtjfoof — l’arrivée d’Abd Al-Rahmãn sur les plages d’Almuñecar? § 10. Qu’était-il arrivé en Hispanie; qu’est-ce qui commença à s’appeler al-Andalus? C’était une ramification de la circulation des idées méditerranéennes, un héritage romain transformé en nouvelle version par le monothéisme anti-institutionnel. En le regardant d’ici— Espagne—, Ignacio Olagüe arrive à la même description du sujet qu’en le regardant— comme nous le voyons aussi— à partir de l’Orient. À travers les actes des conciles ecclésiastiques hispanos, Olagüe nomme le courant des nouvelles idées du post-arianisme avant le pré-islãm, et sûrement il visa juste. En tout cas, nous devons parler d’un processus beaucoup moins militaire jusqu’à cette période— vers la moitié des années 800; moitié du IXème siècle. Les années pendant lesquelles, il y a de cela déjà beaucoup de pages, nous situions les commencements réellement historiques d’alAndalus. Notre lecture des faits évoqués ici se rapproche à ce qu’a exposé Gerald Hawting lorsqu’il note— d’une façon aussi conciliatrice que scientifique— que sûrement, tout l’énorme matériel d’endoctrinement et révélation monothéiste produit— inspiré, évoqué, révélé…— dans le Proche Orient des années 400 à 600 était de transmission circulaire, enrichissant dans ces modes de transmission, et passait d’une communauté monothéiste à autre communauté monothéiste. Du post-judaïsme au pré-christianisme, et d’ici au proto-islãm, en passant dans chacun des cas par l’impressionnante panoplie d’hérésies, sectes et versions communautaires ou bobdipsujrvft; M֕mf!ev!kpvs!bwbou 262 révolution ou maraboutisme.72 L’apport positif du Débat de Luxenberg— à part les succès de vente en cette nouvelle édition de ce que nous pourrions appeler le Tzoespnf!ev!Dpef!eb!Wjodj-; l’apport— disions-nous — consiste à retourner et comprendre que le protoislãm était dans ce circuit d’idées méditerranéennes et orientales. Ainsi se renforce et s’étend la vérité historique— et la foi, suivant notre modeste opinion; pour ce qu’elle apporte de normalité. § 11. En réalité, tel élagage du spectacle dans la vérité des choses nous aiguille à la perfection, et génère le questionnement réel de cette affirmation de Pirenne— jm!of!tf!qbttb!sjfo!fousf!mft!booft! 511! fu! 711! ebot! mb! Nejufssbof/ Ce qui se passa,— effectivement—, nous remet à l’univers des idées religieuses, qui— selon ce que nous pouvons voir— depuis le Concile de Nicée— 325— jusqu’au Débat Luxenberg— 2000—, plus qu’indiquer des accélérations vides de rythme historique, paraît être la preuve digne de foi de que rien ne change. Mais retenons quelque chose d’essentiel de ce que le Débat Luxenberg insinue: le Coran ne fut pas la réponse au polythéisme primitif de l’Arabie antéislamique; il fut la réponse révélée au monde ouvert et passionné des idées religieuses et affrontements politiques dans un monde qu’aujourd’hui nous percevons injustement comme univers de sable. Entre Byzance et la Perse sassanide, entre la métropole gréco-latine qui impose le dogme, et une périphérie non primitive mais réticente aux changements. L’Arabie, par exemple, se trouvait pleinement christianisée et avec de nombreuses concentrations juives. Le royaume d’Himyar, par exemple, dans le cœur arabe des routes caravanières, était une 72 Dans l’islãm, comme dans n’importe quelle autre religion révélée, l’alternance entre le sentiment communautaire et l’individuel de la propre foi est évidente. Ce n’est pas le moment— mais il reste différé— de traiter avec plus de profondeur la séquence de cette alternance et de son reflet dans le contexte duquel elle émane. Mais l’on dirait que le sens communautaire— même jusqu’à grégaire— de la religion a l’habitude de correspondre avec des crises et menaces extérieures, par contre le sens individuel— éthique— correspondrait avec le calme social, l’évolution vers l’intérieur. Aux époques convulsées, effervescence religieuse, et non pas au contraire— comme ce que l’on raconte. Voir, pour ce qui est spécifiquement islamique, la manière avec laquelle— déjà vers les années 50 du siècle passé—, l’Algérien Bennabbi étudiait la séquence, appelant l’islãm individuel, nbsbcpvujtnf; terme que nous employons ici. Bennabbi, Wp. dbujpo!ef!mÖJtmbn, 1954. 263! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou enceinte christianisée par le Yémen et opposée au centre byzantin. À la fin des années 500, date de la descente coranique, l’entrecroisement théologique arabe était seulement comparable au commercial.73 Là nous avons la narration coranique pour distiller les contenus, à la hauteur de son époque historique et en aucun cas rejet lourdaud d’un polythéisme primitiviste. Autre chose est combien— longtemps après— l’on vient nous inculquer le prétendu vide dans lequel fleurit une nouvelle religion. Ce ne fut pas le cas: bien que l’histoire soit un enchaînement de principes, rien ne surgit par génération spontanée. 3/9/!Ipnp.pvtjpo § 1. Ebot!mf WJJnf!tjdmf!ef!opusf!sfÒ!dpnnfodf!Dmbvef!Db. ifoÒ!jm!z!bwbju!ek‰!qmvt!ef!efvy!dfout!bot!rvf!mb!npjuj!pd. djefoubmf!ef!mÖFnqjsf!Spnbjo!fu!mb!dvmuvsf!rvf!dfmvj.dj!sfqs. tfoubju! t֏ubjfou! dspvmt! ‰! dbvtf! eft! buubrvft! eft! Hfsnbjot/! Dfqfoebou-!upvu!mÖFnqjsf!dpnnf!tb!dvmuvsf!tvswjwbjfou!ebot!mb! npjuj! psjfoubmf! ifmmojtf! \Ê^! N‘nf! tj! mft! spnbjot! eÖPsjfou-! df!rvf!mÖpo!bqqfmmf!mft!Cz{boujot-!bwbjfou!ßoj!qbs!sfgpvmfs!mft! Qfstft-!mft!efvy!ubutÒ!Qfstf!fu!Cz{bodfÒ!tf!uspvwbjfou!qvj. tt!qbs!mÖfggpsu!sbmjt/!DÖftu!bmpst!rvÖbqqbsvu!mÖJtmŒn.74 Dans cette citation il y a des références collatérales intéressantes, parce que les deux cents ans écoulés entre les années 400 et 600 expliquent l’apparition de l’islãm. Ces deux cents ans renvoient à la révolution traitée ici des idées autour de la nouvelle Méditerranée. Ces deux cents ans montrent que, dans le milieu qui est strictement de l’Hispanie, les Wisigoths— barbares— se recouvre avec la tradition antérieure; il semble, que n’étant pas Rome— Rome continue en Orient— ils commencent une domination qui terminera sfdpvwsbou la romaine. La question est: admettons, dans tel cas— de fait, c’est ce que l’on fait—, que Rome continua dans l’Hispanie wisigothe, ou qu’également elle continue en Orient. Et dans ce cas, que la dpotuboujojtbujpo de Rome ne la dé-romanise pas, pour l’exprimer d’une façon directe. Soit, mais 73 C. Robin déplia la carte compliquée des luttes des prosélytes arabes dans «Les religions de l’Arabie avant l’Islam». Mf!npoef!ef!mb!Cjcmf 129 (2000). 74 Claude Cahen, Fm!Jtmbn…, page 2. M֕mf!ev!kpvs!bwbou 264 qpvsrvpj!mf!disjtujbojtnfÒ!psjfoubmÒ!of!e.spnbojtf!qbt! vof!Spnf!fo!hsfd!fu!qbs!dpousf!wb!e.spnbojtfs!mÖjtmŒnÒ! hbmfnfou!psjfoubmÒ!‰!mb!Spnf!fo!mbujo!eÖPddjefou@! § 2. Ce n’est pas le simple désir de compliquer, mais plutôt de montrer comment la sauvage fertilité de certaines époques se mélange avec des stéréotypes pris pour des vérités et donnent comme résultat la célèbre étrangeté andalusíe. Quand le christianisme passe à être l’idéologie de l’état exprimée en grec— la post-Rome byzantine—, il se retrouvera avec son miroir dans le flan sud: l’islãm sera l’idéologie de l’état exprimée en arabe. Aucune des deux n’est moins Rome que l’autre. Aucune des deux n’est plus Méditerranée. Finissant le verre jusqu’à la lie, une des deux est plus occidentale; la branche verte qui poussa au couchant: le produit de son époque appelé al-Andalus. Dans l’évolution du christianisme, il n’y avait pas eu de différences profondes de chaque côté du Détroit. Les mêmes martyres exécutés par les troupes de Decius et Dioclétien— débuts des années 300—, refuges d’un côté et de l’autre, échange et forge de légendes de la future usbottvctuboujbujpo.75 Concrètement Dioclétien est une figure symboliquement dibsojsf; un temps de césure: il combattit la future idéologie impériale— christianisme— et marqua la règle pour la défense de l’Empire grâce à sa répartition organisationnelle. Ainsi, à la fin du IIIème siècle, ce fut Dioclétien qui traça la ligne entre la Rome occidentale et l’orientale. § 3. La ligne de division passait par les Balkans— au nord— et en- tre l’Algérie et la Lybie— au sud. Il fut stipulé que le pouvoir se répartissait entre deux augustes et deux césars dans l’éphémère tétrarchie que tous voudront unifier par frottement sans graissage. Un siècle après, en 395, Théodose transformera cette division défensive— mais division de facto— en une division de iure: profitant la ligne nord-sud de Dioclétien, l’empire se divisa entre les deux fils de Théodose; Arcadius recevrait l’Occident, et Honorius, l’Orient. 75 En ce qui concerne la usbottvctuboujbujpo c’est comme un clin d’œil vers de futures complications; la façon avec laquelle Mûsã Ibn usayr— le Maure Mûsã— ou le conquérant du Maghreb, Uqba, apparaîtrons avec la même biographie que les personnages mythiques antéislamiques. Comme le fait controversé à savoir que si à Compostelle se trouve la tombe de l’apôtre Jacques ou de Priscillien. Nous reviendrons là-dessus. 265! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Mais nous étions avec les persécutions de Dioclétien envers les chrétiens et la progressive christianisation de Rome depuis l’Orient. Parce que le christianisme vint d’Orient— comme tout dans la Méditerranée-; l’on sait déjà ce: ex Occident lex, ex Orient lux: d’Occident la loi, d’Orient la lumière. Et que l’adage serve ici de patent pddjefou.dfousjtnf: il est plus que prétentieux de définir l’Orient normatif dépendant de l’Occident. Imaginez, par exemple, Hammourabi recueillant son code en regardant du coin de l’œil à l’Europe de son époque. § 4. En tout cas, et nous limitant à ce qui est strictement de l’Hispanie, il paraît évident que les mouvements migratoires dans les deux sens étaient communs dans le Détroit: il semble— comme exemple—, entre les années 161 et 180 de notre ère qu’il y avait eu d’intenses incursions de Nord-africains — à nouveau attention ce ne sont pas encore les Maures d’Abdelkrim— dans la péninsule Ibérique. Mais que probablement, les mouvements les plus graves durent se produire toujours à cause des mauvaises années, sécheresses, famines de toute sorte et pour multiples raisons. Et commençait l’époque de la grande marée Nord-sud: en l’an 250, les premiers Francs détruisaient les défenses romaines centre-européennes et firent irruption en Hispanie. Vingt cinq ans plus tard, le firent déjà des tribus germaniques. L’effet domino s’était déclenché, et Rome— c’est-à-dire, en ce cas, l’Hispanie et la Mauritanie Tingitane— dut se dé-romaniser pour subsister. Malgré les occasionnels et nombreux traités de clientélisme de différents peuples avec l’autorité constituée romaine, l’instabilité était la tendance générale de l’Occident. Entre-temps, en l’an 324, l’empereur Constantin (306-337) fondait la ville de Constantinople comme celui qui construit l’Bsdif!ef!Op. Rome regarde l’Orient pendant que se préparent les tempêtes européennes; les invasions barbares. § 5. Pendant que Rome commençait à regarder vers l’Orient, l’His- panie se trouvait christianisée d’une manière inégale. Dans les actes du Concile d’Elvira, à côté de la future ville de Grenade— entre les années 300 et 313—, l’on énumère les sièges ecclésiastiques et les communautés chrétiennes de tout le territoire péninsulaire, et il en ressort que la plus grande affluence d’églises et de sièges épisco- M֕mf!ev!kpvs!bwbou 266 paux se trouve dans la Bétique en comparaison avec la pénurie dans le reste de l’Hispanie. En même temps, également dans la Bétique— avec la capitale épiscopale à Cordoue—, il y avait au moins douze communautés juives fortes et organisées dans les deux villes. Cela signifie seulement que la transmission et le contraste des idées— et échanges— est plus facile dans la Bétique bien structurée, pour une plus grande rapidité de communication possible, Il serait intéressant de contempler ce fait à la vue des changements postérieurs: quand les Wisigoths centralisent l’état avec leur capitale à Tolède ils changeront en grande partie l’organisation territoriale de l’Hispanie. Celle-ci changera à nouveau dans le temps: al-Andalus retournera d’une certaine manière à l’ancienne organisation territoriale hispane avec la capitale à Cordoue dans une grande partie de l’époque islamo-arabe. § 6. Ce Concile d’Elvira est essentiel pour comprendre l’histoire postérieure de l’Hispanie, jusqu’à sa conversion en al-Andalus, parce que c’est un parapet préalable au schismatique Concile Général de l’an 325 à Nicée. Nous disons schismatique non pour l’être en soi— Nicée est la naissance de l’inamovible pouvoir ecclésiastique établi—, mais plutôt pour être la règle à mesurer les schismes. Quel est le barème?: accepter ou non la consubstantiation officielle de Christ. Le concept grec homoousios. Que Jésus de Nazareth est Dieu— Fils de Dieu— insufflant un caractère normatif aux symboles poétiques. Dans ce célèbre et illustre Concile de Nicée, l’ineffable évêque cordouan Hosius réussira à inculquer l’actuel Credo catholique: le bâton pour mesurer les infidèles. Mf!dpvq e֏ubu!usjojubjsf — par le dogme imposé de mb!Tbjou!Usjoju — laisse bouche bée aux innombrables théologiens unitaires chrétiens; aux masses qui finiront par se tourner vers le plus simple monothéisme ambiant, reconnaissable, et, à la longue, agité par les vents provenant des sables du désert. § 7. Ce n’est pas par pur artifice que nous faisons allusion aux évènements du VIème siècle, mais pour comprendre al-Andalus, comme nous l’avons déjà manifesté. Partant seulement de que l’islãm andalusí doit— au commencement— plus au magma préalable qu’aux chevauchées miraculeuses nous pouvons accepter une européani- 267! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou sation logique de l’andalusí. Parce ce que nous continuons ancrés dans une des idées exposées dans la déclaration de principes préalable: dans histoire il n’y a pas de solution de continuité. Rien n’est absolument spontané, ses racines plongent toujours dans le passé. Avec un nuancement: tout processus oublié prépare sa vengeance. Mais nous reprendrons cette idée dans la projection contemporaine de l’andalusí. Dans le cas qui nous occupe, sous-estimer le VIème siècle est responsable de que l’on considère que le wisigoth paraisse le prolongement du romain— il ne l’est pas, il s’agit plutôt d’une réalité évoluée bien différente—, et de que l’histoire des idées religieuses nous présente un christianisme et un islãm actuels et historiques cohérents avec leurs sources inspiratrices. Ils ne le sont pas; comme tout phénomène social, et donc humain, ils sont soumis aux décharges permanentes du temps qui avance, du changement vital, de la normalité critique et apparemment incohérente des processus. C’est-à-dire: tant l’islãm comme le christianisme contemporain vont faire allusion en permanence à une claire différenciation entre eux, de la même façon qu’une évolution logique à partir de sources primitives différentes. § 8. Jusqu’aux années 500— IVème siècle— l’on peut démontrer que ce qui vient d’être dit ne case pas: les deux formes de foi— islãm et christianisme— partent d’une souche commune. D’un génial marasme environnant et circulaire d’idées et inquiétudes. À un moment donné tel marasme s’institutionnalise dans le christianisme des conciles, donc— d’autre part, et contre cela— se convertit en révolutionnaire dans sa version proto-islamique. La conversion révolutionnaire répondra à l’impossibilité d’être chrétien monothéiste sans accepter la Sainte Trinité, entre autres soumissions aux dogmes chrétiens officiels. Soumissions au pouvoir établi. La réalité d’impossibilités comme celles qui précèdent recouvre une éminence pragmatique dans al-Andalus des années 850. Effectivement, à la moitié du IXème siècle— où nous avons situé le début effectif de la réalité andalusíe, et non dans les naturelles marées humaines d’un siècle et demi avant— dans ces années-là se produit l’apparition d’un nouveau phénomène dans al-Andalus: le martyrologe chrétien. À nouveau, incorrectement appelé np{bsbcf — ils ne sont pas bsbcjtt, car c’est ce que le mot mozarabe signifie, vu que M֕mf!ev!kpvs!bwbou 268 précisément ils refusent de parler arabe. Cet irrédentisme chrétien se produit exactement sur la terre qui vu naître l’évêque Hosius, rédacteur du Credo, responsable en grande mesure de la constantinisation76 de Rome, et bouillon de culture du Concile d’Elvira. Pourquoi faisons-nous mention— et nous recommencerons à la faire— à des évènements si éloignés dans le temps? § 9. Ce n’est pas à cause de la course historique signalée plus haut que nous pourrons comprendre al-Andalus, ou même pour dédire Pirenne dans sa négation à reconnaître l’utilité historique des années entre 400 et 600. Ce que l’on fait également. Non; nous en faisons mention parce que l’on ne convoque pas de conciles si tout va bien. L’on ne ressasse pas des vérités si elles sont communément admises. Nous devons lire les actes des conciles pour savoir ce que n’accepte pas le peuple. Parce que la convocation est toujours un coup de poing sur la table. Celle-ci est la lecture cohérente des idées religieuses et les essais de dogmatisation. En ce qui concerne Cordoue supposément mozarabe, aux alentours de 850 l’on assiste à l’insoumission des chrétiens à quelque chose. S’il y a pu avoir des chrétiens depuis 711— entrée supposée des musulmans— et seulement à la moitié du IXème siècle s’organise un rejet, c’est que le christianisme a pu continuer socialement pendant un siècle et demi et tout à coup quelque chose est arrivé. Notre vision des faits est que vers 850, al-Andalus se dpotuboujoj. tf. La terre d’Hosius, celle des irrédentistes aux dogmes chrétiens, celle de Priscillien et voisine de Donat,77 s’était apaisée pendant un certain temps. Pourquoi, paraîtrait-il que l’islãm vienne aggraver la déjà précaire situation sociale autour des divisions dogmatiques? § 10. Parce que, au milieu des révoltes du VIIIème siècle, en Hispa- nie l’on a rejeté Rome, et le proto-islãm qui s’infiltre jusqu’à générer al-Andalus est un monothéisme relâché, adaptable, pleinement 76 Nous lui consacrerons plus d’attention après: la constantinisation de Rome est la conversion du christianisme en idéologie d’État après la propre conversion de l’Empereur, Constantin. Le christianisme, convertit en Église, et celle-ci en responsable d’un critère avalisé par le pouvoir coercitif, génère cette constantinisation— union de l’Église et de l’État— si commune après à l’époque de l’islãm, comme héritier en grande partie du sens byzantin de l’État. 77 Nous arriverons— brièvement— à tout cela. 269! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou satisfaisant pour les consciences religieuses— au-delà, donc des corporatismes. La réaction de ce que l’on a appelé les mozarabes indiquera que le débat des idées religieuses n’était pas conclu. L’on verra comment en Asturies ils rechassent tant l’islãm comme Rome; pour l’instant, l’an 850 marque une nouvelle dpotuboujojtbujpo— cette fois islamique, cordouane, andalusíe— dans la radicalisation d’un processus partagé par tout le sud de la Méditerranée— la codification de l’islãm comme religion indépendante, et non simplement une inquiétude monothéiste. Ainsi, il est évident que cette version— déjà complètement islamique— du monothéisme s’institutionnalisera postérieurement. Il arrivera même le moment où il sera difficile aussi d’être musulman au milieu de tant de normes dogmatiques— ce sera le cas du propre Averroès, face aux prétentions puritaines des dynasties nord-africaines, avec lesquelles il crut pouvoir s’accommoder quelque peu. Mais non dans les dates dont nous venons de parler, le processus qui conclut dans le VIIIème siècle et commencé au IVème; processus créateur des sources d’al-Andalus. § 11. Pour l’Hispanie et le nord de l’Afrique, le IVème siècle signifie beaucoup de choses entrelacées: – Processus de partition de Rome en Orient et Occident. – Byzantinisation des idées religieuses. – Triomphe du dualisme byzantin— Jésus est homme et Dieu— associé au trinitarisme— un Dieu, trois personnes. – Magma majoritaire de la population faiblement christianisée qui ne comprend pas ces digressions trinitaires. – Un ensemble important de théologiens qui comprennent ces digressions trinitaires, mais ne les acceptent pas. Ils représentent la tradition, et le trinitarisme est innovation, mais le temps en marche retournera cette vision des choses et appellera hérétiques aux traditionnalistes. – Imposition des conclusions des conciles par la force des armes. Le christianisme est déjà l’idéologie de l’État. – Radicalisation des groupes populaires contraires à un dogmatisme si compliqué. – Étiquetage d’hérésies à tous les mouvements unitaires— un Dieu, sans plus de complication—, autour de figures théolo- M֕mf!ev!kpvs!bwbou 26: giques indiscutables, dès lors anathématisées: Priscillien en Hispanie, Donat dans le nord de l’Afrique, Arius à Alexandrie, et cetera. – Arrivée des peuples centre-européens, en majorité pré-dogmatiques. C’est-à-dire, la plupart d’entre eux classifiés postérieurement comme bsjfot ou— simplement— unitaires primitifs, parce qu’ils n’ont pas reçu la communication des changements dans les dogmes chrétiens. Ils furent christianisés, mais ils n’assistent pas aux conciles. Le cas paradigmatique est celui des Wisigoths en Hispanie. – Établissement en Hispanie et nord de l’Afrique d’un conflit social permanent dans lequel le peuple s’affronte à deux pouvoirs: le militaire établi, et le religieux en établissement croissant. – Au long des siècles suivants— et pour utiliser la terminologie d’Olagüe—, de ce qptu.bsjbojtnf ambiant l’on arrivera au qs.jtmŒn dans tout le nord de l’Afrique et en Hispanie. Il s’agit d’un processus commencé dans la moitié du VIIème siècle— l’an 650— et terminé deux siècles plus tard— 850. Les dates, sont données exclusivement explicatives comme première approximation. L’islãm fousf! d’une façon si naturelle et c’est d’une façon antinaturelle que l’histoire a l’habitude de le contempler, avec une étrange pudeur chrétienne-conciliaire qui cache la naturelle hétérodoxie par les traitements classiques de l’histoire b.qptufsjpsj. L’on préfèrera être vaincu par une cavalerie miraculeuse provenant des sables du désert plutôt que de reconnaître la dissidence au sein du christianisme. Et même encore plus: l’appropriation indue du dsjusf! disujfo/ § 12. Que ce qui vient d’être dit soit considéré valable comme stratification d’une idée séquentielle, instructions essentielles pour comprendre cette époque— clé des suivantes—: le christianisme se convertit en idéologie de l’État— Rome: Byzance—, passe à être dirigé par l’Église, dont le moteur coercitif sont les conciles— surtout Nicée. Lorsque nous disons appropriation indue du critère chrétien, nous faisons référence à ce que c’est, précisément, l’Église conciliaire celle qui change, évolue, et ceux qui n’acceptent pas les conclusions des conciles, doivent simplement céder; la dissidence 271! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou n’est pas admise. Enfin le concept-vedette de tout ce processus est un mot grec: homo-ousion, de même nature. La consubstantiation ou présence réelle, simultanée du corps et du sang du Christ dans le pain et le vin de l’Eucharistie. C’est-à-dire la double nature du Christ — Dieu et homme. L’emblème de l’appropriation indue du critère chrétien. Était-il vraiment nécessaire que le christianisme affirme juridiquement ce qu’évoquent poétiquement les Évangiles? L’Église officielle le comprendra ainsi. Une grande partie du christianisme non, et il se plongera dans un monothéisme éthéré réduit à sa plus simple expression. L’étoupe pour l’ardente simplicité de l’islãm. Et c’est maintenant, à travers de ce prisme, que l’on doit lire le Coran pour comprendre d’où viennent ses allusions continuelles à dfvy!rvj!bt. tpdjfou, aux tri-théistes. L’obsession de la tpmjuvef!ef!Ejfv, pour nier quÖJm!bju!fohfoes!pv!rvÖJm!bju!u!fohfoes/ Mf!Dpsbo-!mb! qbspmf!eftdfoevf!ef!EjfvÒ!ubo{jm-!fo!bsbcfÒ!ftu!vo!bnfo. efnfou!bv!dsfep!ev!Dpodjmf!ef!Ojdf/!Donc, l’islãm n’est pas une étrange idéologie inconnue. C’est l’évolution normale du temps en marche dans la Méditerranée. § 13. Cette évolution ne peut pas se détailler dans une œuvre de ces caractéristiques, obsession née par le besoin de raisonner la naturalité historique de cette réalité appelée al-Andalus. Nous pouvons seulement évoquer des concepts d’inclusion nécessaire, pour ne pas tomber dans le mystère du surgissement andalusí, tellement à l’usage dans les livres d’histoire. Disons, seulement qu’une partie de la digression se base sur le début de l’Évangile selon Saint Jean: Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu et la Parole était Dieu. Si la parole— Verbe— est Christ, si cela implique que c’est Dieu, qui a été engendré, et cetera. Ou— au contraire— la parole est— littéralement— la Parole de Dieu— message, Livre. Sont-ils si loin l’islãm et le christianisme dans leur première raison théologique? Le coup de gouvernail qu’implique le dualisme— Jésus est homme et Dieu, clé du trinitarisme; le Saint Esprit participe de cette nature et est insufflé— cela suppose un coup de massue pour les communautés chrétiennes post-catéchuménat et répandues dans l’empire romain. Communautés abrahamiques;! ibo•g— est le terme qu’emploiera le Coran qui signifie précisément cela: monothéisme sans M֕mf!ev!kpvs!bwbou 272 attribution, réductionniste. Ces communautés se sentent poussées vers quelque chose de superflu parce qu’elles basaient leur prédication sur une symbolisation éthérée et poétique— Ejfv!ftu!cfbv. dpvq!qmvt!qst!ef!upvt!mft!ipnnft!ef!df opvt!qfotjpot!ebot! mÖfydmvtjwjtnf!ef!mÖBmmjbodf!kvjwfÒ-! qui doit maintenant s’adapter à des codes juridiques sévères. Le croyant laisse sa place au théologien. Les conciles arriveront à transformer le propre concept de foi, qui passe par l’implication d’une obéissance aveugle sous peine de s’affronter à l’état. Les conciles décident ce qui est péché, et le péché est un délit. § 14. Quand tout le fleuve turbulent est incapable d’affronter la pression du dogme élevé à norme juridique— imposition militaire—, quand les masses de croyants, théologiens, hétérodoxes, courants orientalisants oubliés demandent un monde moins conciliaire et plus conciliateur, ce sera l’heure de l’islãm. 3/:/!Mft!gpttt!ev!ephnf § 1. Entre temps— et nous le disions, de cette manière—, tout le marasme d’idées provient d’un passé long et toujours cohérent: deux évènements essentiels au début du IVème siècle— le Concile d’Elvira et de Nicée— que nous pouvons à partir de maintenant associer à un troisième— la fondation de la ville de Constantinople, clé de la constantinisation orientale— pour le rattacher avec un quatrième à la fin du même siècle— la division de Rome en Orient et Occident. Récapitulons: il s’agit de que la Rome des conciles— avec sa future capitale à Constantinople— ainsi que la bipolarité méditerranéenne, justifient la narration coranique d’insoumission aux normes byzantines. De la même manière qu’elle prépare la modification sociale enfouie d’où naîtra al-Andalus. Quatre phases— nous indiquions, frases— pour une seule idée qui doit prévaloir: le surgissement d’al-Andalus est à reporter sur le plus traditionnel mosaïque méditerranéen. L’erreur crasse des historiens dans le cadre social, politique et militaire est ne pas avoir compris la clé du saut vers le Moyen Âge: si Rome continue à Byzance et que celle-ci fait du christianisme conciliaire l’idéologie de l’État, l’histoire des idées religieuses— dans la période qui nous intéresse— est l’histoire des processus 273! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou sociaux. Et nous nous intéressons à montrer la normalité latine— punique— du nord de l’Afrique; le supposé cpvjmmpo!ef!Cfscsft qui— permettez la réitération— supposément envahit l’Hispanie. Parce que de la similitude sociale entre l’Hispanie et la Mauritanie Tingitane émanera d’une façon naturelle le processus de changement vers al-Andalus. § 2. Par exemple, aux époques héritières de cette première christia- nisation rebelle des deux côtés du Détroit— contre les édits de Dioclétien, vers le début des années 300—, était courante l’accusation publique du nommé mjcfmmf; certification officielle d’avoir idolâtré, avec la subséquente abjuration du christianisme que cela impliquait. Ceci dit, certains responsables chrétiens avaient signé et montré des libelles pour s’attirer les bonnes grâces de la Rome païenne— et aussi sauver leur vie— pendant l’époque des grandes persécutions; un faux pas de survie qui plus tard, lorsqu’arrive l’époque coercitive chrétienne, ils prétendent oublier. Passées, ainsi, ces persécutions de chrétiens, et leur religion élevée au rang d’idéologie de l’État de Rome, il était courant que, en matière de libelles, certaines églises hispanes et nord-africaines se trouvassent face à la situation d’admettre ou non les apostats repentis. Les chrétiens d’un aller et retour. C’est ainsi qu’une consultation concrète, émise par certaines églises hispanes fut dirigée à l’évêque de Carthage— Cyprien— qui pour obtenir majeure consistance comme aval, réunit pour s’en assurer trente six évêques africains. Il n’apparaît pas par conséquent, que ces deux régions— l’Hispanie et la Mauritanie Tingitane— fussent éloignées dans leurs systèmes culturels, relations, ou échange d’idées. La consultation de Cyprien est un dbt!uzqf de l’approche sociale et de coutume en matière juridique entre les deux côtés du Détroit. Et aussi la certification d’un haut niveau de formation de ces deux pays: ce ne sont pas des terres d’animistes sans connexion. Ils sont Rome. Ils ne sont pas berbères; ils seront cbscbsft un siècle et demi après, par l’affluence de contingents barbares nord-européens. Et non, d’aucune façon, des ipnnft!cmfvt. C’est une référence récurrente dans notre livre, mais il faut le prendre seulement comme une conviction absolue de la pleine romanisation patente, postérieure et recouverte par ce qui est punique-carthaginois-phénicien du nord de l’Afrique. M֕mf!ev!kpvs!bwbou 274 § 3. Nous vous prions de bien vouloir nous excuser pour notre manière de compliquer le texte par l’allongement de la dénomination punique-carthaginois-phénicien, au lieu d’alterner les trois termes afin d’obtenir un meilleur effet littéraire; parce que le phénicien est punique, et celui-ci carthaginois. Les Phéniciens— punikin, les hommes rouges, pour leurs teintures et conservateurs dérivés d’un coquillage rouge— fondèrent Carthage et de là les trois termes synonymes. La réitération est due à ce que, par expérience de l’amphithéâtre, l’on perd toujours quelques connexions. L’on pense, par exemple, que Hannibal, le grand ennemi de Rome, qu’étant carthaginois était une espèce de touareg analphabète— sans aucun discrédit de l’actuelle et respectable identité touareg. Mais Carthage était une puissance commerciale et culturelle née des intenses réseaux maritimes des Phéniciens, le peuple qui étendit le commerce et inventa l’alphabet. Sa langue était voisine— pratiquement identique— à l’hébreu et donc marque un niveau d’adéquation aux époques très caractéristique du monde sémitique. Il est intéressant de le souligner, sous peine de tomber dans le cliché de Tqfohmfs de que tout ce qui est culturellement évolué dans la Méditerranée est indoeuropéen. La spnbojtbujpo d’un nord d’Afrique ufmmvsjrvf! est autre chose: transcender ce qui est berbère jusqu’à des profondeurs inouïes,78 ici, ce n’est pas le cas. § 4. L’islãm alimenta en partie cette transcendance berbère. Nous disions que Ibn Khaldûn avait compilé son histoire comme un enjeu 78 Voir, par exemple, le roman L’Atlantide de Pierre Benoit. Il propose une lunatique— romancée, bien sûr— connexion pré-civilisatrice en Afrique. Un peuple avancé souterrain qui justifierait les inscriptions sur lesquelles se soutient aujourd’hui l’intéressant renouveau culturel de ce qui est ubnb{jhi— berbère. Le mythe de l’illustre civilisation perdue— la transsubstantiation ici représentée par la récurrente Atlantide— n’est pas étranger à la connexion avec d’autres mythes comme celui des mines du roi Salomon, avec un lien péninsulaire dans la légende de Taric et Mûsã se disputant pour la ubcmf!ev!spj!Tbmpnpo. La version anglaise du mythe de Pierre Benoit atteint beaucoup plus d’importance dans le sud de l’Afrique, avec la saga de H. Rider Haggard, Mft!njoft ev!spj!Tbmpnpo, ou Fmmf, entre autres romans, dont certains ont été représentés au cinéma. La question est: toute cette référence mythique africaine à une civilisation perdue, ne répondrait-elle pas à un trépignement historique face au devenir berbère du nord de l’Afrique, terre prospère et cultivée sous les hauteurs civilisatrices de Rome et Carthage avant l’islãm— d’autre part non moins civilisateur? 275! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou historique essentialiste: la naturalité sauvage berbère veut évoquer dans l’œuvre du grand penseur— plus que de l’historien— la nature perdue et récupérable de l’Arabe. De là, de l’ambiance essentialiste berbère, l’on peut traduire sans doute la négation du passé punique— romain nord-africain, toujours enveloppé dans des dissimulations onomastiques auxquelles nous ferons référence le moment voulu. Une des plus représentatives pourrait être celle de l’indomptable chef des Auraba appelé dans les chroniques arabes Kusayla— le responsable de la mort du supposé conquérant arabe Uqba. Ce nom— Lvtbzmb— paraît suffisamment berbère— étranger, en tout cas: n’importe quel nom bizarre aurait été satisfaisant— comme pour nous éloigner des innombrables Caecilius qui habitaient la zone de Tunis dans laquelle se rebella le personnage contre l’avance de l’histoire. Cécilien, par exemple, sera un célèbre et véhément évêque de Carthage. § 5. Mais revenons au sujet que nous traitions, et avec le nordafricain Cyprien— présumé berbère-; il en ressort que c’était un homme peu commun. Sanctifié par l’Église, par contre il ne maintint pas toujours de fluides relations avec le Saint-Siège, comme à l’occasion— en l’an 258— où il réunit à Carthage quatre vingt évêques africains dans un concile contestataire contre Rome. Le procédé d’obéissance ecclésiastique— de structure dogmatique et sociale— était la suivante: les églises se soumettaient à leurs évêques, et ceux-ci au Pape. En époque de consolidation de dogmes, les évêques défendaient et discutaient en divers conciles et tribunaux ecclésiastiques, ayant l’avant-dernier mot le Pape à Rome. Nous disons avant-dernier, car le dernier mot était celui de l’Empereur. Dans la progressive dpotuboujojtbujpo romaine, la foi chrétienne se constituera dans l’idéologie de l’empire. Cette dpotuboujojtbujpo remet la loi religieuse au rang de Grande Chartre à Rome par l’intervention de Constantin. L’Empire depuis lors aurait une seconde capitale qu’il appela Constantinople à partir de l’an 324. Rome n’avait pas encore été divisée ef!jvsf fait consommé en l’an 394. Et avec cela, nous pouvons conclure partiellement que mf!JWnf!tjdmf!ftu! mf!qsf!jepmphjrvf!fu!tpdjbm!ef!upvu!df!rvj!bhjufsb!mb!Nej. ufssbof!ebot!mf!WJJnf-!nbhnb!eÖbm.Boebmvt. Parce que de ces discussions byzantines proviendront des schismes qui prépareront le long chemin vers al-Andalus. M֕mf!ev!kpvs!bwbou 276 3/:/2!Fmwjsb!fu!Ojdf § 1. Si au nord de l’Afrique put fructifier un personnage comme Cyprien, dont le témoignage donne foi de la structuration ecclésiastique maghrébine— souvenons-nous: il convoqua quatre vingt évêques africains dans l’actuelle Tunis—, d’Hispanie il surgit un nom non moins célèbre. Il s’agit d’un personnage essentiel dans le développement des idées religieuses et l’histoire de l’affrontement social duquel finira par éclore— longtemps après— l’islãm comme foi synthétique, sûrement pour sa vertu encore libre des discussions byzantines: ce personnage est l’évêque cordouan déjà cité Hosius, fléau des dissidents, auteur du Credo catholique et organisateur d’Elvira et Nicée, les deux Conciles essentiels pour l’Hispanie wisigothe antéislamique. L’évêque Hosius— nom qui signifie tbjou! en grec— est vénéré comme saint par l’église orthodoxe, mais son orgueil dogmatique et un spectaculaire tournant historique à la fin de sa vie, le firent apparaître aux yeux d’Isidore de Séville schismatique, fait qui l’écarta des causes politiques de canonisation. L’on dit que ce fut l’évêque Hosius qui convertit Constantin, et l’on sait qu’il fut le responsable de que les courants chrétiens comme l’arianisme fussent écartés comme hérétiques, poursuivis par la force des armes dans un Empire déjà idéologiquement chrétien sans dissidences, et se créassent les fluides gpttt!ev!ephnf!disujfo, dans lesquels fleurirent de multiples courants idéologiques, sincèrement religieux, dont les fruits termineraient par s’orientaliser pour générer l’ivnvt islamique. § 2.Ainsi, disions-nous, trente sept évêques se réunirent à Grenade autour de ce Concile d’Elvira— en l’an 300—, la majorité de ceux-ci provenaient de la Bétique. Dans ce concile se détacha l’illustre évêque de Cordoue qui l’avait convoqué, étant conseiller de Constantin nous pouvons le qualifier de commissaire politique du Concile d’Elvira— Iliberis, en latin-; ce serait le premier concile hispano, vingt cinq ans avant et préparatoire du transcendantal synode de Nicée. Elvira fut créé pour séparer définitivement le peuple chrétien du païen, ainsi que condamner certaines pratiques religieuses hispanes dont l’accueil et expansion populaires se déduit d’avoir obtenu d’anathématiser celles-ci au concile. C’est la raison pour laquelle 277! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou nous insistons sur le besoin de contempler la vie religieuse officielle de l’époque, vu qu’elle sera celle qui nous montrera l’inquiétude sociale de ces siècles de formation de l’islãm. Elvira voulait également séparer clairement les chrétiens des juifs, en ces années de difficile différenciation. § 3. Entre les digressions et interdictions d’Elvira se trouve, entre autre, la fondation de l’iconoclasme hispano: dans le canon— chapitre normatif du Concile— 36, par exemple, l’on interdit les images dans les églises, pour représenter un vestige d’idolâtrie. Il est donc intéressant d’observer cette préparation fortuite à la iconoclastie islamique; celle qui consiste en l’aberration de toute représentation iconographique. De la même manière que l’on trouvera intéressantes certaines pratiques comme celle de la circoncision étendue en Hispanie, la consécration occasionnelle avec des raisins pour ne pas boire de vin et cetera. Après la sfnjtf!ebot!mf!espju!difnjo!psuipepyf qu’impliqua Elvira, l’Église découvrira le pouvoir légitimiste des conciles et conciliabules. Et se présente à nous la transcendantale réaction à l’usage contre— l’accusée de — l’hérésie des ariens. Pour la combattre, Hosius fut envoyé à Alexandrie, siège presbytérien de l’instigateur Arius qui donna son nom à la présumée hérésie. Telle était la force théologique du courant hétérodoxe alexandrin, que l’envoyé ne vit autre moyen de le combattre que grâce à un autre concile, cette fois œcuménique— universel; en fait ce fut le premier de ce genre—: le Concile de Nicée, célébré dans la ville de Nicée de Bithynie— actuelle ville turque de Iznik— en l’an 325. § 4. Il n’en est pas moins intéressant que les trois bras de l’hétérodoxie que nous repasserons dans peu— arianisme, donatisme et priscillianisme— coïncideront avec les trois zones essentielles de l’Islãm postérieur; de très grands États islamiques futurs: al-Andalus — Hispanie, avec l’hérésie combattue du priscillianisme—, nord de l’Afrique— avec le donatisme—, et Alexandrie— avec l’arianisme. En réalité, les deux premiers— d’une certaine manière— sont héritiers théologiques du troisième, d’où l’on peut affirmer que la véritable orthodoxie authentiquement chrétienne à pour nom l’arianisme. À Nicée— significativement à côté de la récente rebaptisée Constantinople— Hosius réunit à plus de 318 évêques avec la ferme M֕mf!ev!kpvs!bwbou 278 intention d’unifier les critères. Ce qmvt!de 318 est dû à ce qu’il représente le nombre d’évêques qui signèrent les conclusions de Nicée, et que l’on sait que certains assistants ne le firent pas, défiant de cette manière le désir unificateur impérial. Ne voyons pas en cela une candeur éthique: l’empereur Constantin pariait pour le christianisme comme idéologie neuronale dans l’Empire qu’il cherchait à unifier; un Empire soumis à la division territoriale admise du système de la tétrarchie et que Constantin réussit à unir par la force des armes mettant en déroute ses congénères. Là-bas à Nicée l’on entendit pour la première fois le mot ipnp.pvtjpo — consubstantiation— comme matière de foi, dans le credo-résumé que Hosius prépara pour être approuvé. § 5. Il n’en reste pas moins symptomatique que l’empereur Constan- tin, ce champion du christianisme, l’homme à qui l’on doit le concept de constantinisation— église et état unis à Byzance, principalement—, se nia à recevoir le baptême. Seulement sur son lit de mort— et il faut en accepter la vision cinématographique, vue la non moins spectaculaire rumeur finale de cette anecdote-; alors seulement il accepta d’être baptisé, et il le fit des mains d’Eusèbe de Nicomédie le champion de l’arianisme qui à Nicée dut recevoir des coups de bâton de la part de l’Église institutionnelle. Eusèbe avait été restitué comme évêque de cette ville— Nicomédie—, résidence d’été de l’empereur, et sa présence au baptême de Constantin explique la façon avec laquelle l’Église ne savait pas encore avec certitude si elle devait être arienne ou non. Si elle devait accepter la divinité de Jésus ou non. La paternité de Dieu ou non. La consubstantiation— concept homo-ousion cité au chapitre précédent. En définitive, les conditionnels antérieurs nous remettent à une incertitude plus appliquée au milieu qui nous occupe: si l’histoire eut besoin que surgisse— ou non— mÖJtmŒn! dpnnf! djwjmjtbujpo! rvj!fncsbttf!mf!tfoujnfou!tdijtnbujrvf!fu!nbkpsjubjsf!n. ejufssbofo. Parce que l’islãm émergea de telles inquiétudes. Parce que c’est tout cela la clé de toute notre fyqmpsbujpo!ijtupsjrvf: l’islãm naquit de la défense exaspérée de la solitude de Dieu dans la Méditerranée et le Moyen-Orient. § 6. De cette manière, les deux conciles— Elvira et Nicée—, pré- tendirent être la purification disciplinaire d’une époque convul- 279! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou sée dans laquelle était apparus ou étaient en train d’apparaître d’innombrables courants interprétatifs du christianisme; courants tous— en fin de compte— hétérodoxes, dont trois sont essentiels pour tout ce qui nous concerne: l’arianisme oriental— par Arius—, le donatisme nord-africain — par Donat— et le priscillianisme hispano— par Priscillien. Ce sont ces trois mouvements paradigmatiques, à part les innombrables courants qui ne transcendèrent pas ou d’autres qui furent intégrés d’une certaine manière éthérée dans le soulèvement social comme c’est le cas de ce que l’on a nommé les Mvdjgsjfot de Vivencio en Sardaigne, dont les églises furent le cadre d’authentiques batailles rangées entre ceux-ci et les ariens. Ainsi, il ne paraît pas que l’histoire du christianisme soit un parcours placide comme la durée d’un chant grégorien. 3/:/3!Bsjbojtnf! § 1. Arius d’Alexandrie (255 — 336) niait la divinité de Jésus de Naza- reth obtenant ainsi un intérêt populaire exorbitant en réussissant à diminuer les complications dogmatiques de son époque chrétienne. Presbytérien alexandrin, Arius provoquera le majeur schisme enfoui du christianisme avec une base proto-islamique avec la conviction que, par surcroît, ce serait le courant majoritaire entre les Wisigoths de l’Hispanie: la Trinité est une invention étrangère aux Évangiles. Contre cela même dans l’arianisme wisigoth l’on a coutume d’argumenter la célèbre Conversion de Reccared au début des années 600. Mais, l’histoire de l’Eglise en Espagne a beau accepter qu’avec le roi se convertisse tout le peuple, le bon sens non seulement ne se dirige pas dans cette direction, mais précisément dans la direction contraire. Il faut dire— avec tout cela— que, à la mort de Constantin en 337, l’Église prit un tournant radical et embrassa l’arianisme dans sa pratique majoritaire. Le nouvel Empereur Constance— fils de Constantin— accueillit dans une telle mesure l’hétérodoxie arienne la convertissant en officielle, qu’il en arriva à déterrer le Pape de Rome en 355. Il est intéressant d’observer que la terminologie postérieure rend difficile la lecture claire de toute cette période longue et convulsée, vu que mft!bsjfot!tÖbqqfmbjfou!fvy.n‘nft!dbuip. mjrvft-!qbs!dpousf!mft!usjojubjsft!tf!opnnbjfou!spnbjot. M֕mf!ev!kpvs!bwbou 27: § 2. Avec le temps et le pouvoir du langage, le Credo s’amplifiera pour nier le pain et le sel à l’hétérodoxie, et l’Église se transformera en une, seule, catholique, apostolique et romaine. Mais ce n’était pas celle-ci la perception qui y avait vers l’an 350. L’époque pendant laquelle— de cette manière—, après Elvira et Nicée, l’Hispanie devra être romanisée— trinitaires— car ses évêques et le peuple étaient en grande majorité, catholiques— unitaires. Inutile de dire que l’arrivée des forces coercitives wisigothes, de foi arienne, ne fera autre chose que contribuer à la sédimentation du monothéisme unitaire anti-romain. Le propre Hosius, fléau des hérétiques, abjura à la fin de sa vie et reconnut l’adéquation des thèses ariennes. Athanase, le porte-parole de ceux qui étaient contraires à l’arianisme, fut relégué et exilé à Treveris— actuel Trier, ville romaine la plus antique d’Allemagne. L’Église put parfaitement avoir été arienne, mais le jeu politique des empereurs après Constance fit pencher la balance vers ce qui était romain— trinitaire. §3. L’islãm aurait-il surgit si l’Église n’eut pas adopté le dogme de la Trinité? Néanmoins la discorde était déjà semée: une grande partie du monothéisme méditerranéen n’allait pas reconnaître ni la divinité de Jésus ni sa condition de fils de Dieu. Tout au plus, la paraphrase de la divinité du Verbe terminerait par s’incarner— bien que celui-ci n’est pas le mot adéquat— dans la perception du Proche-Orient d’une Parole Sacrée. Il est évident que telle conception finira par éclore comme concept originellement islamique dans des termes comme la parole descendue— Le Coran— ou le générique d’Ahl al-Kitab: les gens du Livre. Pendant qu’arrivait ce moment, les ariens s’étaient constitués en bloc homogène dans un conciliabule— comme concile, mais alternatif, sans officialité dans la convocation— à Antioche, et comme résultat de leurs conclusions une foule armée entra dans Alexandrie— le siège du défunt Arius— et en 341 ils élurent comme évêque à l’arien Grégoire. Il semble que le nord de l’Afrique ne se pliait pas facilement aux dogmes de dernière heure avec une claire empreinte politique— d’une officialité unificatrice. Il semble que l’unicité islamique trouvera un terrain fertile où pouvoir fructifier. 281! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou 3/:/4/!Epobujtnf § 1. Pour sa part, et comme le suivant grand courant hétérodoxe du christianisme de l’époque, Donat et les donatistes— entre eux, l’Hispane Lucila— arrivèrent à contrôler l’évêché de Carthage— siège principal du nord de l’Afrique— dans une preuve évidente qu’il ne s’agissait pas d’un mouvement révolutionnaire par vacance de pouvoir, mais plutôt un courant avec prétentions d’institutionnalisation, faucher par la voie des armes selon l’appareil dogmatique de Nicée. Donat des Maisons Noires. Lucila79 et les siens réussirent à prendre à charge une grande partie du nord de l’Afrique dans un mouvement irrédentiste en rapport avec les surnommés djs. dvodjmmjpoft, appelés également njmjuft!Disjtuj!bhoptujdj. Les soldats agnostiques du Christ. Ce n’est pas une période facile à peindre; ces soldats agnostiques du Christ en réalité contenaient et répandaient théologiquement la discorde sociale que le nord de l’Afrique manifesta toujours aux contrôleurs étrangers. De telle façon que l’on a des informations de normes anti-donatistes à partir de l’an 404— Mpjt!eÖIpopsjvt— et l’on admet communément qu’elle continua à être l’idéologie structurelle de l’insoumission sociale jusqu’à— symptomatiquement-la prétendue dibshf!ef!mb!dbwbmfsjf!jtmbnjrvf. En réalité, n’est-il pas plus facile de penser que la nouvelle idéologie sociale fut incorporée plutôt que contenue? Quoi qu’il en soit, il s’agit du véritable bouillon de culture du nord de l’Afrique immédiatement antéislamique. Et non pas une étendue désertique où se détache occasionnellement la tente d’un Touareg. 3/:/5/!Qsjtdjmmjbojtnf § 1. De nombreux mouvements sectaires et hétérodoxes termineraient par être absorbés par d’autres— l’arianisme, principalement— ou, en Hispanie par ce que l’on appelle le priscillianisme, d’une certaine influence dans toute la péninsule et indubitable extension vers la Galice, d’où était originaire son inspirateur Priscillien. Ap79 Gfnjob! qpufot! fu! gbdujptb, ainsi la décrivait Saint Augustin dans ses nombreuses épîtres contre les donatistes. Menéndez y Pelayo, Ijtupsjb!ef!mpt! ifufspepypt…I, pág. 114. M֕mf!ev!kpvs!bwbou 282 parentés avec les gnostiques orientaux— preuve de l’enracinement oriental du mouvement— l’on suppose que les sources lointaines du mouvement seraient manichéennes. Manès, qui donne son nom au mouvement, fut un réformateur religieux agglutinant et intéressant de courants postchrétiens. Il semble, qu’il s’était proclamé qbsblmj. u˜t— en grec, élu pour un certain messianisme— et envoyé de Dieu, comme tant d’autres prophètes de l’époque convulsée antéislamique. Comme Simon Le Magicien. Comme— plus tard— Mahomet. Sur ce, et dans sa défense du drastique evbmjtnf — kbsejo! ef! mb! mvnjsf! et ténèbres; nbojdijtnf —, la théologie du bien et du mal— exprimée par Manès— associée au monothéisme, attira des esprits illustres de tout l’environnement méditerranéen, comme Augustin de Hippone— Saint Augustin. En définitive, à cet éminent théologien ce fut précisément le manichéisme le courant qui le poussa à écrire son illustre Ef!mjcfsp!bscjusjp; sur le libre arbitre. Saint Augustin résolvait ainsi comment sortir du clair déterminisme oriental en affirmant que le bien est substance, et le mal accident. Et non comme dans le dualisme manichéen, dans lequel le mal est aussi substance et la lutte— entre eux— est plus égalable. § 2. Le Saint algérien Augustin nuancerait, aussi, ses adhésions postérieurement, en fonction de ce qu’il considéra comme défense trinitaire nécessaire, mais en tout cas sa pensée n’est pas étrangère à la théologie formative monothéiste qui bifurquera après en deux religions pleinement différenciées: l’islãm et le christianisme. Toutes deux partageant un subtil manichéisme— paradis et enfer—, toutes deux partant des mêmes sources, toutes deux en permanente digression dualiste— l’homme est-il libre par nature, ou son destin est déjà écrit?— mais s’affrontant dans leur origine— unitarisme face au trinitarisme— de même que dans leur évolution historique. Nous disions que cette auto-désignation de Manès comme mv— paraklitós— se rapprochait à ce que proclamerait aussi Mahomet comme envoyé de Dieu— sbtvm!Bmmbi—, comme prophète— obcj—, et comme annoncé— qbsblmju˜t, en arabe binbe, de la même racine que le nom de Mahomet, en arabe— Nvibnnbe!Binbe.mf!ust! mpvÒ- comme tel il apparaît dans Le Coran avec une nuance de continuité: ce serait le propre Jésus qui aurait annoncé le qbsblmj. u˜t.Binbe. C’est-à-dire, à Mahomet. Ainsi se refermait le cercle de la prophétie avec l’islãm comme csbodif!wfsuf du monothéisme. 283! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Comme continuation annoncée du christianisme, mais sans admettre l’ultérieure élucubration trinitaire de Nicée. § 3. Le Galicien Priscillien but aussi de ceci, de ces mêmes sources orientales. Il semble qu’il y ait eut de claires connexions avec des mouvements orientalisants comme les bhbquft: un manichéen appelé Marco— Égyptien de Memphis— prédiqua vers 350 dans la Gaule et le nord de l’Hispanie accompagné d’un éminent orateur de Narbonne appelé Elpidio et une riche convertie de nom Agape, une de plus de la longue liste de femmes involucrées dans tant de courants illuministes en ces prolégomènes de la vie monothéiste méditerranéenne. À côté des légendes noires usuelles de tous ces mouvements— toujours associés à orgies nocturnes et sorcelleries—, il semble qu’un disciple de cet Elpidio commença à prédiquer vers l’an 379. Il s’agissait de Priscillien, qualifié par Saint Jérôme comme [pspbtusjt!nbhj!tuvejptjttjnvt,80 pour ne laisser aucun doute sur son orientation orientaliste. Les œuvres de Priscillien ont été complètement perdues, restant seulement des fragments gnostiques qui ne nous intéressent pas à cause de l’enkystement que suppose une longue clandestinité. Il suffit de voir seulement avec quelle profondeur Saint Augustin le traite comme mouvement entre gnostique et manichéen dans lequel les femmes et les hommes célébraient de la même façon la liturgie, aussi bien consacrant avec du raisin qu’avec du lait, pour s’abstenir du vin. Théologiquement, dans cette hérésie domine le rejet absolu de la Trinité. Il est donc cohérent, d’affirmer que le monothéisme non trinitaire jouissait d’une forte prédication dans l’Hispanie avant l’an 711, vu que nous parlons d’un mouvement— celui-ci — qui avec l’arianisme des Wisigoths perdurera jusqu’aux dates pendant lesquelles supposément l’islãm arasa la péninsule Ibérique. Dates, après lesquelles l’on ne parle plus de tels mouvements. § 4. Le prêche de Priscillien provoqua un tel mouvement de masses populaires que les églises hispanes décidèrent de se réunir dans 80 Et nous continuons avec Menéndez y Pelayo, source insatiable pour ce ufssbjo!fo!kbdisf!boujusjojubjsf et proto-islamique. Évidemment, cet auteur ne le perçoit pas ainsi, mais comme une hétérodoxie proprement surpassée. Ijtupsjb!ef!mpt!ifufspepypt…I, pág. 134. M֕mf!ev!kpvs!bwbou 284 un Concile à Saragosse— en l’an 380. Il ne semble pas que la communauté chrétienne réussisse à arriver à bon port dans ses délibérations, quand le concile condamna le priscillianisme mais son mentor fut élevé par acclamation populaire à évêque d’Avila. Ainsi commençait la péripétie vitale peu usuelle d’un homme accompagné de beaucoup de femmes dans ses prêches par les chemins, ses idées arrivant à s’étendre au-delà des Pyrénées après ses voyages en France et même à Rome. Ce n’est pas non plus ici le lieu de nous étendre sur ses péripéties vitales— par ailleurs, substantielles— mais suivons seulement la référence suivante: considéré anathème par un synode à Bordeaux, Priscillien décida de faire appel à l’Empereur au lieu de tÖfo!bmmfs!qbs!mb!upjmf!ef!gpoe. L’appellation non seulement n’eut pas d’effet, mais au contraire l’on appliqua sur lui et les siens la loi séculaire, en plus de l’ecclésiastique, et à cause de cela il fut égorgé avec deux de ceux qui l’accompagnaient à Trèves— souvenons-nous actuelle Trier, Allemagne— en l’an 385. Après tout cela, non seulement le priscillianisme ne se termine pas, mais vient plutôt de commencer: le martyrologue n’a pas l’habitude d’aider à l’heure de dépurer les courants contraires, et celui qui nous occupe est symptomatique: mf!tboh!wfst!‰! Uswft remua une inusuelle révolution sociale piétiste, Et les restes de Priscillien et les siens furent portés en pèlerinage jusqu’à être enterrés dans leur terre natale. § 5. À partir de ces faits historiques démarra la légende de Priscillien, avec une évolution compliquée dans l’histoire de Galice, Espagne et Europe. Parce que, selon semble-t-il, le priscillianisme atteint une telle force populaire de dévotion quasi-païenne et clandestine, que les restes furent déposés dans un lieu secret, pour donner prise après à l’histoire de la transsubstantiation dans la légende de Jacques, du pèlerinage initial et initiatique jusqu’à la recomposition nécessaire du mythe pour l’adapter à l’Église orthodoxe— d’un côté— et à la réalité postérieure de l’Hispanie — al-Andalus. Effectivement, l’Église officielle niera toujours que l’on vénère à l’hérétique Priscillien, et recouvrira son souvenir par le mythe de Jacques. D’autre part, al-Andalus ayant déjà fructifié, la face du mythe— Jacques tueur des Maures— et le lieu Compostelle, presque dans la ßojt! ufssbf occidentale— arriveront à contrer en faveur de la Chrétienté— l’intense ferveur de pèlerinage avec laquelle l’on 285! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou prétend rivaliser: vers l’Orient de La Mecque et Mahomet, pliant aussi la carte dans une tension d’opposition. § 6. L’on ne doit pas avoir peur de la relecture des mythes, à moins que l’on surdose le symbolisme nécessaire, et que l’on y croit comme à des vérités tangibles non questionnables. Les mythes sont une autre façon d’expliquer l’histoire, de la même manière que certaines allusions religieuses doivent se lire en code symbolique, sous peine de se trouver coincé entre le scepticisme nihiliste de la vie en marche et la peur à l’incompréhension de ce qui est intangible; peur qui nous emmène de l’écroulement symbolique-religieux à l’absurdité du pseudo-gnosticisme de l’économie: joueurs de tarot, cartomanciens et voyants réexpliquant le monde au bout du fil de téléphones ruineux. Non, à nouveau: nous ne devons pas avoir peur du questionnement des mythes, vu que la lecture poétique entraîne plus de vérité que la foi aveugle. Étant celle-ci, très souvent, une manière de se boucher les oreilles pour ne pas écouter ce que nous soupçonnions il y a longtemps. § 7. Dans ce sens, reprenons ces notes d’après ce que l’on a appelé le Débat Luxenberg et appliquons ce qu’il insinue: une nouvelle lecture des faits, à la lumière des informations qui amplifient notre information— unique sens réel de l’information—, n’a pas l’habitude d’essayer de démolir l’histoire écrite comme s’il s’agissait d’un château de cartes. Nous branchant sur les— plus que probables— restes de Priscillien enterrés où l’on parle de Jacques, il en résulte que le devenir des choses a l’habitude d’être retouché par la plus intéressante complication. En ce cas, dans l’histoire ecclésiastique d’Espagne, l’on admet qu’un tel Martin de Dumium, élevé aux autels comme Saint Martin, serait arrivé en Galice à moitié du VIème siècle— vers 560— avec le ferme propos de romaniser l’église schismatique arienne— priscillianiste d’empreinte suève. Ce tel Martin de Dumium croise sa propre légende avec celle du priscillianisme et l’anti-priscillianisme. Qualifié d’bqšusf ef!Hbmjdf, fléau des ariens, et même le plus ancien des sénéquéens de la péninsule Ibérique, de Saint Martin l’on spécule sur son origine hongroise ou lusitaine de Braga, vu qu’en ce lieu il fonda le monastère de Dumium. Quoi qu’il en soit, l’opacité de sa légende trompa les M֕mf!ev!kpvs!bwbou 286 siens et les autres dans la période qui suivit, et le propre Martin occuperait aussi la tombe du supposé apôtre Jacques à Compostelle— cela fait trois options— pour une grande partie des interprètes des faits apostoliques. § 8. Quoi qu’il en soit, précisément le priscillianisme contribua à la structuration croissante de l’éthéré christianisme péninsulaire en provocant la tension argumentaire des conciles hispanos, et par conséquent de la vie sociale dans l’époque qui nous concerne. Si le Concile d’Elvira— en l’an 300— avait été le précurseur de Nicée; si celui de Nicée marca l’excision fondamentale— et fondée; et fondamentaliste— dans le monothéisme méditerranéen occidental et oriental, le contenu essentiel de beaucoup de synodes, conciles et conciliabules en Hispanie, sera l’argumentation contre Priscillien, comme le premier de Tolède en l’an 400, qui non seulement ratifiait les contenus du disciplinaire Concile de Nicée, mais émettait une symptomatique Bttfsujp!ßefjÒ acte de foi— dpousf!mft!qsjtdjmmjb. ojtuft. Nous notions que tznqupnbujrvf; en réalité, pour exprimer clairement l’importance du priscillianisme croissant— sinon, un concile n’aurait pas été convoqué—, de même que la séparation— également croissante— de l’Église et peuple; Rome et Hispanie. Prenons note, pour que, lorsque les historiens ne s’expliquent pas la dpowfstjpo!ef!mÖIjtqbojf!fo!bm.Boebmvt-!en cet bm.Boebmvt!bsjfo! boujtmbnjrvf/ § 9. Dans ce premier— de beaucoup— Concile de Tolède, l’on rechassa de la même manière ce que l’on a connu comme antithèses de Marcion, qui consistaient à affirmer que l’un était le Dieu de l’Ancien Testament, et l’autre celui des Évangiles. Et il se produisit quelque chose de très révélateur dans la patente inquiétude sociale hispane: cinq ou six des évêques convoqués prétendirent inclure un canon affirmant que Priscillien avait été catholique et martyr des persécutions d’évêques hérétiques— en particulier, ceux que l’on nommait les itaciens. Tolède indique de quelle façon le priscillianisme est très loin d’avoir été éradiqué à cette époque. De fait l’an 400 est l’année de l’éloignement de l’église galicienne, chère à la cause de son martyr. Fait qui valu au priscillianisme de nouvelles persécutions, vu que le 287! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou concile obtint que l’empereur Honorius insérât le courant comme hérétique et anti-romain en 408, étant— ceux qui furent surpris dans des pratiques qualifiées de priscillianistes— condamnés à travailler dans les mines. § 10. Ce qui est religieux est, évidemment, un pur masque du social. Et les époques vont éprouver une authentique contrariété infiniment plus drastique que le supposé désastre de l’an 711: en 409, un an après la décision anti-priscillianiste de l’empereur Honorius, les auteurs coïncident à dater l’entrée des Wisigoths en Hispanie. La chose ne va pas être simple vu que les Wisigoths passent pour être un peuple éminemment arien. Donc, il va se produire une superposition du wisigoth— prétendument romain— sur le plan militaire et étatique, compliqué par un peuple hispano-romain de difficile discipline orthodoxe et une éthérée légitimité chrétienne— la papauté et l’empereur byzantin— qui, depuis la loi de Théodore le Grand en 380 poursuit les ariens. Ce n’est pas pour rien que lorsque l’Hispanie wisigothe arrive à son extension maximale— 568-586 —, le roi Léovigild devra accepter comme un véritable problème d’ordre public et social, précisément, la diversité religieuse péninsulaire. Pendant ce temps, tout ce parcourt de conciles et mouvements anathèmes est un témoignage d’un fait essentiel: dépendant du siège métropolitain de Cordoue— capitale de la métropole ecclésiastique de la Bétique— il y avait autant d’évêques qu’en trois provinces prises ensembles: toute la Lusitanie— capitale Mérida—, Galice— capitale Braga— et Carthaginoise— capitale Carthagène. Mb! {pof! rvj!tfsb!mf!qmvt!sbqjefnfou!jtmbnjtf!tfsb!mb!{pof!rvj!ubju! mb!qmvt!disjtujbojtf. Avec un nuancement intermédiaire: c’était aussi la zone dans laquelle l’on luttait avec le plus de force contre l’arianisme, fait qui nous laisse soupçonner que ce serait— de façon cohérente— la zone dans laquelle se trouvait le qspcmnf!bsjfo, le plus enraciné teint— sans doute— de priscillianisme. C’est-à-dire, la zone dans laquelle le peuple s’affrontait le plus avec la Rome des conciles. § 11. Cette province romaine appelée la Bétique— depuis le fleuve Guadiana, en Occident jusqu’à l’actuelle Murcie en sa limite orientale— était considérée comme province sénatoriale avec sa capitale à Cordoue. Pourquoi les Wisigoths changèrent-ils après la capitale M֕mf!ev!kpvs!bwbou 288 à Tolède? Nous disions que pour observer à partir des Pyrénées. Quel sens aura-t-il, pour les seigneurs suivants de la post-Hispanie andalusíe, réinstaurer la capitale à Cordoue dans une époque d’affrontement du peuple avec le pouvoir? Il se peut qu’ils veuillent revendiquer le pouvoir wisigoth: nous sommes le peuple unitaire, ceux d’avant. Toujours les mêmes; ceux qui regardent à partir du sud-est. D’où vint le christianisme. Ceux qui seront musulmans. Le priscillianisme— après tout cela— ne se supprimera pas facilement. Avec l’arrivée des peuples envahisseurs du nord, les Suèves s’établirent en Galice, et postérieurement les Wisigoths s’occuperaient de la plus grande partie du territoire péninsulaire, d’où les terres galiciennes restaient doublement isolées: un peuple et des évêques en froid avec Rome ou ses conciles, et un pouvoir militaire différent. Le va-et-vient socio-religieux-coercitif sera permanent: cinquante ans après— vers l’an 450—, Toribio de Liébana— pour donner un exemple paradigmatique— se donnera beaucoup de peine pour détruire les œuvres de Priscillien, preuve évidente de sa préoccupante diffusion. § 12. En ce point, c’est à nouveau le propre Menéndez y Pelayo qui offre la phrase lapidaire sur ce qu’il dut se passer en Galice déjà aux mains des Suèves, entre l’arianisme de ceux-ci, le priscillianisme du peuple avec certains de ses évêques, et la Rome conciliaire via Tolède— qui se convertira en capitale wisigothe. L’auteur nous dit, être préoccupé par le vide historique face à tant de mouvements sociaux remarquables: malheureusement, les orages de la pensée et de la conscience humaine sont ce qui occupe le moins de place dans les histoires. Et à cause de ce qui vient d’être dit, le luxuriant don Marcelino81 prétendra après quelque chose que l’on peut difficilement contraster, vu l’habituel mépris de processus comme celui qui nous occupe pour la plus grande partie des historiens de batailles et mariages: que l’anathème final dans ce que l’on a appelé Ier Concile de Braga aurait terminé en 567 la stèle de Priscillien. Vraiment peut-on comprendre que, quand il est nécessaire de lancer un anathème, c’est comme résultat de la fin d’une supposée hérésie? Non; le priscillianisme accompagnera l’Hispano— spécialement le Galicien— jusqu’aux portes du qsdjqju!boebmvt“. La 81 Ijtupsjb!ef!mpt!ifufspepypt…, I. Pág. 150. 289! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou présence ebot!mft!nÐvst du priscillianisme est telle que les actes de ce Ier Concile de Braga sont remplis de référence dpnnf!mft!nb. ojdifot!fu!Qsjtdjmmjfo!ejsfou… En particulier il y a une allusion indicative de la forte hétérodoxie présente dans le christianisme hispano: tj!vo!dmfsd!pv!vo!npjof!wju!fo!dpnqbhojf!ef!gfnnft! rvj!of!tpjfou!qbt!mfvs!nsf-!tÐvs!pv!qbsfouf!qspdif- dpnnf!mf! gpou!mft!qsjtdjmmjbojtuft, il sera considéré anathème. Avant d’avoir terminé avec le mouvement, l’allusion ne reflète-t-elle pas plutôt, une certaine pratique communément étendue? § 13. C’est la propre œuvre d’un insigne Aragonais qui nous offre la longue réalité que fut l’ombre de Priscillien: Matter affirme que, comme secte secrète, cette hérésie dura jusqu’à l’invasion des Arabes. Pour faire après une relation entre les pratiques liturgiques de ses sectaires et l’abstinence du vin et de la viande. Ce sera le IIIème Concile de Braga— année 713, et attention à la date— où l’on parle de ceux qui consacrent avec le lait et les raisins et non pas avec le vin, les qualifiant d’arrière goût du priscillianisme. Nous disions buufoujpo!‰!mb!ebuf, parce que l’on suppose qu’une cavalerie miraculeuse aurait décapité la très romaine Hispanie, et ici se réunissent sans se mettre en colère un groupe considérable d’évêques pour parler, non pas de supposées nouvelles religions arrivées à la péninsule— aucune mention là-dessus —, mais plutôt des hétérodoxies telles comme celles citées auparavant ou autres non moins boujtmbnjrvf, vu que l’une d’elles condamne que mft! qpsuft!eft!cbtjmjrvft!tf!gfsnfou!mf!Wfoesfej!Tbjou!\Ê^!fu!nbohfs! tpnquvfvtfnfou!‰!mÖifvsf!ef!mb!opof/ Il semble que la rupture du Ramadan était en Galice, antérieur à l’islãm. 3/21/!Xjtjhpuit-!Wboebmft-!Cz{boujot § 1. Mais repassons à nouveau: cette année du premier Concile de Tolède— l’an 400—, est la date d’un document essentiel pour sa chronique d’une mort annoncée avec une projection sur ce qui arriverait postérieurement en Hispanie comme complication majeure au tumulte social: l’arrivée des tribus envahissantes du nord. Effectivement, un document de l’administration romaine— la Opujujb! Ejhojubuvn— éclaire suffisamment sur l’Empire Romain immédiatement antérieur à ce que l’on a appelé les invasions barbares. M֕mf!ev!kpvs!bwbou 28: La Opujujb conservée est une sorte de ßdijfs!eft!qptuft!mfwt dans l’administration romaine qui consignait les opnjobujpot! fu! swpdbujpot des autorités civiles et militaires, rapportées aux alentours de l’an 400. Donc, elle nous offre une idée assez approximative de comment Rome se replia peu à peu, délégant la défense de ses frontières de son mjnft— terres intermédiaires, poreuses, territoire hostile à la colonisation complète. Un mjnft sur lequel campèrent ses respectifs peuples nomades— Vandales, Alains, Suèves— venus du centre de l’Europe. Nous aurions tendance à penser que la défense péninsulaire par le nord-est n’est pas difficile à organiser; en fin de compte, dans le reste de l’Hispanie il y a trop d’endroits où l’on peut débarquer— ce qui n’est pas non plus si simple—, mais pas aussi facile dans ce nord-est frontalier avec la France à travers duquel il devait être compliqué que des troupes équipées puissent passer les Pyrénées. § 2. Ceci jette un doute raisonnable sur la capacité ou volonté romaine de défense de l’Hispanie— première hypothèse— ou bien nous offre une idée assez approximative de la pression que dut supporter cette frontière naturelle. Pendant au moins vingt ans— de l’année 409 à 429— de décharge démographique, d’invasion systématique de peuples expulsés du marasme centre-européen; de pillage malgré les répartitions du territoire comme celui qui semblet-il se scella en 411. Pillage, pactes et connivence finale romaine qui terminerait aboutissant en une primatie des Wisigoths. Ainsi, entre ces peuples, et peut-être comme un moindre mal, ceux-ci commencèrent à faire une entrée organisée à partir de 415, la délégation du pouvoir commençait à être patente— de la part de Rome— face à l’impossibilité d’un ordre strictement romain. L’Hispanie wisigothe était née. L’Hispanie de l’an 400 se place ainsi, à la perfection, dans le système classique du clientélisme en relation avec ce que l’on a appelé les qfvqmft!cbscbsft: le recrutement difficile de services coercitifs à laquelle se vit obligée Rome par manque d’effectifs humains et matériels pour entreprendre par ses moyens la défense de son mjnft. Il est évident que telle emhbujpo n’est pas, en principe, désirée ni recherchée. Elle se produit, sans plus: Rome ne peut satisfaire à tant de possibles fronts, donc— comme souvent dans l’histoire—, choisit de changer son essence pour maintenir son existence, Ainsi, 291! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou ce que nous contemplons dans l’histoire de l’Espagne comme un agile chassé-croisé — le déplacement du pouvoir coercitif romain, l’ascension du pouvoir par les Wisigoths— fut, en réalité, franchir un Rubicon dans les règles. § 3. Les Wisigoths venaient avec une langue, des structures socia- les, religion et système économique différents. Mais nous avons appris à ne pas voir dans cela une césure, et pourtant nous appelons l’an 711 celui du désastre. Le peuple sous le pouvoir wisigoth— peuple, à partir d’ici— appelé hispano-romain —, sentira exactement le même changement radical. Ce qui se passe c’est que, à partir de ces années, dans la lecture des processus historiques nous avons appris à faire abstraction des habitants. Ils disparaissent des livres d’histoire; l’on ne les voit pas à l’arrivée des Wisigoths, et l’on ne les verra pas non plus à l’arrivée de l’Islãm. En ces vingt ans à partir de 409, les Suèves, Vandales, Alains ravagent les villes romaines: des capitales comme Séville ou la ville fortifiée des affranchis, Carteia— à côté d’Algesiras— sont dévastées comme marque d’un changement drastique de cette période. Les Vandales, peuple scandinave, reçoivent le pouvoir sur la Bétique, adjugée dans certaines répartitions comme celle de 411 par tirage au sort. Le temps passe, et l’on pensera que le nom al-Andalus pourrait venir de Wboebmft, mais c’est très peu probable, parce que le passage des Vandales en Andalousie n’est pas si transcendant, vu que pratiquement ils vont rapidement passer le Détroit et commencent à dominer le nord de l’Afrique. § 4. En tout cas, et en se basant sur les tirages au sort des terres comme celui de l’an 411, il y aura une seconde explication pour la toponymie: qu’al-Andalus viendrait de m‹oefs.ibvt, terme gothique qui pourrait signifier terre d’un tirage au sort. Ce qui est certain c’est que toutes les terres étaient distribuées par un tirage au sort; pourquoi allait-on marquer d’un tel nom une zone seulement, qui — en plus— durant toute la longue période wisigothe postérieure continue à s’appeler Bétique? Quoi qu’il en soit, en 429, vingt ans après le commencement des invasions du nord, les Wisigoths, au nom de Rome, instaurent déjà l’ordre dans une grande partie de la péninsule Ibérique. Leur sédentarisation hispane répond à une mfduvsf!ufoevf de la part des M֕mf!ev!kpvs!bwbou 292 Wisigoths du pacte avec Rome scellé par leur roi Théodoric I en 418, en vertu duquel il pouvait s’établir dans la vallée de la Loire et y faire ainsi une barrière militaire contre les pressions du nord. Mais ces pressions reviendront un siècle plus tard étant repoussées au sud: bataille de Vouillé— 507—, au nord de l’embouchure de la Loire au bord de l’Atlantique— marque le succès définitif et définitoire de la pression des Francs à partir du nord. De même que la fin du règne goth avec Toulouse comme capitale, et sa définitive ijtqboj. tbujpo/ § 5. En réalité, la longue domination wisigothe— étayant des dates jusqu’à l’an 711— ne répond pas plus qu’à une rénovation— non exprimée de la part de Rome— de cet accord de 418. Comment Rome pourrait-il s’opposer? Avec quelles troupes les substituer? De là que l’on ait décrit la domination des Wisigoths comme mft!hfoebsnft! ef!Spnf; contingents et réserves de troupes chargés de maintenir l’ordre dans un système commercial établi. Et de là que des noms de rois barbares apparaissent tantôt en Hispanie, et un peu plus tard dans des coins lointains du nord de l’Afrique. Il ne s’agit pas, en toute sécurité, des chevauchées sans plus ou d’ampliation de zones motu proprio mais plutôt— avec plus de rigueur— le déplacement des troupes là où elles étaient nécessaires. Rome n’a déjà plus d’effectifs suffisants, et l’ordre frontalier est maintenu par des peuples clients grâce à la séduction économique. La hpuijtbujpo résultante de l’Hispanie qui se produisit avait répondu pratiquement à une loi physique: si face à la pression franque les Wisigoths passent les Pyrénées sans espoir de retour, face à la pression des Wisigoths, les Vandales gpou!vo!cpoe en Afrique du nord. La circonstance propice fut la suivante: le roi africain— romain Boniface s’affronta au pouvoir central de Rome— jm!usbiju! Spnf, c’est ce que révèlent les textes. À cause de mÖfoofnj!ef!npo foofnj entre cinquante et quatre vingt mile Vandales— en chiffres oscillants selon les sources citées— commencent à aider Boniface et terminent par contrôler tout le nord de l’Afrique sous le commandement de Genséric, qui non content d’établir sa capitale à Carthage— année 438—, arriva à envahir Rome en 455. § 6. De cette façon, le bond du Vandale Genséric au nord de l’Afri- que a une charge symbolique non dédaignable dans le miroir du 293! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Détroit. Genséric s’était converti `à l’arianisme, de même que la presque totalité des Wisigoths de l’Hispanie, ce qui vient renforcer l’enkystement schismatique conjoint de l’Hispanie et de la Mauritanie Tingitane. Après tant d’affrontement, tant de concile et tant d’obsession persécutrice par l’Église romaine et ses troupes, les futurs al-Andalus et Maghreb continuent à être ancrés dans leur monothéisme antitrinitaire. Antéislamique. Mais il y aura aussi des évènements historiques parallèles: l’arrivée de Genséric dans le nord de l’Afrique est racontée par Rome comme la usbijtpo!ev!dpnuf!Cpoj. gbdf-!qsdefou!joevcjubcmf!ef!mb!usbijtpo!ev!dpnuf!Kvmjˆo en retour. Les mythes ont une façon ironique de compensation, surtout cette usbijtpo!fo!sfupvs, basée sur une trahison préalable: dfmmf! ev! hosbm! spnbjo! Hfspodjp qui en 409 aidera— selon ce que l’on raconte— le passage des troupes germaniques— entre elles, celles des Wisigoths— par les Pyrénées. Geroncio est bien mieux traité dans les chroniques que Julián, il se peut— entre autre— parce qu’il a vraiment existé. Il sera intéressant de vérifier comment mft!Xjtjhpuit— après une telle invasion de zones romaines— tf!qstfoufou!fvy.n‘nft!dpnnf!mÖisjubhf!ef!Spnf-! qbs! dpousf! bm.Boebmvt! tf! qstfouf! mvj.n‘nf! isjubhf! ef! Ebnbt/!Fu!mÖjnbhjobjsf!dpmmfdujg-!dspju!upvu df!rvf!mft!efvy! qstfoufou. § 7. Nous retournons à nouveau avec la prétendue et sempiternelle cfscsjtbujpo nord-africaine, il faut voir en sa réfutation le reflet de sa population qu’offrent les chroniques religieuses, les actes des conciles ou les épîtres d’affrontement théologique. Genséric le Vandale passa le Détroit imposant ses manières à feu et à sang, comme tous les assauts dans l’histoire. Dans sa particulière prédication arienne le Vandale reçoit l’attaque d’un trinitaire pour que les masses chrétiennes ne se laissent tomber sans plus dans le populisme arien des Vandales. Il faut se souvenir qu’il s’agit de la même zone où les donatistes djsdvodfmmjpoj! et autres sectes antitrinitaires se cbuubjfou!qbs!mb! qmvnf et le cuivre contre le pouvoir antérieurement établi: Mbv. eft!efp!, criaient les unitaires djsdvodfmmjpoj nord-africains dans leurs incursions contre les villes, contre mÖvo! (en essence) et usjof! (en personne) contre ce qui était institutionnel. Mf!qspdfttvt!ef! M֕mf!ev!kpvs!bwbou 294 usbotgpsnbujpo! ftu.jm! tj! sbejdbm! rvf! mÖpo! qbttf du cri mbveft! efp! À prononcer Bmmbi!Blcbs!? § 8. Par contre, ce qui est institutionnel réagit: rvboe!rvfmrvÖvo! kpvf!ef!mb!djuibsf-!jm!z!b!uspjt!diptft!rvj!dpousjcvfou!‰!qspevjsf! mf!tpo<!mÖbsu-!mb!nbjo-!fu!mb!dpsef/!Honorato Antonino doit résoudre— de cette façon poétique— comment apaiser le monothéisme vacant de masses vandalisées, arianisées, donatisées et tout le reste. Il arrive même que ce que l’on appelle le nestorianisme, d’une empreinte transcendante en Orient, se fasse sentir et dont le chefNestorius— défendait la double nature différenciée de Christ, c’est pourquoi il affirmait que Marie était bouspqpuplpt— mère d’un homme— et non pas— uifpuplpt— mère de Dieu. S’il est difficile de transposer un état d’opinion à travers l’histoire, il ne doit pas être si difficile de percevoir que nous nous acheminons vers une extrême byzantinisation religieuse, que les consciences individuelles et les mouvements sociaux vont réagir contre la surprise théologique: la Méditerranée appartiendra à celui qui arrive à résumer la relation inégale de l’homme et Dieu sans la nécessité de définir la foi comme l’jnqpttjcjmju!ef!dpnqsifotjpo. § 9. Une séquence d’époque convulsée commençait— des années 400 aux années 600—, le déclin du proto-islãm. Mais les digressions dans lesquelles s’empêtra la vie religieuse— sociale — est loin de ressembler à des négociations entre Touaregs. Des mouvements comme ceux qui ont été cités auparavant sont la structure sociale de l’Hispanie et le nord de l’Afrique. En Orient aussi il y aura des mouvements similaires. Le nestorianisme, par exemple, sera combattu par Cyrus d’Alexandrie et condamné au Concile d’Éphèse— en l’an 431-; condamnation qui ne réussit pas— logiquement— si ce n’est qu’à une inusitée extension clandestine. Dans le cas du nestorianisme oriental, sa terre d’extension naturelle fut la route de la Mésopotamie à l’Inde. Néanmoins, il laissera son empreinte en Hispanie au commencement des années 700, sous la forme hérétique de l’adoptianisme, arboré par Élipand de Tolède et Félix d’Urgel. Nous disions que le moment de majeure extension du mouvement des Wisigoths hispano— règne de Léovigild, entre 568 et 586—, fut témoin de la révolution sociale qui occulte des luttes fratricides dans le pouvoir. En réalité, le problème de Léovigild et ses 295! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou fils est un exemple du problématique système successoral wisigoth, basé en un système tactique de loyautés et non pas en la désignation naturelle de l’héritier choisi. C’était, pour résumer, un système électif et non strictement héréditaire houjrvfnfou. § 10. Pendant ce temps, la polémique des idées religieuses se pré- sentaient dans la maison du roi arien Léovigild. Son fils ainé, Herménégilde, se maria avec une chrétienne romaine— trinitaire— et entre elle et la prédication de Saint Léandre de Séville, ils réussirent à convertir au christianisme romain le premier-né de Léovigild. Nous insistons: en ce temps-là, les catholiques c’étaient les ariens. Cet Herménégilde fut sanctifié par l’Église et depuis jouit de nombreux siècles de culte à Séville, et même s’il est connu comme Saint Herménégilde, ce brave homme avait changé son nom à celui de Jean afin de se dévêtir de ce qui était wisigoth. Il faut mettre en relief tout ce qui est en train de se produire en Hispanie: la fusion par confusion. Wisigoths et Hispano-romains, soumis à des lois différentes, avec des traditions différentes et une mosaïque de rames chrétiennes— avec des éléments persistants de paganisme— iraient peu à peu se rejoindre dans un tel amalgame, qu’il arrivera un moment où l’on ne pourra plus distinguer un Autre extra-péninsulaire, face au multi-chromatisme accéléré. Bon; la conversion de Saint Herménégilde ne se traduisit pas en une dispute paternellefiliale, mais plutôt en quoi se traduit tout cela quand la foi cache les manœuvres du pouvoir: Herménégilde se lança à Séville et à Cordoue, utilisant les armes contre son père. Mais il ne le fit pas seul: les Byzantins— avec le pouvoir péninsulaire centralisé à Carthagène— soutinrent le fils contre le père, ce que firent également les Suèves en Galice. Cette révolte de Cordoue et Séville en l’an 550, aidée par l’armée byzantine de Liberio— sous les ordres de Justinien— a une répercussion transcendantale dans l’imaginaire. Les Wisigoths contemplent l’avance byzantine comme une invasion: mÖbsnf!ef!Mjcfsjp! bwbodf efqvjt! mf! Mfwbou, et est reçu à Cordoue et à Séville et continuant l’avance— tant par route comme par procédé— similaire à ce que l’jodpotdjfou!dpmmfdujg!fu!mft!dispojrvfvst!spnb. oftrvft!buusjcvfou!‰!mb!qptusjfvsfÒ!fu!jowfoufÒ!jowbtjpo! jtmbnjrvf/!Mais, en ce qui nous concerne, voir un tel tpvmwfnfou comme une simple nuance théologique c’est persister dans l’fssfvs! M֕mf!ev!kpvs!bwbou 296 ef! mÖfyubtf! nztujrvf! nejufssbofoof! dpnnf! npufvs! ef! mÖijtupjsf. En 583 Léovigild entoura Séville et par deux fois mit en déroute son fils. C’est-à-dire, par deux fois les Wisigoths ratifièrent son pouvoir et son arianisme face aux impériaux— Byzantins— et, à ceux de la coalition dans la lutte d’insurrection. Herménégilde mourut refusant la communion des mains d’un arien. C’était en l’an 585, et nous pouvons situer ici l’origine de la diatribe existante entre les deux Hispanies— quand n’en fut-il pas ainsi?— cachant, sans doute, une fausse qjenjf!ef!spvhfpmf!ebot!vof!Ftqbhof!opo! tusvduvsf. § 11. Le chapitre du fils indocile— saint rebelle— Herménégilde termina mal une manœuvre étatiste d’assimilation historique difficile. La neutralisation des forces rebelles amena le roi Léovigild à une certaine fermeture de l’Hispanie, avec la ferme réduction des contingents byzantins, suèves et même francs. Le caractère royal et —d’une certaine façon— officiel de cette alliance externe dans une tentative téméraire d’Herménégilde contre le pouvoir arien, nous permet de nous rendre compte du fait que les amis loyaux au rebelle trinitaire réussirent à trouver asile— après leur défaite— dans le nord de l’Afrique et à Constantinople. Il s’agissait, donc, d’un assaut au pouvoir des ariens— des Wisigoths— de la part des orientaux impériaux— Byzance— avec des appuis locaux au nom d’une hypothétique légitimation interne. Cette préoccupation de Léovigild pour les inquiétudes religieuses et sociales de l’Hispanie l’amena à convoquer un Concile arien à Tolède en 580, avec l’intention de— justement— concilier les différentes postures et que la population hispano-romaine approchât les tendances des romains et des catholiques; respectivement unitaires et trinitaires, bsjfot!fu Cz{boujot/ Mais le concile arien n’obtint pas la paix espérée, et le roi dut recourir à la force, en envoyant à l’exil, de nombreux évêques, entre eux Saint Léandre, qui atteint Constantinople. La situation sociale de l’Hispanie n’était pas claire, et un fait insolite nous fait comprendre son opacité: le chroniqueur par excellence de l’époque immédiatement postérieure, Isidore de Séville, prend le parti du roi arien discréditant le rebelle Herménégilde. Mais n’était-il pas trinitaire, comme Herménégilde et son propre frère, Léandre, duquel il hérite le diocèse de Séville? Ne sont-ils pas saints tous trois, donc spnbjot, pour la future orthodoxie de 297! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou l’Église? Isidore clopine, par excès de louange au roi arien qui chercha l’unité hispane. § 12. De toute façon, les chroniques résolvent la diatribe religieuse dans l’Hispanie antérieure à l’an 711 avec un royal coup de timon: l’héritier de Léovigild, Reccared abjura de l’arianisme et se convertit avec tout le royaume au trinitarisme. Il renonça au catholicisme et devint romain. Réellement un royaume peut-il se convertir après l’abjuration de son roi? Reccared abjura par populisme, cela indiquerait-il que le peuple était majoritairement trinitaire, romain? Ou au contraire, abjura-t-il pour se rapprocher de Byzance, recevoir les bénédictions papales, les romaines-orientales, et ainsi se persévérer pour forger une Hispanie homogène et fortifiée sous ses ordres? Parce que, s’il en est ainsi; si l’bckvsbujpo!ef!Sfddbsfe répondit à des décisions de ibvuf! qpmjujrvf- il est clair que le peuple ne s’était pas converti. Et non seulement cela: il sera ouvert à n’importe quel endoctrinement non trinitaire, opposé à toute imposition de pouvoir qui rappelle les méthodes coercitives wisigothes. Le texte d’abjuration de Reccared, sa dpowfstjpo au trinitarisme romain au IIIème Concile de Tolède— 589— est si menaçante contre ceux qui n’abjurent pas avec leur roi, que l’on peut penser à la seconde hypothèse: un coup de force antipopulaire. Mboesf!ef!Twjmmf, principal rapporteur de ce IIIème Concile tolédan, put parfaitement braver des décisions politiques; il fut capable de centrer d’une manière nicéenne l’autoritarisme wisigoth. Soit; put-il changer pour cela l’âme du peuple?82 § 13. Il y a quelque chose qui est en train de se produire: la gestation de l’Hispanie comme entité propre. Depuis les guerres de Léovigild pour en terminer avec les tendances venues du dehors ; depuis les postérieures Mbveft!Ijtqbojbf — Gloires de l’Hispanie— d’Isidore de Séville, jusqu’au Gvfsp!Kv{hp — recueil de lois processives réa82 Il y a un petit livre qui éclaire tout le vertigineux monde des hérésies médiévales: une carte très valable pour s’orienter dans de telles latitudes. Le dogmatisme qui y apparaît offre peut-être un monde médiéval assez renfermé, mais au moins il augmente le chromatisme avec lequel nous avons l’habitude de le voir. Emilio Mitre Fernández, Mbt!ifsfk“bt!nfejfwbmft!ef!Psjfouf!z!Pddj. efouf, Madrid: Arco/ Libros, 2000. M֕mf!ev!kpvs!bwbou 298 lisé en 634—, l’on peut constater que s’ouvre le passage vers une tendance naturelle à la spécificité. Il y a un peuple qui n’est pas très convaincu du trinitarisme officiel. Il y a des rois successifs qui maintiennent une carcasse légitimiste. Il y a des chroniqueurs qui ne se mettent pas d’accord sur qui est qui, catholique ou romain. Quand, en 711 et 713, l’on fait battre des monnaies qui portent à leur dos la devise Opo Efvt!ojtj!Efvt!Òjm!oÖz!b!rvÖvo!tfvm!Ejfv—,83 le peuple comprendra l’inscription pour deux raisons: la devise est rédigée en leur langue, et fait référence à son unitarisme éthéré poursuivit depuis le shjnf!bousjfvs. Bqst!qmvtjfvst!booft! ef! hvfssft! djwjmft-! mpstrvf! mÖpo gsbqqf! eft! npoobjft! dpn. nf! dfmmft.dj! Ò! ek‰! ebot! vof! bvusf! mbohvfÒ! mb! tqdjßdju! ijtqbof!dpoujovf!fo!nbsdif/!Nbjt!upvu!dfmb!tÖbss‘ufsb!qpvs! tÖbqqfmfs!bm.Boebmvt. 3/22/!Tbssbtjot § 1. Une grande partie du désastre de 711 se doit à la lecture histo- rique réalisée— séparément— tant par Isidore de Séville comme par Ferdinand III,le Saint. Épitomés, tous deux traitant du devenir culturel et historique espagnol, ils sont, par contre contradictoires dans certains apports interlignés; dans certains silences éloquents. Sur le traité, déjà vu, d’Isidore de Séville (565-636) nous pouvons regretter que l’énorme capacité intellectuelle pût se mettre au service du pouvoir, le mythe et le dogme. Pour avoir présidé le IIème Concile de Séville— 619— et le IVème de Tolède— 634—, son rôle culturel se mélange avec celui de protagoniste politique et de cette manière, nous pouvons difficilement examiner en détail l’hétérodoxie hispane environnante— antérieur et source de l’islãm espagnol— dans ce paradigme de l’orthodoxie que fût le saint sévillan. 83 Monnaie arabo-byzantine anonyme de l’an 93 de l’Hégire / 711-712 apr. J.-C A.V. solidus— sou— de 3,60grs. Voir: Walker, Bsbc.Cz{boujof, pag.74 Jo!op. njof!Epnjoj!opo!Efvt!ojtj!Efvt!tpmvt!opo!Efvt!bmjvt: au nom de Dieu. Il n’y a pas de dieu à part Dieu. Il n’y a pas d’autre Dieu. Inscription sur une monnaie arabo-byzantine frappée en Espagne, en 711-712. Antonio Medina Gómez, Np. ofebt!ijtqbop.nvtvmnbobt;!nbovbm!ef mfduvsb!z!dmbtjßdbdj˜o. Toledo: Instituto provincial de Investigaciones y Estudios Toledanos (Diputación Provincial), 1992. C. Castán y J.R. Cayón, Mbt!npofebt!ijtqbop!nvtvmnbobt!z!dsjtujbobt, 711-1981. Madrid: los autores, 1980. 299! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Paradigme avec ses nuances, comme nous le voyions en pariant pour le roi Léovigild, ou peut-être pour n’avoir pas compris le rôle historique du cordouan Hosius. Pour le reste, et en ce qui concerne le qbtt! sdfou! de cette Hispanie qui n’est pas encore al-Andalus, ce prestige trinitaire d’Isidore de Séville veut nous faire croire que tous l’étaient, et que l’Hispanie avait une certaine homogénéité. N’avons-nous pas confondu pendant ces siècles, dbuipmjrvf!fu!spnbjo? Parce que le catholique antérieur à l’époque d’Isidore; l’antérieur à la conversion officielle du royaume— avec l’abjuration de Reccared— était l’isujrvf! bsjfo qui niait la Trinité, et le spnbjo était celui qui la défendait. Il sera difficile de répondre maintenant à tout ceci, même si l’on peut éclairer un peu plus cette étape essentielle de la gestation d’al-Andalus comme nouvel ubu!eÖpqjojpo. Par exemple, à propos de la notice du IVème Concile tolédan— 634— du grand abrégé hispano des lois processives: le Gvfsp!Kv{hp ou Mjcsp!ef!mpt!Kvfdft. § 2. Dans l’Hispanie wisigothe il n’y avait pas une seule ordonnance juridique, il est évident qu’il n’existait pas non plus une seule communauté hispane que l’on ne puisse différencier. Si, déjà dans le célèbre Concile d’Elvira au début des années 300— se différenciaient clairement la communauté chrétienne des juifs et orientalisants, dans l’Hispanie wisigothe coexistaient sommairement le Dpef! Fvsjd— pour les Goths— et le Cswjbjsf!eÖBmbsjd pour les Romains. Mais le fait qu’ils furent rédigés en latin, nous offre l’image erronée d’une seule ordonnance juridique; une certaine homogénéité hispane. Rien n’est plus loin de la réalité; une réalité qui prétendit limer l’ultérieur Gvfsp!Kv{hp. Basé sur la tradition processive émanée de la pratique de la Mfy!Hpuipsvn— la loi des Goths—, le Fuero Juzgo fut, de cette manière, recueilli sous la présidence d’Isidore de Séville. Et son contenu nous offre une promenade dans l’Hispanie avant l’an 700 assez insolite, en ce qui concerne, tant le Fuero Juzgo comme le Concile dans lequel il fut approuvé, ceux-ci furent pensés comme frein aux hétérodoxies et avec une obsession: fondre et polir ce précipité qu’était la population hispane, trop alignée dans ses identités: nobles wisigoths, peuple hispano-romain, impériaux byzantins, contingents suèves, et d’innombrables juifs entre une masse difficile à cataloguer que nous pourrions appeler orientaux, sur lesquels nous reviendrons en bref. M֕mf!ev!kpvs!bwbou 29: Effectivement, dans le IVème Concile de Tolède, régnant Sisenand en 634, naissait le code juridique qui prétendait normaliser les mariages entre Wisigoths et Hispano-romains, réglementer le partage des terres entre les deux populations ainsi qu’insinuer quelque chose difficile à suivre en Hispanie: une certaine homogénéisation des lois dans un territoire soumis aux opinions très libres de Fuero— villes—, des territoires concrets, ou même des terres associées à un nom. L’Hispanie était une mosaïque de religions, populations, régimes juridiques. Précisément, c’est dans le Fuero Juzgo où nous pouvons percevoir un changement d’époque dans— par exemple— le traitement des juifs; une des clés de l’évidente— et frappante— ufoebodf!wfst!mÖPsjfou de l’Hispanie. § 3. La présence de tant de juifs permet de justifier un volume complet du Fuero Juzgo et une grande partie des délibérations du Concile tolédan qui l’approuva en 634, nous fait penser que le magma de chrétiens hétérodoxes, post-judaïsant et d’une certaine manière monothéistes orientalisants devaient inclure génériquement sous la dénomination de juifs et hérétiques des lois qui dans le Fuero Juzgo prétendent donner une certaine cohésion au territoire. Si nous partons— par exemple— de l’ascension du priscillianisme comme première ligne religieuse autochtone de l’Hispanie, ou du donatisme comme influence nordafricaine à une époque d’échange fluide dans le Détroit, il est évident que le problème de cohésion nationale reçût un traitement religieux, et les idées religieuses une normalisation juridique. À nouveau: que le péché fût un délit et ainsi homogénéiser la société. Si en plus, partant de ces contingents iuspepyft! psjfoubmj. tbout, nous incluons l’évidente dpoofyjpo! ejsfduf! psjfoubmf de l’évangélisation— qui resta dans l’imaginaire de la population—, à part de présences non moins orientalisantes comme celles qui existaient par l’évidence de sectes manichéennes, gnostiques et le reste, nous pouvons conclure que le contingent de population oriental dans l’Hispanie pouvait être représentatif, inconnu dans sa variété et d’une certaine façon englobé dans une terminologie citée de juifs et hérétiques, si commun dans le Fuero Juzgo. § 4. Mais nous parlions de deux personnages essentiels dans l’histoire de l’Hispanie à l’Espagne en passant par al-Andalus. Nous parlions de silences éloquents. L’un— nous l’avons vu—, était Saint 2:1! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Isidore de Séville, et l’autre était Ferdinand III, également saint. Les deux associés dans l’éloquente— pour leurs silences— histoire du Fuero Juzgo, nous pouvons résumer que si l’un fut compilateur— Isidore—, l’autre fut celui qui s’occupa de sa traduction à la langue de Castille vers la moitié des années 1200. La nuance subliminale de la traduction du Fuero Juzgo— mft!mpjt! eft! Hpuit, dérivée de tout ce que les juges appliquaient jusqu’à al-Andalus— est la suivante: il en ressort un opvt!gŸnft!fu!opvt! sfefwfopot qui extrapole absolument l’hispanité de l’andalusí. Parce que la traduction du livre ne se fait pas pour des motifs de conservation ou curiosité, mais pour préparer un code processif sur lequel puisse se baser la vie juridique hispane après les conquêtes chrétiennes. C’est ce type de manœuvres qui justifient que les opérations de conquête chrétienne se perçoivent comme une sf. dporv‘uf. L’héritage d’un passé sous bénéfice d’inventaire. Le rejet de l’andalusí au nom d’un opvt d’une marque identitaire religieuse. Mais, un passé retouché: l’Hispanie comme une mer d’huile catholique, dbuipmjrvf étant déjà entendu comme romain. § 5. Le opvt!du Fuero Juzgo l’imprime précisément, celui que l’on ne peut pas considérer comme roi anti-islamique; le moment venu— 1252—, à la mort de Ferdinand III— le saint, se produira un fait apparemment insolite dans le désordre péninsulaire: cent cavaliers envoyés par le roi maure de Grenade veillant son corps et portant de spectaculaires flambeaux dans leur formation. Il ne paraît pas que l’on perçût, donc, cet esprit de reconquête mais plutôt un va et vient de luttes stratégiques de vieux rivaux, comme l’étaient le roi de Grenade et celui de Castille à cette époque. Dans le Fuero Juzgo traduit du latin à la langue de Castille— de 634 à 1200— l’on parle des Sarrasins, dont l’étymologie admise par le Diccionario de la Real Academia est démentie par Federico Corriente. L’Academia proposait que tbssbdjo vînt de tibsrjzjo— oriental—, quant à Corriente— autorité maximale sur ce sujet, ainsi le considérons-nous — affirme qu’il proviendrait du latin tbssbdfoj, en prononçant c comme k: sarrakeni. Le mot latin procèderait, à son tour de l’araméen tfssbr!—désert—,84 donc nous arriverions à 84 Federico Corriente, Ejddjpobsjp!ef!bsbcjtnpt!z!wpdft!bßoft!fo!jcfssp. nbodf. Madrid: Gredos, 1991. Suivant dictionnaire RAE “sarraceno”. M֕mf!ev!kpvs!bwbou 2:2 la déduction que les Sarrasins furent sûrement antérieurs aux musulmans. Résultat naturel: quand Rome arrive en Orient et trouve des modes de vie bédouines imposées par le désert, ils appelleront ces peuples d’une certaine façon générique: sarrakeni/, sarraceni, sarrasins. Et ils le feront longtemps avant l’dmptjpo!jtmbnjrvf. § 6. Ceci dit; le Fuero Juzgo parle d’eux, les Sarrasins, dans le Livre XII, titre 3, 6; étant le Livre XII intitulé Ef!efwfebs!mpt!uvfsupt!! efssbjhbs!mbt!tfdubt!!tvt!ejdipt,85 le titre III: Ujupm!ef!mpt!efo. wftupt!z!ef!mbt qbmbcsbt!z!ejptbt!86 et— concrètement— le Chapitre VI: Efm!rvf!mbnb!b!pusp!tbssbdjo-!!opo!mp!ft/! De celui qui appelle quelqu’un Sarrasin, et ne l’est pas. C’est à dire comment traiter juridiquement à celui qui insulte quelqu’un en l’appelant Sarrasin. C’était, donc à l’époque une insulte. La question est: ce chapitre était-il incorporé dans la traduction de l’an 1200— ordonnée par Ferdinand III—, ou apparaissait-il ainsi dans la version latine de l’an 600? Parce que cela impliquerait deux choses bien différentes: – S’il fut incorporé postérieurement— 1200—, proposer que ceci soit l’unique référence, cela voudrait dire faire abstraction de la majorité musulmane des territoires conquis dans lesquels l’on impose ce droit processif. Dans le Fuero Juzgo, celle-ci est l’unique référence aux Maures, musulmans, islamistes ou Sarrasins dans un chapitre brève sur les insultes. – S’il ne fut pas incorporé postérieurement, mais qu’il apparaît dans l’édition latine préalable même à la naissance d’al-Andalus— IVème Concile de Tolède, 634—, cela voudrait dire que le mot sarrasin est antéislamique, comme il paraît naturel vu qu’il serait antérieur à la naissance de l’islãm, le contact de Grèce et Rome avec le désert arabe. § 7. Dans le premier cas— incorporation tardive avec Ferdinand III—, le peu de référence sur les Sarrasins prouverait que la vie des communautés dans l’Espagne chrétienne de 1200 se déroule comme 85 De comment résoudre les conflits et éliminer les sectes et leurs discours. (N. T.) 86 Chapitre des offenses et des insultes. (N. T.) 2:3! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou des compartiments étanches. Tout cela contreviendrait au propre esprit conciliateur du Fuero Juzgo dans son projet originaire; renforçant la nuance politique de la traduction du Fuero Juzgo: ne pas pourvoir de processus judiciaire, mais souligner que opvt!tpnnft! Hpuit, dans une si étrange transsubstantiation que cela condamne à l’oubli tant de siècles de vie en commun andalusí. Et ce n’est pas seulement pour sa nuance revendicative face à celui qui défend les castes et ses coutumes, mais par pure rigueur scientifique: le manuscrit que porte le numéro 10.064 de la Bibliothèque de Madrid correspond à un texte du Mjcfs!JoejdpsvnÒ le Fuero Juzgo—, avec des notes en arabe dans les marges.87 Nier n’importe quelle possibilité de continuité est une des différentes façons de mentir. De toute façon, sa traduction et son implantation suppose déjà une uspnqfsjf!joufsqsubujwf sur la réalité espagnole: l’importance accordée aux juifs dans le Fuero Juzgo original est déjà périmée à l’époque de Ferdinand III, vu que les musulmans avaient besoin de la plus grande part des normes de coexistence. Où étaient les musulmans— par exemple— à Séville en 1248; contemporains de la traduction du Fuero Juzgo? Il est admis que Séville reçu son Fuero particulier et spécifique, étant similaire à celui de Tolède. Mais, alors, quel sens y a-t-il de réinstaurer des normes wisigothes? Purement politique, l’évocation de ce opvt!enchaînant le jour avant la naissance d’al-Andalus? Se présenterait-il déjà comme un invétéré opvt fydmvbou-!tj!ijtqbop? § 8. Dans le second cas— incorporation de Sarrasins à l’époque d’Isidore de Séville dans un chapitre sur les insultes—: le mot sarrasin apparaît déjà comme insulte à l’époque wisigothe? Ce serait donc préalable à musulman, comme nous le disions. L’Hispanie recevait-elle des Sarrasins— orientaux, des gens du désert, gnostiques, manichéens, magiciens et cetera—, déjà en l’an 600; suffisamment pour que cela exige son inclusion— même anecdotique— dans le Fuero Juzgo? À cause de l’extension extra-péninsulaire de l’utilisation du terme, tout vise à cela. En s’appuyant sur la version de Corriente au sujet du mot sarrasin, nous comptons avec un usage varié dans d’autres lan87 José Manuel Pérez-Prendes, Dvstp! ef! Ijtupsjb! ef! Efsfdip! Ftqb—pm. Madrid: Universidad Complutense, 1986 Vol. I, pág. 476. M֕mf!ev!kpvs!bwbou 2:4 gues européennes. Arthur Gilman, en 1889, commence son œuvre symptomatique Mft! Tbssbtjot signalant les étymologies:88 rvboe! mft!Hsfdt!fu!mft!Spnbjot!nfoujpoobjfou!mft!usjcvt!rvj!fssbjfou! ebot! mft! etfsut! ‰! mÖpvftu! ef! mÖFvqisbuf-! jmt! mft! bqqfmsfou! mft! Tbssbtjot-!ev!hsfd!tbsblfopj!fu!fo!mbujo!tbsbdfoj/!\Ê^!Dfmb!qfvu! tjhojßfs!mft!hfot!ev!etfsu/!\Ê^!Bqst!rvf!mf!opn!gŸu!vujmjt!ef! gbŽpo!joeßojf!qpvs!upvuft!mft!usjcvt!jodpoovft!ev!etfsu-!po! mÖbqqmjrvb!bvy!ßemft!ef!Nbipnfu/!! § 9. Il fallait insérer, dans une nouvelle réalité un mot déjà connu.! De façon similaire se comporta celui qui parlait dans al-Andalus de la catastrophique incursion des Normands dans tout le littoral atlantique!arrivant jusqu’à Séville par le fleuve. Quand les habitants péninsulaires virent la manière avec laquelle les Vikings utilisaient le feu, ils les appelèrent nbzt— magicien.! Le nom qu’ils connaissaient depuis toujours pour leur contact avec d’authentiques magiciens; les Perses de religion zoroastrienne ou mazdéenne, qui incluaient dans leur liturgie de nombreuses applications du feu. À ce qui est inconnu mais similaire, on lui donne toujours un nom par analogie avec quelque chose. De cette façon, et à part la nuance répétitive— la caisse de résonnance méditerranéenne, où tout est connu depuis toujours—, il paraîtrait, donc, selon ce qui précède qu’il est évident qu’en premier lieu existât le nom et après son application à musulman. De même que telle application est due à une— c’est le plus probable— analogie par typologie sociale, non pour des sbjtpot! religieuses. Curieusement, dans ce même Mjwsf!YJJ du Fuero Juzgo est inclus un Ujusf!JJ;!Ujupm!ef!mpt!ifsfhft-!!ef!mpt!kwejpt!!ef!mbt!tfdubt!(Titre des hérétiques, des juifs et des sectes)/ L’on ne parle absolument pas de musulmans, par contre dans le Titre 3.2, l’on punit celui rvj! efowftubo! mb! tbodub! Usjojebe! (qui injurient la Sainte Trinité). Il est évident que continue le besoin de condamner à une peine les ariens et autres unitaires psjfoubmjtbout en 634. Est-il nécessaire pour Ferdinand III reprendre tout ceci en 1200? Il n’en apparaît pas ainsi. Par contre, il apparaît que dans l’Hispanie wisigothe l’Psjfou! 88 Arthur Gilman, Uif!tbsbdfot/!Gspn!uif!Fbsmjftu!Ujnft!up!uif!Gbmm!pg! Cbhiebe. London: T. Fisher Unwin, 1889. Allusion au terme grec dans le prologue, signé à Cambridge, 1886. 2:5! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou fousbju!d’une manière subtile. Ainsi qu’était entré un produit préalable vraiment oriental: le christianisme. § 10. Que le lecteur veuille bien nous excuser pour le plongeon. Il s’agissait seulement d’ouvrir un chemin pour une traversée nécessaire: en vu de tout!ce qui précède, vraiment faut-il continuer à soutenir que cet islãm n’est pas encore né dogmatiquement— jusqu’à cent ans après de ce IVème Concile de Tolède en 634— arriva en un jour, en une chevauchée, dans une invasion miraculeuse et désastreuse de trois ans, jusqu’à se heurter— sans s’approvisionner— deux décades après à Poitiers? 3/23/!Ejttjnvmbujpo § 1. Non; aucun mythe n’est inséré de façon tellurique dans l’imaginaire. Dans ces moments cruciaux du devenir historique hispano, il se produisait une dissimulation des peuples du nord et sud de la Méditerranée que les historiens ont su orienter avec deux réserves déjà suggérées— insurmontables, nous l’avons déjà dit— la première fait allusion aux illustres Berbères. À nouveau: tout peuple intrinsèquement non romain— qui se trouvait en Hispanie est nommé génériquement barbare, et tout peuple intrinsèquement non romain— les mêmes peuples en fait — qui se trouvaient dans le nord de l’Afrique sera nommé bientôt, berbère. D’accord, c’est le même mot, vu que cfscsf est le terme arabe qui vient du latin cbscbsvt et qui veut dire: mft!bvusft.! Mais dans notre imaginaire collectif, barbare et berbère ne sont pas synonymes: si le chroniqueur affirme qu’une armée passe par le Détroit— du sud au nord— composée en majorité de uspvqft!cfscsft, cela ne signifie pas la même chose que s’il dit uspvqft!cbscbsft. Sans doute étaient-ce les mêmes troupes; les corps paramilitaires établis dans le nord de l’Afrique— réduit de Wisigoths, Vandales, Suèves, Alains, restes de Byzantins, mercenaires de toute classe-; non pas encore des peuples caravaniers. Ce ne sont pas des Tbssbtjot. § 2. La seconde réserve fait mention à ce que l’on peut appeler mpzbvut!ejgßdjmft: si dans la dissimulation des peuples et courants de chaque côté du Détroit nous comptons avec une telle polychromie de groupes , de toute évidence s’affrontant entre eux à feu et à M֕mf!ev!kpvs!bwbou 2:6 sang; si d’autre part, nous répétons que l’Islãm comme État n’existait pas, ni l’islãm comme religion codifiée au-delà d’une sincère évolution simplifiée du monothéisme antitrinitaire, comment proposer l’an 711 comme désastre dans le sens d’un inattendu changement radical et négatif? L’Hispanie était-elle réellement un territoire prétendument homogène et seul le progrès manifeste dans sa gestion politique lui faisait défaut? Parce que c’est ainsi comme l’on nous explique la réalité wisigothe et vandale; hispane et nord-africaine. Pour abonder encore plus dans ce sens: probablement, aux environs de 711, les habitants de l’Hispanie étaient déjà en plus grande partie des Wisigoths latinisés— encore ariens— avec les Byzantins, et dans le nord de l’Afrique, l’on peut supposer que beaucoup de Vandales, Wisigoths, de même que Byzantins, ou même une grande partie d’Africains-romains, pour décrire de la même manière à des gens de la même extraction socioculturelle que ceux que l’on appelle Hispano-romains du nord. La conclusion s’en détache d’ellemême depuis longtemps: mb!dporv‘uf!ef!mb!qojotvmf!Jcsjrvf! dpnnfodf!fo!822!of!qfvu!qbt!tf!ejggsfodjfs!ef!oÖjnqpsuf! rvfm!bvusf!npvwfnfou!ef!uspvqft!ibcjuvfm/!Cjfo!foufoev-! jmt!of!wfobjfou!qbt!fodpsf!bwfd!vof!mbohvf!pv!vof!sfmjhjpo! ejggsfouf!‰!dfmmf!ev!qfvqmf/ §3. Ici l’on recommence à insérer la thèse d’Ignacio Olagüe, et en grande partie la nôtre proprement dite, dans le sens de la normalité envahissante qui seulement au passage des siècles arrive à surprendre les chroniqueurs, vu la transformation patente produite dans la supposée image de l’Hispanie. Il y eut une lente— et finalement une sanglante — évolution vers l’islãm— similaire à celle du reste de la Méditerranée du sud et de l’est—, qui ne s’instaura pas mythologiquement comme l’on prétend en une chevauchée. Non; l’islãm en Hispanie— de la même façon qu’en la plus grande partie des endroits de ce que l’on a appelé l’espace islamique— partait d’un amalgame préalable et de mouvements migratoires séquentiels dans un siècle difficile, celui des années 700. Compte tenu de ce fait essentiel, si l’on réalise des coupures transversales— par exemple, 711 et 950— l’on nous offre deux images de l’Hispanie complètement différentes. De fait, une Hispanie et une autre qui appartient déjà à al-Andalus. Mais dÖftu!mf!qbttbhf! joufsnejbjsf!rvj!hosf!mb!rvftujpo-!opo!qbt!mf!mfwfs!ef!sj. 2:7! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou efbv!jojujbm!bvrvfm!po!of!dspju!qbt/!Entre ces années, quelque chose se produisit; à mi-chemin entre deux changements transcendants: d’ubut!eÖpqjojpo! et de responsables des méthodes coercitives. Ce quelque chose est la vraie tpvsdf!ef!qfsqmfyju scientifique lorsque l’on étudie al-Andalus. Le véritable objet d’étude sur l’origine d’al-Andalus doit se centrer autour à ce que —symboliquement— nous prétendions amalgamer aux environs de 850 comme le début de ce qui est proprement dit andalusí. Au milieu d’un siècle, également à mi-chemin dans une lente évolution depuis l’antéislamique enfoui— depuis 711 et longtemps avant—, jusqu’à ce qui est absolument arabo-islamique vers 950. § 4. Entre les deux dates— nous insistons, 711et 950— interviennent de sanglantes guerres civiles, établissement de groupes— maintenant oui— progressivement islamisés. Après se produisit le mouvement centrifuge de la diversité hispane avec un al-Andalus devenu oriental à cause de son islamisation— progressive, nous insistons—, apaisement systématique des révoltes fomentées contre le progressif centralisme islamique, et l’instauration postérieure— l’apothéose— d’un califat. Nous resterons avec une des idées centrales maintes fois répétés dans les études pour éclaircir ce ufnqt!fo!nbsdif: il est très difficile de reproduire un ubu!eÖpqjojpo/ Les chroniqueurs, plusieurs siècles après— parce que, et ceci est essentiel que ce soit clair, nous n’avons pas de documentation de l’époque— parlent à partir d’une réalité si différente, que l’unique explication non magique dans le changement de l’Hispanie à al-Andalus c’est celui du rapt de l’Hispanie, la perte de l’Espagne. § 5. Mais— ici— la tangente n’est pas le chemin le plus court. Ces monnaies de 711 auxquelles nous faisions allusion en évoquant la subtile naissance d’al-Andalus, renfermeraient une devise arienne— unitaire par excellence; le signe d’identité face à l’inexplicable dogme byzantin trinitaire: Opo! Efvt! ojtj! Efvt. Cette devise— il n’y a qu’un Dieu—, le pavillon de la spécificité unitariste, il apparaît aussi sur certaines monnaies frappées en grec d’utilisation probable dans les territoires byzantins d’Orient où les temps changent, de la même manière qu’ils le font en Hispanie et dans le nord de l’Afrique. M֕mf!ev!kpvs!bwbou 2:8 Pendant que s’écoule cette période, les territoires des deux bords de la Méditerranée où l’on connait ces nouvelles monnaies, changeront graduellement vers l’arabe mais rvj!of!mÖftu!qbt!fodpsfÒ ils ne parlent pas arabe en 711— et vers l’islamique que l’on sent, mais qui of!tÖbqqfmmf!qbt!fodpsf!bjotj. La monnaie sur laquelle nous nous basions est un trésor arabo-byzantin frappé en Espagne. Anonyme de l’an 93 de l’Hégire/711-712 apr. J. -C. il s’agit d’un sou de 3,60 gr, et son inscription complète est ainsi: Jo!opnjof!Epnjoj-! opo! Efvt! ojtj! Efvt! tpmvt-! opo! Efvt! bmjvtÒ la ponctuation est nôtre— au nom de Dieu. Il n’y a de Dieu à part le seul Dieu. Il n’y a pas d’autre Dieu. § 6. Pour ceux qui connaissent l’arabe coranique, l’expression ne peut pas passer inaperçue. Exactement pareil dans le même ordre et avec la même signification, cela est traduisible à l’arabe comme cjtnj.m.mbi-!mb!jmbib!jmb.Bmmbi-!mb!zblvo!mb.iv!lvgvbo!bibevo/ Il s’agit d’un extrait de la sourate coranique numéro 112. Ou le texte se révéla peut-être simultanément impliquant prendre parti de l’universalité islamique par l’arianisme antitrinitaire. Serait-ce une coïncidence? Bon, une de plus: la sourate 112 déjà citée inclut une autre caractéristique de ce dieu: mbn!zbmje!xb!mbn!zvmbe: il n’a pas engendré ni n’a pas été engendré. Vraiment n’y a-t-il pas un sens clair antitrinitaire dans tout ce qui se concevra en arabe mais qui se disait déjà en latin? Ceux qui ordonnent de faire battre les monnaies citées auparavant passent pour être déjà des envahisseurs musulmans. Ce qui se passe c’est qu’ils ne savent pas encore l’arabe, ni connaissent une religion différente. C’est pour cela que le peuple qui les reçoit ne le perçoit pas non plus ainsi. Telle expression— jm!oÖz!b!ef!ejfv!fo!efipst!ef!Ejfv— (Dieu est un) apparaîtra dans de nombreuses inscriptions de la période arabe. La référence réitérée à la solitude de Dieu, évidente avant-garde sémantique du Coran, fit avancer par d’intéressantes digressions l’orientaliste et éminent penseur français Henry Corbin, tpusj. tbou un peu trop une chose initiale— et essentiellement— populaire, sociale: ‰!mb!ßo-!upvuf!mb!scfmmjpo!dpousf!mft!usjojubjsft! ufsnjofsb qbs!tÖbqqfmfs!jtmŒn/!Tb!qspkfdujpo!ef!mÖIjtqbojf-! tb! hosbujpo! opo! tqpoubof-! nbjt! tj! bctpmvnfou! bvupdi. upof-!tÖbqqfmmfsb!bm.Boebmvt/ 2:9! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou § 7. C’est-à-dire: au début ce fut le sentiment méditerranéen contre le césaro-papisme -constantinisme— de l’Empire romain de Byzance. Après ce fut la dogmatisation de ce césaro-papisme ajoutant comme article de foi la Trinité et le Credo de Nicée. Postérieurement, les peuples périphériques christianisés arrivèrent sans ces subtilités— complications— théologiques; entre eux, les Wisigoths. Finalement, commença la gestation d’un nouveau mode de vie de soumission à la solitude de Dieu. Sa profondeur théologique est claire— unitarisme face au trinitarisme. Sa simplicité est dévastatrice. Sa force est imparable— Ejfv! ftu! qmvt! qst! ef! upj! rvf! ub! qspqsf!wfjof!kvhvmbjsf- dit le Coran-; ils venaient de synthétiser le résumé évangélique, compliqué dans les conciles. Une dernière réserve: ni dans les monnaies citées, ni dans la première expansion de ces nouvelles idées anti-conciliaires, apparaît le nom de Mahomet. Ce fut d’abord les Tbssbtjot— nbhjdjfot d’Orient89 et autres courants monothéistes. Bien avancées les années 700 et seulement alors, avec la diffusion de la langue arabe et la rédaction d’œuvres traditionnelles déjà strictement islamiques— hadîths et sira, ou biographie du Prophète-; seulement à partir de là— ainsi, nous le voyons — l’on peut parler de nbipnubot. Tel apport dogmatique— l’acceptation de Mahomet comme prophète— sera le définitif et définitionnel Svcjdpo!dans le processus à partir de l’éthéré antitrinitarisme à l’islãm comme tel. Les noyaux résistants en Hispanie— déjà al-Andalus— seront connus— incorrectement— comme mozarabes. 3/24/!Mb!swpmvujpo!eÖBce!bm.NŒmjl § 1. Saint Jean Damascène— mort en 754— n’était pas un ignare. Son père, Serge, avait été le factotum des Arabes à Damas; le négociateur, arbitre et régulateur des questions natives. C’est-à-dire: toutes. Parce que malgré ce que racontent les chroniques, les Arabes durent arriver à Damas et tomber de leurs chevaux comme le 89 Les Rois Mages ne le sont pas strictement pour leurs possibles habilités, et encore moins parce qu’ils s’appellent ainsi— que ce n’est pas le cas— dans l’Évangile. Les xjtf!nfo d’Orient dans d’autres traditions-en ce cas, anglo-parlantes — n’ajoutent jamais de références nbhjrvft. C’est, donc, autochtone de l’Hispanie. On les appelle nbhft parce qu’ils viennent d’Orient, comme les arabes les nommeront— de la même façon— nbzt. M֕mf!ev!kpvs!bwbou 2:: fit Paul devant les mêmes portes. Celles d’une ville byzantine aussi vieille et compacte que le propre temps oriental. Ces Arabes protoislamisés auraient assuré d’une certaine manière la fermeture de la ville d’accord avec ces damascènes byzantins pour se soustraire du permanent va et vient envahisseur de Damas. La ville était la pierre de touche des avatars belliqueux entre Byzance et la Perse Sassanide; point culminant et porte du désert méridional dans ce corridor entre les zones d’influence des deux empires. Les troupes des Sarrasins garantiront une certaine autogestion à la ville. Ces nouveaux venus installeront leur lieu de réunion dans l’antique basilique chrétienne. En une époque de transition comme celle qui nous intéresse, les futurs champions de l’iconoclastie— absence d’images dans les temples— maintiendront dans ce temple les mosaïques byzantines allégoriques de l’arbre de la vie. Ils conserveront également le frontispice avec des lettres grecques à l’extérieur. Ce frontispice et ces mosaïques peuvent se voir encore aujourd’hui, parce que le temple en question est la mosquée de Damas, modèle de futures réalisations similaires. Ainsi, les Arabes arrivèrent à contrôler Damas supposément à partir de l’an 635. À la défendre. À profiter de ses ressources. Mais ils pouvaient difficilement participer dans sa vie publique, parce que— au début— ils ne comprenaient pas le grec ou l’araméen-syrien; les langues diplomatiques et administratives de l’époque dans cette zone. Ces Arabes étaient une force coercitive avec beaucoup de cohésion à cause de la révolution entreprise dans le cœur du désert arabe. Essentiellement, la cohésion sociale ne se basait plus sur les liens de sang, mais plutôt dans la vie communautaire avec un simple vote: jm!oÖz!b!qbt!ef!ejfv!fo!efipst!ef!Ejfv/!Ni le Fils, ni le Saint Esprit, ni ipnp.pvtjpo, ni aucun autre apport dogmatique complexe. Ces Tbssbtjot ne basaient pas leur foi sur beaucoup plus, à ce moment-là. À Damas, ils avaient besoin de Serge, le père du futur Saint Jean Damascène. Serge était à son tour, par surcroît, le fils du négociateur de la sfeejujpo de Damas, d’où l’on peut percevoir une certaine noblesse collaboratrice qui n’est pas dépurée, mais bien plutôt le classique wjop wjfkp-!pesft!ovfwpt (les choses ne changent jamais). § 2. Et retournons sur la documentation de Jean Damascène; fils du factotum des Arabes, et petit-fils du négociateur de la reddition de la 311! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou ville, situé à l’avant-garde du Proche-Orient qui reçut les premières vagues antéislamiques, le futur saint ne se dédiait pas au commerce des armes. Théologien de prestige reconnu, ce Jean de Damas dépensa sa vie publique et ses heures de travail à combattre une secte déterminée qui était en train de faire des ravages dans la ville: les iconoclastes; les croyants monothéistes qui faisaient irruption dans les temples les dépouillant de leurs symboles, représentations et polychromie. Et cet homme formé, accoutumé aux discussions théologiques, face à face avec le premier islãm, qualifie cela comme une autre hérésie de plus dans l’éthéré monothéisme oriental. Il les reconnaît, car il y a longtemps qu’il s’affronte aux iconoclastes.90 Le Damascène se trouvait, en fait, dans l’Ðjm!ef!mÖpvsbhbo. En l’an 685, un tel Abd al-Mãlik fut nommé dbmjgf de sa ville. Il s’agissait d’une situation compliquée, étrange même: en vertu de quoi le monde pouvait-il soupçonner que l’islãm serait un tourbillon dont l’épicentre naissait à Médine et allait se déplacer avec une force accrue à— La Mecque, Damas, Bagdad, Istanbul…? Des hauteurs du temps passé, il est très facile de tracer des parcours. Mais impossible de les prévoir quelques temps avant. Être dbmjgf à Damas était n’importe qu’elle façon de se nommer pour commander. En fin de compte, ils disaient que cela signifiait sfqstfoubou, en arabe. Comme les seigneurs des forces coercitives de la ville étaient maintenant arabes, les mêmes que ceux qui s’étendaient vers l’Irak, il était donc cohérent qu’ils s’appelassent en arabe. Le Damascène moyen ne pouvait pas non plus soupçonner, que derrière tout cela viendrait un futur empire, ou une nouvelle foi associée à la moitié de la Méditerranée. § 3. Il est peu probable que le propre Islãm sût ce qu’il était et où il allait. Depuis la mort du Prophète en 632, il y avait eu plus de 90 La qsfnjsf!mjhof que constitue Saint Jean Damascène est essentielle. Parce que l’histoire repeint les blasons de façon permanente, mais ne peut pas retoucher les états d’opinion codifiés et déjà inamovibles. Voir: Henri Pirenne, Nbipnb! z! Dbsmpnbhop…pág. 122. Alexander A. Vasiliev, Ijtupsjb!efm!Jnqfsjp!Cj{boujop, Barcelona: Editorial Iberia, 1945. Pág. 274. M. Bonner (Ed.), Bsbc.Cz{boujof! Sfmbujpot! jo! Fbsmz! Jtmbnjd! Ujnft/ 2004. P. Bádenas de la Peña, “El islam como herejía en la obra de Juan Damasceno”. Dans: Miquel Barceló et J. Martínez Gázques (Eds.),!Nvtvmnboft!z!dsjtujbopt! fo!Ijtqbojb!evsbouf!mbt!dporvjtubt!ef!mpt!tjhmpt!YJJ!z!YJJJ/!2005. M. Beltrán, “Los atributos divinos en Juan de Damasco y su influencia en el islam”. Dans Dpmmfdubofb!Dsjtujbob!Psjfoubmjb!3 (2005). M֕mf!ev!kpvs!bwbou 312 conflits au sein de l’Umma— communauté islamique— qu’entre celle-ci et l’extérieur. Et de la lecture attentive de la propre narration coranique— à cette époque, sans aucune rédaction fixée—, l’on peut déduire que le concept de Guerre Sainte associé au terme ekjiŒe provient d’une phase post-coranique; postérieure à la mort du Prophète. Le djihãd comme guerre sainte est islamique; non coranique; c’est un apport médiéval surgit du besoin d’argumenter religieusement une cohésion militaire. Ce n’est pas une requête religieuse préalable. Donc, il est erroné de proposer un Islãm conscient de son futur héritage romain; imparable depuis le début et npupsjt! par l’effet de l’illustre ekjiŒe. § 4. Mais il est difficile de contrarier maintenant un état d’opinion. Traditionnellement, l’on conçoit que la source d’alimentation de l’Islãm impérial et impérialiste soit la prétendue requête coranique du djihãd. Rien n’est plus loin de la réalité: des 33 occasions où apparait la racine dans le Coran— racine du mot djihãd—, aucune n’est traduisible comme Guerre Sainte, même pas comme guerre. Le concept même de djihãd comme guerre sainte est— nous le disions— médiéval, et faire allusion au concept dans une interprétation coranique est quitter le contexte à la narration. Traduire du Coran djihãd— l’engagement dans lequel s’efforcera le croyant— comme Guerre Sainte serait pareil que traduire le passage de l’évangélique rvÖjm! qsfoof! tb! dspjy! fu! nf! tvjwf comme rvÖjmt!bjmmfou!bvy!Dspjtbeft".91!Dans ce sens, ce qui allait se produire dans le Proche Orient ne répondrait pas à un plan théologique préalable, mais plutôt au besoin historique d’ajuster l’espace islamique initial à la nouvelle taille d’un sujet surdimensionné. Il est évident que les Croisades et le djihãd existent comme réalités palpables et équivalentes, mais aucun des deux n’émane des requêtes de leur respectif Livre Sacré. § 5. Ce n’est pas un thème que nous devons éluder, vu qu’il est dans les sources mêmes de l’expansion de l’islãm. Donc, oui; il y a des références à la guerre dans le Coran. Nous pouvons trouver cinq 91 Nous nous en remettons à ce que nous affirmions dans l’exposé «La palabra descendida y la guerra», dans Dvbefsopt!efm CEMYR (Dfousp!ef!Ftuvejpt! Nfejfwbmft!z!Sfobtdfoujtubt). Universidad de La Laguna, 2005. 313! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou termes bien concrets, tous dérivant des verbes HRB— guerroyer—, QATALA_ combattre—, DRB_ donner des coups—, B’S— appliquer la force— et IJTAsAMA— se disputer. Mais non djihãd, qui signifie effort, persévérance, fermeté, insistance. L’entêtement d’un croyant convaincu. À la longue, avec les guerres intestines au sein du propre islãm, avec la scission chiite, avec les Croisades, bientôt l’on aura l’occasion de justifier théologiquement la mort d’un semblable pour ne pas aller en enfer. Mais non pas encore dans la période à laquelle nous faisons référence: le djihãd ne fut pas le moteur de l’expansion islamique. Ce fut la cohésion sociale, l’anti-byzantinisme, et surtout l’adéquation profitable aux époques. Effectivement, la narration coranique offre d’innombrables illustrations des affrontements avec des tribus proches, avec les juifs, avec des ennemis internes de la péninsule Arabique, avec des ennemis du Sud-Yémen —, et spécifiquement contre Byzance. L’islãm militant prendra parti comme scission byzantine bien différenciée du judaïsme. À partir de là est en train de naître l’Islãm que nous connaîtrons, non ce qui fut révélé dans les silences du Prophète. § 6. De fait, nous savons qu’après la mort de Mahomet il y eut une certaine expansion par l’action de grands stratèges comme Khãlid Ibn Al-Walîd et Amr Ibn Al-Ãs. Ils arrivèrent jusqu’à Damas et Égypte. Leur apparition à coté du Prophète provient de juin 628 dans une prise aventureuse de l’Oasis de Khaïbar, dans le cœur de la péninsule Arabique: cinq forteresses juives ne voulaient pas se convertir— payer le tribut—, et elles furent vaincues. Khaïbar marquait ainsi, la négative définitive de conversion de la part des juifs. L’islãm commence à se différencier comme réalité historiquereligieuse spécifique déliée de ce qui est juif; cela ne pourrait pas se percevoir de la seule lecture de ses sources inspiratrices. Khaïbar fut une guerre de tactique classique, et le Prophète avait déjà de grands stratèges, réussissant la conversion de deux des plus importants: les futurs généraux cités auparavant Khãlid— vers le nord— et Amr— Égypte. Nous jouions— quelques paragraphes avant— avec la proximité phonétique de deux mots, phases et phrases, prétendant que le son des choses nommées puisse approcher les idées respectives. De telle façon, que nous pourrions lire les diverses phases méditerranéennes comme authentiques qisbtft!nejufssbofooft dans un M֕mf!ev!kpvs!bwbou 314 paragraphe qui ait peut-être un sens uniquement dans son ensemble. Dans l’enchaînement organique de ses phrases— de nouveau: phases. § 7. Cela étant; le rouleau compresseur trinitaire, idéologie essentialiste du romain— déjà de Byzance— avait provoqué le second grand schisme méditerranéen: l’unitarisme dut prendre le maquis face à l’impossibilité— post-nicéenne — de pouvoir continuer à s’appeler chrétien sans admettre la Trinité. L’Islãm impérial hériterait— après ces évènements— de la moitié de Rome et baserait sa force— quand n’en est-il pas ainsi?— en démontrant son pouvoir au milieu d’une longue lutte de classes. Nous disons le second grand schisme, car le premier avait été la division entre l’Orient et l’Occident romain. Cette tfduf! pour Saint Jean Damascène, ce dirigeant appelé calife, l’enchaînement des mouvements anti-byzantins semblables dans le nord de l’Afrique, la supposée arrivée en Hispanie…: toute cette séquence ne pouvait se voir que comme des qisbtft!kvyubqp. tft d’un temps textuel convulsé. L’on ne pouvait pas encore imaginer une seule source qui puisse donner origine à un tel tourbillon méditerranéen. D’accord: Alexandrie fut aussi le théâtre de révoltes iconoclastes anti-byzantines. Mais la connexion essentielle se perd: il apparaît dans le nord de l’Afrique un tel Uqba que les chroniques convertissent en hosbm!nvtvmnbo dporvsbou!ev!opse!ef! mÖBgsjrvf, malgré que ses exploits soient dépourvus de connexion avec la première expansion— déjà hypertrophiée— de ce qui est islamique politique jusqu’à Damas. § 8. Ce Uqba dans le nord de l’Afrique, ou le suivant, maure Mûsã hispano sont fils de leur propre époque que la mythologie rappelle sous les étendards islamiques pour la majeur gloire d’un— sûrement inexistant— plan directeur né des sables du désert arabe. Ce seront des chefs locaux qui sauront porter l’uniforme dans les livres d’histoire; une histoire beaucoup plus riche et multi-chromatique dans son processus naturel que dans les images de l’album mythique— djihãdiste. L’exemple de la naturalité des choses est ce dbmjgf appelé Abd al-Mãlik qui donne son nom au chapitre. On le suppose héritier d’une lignée dynastique récente: les Omeyyades, famille arabe, qui s’éloigne peu à peu des sables du désert non pas pour le prétendu 315! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou impératif historique de fonder un califat, mais plutôt à cause des simples lois de survie: après la mort de Mahomet et la succession du premier dirigeant— calife— Abû Bakr, la Umma se voit poussée à de telles guerres intestines qu’elle se divise pour toujours en chiites, sunnites, khãridjites avec des dissidences dans chacune de ses branches. Les sunnites vont vers Byzance, les chiites vont vers les Sassanides— Perse—, et les khãridjites seront des insurgés ici et là. A la tête des sunnites, il y a longtemps que le charisme des Omeyyades dirige le dessein des terres contrôlées. § 9. Sans plus d’intérêt sur les questions religieuses ou idiomatiques, le califat de ces premiers Omeyyades s’étendit comme par contrats, équivalents au clientélisme romain: le premiers Omeyyades se consacrent à la simple gestion économique, montrant leur manque de préoccupation pour la langue de leurs sujet, leur foi ou leur manque de foi au-delà du moteur idéologique; la iconoclastie. Rien de post-paganisme, d’images trinitaires et temples multichromatiques. Le minimalisme de l’islãm surgira comme mode d’art propre à partir du rejet de ce qui appartient au passé, avec des zones intermédiaires très intéressantes comme le château jordanien Qusayr Amra— avec des mosaïques byzantines dans ses bains que l’on ne pourrait soupçonner, présumées de l’époque islamique— ou celui de Mshatta, également dans l’actuelle Jordanie; une authentique citadelle byzantine. Contre ceux qui prétendent foufssfs!wjwbouf!Cz{bodf, c’est en ces moments-là qu’elle commence réellement à surgir avec splendeur, de la main— entre autre— de son art. Quand l’Europe commence à se structurer vers les années 800 avec une floraison— non pas un resurgissement— carolingien, ou quand les Omeyyades d’Orient commencent leur marche historique, ce sera de la main de l’inspiration byzantine qu’ils s’exprimeront face au monde. Il suffit de comparer des édifices supposément éloignés des constructions de Ravenne— dans le nord-est de l’actuelle Italie— et la mosquée omeyyade de Damas pour percevoir la proximité de ces deux œuvres et la grâce inspiratrice du proto-byzantinisme, clé architectonique des époques. § 10. Compte tenu de cette naturalité dans le processus, la rupture, qu’un certain Omeyyade provoque face au déséquilibre diffus an- M֕mf!ev!kpvs!bwbou 316 térieur, commence à avoir un sens. Ce calife Abd al-Mãlik résolut quelque chose d’essentiel pour le futur de l’islãm: son administration ne pouvait pas dépendre de Serges et autre factotum natif. Les Arabes et les Sarrasins dans le sens que l’on a préalablement expliqué— arabo-parlant et l’homme du désert—, cet Omeyyade arrivé de Médine décida que le calife n’apprendrait pas le grec de Damas, mais que Damas apprendrait l’arabe du calife. C’est cette révolution d’Abd al-Mãlik, qui implique un second tour de vis, qui met en évidence le pouvoir qu’il avait déjà: c’est fini les années d’adaptabilité de ses prédécesseurs. Maintenant l’Islãm intrinsèque s’ouvre le pas. S’il va être dbmjgf: si cela implique commandement et caractère héréditaire, il devient insuffisant d’avoir une armée demandée parci par-là dans le couloir d’épuisement post-belliqueux ouvert entre Byzance et la Perse Sassanide. C’est maintenant un royaume structuré autour de sa propre dynastie et ayant besoin d’armes propres, d’un royaume: un ordre administratif et économique. Du efobsvt latin surgira le ejobs d’or. Du esbhnb grec le ejsibn d’argent, et du gpm.mjt, le gvmt— gvmvt au pluriel— de cuivre. § 11. La religion va réaliser la cohésion de son état, et elle s’appelle déjà islãm. Le premier temple autochtone se construira à Jérusalem, la Mosquée du Rocher, dont nous nous occupâmes déjà à cause des inscriptions arabes pour présenter les citations coraniques qui ne ressemblent pas au texte coranique en usage, étant la preuve qu’il s’agit encore d’une période de fixation. Ces inscriptions marquent l’empreinte d’un art iconoclaste et d’une période de transition: ni l’architecture civile omeyyade— forteresses de Qusayr Amra et Mshatta— ni la religieuse— mosquées de Jérusalem et Damas— ne reflètent encore le changement historique qui vient. La célèbre coupole dorée de la Mosquée du Rocher sera l’œuvre d’artisans locaux d’inspiration byzantine et même encore plus orientale, sassanide. De leur côté, les plans de tels temples sont calqués des basiliques,92 sans qu’avec telle affirmation nous cherchions à leur quitter du mérite; mais plutôt pour proclamer l’intérêt réel vers ces zones intermédiaires de périodes, géographie et religions. Cet État est embryonnaire lorsque meurt son mentor— Abd 92 Georges Marçais, Fm!bsuf!nvtvmnˆo, Madrid. Cátedra, 1991, págs. 29— 41. 317! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou al-Mãlik — qui eut lieu en 705. Son successeur, al-Walîd, gouvernera dix ans (705-715) pendant lesquels les mesures économiques et culturelles conçues dans la! swpmvujpo de son prédécesseur commenceront à donner leurs fruits. Effectivement, nous devons nous fixer sur les dates: l’Islãm comme État est en train de naître en même temps que le font— avec une naturalité critique propre à chaque État— al-Andalus et Ifrîqiyya— nom arabe donné au nord de l’Afrique—, auxquels il leur reste encore un siècle de luttes pour le pouvoir, l’arabisation et l’islamisation. Vu que les cavaleries miraculeuses ne réussissent pas ce que peut un siècle d’adaptation nécessaire. 3/25/!M֕mf!ev!kpvs!bwbou § 1. Effectivement, de cela nous étions en train de parler; l’Hispanie et le nord de l’Afrique n’étaient pas des terres en friche. Nous disions que le jour avant il y avait quelque chose. Qu’il n’y eut point de fléau de sauterelles en 711 comme il n’y aura pas non plus de normalisation historique en 1492, mais plutôt une normalité transitoire absolue. Nous parlions qu’il n’y a pas de coupures; dans l’histoire il n’y a pas de solutions de continuité. De telle manière que, en ce qui concerne al-Andalus fils de son temps, nous partons de la lecture de sa spécificité non pas de son coté exceptionnel. Il s’agit de l’Espagne islamique, une partie de l’Europe avec une greffe d’Orient— non exclusive, car Venise et la Sicile sont Europe, ainsi qu’une grande partie du versant balkanique. À nouveau: en ce qui concerne alAndalus il fleurira sur quelque chose et ce quelque chose deviendra fertile dans sa transformation finale. De cette manière, l’histoire d’al-Andalus a besoin d’une nouvelle lecture: la lecture assimilatrice. D’accord, toutes le sont: rendre espagnol l’andalusí de la part des thuriféraires africanistes— dans le passage du XIXème et XXème siècle— répondait aussi à une lecture assimilatrice. Mais il s’agissait de justifications pour pouvoir envahir une partie du Maroc. L’idée était intéressante: wpvt!efwf{!‘usf!eft! ošusft-!dbs!opvt!gŸnft!eft!wšusft. Mais c’est d’une complication freudienne seulement comparable à celle qui peut pousser un peuple à s’extirper une partie de son histoire pour raconter cet épisode comme celle d’un enlèvement extraterrestre. M֕mf!ev!kpvs!bwbou 318 § 2. Et il est déjà temps de scruter à partir du rivage les premières lumières, au cas où il y aurait des Maures; mais pour l’instant, il n’y en a pas. Toujours avec la sauvegarde de la bonne intention, que le critique confond souvent les tertres et les endroits où le chasseur dépose un appât pour les vautours, deux sites d’où l’on aperçoit clairement l’horizon, mais avec des objectifs non nécessairement équivalents. Et les premières lumières proviennent de ce que nous avons voulu raconter comme l’île du jour avant. Paraphraser de cette manière Umberto Eco93 est toujours un privilège, une valeur sûre de triple effet enrichissant: pour l’intérêt de la capacité narrative de l’auteur, pour la brèche ouverte dans ses avances sémiologiques— tout est communication, l’on doit savoir émettre et recevoir tout—, et pour ces clins d’œil au bricolage investigateur qu’apporta son célèbre manuel pour candidats au doctorat.94 Dans le domaine qui nous concerne— l’histoire d’al-Andalus, où l’on doit lire sbqqspdifnfou!ijtupsjpmphjrvf!‰!mÖFtqbhof!jtmb. njrvf ou, si l’on préfère, qmvt!eÖjous‘ut!pddjefoubvy!qpvs!mÖbt. tjnjmbujpo!dvmuvsfmmf!psjfoubmf-; le jeu homonymique— copie du titre, M֕mf!ev!kpvs!bwbou— répond à une adéquation conceptuelle ajustée: il était une fois une île, et tout ce qui se dit sur ce qu’il fût d’elle après une date concrète; l’on doit contraster tout cela avec tout ce qu’elle fût réellement alors et était avant cette date. L’île est Ekb{jsb!bm.Boebmvt!— littéralement M֕mf!eÖBumboujt!pv!Bumboujef —, et la date en question est l’an 711. Nous savons tout ce que l’on raconte sur ce qu’il est arrivé à cette date. Mais, comment était cette île le jour avant? D’après ce qui a été exposé, nous pourrions peutêtre avoir déjà une idée sur le monde que cachaient les brumes marines du Détroit à l’aube de cette année 711. § 3. Pour commencer, l’île n’était— n’est pas— telle, car c’est une péninsule. La péninsule Ibérique, associée dans l’imaginaire oriental à l’Atlantide à cause des échos de Platon, qui paraît-il faisait allusion à la mythique Atlantide la situant aux confins occidentaux de la Méditerranée. C’est-à-dire, de tout ce que l’on connaissait en latin à l’époque comme Hispanie. Le fait d’être péninsule et non île 93 Il s’agit, dans ce cas, du roman homonyme: Umberto Eco, Mb!jtmb!efm!e“b! ef!bouft. Madrid: Lummen, 2005. 94 Umberto Eco, D˜np!tf!ibdf!vob!Uftjt!Epdupsbm. Barcelona: Gedisa, 2001. 319! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou n’a pas d’importance. De toute façon, le mot arabe djazira signifie les deux choses île et péninsule. Bien qu’il soit vrai qu’en arabe contemporain il existe une tournure complémentaire shibh-djazira pour différencier une péninsule d’une île, mais ce n’est pas aussi strict pour celui qui parle. Tenant compte de ce qui précède, surtout quand m֕mf!paradigmatique de l’arabité— Djazira al-Arab— est— aussi une péninsule: la péninsule Arabique. Et sur les mythes, îles et arabité, l’on n’a pas à aller très loin pour reprendre la combinaison jusqu’à son inévitable chaos: un haut poste élu, à la fin du XXème siècle, exprimait dans un meeting à Algésiras, sa satisfaction pour le passé arabe de la ville— bm!Ekb{jsb, l’île. Le joyeux politique disait que la culture arabe tenait en telle estime le passé d’Algésiras, que l’on avait mis le nom de la ville à une célèbre chaîne de télévision— la chaîne Al-Jazeera, pour être plus précis. C’est-à-dire: que la prestigieuse chaîne arabe des informations s’appelle ainsi à cause d’Algésiras. Ne serait-ce pas plutôt al-Djazira pour la qojotvmf!Bsbcjrvf, d’où l’on émet la chaîne des informations? C’est pourquoi, si la réalité dépasse la fiction en pleine ère de l’information, en quelles circonstances pourrionsnous demander une transmission de données à propos de réalités d’il y a tant de siècles? § 4. Oui, la péninsule Ibérique était connue pour son mythe— celle de l’Atlantide/ al-Andalus —, malgré qu’elle le fût aussi pour sa participation laborieuse depuis des temps immémoriaux dans l’histoire méditerranéenne. Souvent nous nous surprenons emmêlés dans tout ce qui est mythique sans prêter attention à une réalité digne de foi. Comme barbotant désespérément dans la mer pour sauver notre vie quand, si nous nous arrêtions et observions, il y aurait un bon moment que nous aurions dû nous apercevoir que nous avions pied. Dans ce sens, partons de la démystification possible, à moins que le mythe soit plus clair dans son symbolisme que la propre explication pragmatique. Pour l’instant, nous nous fixerons sur le clin d’œil poétique de qu’en Orient l’on connaissait par Platon l’histoire de l’Atlantide et son effondrement, compte tenu que l’on associât telle histoire avec les terres au nord des colonnes d’Hercule— ou Melkart, comme nous le disions. Un peuple si hellénisé comme la future civilisation islamique voyageait à cet Ouest connu par le texte platonique dans son imaginaire: ils arrivèrent à l’At- M֕mf!ev!kpvs!bwbou 31: lantide mythique. Là-bas ils trouveront une terre si entrecroisée qu’alterneront les arcs outrepassés (en fer à cheval) wisigoths avec des éléments si byzantins comme l’iconostase de ses églises; l’autel avec des personnages peints représentant trois portes pour isoler le presbytère: un élément typique du christianisme oriental. Un territoire si orientalisé qu’encore aujourd’hui se conservent à Villajoyosa— Alicante— les bas-reliefs sassanides— perses— dans une villa romaine, donc de construction antérieure à l’islamisation. Compte tenu également que là-bas — c’est-à dire ici— l’on situait— comme confins occidentaux de notre mer— un autre paradis perdu de la mythologie grecque: Le Jardin des Hespérides. De Tqf. sje!à Tgbsbe- et de là à Séfarade. La tarée s’avère difficile si l’on veut tracer pragmatiquement les cartes réelles de tant de paradis dans lesquels se superposent d’une manière poétique l’Atlantide andalusíe, le Séfarade hébreux, les invasions des uns, les expulsions des autres, et les négations de certains au-delà. Mais ne tombons pas dans la brume par la brume: malgré les paradis qui nous assistent, l’Hispanie était non seulement connue, mais célèbre destin quotidien dans le trafic des idées, personnes et marchandises par notre mer depuis les époques grecques et phéniciennes, son glorieux crépuscule romain, et sa continuation critique barbare/ byzantine. Tels territoires seront nommés comme al-Andalus à cause du mythe d’un clin d’œil poétique, non pas par une grimace ignorante. JJJ/!BM.BOEBMVT!TÖBOOPODF 4/2/!Gvtjpo!qbs!dpogvtjpo § 1. L’abolition d’un mouvement par excès de répétition. C’est un bon recours musical; plutôt un effet: une séquence de notes concrètes configurent une forme fixe dans le temps. Émises pour la première fois, elles génèrent une nouveauté. Mais après l’ensemble des notes se répètent à satiété, chaque fois avec plus de rapidité, et termine produisant un effet d’absence; celui d’un bruit monocorde. La perception a été annulée de ce qui— en réalité— continue à être là. C’est comme nous habituer à un bruit d’ambiance, à une odeur, à une température extrême. Ou ce qu’appellent les Anglos-parlants un xijuf!opjtf — bruit blanc—: un bourdonnement permanent annule des bruits de fond occasionnels. Et nous en sommes là, dans beaucoup de thèmes d’histoire, dans un bourdonnement permanent. Et c’est cela que l’historiologie doit déconstruire pour que les différents sons se distinguent du bruit d’ambiance. Pour fixer sa provenance. De la même manière que cette séquence musicale, les affirmations catégoriques sur le dpnnfou et le pourquoi des choses fonctionnent pour la première émission et sa postérieure répétition. De la première interprétation au stéréotype fixé qui passe à être la couleur de fond. De la première émission à son excès de répétition et— à la fin— son abolition par pur ennui, par coutume. De même que nous nous habituons terriblement à la faim en Afrique, aux accidents de la route de chaque fin de semaine. La tragédie termine par se convertir en décor et l’on n’a pas l’habitude de contester l’histoire: elle est admise dans ses termes interprétés. L’an 711, invasion, islamisation magique, tous parlant arabe jusqu’à 1492 où tout change et il ne reste plus que l’Amérique. À nouveau, l’effet de 323! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou l’bcpmjujpo!eÖvo!npvwfnfou!qbs!fydt!ef squjujpo. Le bourdonnement de fond de l’histoire. § 2. Nous habitons notre histoire, déclarait Américo Castro. Bien sûr que non, nous occupons seulement des terres cultivables qu’une tradition requalifie systématiquement: d’entre sa naturalité sylvestre, bientôt surgissent des masses de béton idéologique. La lecture de ce qui fut et comment cela se produisit, se convertit toujours en idéologie qui avalise ce et comment nous prétendons à partir du présent l’utiliser pour des intérêts obscurs du futur. Nous ne retournerons pas à nouveau aux pages initiales dans lesquelles nous demandions l’ambulance historiologique. Mais s’appuyer sur l’historiologue par excellence, commentateur de nos excellences —Américo Castro— 95 a besoin d’une autre apostille ultérieure. MÖjhopsbodf — écrit Castro— ef!mÖbvuifoujrvf!qbtt!eft!Ftqb. hopmtÒ! qbs! tvcdpotdjfouf! nßbodf! ef! tÖbggspoufs! ‰! mvjÒ! ftu! ek‰-!qbs!mvj.n‘nf-!vo!hfsnf!qfswfst!rvj!spohf!efqvjt!eft!tj. dmft!mb!dpotdjfodf!ef!upvu!vo!qfvqmf/!Of!opvt!foepsnpot!qbt! fo! ejwbhbujpot! ‰! qspqpt! eÖjousb.ijtupjsft! dpogvtft-! fu! bggspo. upot-!tbot!eupvsofs!mf!sfhbse!fo!bssjsf-!df!rvj!b!u!wsbjnfou! wdv- s‘w-!tpvggfsu!fu!ds.96 § 3. Sans revenir beaucoup là-dessus, tout ce qui précède ressemble à la digression d’Ortega sur les idées et les croyances, mais l’on peut signaler quelques nuances différentielles. Ortega apporta que l’on a des idées, et par contre, l’on est croyant.97 Il ne s’agit pas seulement de croyances comme principes, dogmes. Il s’agit de fondements non questionnables: j’ai tendance à croire que, en sortant de la chambre, le couloir continue et ne se convertit pas d’un jour à l’autre en fossé de crocodiles. C’est pour cela que je sors de la chambre sans regarder. Ce «sans regarder», sans avoir à penser deux fois à chaque 95 Déjà à la moitié des années 1900, Castro pénétrait dans les eaux tourmentées de l’historiologie comme telle. Il s’agit de Fotbzp! ef! ijtupsjpmph“b/! Bobmph“bt! z! ejgfsfodjbt! fousf! ijtqbopt! z! nvtvmnboft. New York: Franz C. Feger. 1950. Son premier alinéa— “Idea de la estructura funcional de vida o wjwj. evsb”— pág. 6 y ss.— est en grande partie l’inspiration de nos pages. 96 Américo Castro, Mb!sfbmjebe!ijtu˜sjdb!ef!Ftqb—b/!México D.F., 1954; révision de son Ftqb—b!fo!tv!Ijtupsjb, éditée à Buenos Aires six ans avant. 97 José Ortega Y Gasset, Jefbt!z!dsffodjbt. Madrid: Alianza, 1989. Bm.Boebmvt!tÖboopodf 324 pas c’est la croyance dans laquelle je me trouve. Face à l’idée que j’ai occasionnellement. Oui; en histoire, l’équivalent à la dspzbodf vitale d’Ortega c’est la vérité admise. Seulement, de temps en temps, il convient de réviser les dspzbodft!ijtupsjrvft. Peut-être — face à l’exemple antérieur— avons-nous appris à sauter un fossé de crocodiles et il en ressort que, bien que l’on regarde, ou il n’existe pas, ou il y a longtemps qu’il n’existe plus, et à sa place il y a un couloir. De telle manière que nous continuons à sauter absurdement dans un couloir qui continue sans surprise. C’est pour cela que l’historiologie est si importante, peut-être encore plus que l’historiographie: cette seconde offre une documentation qui peut être truquée. La première— eufsnjofs! mb! tusvduvsf-! mft! mpjt! fu! mft! dpoejujpot! ef! mb!sbmju!ijtupsjrvfÒ offre l’avantage d’une révision continuelle d’après de nouveaux questionnements sur les époques. § 4. Il y a un film argentin de grand génie avec une idée motrice: fm! wjfoup!tf!mmfw˜!mp!rvfÊ(le vent emporta autant…). Après le jeu de mots évocateur et bouleversant du célèbre Bvubou!fo!fnqpsuf!mf! wfou-! le créateur de celui-là Alejandro Agresti— représente la vie chaotique d’un des derniers villages d’une Patagonie oubliée. Un village dont la vie sociale se réduit à aller au cinéma, où arrivent des films lorsqu’ils ont été vus dans tout le reste du monde. Films anciens, pellicules déchirées, montées avec des bobines superposées, disloquées. Arguments insolites, sans aucun sens, enchaînés d’une façon chaotique sur des scènes connues. Il s’agissait de prises initialement séquentielles, enchaînées logiquement mais qui, en ce cinéma du bout de la Patagonie, se structurent d’un mode absurde. Dyslexie narrative d’un peuple qui commence à agir dans ses manifestations sociales selon le modèle de sa seule fenêtre sur le monde— tel cinéma au-dessous de la réalité et surréaliste Fm!wjfoup!tf!mmfw˜!mp!rvfÊ traduit à la perfection ce que nous prétendons évoquer sur la eztmfyjf! obssbujwf de cette histoire que opvt!oÖibcjupot!qbt: nous avons enlevé la reliure aux évènements et nous les avons recousus dans n’importe quel sens. Nous avons désordonné les diapositives et maintenant la narration que— contre tout pronostique— nous apprenons, n’a pas de sens, comme un étrange modèle dyslexique pour nos cheminements futurs. Invasions, religion comme identité culturelle, l’absurde de uspjt! 325! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou dvmuvsft, la blague macabre d’une sfdporv‘uf, structures sociales basées sur des tribus de la péninsule Arabique, inflation berbère dès le début, greffes de familles supposément royales, présomption d’une histoire exclusivement militaire, avec un edbefoujtnf erroné à partir d’une seule bataille en 1212, ou la fin en 1492 d’une complète essence nationale et qui peut se transformer en nation… Le tout sans reliure. § 5. D’accord: l’histoire se recueille comme les générations antérieures devaient voir le monde. Et d’accord: il y eut une période— douloureusement récente— pendant laquelle l’Espagne dut alimenter, engraisser, gaver, une amnésie collective pour obtenir l’effet placebo d’une naturalité nationale monocorde, monolithique: monotellurique. Mais, doit-il en être toujours ainsi? Entrant dans le vif du sujet historiologique, ces structures, lois et conditions de la réalité historique appelée al-Andalus, l’on a coutume de se baser sur la prise en charge d’une croyance jamais questionnée: l’invasion. La coupure historique initiale, mère de la future— très lointaine— normalisation nationale— catholique. Nous nous demandons si, après tout ce que l’on connait aujourd’hui des époques antérieures à alAndalus, se fondit une nouvelle réalité en partant d’éléments déjà existants. Nous pouvons jouer avec les mots et les concepts pour proposer que telle fusion fût obuvsfmmf!pv!bsujßdjfmmf. Mais, quelle que soit la réponse, elle ne pourra nier l’existence du produit: al-Andalus. Que ce soit fusion par diffusion— dpsbojtbujpo comme complément à une évangélisation qui dédaigne le dogme trinitaire—, transfusion— l’islãm subrepticement inoculé à travers des voies ariennes et isujrvft si admises et connues par le peuple hispano-romain —, ou définitivement, gvtjpo! qbs! dpogvtjpo: assumer, sans un sens discriminatoire, que ce qui venait d’Orient et traversait le Détroit était similaire; combustible révolutionnaire unitaire soufflant les voiles de la nouvelle émigration méditerranéenne— l’effet ep. njop d’Orient— qui substitue celle qui avait déjà cessé— à partir du centre de l’Europe. § 6. Quoi qu’il en soit, disions-nous, il n’y a rien à la naissance d’alAndalus qui n’existât avant, et également dans le reste de la Méditerranée. Que marquera l’étrangeté andalusíe? Selon notre opinion, Bm.Boebmvt!tÖboopodf 326 la postérieure, lente et progressive extension de quelque chose que l’on peut qualifier de dpoubhjpo!dbspmjohjfoof. Mais nous y reviendrons. Pour l’instant, même si la raison des choses est difficile à définir, nous ne devons pas tomber en interprétations de désastres survenus, châtiments divins, ou invasions apocalyptiques surtout si la raison des choses se montre opaque. L’Hispanie était en train de changer, elle évoluait, s’agrandissant en maturité historique. Il s’agissait d’un monde hétérogène et hétérodoxe, qui contraste avec la lecture homogénéisante et une certaine continuité de la longue période wisigothe à celle que nous étions accoutumés— comme bruit d’ambiance. Mb!rvftujpo!ftu;!mf!oÐve!qojotvmbjsf!dibohfb. L’on regarda le monde d’une autre façon. Nous disions avant que les Wisigoths avaient centralisé l’État avec la capitale à Tolède. Telle désignation dérangeait l’organisation sociale de l’Hispanie pour le fait certain que dans une époque préalable— l’Hispanie strictement romaine—, Cordoue était la capitale ecclésiastique et d’une certaine manière— centralisatrice à l’époque hispano-chrétienne. Quant à la période hispano-arabe, al-Andalus retournerait d’une certaine manière à l’organisation préalable avec la capitale à Cordoue pour la Bétique et telle structure se maintiendrait pendant une grande partie de l’époque islamo-arabe. § 7. Ceci est un détail intéressant, enchaîné à ce changement dans le regard du monde à partir de l’Hispanie vers al-Andalus. Lorsque l’on contemple avec un mouvement circulaire la carte de la péninsule Ibérique, il en ressort qu’al-Andalus s’étendit d’une façon fluctuante— mais avec une certaine permanence— dans la ligne du fleuve Tage— quelques fois le fleuve Douro— jusqu’à Barcelone. Cela incline la carte: si nous convertissons la ligne du Tage à Barcelone en ligne horizontale, nous devons tourner la carte, la pencher quelques degrés vers l’est. D’une certaine manière, ce virement situe la qbsujf!ev!efttpvt non pas à Cadix, mais le côté qui irait du Cabo de Gata vers Alicante. La façon de regarder les cartes est une indication de l’endroit qu’occupent— ou nous voulons qu’occupent— les terres contemplées dans un contexte géographique majeur— le planisphère connu. Quand se produisit la révolution de Zapata, les Mexicains se demandèrent pourquoi le territoire de ces hsjohpt (fam. Habitant des États-Unis) 327! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou devait apparaître au-dessus du Mexique, et jmt!sfupvsosfou la carte. Dans la carte du Mexico révolutionnaire, tout ce qui en bas du Río Colorado est le territoire de ces hsjohpt- supposément au nord. De façon similaire— peut-être avec moins d’idéologie préalable—, les Wisigoths sfhbsebjfou probablement l’Hispanie à partir des Pyrénées. Vue ainsi, le point central est Tolède— la capitale. § 8. D’autre part, en marge de toute la diatribe que provoquent les conquêtes, expansions ou invasions, il paraît cohérent que, si les géographes arabes— à ce moment, oui— dessinent une carte d’alAndalus, les terres se regardent à partir de l’Orient. De cette manière, la configuration hydrographique particulière hispano-andalusíe situe plus commodément la frontière avec les royaumes chrétiens vers le Douro— dans les bonnes périodes guerrières pour l’Islãm— ou vers le Tage— les mauvaises. Mais, dans n’importe quel cas, situe la ligne de flottation cartographique en penchant la péninsule. Entre cela, et cette façon non moins particulière qu’ont les géographes ef!sfhbsefs!‰!qbsujs!ef!Mb!Nfdrvf, situant le nœud au sud-est, nous arrivons au même point: le sud andalusí est Alicante ou— tout au plus— cette ample ligne côtière qui justifiera la prospérité andalusíe d’un port de l’actuelle province de Almería: Pechina. La perception est autre chose— à mesure que le temps passe— l’on observe un trafic plus intense d’idées et de personnes par le Détroit que d’Alger à Alicante— ou le port de Pechina. Mais ce sera d’autres périodes plus nord-africaines. Pour le moment, par naturalité géographique, l’ubcmjttfnfou!‰!Bmjdbouf paraît plus probable dans l’imaginaire collectif andalusí que l’ubcmjttfnfou!‰!Dbejy/ La question est: cela provient-il de que les débarquements envahisseurs se produisirent selon la théorie de Vallvé? Cet auteur affirme que l’jowbtjpo!jtmbnjrvf se perpétra par Alicante.98 La toponymie que suit Vallvé répondrait-t-elle — au contraire— que dans la zone d’Alicante, les géographes qui regardaient déjà la carte à partir du sud-est situèrent le ecbsrvfnfou!nzuijrvf? Telle perception ne répondrait-elle pas plutôt à ce que, à l’époque andalusíe, avaient l’habitude de débarquer à Pechina et ses alentours, la plus grande partie des navires venant de l’Orient? Si les chroniques doivent in98 Joaquín Vallvé, Mb!ejwjtj˜o!ufssjupsjbm!ef!mb!Ftqb—b!nvtvmnbob. Madrid: CSIC, 1986. Bm.Boebmvt!tÖboopodf 328 venter des itinéraires mythiques, elles utiliseront une toponymie connue. § 9. Quoi qu’il en soit, et croyant ce que dit Vallvé, il est inusuel et louable regarder les terres connues avec un nouveau regard. En cela consistent les véritables découvertes, et non en la déjà —chaque fois— moins probable opportunité de regarder des terres nouvelles. Entre une carte dont la partie inférieure, en la regardant de l’Orient, est Cartagène— Cartago nova— depuis les immémoriales époques carthaginoises; entre que— disent les chroniques— l’on débarquait à Cartaya, et ajoutant que celle-ci serait une des rares zones stables pendant un siècle, du à un certain traité associé au nom d’un comte qui signa— Théodemir—, l’on pourrait voir comme plus probable le fait que ce qui était sarrasin regardât ce qui était hispano de Cartagène. Une autre chose est— nous insistons— que le Détroit fût un va-et-vient permanent vers et à partir de l’Afrique du nord. Mais nous parlions de ce qui est arabe. De l’Orient. La faim, les guerres civiles et les processus migratoires. Ces trois éléments modèlent le vilebrequin qui fit fonctionner la première expansion de l’islãm en Hispanie— cela ne ressemble-t-il pas à une obuvsbmju!qbwmpwjfoof!ijtqbof? Le reste est propre de mécanismes naturels: de même que l’eau cherche le chemin le plus facile, tout avance par le savant chemin de mÖfttbj!fu!mÖfssfvs. Si je ne peux pas de face, de côté. Et si je ne peux pas aujourd’hui, j’essaie demain. Ces pages n’ont pas l’intention de réaliser une chronique apocryphe, mais le fait est qu’il y a des vérités admises qui ne résistent pas à une analyse rationnelle. Et en matière andalusíe— comme dans tant d’autres terrains de l’histoire— la confrontation des sources devrait être systématiquement contrastée avec la confrontation des dates. De là que, à cette époque, nous arrivions à mésestimer le point de vue strictement philologique de tout ce qui nous occupe. Le traducteur-commentateur admet et adjudique avec le nez trop près du texte, sans se préoccuper du contexte. § 10. Si nous avons réfuté la légende d’un islãm homogène, imparable, monolithique, ordonné et si miraculeux dans son expansion comme inexplicable dans son recul, le soin avec lequel nous nous donnions beaucoup de peine pour le discerner, répondait exactement au problème de la confrontation des dates: l’arabisation du 329! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou présumé Empire Islamique commença à la date où l’on suppose qu’il y eut invasion de l’Hispanie. Vers l’an 710. Entre ceci, et que l’islãm comme religion et système juridique était en germe, nous devons en déduire que l’entrée de possibles contingents militaires en 711, achevant l’éphémère règne de Rodrigue— dernier roi wisigoth— ne répondait pas à des ordres en arabe et des consignes islamiques. Il est difficile de situer exactement le moment où ces donatistes et djsdvodfmmjpoj bss‘usfou! ef! dsjfs! mbvt! efpÒ! hmpjsf! ‰! EjfvÒ!fu!dpnnfodsfou!‰!mf!ejsf!fo!bsbcfÒ! Bmmbi!blcbs, par exemple. Ce qui paraît facile, par contre, c’est de penser qu’il s’agit d’une même énergie, et que le saut d’un à autre cri de guerre, aura moins à voir avec une incertitude théologique qu’avec les cents ans de rébellion. Un siècle de faim et de sang que même les plus auliques chroniques islamiques reconnaissent en Hispanie et dans le nord de l’Afrique. § 11. D’autre part, en arrondissant, ces dates sont aussi indicatrices du subtil passage du temps, étranger aux bêtises de supposés empires imparables: si Byzance devint islamique— mais jamais arabe— en 1453, peu avant de que l’ultime al-Andalus cessa d’exister— 1492-; si cette Byzance, alors appelée Istanbul, pivoterait vers la plus homogène réalisation politique et impériale d’un système avec l’islãm comme religion— le futur Empire Turc—, ceci implique plusieurs choses: que ce qui était arabe déclina à mesure que ce qui était turc avançait après l’invasion déjà citée; qu’al-Andalus ne fit pas partie de l’empire qui eut le plus de cohésion: l’Empire Islamique— le turc; ennemi, de fait, à ce qui était post-andalusí-; et que— surtout— nous devons apprendre à faire des histoires partielles qui soient complémentaires, non pas une histoire avec un chausse-pied qui invente une unité temporelle islamique. Nous voyons déjà son hétérogénéité patente. Dans ce même ordre de choses, si Bagdad capitale impériale des Abbãssides— qui n’ont déjà plu rien à voir avec al-Andalus—, tomba aux mains de barbares— les appelleraient-ils Cfscsft?— en 1258, peu après que Séville— 1248— passe à être castillane— pas chrétienne, pas si vite—, il paraît probable que l’qprvf!jtmbnjrvf est beaucoup plus changeante que ce que nous avons gravé dans le stéréotype; la chaotique et erronée perception de que , depuis la mort de Mahomet-632— jusqu’à l’abolition du dernier califat isla- Bm.Boebmvt!tÖboopodf 32: mique-1924—, tout fut ‰!qfv qst!qbsfjm. Non: jusqu’à 750, l’islãm omeyyade n’offre qu’un faible enduit tbssbtjo: l’arabo-islamique primitif chemine dans son évolution naturelle vers le byzantin, le monde qu’il hérite. § 12. Après, ce qui est des Abbãssides sera responsable de rendre oriental— par les Sassanides, avec balancement vers ce qui est chiite—, vu que l’universelle Bagdad, selon Borges ville ronde que l’on ne peut répéter, sera une capitale qui insuffle dans la Méditerranée les vents indo-iraniens, très occupés historiquement. C’est l’étape de majeure étrangeté islamique: la prétention de que le monde des Njmmf! fu! Vof! ovjut— tradition indo-iranienne, jamais arabo-bédouine ou sarrasine— est une continuation naturelle de ce qui appartient aux Omeyyades, se présente comme un saut dans le vide sans filet. Prétendre que ce qui est abbãsside est similaire à ce qui est omeyyade, ou à ce qui est mongol similaire à ce qui est abbãsside; ou ce qui est turc et tout ce qui précède, simplement parce que tous étaient musulmans, c’est tomber dans l’erreur scientifique— déjà traitée— des jefoujut!sfmjhjfvtft. La même erreur qui contemple le wisigoth comme plus ou moins la même chose que le romain. Ou carolingien comme le sfupvs. Ou ce qui est castillan comme mb! sfdporv‘uf. § 13. Quel que soit le cas, nous pouvons déjà limiter le cadre des comparaisons. Nions donc, l’invasion au sens stricte, de même que la conquête telle que nous interprétons une conquête: un État en envahit un autre et consolide là ses modes sociaux après avoir essayé avec succès ses méthodes coercitives. Cela ne se passa pas de cette manière. Ne croyons pas non plus de science certaine à l’expansion hypertrophiée d’un islãm éblouissant les géographies: quant à al-Andalus depuis le début celui-ci servit à projeter l’islãm. Tout naissait et se développait en même temps comme produit si intéressant qu’était orientaliser le monde des idées méditerranéennes qui arrivaient en Europe— Hispanie. Cela avait commencé par le christianisme, et conclura avec l’islãm civilisateur. Si ce n’était parce que l’Hispanie était déjà sur toutes les cartes d’Orient— depuis les Phéniciens—, nous pourrions presque parler d’un bm.Boebmvt! dpnnf! edpvwfsuf! ef! mb! sfttfncmbodf! ef! 331! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou mÖIjtqbojf!ef!mb!qbsu!ev!opse!ef!mÖBgsjrvf!fu!eÖPsjfou/!Étant Taric—!Tãriq—!un précurseur entre autres, et— bien sûr— comptant dans le processus avec les trois personnages inéludables dans toute saga de l’Ouest, cavalerie, prédicateur et commerçant, mais pas nécessairement dans cet ordre. 4/3/!Mft!qsjqisjft! § 1. Les Vandales— parmi tant d’autres— se dédièrent à démembrer l’Empire Romain occidental, réinterprétant à leur rythme le clientélisme colonial. Il s’agissait d’un sous-traitant indocile, allant et venant sur le pied de guerre pour Rome ou contre elle, jusqu’à prendre conscience de son propre pouvoir. En 429, ce Vandale appelé Genséric— un arien de plus— était fermement établi en Hispanie et traversa la Méditerranée jusqu’en Afrique avec cinquante milles hommes— ainsi exagèrent les chroniques— s’établissant à Carthage et de là arrivant même à conquérir Rome en 455. Les nouvelles méthodes coercitives, obligées au nom de Rome— obligées pour Rome—, s’établissaient dans un zone très ample allant de l’actuel Tanger au lac de Tunisie. Il est, donc, cohérent de penser qu’avec les deux caps du Détroit de Gibraltar dans les mêmes mains, les mouvements migratoires se produisirent d’une manière relativement pacifique. Le fait est aussi que, si l’armée traverse vers le Sud avec une certaine facilité, elle peut le faire vers le Nord. Comme lecture négative de ce qui précède, il est prouvé qu’organiser la traversée du Détroit par une armée équipée— chevaux et armes— en l’an 711, présente une énorme difficulté, cela vaut également pour l’an 429, avec plus de raisons. La question n’est pas de nier des présences, mais de nier des exagérations: que Genséric apparaisse en Tunisie n’implique pas qu’il y est des milliers d’hommes à ses côtés dans tout le trajet d’aller. Les systèmes de formation d’armées à l’époque paraissent être moins par qbusjpujtnf et beaucoup plus ep!vu!eft— échanges de services— avec la promesse de butins entre les populations natives. Ne serait-ce pas pareil vers l’an 711? § 2. Pendant l’agonie du pouvoir byzantin en Occident, le dernier général romain, le comte Bélisaire (494-565), grand stratège et bras armé de l’empereur Justinien (483-565) recomposa comme il put le Bm.Boebmvt!tÖboopodf 332 titulariat latin sur ces zones barbares— d’un jour à l’autre appelées berbères-; récupérant le nord de l’Afrique, le Levant hispano, Sicile et même de grandes zones de la péninsule italienne. Bélisaire donne comme exemple dans son grave labeur historique, la façon avec laquelle les époques, imperceptiblement, projettent des coupures transcendantales, des charnières essentielles: le comte Bélisaire éteint les feux de Rome pour contempler impuissant, comment ils se ravivent après son passage. La Rome d’Occident n’existe pas, et la Rome Orientale ne peut soutenir ses propres frontières. Cette Rome Orientale, Byzance, se repliera vers son Orient naturel par la force des circonstances, de même que la constante pression migratoire du nord européen; peuples qui occupent sans cesse tout ce que Rome ne peut déjà plus défendre. Il est important, pour cette lecture des coupures transcendantales de l’histoire, de souligner comment la mort de Justinien et Bélisaire— 565— s’insère à la même époque qui verra naître dans le cœur du désert arabe le prophète Mahomet. Le temps de la relève est au point d’être annoncée, s’érigeant sur le temps antérieur: charnières de l’histoire; non pas guillotines. § 3. De toute façon, il y a plusieurs constantes, signalées précédemment de manière générique, qui ont un sens spécifique dans la période que nous étudions. Il s’agit, comme nous l’annoncions, de l’illustre trilogie: la force imparable des poussées migratoires, la façon dont l’histoire présente ses propres relèves, et la naturalité critique des processus. Il y a quelque chose dans la lecture de l’histoire dont le développement rappelle en grande mesure des processus vitaux et biologiques similaires: en certaines occasions, il paraît impossible que les choses puissent aller encore pire que ce qu’elles allaient, mais les circonstances arrivent à tout aggraver. Cela dit, de la même façon que ce qui précède est certain, il n’en est pas moins vrai que, tout-à-coup, tout a tendance à s’emboîter. Quand nous montrions avant la manière avec laquelle l’histoire blottie attendait son moment— la décadence byzantine, révolution sociale en suspens, situation dogmatique méditerranéenne relevable par l’islãm; futurs royaumes islamiques— nous tombons donc dans la lecture de l’Histoire avec majuscule, la même que nous critiquions au début. Ne se passe-t-il vraiment rien de la mort de Bélisaire et Justinien— 565— jusqu’à la prétendue invasion islami- 333! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou que— en 711? Parce qu’il s’agit de cent quarante six ans; de quatre ou cinq générations. Dans ces longues coupures c’est là que l’historien doit faire ses dégustations. Parce que ce sont, précisément les zones frontières, qui montrent l’histoire à travers le trou de la serrure. Quand les chroniqueurs officiels ne savent pas qu’ils sont observés. § 4. Ces cent quarante six ans d’apparente opacité sont la clé du progressif éloignement vers la périphérie du romain. La différentiation des zones, la stratification d’une apparente homogénéité chrétienne basée sur des dogmes militaires. La Byzance nord-africaine récupérée qui commence une renaissance culturelle intéressante, liée à celle de la péninsule Ibérique dans déterminés aspects religieux et intellectuels. Par exemple, le dilemme déjà traité et permanent du christianisme romain— trinitaire— face à l’arianisme comme terme simplificateur d’un grand nombre de sectes hérétiques pour le pouvoir central; un pouvoir qui n’existe déjà plus. Byzance, la théocratie que nous pûmes connaître à un moment donné, avait établi au moins quatre évêchés au nord de l’Afrique: deux en Algérie et deux au Maroc— actuels Tanger et Alcaçar-Quivir. Un des évêques, algérien originaire de Numidie ayant siège à Hippone— postérieurement appelée Bona, et actuellement Annaba— avait été Augustin, la saint Augustin de la Dju!ef!Ejfv!fu!Dpogft. tjpot. Celui de la lutte théologique contre les donatistes, priscillianistes et autres unitaires antitrinitaires. Mort en 430, la continuité du débat théologique-social se submerge dans ces années opaques préalables à l’islamisation de la contestation sociale. Nous percevons déjà la lumière de Jean Damascène à l’autre bout de ce tunnel d’un siècle et demi: la manière avec laquelle une certaine pression sarrasine— hommes du désert— avançait vers le nord— Jérusalem, Damas…— en ce temps là, vers la fin des années 600. § 5. Il paraît vérifiable historiquement que déjà vers 717 échouerait le pouvoir croissant des périphéries sarrasines— proto-islamiques — et orientales, dans sa populaire offensive contre Byzance. Cette obsession byzantine dégage beaucoup de nébuleuses de la narration coranique et de la transformation de l’anti-byzantinisme — unitaires contre trinitaires, peuple contre les dogmes— en claire révolution islamique. Il n’est pas cohérent d’inclure une sourate Bm.Boebmvt!tÖboopodf 334 complète appelée Mft!Cz{boujot dans le Livre Révélé qui s’occupait seulement des inquiétudes et de la vie quotidienne des peuples du désert arabe. Ce Livre répond, réagit, agit historiquement. Sa fixation définitive en pleine expansion contre le centralisme caduque de Byzance est la raison de la sourate citée. L’inclusion de la sourate des Byzantins— les Romains— est la preuve que l’islãm regarde Byzance, Rome, qu’il substituera dans son époque arabe sans jamais arriver à prendre la capitale— ce sera l’islãm turc qui le fera. Quelque soit ce qui pût se passer, avant ce moment, dans le nord de l’Afrique et en Hispanie, maintenant tout allait s’accélérer, s’intensifier, par le même qsjodjqf!eÖBsdijnef appliquée à la démographie. C’est la même physique qui établirait une chaîne de pression vers l’Occident nord-africain. Mft!qsfttjpot!njhsbupjsft! ev!dfousf!ef!mÖFvspqf!pou!dftt-!fu!dpnnfodfou!mft!psjfo. ubmft/ § 6. L’on admet que Byzance— non le christianisme, mais le trinitarisme officiel— était l’ennemi du croissant et déjà reconnaissable Islãm, la bride unitaire, ferait-on pression vers le nord de l’Afrique comme poussée compensatrice à se voir temporairement refoulés du nord oriental byzantin? Ce qui reprendrait le dessus ne serait-ce au contraire la théorie de l’intérêt croissant de l’Islãm pour l’Occident avec l’intention lointaine de contourner la Méditerranée et surprendre Byzance dans son arrière-garde européenne? Cette raison supposerait la conquête de l’Hispanie— création d’al-Andalus— envisagée par Damas dans une énorme mesure de stratégie militaire à long terme. Cela supposerait l’existence d’un état suffisamment mûr pour réaliser déjà la gestion d’une machiavélique raison d’état. Et cela ne paraît pas être le cas. La cause peut être— plutôt— une succession d’action-réaction et une somme de tout cela. Mais il paraît vérifiable, pour les réactions adverses à l’avance sarrasine dans le nord de l’Afrique, que la subtile contagion sociale du proto-islamique cède le pas au règne des Omeyyades de plus en plus configuré. Ceux-ci ayant appris des Byzantins et des Sassanides, auraient commencé à générer une chaîne de peuples clients, d’où viendra la version personnelle des nbxmb; une sorte de qspuh euphémique, plus dans le sens futur de Qsp. ufdupsbu!que dans le sens de défenseur, proprement dit. 335! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou § 7. L’Islãm militaire paraît se frayer un chemin: face aux difficiles péripéties nord-africaines, il faudra créer des places fortes à partir desquelles l’on pourra se déplier et où l’on pourra se retrancher, si besoin est. Menaçant sur la difficile Alexandrie— malgré ce que l’on raconte—, un emplacement militaire sera créé à Fustãt— aujourd’hui Le Caire. Et réalisant le même rôle face à Carthage— Tunis— sera crée Kairouan. Une seconde ligne est en train de s’ouvrir dans le nord de l’Afrique afin d’éviter, pour le moment, la difficile côte méditerranéenne, un rosaire de vieilles villes comme la propre mer qui les baigne. La seconde ligne serait configurée par une chaîne de villes comme Fustãt, Kairouan et la future Fez— au Maroc. Tout cela prouverait la difficulté de prendre la côte méditerranéenne, de même que la naturalité désertique de ces nouveaux Sarrasins. Effectivement, la logique historique associe la future prospérité de l’Islãm à des routes caravanières dans cette seconde ligne méditerranéenne jusqu’à— au moins— l’année 1498, pendant laquelle les Portugais contournent l’Afrique et minent le monopole caravanier. La sanglante réalité de ce que dût être la progressive transformation du nord de l’Afrique pour devenir sarrasine, contraste avec le mythe associé à des personnages miraculeux et de difficile assignation islamique. Cet Uqba conquérant de Tunis, celui qui professe la vie austère— Mûsã ibn Nusayr— dont la bibliographie coïncide trop avec la vie des saints locaux…Non; l’histoire est bien plus opsnbmf, populaire. Beaucoup plus cohérente avec la nature humaine. § 8. Dans cette militarisation progressive et reconversion officielle des inquiétudes sociales anti-byzantines; dans cette configuration de l’Islãm déjà comme royaume arabe autour de Damas— et non plus une simple bride unitariste—, le point de non-retour est l’établissement graduel de ceux-là — nouveaux— Sarrasins dans le nord de l’Afrique. Un établissement d’évolution indépendante de ce qui se passera en Orient; processus celui-ci également proto-islamique mais politiquement différenciable. L’adéquation d’un ensemble d’identités politiques associées à cette nouvelle façon de sentir la religion périphérique— l’islãm— peut être surprenante, mais pas plus-sûrement— que la christianisation préalable de Rome; pour être clair, la première partie d’un processus qui continuera. De l’inquiétude sociale à la foi comme ultime refuge, jusqu’à ce qu’un processus va à sa rencontre: la découverte, de la part du pou- Bm.Boebmvt!tÖboopodf 336 voir occasionnel coercitif, de la valeur de la religion comme bhhmv. ujobou!tpdjbm, ce que le penseur Ibn Khaldûn appellera btbcjzb: le système neuronal d’un peuple. Comme toujours l’homme qui jeûne dans le désert et écoute la voix de Dieu, soupçonne assez peu que de tels mots— émis toujours pour des raisons sociales— termineront à la longue, décorant la poignée des épées. Quoi qu’il en soit, de 710 à 756 il paraît vérifiable qu’il y eût une permanente montée migratoire en Hispanie face à la non moins permanent effervescence nord-africaine. § 9. Stratégiquement, la découverte de l’Hispanie est un trésor inespéré: riche, sans protection et convulsé, les chroniques lancent d’occasionnelles lumières sur comment dut être la pénible conquête nord-africaine et le refuge andalusí postérieur: quand en 740 une armée syrienne se retrouve isolée et menacée dans une lutte inégale pour le pouvoir nord-africain, son saut en Hispanie marquera la contagion du modèle nord-africain de forteresses et de réserves dans un environnement hostile. Il s’agit des Yundíes; troupes mercenaires dont le commandement se consolide en Hispanie/ al-Andalus et est assumé par un Syrien appelé Balch. Mais ne devançons pas ni détruisons. MÖbo! 822! oÖftu! qbt! vo! nfotpohf;!dÖftu!vo!tzncpmf/!DÖftu!dpnnf!mf! npovnfou!bv! tpmebu!jodpoov. Ceci explique ce qu’il se passât, mais sans s’arrêter trop sur la difficulté d’un processus de conversion à partir d’inquiétudes sociales contre le pouvoir politique— Wisigoths— et religieux— Église romaine. Sans doute, les chroniqueurs récupérèrent les noms qu’ils purent— Taric/Tãriq, Mûsa, Uqba—, et les situèrent par ordre dans une histoire que l’on pouvait déjà écrire à partir de l’Islãm comme État. L’on peut appeler général le mercenaire, l’opportuniste, converti fervent, et un siècle de guerres civiles peut se résumer en trois ans de conquête. § 10. Dans ce temps-là vers les années 700, commencerait une imparable transformation de la péninsule Ibérique favorisée par une série de faits propitiatoires: – La poussée de l’Islãm comme règne des Omeyyades, qui déjà avec la capitale à Damas avançait comme une plante grimpante vers le Couchant et le Levant. 337! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou – La débilité institutionnelle de l’Hispanie wisigothe, avec une monarchie héréditaire de succession polémique. – La bienvenue à n’importe quel changement de la part de certains secteurs hispanos, contraires à la situation politique après 710, date de l’intronisation du roi polémique Rodrigue. – Le désajustement sectaire en période d’identité religieuse possible, avec un christianisme fort, hétérodoxe, populaire face à un arianisme enraciné dans les élites politiques et une Église dogmatique avec un pouvoir politique. – Le démembrement stratégique réel de la péninsule Ibérique, où les plus stables étaient les zones des Wisigoths et ceux-ci contrôlaient approximativement un soixante dix pour cent de la péninsule. – Et —finalement—, le hasard. § 11. Il ne s’agit pas— au sujet de ce qui précède sur le hasard—, d’apostiller avec un clin d’œil providentialiste. Le cumul de circonstances fut propitiatoire, mais un fait casuel mit le feu aux poudres. Effectivement, la recherche de fortune d’un groupe d’hommes en cohésion derrière l’empreinte charismatique d’un prophète; un groupe légèrement islamisé, sans aucun sens de l’État au-delà de ce qui est coercitif, dut motiver l’aventure initiale du bond de l’Islãm depuis l’Arabie. De la même manière que se produirait un autre saut mythique: celui du Détroit. Du mont Hacho au Calpé, de Ceuta à Gibraltar, pour le situer aujourd’hui géographiquement. Telle aventure fut— sans doute— commencée par un groupe de Nord-africains sans consulter avec le haut commandement qui n’était même pas établi comme tel. Damas— nous le voyions— commençait un processus de transformation interne, difficilement compatible avec une telle présumable projection extérieure consciente. En conclusion: la présumée invasion de l’Hispanie ne fut pas planifiée initialement par Damas. L’arrivée à la lune ne l’était pas non plus. Cette mythologie de routes secrètes révélées par des traîtres, n’est pas possible dans un territoire qui— selon ce que nous voyions— portait toute son histoire reconnaissable en contact direct avec tout ce qui venait d’Orient. Cela dit: ce qui est casuel, sûrement, le fondement des choses. Le futur empire islamique sera ce qu’il devra être, et les tfjhofvs!ef!mb! hvfssf — opportunistes locaux, sfdsvut et npout!fo!hsbef dans Bm.Boebmvt!tÖboopodf 338 les chroniques postérieures— avanceraient par où leur permettraient les circonstances et là où les terres leur offriraient quelque chose. Le procédé d’essais et d’erreur, le mode d’avance cherchant les défilés entre les montagnes, est la tendance générale dans ces processus. En ce sens, le hasard a beau impulser le début d’une invasion non planifiée préalablement, sans doute la dpowfstjpo! eÖbm.Boebmvt ne commença pas d’une manière différente à celle de n’importe quelle autre. Et sans doute, ces changements ne furent pas sentis par la population préalable d’une façon différente à celle de n’importe quelle autre. § 12. En été de 710, Rodrigue succéda à Wittiza sur le trône wisigoth de Tolède, capitale de l’Hispanie. Les fils de Wittiza, évidemment contrariés par telle succession, se convertiront en une corporation contraire au trône tolédan. Ce groupe anticonstitutionnel s’ajoutait aux problèmes du roi des Wisigoths dans un État qui ne correspondait pas avec le territoire de l’actuelle Espagne et beaucoup moins avec le péninsulaire: les Suèves en Galice n’étaient pas soumis à Tolède, les Vascons au nord représentaient un territoire irrédentiste, et les impériaux byzantins étaient établis de la côte de Malaga jusqu’au Levant péninsulaire. Byzance— c’est-à-dire, Rome Orientale— non seulement maintenait cette frange dans la Méditerranée de l’est: mais aussi Ceuta— Septem— avait été prise par les Byzantins en 534 et ne sera plus restituée. Elle se présentait comme dépendante de Constantinople, malgré que le bastion byzantin de Carthage ait été en marche de transformation, avec l’épicentre du change établi au sud, à Kairouan. Le reste, est une histoire truffée de mensonges. Mais une histoire orientée, car sa définition provient d’Orient. Cela ressemble à ce que nous annoncions au début du livre que— suivant ce que l’on dit à Tarifa—, jdj-!jm!qmfvu!tfvmfnfou rvboe!mf! wfou!wjfou!ev!tve.ftu. Le sol se fertilise par tout ce qui vient systématiquement du sud-est. L’amalgame de la Renaissance aura beau aimanter les boussoles et les choses changent de sens— mais pas de direction—, la question de suivre l’Orient n’était pas exclusive à l’Hispanie. L’on oublie avec facilité que la Méditerranée se remplissait— en de nombreux sens— depuis l’Orient. Que la friction entre les deux mondes méditerranéens— comme nous le voyions— provenait de l’écrasante supériorité culturelle de ce qui était latin en 339! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Orient face à l’Occident. En ce sens l’on doit lire le symbole de l’an 711: nouvelle tendance vers l’Orient. Henri Pirenne dira: mÖjoàvfodf! eft!Tzsjfot!bvhnfouf!dpotjesbcmfnfou-!n‘nf-!‰!Spnf-!pž!jmt! bssjwfou!fo!hsboe!opncsf<!qmvtjfvst!qbqft!tfspou!tzsjfot/ Évidemment, l’Occident s’orientalisait. Ì!qbsujs!ev!npnfou!pž!mb!N. ejufssbof!dpoujovbju!‰!‘usf!mf!nbkfvs!wijdvmf!fousf!Psjfou!fu! PddjefouÒ!fu!fo!wsju!jm dpoujovbju!‰!m֑usfÒ-!mb!qsqpoesbodf! ev!qsfnjfs!tvs!mf!tfdpoe!ubju!jowjubcmf/!\Ê^!HsŠdf!‰!mb!nfs! wjwbju!ubou!fo!Pddjefou!dpnnf!fo!Psjfou!upvuf!mb!djwjmjtbujpo!ef! m֏qprvf/99!Dans ce contexte il faudra lire la nouvelle imprégnation orientale qui commençait en Hispanie. 4/4/!Mf!tbvu!‰!mÖIjtqbojf § 1. Quelle que fût la cause initiale de la pression démographique, il paraît évident que celle-ci se produisit. Quelque chose— le futur islãm avec son centre à Damas— commença à s’étendre vers Alexandrie, bougeant la file des fiches de domino mises debout: le nord de l’Afrique souffrit dans les années 600 et 700 de graves convulsions sociales provoquées— sans doute— par la décantation de tant de forces en pleine cohésion et déliées déjà de Rome— Byzance-; convulsions animées par la proclamation exaltée d’un monothéisme à outrance— unitaire— comme bannière de plusieurs choses à la fois: lutte de classes, irrédentisme au pouvoir établi, autochtonies, centres de pouvoir rendus périphériques, et cetera. La nbsdif! sur le futur Nbhisfc — Occident nord-africain arabe— reste liée dans l’historiographie arabe plus ou moins à la figure charismatique de miraculeux généraux. Nous reviendrons sur la conquête d’Alexandrie, Tunisie!et le reste, bien nous devions nous souvenir du mode selon lequel s’établissait une tfdpoef!mjhof dans le désert: de Fustãt— Le Caire futur— jusqu’à Kairouan— cœur de la future Ifrîqiyya, Tunisie/!Dans la mythologie des chroniques islamiques, l’avance vers l’Occident commença grâce à un stratège d’une activité démontrée dans la période coranique.100 Effectivement, 99 Henri Pirenne, Nbipnb!z!Dbsmpnbhop, Madrid: Alianza, 2003, pág. 61. 100 Établissons, ici, la distinction entre le gbju!dpsbojrvf et le gbju!jtmbnj. rvf. Le premier coïncide avec la vie et l’œuvre du Prophète, ainsi comme les circonstances et conséquences qui entourèrent la Révélation. Historiquement, Bm.Boebmvt!tÖboopodf 33: après la bataille de l’Oasis de Khaïbar en juin de l’an 628— qui marqua le rejet définitif des juifs de la part de l’Umma islamique—, deux grands stratèges font déjà partie du cercle des proches de Mahomet: Khãlid Ibn Al-Walîd, et Amr Ibn Al-Ãs. § 2. Ces deux futurs hosbvy démontrèrent leur futur profession- nalisme dans une belligérance finale, le Prophète étant encore en vie, contemporain de la soumission significative de La Mecque en 630: il s’agit de la Campagne de Hunayn, datable— toujours selon les sources arabes— le 31 janvier 630. Hunayn est la bataille de la fermeture de l’Arabie autour de l’Islãm et la main ferme des déjà cités Khãlid et Amr. L’Islãm est déjà préparé pour abandonner les sables du désert, et sa place dans la géostratégie dépendra de la manière avec laquelle il saura profiter de l’espace entre Byzance et la Perse pour, à partir de ce couloir, se déployer au détriment des deux. Dans ce processus de croissance, Khãlid se dirige vers le nord, et Amr est le responsable de l’expansion méditerranéenne, s’acheminant vers la conquête de l’Égypte. Bien que nous ne puissions pas suivre les évènements en respectant un ordre stricte mythico-chronologique, par contre la dissimulation des noms et des dates nous servent comme appui séquentiel. Amr aurait lancé ses troupes vers l’Égypte à partir de la Palestine, réussissant à traverser le Nil à travers d’une citadelle appelée alors Babylone comme hommage à la grande ville perse. Il faut se souvenir que les Perses Sassanides contrôlaient occasionnellement l’Égypte et que les Byzantins leur disputaient le contrôle des terres du Nil. Le passage par cette petite Babylone égyptienne favorisée par l’existence d’un fossé pour l’irrigation, permettra la refondation de la ville comme Fustãt— à cause de gvttbuvn- fossé en latin. Du caractère militarisé du nouvel ordre arabe établi, fait loi le nom que dès lors aura l’Égypte: njts— campement. Un concept qui se répétera lorsque sera fondée la ville équivalente de Kairouan, qui signifie gpsujßdbujpo. cela correspond avec la période de l’établissement à Médine, la prise de La Mecque, et le contrôle final d’une grande partie des routes caravanières vers Damas. Le gbju!jtmbnjrvf postérieur à ce qui est strictement coranique, commence avec le premier calife, Abû Bakr à la mort du Prophète— en l’an 632. 341! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou § 3. Ce passage d’Amr évitant la capitale— Alexandrie— montre la difficulté de la prise de celle-ci, gouvernée en ce temps-là par un dirigeant de réminiscence onomastique perse— Cyrus-; même si les chroniqueurs arabes parlent de lui d’une façon énigmatique comme le prêtre— roi Muqauqis. De toute façon, il est opportun de détacher qu’Alexandrie vivait d’intenses affrontements internes hérités de la polémique socioreligieuse entre les cercles autochtones qui étaient contre le trinitarisme byzantin, cercles attachés aux Perses, la grande masse copte indigène, et maintenant l’internationalisme sarrasin proclamé bientôt comme Islãm. À partir de ce moment historique, les protagonistes mythiques de conquêtes variées, tant nord-africaines comme hispanes, souffrent certaines modifications dans leur traitement, même si elles suivent une tendance générale dans les manuels arabes d’histoire: ils se font toujours maîtres des lieux, ils sont toujours appelés à consulter Damas et disparaissent toujours comme par enchantement. Leur inévitable mort advient selon les chroniques inévitablement d’une façon héroïque, sans doute comme hommage posthume à upvu!ftu! cjfo!rvj!ßoju!cjfo. C’est ce qui se passe avec Amr, et avec les futurs Uqba, Mûsã, Taric et les autres. Une série de personnages probablement sans connexion, mais qui sont restés enchaînés dans la séquence narrative où l’histoire a l’habitude de se recueillir. § 4. Ainsi dans un moment du développement narratif des chroniques, Amr meurt dans la bataille et surgit le nom mythique d’Uqba Ibn Nãfi, que l’on qualifiait de meneur local, qui peu à peu monta en grade et islamisé dans les chroniques. Cet Uqba mourut également lors d’une bataille dans une chaîne d’affrontements à cause du soulèvement de deux personnages irrédentistes: le célèbre Kusayla— Cecilio—, et l’énigmatique Kãhina; une prêtresse— c’est ce que son nom signifie— dont la proclamation des dons prophétiques n’allait pas très bien avec cette nouvelle époque. Hasan Ibn Numan terminerait la conquête avec les inévitables pactes locaux dont les longues campagnes ont besoin. D’entre tous les noms propres, dans un fleurissement charismatique de difficile comparaison, surgit celui de Mûsã Ibn Nusayr comme le gouverneur suivant d’une Ifrîqiyya dont la situation administrative ambigüe de quasi-indépendance par rapport à Damas, déjà à ce moment-là capitale de l’Islam. Une Ifrîqiyya contrôlée par Bm.Boebmvt!tÖboopodf 342 des troupes déjà locales avec des chefs locaux, comme preuve évidente de la normalité envahissante, dédaignant l’illustre— et déjà suffisamment repoussée— dbwbmfsjf! bsbcf! njsbdvmfvtf. L’équilibre entre le contrôle nominal et le pouvoir effectif nord-africain paraît s’être violemment rompu à l’endroit où cela arrive toujours: aux alentours de 740, les locaux se nièrent à payer l’impôt de capitation— d’autre part il s’agit d’une preuve évidente qu’ils n’étaient pas encore musulmans—, et ils se rebellèrent entraînés par un tel Maysara qui, pour ne laisser aucun doute sur son irrédentisme se proclama calife. § 5. Cette révolte dans le futur Maghreb est essentielle pour comprendre le saut au refuge andalusí à moitié des années 700, comme évidence de l’acclimatation difficile de telles géographies à cette nouvelle période islamique. Ainsi, d’entre les brumes de cette histoire endormie par tant de stéréotypes, apparaît un fait sanglant tout à fait au début de la gestion du nord de l’Afrique par les nouveaux seigneurs: en 682, et par ordre de cet Uqba, il paraîtrait que l’on procéda à l’égorgement de la population masculine de Tanger. Il est facilement imaginable de quelle manière le gouvernement de Septem— Ceuta—, pouvait craindre d’être la fiche suivante dans ce domino convulsé nord-africain et également compréhensible que Ceuta fisse un pacte aussi bon que possible pour garantir sa propre sécurité, même si cela fut en échange de favoriser le saut à l’Hispanie. En ce point les chroniques situent la célèbre usbijtpo!ev!dpnuf! Kvmjfo, présumée exacte— celui-ci est gouverneur byzantin de la ville de Ceuta et se rendra sans conditions pour éviter des mesures répressives. Ce célèbre exarque byzantin des chroniques, l’énigmatique Julien— el Ulian, Bulian ou même Urban dans les chroniques— a deux traitements historiques possibles: comme première possibilité, renvoyer à un personnage qui négocia comme il put la propre survie de la ville et de la population à sa charge. De telle négociation surgit— d’une manière salvatrice— la disposition de sa flotte pour traverser le Détroit. La seconde option est que ce tel Julien fût réellement Urban, et que telle référence ne renverrait qu’à un nom générique: Vscbo en latin citadin de Ceuta. Cela signifierait simplement, que Ceuta dût aider, à un certain moment, le passage à l’Hispanie des troupes du Nord de l’Afrique. 343! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou § 6. Ce qui précède ne me regarde pas. Dans le sens que— selon ce que nous racontions— il est impossible planifier un grand débarquement, de même qu’il est également impossible qu’une seule armée soit responsable de la future conquête et islamisation de l’Hispanie. Le collaborationnisme de Ceuta nous renvoie à une logique normalité du procédé: face à la pression de contingents armés, si l’on sauve la ville en offrant des bateaux, les bateaux seront disponibles. D’autre part, si le Maghreb est en flammes et à partir de l’Orient l’on veut arriver à l’Hispanie, ce qui est logique ce serait de le faire à partir d’un point plus oriental et débarquer dans le Levant péninsulaire; la ligne que nous tracions d’Almería à Alicante. De toute façon, et enfin, tels procédés renvoient tout cela aux attitudes plus qu’aux évènements. C’est-à-dire: lorsque l’on raconte l’histoire du débarquement, l’on doit toujours faire référence au débarquement usuel. Les flammes nord-africaines se transmettent, alimentées par de nombreux et divers combustibles hispanos. L’ère andalusíe de l’Hispanie commençait, de nouvelles idées et de nouvelles gens n’arrêteraient pas d’arriver. Selon ce qui est admis, l’autorité islamique dans la zone qui nous concerne serait la suivante, par ordre d’autorité: à Damas, le calife omeyyade al-Walîd. La province d’Ifrîqiyya— Afrique—, avec son siège à Tunis et s’étendant jusqu’à l’Atlantique, serait sous le commandement de Mûsã Ibn Nusayr— le Nbvsf Mûsã des chroniques. Par ordre hiérarchique viendrait après son lieutenant Tãriq Ibn Ziyãd. Officier bggsbodij!indigène— c’est-à-dire, de la même extraction culturelle et raciale que n’importe quel hispano péninsulaire—, son nom sera arabisé dans les chroniques. Finalement, la trace de cet adversaire conquérant cache celle d’un autre précurseur, un compatriote appelé Tarîf. § 7. La critique systématique est ennuyeuse, donc nous ne retournerons pas au thème central qui nous poussait à nier la majorité: vu que toutes les chroniques sont très postérieures, et décidées à proclamer ce qu’il y a de miraculeux dans une invasion, la documentation dont nous disposons doit être toujours mise en quarantaine. Bon, tout cela demeure clair. Mais nous affrontons un problème: donc, comment raconter l’histoire d’al-Andalus? Dès lors, nous sommes installés dans le doute raisonnable mais essayant d’avancer au milieu du mythe. Nous n’avons pas osé appeler ce chapitre Bm.Boebmvt!tÖboopodf 344 comme nous prétendions le faire au début: 822-!mf ßmn/ Mais il s’agit précisément de cela: tout ce que nous pouvons affirmer sur al-Andalus et le nord de l’Afrique jusqu’au-delà des années 800, est une pure récréation cinématographique. Mythe en mouvement, narration dyslexique, disions-nous, que nous devons au moins raconter pour tout ce que cache chaque mythe: une part de vérité dans son interprétation analogique des processus. De ce point de vue, Taric es— probablement— un aventurier de plus, dans son cas d’ascendance vandale. Il est peu probable qu’il suivît des ordres, comme il ne parait pas non plus que son rôle historique réel fût si remarquable. Cela est un exemple de la manière qu’en les sanglantes années 700, l’Hispanie et le nord de l’Afrique réalisèrent un soulèvement armé. Anarchie sociale et aussi culturelle où ira se décanter l’islãm civilisateur, en premier lieu dans ce qui est déjà le Maghreb, et postérieurement dans ce qui est déjà al-Andalus. D’autre part, ce Tãrif peut ne pas être une erreur orthographique, et sceller symboliquement le rôle déjà paradigmatique de Taric: la façon avec laquelle tout ce qui se produira en Hispanie pour son évolution vers al-Andalus a une connexion avec tout ce qui vient d’Orient à travers le nord de l’Afrique. Cette répétition— nous insistons: d’une sincère volonté interprétatrice— peut provenir, sans plus, d’un fait si commun comme simple: les desseins postérieurs d’expliquer des étymologies. § 8. Gibraltar; Djabal Tãriq?, donc le mont de Taric, celui qui vient… et cetera. Et surgit, la légende. Tarifa? Donc quelqu’un— Tãrif— qui viendrait même avant. D’accord: la différence d’écrire ces deux noms en arabe peut être un seul point sur une lettre, ou — le cas échéant, en calligraphie maghrébine— peuvent s’écrire exactement pareil. N’oublions pas la façon avec laquelle naissent les héros et les vilains de simples erreurs calligraphiques: Don Julien peut être simplement un urbain, citadin de n’importe quelle ville. Ou le cas d’une rageuse adéquation sur ce célèbre Isidore Pacense, principal responsable de la seule chronique presque contemporaine des faits— recueillie dans la Chronique mozarabe— sur laquelle se basait les défenseurs de la miraculeuse et désastreuse invasion islamique. Or, cet Isidore Pacense n’exista pas, car Pacense est une mauvaise transcription de Palense: qui à son tour est la deuxième partie d’Hispalense (d’Hispalis: Séville) qu’un saut de ligne ou er- 345! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou reur d’un copiste engendra un Isidore dont les paragraphes qui le traitaient faisaient de simples références à Isidore de Séville. Dans ce genre de démystification utilitaire, le célèbre Mûsã est une étrange personnification de diverses biographies de santons nord-africains. Sa prétendue trajectoire vitale, ses incursions nordafricaines, l’illusion historique qu’il passât en Hispanie à plus de soixante ans, son affrontement avec l’autre fils— Taric— face à la ubcmf! ef! Tbmpnpo à Tolède…Les arabistes ne respectent-ils pas la valeur cathartique de la parole chez les peuples sémitiques, la manière avec laquelle un cercle de personnes autour d’un conteur est capable d’interpréter le monde? Ceci n’enlève pas de valeur à l’histoire; mais donne seulement une rigueur à la narration. Nous devons, donc, nous situer sur un plateau enclin au mouvement de scène: les Arabes d’Orient n’ont pas eut beaucoup de temps pour islamiser le nord de l’Afrique. De ceci l’on peut déduire que la population autochtone nord-africaine agit de son propre chef ou se soumet à l’autorité de Damas par pur formalisme qui éclatera dans peu d’années avec le soulèvement du Maghreb au milieu des années 700. § 9. D’autre part, nous pouvons avancer commodément dans la séquence des mythes pour une raison d’éclaircissement: si al-Andalus exista— irréfutable—, et son devenir historique d’une interprétation concrète de son propre passé, l’on a beau considérer que ce passé est un mensonge, l’on doit savoir si l’on veut vraiment connaître al-Andalus. C’est quelque chose d’un peu recherché, mais évident: le psychologue s’intéresse à la vie de son patient, et celui-ci parle de ses propres souvenirs et des souvenirs greffés dans des conversations avec sa famille. Ce n’est pas un mensonge intentionné, c’est le rôle du mythe dans le souvenir historique. D’une part je ne me souviens pas comment sont les choses, et d’autre part je remplis les vides du passé avec l’apport d’autres personnes, je base ma vie en grande partie d’entéléchie. Que n’adviendra-t-il pas de l’histoire, lorsque en plus, l’on peut la manipuler avec traîtrise et préméditation? Les mythes des fondations son basiques, même s’ils ne dépassent pas la qualité de mythes. Donc, il n’y a aucune raison de ne pas suivre la conquête narrée et mythique d’al-Andalus, toujours avec la sauvegarde de que, au moins— nous insistons— jusqu’à l’an 800 nous soyons conscients de Bm.Boebmvt!tÖboopodf 346 que nous lisons plutôt un spnbo!ijtupsjrvf que l’histoire. Dans ce sens, quelque chose dut forcer le saut massif à la péninsule Ibérique au début des années 700. Pourquoi l’Hispanie se tait et se couvre de brumes pendant un siècle? Nous continuons à ignorer de science certaine la wpjf!vtvfmmf d’immigration en Hispanie qui peu à peu rendit propice sa conversion en al-Andalus; dfuuf! wpjf! vtvfmmf! rvf!mft!dispojrvft!fyqsjnfou!tzncpmjrvfnfou!fo!vo!tfvm! ecbsrvfnfou/!Pour résumer cela brièvement, la question serait: Tarifa ou Alicante? Bien: Tarifa est plus près, mais de quoi? Car, si la prétendue invasion provient— comme nous le présente le mythe— d’ordres de la part de Mûsã, gouverneur d’Ifrîqiyya— Tunisie— l’interprétation que fit Ferdinand Braudel au sujet de mb!Nejufssbof! rvj!tÖbqmboju!ef!mb!Uvojtjf!‰!mÖFtqbhof! est bien connue/ De fait, le grand nejufssbopmphvf appela ce secteur qui sépare la côte nord-africaine du Levant ibérique,!mf!dbobm!ef!mb!Nbodif nejufs. sbofo. Il se basait pour cela sur l’affluence supérieure d’échanges, l’utilisation massive de la route navale, et tout ceci dû à la facilité qu’offrent dans cette zone les marées et les vents. De Tunisie, d’Algérie, il est plus facile et rapide de débarquer sur la ligne d’Almería à Alicante dont nous avons fait déjà allusion. § 10. D’autre part, si nous nous centrons sur comment le futur unira d’une certaine façon al-Andalus et le Maghreb à travers du Détroit de Gibraltar— à part de toujours maintenir ouverte la ligne citée auparavant entre le sud-est andalusí et la ligne algérienne-tunisienne — il en ressort d’une manière aussi évidente que le saut de Gibraltar dut être toujours usuel, l’on peut donc renvoyer le mythe de Taric et un seul débarquement génésiaque à une route migratoire usuelle de double sens qui, pour des raisons de certain déséquilibre social dans les années 700, inclina la balance vers le nord. Par Tarifa ou Alicante, peu importe: le mythe du débarquement s’imprime dans l’imaginaire andalusí associé aux personnages de la trame en question, ainsi qu’il le fera à nouveau— associé au concept si hispano du désastre— dans la pensée nationale-catholique qui substitua la vision cosmique andalusíe. Ce débarquement mythique s’insère, ainsi, dans l’histoire d’Espagne comme le détonnant symbolique d’un monde changeant. Dans une coupure historique. Sans entrer dans les préférences plus ou moins stéréotypées entre les visions historiques d’Américo Cas- 347! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou tro et Sánchez-Albornoz,101 et partant du fait indéniable des pages éclaircissantes dans les interprétations que tous deux apportèrent à un thème qui se défile dans l’image tellurique que nous avons de nous-mêmes, le deuxième traita aussi d’une certaine façon symbolique le sujet du débarquement de 711. Ainsi, dans sa— peut-être trop— didactique vision historiographique de l’andalusí, cet auteur d’Ftqb—b!nvtvmnbob!qualifie toujours les terres en question, comme le classique gbvy!qbt!eebjhofvy!ef!Qpsuvhbm si important en matière andalusíe. § 11. Il va sans dire que, dans son Ftqb—b!nvtvmnbob— bien qu’elle participe dans la théorie du rapt de l’Hispanie—, Sánchez-Albornoz propose, d’une agréable manière éclaircissante, sa théorie de trois débarquements qui configurent l’histoire d’Espagne, ceux-ci étant ce qui nous concerne— l’invasion islamique—, celui de Colon aux Amériques, et celui de Charles Quint à Villaviciosa, préfigurateur de la connexion européenne. La vision nous parait très adéquate, marquant toujours la troisième dimension du premier débarquement: sa perception historique comme mythe de la fondation, même s’il explique qu’il ne dût pas se produire dans les termes communément admis. Ainsi sont les choses, et partant de que quelque chose dut forcer les évènements pour qu’il y eût une poussée massive d’émigration vers le nord, il ne peut s’agir du hasard si en 710 se produisît la dramatique succession au trône wisigoth de Tolède. D’autre part, pas plus dramatique que n’importe qu’elle autre succession wisigothe, dans un système successoral qui contemple comme irrémédiable une période de convulsion après chaque intronisation pendant laquelle le roi doit démontrer son pouvoir. Rodrigue, le nouveau 101 Pour paraphraser— en faisant des retouches— Rubén Darío: RvjÒ!rvÖjm! ftuÒ!oÖftu!qbt!qbsujtbo!ef!Dbtusp? Le penchant pour ce qui est dans les coutumes au sujet des dpncbut! ef! dprt laisse le contenu de l’œuvre de Castro dans l’arrière-boutique. Mais il n’y a pas de comparaison entre l’inespérée vision historiologique d’Américo Castro et l’apport enchaîné que réexplique— à son échelle, et de beaucoup de valeur— Sánchez-Albornoz. D’autre part, Castro écrit en se posant des questions, et Sánchez-Albornoz répond à Castro. De ce dernier, voir— pour ce qui nous concerne ici— Ftqb—b-!vo!fojhnb!ijtu˜sjdp. Buenos Aires: Sudamericana, 1956 et Fm!esbnb!ef!mb!gpsnbdj˜o!ef Ftqb—b!z!mpt! ftqb—pmft. Barcelona: Edhasa, 1973. Bm.Boebmvt!tÖboopodf 348 souverain intronisé dans l’été de cette année-là, dut partir sur le champ vers le nord— suivant ce que l’on nous raconte— pour étouffer une d’entre tant d’autres insurrections vascones. Peu de mois s’étaient écoulés de cette année 710 depuis son intronisation, et en juillet se situent les premières incursions à partir du Maghreb. L’histoire veut enchaîner les deux faits— débilité institutionnelle du roi débutant Rodrigue et affluences de contingents du sud dans les futurs conflits péninsulaires—, et ainsi, sûrement, devons-nous l’admettre. 4/5/!Mf!spnbo!ef!mb!dporv‘uf § 1. Dans le contexte d’une nouvelle tendance orientale de l’Hispanie qui suppose sa conversion à al-Andalus il y a un élément essentiel, dont nous avons fait allusion auparavant en indiquant mf!efwfojs! tzsjfo!ef!mb!Nejufssbof commenté par Henri Pirenne. En effet le byzantinisme populiste, la Rome oriental non métropolitaine, se détache dans son effervescence culturelle, révolutionnaire, et tout cela avec la patine du temps: religieuse. Il est évident que l’Orient qui s’inocule en Hispanie et devient symbole en l’an 711 n’est pas encore arabe et pas non plus islamique, mais simplement byzantin anticonstitutionnel. Nous fîmes allusion au propre texte coranique et son anti-byzantinisme non structuré. À l’apparition de références au sujet de Mahomet un siècle après de tout ce que l’on nous raconte— aux environs des années 800. Nous fîmes également allusion à la façon avec laquelle Halphen, Dawson et le propre Pirenne102 expliquent l’avance islamique vers Byzance comme l’usure de Constantinople face à la ferveur renaissante des périphéries. Cette ferveur, alimentée par l’insurrection religieuse— Dawson— réunit à toutes les hérésies tachées par l’orthodoxie et ouvre le chemin à sa solution minimaliste, génialement condensatrice: l’islãm. Vu ainsi, l’épicentre de la nouvelle tendance orientale de la Méditerranée, la jachère des ter102 Pirenne, Nbipnb!z!Dbsmpnbhop…pág.123. Louis Halphen, Mft!cbscbsft/! Eft!hsboeft!jowbtjpot!bvy dporv‘uft!uvsrvft!ev!YJnf!tjdmf. Paris: Félix Alcan, 1930, page 132. Chritopher Dawson, The making of Europe. Bo!Jouspevd. ujpo!up!uif!Ijtupsz!pg!Fvspqfbo!Vojuz. New York: Catholic University of America Press, 2002. (19321). Page 153. 349! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou ritoires hispanos résultait— comme nous le voyions déjà, en faisant une relation de la diatribe socioreligieuse— d’une adéquation hors du commun. § 2. Donc, la connexion est évidente entre l’entrée de plus de contingents de troupes et la population en Hispanie— à part ceux qui s’étaient rebellés avec des armes pour ou contre le roi—, et la débilité institutionnelle du trône wisigoth. D’autre part, il faut supposer qu’il n’y eut pas de réception et assimilation culturelle, ni de prosélytisme, même pas une excessive stratégie politique pour ce qui se produira après, pendant plusieurs dizaines d’années, dans la péninsule Ibérique. Pour pouvoir doter le processus de quelques couleurs reconnaissables, le film de l’an 711 nous montre un enchaînement de prébendes — au début— et châtiments— à la fin— dans le traditionnel et universel jeu de la guerre et de la politique; d’assaut au pouvoir. Prébendes réparties entre les artifices de l’aventure initiale— ceux qui arrivent du Sud—, et châtiment— paraîtrait-il— ils oublièrent les légitimités de certaines troupes avec lesquelles comptait le roi Rodrigue. Entre prébendes et châtiments, les chroniques tardives admettent quelque chose d’essentiel: la surprise de la découverte de l’Hispanie pour des contingents de troupes arrivés pour aider à une des factions en litige pour le trône de Tolède. La surprise qui, paraît-il, fut le motif de transformer l’incursion en domination. Le sdju!djonbuphsbqijrvf nous présente un Tarif à Tarifa avec un groupe de quatre cents tbqfvst! en juillet 710 dans une opération éclair d’aller et retour. Et le roi Rodrigue à Pampelune, avec tout ce que l’on suppose du gros de son armée, d’abord parce que si le roi est à Pampelune c’est qu’il se sent sous une menace venant du nord, et deuxièmement parce qu’à peu de mois de son intronisation, avec les fils de son prédécesseur— Wittiza— conspirant contre lui, l’on suppose que Rodrigue ne dut pas tourner le dos aux effectifs militaires supérieurs. Pendant ce temps, cachés par les brumes du Détroit, apparaissent dans les livres d’histoire, dans le printemps de l’an 711, les bateaux byzantins du comte Julien déplaçant sept mille musulmans avec leurs chevaux— cela en fait des bateaux! Le célèbre Taric est au commandement. Ils débarquent vers le versant du Peñon de Calpé— plus tard, Gibraltar. Yabal Taric-!mf!npou!ef! Ubsjd— et situent leur campement de base dans la baie d’Algesiras, Bm.Boebmvt!tÖboopodf 34: l’appelant— bm.zb{jsb!bm.kbesb-!m֕mf!wfsuf. Dans les semaines suivantes s’ajoutera autre contingent de troupes, environ cinq mille hommes de plus. D’où les scénaristes-chroniqueurs tardifs prétendent déduire que pour la bataille qui approche, ceux qui arrivent conteront avec environ douze mille hommes. § 3. Cette première bataille mythologique essentielle peut se situer indistinctement dans la zone de Gibraltar ou Alicante. La toponymie est ainsi maniable et, en tout cas l’essentiel du fait est la certification de la victoire à cause de la mort d’un roi épuisé, Rodrigue, dans la boue et le fracas de la bataille. Ainsi que la scélérate trahison des partisans de Wittiza— rivaux de Rodrigue— qui, se passant à l’ennemi du Sud, décidèrent le mauvais sort du conflit. À partir d’ici, les chroniques glissent comme le fît le célèbre roi, et les origines réelles de l’andalusí est cerné par les brumes des années 700. L’on dit que le roi mourut à Guadalete ou que la bataille eut lieu dans un certain fleuve Lucus, et l’argument servira pour un film très postérieur, celui d’Alcaçar-Quivir. Il y aura également un fleuve Lucus, beaucoup d’aspirants au trône, des rois morts dans la bataille, et la perte d’un royaume comme celui qui le joue aux cartes. Rodrigue qfseju!mÖIjtqbojf dans la partie de l’an 711, et Sébastien perdit le Portugal en 1578. Tous deux apparaîtront dans la littérature après leur mort, comme le fera plus tard un dernier calife cordouan ou même le général Franco, mais personne ne leur rend plus les terres. En marge de l’hispanique penchant d’être un ressuscité, la différence entre Guadalete et Alcaçar-Quivir à part les siècles qui les séparent, c’est que la seconde a été rédigée historiquement par des sources contemporaines. Une ultime scène avec impact est l’apparition, dans un monastère portugais, d’une pierre tombale indiquant l’inhumation de Rodrigue, dernier roi wisigoth de l’Hispanie. S’agirait-il d’une vengeance cinématographique du Portugal, pour la systématique appropriation indue de tout l’andalusí toujours de la part de l’Ftqbhof!jtmbnjrvf- excluant les terres actuelles portugaises qui n’en étaient pas moins andalusíes. Pour conclure avec le film, le recours à un fondu dans le dénouement brumeux cadre maintenant avec un unique paysage reconnaissable: l’Hispanie n’existe plus institutionnellement, et sa population émergera jusqu’à être al-Andalus. 351! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou § 4. Avoir recours à un fait des premières années de la prétendue conquête organisée— 711 et suivantes— ne mérite pas ici un traitement en profondeur car tout a été implicitement expliqué. Il s’agit du problème idiomatique dans la conquête andalusíe. Les philologues n’arrivent pas à comprendre— à trouver dans les sources disponibles— la manière avec laquelle les musulmans purent conquérir un territoire latino-parlant sans que ces sources fissent référence à des traducteurs. Simplement, parce que l’on ne présente pas ces nouveaux contingents comme musulmans, encore moins comme arabes, vu que— comme nous le voyions— l’arabisation commençait en ces mêmes années à Damas. Donc, il est impossible que les contingents nord-africains parlassent arabe et qu’ils pussent intervenir dans les guerres de succession de Rodrigue. Indirectement, c’est là l’explication la plus éclaircissante de l’énigme sur la conquête soudaine de l’Hispanie: car elle ne fut pas soudaine, mais plutôt subtile. Parce que l’Hispanie eut une évolution vers al-Andalus à mesure que le trafic naturel de personnes et d’idées s’arabisait et se concrétait en quelque chose d’islamique. Mais continuons avec le mythe explicatif, car— nous insistons— souvent le symbole éclaire plus que la prétendue vérité démystificatrice: l’on propose que Taric avança, du sud de Cadix dans la route vers le Nord par les talwegs et les plaines laissant les montagnes de Cadix à l’Est et évitant les grandes villes en mettant le cap fixe sur Tolède, capitale wisigothe, qui tomberait sans résistance avant la fin de l’an 711. Les imaginatives sources tardives proposent que, dans la route, un certain bggsbodij!Nvhj{!bwbju!qsjt!Dpsepvf!et les premiers contacts préalables à l’amalgame social qui caractérisera la péninsule Ibérique pendant, au moins, le demi-siècle suivant, avaient commencé à se produire: les juifs qu’ils trouvaient sur leur passage leur prêtaient leur appui, et dans la route, diverses zones de la population se joignirent à eux, comme c’est le cas de leur arrivée à Écija. L’armée en marche des chroniques était— selon ce que l’on peut voir— aussi une révolution sociale qui, évidemment, ne pouvait pas empirer l’indubitable situation de servitude pratiquement d’esclavage de la population hispano-romaine native face au pouvoir central wisigoth. Au contraire, peut-être qu’une grande partie de la population put penser que n’importe quel changement serait favorable. Bm.Boebmvt!tÖboopodf 352 § 5. Que voudrait-il dire ce mythe de la conquête inoffensive, pratiquement une révolution des œillets? Tout ce qui arrive a des affinités avec les juifs— monothéistes fermés à l’innovation trinitaire—, et que nombreuses populations urbaines le sont aussi. Cela changera, par exemple, à Séville; ville d’atavique tradition trinitaire. Mais ce qui nous intéresse est ce qui vient entre-lignes: dès 711, dans la péninsule Ibérique commencent de tels désordres civils pour la succession au trône aggravés par la division du territoire en cantons, que le désordre attire des contingents nord-africains — latino-parlants avec la même religion— et que dans ce flux va se greffer la dernière nouveauté orientalisante: l’islãm; pas encore nommé comme religion, mais plutôt conçu comme une autre variété d’indubitable reconnaissance préalable par les nombreux juifs et autres orientalisés hispanos, vu leur aversion invétérée à ce qui est trinitaire. Les guerres civiles qui commencèrent alors ne seront pas entre des tribus arabes, mais pour la structuration hispane. L’été 714, quelque chose apparaît à travers de la brume documentaire de ces affrontements civils. La narration mythique propose que Taric et Mûsã disparaissent— appelés par un certain type d’audit, comme un résumé sommaire de tardives récréations. La donnée n’est pas remarquable en soi, mais il s’agit plutôt de l’ombre projetée par ce changement de décor: y eut-il une certaine suspension de l’entrée de contingents nord-africains? Ceci n’est pas remarquable non plus, car l’entrée continuera à se produire sans solution de continuité, sûrement jusqu’à bien avancées les années 800. Ce qui est important est qu’il apparaît un nom; une référence d’une certaine manière institutionnelle: un certain Abd al-Aziz a signé un traité avec Théodemir, qui contrôlait la zone de Murcie. Son nom arabe peut être une indication de que tout commence à changer, et son traité avec Théodemir à Murcie insinue deux choses: est-ce un début; est-ce celle-ci la zone des débuts institutionnels? L’entrée d’orientaux dans la zone du Levant sera-t-elle plus véridique, celle qui— nous le commentions— se convertit en le wsbj!Tve si l’on penche la carte en regardant depuis La Mecque— pour nous exprimer d’une certaine façon? § 6. L’autre indication est la suivante: la seule chose rédigée dans toute cette époque est un traité. Une capitulation similaire à celle de Damas, Alexandrie ou Carthage avec les Sarrasins. S’il y a quel- 353! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou que chose ici, ce n’est pas la guerre mais plutôt un clientélisme; l’offre d’une certaine défense en périodes confuses. L’assimilation de l’oriental a l’air d’insinuer de futures institutionnalisations, avec la nuance de la parenté mythique suivante: ce tel Abd al-Aziz apparaît dans le traité comme étant le fils de Mûsã. Les chroniques tardives le signalent ainsi; autre chose est, qu’abritées par cette donnée— paraît-il, si contrastante—, l’historiographie mythique arabe peut inventer que ce Mûsã père était ainsi et ainsi de suite…, déclenchant le célèbre mythe de Mûsã ibn Nusayr, dont la biographie ressemble trop à celle des santons martyrisés dans la zone nord-africaine comme pour pouvoir isoler un seul protagoniste. Finalement, la signature du Usbju!ef!Uipefnjs implique aussi quelque chose déjà ébauché: avec quel pouvoir peut un comte local s’investir jusqu’à signer un contrat de clientélisme défensif— obligé, quand n’en fut-il pas ainsi?— sans qu’apparaisse aucun roi d’Hispanie? Ce traité est la preuve qui fait foi de qu’en Hispanie la déstructuration a commencé. Et celui qui signe mÖbvusf!qbsujf se représente seulement à lui-même. Ce n’est pas un traité entre états, mais entre personnes. En revanche, prenons le célèbre Traité de Théodemir avec toutes réserves documentaires, inséré dans la Chronique du Maure Rasis à la moitié des années 900— deux siècles plus tard!— et mise haut placée par son apparition dans la Ds˜ojdb!Hfsbm!ef!Ft. qboib— 1344—, sa citation doit être— à nouveau— plus décorative que probatoire; plus d’allusion à comment efwbjfou!‘usf les faits que certifier comment jmt gvsfou/ § 7. Ainsi, commençaient des décades de confusion, guerre, mouve- ments démographiques et abandon des terres. Admettant seulement ce qui précède, l’on peut comprendre l’absence de documentation systématique— et que l’on n’aurait pas manqué de percevoir tout cela comme une claire invasion. La période des troupes, des terres brûlées et de présumés aller et retour commençait. Il est compréhensible que les villes s’équipassent comme elles pouvaient, en engageant leur défense au style de ce que fit Théodemir à l’Est. L’on présume que la campagne fût objet de paiement, dépense, et abandon. Dans l’irrégulière formation de troupes à l’époque qui nous concerne, un mouvement en deux temps peut expliquer une certaine ligne d’évènements dans une mer de confusion: le premier temps est une avance indiscriminée vers le Nord, comme pour fuir de quelque chose. Bm.Boebmvt!tÖboopodf 354 L’on ne peut pas admettre le mythe de la bataille de Poitiers en 732 comme un affrontement où l’Europe freina l’Islãm. La légende de Poitiers oublie que les futurs musulmans prirent part effectivement aux desseins des terres connues aujourd’hui comme France. Et ils le firent par mer; les villes comme Hyères et Fréjus, unies par ce que l’on appelle encore aujourd’hui Massif des Maures, renferment une longue histoire islamique. Mais non Poitiers; elle est trop au Nord pour une conquête. Une seule bataille ne signifie rien, et les vaincus seraient revenus quelque part. La traversée à pied des Pyrénées, dans toute l’histoire de la péninsule Ibérique, a toujours été une fuite désespérée. S’ils se mettent à organiser une conquête, ce serait beaucoup mieux par mer, comme réellement cela se fit après par la zone citée du Massif de Maures. Dans ce sens Poitiers apparaît plutôt comme un chant postérieur; la transposition de mft!sfowpzfs!eÖIzsft fu!Gskvt; malgré que l’histoire vînt après s’obstiner que la côte méditerranéenne française fût toujours un aimant pour l’islamique. Sans entrer en détail sur ce qui précède, elle est, pourtant, compréhensible la permanente ecboebef!que dut impliquer la montée vers le Nord. D’autre part, le tfdpoe! ufnqt de ce mouvement cité serait le sfupvs! bv! Tve. Signalé par tout ce que nous racontent les chroniques des graves difficultés provoquées par les guerres dans le nord de l’Afrique. § 8. L’Hispanie dut se retrouver dévastée après la disparition— que ce soit par la mort ou par la fuite— de Rodrigue et la nouvelle situation de tbvwf.rvj.qfvu avec le coup d’État des fils de Wittiza essayant d’affirmer leur pouvoir sur des terres qui leur échappaient, et la présence des troupes et gens de toute sorte; des gens qui, après les terres brûlées, durent chercher une sortie quelle qu’elle fût. Poitiers et les révoltes du nord de l’Afrique sont la preuve évidente de que l’Hispanie était en flammes. Les faibles lumières d’une certaine activité urbaine montrent que, peut-être, les villes purent évoluer vers quelque chose: une période hispano-andalusíe commence pendant laquelle les villes et la campagne continueront des évolutions absolument différentes. Dit d’une autre façon: l’histoire tangible— entre le mythe du désastre et la reconstruction poussée par les chroniques arabes tardives—, propose une vérité possible: les villes s’ouvrirent aux Sarrasins, et la campagne les alimenta le temps qu’elle pût. 355! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Dans cette convulsion anarchique de l’Hispanie après Rodrigue, l’arabisation et l’islamisation sont seulement compréhensibles, si l’on arrache une des si nombreuses métonymies andalusíes— une partie pour le tout—: les villes se laissaient orientaliser à cause de la déconnexion avec l’Église romaine dogmatique— Byzance ou Rome—, à cause de l’affluence de juifs— qui dans les chroniques apparaissent comme dpnqmjdft! eft! fowbijttfvst—, et à cause d’une faible arabisation idiomatique émanée de l’institutionnalisation de l’arabe de plus en plus autour de Damas, qui relègue ce qui est hellénique et syrien. Une fois de plus: al-Andalus est en train de surgir en même temps que le nord de l’Afrique et l’Orient arabes: m֏dmptjpo! nejufssbofoof! ef! mb! qsjpef! bsbcp.jtmbnjrvf! ftu! hosbmf, non pas le fruit d’intraduisibles cavaleries miraculeuses. Le futur mythe de la tolérance religieuse n’est autre que le reflet-en langage postmoderne— de la gvtjpo! qbs! dpogvtjpo qui se détache dans cette substantielle période arabo-islamique de la Méditerranée. § 9. Admettons la débâcle hispane, la profusion de formes ambigües de foi d’Orient, la crise de succession après la disparition du roi Rodrigue et le soulèvement des partisans de ses opposants— fils de son prédécesseur Wittiza. Admettons, aussi, l’entrée de contingents nord-africains comme appui de quelques factions et défense de certaines villes, et même l’éclatement péninsulaire certifié après l’essai de fuite en France— arrêt à Poitiers en 732 et inflation démographique dans le nord de l’Afrique. Admettons qu’un siècle difficile commence. Et, après, essayons de trouver, dans tout le marasme social— obscurci encore plus par le vide documentaire—, la faible constance d’une certaine organisation d’empreinte orientale: l’Islãm. Partant de ce que nous disions de la fusion par confusion, l’Islãm ibérique ne sera pas le produit d’une conquête comme telle: ce sera un alliage. Un produit neuf, civilisateur méditerranéen, associé à deux phénomènes que l’on ne peut distinguer qu’à partir de la hauteur du futur— notre époque—: l’islamisation et l’arabisation. Ce dernier phénomène— islamisation—, généralisé dans la Méditerranée sud-orientale, devient plus explicite au long des années 700. Nous ne reviendrons pas sur la clarté culturelle de ce que l’on a appelé la révolution d’Abd al-Mãlik, mais utilisons son souvenir pour situer un monde institutionnel centré à Damas. Ce qui se pro- Bm.Boebmvt!tÖboopodf 356 duit dans ces périodes de chaque côté du Détroit de Gibraltar, ne peut pas se distinguer de ce qui se produisait au niveau linguistique et religieux. Nous pouvons seulement en distinguer les termes sociaux, économiques et culturels: la perception claire d’une convulsion. Maintenant fixons-nous sur le second phénomène— arabisation progressive—, et posons-nous la question loin du mythe, en quelle langue parlaient les envoyés occasionnels de Damas avec les masses natives. Certainement, ils le firent, vu que l’arabisation postérieure est un fait historique signalé. § 10. Il existe un concept en Linguistique qui explique en grande partie les origines de cet alliage arabo-islamique que fut al-Andalus: ce concept s’exprime avec le terme allemand Tqsbdicvoe; quelque chose comme dpogesbujpo!mjohvjtujrvf. Ce n’est pas un concept politique, évidemment, mais plutôt quelque chose de proche à ce que nous pourrions appeler une mjohvb! gsbodb (sabir). Quand se produisit dans al-Andalus l’éclosion des langues aljamiadas, l’on pourra certainement parler de Sprachbund, vu que la langue romane— espagnol primitif— et l’arabe, ne proviennent pas de la même famille linguistique et cependant ils s’inondent mutuellement de concepts et vocabulaire. Donc, l’on ne peut nier qu’à l’époque qui nous concerne— années 700—, il existait une certaine Sprachbund latino-occidentale développée sur un substrat gréco-latino-punique. Le christianisme, dans son avance dans la Méditerranée inaugura des voies d’assimilation culturelle d’indubitable profit pour l’islãm. Et telles voies sont en grande partie linguistiques. Sur ce substrat l’arabe se fraiera un passage, non sans difficultés: non en vain, Marçais se base sur des textes d’al-Idrisi pour affirmer que, jusqu’à peu près l’an 1200, dans— par exemple— le sud de la Tunisie actuelle, les éléments supposément cfscsft anti-institutionnels! nbjoufobjfou! mf! mb. ujo!dpnnf!mbohvf!nbufsofmmf.103 § 11. Cette confédération linguistique méditerranéenne occiden- tale a déjà un élément sémitique— le punique carthaginois—, une conceptualisation spirituelle orientale— christianisme avec toutes 103 Georges Marçais, Mb!Cfscsjf!nvtvmnbof!fu!mÖPsjfou!bv!Npzfo!æhf. Paris: Aubier, 1946, page 71. 357! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou ses variantes— et des modes suivant les mœurs rituels voisins à ce qui précède les mages d’Orient; le manichéisme, et tant d’autres formes socioreligieuses. D’autre part, en Orient il est en train de se produire une certaine Sprachbund islamique, sur le substrat hellénique et— principalement— le syrien ou l’hébreu. Leur hellénisation les lance vers la Méditerranée, et vers la diffusion dans le nord de l’Afrique, les deux confédérations de langue— l’islamique et l’occidentale— commencent ce que nous appellerions aujourd’hui inter-actuation. La subtilité des processus historiques est exaspérante, mais protégés seulement par leur lente croissance, nous pouvons expliquer des faits si transcendantaux comme la façon avec laquelle— par exemple— cet Abd al-Aziz arrivé à Murcie pouvait se communiquer avec les troupes sur lesquelles repose sa prospérité— momentanée, et nous arriverons à sa fin. Bien sûr qu’jm!oÖbssjwf!qbt!fo!qbsmbou! bsbcf!fu!qsjbou!ebot!mft!nptrvft. Tout ceci s’élucide avec le temps. Les deux substrats et les efvy!dpogesbujpot!ef!mbohvft termineront par se fixer dans l’arabe. Mais— nous insistons— l’on perçoit seulement aujourd’hui le changement. En son temps, le protagoniste d’un processus ne connait pas de science certaine son propre destin. § 12. Pendant ce temps, l’Abd al-Aziz de Murcie se fraie un passage. Il entra probablement par le Levant, dû qu’il peut être le véritable premier oriental à diriger un certain corps militarisé dans la péninsule Ibérique. Sa présence n’est pas étrange historiquement: précisément ce Levant de l’Hispanie fut toujours la porte d’entrée pour les occasionnels contingents orientaux— qu’ils soient carthaginois ou byzantins. Donc, la naturalité envahissante est peut être gravée dans la mémoire historique des peuples. Quel qu’en soit le cas, dans ce Traité de Théodemir quelque chose d’intéressant commence: les chroniques veulent réécrire le passé d’Abd al-Aziz. Elles le font, selon nous le voyions, fils de Mûsã— après elles feront d’un tel Abd al-Rahmãn héritier des Omeyyades—, dans la première fixation a postériori d’un personnage. À notre avis, celle-ci est la première preuve d’existence réelle. Vu que Abd al-Aziz est déjà un nom arabe en toute règles; usuel quotidien. Cela ne cache point de divinisations, promotion au rang de vedette. Ce Tarico transmuté en Tãriq ibn Ziyãd— un nom qui Bm.Boebmvt!tÖboopodf 358 signifie dfmvj!rvj gsbqqf!mb!qpsuf!ef!gbŽpo!sfufoujttbouf; ceci est trop casuel, approprié pour un conquérant. Ou ce Mûsã ibn Nusayr portant le nom mythique de Moïse— NŸtŒ- en arabe. Ou ce troisième personnage qui vient aider Taric dans la conquête; l’affranchi Nvhj{!bm.Svnj des chroniques: quelle coïncidence opportune que Nvhj{ signifie en arabe dfmvj! rvj! wjfou tfdpvsjs, et que bm.Svnj signifiait alors Cz{boujo. De toute façon, que le recours au spnbo! ef mb! dporv‘uf nous serve pour représenter symboliquement ce que, sans doute, il se passa. 4/6/!Mf!sfgvhf!ijtqbop § 1. En dehors des mythes supposés d’une lecture symbolique intéressante, il paraît évident que la première moitié des années 700 signifia pour l’Hispanie une sanglante séquence de lutte pour le pouvoir que les chroniques appellent qprvft!eft!hpvwfsofvst. Le nom vient imposé par le poste politique dans le langage du chroniqueur: il s’agit de certifier une certaine dépendance de Damas dont la démonstration est difficile; difficulté que les propres sources tardives justifient avec la grande légende frappée après la conquête: les guerres civiles entre tribus arabes, dont nous ne reviendrons pas sur leur fausseté. Cela sert seulement comme référence collatérale: le fait que les adversaires ne fussent pas arabes de la péninsule Arabique, ces Kabyles de Hiyaz déplacés, n’est pas important. L’important est le fait en soi du conflit, à deux niveaux: guerre en Hispanie et guerre dans le futur Maghreb. L’on admet communément qu’à cause du refus de certains impôts, Damas dut envoyer des troupes au nord de l’Afrique. Sans entrer à nouveau à nous demander d’où Damas pouvait obtenir tant de troupes— en principe, l’Islãm s’étendait dans la moitié du monde—, l’on doit soupçonner un conflit armé. Le Maghreb prenait les armes pour ne pas payer et les supposés musulmans durent envoyer des renforts, ou au contraire un pouvoir armé commença à s’organiser et le Maghreb se rebella? D’autre part, les mythiques lignées arabes et les prétendus Berbères de l’Hispanie se disputaient et l’on envoya des troupes syriennes, ou des troupes commencèrent à arriver en Hispanie et tous se disputèrent contre tous? Le bon sens paraît signaler, dans les deux cas, la seconde hypothèse. 359! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou § 2. L’an 717. Nous commentions que, par le principe d’Archimède, un nouveau fracas dans la lutte du règne islamique grandissant contre Byzance cherche une compensation. Le rassemblement des forces émergentes, le recrutement d’anti-Byzantins dans une cohésion plus tard sous l’élastique drapeau de l’islãm, cherche les latéraux de la carte dans son expansion compensatoire. Jusqu’en 740, le désordre social du Maghreb ne laisse pas de pistes claires de son islamisation, mais l’on paraît signaler que, en cette date, le pouvoir coercitif sarrasin est repoussé. S’il faut chercher sur la carte une sortie, le refuge hispano paraît cohérent. Il est évident que l’on ne vit pas une lutte entre religions ou zones, mais pour le pouvoir. Il est également évident que si Balch ne se met pas sous les ordres de ce gouverneur de Murcie Abd alAziz—, c’est parce qu’il n’y a aucune raison pour cela; car il n’existe pas encore une institutionnalisation de l’oriental. Abd al-Aziz est un de plus dans la péninsule décapitée. Si le débarquement depuis l’Orient sur la côte levantine pouvait paraître évident, dans le cas de ce Balch et ses hommes son arrivée est plus logique par le Détroit, vu qu’ils viennent du Sud, non d’Orient. La théorie de tant de portes d’Hispanie se renforce, en minimisant le rôle— même mythique— d’un hypothétique Julien remettant les clés de la très catholique et gothe Hispanie. § 3. Le rôle d’Artobás-ou Ardabasto— partisan de Wittiza, vers la moitié des années 700, nous éclaire sur les brumeux évènements péninsulaires, vu qu’il avait un certain pouvoir dans l’al-Andalus, jusqu’à conserver son titre de comte— comes— aussi dans l’Émirat. Vue ainsi, la guerre civile commencée en 711 entre Rodrigue et Agila— le fils de Wittiza—, les deux aspirant au trône, n’aboutit pas par un simple changement de roi: Rodrigue disparut, les partisans de Wittiza réalisèrent la gestion des biens de la Couronne— les fameuse trois milles fermes— et la vieille famille royale maintint le pouvoir par manque d’autre contrôle. Agila dominait des zones importantes à partir de Tolède, selon paraîtrait-il, de façon similaire à ce tel Théodemir dans le Levant. À Séville, l’w‘rvf!PqqbtÒ!frère de Wittiza— structure un certain ordre qui suit ce que fut le règne de Wittiza et, dans la même ville, son neveu Artobás finit par répartir les troupes récemment arrivées dans les territoires militarisés. Pour le reste, un troisième Bm.Boebmvt!tÖboopodf 35: fils de Wittiza— Olmundo— apparaît jouissant d’une grande prééminence à Cordoue. La proclamation de la!mpj!njmjubjsf!Xbncb! en 673 contemplait déjà que les forces armées dans la péninsule étaient complètement insuffisantes, d’où l’on déduit qu’il n’y a pas à s’étonner du clientélisme nord-africain et antéislamique. L’Hispanie est une terre brûlée, contrôlée par des tfjhofvst! ef! mb! hvfssf. Ceux qui viennent du dehors et qui sont consignés dans les casernes, sont payés avec des terres sur lesquelles ils peuvent en retirer un tribut, avec tout ce que cela peut signifier pour des hommes d’armes. § 4. Les villes se transforment en cantons, et Tolède va disparaître comme capitale. La Chronique Mozarabe de 754 est cohérente— un document transcendantal, même si son auteur et son ambigüité réels peuvent être questionnés— lorsqu’il certifie la perte de l’Hispanie. Mais elle n’est pas reçue comme un trophée de chasse, par dfuuf!c‘uf!tbvwbhf!rvj!sfojàf!vof!usbdf!ef!tboh, comme le conta poétiquement García Gómez évoquant le passage de l’Islãm en Occident. Il s’agit plutôt du parcellement d’un territoire sans contrôle. Le système goth de succession monarchique leur coûta cher; un système électif décidé par des groupes de pression, qui ne garantissait pas la désignation transitoire d’un héritier. De fait, ce système avait fonctionné dans une certaine mesure; les fils de Wittiza reprirent le pouvoir, même si cela fut avec des troupes extra-péninsulaires. Même les chroniques arabes remplies de saveurs politiques et très postérieures admettent le rôle prépondérant des fils de Wittiza dans les premières décades andalusíes. Ainsi, dans la répartition du butin significatif après la chute de Rodrigue, l’on parle de ces uspjt!njmmft gfsnft!sfnjtft!bvy!ßmt!ef!Xjuuj{b. Il ne s’agit donc pas, pour la même raison de diprvf!fousf!djwjmjtbujpot. L’on certifie l’absence de cohésion civilisatrice dans une classe dominante qui est mue par des critères purement économiques et de pouvoir. À partir de ces moments historiques, l’on doit réaliser un ecspvt. tbjmmbhf!tztunbujrvf des sources postérieures. À moins que nous soyons capables de les interpréter dans leur contexte. Par exemple, l’on doit actualiser symboliquement le récit de la Ubcmf! ef! Tbmp. npo: la dispute des héros Taric et Mûsã pour le trésor découvert à Tolède et leur biblique confrontation devant le calife de Damas. Ou le non moins mythologique récit des guerres entre les clans qalbies 361! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou et kaysies en Hispanie, transposition de légendes antéislamiques de la péninsule Arabique.104 § 5. En tout cas, des légendes collatérales l’on peut trier quelques perceptions de la vérité historique. Par exemple, la manière draconienne avec laquelle termine si tôt— 716— la vie de ce Abd al-Aziz: l’on raconte qu’il s’établit à Séville, dans un processus de capitalisation de ce qui était andalusí de la part des villes du sud hispano. L’on raconte également qu’il épousa la veuve de Rodrigue, Egilona; la Umm Asim des chroniques arabes, bien que d’autres disent qu’elle était la fille et non la veuve de Rodrigue. Cette permanente tendance à arabiser des chroniques postérieures est la principale responsable de la perception d’al-Andalus comme un tout homogène islamisé dès 711. En réalité, Abd al-Aziz et son mariage sont illustratifs de l’erreur tactique dans laquelle tomba plus d’un nouveau venu qui s’entoura de partisans de Rodrigue. Dans l’ambiance favorable à Wittiza de la capitale— souvenons-nous du pouvoir de Oppas, évêque de Séville—, Abd al-Aziz paya de sa vie pour s’être mêlé à la famille de Rodrigue. En réalité le Maure Rasis nous raconte qu’il fut exécuté par ordre du calife de Damas, lorsqu’on lui rapporta qu’Abd al-Aziz n’avait pas beaucoup de relation avec les Arabes arrivés récemment, et que par contre il préférait les natifs. Il paraît, aussi, qu’il gardait les bénéfices économiques qu’il n’envoyait pas à Damas. Mais le témoignage de ce Maure Rasis (105) nous sert seulement pour comprendre l’organisation idéale tant sociale, comme politique et économique de deux siècles plus tard. Nous 104 Dans ce sens avance la volumineuse Ijtupjsf!eft!nvtvmnbot!eÖFtqb. hof!kvtrv։!mb!dporv‘uf!ef!mÖBoebmpvtjf qbs!mft!Bmnpsbwjeft (711-1110), Leiden, 1961. L’auteur, Reinhart P. Dozy, incorpore un premier volume complet sur les guerres civiles dont après sa lecture l’on peut penser que les Péninsules Arabique et Ibérique sont limitrophes. Tel esprit de faiseur de miracles orientaliste et mythique, réactivant le concept non moins mythique et persistant de reconquête, fut translittéré par l’orientaliste espagnol Simonet, et de ces poussières, ces boues: l’école des Banu Simonet en Espagne vit aujourd’hui sa plus grande époque de splendeur. Voir Ijtupsjb! ef! mpt nvtvmnboft! ef! Ftqb—b. (4 vols.) Madrid: Turner, 1988. 105 Ce Maure Rasis des traductions postérieures était, en réalité, al-Rãzî, Muhammad b. Mûsã. Auteur d’annales Ijtupjsf! eft! spjt! eÖbm.Boebmvt — aux alentours de 961. À cause de la date, sa tendance idéologique postérieure est évidente. Bm.Boebmvt!tÖboopodf 362 ne pouvons admettre d’aucune façon que dans l’époque qui nous concerne il put y avoir une claire idée d’imposition ou— même— institutionnelle islamique ni à Damas, et encore moins à partir de Damas sur de tels confins méditerranéens. 4/7/!Mft!qsfnjfst!hpvwfsofvst § 1. Pour l’instant, nous devrions peut-être retourner à nouveau à la mort de ce partisan de Rodrigue Abd al-Aziz dans la ville de Séville favorable à Wittiza— 716. À partir de cette année jusqu’à 756 où arrive le célèbre Abd al-Rahmãn, à al-Andalus il lui restait quarante ans que les chroniqueurs appelèrent l’époque des gouverneurs— valies, de walli, en arabe—, peut-être dans la postérieure intention permanente déjà dénoncée de faire que tout le passé puisse caser avec le pouvoir établi de Damas. Au lieu de chefs locaux nous les appelons gouverneurs de Damas, et ainsi apparaît plus institutionnel et avec une certaine cohésion, tout ce qui se formera dans la croissante capitale omeyyade syrienne. Pratiquement, l’époque des gouverneurs dut être convulsée par l’atomisation territoriale sans le sentiment minime d’une poussée d’un élément étranger, mais plutôt la relève d’hommes qui servaient, à ce moment-là, de marionnettes pour les élucubrations politiques et économiques— encore survivantes— des clans territoriaux. Quand en 713-722 quelques vallées d’Asturies efwjfoofou!joe. qfoebouft sous la direction de Pelayo, et dix ans après le font les Vascons, l’on peut difficilement concevoir tels évènements comme un parti pris face à l’islãm, mais plutôt comme un des épisodes de plus dans le désastre péninsulaire. Ce sera précisément, l’évêque Oppas de Séville qui prétendra que Pelayo se joignît à certain ordre émergent avec les forces d’appui signalées Mais ni Pelayo ni ses successeurs accepterons de faire partie de la croissante structuration andalusíe. Précisément son successeur Alphonse I (739-757), gendre de Pelayo— selon ce que l’on raconte— réussira une certaine expansion vers la Galice, le nord du Portugal et vers La Rioja, créant des zones oÖbqqbsufobou!‰!qfstpoof qui dans le futur s’appelleront nbsrvft; terres en affrontement permanent. Connecter ce processus d’une localisation de pouvoir, avec la future colle étatique des Rois Catholiques— la religion— est une ijtupjsf.ßdujpo. 363! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou § 2. Ainsi, pendant ces étranges et accélérés quarante ans, quelques vingt noms vont et viennent dans les chroniques comme hommes forts d’un al-Andalus fluctuant, centralisé parfois à partir de Séville, parfois à partir de Cordoue, et peu de fois à partir de Tolède. Il faut souligner que, à partir de ce moment tous les noms vont s’arabiser. Vu que nous possédons seulement une documentation très postérieure— c’est le point sur lequel nous insistons-; d’une époque éminemment arabisée, repasser les protagonistes de chaque époque antérieure sera accompagné de son étiquetage avec un nom arabe, en faisant abstraction de que son milieu culturel fut cette langue ou non, et avec des réserves très spéciales à ce sujet. D’entre ces vingt noms déjà arabisés certains se distinguent beaucoup du reste, dû à une gestion éminente d’un al-Andalus qui ne coïncide encore en rien avec la carte omeyyade postérieure. Pour faire un compte rendu de ce qui est remarquable à l’époque, le troisième hpvwfsofvs, par exemple, est celui qui porte un nom arabe bm.Ivss!Ò!mf!mjcsfÒ!)827.82:*, et il paraît qu’il provenait d’Ifrîqiyya— qui plus tard servira à nommer la zone de la Tunisie, sommaire structuration du nord de l’Afrique. Que cet al-Hurr appartînt ou pas au logique environnement local— plutôt latino-parlant —, ce qui est remarquable dans son passage pour l’histoire qui est déjà d’al-Andalus réside en deux faits transcendantaux, tous deux en relation avec une certaine stabilité dans le demi-siècle convulsé que nous traitons: il fit battre une monnaie et s’établit à Cordoue. § 3. Qu’il s’établît à Cordoue est en général dans la documentation d’annales ainsi que le fait qu’il transférât la capitale à Cordoue d’une manière peut-être un peu prétentieuse à ce moment-là. De toute façon, ce qui est certain c’est que de là il réalisa la gestion de ses occasionnelles allées et venues sollicitant des soutiens. En ce qui concerne la frappe de la monnaie, al-Hurr fut celui qui émît les célèbres dinars bilingues— en réalité, il s’agissait encore de sous goths. Il faut remarquer que le fait de battre une monnaie doit s’interpréter comme la recherche d’une spécificité et nécessaire gestion économique propre. Donc, l’on ne doit pas voir en cela une spécificité strictement andalusíe, mais plutôt une certaine continuité dans ce qui est hispano. Dit d’une autre façon: cet homme— le gouverneur al-Hurr — ne peut pas être conscient d’une soumission à Damas. Pas plus qu’une Bm.Boebmvt!tÖboopodf 364 réaction de celle-ci pour la frappe de la monnaie, voulant impliquer une proto-indépendance: il ne sera pas nécessaire de proclamer une indépendance andalusíe car celle-ci naît déjà en certaines zones grâce à leurs propres lois. Chaotiques au début, oui, mais propres. Il faut souligner également que sur la monnaie bilingue qu’il frappe apparaît seulement la proclamation unitaire— tawhid, en arabe—: il n’y a qu’un Dieu. Fo!mbujo!fu!fo!bsbcf-!fu!tbot!sg. sfodf!bvdvof!bv!qspqiuf!Nbipnfu. § 4. Après l’émission de la monnaie, al-Hurr établit différentes me- sures de contrôle sur la population, paraîtrait-il, gravant toutes les communautés andalusíes avec différents types d’impôts. Aux NordAfricains il leur quitta une partie du butin accumulé, dans une certaine mesure reconnaissant que le territoire qu’ils occupaient n’était pas une terre de conquête. Il greva les nouveaux venus et les habitants de façon similaire, ainsi qu’il dut encourir certaines inimitiés qu’hérita, en tout cas, son successeur— al-Samh (719-721)— occupé par des troubles périphériques de grave transcendance dans les chroniques. En tout cas, l’on méconnait le mode de succession dans la séquence de ces gouverneurs, vu que rappeler une nomination en Ifrîqiyya à l’époque ne paraît pas signifier beaucoup plus qu’une volonté de pouvoir. La manière avec laquelle certains disparaissent simplement, fait penser que la technique de succession des Goths continuait à être présente dans l’instable al-Andalus, avec le besoin de revalider le titre inhérent à toute nomination non communément admise. Al-Samh passa pour être le premier qui commença à faire battre la monnaie exclusivement en arabe, comme saut qualitatif important dans le processus d’établissement et décantation de l’andalusí. Jusqu’à présent, nous n’avons pas respecté, délibérément, la séquence mythique de la conquête— les routes de Taric, Mûsã, Mugiz—, vu que la seule chose évidente réside en sa propre impossibilité. Si Rodrigue dut partir en expédition vers la Vasconie juste après être monté sur le trône, il paraît normal qu’il pût se produire des fyqejujpot!jobvhv. sbmft de ces hpvwfsofvst; en réalité, des tentatives de succession de ce roi. Ceci dit, à présent, l’on doit souligner quelque chose que nous insinuions précédemment: quelque chose se passa dans la Gaule— la France actuelle. Qu’un monsieur établit à Cordoue, qui entreprend la tâche de reconstruire le pont romain, qui éloigne le cimetière pour 365! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou agrandir la ville…Qu’il se plongea dans une aventure française cela n’a pas de sens, disions-nous, et bien sûr ses sérieux problèmes dans la province pyrénéenne en sont bien consignés. § 5. Doit-on accepter réellement la soumission d’al-Samh à Damas, et l’ordre d’attaquer la France? Ou doit-on penser, au contraire, qu’il se passait déjà quelque chose au-delà des Pyrénées, et al-Samh décida attaquer des positions avec si peu de vision stratégique?— car il n’y a rien de pire qu’attaquer avec des montagnes en arrière-garde. La question est la suivante: al-Samh mourut au combat au-delà des Pyrénées. Donc, ou cela répond à une des questions précédentes, ou à une dernière hypothèse d’une certaine importance: peut-être était-il en train de fuir. Dans n’importe quel cas, cette dernière hypothèse ne case pas avec ce qui se produisit postérieurement en France: les deux ou trois gouverneurs suivants s’engagèrent aussi dans la campagne. Donc, la mort d’al-Samh à Toulouse, en 721, aux mains de l’armée d’Eudes d’Aquitaine, s’enchaîne indéfectiblement avec l’élément postérieur de Poitiers, sans que rationnellement l’on puisse comprendre qu’avions-nous perdu dans ces terres-là, à part— comme nous l’annoncions— de possibles fuites de la péninsule dans les périodes de permanents soulèvements. Bocbtb!)832.837*, le gouverneur suivant, comme nous le disions, consolida un certain pouvoir péninsulaire au-delà des Pyrénées. Sous son gouvernement commence avec clarté l’indépendantisme d’Asturies déjà cité, autour du personnage de Pelayo. Le fait de que, pour faire entendre raison au nord irrédentiste, l’on envoya l’évêque sévillan Oppas— frère de Wittiza—, peut cacher une possible culbute dans l’interprétation de l’histoire andalusíe de cette période-là. La question est la suivante: les gouverneurs vont et viennent aux points du territoire qui ont le plus de conflits, ils meurent au combat, ils se succèdent à un rythme d’un tous les deux ans, et les maîtres d’al-Andalus en termes économiques— les partisans de Wittiza— restent dans leurs propriétés derrière les murs des villes? Telle rareté dans le comportement ne cacherait-elle pas une certaine volonté d’élever en réalité dft!hpvwfsofvst!bv!tjnqmf!sboh!ef! difgt!fyqejujpoobjsft-!nfofvst!ef!gbdujpot!bsnft@!Dans un territoire de structure si compliquée, en périodes si proclives à l’affrontement, seul un fou ou un délégué partirait pour consolider des zones au-delà des Pyrénées. Bm.Boebmvt!tÖboopodf 366 § 6. Effectivement, pendant ce temps, la noblesse wisigothe reste dans les villes, même si meurent les supposées autorités maximales. L’histoire nous cache ou exagère quelque chose. De toute façon, les conflits continuent au-delà des Pyrénées jusqu’à la date emblématique de la bataille de Poitiers, en l’an islamique 114, année chrétienne 732.106 En cette bataille le gouverneur al-Gafiqi (730-732) perd la vie. Mais entre Anbasa et al-Gafiqi, pendant quatre ans de transition se succèdent ni plus ni moins que six gouverneurs. Par surcroît, al-Gafiqi avait déjà été désigné pendant deux mois en 721, d’où se renforce la théorie de que les supposés gouverneurs durent être des chefs pacificateurs/expéditionnaires d’un certain pouvoir constitué, ou peut-être même le souvenir des factions simultanées que les chroniqueurs alignèrent chronologiquement. Poitiers est rappelée dans les chroniques comme quelque chose de beaucoup plus douloureux qu’une de tant de razzias perdues. Il s’en suit que la signification finale doit être rapportée à un mouvement démographique draconien. Si dans la bataille l’on se souvient plus du retour que de l’aller, c’est que, probablement, Qpjujfst! nbsrvf!mb!ebuf!eÖvof!eqpsubujpo. Effectivement, avant 732 se produisit une certaine révolte sociale dans le sud de la France. Un an avant des masses entrèrent dans l’emblématique monastère de Saint Matin de Tours et le détruisirent. § 7. Dans le contexte de ces claires révoltes sociales— de tendance indubitablement religieuse—, Charles Martel, roi des Francs, commença une bataille avec Eudes d’Aquitaine. Il ne paraît donc pas, qu’il se traitât de repousser une invasion, mais plutôt une guerre entre voisins comme tant d’autres en Europe. Comme celles de l’Hispanie ou d’al-Andalus d’alors. Martel est vainqueur, et entre Tours et Poitiers, en 732, a lieu une bataille dans laquelle meurt— 106 Nous en profitons pour souligner le problème que représentent les doubles dates: l’année islamique étant composée de mois lunaires, la conversion des dates n’est pas si facile comme, simplement additionner 622 à la date islamique— année 0 pour le calcul islamique. À part l’existence de tables de conversion très fiables— de celle de Ocaña jusqu’aux applications informatiques très complètes—, en général et avec ses déficiences, l’on peut employer la formule suivante: C= (H+622) — H/33. D’où C est la ebuf!disujfoof et H est la date islamique— ou de l’Hégire. Ainsi, l’année islamique 114 correspondrait avec l’an chrétien 732. 367! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou comme nous le disions al-Gafiqi, mais l’on ne se souvient pas qu’il y ait eut beaucoup de morts. Par contre, oui, comme un douloureux pèlerinage de retour par le chemin appelé Balat al-shuhadá — la chaussée des martyrs. C’est pourquoi, malgré la transcendance mythique du prétendu arrêt de l’Islãm, à Poitiers il dut se passer quelque chose de plus pour justifier le souvenir d’un long chemin pour retourner chez eux. Ce deuxième hpvwfsofvs andalusí mort en France, al-Gafiqi, avait dû résoudre aussi un soulèvement en Aragon ayant comme protagoniste un Nord-Africain, Munusa. Tel affrontement s’enchaîne d’une manière intéressante avec le chapitre opaque de Poitiers vu que le tel Munusa, essayant de créer ses propres zones de pouvoir, fit une alliance avec Eudes d’Aquitaine grâce au mariage qu’il contracta avec la fille de celui-ci. L’épisode du roi des Francs et Poitiers n’est pas si transparent, comme nous pouvons l’observer; cela ressemble plutôt à un choque entre deux structures chaotiques avec quelque phénomène migratoire qui après 732 pris le chemin du retour— ou peut-être seul d’aller, s’il se traitait d’une expulsion. § 8. À la mort d’al-Gafiqi, ce sera Ben Qatan (732-734) qui devra suffoquer une autre révolte paradigmatique: celle des Vascons, chapitre qui n’était pas encore résolu depuis l’expédition de Rodrigue un an avant sa disparition. Mauvais stratège, Ben Qatan perdit dans un emblématique affrontement avec les Vascons (733), ceux-ci attribueront leur victoire à l’apparition de la Vierge Marie. Avec un tel apport miraculeux, il paraîtrait que les chroniques superposent cet épisode de 733 dans les terres vascones sur l’épisode de l’an 722 avec Pelayo à Convadonga. De la translation des évènements il s’ensuivra une certaine fixation dans l’imaginaire collectif, et il va être difficile de séparer la révolte de Pelayo de l’apparition de la Vierge, ou de celle-ci et la victoire vascone en 733. Le souvenir historique de ce Ben Qatan comme très mauvais stratège et gestionnaire aurait pu rester gravé par une œuvre de propagande de son successeur, bm.Tbmvmj!)845.851*, vu que par un coup de main il l’emprisonna et se mit à la tête des effectifs militaires, disposé à éradiquer les désirs d’indépendance de certains coins andalusís. Homme d’action, après avoir frappé à nouveau audelà des Pyrénées il se fit avec le contrôle d’Arles, Narbonne et le Rhône— minimisant, ainsi la projection du mythe de Poitiers—, Bm.Boebmvt!tÖboopodf 368 pour finalement, et comme il s’il s’agissait d’vof!sgvubujpo, retourner à Cordoue et sauter au nord de l’Afrique, où il y avait du travail pour n’importe quel détachement militaire: ef!84:!‰!851-!jm!dmbub! vof!hsboef!swpmuf!opse.bgsjdbjof!dpousf!mf!qpvwpjs!jtmbnj. rvf. Révolte que nous avions annoncée brièvement pour justifier le tbvu!‰!bm.Boebmvt des groupes militarisés autour de Balch. § 9. Jusqu’ici, l’histoire des gouverneurs d’al-Andalus mérite la réflexion sommaire que nous annoncions sur une question: étaientils réellement gouverneurs, nommés par un pouvoir supérieur— damascène?—, ou simplement clients avec des troupes dont ils réalisaient la gestion pour d’autres— ou pour eux-mêmes — afin de contrôler les mouvements de pouvoir dans al-Andalus? Plus que périodes de gestion, tous les gouverneurs eurent une mission; ils paraissaient plutôt mercenaires; clients, comme ces Goths et Vandales— Genséric— qui sautaient le Détroit où l’on en avait besoin et où l’on offrait un butin. Pendant tout cela, les gbnjmmft! hispanes continuaient dans les villes ou avec leur ufssbufofodjb! jo! bctfoujb! invétérée: maîtres de terres mises à disposition pour en recevoir des rentes. Bien qu’à l’époque l’on n’était pas enclin à des ramassages systématiques des récoltes, vu que les annales ne s’abstiennent précisément pas de signaler des graves famines et des pestes postérieures. À ce point de vue, le etbtusf!ef!mÖIjtqbojf et sa conversion en al-Andalus apparaissent avec une nouvelle nuance. Cela est dû à que des mouvements de troupes apparaissent superposés sur la vie des villes; des villes qui peuvent changer leur configuration, mais qui— curieusement— continuent avec leurs difficiles équilibres de pouvoir, étrangères à tout ce que le futur leur réserve, et même dpowprvbou! eft!dpodjmft!fddmtjbtujrvft/ 4/8/!Efvyjnf!qsjpef!eft!hpvwfsofvst § 1. Vers 739, a lieu une révolte généralisée dans le Maghreb, ali- mentée par un leader, ancien porteur d’eau de Kairouan, Maysara. Comme ses prédécesseurs— la prêtresse Kãhina, et le célèbre Kusayla/Cecilio— Maysara n’est pas un homme bleu du désert qui s’est levé en armes pour la légendaire liberté du désert. Non: Maysara est un Nord-Africain dont l’ardeur autochtone se chiffre en termes 369! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou économiques et culturels. Le thermomètre qui mesure les révoltes dans le Maghreb et al-Andalus sert à calibrer le grade d’ingérence islamique dans les affaires locales, et indique aussi le grade d’exclusivisme de cette nouvelle civilisation orientale. À mesure que le sarrasin devient de plus en plus islamique, à mesure que Damas devient toujours plus arabe et islamique, à mesure que les troupes qui agissent en Occident incorporent de plus en plus arabophones, les révoltent seront plus importantes. C’est, de ce point de vue, que nous pouvons percevoir le vrai concept de la conquête islamique: sans révoltes accréditées il n’y a pas de changements imposés, et si les révoltes accréditées répondent à un ordre antéislamique, il n’y a pas non plus de changement imposé. Dfmmft!eft!booft!811!ebot!bm.Boebmvt!tpou! eft!swpmuft!ef!dmjfoumjtnf!qptu.xjtjhpui-!jodpsqpsbou!eft! uspvqft!usbohsft— éminemment nord-africaines et non nécessairement arabes. § 2. À l’époque qui nous concerne— 740, l’intervention d’al-Andalus dans les révoltes du Maghreb—, il y a deux récapitulations essentielles qui doivent être signalées. Le ubxije, qui signifie littéralement vojdju proclamation islamique de l’unicité divine est arrivé; le premier commandement islamique et, donc, sa raison d’être. Nous annoncions que la lutte des classes méditerranéenne se structura un jour autour du concept dogmatique chrétien de mÖipnp.pvtjpo — de la même nature— face à l’opposition de celui-ci. Il s’agissait de hpcfs la consubstantiation, le dogme du Dieu Fils donc, le trinitarisme. Nous annoncions également la raison originaire de l’islãm face à ce dogme inespéré dans tout l’univers monothéiste méditerranéen oriental. Bien: rvboe!bv! esbqfbv!hsfdÒ!qbtt!bv!mbujoÒ!ef! mÖipnp.pvtjpo-!tÖpqqptf! mf!esbqfbv!bsbcf!ev! ubxije-!m֏qprvf!jtmbnjrvf!tfsb!bssj. wf/ Dans quel sens doit-on interpréter ce qui précède? L’opposition au trinitarisme avait déjà été initialement proclamée en latin ou en grec, et seulement avec l’éclosion de la tzouitf!bsbcf l’unicité non trinitaire se montre comme quelque chose également idéologique. C’était un refus, et maintenant c’est une proclamation propre. Quand l’on frappe les premières monnaies dans al-Andalus et Damas présentant une même légende bilingue— opo!efvt!ojtj Efvt- et mb! Bm.Boebmvt!tÖboopodf 36: jmbib!jmb!Bmmbi—, l’jepmphjf!e֏ubu est déjà claire: contre Byzance. Et la projection future vers l’exclusivisme arabe est annoncée sur l’bwfst! de la monnaie. A l’époque qui nous concerne— moitié des années 700—, ebot!bm.Boebmvt!mÖpo!dpnnfodf!‰!gsbqqfs!eft! npoobjft!bwfd!mb!mhfoef!tfvmfnfou!fo!bsbcf/!MÖbsbcjtbujpo! dpnnfodf. Et nous insistons: il n’y a encore aucune trace de Mahomet. Ce qui rend l’acceptation des choses plus simple. § 3. L’histoire des premiers gouverneurs rappelle celle des Wisigoths. Effectivement, l’on peut se poser la question sur deux superpositions mythologiques dans l’histoire d’al-Andalus: en premier lieu, l’adaptation, déjà suffisamment traitée, à al-Andalus des mythes guerriers antéislamiques de l’Arabia Felix— le feuilleton des chroniques des clans Kalbíes face aux Qaysíes. En second lieu, les incursions des premiers gouverneurs, inespérément à la merci de la France. Cela n’a pas de sens. L’histoire de ces gouverneurs est superposée sur le silence documentaire de ce que dût être le siècle critique qui nous concerne. Ces walis avec une mission de châtiment, leur tragique aller et venir— incompatible avec de supposés gestionnaires d’une province—, l’obsession des chroniques de la part des Berbères dans la péninsule Ibérique, le drame de la chaussée des martyrs de France et le passage du Détroit à la moitié des années 700. Repensons cette partie de l’histoire mythique, et enlaçons avec un passé étrangement insignifiant, car l’on affirme que les Goths étaient arrivés plus ou moins invités. Cette fixation pendant les années 700 de traverser les Pyrénées, cela ne ressemble-t-il pas à une ejbtupmf! hispano/andalusíe; une réaction face au manque invétéré de sécurité dans ce tfvjm!csbombou!ev Opse? L’obsession des chroniques de raconter des évènements en France; la tragédie du retour de Poitiers… Of!tfspou.jmt!qbt!fo!usbjo!ef!opvt!dpoufs! ‰!opvwfbv!mÖbssjwf!eft!Hpuit!fo!Ijtqbojf@ En premier lieu, tant de référence berbères soudainement dans la péninsule dans tant de guerres civiles résulte plus crédible comme— à nouveau— le souvenir de tant de cbscbsft à l’époque romaine. § 4. D’autre part, l’exagération dans le drame du retour de Poitiers n’a pas de sens. Comme n’en aura pas non plus la postérieure exagération de Roncevaux— malgré que dans ce cas l’on peut argu- 371! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou menter un certain impératif poétique. Mais nous pouvons établir une certaine séquence: Poitiers, Charlemagne à Saragosse, Roncevaux… Réellement devons-nous continuer à proposer une avide chevauchée islamique arrêtée à la fin, ou les trois évènements cités indiquent la manière avec laquelle al-Andalus réussit, finalement, à fermer la péninsule face à un passé si dangereux au Nord? Il faut ce souvenir que Rome et le reste des grandes invasions péninsulaires étaient entrés par là. Quelque chose est resté gravé dans le paysage imaginaire hispano, qui maintenant se transplante à l’andalusí: cela pourrait être la défaite des Goths face aux Francs, leur réclusion obligée sur le sol hispano, ainsi que le progressif et difficile nouvel ordre social basé sur le dmjfoumjtnf de Rome et les affrontements permanents. Effectivement, l’enregistrement dans les chroniques de l’inespéré passage démographique après Poitiers— 732—, la dibvttf! eft! nbsuzst— apparaît plutôt comme un souvenir superposé de la vieille et transcendantale bataille de Vouillé— 507— dans laquelle les Francs poussèrent les Goths à passer les Pyrénées en direction de l’Hispanie. Et le saut— que nous raconterons bientôt— d’bm.Tb. mvmj!et après Cfo!Rbubo au Maghreb, ressemble plutôt à l’histoire de Genséric, le Vandale. § 5. À partir d’ici, nous revenons en trinquant pour la normalité critique des processus, et admettons, que dans le souvenir historique du désastre de l’occupation islamique peut se verser en grande partie le désastre non moins important— même, si celui-ci ne fut pas raconté dans sa sanglante réalité— des Wisigoths en Hispanie. Ceux qui dans les chroniques apparaissent comme une simple relève de Rome. Et peut-être est-on en train de décharger aussi une grande partie de l’invasion romaine, qui partit des mêmes endroits pyrénéens déjà cités. Souvenons-nous que toute histoire cachée attend sa vengeance. Pour le reste, l’intervention du nord du Détroit dans la crise du sud péninsulaire est seulement compréhensible comme dpousbd. uvfmmf. Le passage volontaire du Détroit à cette époque dut être comme tomber de Charybde en Scylla, si ce n’est que le travail de ces supposés hpvwfsofvst fut, précisément, celui-ci: intervenir sur commande. Ceci représente ce que l’on peut déduire de l’histoire des années 700 en Hispanie/al-Andalus, et ainsi arrivent au Ma- Bm.Boebmvt!tÖboopodf 372 ghreb — selon ce que l’on nous raconte— les deux derniers gouverneurs antérieurement cités, Ben Qatan et al-Saluli. Sur commande, pour piller, par vocation, ou— au contraire— ils n’arrivèrent pas et ils n’existèrent pas non plus? D’accord: nous nous en remettons à la lecture symbolique périmée des chroniques. § 6. De cette manière, nous avions laissé l’ancien porteur d’eau Maysara arasant la ville de Kairouan, comme un clair refus à une— c’est ainsi indiqué— remarquable augmentation de la pression islamique. Les chroniques parlent de deux noms dans cette période et zone: Kulsúm et Balch; qui signifie le kpvgàv et le csjmmbou- respectivement. Et l’on en remercie la traduction, qui introduit quelque chose de militaire et cocasse au-delà de l’invétéré et révérencieux commissionnaire religieux de l’islãm qui nous raconte toujours son avance de par le monde. Ces Joufflu et Brillant— sans aucun doute, soldats tentant leur chance-; ces Kulsúm et Balch, sont noms antéislamiques chaussés à l’islamique pour la narration de soulèvements pris pour une conquête. En 741, meurt le premier, Kulsúm, dans le fleuve Sebou, après de sanglants affrontements dans la zone marocaine de l’actuelle Fès. Peu importe s’il était un envoyé d’Orient— improbable— ou un chef local bsbcjt! ‰! qptufsjpsj. Ce qui est certain c’est que le centre montagneux marocain ne va pas être un labeur facile pour une homogénéisation du pouvoir depuis l’Orient. Nous nous en remettons à l’histoire postérieure: toute la structuration de ce territoire viendra du Sud, et sera absolument différenciable de sa gspoujsf orientale. La soif bvupdiupoe marocaine est une constante historique, même lorsque l’on adjective comme sympathisant des Français. § 7. Le second personnage, Balch, survit après l’affrontement de 741 et se réfugie dans al-Andalus. Cette portion de l’histoire en mouvement doit être signalée pour tout ce qui la rattachera avec la grande interprétation chronique/romanesque de cette époque: le célèbre livre — que nous traiterons plus tard— appelé BlicŒs!Nb. dinb— recompilation de nouvelles. Pour le moment restons avec Balch qui doit monter vers al-Andalus pour s’échapper du danger marocain. Il se produisit, ainsi, un distant effet d’appel à cause de la situation chaotique d’al-Andalus sans tête et un Maghreb sur le pied de guerre. Et peut-être doit-on enchaîner cette actuation dans 373! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou le Détroit avec l’aventure française déjà racontée: parce qu’il se peut qu’al-Andalus, à moitié des années 700, essayât de diminuer les problèmes au Nord et au Sud. La référence comparative n’est pas futile: un territoire qui veut arranger ses portes est un territoire qui a conscience d’être quelque chose. Non pas, simplement, un territoire de passage. Même si nous questionnons la délégation damascène sur la séquence de supposés gouverneurs; même si nous affirmions qu’il s’agissait, plutôt, de contingents armés clients d’un certain projet chaotique d’état, quoi qu’il en soit, al-Andalus veut être al-Andalus. Enfin, tout n’est pas poussière et cendres dans l’ubu!eft wjmmft. ubu dans lequel l’Hispanie recevait les années 700. De fait, l’arrivée de ces combattants— avec Balch— aux territoires péninsulaires, est mise à profit par vo!eft!sbsft! ipnnft!gpsut!eÖbm.Boebmvt;! Bsupcˆt-! mf! ßmt! ef! Xjuuj{b. Cet Artobás dpotjhof les hommes de Balch dans divers endroits éloignés des villes principales, mais à une distance suffisante pour être appelés, au cas d’avoir besoin de leur service. Concrètement, le territoire de la moitié sud hispano-andalusí commence à se structurer timidement avec un certain shjnf!njmjubjsf à Jaén, Séville, Malaga et même Tolède. Que fait encore Artobás comme ipnnf!gpsu- si nous respectons la légende de la cavalerie islamique comme un fléau de sauterelles sur un monde préalable? Nous reviendrons sur cela, car Artobás recevra les plus grands honneurs du premier homme d’État andalusí, Abd al-Rahmãn I. § 8. À cette époque-là, se produisit un évènement significatif de ce que nous prétendons décrire comme processus plus transitoire qu’envahisseur. Balch est nommé gouverneur, comme le dix-septième des vingt qu’incluent les chroniques arabes. Réellement doiton continuer à penser à ces vingt comme gouverneurs? Réellement peut-on penser que le calife de Damas a du pouvoir sur al-Andalus, quand nous voyons que c’est Artobás le fils de Wittiza qui répartit les troupes et commande des travaux militaires? Dans cet ordre de choses, il n’est pas pertinent d’insinuer certaines loyautés institutionnelles orientales dans une époque de formation simultanée des différents Islãms politiques, qui dans le futur configureront un seul système culturel. À la longue et la confusion, l’anti-byzantinisme — nous le voyions— s’appellera Islãm; les partisans de Rodrigue et de Bm.Boebmvt!tÖboopodf 374 Wittiza se sépareront, la ville et la campagne maintiendront leurs lois différentielles et l’apport d’un devenir oriental— d’un Orient toujours plus homogène, islamique— se décantera— nous insistons, à la longue— en deux classes urbaines bien reconnaissables, ceux d’ici et les orientaux. Même si la lecture postérieure islamique établît, que dfvy!eÖjdj— sans importance— soient, contre tout pronostique, ceux du dehors— de vieux musulmans. Comme l’antiquité est toujours un grade, le déphasage entre ceux de l’intérieur et ceux qui arrivent, est servit. La question est si la tension entre les cbmbe“ft— du pays, mais dfmvj!ev!efipstÒ!et les nvmbe“ftÒ! convertis aux nouvelles idées; à l’islãm— ne serait pas plutôt une dichotomie postérieure; d’une époque où être oriental marque un grade. Ou, dit d’une autre manière, réellement peut-on appelé cbmbe“ (sans importance) le vieux musulman oriental? Ne serait-ce pas une des nombreuses tendances postérieures et arbitraires à cataloguer, si hispane? Parce qu’être un vieux musulman aura quelques siècles après une claire interprétation: ‰!dpousf.dpv. sbou/ Une plaie mal fermée: il arrivera un moment où certaines familles se nomment elles-mêmes cbmbe“ftÒ!wjfvy!nvtvmnbotÒ-! jowfoubou!ef!mpohvft!hobmphjft!psjfoubmft!ef!wsjßdbujpo! jnqpttjcmf/!Qfoebou!df!ufnqt!jmt!rvbmjßfspou!mf!cbt!qfvqmf! ef!nvmbe“ftÒ!dpowfsujt!à l’islãm. Il n’y a rien de plus commun que la fureur du néophyte. Il n’y a rien de plus ibérique que le musulman, chrétien-démocrate?— efqvjt!upvkpvst. § 9. D’autre part, les contingents se différencieront également de façon claire entre deux types: troupes dans les villes, et troupes dans les casernements— en arabe, yund— éloignés des villes importantes et générant une espèce de féodalisme militaire, finalement, l’unique mode de structurer la vie en province. Ces provinces militarisées, ces dpsbt! zvoe“ft, offrirent un contingent armé insubstituable, parfaitement différentiable des troupes hispano-romaines ou nord-africaines. Il paraîtrait, que le célèbre Balch qui les commandait mourut violemment en 742— nous le verrons après; celui qui vit par l’épée…—, par conséquent tels yundíes pouvaient être en train d’attendre un certain type de leadership et un meilleur stimulant que ces prébendes territoriales éloignées des vrais centres de décision— les villes. Dans le futur, à la mosaïque des sphères de pouvoir dans la péninsule, il faudra y ajouter la difficulté 375! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou au moment de négocier les clientélismes militaires. Et c’est par là, dans ces conditions que pourra éclore le personnage remarquable: le premier émir d’al-Andalus, Abd al-Rahmãn. Mais n’avançons pas les évènements. Entre ces soldats arrivés et consignés— nous les appelions yundíes—, il paraîtrait que certains viendraient déjà d’Orient. De l’Orient arabe hellénisé autour de Damas; un Orient appelé Tbin en arabe, et c’est pourquoi entre tels soldats! l’on commencera à distinguer les shamiyún— Syriens— par leur langue et corporatisme. La liste de population andalusíe n’avait pas été bouleversée drastiquement jusqu’alors, malgré ce que reflètent les récits d’jowbtjpot! de NordAfricains. Nous insistons: le Nord-Africain n’est pas le Berbère d’aujourd’hui, celui qui remonta avec Almoravides et Almohades, et les chroniques ont beau nous le faire croire ainsi. Mais, maintenant, quelque chose est vraiment en train de changer: dft! Tzsjfot!bq. qbsbjttfou!dpnnf!Tbssbtjot!ebot!mÖIjtqbojf!qs.boebmvt“f/! Jmt!bqqpsufou!ek‰!mÖbsbcf!fu!vo!jtmŒn!ifmmojt, compréhensible pour un Hispano-andalusí moyen— anti-byzantin, antitrinitaire. Probablement, cet islãm est encore de facile adaptation pour être encore qs.nbipnubo. Sûrement, la vie du Prophète ou même le Livre Sacré ne circulaient pas encore de bouche en bouche. § 10. D’autre part, nous devons continuer à insister sur l’impossibilité de penser l’époque des gouverneurs comme dépendant de Damas, ou même sur quelque caractère officiel au sujet de cette séquence d’hommes armés qui venaient en aide là où l’on en avait besoin. Des troupes qui sont consignées pour ne pas interférer dans la vie des villes. Quand Balch acquit un certain pouvoir, son supposé prédécesseur Ben Qatan est exécuté. De fait, l’on raconte qu’il fut crucifié avec d’un côté un cochon et de l’autre un chien, d’où l’on peut déduire que les relacions avec son successeur, Balch, ne furent pas bonnes. Et finalement, l’on raconte que les fils de ce Ben Qatan crucifié furent ceux qui s’affrontèrent aux troupes de Balch dans la dernière bataille de celui-ci. En fin de compte, devons-nous vraiment parler d’une certaine intuition de gouvernement associée à ces hommes armés? Ne serait-ce pas, plutôt, un feuilleton armé— et économisons le quatre-vingt-dix pour cent de ce qui est exposé dans les chroniques—, un reflet d’anarchie pour ceux qui prétendent commencer un état? Bm.Boebmvt!tÖboopodf 376 Et c’est ainsi: dans ces périodes si changeantes, que s’ébauche une certaine esquisse évolutive qui annonce le début de l’islamisation réelle d’al-Andalus. Fo!858!tf!qspevju!vof!qsfnjsf!hsboef swpmuf! ‰! Dpsepvf, dans le quartier de Secunda. Le quartier se soulèvera à nouveau dans l’époque déjà avancée du Califat, et la ville ne renoncera pas à ses révoltes à chaque période de changement— mozarabes, al-Mansûr, Taifas…— c’est pourquoi opvt! dpnqupot! tvs! eÖbvusft! uifsnpnusft! qpvs! nftvsfs! mÖbn. qmfvs! ev! dibohfnfou! tpdjpqpmjujrvf! boebmvt“;! mft! swpmuft! dpsepvboft/ § 11. En tout cas, il paraît opportun de signaler que les révoltes dans les villes importantes sont déjà, dès cette année 747, indicatrices d’une époque de changement intensif. Quand se produisit— nous insistons— la révolte de ceux que l’on a appelé mozarabes, cela implique probablement la fin prévisible du processus. Il y a déjà beaucoup de pages où nous le définîmes plus ou moins ainsi: l’ordre social dans le processus d’islamisation est entreprit subtilement, et ce qui coexiste avec des modes sociaux wisigoths— devenir sarrasin— se convertit de façon prééminente. D’une éthérée coutume chrétienne orientalisée le jour à jour cordouan évolue— pour répondre à l’évolution qui se centre dans les villes principales— jusqu’à une claire islamisation. Cordoue commença à entendre l’arabe comme langue rituelle de certains offices religieux, sans différences du reste si ce n’est— peut-être — dans des temples sans autel— iconoclasme islamique—, ou prédications sans la même hiérarchie ecclésiastique. Peu à peu priait-on en arabe? : serait-ce l’affaire de ces psjfoubvy? Après, sûrement, l’on expliquait en latin. L’islãm n’avait pas non plus des livres rituels différenciables à la moitié des années 700. Chaque révolte indiquera que l’islãm dût tfssfs à nouveau mb!wjt. Non parce qu’il s’agit d’une jepmphjf!tpvsopjtf; absolument pas: elle suivait une évolution improvisée en Orient et Occident. § 12. Serrer la vis; l’intensification dans le processus d’institutionnalisation islamique, se produisait parce que son adaptation à l’époque, au peuple, aux Grecs, la géographie, et cetera, les appelaient à être à la hauteur des modèles culturels de ces périodes. Quelque chose que les cercles les plus traditionnels— évidemment et natu- 377! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou rellement—, recevaient avec méfiance, ou par un véritable refus, lorsque les révoltes sociales acquéraient une certaine intensité. Dans un autre ordre de choses, en même temps que réagit Cordoue pour s’adapter, l’ensemble d’al-Andalus continue ancré dans sa déstructuration. La Galice se maintient indemne et étrangère au processus d’islamisation, Tolède continue avec un certain étranglement culturel d’autogestion, et à Saragosse s’établit l’autorité d’un homme fort, étranger au travail itinérant de ces vingt hpvwfsofvst. Cet aragonais, bm.Tvnbzm, agit à sa guise sur la route vers les Pyrénées, pendant que la péninsule entière se prépare à affronter un ennemi beaucoup plus létal que n’importe quelles invasions vécues: mb!gbnjof!ef!861. Pendant cinq ans, la sécheresse et les épidémies gouvernèrent dans al-Andalus dans un processus de dépeuplement et de tbvwf.rvj.qfvu territorial. Quand la faim diminue, le paysage andalusí sera préparé pour la greffe définitive qui le prépare aux fructifications futures: l’jotujuvujpo!eÖvo!njsbu; la création d’un état dans le sein d’un territoire trop longtemps à la dérive. JW/!MF!TPMFJM!TF!MêWF!Ì!MÖPDDJEFOU !5/2/!ænf!fu!nnpjsf Dpogfttjpot d’Augustin d’Hippone, nous pouvons signaler la chose suivante: la perception géniale d’une clairvoyance illuminatrice et poétique, élucubrée dans celles-ci, de que l’Šnf!stjef!ebot!mb!nnpjsf.107 Dit d’une autre manière: nous sommes le souvenir de ce que nous représentons, de même que les autres sont le souvenir de ce qui en reste. D’ici, ce que nous pouvons savourer dans un premier sens psychologique, nous montre également, avec une délectation similaire, un autre sens sociologique vu qu’il s’agit de la mémoire des peuples. Enfin, nous sommes les mémoires qui nous écrivent. Ou au contraire: nous connaissons l’âme d’une chose à travers de ce que nous écrivons d’elle. Donc. Ici enclavés, depuis la hauteur du temps qui avance, nous ne pouvons seulement qu’ébaucher ce qu’il en fut, à travers de ce qu’ils nous disent que cela fut. Sans possibilité de retouche ou de nouvelle élaboration. C’est pourquoi l’historiologie est une science dans un certain sens orpheline et centrifuge: comme nous ne pouvons pas repeindre les blasons, nous pouvons seulement tourner en rond pour voir si en changeant le noyau, la vitesse à laquelle nous regardons, la distance, ainsi que les couleurs et les formes changent jusqu’à ce que la chose soit reconnaissable, compréhensible; applicable. § 1. Dans un toast de sincère reconnaissance aux § 2. Tout ceci a une relation avec les sables andalusís que nous avons déjà foulés il y a longtemps, même si nous avons essayé d’éli107 San Agustín, Dpogftjpoft, Madrid: Alianza, 1990. Libro X. 27, págs. 280 y ss. 379! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou miner le Jm!ubju!vof!gpjt inaugural dans n’importe quel des deux sens telluriques: tant sur le désastre survenu, fléau de sauterelles, comme cjfowfov! Ns! NŸtŒ des antipodes politisées. Il n’y a pas de lever de rideau. Vu que de l’Hispanie naquit al-Andalus sans lobotomiser la scène, imperceptiblement, la hauteur de l’époque arabe s’érigera en Europe; le soleil qui se leva à l’Occident, comme galanterie poétique de notre impayable chroniqueur courtisan, le Cordouan al-Saqundi. Bien: comment peut-on marier autant d’aspects dans la discorde; faits, mémoires et opinion sur la mémoire des choses? : d’accord, reprenons que l’âme des choses réside dans la mémoire. Mais les chroniques hispanes— les autochtones, les natives— taisent lorsque d’étranges consignes lointaines crient— les orientales, les étrangères— auxquelles nous feront bientôt allusion. Quelle mémoire peut-on prélever pour dessiner m֊nf!boebmvt“f? À partir de quel moment commence-t-il à y avoir un tas de quelque chose? Se questionnent les chefs de la logique brouillée; nous nous appliquons à savoir à partir de quel moment peut-on parler d’al-Andalus et arrêter de parler de l’Hispanie? Parce que la logique est la même: si l’on ne conçoit pas comme acceptable le cpvmfwfstfnfou!ef!mÖIjtqb. ojf, nous devons en déduire qu’à un certain moment il dut y avoir quelque chose arabo-islamique plus étendu que l’hispano-romain, tusjdup!tfotv. § 3. De la même manière, dans le même territoire et presqu’en même temps, se produira une quête collatérale qui considérera ce qui est juif en termes identitaires. L’on parle de ce Séfarade dérivé des Hespérides. C’est par là, par un processus si entrelacé, que nous commencerons à nous mouvoir; par les eaux tourmentées de l’inévitable logique brouillée appliquée à notre histoire: al-Andalus naît de l’enchevêtrement post-wisigoth dans lequel le gréco-latin s’inocule à nouveau en Europe grâce à l’héritage d’une Rome orientale: l’époque arabo-islamique. Avec cette phrase, nous économisons plus de cent pages des chapitres antérieurs. Cette Rome orientale greffée en Occident bshvnfoubju! sfmj. hjfvtfnfou! mft! jodpsqpsbujpot dvmuvsfmmft! fu! mft! ejttjefodft! tpdjbmft. C’est pourquoi le lecteur contemporain croit que tout était religieux; mais cela n’est pas ainsi. Nous le voyions lorsque nous proposions le Moyen Age comme une époque analogique: Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 37: cela s’exprime d’une manière religieuse, mais cela ne génère pas d’identités différenciables. MÖjefouju! dvmuvsfmmf! nejwbmf! ftuÒ! qsdjtnfouÒ! vo! bnbmhbnf/! Remettant cela à une erreur déjà postérieure, celle de la tdij{pqisof!kvyubqptjujpo! jnqpttjcmf! ef! mÖFtqbhof! qptunpefsof! eft! uspjt! dvmuvsft. Non: la culture andalusíe— unique dans son territoire et espèce—, renferma à Séfarade et à l’Hispanie, pure terminologie exclusiviste dans une époque de multilinguisme. § 4. Comment peut-on extirper à Maimonide— par exemple— du contexte dans lequel il fleurit? Un serein intellectuel juif qui écrivait le plus souvent en arabe, parce que grâce à cette langue il lut les auteurs grecs. Un homme d’autre part— dont l’œuvre fut interdite par les synagogues françaises à une époque proche au veto mis à Averroès. L’on parle de la célèbre École de Traducteurs de Tolède, les gens penseront qu’elle existait comme édifice, comme un campus dans lequel se mettaient d’accord des identités linguisticoreligieuses étanches et isolées. Amalgame, donne-moi le nom des choses, aurait dit un Juan Ramón Jiménez médiéval. Ne perçoit-on pas que l’on parle de la même et unique chose, toujours en mouvement?: il ne s’agit pas de cultures similaires aux parques thématiques artisanaux, ou de religions comme compétition sportive ou peu s’en faut. Non; cette unique chose est al-Andalus, scénario de la première Renaissance Européenne. Les rinçures— comme dirait Flaubert— du monde à la hauteur de l’être humain; celui qui commencera à s’ébaucher d’entre les brumes médiévales. Mais nous aurons le temps de diluer un peu plus tout cela. Pour le moment, nous continuons sans trouver l’âme d’al-Andalus, perdus entre l’échafaudage compliqué de sa mémoire. Et nous insinuions quelque chose à travers certaines allusions à la logique brouillée— à partir de quand une chose en croissance n’est-elle plus dpnnf celle qui précède et acquiert l’bqqbsfodf d’une nouvelle— sans renoncer à être elle-même? Ebot!mf!dbt!boebmvt“-!mb! sfmwf!ftu!gbjuf!qmvt!ef!dporv‘uft!rvf!eÖfttfodft; le changement de main pour écrire la mémoire, provoque un changement d’apparence à l’âme. Le promeneur péninsulaire— soldat, croyant ou paysan, soumis ou irrédent, affamé ou candidat au trône—, ne perçoit pas la période de changement, mais ebot!mft!booft!811! mÖpo! dpnnfodf! ‰! dsjsf! mÖijtupjsf qojotvmbjsf! fo! sfdpn. 381! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou nfoŽbou!‰!qbsujs!ef!{sp108 fu!‰!qbsujs!ef!mÖPsjfou. Il ne s’agit pas d’une terre nouvelle, il s’agit de mb! mbohvf! eft! dispojrvft! bwfd!vo!qspubhpojtuf!opvwfbv;!dfmvj!ef!mÖbsbcf/ § 5. La littérature arabe qui commence à s’occuper de l’Hispanie l’appelle al-Andalus dans un clin d’œil— comme nous le disions— au mythe de l’Atlantide. Ce n’est pas un mythe africain ou hindou, mais grec, que l’on peut situer à travers Platon, même si nous continuons afférés à la conviction de que Platon est un penseur oriental. De quelle façon est en train de naître la littérature arabe— sa tradition orale est autre chose—, ses premières émissions donnent l’impression du début du monde, mais cela n’en est point ainsi; le monde est vieux, c’est la plume qui est neuve. Par l’inévitable sortie à ce vieux monde à travers Damas et l’empire byzantin gréco-parlant, la littérature naissante était si hellénisée dans ses débuts damascènes comme iranisée quand elle sera à Bagdad. Ici se situe la symbiose géniale islamique: Damas et Bagdad— les Omeyyades et les Abbãssides—, la Grèce et la Perse. Et d’ici émanera la non moins géniale symbiose andalusíe: cet Orient bipolaire greffé en Occident. Ceci dit, elle était si hellénisée, comme nous le disions, cette forme naissante de narrer l’histoire, que— par exemple— un livre appelé BlicŒs!Nbdinb contient, tout simplement, mb!wfstjpo! bsbcf!ef!mÖBobcbtf!ef!Yopqipo. Avec la particularité de que, ebot!dfuuf! Bobcbtf!bsbcf-!mÖpo!dpnnfodf!‰!qbsmfs!eÖbm.Bo. ebmvt/! Bm.Boebmvt! ftu! o-! bjotj! rvf! tpo! Šnf-! qbsdf! rvÖftu! of!tb!nnpjsf/ 5/3/!MÖBobcbtf!boebmvt“f § 1. Bien entendu, il faut commencer par expliquer quelque chose sur l’Anabase de Xénophon et sa version arabe contenue dans la célèbre chronique primitive— initiatique, pourrait-on dire—, d’al-Andalus: Akhbar Machmúa, dont le titre signifie Opvwfmmft!svojft ou Stvn!eÖijtupjsft/ Des histoires qui pourraient commencer par le célèbre poème de n’importe quel conte qui se respecte, Jm!ubju!vof! gpjt; le Lbob!xb.lbob des narrations arabes. Parce que l’on pour108 Pour être plus clair: avant l’on commençait par un, et dans al-Andalus viendra le zéro. Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 382 rait dire qu’al-Andalus dut se détacher— dans sa volonté entêtée de wjwjevsbÒ des pages baratineuses de narrateurs d’histoires. Ces obssbufvst! eÖijtupjsft— très respectables dans leur fonction symbolique, récrieront Poitiers— nous le vîmes déjà— la diatribe avec les Francs et l’ombre de la bataille de Vouillé— 507—, dans laquelle les Goths durent se replier vers l’Hispanie, douloureuse émigration appelée en arabe cbmbu! bm.tivibeˆ. Ils avaient aussi réinstallé sur la carte stratégique d’al-Andalus les marches de ce général byzantin Liberio, qui à partir du Levant aida au soulèvement de Séville, Cordoue, Mérida contre les Wisigoths. Lorsque ceux-ci contemplèrent telle avance comme invasion, l’on peut dire que la dbsuf!nzuijrvf de l’avance islamique— inexistante— de 711 était déjà ébauchée. Finalement, ces narrateurs offrent une intéressante tfdpoef!jowbtjpo en 741 dans la— nous le vîmes aussi— version andalusíe de l’Anabase de Xénophon. § 2. À la hauteur où nous nous trouvons, dans la séquence des évènements qui entourèrent la naissance d’al-Andalus, nous avions laissé les vingt gouverneurs se succéder à tort et à travers comme il correspond au rôle que réellement l’histoire dut leur réserver: chefs de contingents armés dans les rangs desquels l’on pouvait compter des Nord-Africains, des Sarrasins et les premiers Arabes tentant leur chance. Sans doute, ils incorporaient aussi un conglomérat hétérogène de partisans de Wittiza et de Rodrigue et autres possibles affiliés à une raison ou à un non-sens; de ceux qui justifièrent alors de laisser leur maison et de se lancer sur les routes, pour obtenir que le monde alentour brûlât pendant quelques décades. Mais un personnage se fraie un chemin: mf!hpvwfsofvs!Cbmdi.! Dans l’histoire il apparaissait à côté du malheureux Kulsúm, essayant d’institutionnaliser le nord de l’Afrique et souffrant personnellement l’idiosyncrasie périphérique de la zone en question. Kulsúm se perdait dans les eaux du Sebou, à côté de l’actuelle ville marocaine de Fès, et Balch tbvubju à al-Andalus, avec une telle impétuosité de survie, qu’il arrivera à être xbmj— gouverneur. Commençait un certain ufnqp! tzsjfo, vu que tel personnage paraît venir de Syrie et surtout parce que, peu après, se prépareraient les circonstances qui seraient propices à la brillante consécration d’al-Andalus comme siège d’une apparente monarchie omeyyade— donc, syrienne. 383! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou § 3. Cette brusque transsubstantiation hispane était-elle syrienne, arabe ou orientale, ou nous la représente-t-on ainsi parce que les historiens se situent déjà dans le futur commode omeyyade qui se cimente sur les bases d’une légitimité passée; basée sur des mythes qu’il n’était pas nécessaire remuer? C’est-à-dire: y avait-il tant de Syriens, ou tous convertirent en Syriens leurs grands-parents cherchant ainsi une légitimation? Et ici nous nous lançons à l’appréciation de l’historiographie de l’époque, insistant sur la même chose: il n’y a pas de production culturelle significative comme andalusíe avant les débuts des années 800. Comment avons-nous des nouvelles du siècle antérieur, celui dont nous nous occupons pour l’instant? Par des sources orientales. Par la façon avec laquelle certains historiens orientaux décrivent al-Andalus et sa séquence historique. Entre eux, mais pas seulement l’auteur cité— en réalité, auteurs, selon ce qui est admis—, du Blicbs!Nbdinb. Là réside le spectaculaire sftfu— comme nous dirions aujourd’hui— de l’histoire péninsulaire. Parce que mÖIjtqbojf!ftu! edpvwfsuf!dpnnf!bm.Boebmvt!qbs!dfuuf!dvmuvsf!bsbcf!ifmm. ojtf!bvupvs!ef!Ebnbt. Et nous citions sans ambages Xénophon: cet Athénien (430-355 av.J.-C.) historien et général, nous raconte dans son œuvre centrale— l’Bobcbtf — les exploits d’une armée grecque entre les contingents de Cyrus le Jeune dans l’Orient perse. Nous le citions lorsque nous nous trouvions devant certains auteurs capables de raconter l’Ijtupjsf!fo!npvwfnfou. Ainsi après une déroute essentialiste— la bataille de Counaxa—, ces troupes grecques ne peuvent compter que sur elles-mêmes pour revenir chez elles, et c’est le propre Xénophon qui conduit les Ejy!njmmf!tvswjwbout à leur patrie, dans une retraite modèle de tactique militaire. Dfmb!of! sbqqfmmf.u.jm!qbt!mÖijtupjsf!eft!ejy!njmmf!tvswjwbout!tzsjfot! fo!sfusbjuf!bv!Nbhisfc!bwfd!Cbmdi@! § 4. Que les Arabes lurent la philosophie grecque, et non la littérature de création? Cela étant, même si l’histoire et la géographie grecques ont été créatives, elles furent combustible culturel de Rome et sa continuation encore grecque. Byzance. Effectivement: cette même Byzance qu’héritera Damas et le nouveau règne arabe tout autour. Il y a des signes complices de l’héritage grec jusque dans le Coran: bien que l’ennemi soit ce qui est institutionnel— les Svnj—, ce n’est pas pour rien que se présente, par exemple, Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 384 Alexandre le Grand comme héros mythique qui apaisa les peuples de Gog et Magog. Alexandre Bicorne— dans sa dénomination coranique; Dul-Qarnayn, pour la forme de son empire ou sa coiffure. Effectivement, les Arabes orientaux pouvaient appliquer la pensée grecque dans une culture qui se présentait avec une certaine continuité; clairement, qui reverdissait. Difficilement allaient-être représentées les tragédies grecques et les frivolités des dieux de l’Olympe dans une proposition culturelle monothéiste acharnée, et iconoclaste. Bien que la prohibition des tragédies grecques et romaines est préalable à l’islãm, et donc, non islamique. Mais il est certain que l’histoire et la géographie grecques furent lues par les premiers chroniqueurs arabo-musulmans. Il est ainsi évident que mf! qsfnjfs! bvufvs! eft! qsfnjsft! dispojrvft! boebmvt“ft! b! mv! mÖBobcbtf-! fu! rvÖjm! tf! qstfouf! dpnnf! vo! njmjubjsf! fy. qsjnfou!rvj!bddpnqbhob!Cbmdi!ebot!tb!sfusbjuf!bwfd!ejy! njmmf! Tzsjfot/! MÖbwfouvsf! ef! Cbmdi-! jojujbujrvf! ef! m֏qprvf! bsbcp.jtmbnjrvf!ebot!bm.Boebmvt-!ftu!vof!wfstjpo!bsbcf!ef! mÖBobcbtf. § 5. Al-Andalus se décrit comme un monde lointain, un surgissement— rien de plus éloigné de la véritable marche historique hispane. Les Arabes se présentent comme un peuple établi culturellement, civilisateurs de la barbarie environnante— très éloigné de la jeunesse arabo-islamique de ces temps-là. De cette façon, la transposition d’un mythe fondé— l’armée arabe comme réincarnation de l’armée grecque—, la lecture à partir du dehors des années 700 ibériques, nous donne l’impression d’un début absolu. Une terre hispane en friche qui, avec le temps, génère une vision chrétienne— hispano-romaine et postérieurement romance— d’expulsion du paradis. Cette vision ne se recueille pas à l’époque, parce que le chroniqueur hispano ne perçoit pas une fin absolue, mais plutôt quelque chose de tristement plus éphémère: la vie humaine pendant des décades de guerre et de famine. Néanmoins, telle bctfodf! ef! qfsdfqujpo de la part des chroniqueurs hispanos, substituée par la qfsdfqujpo! jojujbujrvf des Arabes qui arrivent— à l’Hispanie et au monde; n’oublions pas que tout commence en même temps— se convertit en la seule version officielle de l’histoire. Avec la profusion propagandiste omeyyade postérieure, le obujg! hispano-romain comprendra drastiquement, 385! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou comme tombé du ciel— ou élevé depuis l’enfer, suivant ce que l’on considère—, le efwfojs!boebmvt“! de son espace. Et il écrira la romance: wjojfspo!mpt!tbssbdfopt!z!opt!npmjfspo!b!qbmpt/!Rvf!Ejpt! bzveb!b!mpt!nbmpt-!dvboep!tpo!nˆt!rvf!mpt!cvfopt (vinrent les Sarrasins et ils nous rouèrent de coups. Dieu aide les méchants, lorsqu’ ils sont plus nombreux que les bons). § 6. Non; ils n’étaient pas plus nombreux; ils seraient seulement de plus en plus et pendant plus longtemps. C’est uniquement la progression de cette période— le processus de ce qui coexiste à ce qui est prééminent— qui réussit à forger réellement al-Andalus. Nous citions les postulats de la logique brouillée, autour de la question essentialiste de: quand l’Hispanie cessa-t-elle d’être et se convertit en al-Andalus? Bon, en réalité, la réponse est dans Hegel et son changement qualitatif: la somme d’une infinité de changements quantitatifs produit, à la longue, un changement qualitatif. Nous en sommes là, à la moitié des années 700 hispano-andalusíes. Antonio Tabucchi l’exprimait d’une manière plus poétique,109 s’approchant de ce que nous commentions avant sur la mémoire et l’âme: en certaines occasions, il paraîtrait que nous n’avons pas d’âme, mais plutôt une république d’âmes. En époques psychologiquement turbulentes, quand ce qui se produit en réalité est une relève de pouvoir dans cette république intérieure d’âmes. Nous percevons seulement lorsqu’arrive le calme après l’orage, et devons admettre que notre vision du monde et de nous-mêmes a changé. Ce qui est certain c’est que, une fois de plus, ce qui est applicable à la république des âmes humaines, l’est également pour les collectives, les sociales. Le changement qualitatif d’Hispanie en al-Andalus est perceptible une fois passée amplement la seconde moitié des années 700. À cause de tout ce que l’on a écrit sur ce changement, au contraire, l’on nous fait penser qu’il vint radicalement, de façon immédiate. Mais— comme nous voyons— la sbejdbmju! est surtout littéraire. Comme l’on écrit du dehors et l’on fait une version du sfupvs!‰!mfvs! qbzt des troupes de Xénophon-Balch, il faut traduire sans confronter. Sans contraster, penser, comparer; tbot!mfwfs!mf!of{!ev!ufy. uf. Mais dans le conte, dans cette vérité symbolique de l’Bobcbtf! 109 Antonio Tabucchi, Tptujfof!Qfsfjsb. Barcelona: Anagrama, 1994. Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 386 bsbcf, il y a quelque chose d’important: l’attachement arabe pour al-Andalus. § 7. Les troupes de l’Bobcbtf retournaient dans leur pays, et celles du début de l’Blicbs!Nbdinb non; leur retour est d’arriver à al-Andalus. Ainsi naît al-Andalus, parce qu’il est découvert pour la chronique orientale. La narration hispane est interrompue et se connecte— à partir de zéro— avec l’orientale. En arabe, et proposant ce qui est andalusí comme une conquête miraculeuse. Et un nouveau clin d’œil complice: même maintenant le caractère mythique des notices historiques de cette époque, la version de l’Bob. cbtf!bsbcf est plus compréhensible que le châtiment de Dieu dans les versions chrétiennes ultérieures. À la fin, l’histoire est toujours plus substantielle dans un devenir vérifiable— bien que poétisé— qu’avaler simplement une apocalypse. L’Anonyme de Paris, le manuscrit central pour fixer le texte de notre chronique fondatrice, Blicbs!Nbdinb, parle des exploits des Syriens qui arrivèrent à al-Andalus avec Balch. Cette chronique diffère— dans son point de vue initial— d’autres chroniques sur les mêmes faits, ces dernières strictement andalusíes pour avoir été écrites ef!mÖjousjfvs. En effet, auteurs inéluctables comme Ibn Hayyan, al Razi ou Ibn al-Qutiya, proclament leur adhésion au régime— omeyyade—, mais c’est déjà un régime andalusí, tandis que le premier Blicbs!Nbdinb propose une vision pro-syrienne mais plus proche de la découverte bsbcp.ifmmojtujrvf!d’al-Andalus que la propagande omeyyade en soi. § 8. L’on observe, de cette manière, l’intéressante dichotomie entre la vision d’al-Andalus du dehors, et la vision de l’intérieur. Quand cette dernière se produit, al-Andalus est déjà al-Andalus; quelque chose de postérieur à sa fondation célébrée par les chroniqueurs orientaux. Les trois auteurs cités— Ibn al-Qutiya, al-Razi, et Ibn Hayyan—, écrivent à partir d’une entité arabo-islamique propre ancrée dans un — non substituable— long passé hispano-romain. Ce qui se passe c’est que les auteurs andalusís partiront déjà du mythe fondateur de la conquête; les sources orientales se lisent déjà en arabe. Sous une réserve: ils sauront concilier cette lecture avec celle du passé hispano. Les géographes andalusís, par exemple, sauront lire Isidore de Séville pour décrire à partir de l’intérieur, tandis 387! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou que les premiers chroniqueurs orientaux décrivaient plus ou moins comme les gouverneurs des Indes ou les chroniques d’Hernán Cortés. Ou, comme nous le voyions, comme les expéditionnaires— victorieusement en retraite à temps— de Xénophon. Dans ce sens, il y a lieu de rompre une lance pour l’épique y. opqipojfoof! de l’Akhbar Machmúa et l’insérer dans ce que nous nommions au début l’ijtupjsf!fo!npvwfnfou/! En réalité, Blicbs! Nbdinb, tel que nous pouvons le consulter dans le manuscrit cité Bopoznf!ef!Qbsjt- ainsi il fut connu, sans auteur connu, plusieurs siècles après; avec des retouches et des additions. L’anonymat de l’œuvre désigne diverses lectures d’ample profondeur dans lesquelles nous ne pouvons entrer maintenant que pour insinuer divers points de vue: qu’il est anonyme parce que la littérature essentialiste arabo-islamique présente une tendance religieuse marquée et, donc, seul Dieu est créateur et les autres sont simples artisans. Ou bien parce qu’entrèrent tant de mains dans sa rédaction, qu’il était injuste concrétiser une seule signature. Ou, finalement, parce que le/les auteurs savent que leur œuvre ne passera pas la censure du régime, et cetera. mÖBlicbs! Nbdinb n’a fait que stimuler son étude, par conséquent celle d’al-Andalus, et arriver à d’intéressantes adjudications, dont la sommaire lecture permet de comprendre collatéralement le monde andalusí en marche. Que l’auteur de la première partie— celle de l’Anabase; l’arrivée de Balch— soit Syrien se dégage de la déconsidération qu’il a pour une certaine population intrinsèquement hispane. Effectivement, l’on dirait qu’il n’y avait que des Berbères— nous insistons, Nord-Africains —dans al-Andalus à l’arrivée de Balch depuis le Maghreb— en 741—, se coudoyant avec les plus que mythologiques factions tribales des sables péninsulaires arabes. Lu collatéralement, nous pouvons déduire que c’est ainsi que s’initie le mythe: celui de la cavalerie miraculeuse islamisant une Hispanie dépeuplée, une zone des deux côtés du Détroit dans laquelle tout efwjfou! cbscbsf. Et que dans les chroniques arabes s’appellera vo!efwfojs cfscsf/ D’ici à l’adjudication touareg dans l’imaginaire postérieur; celle qui tant à propos l’on présentera pour les invasions nord-africaines pendant des siècles. L’on peut déduire également que l’auteur est, comme Xénophon, militaire. Il sait § 9. En tout cas, l’anonymat de Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 388 beaucoup de stratégie et il nous le fait savoir. D’autre part, il se montre aussi comme un auteur qui recueille des traditions, parce qu’il enchaîne, avec une perfection mythique, les batailles andalusíes avec son archétype: rien de moins que la bataille du prophète Mahomet pour l’établissement de la première Umma à Médine et son expansion à La Mecque et au-delà. § 10. Dans cette recherche invétérée de la tradition apprise jusqu’ici, s’ancrera toute la culture andalusíe, de telle manière que l’on commence là, également, à repeindre les blasons de n’importe quel péninsulaire. Effectivement, l’Akhbar Machmúa trace les lignées arabes comme si le monde eût recommencé provenant de quelques tribus bédouines arabes. Nous le voyions déjà, dans l’insigne Ibn Hazm, comme il devient une vocation identitaire du récit génésique. Pour le reste, le livre est, en réalité, un abrégé de cinq livres: un premier auteur écrivit la chronique de la conquête et les premiers gouverneurs— livre I—, après les guerres qui nous concernent— livre II: c’est ici où est faite la version de l’Bobcbtf de Xénophon— et enfin il fait le récit de l’Émirat d’Abd al-Rahmãn I— livre III. Après quelques temps, un second auteur reprend et retouche la version du premier pour— dans une séquence chronologique continue—, ajouter l’histoire des émirs postérieurs à Abd al-Rahmãn I jusqu’à l’époque d’Abd al-Rahmãn II— livre IV. Enfin, un troisième auteur retouche et rassemble tout le matériel antérieur pour lui ajouter l’époque d’Abd al-Rahmãn III, proclamé déjà calife d’al-Andalus— livre V. Blicbs! Nbdinb est, de cette façon, un guide intéressant dans l’histoire d’al-Andalus: parce qu’il la raconte, la spnbodf, et parce que ses auteurs, séquentiellement, exemplifient l’essence mythique andalusíe: d’un Syrien en premier lieu jusqu’aux auteurs suivants, déjà probablement hauts fonctionnaires de l’administration omeyyade de Cordoue. Il est possible que, dans sa première mission scientifique, l’Blicbs!Nbdinb soit une espèce de Mjwsf! foovzfvy— propagande doctrinale sur laquelle nous reviendrons. Mais il remplit une inestimable fonction commentatrice, même— comme nous le disions— collatérale. Pour le reste, l’on affirme que telle réalisation séquentielle cadrerait à la perfection avec trois narrateurs de la même famille, depuis le premier— localisé comme un tel Tammán Ibn Bmrbnb— jusqu’à son arrière-arrière-petit-fils. 389! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou 5/4/!Qsfnjsft!nbojgftubujpot § 1. Le voyage des chroniques de la famille Alqama, en plus d’inclure leur propre narration dans l’Blicbs!Nbdinb, ressemble à l’histoire même d’al-Andalus à ses débuts. Nous l’insinuions déjà: de l’arrière-arrière-grand-père syrien à l’arrière-arrière-petit-fils fonctionnaire cordouan, tout s’explique génétiquement dans un processus qui coïncide avec les débuts de l’historiographie andalusíe: la relation d’œuvres sur al-Andalus qui commence avec celles écrites du dehors, et qui continue avec celles de l’intérieur. Une relation d’œuvres qui— à son tour— ressemble à la vision dynastique d’un territoire, al-Andalus, comme les terres dans lesquelles les Omeyyades de Damas se regreffèrent— ils s’étaient déjà greffés avant depuis l’Arabie— après un voyage qui ressemble à un film. La famille des chroniqueurs, les œuvres, et l’histoire dynastique d’al-Andalus, renvoient tout à la même circonstance: ef!Ebnbt!‰! Dpsepvf. Celle-ci est la route traditionnelle suivie pour comprendre l’histoire qui nous concerne, bien que le véritable processus soit de l’Hispanie à al-Andalus. Tels débuts historiographiques cités comme ev!efipst en annoncent d’autres qui— à ce moment-là! oui— peuvent être qualifiés sans ambages de qsfnjsft!nbojgft. ubujpot de ce quelque chose andalusí. Du fait qu’ils s’expriment ef! mÖjousjfvs!tvs!df rvÖjm!z!b!‰!mÖjousjfvs, même s’ils construisent des châteaux imaginaires; dans la conquête nébuleuse d’al-Andalus insufflée à partir des sources orientales et consentie par le défaitisme postérieur des chrétiens. § 2. Donini,110 illuminé par extraterrestres, affirme que les Arabes de la péninsule Arabique devaient connaître à la perfection la manière de s’orienter par les étoiles, et que de telle facilité émanerait, d’une façon naturelle, la qualité des études géographiques arabes. Dans une idée aussi achevée, l’on détruit séquentiellement— et d’un trait de plume plusieurs vérités, grâce à une installation incommode des deux mythes: que ce sont les Arabes de la péninsule Arabique ceux qui s’étendent dans le monde— à nouveau; mais combien étaientils? Personne ne resta à la maison?—, qu’al-Andalus est une simple 110 P. G. Donini, Bsbc!usbwfmfst!boe!hfphsbqift. Londres: Immel, 1991, pages10-14. Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 38: dérivation de telle expansion, et un détail pas du tout dédaignable: avant que le premier géographe arabe se mît à voyager et à écrire, la géographie gréco-latine avait déjà expliqué le monde dans toute sa géniale classification en climats— grandes régions, systèmes géopolitiques. Celui qui lit ce qui précède pourra interpréter cela comme un discrédit de ce qui est arabe mais, selon notre modeste opinion, c’est précisément le fait de mjsf!mft!Hsfdt ce qui attribue à l’arabo-islamique son universalité culturelle— à part la personnelle vojwfstbmju! sfmjhjfvtf de l’islãm comme telle. MÖjmmvnjobujpo!qbs!fyusbufssft. usft de Donini est une pandémie, donc l’effort ne vaut pas la peine de eftgbdfs!vo!fouvfsup!111 si répandu. Cela vaut, au moins, pour l’évaluation de la préparation intellectuelle des géographes andalusís, versés dans les sources gréco-latines comme— dans certains cas— dans les hispano-romaines. De la même façon que les géographes orientaux prêtaient leur immense bagage intellectuel à travers les prestigieuses écoles d’Alexandrie— espace hellénique-égyptien — et Jundishapur— espace perse des Sassanides. C’est pour cette raison qu’ils écrivent tout ce qu’ils écrivent, et non pas à cause de leur esjwbujpo!houjrvf venant des perspicaces lecteurs d’étoiles dans les sables du désert. Ces raisons sont présentes de façon permanente dans la description que les géographes arabes feront du monde connu, basée sur la division gréco-perse de la terre dans les climats cités, circonscriptions géographiques plus ou moins homogènes.112 § 3. Effectivement, il était en train de se préparer un terrain pour que, dans la prochaine ère islamique— l’abbãsside autour de Bagdad—, les besoins de gestion administrative s’occupassent de la Géographie Appliquée dans un territoire nervuré par le modèle des anciennes chaussées romaines. Ainsi surgira, la science des Nbtb. mjl!xb.nbnbmjl— les routes et les royaumes. Mais les premières vi111 Redresser des torts. Fm!Rvjkpuf (N. T.) 112 Chapeau! Ici nous rendons un hommage, pour le travail ingrat, peu connu, de quatre volumes réalisés par José Francisco Durán Velasco comme Thèse Doctorale: Mpt!dmjnbt!tfyup!z!tqujnp!fo!mb!hfphsbg“b!ef!bm.Rb{xjoj. Universidad de Sevilla, 2005. Ce fut une expérience singulière de percevoir combien nous pouvons arriver à avoir besoin d’apprendre de certains investigateurs jeunes pas encore lobotomisés par les parques thématiques universitaires. 391! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou sions de l’andalusí seraient préalables à ce fondement scientifique. La description de l’andalusí sera, tout d’abord— selon ce que nous voyons— littéraire. Quand l’époque andalusíe arrive, les historiens et géographes pourront se bénéficier, en arabe, de tout cet ample éventail de connaissances, indéfectiblement commencé avec la lecture de Ptolémée. Mais la chose n’en restera pas là; comme nous le disions, la grande spécificité lui sera conférée grâce à la lecture, par exemple, des „uznpmphjft d’Isidore. Nous signalions que sur le manuscrit central du Fuero Juzgo qui est conservé dans l’Escorial apparaissent en marge des notes en arabe. Entre une chose et l’autre, peut-on continuer à penser que tout l’arabo— islamique provient des étoiles sur La Mecque et Médine? Nous arrivons, ainsi, à ébaucher ce que pensèrent ces habitants andalusís déjà formés au début de leur propre territoire, al-Andalus. Compte tenu des distances déjà mesurées au sujet du mythe, il est important de s’approcher de ces pages créatrices— créatives— d’un al-Andalus déjà existant. Avec une sauvegarde préalable: mft! bvufvst! obujgt! ef! usbjut, les descripteurs du fait andalusí et maghrébin dans leurs origines, fleuriront plusieurs siècles après: il s’agit de noms comme le natif de Huelva bm.Cblsj (né en 1014), le natif de Malaga-Ceuta bm.Jesjtj (né en 1100) et l’inévitable NordAfricain bm.Ijnzbsj, mort après la prise nationale-catholique de Grenade. De cet ample spectre chronologique l’on peut déduire que l’on ne commença à écrire sur al-Andalus de l’intérieur que très longtemps après la célèbre année 711, et il y a autre chose qui justifie sa présence ici: mf!nzuif!ef!tft!psjhjoft!sftuf!jobnpwjcmf! evsbou!upvuf!m֏qprvf!boebmvt“f. § 4.Nous n’entrerons pas maintenant dans l’analyse des personnages et de leurs œuvres, qui arrivera de façon plus adéquate le moment venu. Pour l’instant, peindre brièvement l’idée qu’al-Andalus a son propre début, est ce qui nous intéresse. Parce que sur elle s’érige la propre définition de l’andalusí. Pour commencer avec alBakri, son œuvre Mpt! dbnjopt! z! mpt! sfjopt!113 se présente déjà à 113 Abu Ubayd al-Bakri, Ljubc!bm.nbtbmjl!xb.m.nbnbmjl, Hfphsbg“b!ef!Ft. qb—b. Introduction, traduction, notes et index par Eliseo Vidal Beltrán, Textos Medievales, Zaragoza, 1982. Voir également E. Levi-Provenzal, s.v. «Abu Ubayd al-Bakri», E.I. vol.1 pages 159-161. Huit fragments de manuscrits originaux de cette œuvre ont été conservés, entre lesquels l’on doit détacher: celui du Bri- Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 392 une époque aussi éloignée que les invasions nord-africaines. Dans celle-ci il parle d’origines d’al-Andalus amplement installés dans cette mythique nébuleuse à laquelle nous faisions allusion. Par exemple, elle situe à al-Andalus — suivant, comme nous le disions, Ptolémée—, dans ce qui s’appelle le quatrième climat, en évidence palpable du maintien d’un certain exotisme andalusí. L’on peut vérifier que, même avec tant de siècles passés, l’étrangeté périphérique de l’andalusí persiste encore. Al-Bakri décrit la péninsule avec une forme triangulaire, comme influencé par Ptolémée. Avec la sauvegarde de situer ce triangle bttjt sur une ligne droite allant de Cadix à Narbonne, en France. L’on maintient, selon nous observons, la façon de sfhbsefs!‰!qbsujs!ef!mÖPsjfou dont nous faisions allusion. Al-Bakri nous dit ainsi: mÖpo!sbdpouf!rvf-!ebot!mÖboujrvju!tpo!opn! ubju! JcfsjbÒ! JcbsjzbÒ! ‰! dbvtf! ev! àfvwf! êcsf<! bqst! fmmf! gvu! opnnf!CujdbÒ!CbujrbÒ-!‰!dbvtf!ev!àfvwf!CfujtÒ!CjujÒ-!rvj! ftu!mf!àfvwf!ef!Dpsepvf/!Qptusjfvsfnfou!po!mÖbqqfmb!Ijtqbojb! ÒJtcbojzbÒ-114! ‰! dbvtf! eÖvo! qfstpoobhf! rvj! mb! epnjobju! ebot! mÖboujrvju-!epou!mf!opn!ubju!JtqˆoÒ!Jtcbo/!\Ê^!Bqst!po!mÖbq. qfmb!bm.Boebmvt-!‰!dbvtf!eft!Boebmvt“t!rvj!mb!qfvqmbjfou-!epod! jm!tÖfotvju!dfuuf!etjhobujpo/ Nous insistons: al-Bakri parle de lui— d’al-Andalus — ev! efipst, comme lorsqu’il exalte les merveilles d’al-Andalus, régurgitant les clichés qu’à ce moment-là étaient très étendus: bm.Boebmvt! svoju! mft! fydfmmfodft! ef! mb! Tzsjf! hsŠdf! ‰! tb!ufssf!gfsujmf!fu!tpo!dmjnbu/!Dfmmft!ev!Znfo-!qpvs!tft!qsp. qpsujpot!fu!shvmbsju/!Dfmmft!ef!mÖJoef-!qpvs!tpo!qbsgvn!fu!tpo! tpmfjm/!Dfmmft!eÖBixŒ{-!‰!dbvtf!ef!mÖjnqpsubodf!ef!tft!jnqšut/! Dfmmft!ef!Dijof-!qpvs!mft!hfnnft!ef!tft!njoft/!Fu!dfmmft!eÖBefo-! qpvs!mb!njtf!fo!wbmfvs!ef!tft!dšuft/ § 5. Ces fragments seront reproduits pratiquement dans leur inté- grité identique par al-Himyari, comme preuve évidente d’un type d’al-Andalus déjà fait et inamovible. Par exemple,! al-Bakri décrit tish Museum (n 374); Bibliothèque de la Mosquée de Qarawiyyin de Fès (n 488); Bibliothèque Laleli d’Istanbul (n 2144); Bibliothèque Nur Uzmaniyya d’Istanbul (n 3043). 114 Qui est d’ailleurs, le nom actuel d’Espagne en arabe. Pour l’Arabe contemporain, qui n’inclut pas al-Andalus dans l’histoire d’Espagne, il y a une allusion intéressante d’un certain détachement patrimonial pour un tel sfupvs! ‰!mÖIjtqbojf/ 393! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou aussi les peuples qui y habitent en termes prototypiques d’éloges à propos de la ville de Cordoue, mésestimant les périphéries— Galice, Vasconie et extra-péninsulaires comme les Bretagnes— car elles étaient rudes et inhospitalières. Les nébuleuses sur les origines d’al-Andalus dans l’œuvre d’al-Bakri— nous insistons, né en 1014!—! se font ici l’écho de l’apparition spéciale fy!ojijmp de cette terre. Le descripteur suivant, bm.Jesjtj, maintient le même fypujtnf! mpjoubjo! fo! qbsmbou! ef! tb! qspqsf! ufssf;! il respecte la donnée mythique d’al-Bakri— que Noé arriva en vue de l’Hispanie—, pour continuer avec ces routes légendaires, comme le fragment suivant: … kvtrv։!df!rvÖBmfyboesf!mf!Hsboe!bmmŠu!fo!Ijtqbojf-!fu!tŸu!rvf! tft!ibcjubout!ubjfou!fo!hvfssf!dpoujovfmmf!bwfd!dfvy!ev!tve/! Df!spj-!ßu!wfojs!eft!johojfvst!fu!mfvs!joejrvb!mÖfoespju!pž!tf! uspvwf!bvkpvseÖivj!mf!Euspju-!nbjt!‰!dfuuf!qprvf!jm!ubju!dpv. wfsu!ef!ufssf-!fu!mfvs!psepoob!ef nftvsfs!fu!dpnqbsfs!mf!ojwfbv! eft!efvy!nfst!\Ê^!fu!bjotj!tf!dpotusvjtju!vo!dbobm!fousf!Ubohfs! fu!mÖFtqbhof.115 § 6. De son côté, al-Himyari, dont nous avons déjà parlé, non seulement maintient les visions mythiques de ses prédécesseurs, mais il les amplifie, respectant toujours la localisation ptoléméenne du quatrième climat: mÖpo eju!rvf!mft!qsfnjfst!ipnnft!rvj!qsjsfou! qpttfttjpo eÖbm.Boebmvt!gvsfou!mft!ßmt!ef!Uvcbmdb–o-!ef!Kbqifu! fu!ef!Op/!Tft!spjt!gvsfou!dfou!djorvbouf! […]. En plus, ce commentateur géographique incorpore pour la légende d’al-Andalus un passage significatif: qpvs!dpoujovfs!mb!dpvuvnf-!jm!bssjwb!rvf! Kvmjfo!hpvwfsofvs!ef!Dfvub-!‰ dibshf!ef!Spesjhvf-!mvj!fowpjf!tb! ßmmf!‰!mb!dpvs: fmmf!ubju!eÖvof!hsboef!cfbvu!fu!tpo!qsf!mÖbjnbju! cfbvdpvq/!Fmmf!qmvu!‰!Spesjhvf!fu!dfmvj.dj!bcvtb!eÖfmmf!\Ê^/!MÖpo! 115 Muhammad al-Idrisi, Ov{ibu!bm.Nvtubr, édition et traduction R. Dozy et M.J. de Goeje, Eftdsjqujpo!ef mÖBgsjrvf!fu!ef!mÖFtqbhof, Amsterdam, 1968. Traduction partielle de J.A. Conde dans Eftdsjqdj˜o!ef!Ftqb—b!ef!Yfsjg!Bmfesjt! dpopdjep!dpnp!fm!Ovcjfotf, Madrid, 1980. Également, traduction partielle de D.E. Saavedra, Jesjt. Mb!hfphsbg“b!ef!Ftqb—b, Valencia, 1974. Ainsi que celle de Mc. F. de Slane, «Géographie d’Edrisi», Kpvsobm!Btjbujrvf, XI (1841), pages 362387. Voir: C.E. Dubler, «Idrisiana Hispánica I probables itinerarios de Idrisi por Al Ándalus”, Bm!èoebmvt 30-31 (1965), pages 89-137; “Al Ándalus en la geografía de al-Idrisi”, Studi Maghrebini 20, Napoli, (1988), pages 113-151; Oman, G., s.v. “alIdrisi”, E.I. tome III, pages 1058-1061. Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 394 sbdpouf!rvf!mpstrvf!Kvmjfo!fousb!ebot!mb!nbjtpo!ef!Spesjhvf! qpvs! qsfoesf! dpoh! fu! bjotj! qpvwpjs! fnnfofs! tb! ßmmf-! mf! spj! mvj! eju;! mpstrvf! opvt! opvt! sfwfsspot-! fttbjf! ef! opvt! gpvsojs! eft!gbvdpot!ef!sbdf!qpvs!opt!dibttft/!Kvmjfo!mvj!sqpoeju;!Pi"! Tjsf-! kf! uf! kvsf! tvs! mf! Nfttjf! rvf! kf! uÖbqqpsufsbj! eft! gbvdpot! dpnnf!uv!oÖfo!bt!kbnbjt!sfŽv/!\Ê^!Kvmjfo!eftdfoeju!wfst!mf!mjuup. sbm!eÖBmhtjsbt/!\Ê^!Mb!opvwfmmf!ev!ecbsrvfnfou!t֏ufoeju!fousf! mft!nvtvmnbot-!rvj!‰!qbsujs!ef!df!npnfou!of!epvusfou!qmvt!ef! mb!mpzbvu!ef!Epo!Kvmjfo/ § 7. Le mythe du renouveau historique de la terre andalusíe incorporait, en ces termes, une nouvelle légende, celle-ci ressemble encore plus à un feuilleton: l’improbable comte Julien aurait emmené les faucons de chasse— les Arabes— à la péninsule dans un jeu dialectique après la requête d’une personne sans égards, satyre, le roi Rodrigue. Julien, héros ici— traitre là-bas —, apparaissait entre les brumes d’une terre lointaine pour la description des orientaux. Et il le faisait pour justifier moralement une invasion déjà gravée dans l’imaginaire andalusí. La légende des amourettes personnelles s’incorporait à la légende de l’invasion, certifiant ainsi que l’étrangeté andalusíe provient même de l’imaginaire arabe: l’andalusí paraît étrange à l’Espagne très postérieure, et serait aussi étrange— parce que neuf, exotique et exceptionnel— pour le générique arabe. Alexandre le Grand ouvrant le Détroit, Noé débarquant dans ces terres mpjoubjoft, une erreur calligraphique— Julien—, incorporé au drame; un Julien qui comme nous le vîmes nous remet à vscbo, simple djubejo! ef! Dfvub sans nom propre; tout cela résumant la romanesque aventure d’une grande vague de féroces faucons envahisseurs ni plus ni moins que pour sauver l’honneur d’une dame. Et, comme si cela n’était pas suffisant, une famille— ces Alqama— composant l’Anabase de Xénophon avec dix mille héros syriens aux ordres de Balch. Bvy!fowjspot!ef!861-!bm.Boebmvt!ftu!tj! mpcp. upnjt-!rvf!oÖjnqpsuf!rvfmmf!ijtupjsf!tfswjsb!qpvs!mhjujnfs! ebot!mft!tpvsdft!qptusjfvsft!mb!gpoebujpo!eÖvo!„njsbu/!Bm. Boebmvt!naissait à partir de rien dans les chroniques. N’importe quel ordre serait préférable à un tel chaos. Même l’psesf!qbsdfm. mbjsf établit par le premier psjfoubm!bwbod, mf!gbvdpo!Rvsbzdijuf, Abd al-Rahmãn I. 395! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou 5/5/!Mf!gbvdpo!Rvsbzdijuf §1. Clairement l’on pourrait plutôt parler de fonderie que de fondation d’un émirat à Cordoue en 756. Parce qu’il s’agit d’une artisanale et compliquée soudure de forces circonstancielles, légende et improvisation, dans un État de mosaïques. Soudure non pas alliage, et pourtant— selon le dicton— dÖftu!csvubm-!nbjt!Žb!gpodujpoof/ Quand nous proposions la représentation symbolique de la création d’al-Andalus, nous nous en remettions à l’impossibilité historique d’une invasion. Préalablement, nous avions établi avec une certaine profusion la naturalité des processus, et enfin, nous discutions la lecture admise à la fin de l’ère des gouverneurs. Mais, pardessus de tout cela, nous recommandions de continuer à suivre du coin de l’œil les mythes constitutifs à cause du rôle qu’ils joueront dans l’histoire postérieure. En réalité, nous faisions allusion précisément à ce moment crucial qui nous concerne: l’arrivée à Almuñecar d’un personnage nommé peu après njs— de commandant à prince, de caudillo à roi, c’est selon— d’al-Andalus. Il s’agit d’Bce! bm.SbinŒo! J, dont les chroniques poétiques surnomment le tbdsf!Rvsbzdijuf, sacre étant un type de faucon. D’autre part les Quraychites étaient de la famille du prophète Mahomet, admettant que cette famille pût dériver les Omeyyades de Damas, la famille royale du premier Empire arabo-islamique. D’ici vient le nom de gbvdpo!Rvsbzdijuf- et nous pouvons déduire que sa légitimité était intentionnellement dynastique, bien que nous puissions comprendre telle idée de légitimité comme excuse coercitive. D’autre part, la filiation mahométane du nom Quraychite ne paraît pas si connue à l’époque: nous continuons de parler d’une terre à des milliers de kilomètres des légendes orales sur le cœur du désert arabe. Vu ce qui précède il est très probable que— également dans ce cas—, nous soyons en train d’appliquer à l’époque des concepts et une terminologie des chroniques très postérieures. § 2. À nouveau, le mythe ancré situe les origines de l’émirat andalusí dans un évènement oriental: la chute du califat omeyyade de Damas. Effectivement, à la moitié des années 700, le pouvoir central arabo-islamique déplace sa capitale de Damas à Bagdad, dans un coup d’État aux Omeyyades hellénisés. Un coup qui les expulse Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 396 sans rémission. À sa place s’installe la dynastie des Abbãssides avec sa capitale à Bagdad. Vraiment, nous localiserons une ligne de connexion entre l’oriental et l’andalusí arrivés à ce point, mais cela ne répondra pas forcément à une relation de cause à effet. Pour commencer, sans plus d’espace que pour insinuer des transcendances, nous signalerons que la fondation de Bagdad vers l’an 750 supposa le véritable devenir sédentaire, le renoncement à la vie bédouine et l’internationalisation de l’islamique, que l’on peut définir dès lors comme impériale. Vof!Cbhebe!dptnpqpmjuf, vojwfstjubjsf- multiconfessionnelle et— en plus— benjojtusbujwf. Il n’y a pas d’État sans fonctionnaires, et bien que le cliché tellurique nous force à contempler tout l’islamique comme unidimensionnel, la véritable transcendance de Bagdad qui nous intéresse est celle de sa gestion administrative de formes de pouvoir coercitif dans la ufssf!qsjwjmhjf!fu!joufsn. ejbjsf entre Byzance et Iran. § 3. Cette Bagdad— ni militaire, ni bédouine et sans sable, disions- nous—, était une fière polis grecque, à l’époque sémitisée et indoeuropéiste, définissant en elle-même — surtout à cause de cela— l’originel concept de Ville Islamique,116 car il nous renvoie à la plus grande hauteur des époques de l’Islãm culturel. L’apogée abbãsside représentait, pour le reste, une troisième lutte de classes117 qui ne se produit pas pour la chute de Damas— tel que le propose l’invétérée histoire universelle du déca116 À la fin, qu’est-ce qu’une wjmmf!jtmbnjrvf? Médine, Bagdad, Cordoue ou Leeds? L’alternance entre islamique et musulman— qui renvoie traditionnellement à la chose ou à l’être humain, respectivement— doit être révisée. Parce que beaucoup de musulmans ne font pas ce qui est islamique. 117 Bien que les marxistes aient été discrédités— par la wbnqjsjrvf usurpation soviétique—, c’est une erreur historique de tourner la page et de tomber dans l’ennui de Huntington; penser que tout est déjà culturel-religieux-stratégique. Sauvons ce qui est nbsyjfo du naufrage marxiste et reconnaissons que la superstructure économique est réellement celle qui tend le nerf historique. C’est l’imperceptible tbcmjfs du changement qualitatif. Les etisjut— et non pas les religions— sont ceux qui donnent des coups de pied aux portes fermées de l’histoire. Comme dirait Focillon, le changement social appartient à ceux qui, subitement, tf!ojfou!‰!qbzfs!mft!e•nft-!ebot!vof!buujuvef!qspqsf!‰!dfvy!epou! mb!tpvggsbodf!fu!mÖbohpjttf!pou!csjt!mb!wpmpou!ef!dpoujovfs!‰!wjwsf. Henri Focillon, Fm!b—p!njm. Madrid: Alianza, 1996. 397! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou dentisme—, mais plutôt comme disait un pédiatre— vof! dspjt. tbodf!evf!‰!vo!dpvq!ef!ߐwsf — de l’administration islamique. Les Abbãssides arriveront à être l’élite politique de l’Islãm de leur époque, et leur absolutisme ultérieur, sans aucun doute. Mais dans son origine, le Califat Abbãsside proclame aux quatre vents le pouvoir des néo-musulmans — nbxbmj ou nbxmbt— sur les vieux musulmans. En définitif, l’on tvsqbttf l’omeyyade. Ce qui est arabe primitif, familial; la monoculture créatrice— hellénisée— de Damas. L’Islãm grandit tellement, qu’il finira par éclore en divers modèles. Parce que l’histoire de Damas dégradé continue, pendant ce temps fleurira d’une façon indépendante celle d’al-Andalus. Donc, admettons les relacions, non pas les inductions— et encore moins les dibo. hft! fyusbufssftusft— entre cette Bagdad flambante neuve et le reste des enrichissantes formes culturelles et politiques de l’Islãm. Ì! mÖpsjhjof! eÖvo! opvwfbv! nzuif-! opvt! efwpot! joufsspnqsf! tpo!fyqbotjpo;!jm!oÖz!fvu!kbnbjt!vo!tfvm!JtmŒn!Jnqsjbm. Donc la diversification postérieure de l’islamique ne répond pas à une désagrégation, mais plutôt à la profusion naturelle d’un mouvement dans les avant-gardes historiques. À la suite du changement administratif en Orient, et après l’expulsion des Omeyyades de Damas, se produisait deux proclamations intéressantes et également transcendantes, comme preuve de cette qpmzdispnjf! jtmbnjrvf: une dans la Maghreb, et l’autre dans al-Andalus. § 4. La première de ces proclamations— la deuxième par ordre chro- nologique— nous indique, qu’effectivement, en 758 arriva à Tanger un énigmatique personnage oriental appelé Mûlãy Idrîs. Bien que les dates aient tendance à varier d’une version à l’autre, le fait essentiel est qu’Idrîs affirmait que son père avait été assassiné par le calife abbãsside al-Hadi. Il alla de Tanger à Volubilis— à l’intérieur du Maroc— et fut accueilli par les natifs et les Arabes qui maintenaient des dissensions continuelles, obtenant— rien de moins— qu’être proclamé calife comme Idrîs I. Plus tard, l’on affirmera aussi qu’il était descendant de Hasan, petit-fils du prophète— fils de Fatime—, qui dut fuir de La Mecque— comme dut le faire Mahomet— et que pour sa pieuse résolution accosta à Tanger. Cet homme, dans l’apogée de son pouvoir, fonda Fès en 789. Pour le reste, son procédé de conquête de tout le territoire marocain fut pratiquement simultané Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 398 et similaire à celui que réalisait son congénère dans al-Andalus; l’autre Bobtubtf, Abd al-Rahmãn I. Ainsi, et pendant les préparatifs de l’autre proclamation annoncée— cette fois à Archidona et après à Cordoue—, en août de l’année 755 débarquait à Almuñecar le futur premier émir d’al-Andalus. Le lieu de l’arrivée est significatif: dans cet al-Andalus usjbohvmbjsf! dont la base irait de Cadix à Gérone— mb!Qojotvmf!wvf!ef!mÖPsjfou, dont nous avons fait plusieurs fois allusion—, les trois caps du côté oriental seraient celui de Gata— bjnbou! du futur port de Pechina—, Cartagena et Denia. Or: le futur émir ne débarqua pas dans n’importe quel lieu prévisible, mais il longea la côte vers le Ponant cherchant un destin convenu. Pourquoi? Parce que son entrée dut être clandestine. § 5. Un coup de main politique était en train de se préparer dans alAndalus, et le débarquement en était l’instrument. Upj!bvttj!uv!ft-! dpnnf!npj-!ebot!vof!ufssf!usbohsf, l’on raconte qu’il chanta au premier palmier qu’il rencontra; souvenir de son berceau abandonné en Orient. Ses premiers pas dans al-Andalus ressemblent à ceux d’un incommode et inopportun roi par surprise. Un instrument de groupes de pouvoir. À part de faucon Quraychite, il fut connu comme al-Dájil — celui qui entra—, et son destin convenu paraît répondre plus à l’opportunité et l’opportunisme qu’à l’inexorabilité dynastique avec laquelle se revêtit son mandat dans l’œuvre des chroniqueurs postérieurs, décidemment proches de la famille royale de cet al-Dájil déjà établie. Dans la mosaïque péninsulaire que nous laissions à l’entrée des ejy!njmmf avec Balch, et après sa mort violente, le possible rôle coercitif de ces contingents armés répartis dans les casernements connus comme zvoe! paraît important; ces circonscriptions militaires projetées par Artobás à partir de Cordoue ou Séville. En tout cas, avec la présence des Syriens dans la péninsule— même s’ils furent moins que les dix mille de l’Anabase citée: l’Blicbs!Nbdinb—, tout paraît ressembler à un assaut au pouvoir de la part des orientaux, majorité militaire qui est déjà décisoire dans multiples aspects. De cette façon, l’intronisation orientalisante d’Bce!bm.SbinŒo!J!dpnnf!njs! eÖbm.Boebmvt fut l’apogée d’une série de manœuvres politiques— et stratégiques— préalables dans lesquelles nous pouvons situer, sans ambages, l’psjhjof ef!mքubu!boebmvt“. 399! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou § 6. De cette manière, et après la mort du gouverneur-général syrien Balch, un tel Yûsuf al-Fihrî assume le commandement des troupes musulmanes dont la cohésion paraît répondre de plus en plus à des légitimités préalables. Proclamations d’union, par exemple, du fait d’avoir combattu ensembles dans le Maghreb sous les ordres de Balch, ou peut-être le simple fait d’être orientaux— Syriens. Il ne s’agit pas d’un carnet ou d’une enseigne: il s’agit de la langue. Il est évident que la langue arabe se popularisait déjà en Syrie après ce que nous avons appelé Révolution d’Abd al-Mãlik et que, n’ayant pas un Droit Islamique qui n’existait encore que comme dérivation du byzantin, et sans un islãm dogmatique qui est encore en processus de formation, la langue de ces Syriens attribuera un certain esprit de corps. C’est cela la clé de la croissante structuration d’joàvfodf!tzsjfo. of. Au moins dans le Sud, dans ces termes paraît passer le maintien du pouvoir, même si celui-ci continue son propre chemin— comme nous maintenons— dans les villes, sûrement encore qbsujtboft de la lignée de Wittiza. Pendant ce temps, dans le nord-est péninsulaire, un autre Syrien, bm.Tvnbzm, commandant aux alentours de Saragosse sans beaucoup de vocation de soumission. Et nous connaissons déjà la situation la plus stable— autochtone— Levant, ou les irrédentes franges de Galice à Vasconie. Dans la tension légitimatrice de cette mosaïque, se fraie un passage un affranchi— mawla— appelé Cbes, et un certain projet de gesbujpo!boebmvt“f. C’est pour cela que nous faisions allusion à l’ubu!qbsdfmmbjsf fait de cantons, inhérent au premier émirat qui est en train de se concevoir. Pour cette première esquisse institutionnelle d’al-Andalus, les instruments de pouvoir seront les troupes orientales établies— les zvoe—, les troupes nord-africaines, les plus intégrées, et les hispano-romaines préalables, et— surtout— la capacité d’unir des volontés. § 7. Sur le factotum de la future cohésion— mais, non fusion— primaire d’al-Andalus, Abd al-Rahmãn I, la charge métaphorique qui entoura sa nomination est trop pesante. Sa présence commandant rapidement les Syriens, répond à un fait oriental; un déplacement: les Arabes originaires ne comptent déjà plus tellement dans le nouvel ordre abbãsside, avec la ville de Bagdad comme centre administratif dans laquelle la langue arabe est polie et brunie par des Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 39: néo-arabisés là-bas à Kûfa et Bassora. La culture islamique est en gestation avec les savoirs grecs déjà assumés, avec de futures et diverses écoles juridiques qui marquent d’inspiration islamique leur base byzantine— donc romaine-; avec des traditions religieuses composées sur la base d’un Coran mis enfin par écrit. Ce qui est strictement populiste d’avant ne s’érige déjà plus sur la cape hellénisée et méditerranéenne qui pût définir ce qui est omeyyade. Non; bien que ce monde occidental— Maghreb et al-Andalus— chemine vers sa propre apogée, l’oriental arabe devient peu à peu iranisé et proche à la qsbhnbujrvf!ev!qpvwpjs!cz{boujo/ La dichotomie arabo-islamique entre Orient et Occident— Moyen-Orient et Méditerranée— sera la clé du progrès par compétence si commun aux systèmes polyèdres, poly-chromatiques, qui cependant ont des points de rencontre. Ne serait-ce que la symbolique et transcendantale inspiration de l’échange social que suppose le pèlerinage à La Mecque. § 8. Effectivement, ce déplacement de ce qui appartient à al- Andalus — face à l’initial rejet absolu du Maghreb— se symbolise poétiquement grâce à un certain messianisme omeyyade. Peu importe si réellement Abd al-Rahmãn était ou non fils d’un Omeyyade échappé des flèches abbãssides— selon racontent les chroniques. Ce qui est éloquent c’est qu’avec ce curriculum l’on puisse structurer l’équilibre entre les différents groupes de pouvoir dans al-Andalus, quoiqu’avec l’aide finale de la force. Ainsi, l’histoire de ce nouveau venu de la tragédie des Omeyyades, avec ses pénuries à travers les tribus nord-africaines, se convertit en symbole de légitimation. Que cela ressemble plus au système successoral wisigoth qu’à l’oriental; celui basé sur un tfsb!spj!dfmvj!rvj!enpousf!mf!qmvt! eÖfowjf!ef!m֑usf? Bien sûr, mais même par ces voies-là la egfotf! ev! ujusf dans al-Andalus, fonctionnera à la perfection. Quand ce futur émir Abd al-Rahmãn I s’installe à Cordoue après son passage par Séville, Artobás— fils de Wittiza, dont nous avons déjà fait allusion— est ratifié comme flamant Dpnft— comte— dans celle qui est déjà la capitale et continuera de s’occuper des affaires des Hispano-romains. Abd al-Rahmãn I et Artobás, l’émir et le comte. Rvj! opnnf!‰!rvj-!ebot!mb!wjmmf!eft!np{bsbcft@ 3:1! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou § 9. Le collaborationnisme apparent— en pratique, une union pour la gestion— est essentielle pour l’époque que nous traitons. Ce Théodemir de Murcie, l’évêque Oppas à Séville, également à Tolède frappant une monnaie, ou dans le nord essayant de faire entendre raison institutionnelle— sans succès— aux partisans de Pelayo. Les fils de la Sévillane Sara la Gothe, reconvertis en une influente famille Qutiya— qui est le nom de Goth en arabe. Ou bien une certaine famille notable romaine nord-orientale — les Casio— qui bientôt seront les Banu Casi— ou Ben Qasim— pour que— selon le principe de Lampedusa— tout change dans le temps, pour qu’ainsi tout puisse continuer comme avant, et cetera. Face à telle situation de possibilités de profit de ce àfvwf!uvs. cvmfou, cet affranchi syrien— Badr— fit sa particulière campagne d’image entre les forces vives du contrôle andalusí. La théorie de que un des nôtres fonctionna à instance de Badr, et le nouveau venu d’Almuñecar avait devant lui un petit eupvs! odfttbjsf, avant ses futurs trente deux ans d’émirat. Les premières années d’une certaine stabilité andalusíe. 5/6/!Gpsnbujpo!ef!m֏njsbu!pnfzzbef Ñ!Abd al-Rahmãn I (756-788) — Hichãm I (788-796) — Al-Hakam I (796-822) 5/6/2/!Tjhojßdbujpo!ef!m֏njsbu § 1. Probablement, la clé interprétative principale dans la progressive formation et postérieure évolution d’al-Andalus soit que le territoire ne se ferma jamais. Ce n’est pas une salve à l’obsédante et anachronique tolérance andalusíe; mais précisément une comparaison avec ce que le futurisme national-catholicisme prétendra: fermer Espagne. À ne pas avoir une volonté réelle— ou possibilité— de fermeture, d’extension maximale dans le territoire ibérique, alAndalus donnera la possibilité avec le temps de l’apparition d’une vision fantasmagorique: la reconquête. Vu que des zones restent isolées au nord, étrangères à l’État andalusí, l’histoire postérieure prétendra que sa spécificité était religieuse— chrétienne— en première instance, quand probable- Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 3:2 ment sa propre existence dépendait beaucoup plus d’une certaine insoumission au centralisme. En plus, face à l’existence de telles zones différentiables mûrirait inévitablement le fruit spécifique de la période historique que nous traitons: le concept de la frontière, terre intermédiaire; nbsdbt— normalement zones inhabitées— de passage. Ce of!qbt gfsnfs! al-Andalus est symptomatique de l’absence d’une njttjpo!qsbmbcmf: jm!oÖz!b!qbt!fvu!eÖjepmphjf!jn. qsjbmjtuf!ebot!mÖjtmbnjtbujpo!fu!bsbcjtbujpo!eÖbm.Boebmvt/ § 2. Ce qu’il y eut réellement c’est une évolution intrinsèque. L’on n’avança absolument pas aux ordres de Damas, Bagdad ou Ifrîqiyya, comme l’on prétend. Simplement, comme nous l’avons annoncé, ce qui coexistait se convertit en prééminent. Ce qui est arabo-islamique, que l’on peut déjà définir ouvertement à partir de la moitié des années 700, et présente dans la vie péninsulaire— très spécialement entre le militaire et l’ecclésiastique; troupes étrangères et prêtres hétérodoxes—, se convertit en ce qui est représentatif, pour de là avancer vers l’inévitable. Un changement qualitatif s’est produit dans la nomenclature hégélienne— marxienne, fruit de l’accumulation progressive de changements quantitatifs. Les populations se convertiront à l’islãm comme conséquence logique de la pression croissante à partir du pouvoir. Ce qui n’était pas différenciable dans ces premières années confuses d’ariens, Romains et Sarrasins; ce qui n’était définissable que comme une forme hérétique et populaire de monothéisme iconoclaste, nbjo. ufobou!dfdj!ftu!ek‰!vo!bqqbsfjm!‰!mb!sfdifsdif!ef!usbejujpo/! Et comme il se prétend révolutionnaire, différent du passé immédiat, sa tradition se codifie en même temps qu’avance l’histoire. S’insère une nnpjsf!ijtupsjrvf tzsjfoof qui retro-alimentera la fiction du sbqu!ef!mÖIjtqbojf/ § 3. Telle tradition marchera attirant en permanence les inévitables fureurs du néophyte, se constituant le contingent de ces nouveaux musulmans— muladíes— qui devront vivre ensemble avec les autres vieux musulmans— baladíes. À la longue, la tolérance ne sera plus si nécessaire à cause de l’islamisation d’al-Andalus, et ainsi commencera le chemin historique du fait andalusí, fortement orientalisé en successives phases d’assimilation culturelle, qui à la fin serait spécifiquement occidental. Face aux muladíes et ba- 3:3! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou ladíes, et en raison du vieillissement des muladíes—, apparaissent les shamíes— shamiyyún, Syriens— élément qui bientôt configurera avec les baladíes le véritable couple péninsulaire. Ceux de l’intérieur— baladíes— face aux Syriens— shamíes. La marche andalusíe, donc, commence réellement par ces paiements. Même si cela ne produira ses premiers fruits jusqu’à son enracinement consumé— vers les années 800, comme nous le disions. Avec l’instauration d’un émirat— régime temporel, délégué, bien qu’autonome-; avec l’arrivée nfttjbojrvf du dernier Pnfzzb. ef psjfoubm, dans ce romanesque tzoespnf!eÖBobtubtjb que nous avons déjà transposé— pour le rôle de la supposée dernière fille des Tsars après le magnicide de la révolution soviétique. En réalité, la tqdjßdju boebmvt“f!commencée ici n’implique pas son côté exceptionnel. Tout l’islãm se configurait comme un ensemble de semblables; une certaine coordination de régions spécifiques. § 4. Si nous percevons aujourd’hui la différence spéciale andalusíe par rapport à ces autres régions similaires de cette époque, cela est dû à ce que la nôtre, concrètement, ne s’insère pas plus dans l’espace islamique. Il est possible qu’il le fasse encore dans les imaginaires; la nostalgie et ses fils sont libres et al-Andalus— nous continuerons avec ceci— est de celui qui le nécessite. Mais la réalité démontre la vérité beaucoup plus intéressante d’une mosaïque de spécificités islamiques qui depuis les années 700 jusqu’au-delà des années 1000— et dans des zones assez amples, encore bien après— constitueront ce que nous avons convenu d’appeler— d’un mode identique à Ortega y Gasset— la hauteur des temps. La tdjfodf! wfefuuf des sémites, la généalogie, laisse ici son empreinte dans l’imaginaire des Arabes, un peuple qui prétend constamment devoir quelque chose à ses origines nomades— guère plus qu’étymologiques— qu’à son développement hellénisant. Cette généalogie prétend expliquer d’une façon diachronique et exactement un— plus que probable— hasard sournois de populations et évènement à l’époque qui nous concerne. Mb! hobmphjf! ftu! vm. usjfvsf!‰ mÖbhspvqfnfou, sentencie subtilement W. Montgomery Watt commentant l’œuvre de Dozy.118 Et dans la flambante inaugu118 W. M. Watt, Ijtupsjb!ef!mb!Ftqb—b!Jtmˆnjdb, Madrid: Alianza, 1986 (1960 1), page 33. En marge du peu pertinent— et communément admis— qu’est de par- Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 3:4 ration de l’émirat d’al-Andalus, telles réflexions doivent se pondérer. § 5. Pour cela, passons brièvement par un exemple de généalogie sémitique: dans le concept clé de l’Ancien Testament, l’Alliance, l’on prétend que Dieu élit à un peuple, et avec son représentant— bien que successif— scelle une telle alliance. Dans sa permanente explication symbolique, la Bible raconte l’histoire d’un père— Jacob— et ses douze fils, desquels surgiront les douze tributs dépositaires de cette alliance; le peuple élu par Dieu. Ainsi l’explication généalogique— sémitique—, éclaire d’une manière mythique l’histoire d’un peuple. Peut-on proposer une lecture différente de la même vérité? Douze tribus scellent une bmmjbodf représentée par l’mfdujpo d’un seul Dieu; car l’on sait que le ejfv!ef!mb!usjcv est l’ufoebse dans les peuples sémitiques de l’Antiquité. Dans cette alliance enflammée au mode sémitique, ils se proclament frères; fils d’un même père. Alliance, Dieu, peuple élu et douze tribus sœurs se maintiennent mais en invertissant l’ordre. L’agroupement historique s’exprime en termes familiaux, retournant, de cette façon, à Watt: mb!hobmphjf! ftu!vmusjfvsf!‰!mÖbhspvqfnfou/ Il se produit le fait historique d’un projet de vie en commun de peuples déterminés, et on représente cela dans une explication généalogique commune de son passé. La généalogie sémitique est la version historique des alliances par mariage: expressions consanguines de volonté d’agroupement. Mais l’on peut la lire seulement symboliquement; enlevant le côté poétique de la documentation conservée. § 6. Dans ce sens l’on doit lire la réfutation de Watt à Dozy. Dans son Ijtupjsf!eft!nvtvmnbot!eÖFtqbhof- le Français Dozy propose la narration généalogique d’un film— qui clairement, est un feuilleton— de l’histoire d’al-Andalus; la même que nous critiquions dans le cas du livre d’Ibn Hazm sur les mythiques lignées andalusíes, et la même que l’arabisme contemporain soutient inexplicable- ler de l’andalusí comme indéfectiblement espagnol— quand le Portugal fut tant al-Andalus comme Espagne, cette brève vision de Watt— en collaboration avec l’autre grand spécialiste d’Édimbourg, le père Cachia— c’est une des meilleures approches d’ensemble que l’on a écrit sur al-Andalus. 3:5! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou ment— comme fait historique fondamental.119 Le propre disciple de Dozy, Lévi-Provençal, chercha déjà la manière de reconduire tout l’énorme appareil mythique de son mentor; cette explication prolixe d’al-Andalus comme palissade entre les tribus du Hiyaz— dans l’Arabie Saoudite actuelle. Et dans cette vision critique nous devons nous installer commodément si nous voulons comprendre la progression vers l’émirat d’Abd al-Rahmãn I, bien que la littérature prétende être en elle-même l’histoire. Ainsi que, la généalogie du propre émir, ses aventures entre les tribus maternelles nord-africaines, l’expression de soumission des romanesques clans arabes andalusís, les coups de fouet des clans opposés l’activité similaire d’autres clans au-delà, supposément Cfs. csft… L’on doit mettre en quarantaine toute l’explication profuse, symbolique et ef!dmbot dans laquelle un chef oriental débrouillard, Abd al-Rahmãn I, se fit avec un certain niveau de pouvoir dans l’alAndalus. Tout ce qui se produisit, se produisit indubitablement. Mais pas forcément comme on le raconte. Peut-on penser réellement que les portes d’al-Andalus s’ouvrirent à un nouveau venu seulement parce qu’il disait être Omeyyade? Tout cela est pratiquement identique que prétendre que tout l’andalusí est dû à la trahison de ce fantôme— Julien. Lamentablement, nous continuons installés dans la critique du gpoebnfoubmjtnf!ef!mb!mjhof!espjuf: l’explication simple et directe a beau être celle que l’on peut narrer le plus rapidement, elle n’en n’est pas pour cela plus véridique. § 7. Dès la précoce période andalusíe dans laquelle nous nous trou- vons, le sentiment postérieur de la perte de l’Espagne ne paraît pas avoir eu beaucoup d’impact dans les territoires de l’actuelle Andalousie comme celle que l’on peut observer dans sa périphérie. Ce premier al-Andalus s’était centralisé initialement à Séville, un des trois sièges de l’Église romaine, et sûrement pas aussi wisigothe que certaines autres— Tolède. À la longue, les liens de Rome comme rectrice se relâcheront avec les communautés chrétiennes, et le 119 L’énorme production intellectuelle dans ce sens devient inquiétante. Des explications surprenantes sur la chute des Omeyyades de Damas qbsdf!rvÖjmt ne suivaient pas la Charî ‘a, détaillant des cartes complètes des multiples tribus du désert arabe dans la péninsule Ibérique… Il n’y avait jamais eu tant de science appliquée à tant de conte, seul remarquable dans sa wsju!tzncpmjrvf, apte pour les traducteurs qui savent éloigner le nez du texte. Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 3:6 reste des groupes s’arabiseront et s’islamiseront, processus compréhensible pour celui qui sait lire la révolution islamique comme ineffable révélation qui coïncide avec l’arianisme éthéré.120 Malgré tout cela, ces communautés islamisées et entourées d’arabisation garderont, dans la mesure du possible, la langue latine hispane romancée; fait sûrement plus en relation avec leur identité religieuse et la propre résistance populaire naturelle, plutôt qu’avec certaines prétendues semences de sfdporv‘uf/ DÖftu!qpvs!dfuuf! sbjtpo! rvÖjm! ftu! fsspo! eÖbqqfmfs! np{bsbcftÒ! nvtubÖbsbc-! bsbcjtÒ!bvy!np{bsbcft<!qbsdf!rvf!mb!tfvmf!diptf!rvÖjmt!of! gvsfou!qbt!dÖftu!qsdjtnfou!dfmb<!jmt!of!wpvmvsfou!qbt!tÖbsb. cjtfs/! La qualification classique de dimmíes— personnes d’une autre religion que le Livre, avec un certain régime de capitulation— est beaucoup plus ajustée à la vérité que celle d’arabisés, qui remettrait clairement des communautés arabes en dehors de l’espace arabe majoritaire, cela n’étant pas le cas. Mais, comme il n’y a rien de plus dense et obscur que le fait de la permanente revendication du détail— la tromperie de la nouvelle science qui occulte le changement de nom des choses— nous continuons donc à maintenir la terminologie d’usage. 5/6/3/!Bce!bm.SbinŒo!J!)867.899* § 1. Al-Andalus avait reçu rapidement un autre composant sociologique de cet Islãm oriental et hétérogène: de nouvelles troupes venues du nord de l’Afrique qui n’étaient pas nord-africaines. Nous voyions qu’en 740 s’était produite une rébellion nord-africaine 120 Nous n’insisterons pas beaucoup plus sur ce sujet, mais il est impossible de comprendre le Coran si l’on ne le conçoit pas comme Révélation qui coïncide avec les contenus de n’importe quel texte arien de son époque. L’exemple central est le traitement des Byzantins: les Byzantins méritaient-ils réellement un chapitre entier, si nous partons du Coran comme émané de son contexte dans l’Arabia Felix? Non: l’anti-byzantinisme coranique, exprimé comme antitrinitarisme, est si permanent, si clair, si essentiel, que cela seul peut répondre à que le Coran s’insert dans un contexte beaucoup plus ample que celui des diatribes caravanières entre La Mecque et Médine. Il s’insert dans la transcendantale coupure méditerranéenne entre trinitaires et unitaires. Le Coran dbsbwbojfs est un mythe; non ainsi l’illuminateur et rénovateur texte monothéiste que nous connaissons. Celui qui voit en cela des nuances restrictives, celui qui ne sait pas lire en cela la clé de l’universalité du Coran, ne comprendra jamais le Livre Sacré. 3:7! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou contre le pouvoir arabe oriental croissant, de même que la façon avec laquelle les insurgés prirent Tanger, ou les natifs qui ne laissaient pas tomber Tanger, celle-ci est l’autre lecture possible. Nous assistions également à la contagion péninsulaire provoquée par le chaos spécifique dérivé des villes post-hispanes protégées par des troupes mercenaires. Ces troupes étaient dirigées par ces supposés gouverneurs— walis, dans la nomenclature appropriée—, qui se succédaient d’une manière si critique comme naturelle dans la tradition de la monarchie wisigothe préalable. Ces contingents syriens arrivés d’Afrique grossis littérairement— ces dix mille hommes du Syrien Balch—, contribuaient à rendre on ne peut plus chaotique le sempiternel drame du contrôle péninsulaire. Le territoire demandait depuis un siècle de l’ordre, ne serait-ce que décentralisé. Et la requête sera satisfaite grâce à l’émirat. Après de longues années d’affrontement entre les différents contingents, groupes de pouvoir, et maintenant entre Arabes, NordAfricains et mythes, il est logique que la population hispano-romaine d’islamisation progressive assistât à la crise politique non comme un affrontement entre l’islãm et le christianisme, mais sûrement comme la logique continuité du critique jour à jour wisigoth, avec des luttes de pouvoir étrangères au peuple, en principe hispanoromain. Tout cela changera avec la tubcjmju!pnfzzbef; la marque de ce même ordre minimum que réclamait l’époque. Clairement, l’on peut dire que l’affrontement entre les différentes factions fit fracasser des tentatives précoces de forger un état andalusí. Mais, la post-Hispanie qui n’est pas encore cicatrisée, aurait-elle accepté une greffe automatique d’un état étranger? Non: mb! qsphsfttjpo! dibpujrvf!wfst!vo!ubu!pnfzzbefÒ!m֏njsbu-!ebot!df!dbtÒ! ftu! bvttj! obuvsfm! dpnnf! bqqspqsj! jm! ftu! upvu! mf! qbjo! nz. uijrvf! tvs! mfrvfm! jm! t֏ubcmju/! Parce que, à ce niveau— quand n’en est-il pas ainsi? Ce qui est vraisemblable avance avec plus de rapidité que ce qui est vrai. § 2. De cette manière, l’on peut tenter, sans faire abstraction de ce qui précède, que soit possible l’explication de la lecture contraire, donc complémentaire: sans intention ni possibilité de créer un état, les terres andalusíes se virent mêlées dans un tel marasme politique— reflet, sans doute, d’une terre repeuplée, les résistances inhérentes et les luttes de pouvoir inévitables face au vide struc- Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 3:8 turel— que celui qui arrive à établir un ordre, réussira à associer celui-ci à l’idée d’un proto-état. Dans la lecture poétique— si usuelle— de ces évènements, l’on dit que les Arabes ne vinrent pas à Cordoue comme conquérants, mais comme amoureux, selon nous rappelle le poète syrien Nizar Qabbani, qui en 1963 publia une lettre d’amour à la ville de Cordoue dans les rues de laquelle, comme il disait, il se promenait avec la main dans la poche pour sortir la clé de sa maison de Damas. Telle familiarité du poète syrien, avec la licence poétique— grossière exagération— d’affirmer qu’il se sentait presqu’en face de sa maison damascène, de l’autre côté de la Méditerranée, va beaucoup plus au-delà de simples coïncidences architectoniques ou explications historiques. Cela nous reporte au pont imaginaire tracé par le marwaní— l’autre nom des Omeyyades— Abd al-Rahmãn I, auquel nous faisions hommage comme faucon Quraychite. Quelle intelligence politique que celle de ses assesseurs, mentors, ou contrôleurs dans l’ombre! Se présenter comme Quraychite, Marwaní, Omeyyade, Syrien, pur Arabe, oriental, Sarrasin et installer sur un coup de main subit, tout un passé propitiatoire. C’est l’homme du moment; le polyédrique sauveur, ainsi offert dans la campagne préalable. Qbsdf! rvf! mb! ßdujpo! ef! rvÖbm.Boebmvt! qspwjfou! eÖvof! dporv‘uf!psjfoubmf!ob•u!ef!mb!dbnqbhof!mfdupsbmf!eÖBce!bm. SbinŒo!J/ Pour justifier l’adéquation de son coup militaire effectif, l’on invente une évolution rien de moins que d’un procédé administratif naturel— dpnnjttjpo! ef! tfswjdft! ebot! mÖbm.BoebmvtÒau sein d’un peuple, dans les proto-structures d’une religion qui, clairement, ne savent pas encore si elles vont être quelque chose de différentiel dans l’histoire. § 3. Celui qui sera un émirat omeyyade avec sa capitale à Cordoue ren- dra évident— nous le verrons plus tard— l’usuelle autodétermination politique d’un coin de l’espace culturel et religieux islamique. En ce point nous faisons une halte coïncidant avec les classiques propositions de Bernard Lewis: il n’y a pas eu de système politique homogène associé à la religion de l’islãm. Par conséquent, le pouvoir politique et le pouvoir religieux ne coïncident pas toujours; donc, nous pourrions relier tout cela avec d’intéressants exposés contemporains. Non: Abd al-Rahmãn I ne dépendait de personne en Orient, et de peu en Occident. Il devint important dans la vieille capitale récente, Cordoue, et 3:9! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou organisa l’armée assainissant les coffres dévalisés de l’État par une pression fiscale, ainsi que par la progressive expropriation des biens de la lignée de Wittiza. Ce comte Artobás, invité par la question que nous nous posions— qui nomme à qui? Assistait aux derniers sursauts d’un certain pouvoir hispano-romain. L’ère nouvelle progressait vers une société cordouane neuve qui transforma l’église de San Vicente en nptrvf. L’islãm commençait à apparaître comme tel d’entre les brumes créatives de tant d’hérésie, iconoclasme éthéré, religion non hiérarchisée. Cette relève obligée— de l’église à la mosquée— commencerait donc— aux environs de 756— par un processus de successifs agrandissements pour arriver à être la mosquée principale d’une capitale— nptrvf! bmkbnb—, qui à cause de l’augmentation du nombre de fidèles assistants aux offices, devra grandir en démolissant les murs et s’étendre par le quartier voisin. § 4. Prenant comme exemple les troupes de Balch et le propre émir Abd al-Rahmãn I, dans al-Andalus s’intensifiera un particulier hp! xftu arabe dont nous avons fait allusion en maintes occasions et qui dépendra en grande mesure des possibilités omeyyades à l’heure de stabiliser le territoire. Ce refuge andalusí d’Abd al-Rahmãn I, al-Dájil, est un déguisement précoce restaurateur de notre histoire. Cette proposition initiale de réinstaller une dynastie, parcourt dans la sève territoriale à travers des mêmes conduits que le propre et ultérieur mythe de la reconquête. Parce qu’ici, tout paraît avancer vers une tellurique carotte historique; la recherche nécessaire d’un possible ancrage dans le passé. Quoi qu’il en soit, la dynastie exista, associée au rôle universel de Cordoue cmbodif — pour la couleur emblématique des Omeyyades— face à l’étendard noir des Abbãssides de Bagdad. À l’époque qui nous concerne, l’Orient et l’Occident se déployaient pivotant autour de ces deux villes, Cordoue et Bagdad. S’affrontant, donc, complémentaires. Lamentablement, Eugenio d’Ors n’eut pas de succès en cela comme en tant d’autres choses: les Arabes ne passèrent pas à l’histoire comme une horde anti-urbaine, mais précisément comme personnes éprouvées au concept de ville.121 121 Le etbkvtufnfou!jtmbnjrvf! est si commun chez les penseurs occidentaux, que cela ne mérite pas telle pandémie de critiques ultérieures à certai- Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 3:: § 5. Le faucon Quraychite est, de cette façon et à partir de cette capitale, le vrai symbole du conquérant de l’Hispanie et celui qui configure al-Andalus. L’on peut se demander si tout ce qu’il forgea de cette conquête consolidée fut, en premier lieu, islamique ou arabe: sur l’islamique pèse ce qu’en réalité, générait un système politique délié de la légitimation religieuse, vu que l’émirat sera toujours en affrontement avec l’autorité califale des Abbãssides de Bagdad. En revanche, son prétendu passé omeyyade lève des doutes intéressants sur l’islamité, vu que l’on se souvient de l’implantation omeyyade à Damas plus comme arabe que strictement islamique. Effectivement et en général, dire Omeyyade implique plutôt arabisé. Mais, comme nous le disions avant, sur son régime arabe pèse également la réalité palpable des contingents qui habitent al-Andalus, ce conglomérat de Nord-africains et Hispano-romains tous deux latinisés, en marche d’islamisation et qui, à la longue, assisteront même à la création d’une armée spécifiquement omeyyade de composition majoritairement mercenaire. En définitive: l’émirat sera une mosaïque créative. Dans n’importe quel cas, les pistes que pût laisser dans sa gestion d’émir ce faucon Quraychite, Abd al-Rahmãn I— dont le surnom nous fait penser à un besoin de légitimation, à nouveau— serviront après pour forger l’État unitaire de ses descendants califes: l’établissement cordouan, les modes d’administration basés sur une économie stable, et la structuration grâce à l’utilisation et l’amélioration nes personnes, bien que l’on puisse les appliquer au phénomène. Avec quatre branches se firent un abri en la matière beaucoup d’intellectuels, et que réellement ce thème mériterait une monographie: une dbsuf!nzuijrvf ef!df!rvj!ftu! jtmbnjrvf qui culminerait avec d’authentiques images humoristiques d’actuels et jmmvtusft! pshvfjmmfvy! ef! mfvs! jhopsbodf- comme c’est le cas de Rodríguez Adrados ou Gustavo Bueno, entre! autres. Voir, d’Eugenio d’Ors, Njt!djvebeft, Madrid: Libertarias, 1990. Page 105. Il dit ainsi: bvy!nbjot!eft!Nbvsft-!qpvs. sjpot.opvt!dpoujovfs!ef!qbsmfs!ef!wjmmf@!Kf!tpvqŽpoof!rvf!opo/!Mb!wjmmf!ftu! vof!jowfoujpo!hsfdrvf-!fu!rvj!tfvmfnfou!ebot!mb!qfsnbofodf!ef!mb!djwjmj. tbujpoÒ!dpnnf!jotujuvujpoÒ!b!vo!tfot!fybdu/!Pž!jm!oÖz!b!qbt!ef!tubuvf-!jm! oÖz!b!qbt!ef!wjmmf/!Mf!hojf!qmbtujrvf!rvj!npemf!ebot!mb!tubuvf!mb!opujpo!ef! mÖipnnf!ftu!mf!tfvm!rvj!qfvu!npefmfs!ebot!mb!wjmmf!mb!opujpo!ef!tpdju/!Ebot! mÖvo!dpnnf!mÖbvusf-!df!rvj!ftu!tnjujrvfÒ!tÖjm!bssjwfÒ!of!qfvu!qbt!tjhojßfs! bvusf!diptf!rvÖjoufssvqujpo. L’ancrage obstiné dans le topique qui feint être connaissance, est intéressant. Bien sûr que la ville est une invention grecque, comme l’est également le fait historique de sa continuation islamique. 411! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou du réseau de communication romain— les voies et les chaussées—, tout cela pas encore bien structuré, serviront pour des futures centralisations. Au sujet des chaussées romaines, il faut insister sur ce que nous ressassons au sujet de ce nbsxbo“— Abd al-Rahmãn I— il provenait de tout ce qui fut également empire romain, qu’en certaines occasions nous prétendons nous proclamer uniques héritiers de filons historiques. De Damas à Cordoue, son voyage fut d’une Rome passée à une autre, augmentées et établies par la civilisation islamique qui hérita des deux. § 6. En ce concerne l’économie stable citée, le futur émir tiendra compte du rôle d’une monnaie forte, le dirham d’argent— 2,75gr. —, maintenu jusqu’au Xème siècle, comme preuve de stabilité économique. Ce dirham d’argent provient, même étymologiquement, de la monnaie latine orientale qui était une version à son tour de la drachme grecque— drachme/dirham— de la même manière que le dinar d’or viendra du denarus latin. Sur la stabilité monétaire d’al-Andalus et le rôle de celle-ci dans la splendeur civilisatrice de son époque, il faut— pour le moment— signaler que Charlemagne copia le système monétaire andalusí, et que la monnaie médiévale appelée le maravédis provient du marabutí islamique. Al-Andalus européen était en train de naître. Celui qui continuera— se filtrera, se fondra— dans la Renaissance. Ainsi, dans le démarrage de l’État andalusí— administration, politique, économie et armée—, Abd al-Rahmãn I est proclamé njs! par diverses factions militaires dans un pronunciamiento significatif réalisé à Archidona en l’an 755,122 à défaut de sa validation l’année suivante à Cordoue. Être proclamé njs! et non dbmjgf est beaucoup plus important que cela puisse paraître. Cela implique la connaissance d’un certain régime califal, et donc reconnaît l’existence de quelque chose déjà reconnu comme état islamique en Orient. De même que ce qu’implique ce qui précède et tout ce qui se crée autour de Cordoue ne prétend pas rivaliser avec ce qui est connu comme califat. Il y a beaucoup de dbnpvàbhf en tout ceci: il s’agit de ne pas s’affronter à ce qui est connu comme une forte entité orientale, en même temps que de ne pas faire trop de bruit 122 Ce signe de proto-andalousisme situé à Archidona est curieux, en effet, celle-ci fut le scénario de la célèbre proclamation préalable à la Guerre Civile. Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 412 dans al-Andalus. Un wsjubcmf!foofnj d’Orient se serait proclamé calife— ceci se passait dans le Maghreb—, et cependant, Abd al-Rahmãn I ne le fit pas. Probablement dans al-Andalus l’on avait déjà conscience de ce qu’était un califat, et l’on n’était pas d’accord à accorder tant de pouvoir au nouveau venu. § 7. Par conséquent, être émir et non calife peut nous rapprocher à une bonne explication de l’époque. Pour commencer, émir terminera par signifier prince mais, clairement, cela signifie encore commandant. C’est un trait des débuts militaires qui par habitude est obvié à cause de la permanente explication religieuse de l’islamique, mais le premier calife qui s’autoproclama njs! bm.nv. njo“o— commandant des croyants—, fut paraît-il Omar dans une claire manœuvre de cohésion militaire. Donc, qu’Abd al-Rahmãn I fût proclamé émir par diverses troupes, n’a d’autre lecture que la militaire: il va dpnnboefs une armée, ou un ensemble de contingents. Et il maintiendra ce titre à Cordoue, en coexistence avec celui du comte Artobás. L’avance dans l’histoire de ce dpnnboebou sera similaire à celle d’un hosbm!rvj!b!gbju vo!dpvq!ef!nbjo, se sublimant dans un moment sans pareil: ‰!tb!npsu-!tpo!ßmt!isjufsb!mf!qptuf/!Qbs! dpotrvfou-!df!rvj!dpnnfoŽb!qbs!vo!dpvq!ef!nbjo!ufsnjof! qbs! tf! dpowfsujs! fo! qspup.npobsdijf/! La longévité d’Abd alRahmãn I, son art à maintenir le pouvoir, et le geste historique de léguer l’émirat à un héritier, configurent le nouvel ordre et réprime le désordre des gouverneurs. § 8. Vu du premier rang des siècles à venir, quand un tel Abd al-Rahmãn III choisit pour lui-même le titre de calife, il le fera probablement parce que celui d’émir lui paraissait inférieur. Donc, l’émirat n’est pas beaucoup plus qu’un casernement centralisé d’al-Andalus. À partir d’ici, les affrontements intérieurs dans ce processus centralisateur seront innombrables, ainsi que les externes, depuis l’ennemi abbãsside d’Orient jusqu’à l’ennemi franc, hérité par pure inertie géographique, non pour motifs religieux. Cette normalité dans la séparation de la religion et la politique est un précédent et une preuve irréfutable qui a tendance à s’éclipser pour certaines visions biaisées et stéréotypées d’un présumé islãm globalisateur et historiquement homogène. 413! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Lorsque l’on détecte des éléments insurgés provenant d’Orient, leurs têtes seront envoyées à Kairouan, dans l’Est maghrébin; l’ultime bastion de pouvoir oriental vers l’Occident. Parce que, ubou! mÖJtmŒn!boebmvt“!dpnnf!mf!nbhiscjo!bwbodfspou!upvkpvst! tvjwbou!mfvst!qspqsft!mpjt/!Ces têtes iront enveloppées dans le drapeau noir emblématique des Abbãssides, et la symbolisation indépendantiste de telle action admet peu de doutes. De l’époque qui nous concerne, dès les débuts de l’andalusí et maghrébin, l’Orient ne contrôle absolument rien en Occident. § 9. Cependant, al-Andalus s’orientalise culturellement. C’est un fait digne de foi que l’islãm s’enracine. Mais proposons un processus similaire avec une question finale: quand l’Hispanie se christianisa, s’orientalisa-telle? Dans la même mesure, sans doute; le christianisme venait du même Orient que l’islãm. Sous réserve de que l’islamisation d’al-Andalus comptait déjà avec un fertile substrat de l’orientalisme préalable chrétien. Donc, le processus réellement significatif dut être la progressive arabisation, le véritable signe de spécificité andalusíe. Même si l’islãm terminera par s’ériger comme une entité religieuse complètement différenciable, ce sera la langue le véritable facteur de différence. La vie sociale s’acheminera vers de nouveaux modes méditerranéens pleinement distinguables de ceux que suivent les peuples du nord des Pyrénées. Ainsi, le christianisme péninsulaire résiduel, non recyclable comme islamique, aura tendance à s’isoler de plus en plus comme preuve d’une progressive centralisation— islamique, quoiqu’inexistante jusqu’à très longtemps après l’émir dont nous parlons. Cela favorisait, de cette manière, une dpvqvsf!usbotdfoebouf!dpoßhv. sbusjdf!ef!mb!tqdjßdju!boebmvt“f;!mb!svquvsf!eft!disujfot! boebmvt“t!bwfd!mf!sftuf!ev!disjtujbojtnf. Élipand, archevêque de Tolède, assista lui-même au début des nombreux enkystements dus à l’isolement progressif par rapport à Rome. Parce que le christianisme hispano non inséré dans al-Andalus évoluait par ses lois logiques dans un nord consacré au surgissement carolingien. § 10. Qu’il soit dit en passant, que tout ce qui se passait en Europe est la clé de ce qui se passera dans la future péninsule Ibérique: les débuts de modes culturels autour du centralisme de Charlemagne se présentent comme resurgissement du byzantin. Nous faisions Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 414 déjà allusion à tout cela jusqu’à l’iconographie du propre Charlemagne, se prenant lui-même pour— rien de moins que Constantin. Ceci dit, si devenir chrétien impérialement en Europe est resurgir— même si la France n’a rien à voir avec le passé de Constantin et de Rome—, le faire dans le futur al-Andalus sera reconquérir. C’est la carotte historique de laquelle nous parlions. Pendant ce temps, le nord hostile s’enkystera. Liébana évincera Tolède dans l’interprétation de la culture religieuse, et le christianisme du nord se fera alors et pour toujours incompatible avec l’islãm. Une date qui est significative et qui implique une coupure avec le reste de l’époque andalusíe sera l’an 784, année de la célébration du Concile de Séville. Tout ce qu’implique la célébration d’un concile ecclésiastique ne passe pas inaperçu dans une ville supposément islamisée depuis plus de quatre-vingts ans. Elle ne l’était pas, bien entendu. Ceci dit; ebot!df!Dpodjmf!ef!Twjmmf-!ef! 895-!dfu!bsdifw‘rvf!„mjqboe!opoŽb!dfsubjoft!ovbodft!eph. nbujrvft!disujfooft!dpoeftdfoebouft!bwfd!mft!opvwfbvut! jtmbnjrvft/ § 11. L’on évoluait vers l’islãm, même si certains virent dans cette évolution une perdition hérétique. C’est une question de point de vue; en tout cas, un secteur du christianisme hispano-romain proclamait sa volonté d’être d’al-Andalus, entre-temps ses motifs seront questionnés et rejetés par le christianisme européen postérieur— Rome, Ratisbonne et Aix la Chapelle—, dans un rejet qu’utilisera comme étendard— plus tard— l’Asturien Beato de Liébana. Le christianisme andalusí avait déjà demandé sa connexion européenne. Ce que l’on a appelé, à tort, le mozarabisme123 était déjà un fait, et Abd al-Rahmãn I exerçait son pouvoir à partir d’une Cordoue vive, en futur développement. Non pas victime d’un rapt. Le pouvoir d’Abd al-Rahmãn I aura ses fondements dans l’acceptation d’un état décentralisé sous des règles minimales de respect au poste et le paiement des impôts. L’instrument coercitif sera une armée mercenaire qui terminera par faire payer la facture aux suc123 Nous insistons sur ce point: le nom np{bsbcf ne doit pas faire allusion aux communautés chrétiennes en territoire andalusí. Mais respectons la tradition, d’autre part, de longue influence: Isidro de las Cagigas affirme que pour la première fois apparaît le terme mozarabe sous la forme latine nv{ubsbcft dans un document d’Alphonse VI datable de 1101. 415! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou cesseurs de l’émir. Il est évident qu’un État basé sur une armée mercenaire— avec peu de composants de recrutement— ne répond pas aux plans transcendantaux préalables à l’islamisation, mais celle-ci se produira postérieurement. Par conséquent— et à nouveau— la miraculeuse dbwbmfsjf! jtmbnjrvf orientale continue sans se présenter. Bien que surgiront de puissantes cavaleries andalusíes. Telle armée mercenaire de l’émirat réussira, dans le contexte de l’emplacement dont nous faisions allusion avant, à fixer la première carte d’al-Andalus équivalente à l’actuelle péninsule Ibérique sans le quart nord-occidental, avec d’amples zones indépendantes, et avec la domination répétitive des Francs dans le nord-est. 5/6/4/!MÖbenjojtusbujpo!tpvt!Bce!bm.SbinŒo!J § 1. La distribution territoriale de l’espace andalusí sera aussi un pilier de la stabilité nbsxbo“f ou omeyyade commencée par le commandant. Pour les zones intérieures, al-Andalus s’organisa en dpsbt— région— dirigées par l’équivalent d’un seigneur féodal; recommandé par l’émir qui redistribuent la stabilité imposable de Cordoue. La terminologie féodale, est, ici, approximative, jusqu’à ce que l’on se mette d’accord s’il y eut ou non un féodalisme en Espagne. Mais le concept paraît assez clair. D’autre part, le questionnement du genre— y a-t-il eut un féodalisme en Espagne?— nous renvoie toujours à d’odieuses comparaisons. Il s’agit de questions équivalentes à celles de— par exemple— quand commença la Renaissance en Espagne? Ceci dit, qu’il s’agisse ou non d’une question d’opinion, en Espagne l’on peut trouver, une Renaissance en arabe et un féodalisme évidents.124 Qu’apparaissent ou non ces extrêmes dans les histoires induites d’Europe est autre chose. Celles qui proviennent de mÖbgsjdbojtnf! usbotqzsofo; histoires écrites du dehors, ou de l’intérieur en extirpant al-Andalus. Abilio Barberó et Marcelo Vigil montrent un paysage naturel proto-féodal dans la post-Hispanie dont nous nous occupons. Probablement, un féodalisme exacerbé serait la manière de comprendre la disparition institutionnelle de l’Hispanie dans l’époque appelée des gouverneurs andalusís, de 124 Abilio Barberó et Marcelo Vigil, Mb! gpsnbdj˜o! efm! gfpebmjtnp! fo! mb! Qfo“otvmb!Jcsjdb. Barcelona, 1978. Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 416 même que la clé d’une administration juxtaposée dans l’époque d’Abd al-Rahmãn I. § 2. Dans la même direction, en ce qui concerne la juxtaposition, l’on pourrait réviser Abd al-Rahmãn I comme un qsjnvt!joufs!qb. sft qui peu à peu obtient un hommage pour son habile négociation de cession territoriale complémentée par une utilisation implacable de la force dans des négociations sans futur. Pour les provinces limitrophes, dans ce sens l’union avec Cordoue se relâchait: la demie indépendance de ces zones permettrait en premier lieu un intérêt spécifique et personnel du seigneur local dans le maintien du plus stable statu quo, et en second lieu un déplacement commode de responsabilité cordouane. Et c’est cela la clé du succès décentralisateur du premier émir: la capitale n’avait à répondre des incidents de frontières que ceux qu’elle désirait normalement associés avec des questionnements de légitimité et de coupure des droits acquis. Nous insistons sur cet aspect, et dans sa relation avec la réalité de frontière élastique; la bombe à retardement pour la permanence d’al-Andalus. Pour le moment, il y a lieu de souligner que celles-ci seront les clés de l’administration omeyyade: coras— région intérieure, d’une certaine façon dpvsujtbof — face à la province limitrophe, plus militarisée et appelée {bhs/ À ces provinces limitrophes pour la gloire de l’islãm dans un jeu de mots où {bhs signifie frontières et lèvres indistinctement. Installée dans cette tusvduvsf!shjpobmf éminemment productive, se consolide une autre cour militaire; une espèce de division des régions militaires avec des contingents différents, comme l’était leur rayon d’action. Cette tusvduvsf!njmjubjsf mercenaire se superposait occasionnellement avec des troupes recrutées par diverses factions et apportées comme concept de reconnaissance légitimiste à l’njs; au commandant des commandants. § 3. Un émir qui fit construire pour lui la résidence cordouane comme la Ruzafa, imitation de ces premières constructions civiles des Omeyyades à Damas. Clairement, la Ruzafa était une ville en toute règle, comme hommage précisément à la ville du calife damascène Hichãm construit aux bords de l’Euphrate. D’autre part, les Abbãssides finiraient aussi par avoir en Orient une troisième Ruzafa; le quartier oriental de Bagdad. 417! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou La Ruzafa est, en grande partie, El Prado du commandant; la résidence en dehors de la capitale, dans laquelle le chef militaire pouvait esquiver la préoccupation de gbjsf!ef!mb!qpmjujrvf.125 Nous n’allons pas forcer les comparaisons, mais la symbolisation antérieure pourrait caser encore plus si nous utilisons la traduction que Watt a faite du mot njs: caudillo.126 Pour le reste, et en ce qui concerne le refuge de la Ruzafa, son éloignement tactique de la ville de Cordoue est compréhensible pour un homme qui ne comprend même pas la langue de la rue. Il est clair que suffisamment de gestion réclamait tf! nbjoufojs! fu! nbjoufojs- comme pour payer sa légitimité— la npoobjf du premier al-Andalus — en faisant une vie sénatoriale. Ruzafa et les troupes mercenaires expliquent en grande partie le véritable rôle de l’émir: il ne réalise pas la gestion ni négocie, il dirige simplement et distribue. Il arbitre et châtie. § 4. Dans cet état de choses, au nord, les provinces limitrophes étaient pratiquement abandonnées. Depuis l’expédition à la tête de laquelle se trouvait l’évêque métropolitain de Séville— Don Oppas—, contre l’enkystement historique— encore plus grossi— de Pelayo, pratiquement le quart du nord-occidental de la péninsule tombait sous le contrôle d’Alphonse I (739-757)— véritable factotum de l’insurrection de Galice, Portugal, Asturies— et ses successeurs.127 Ce qu’affirme Montgomery Watt du conflit pyrénéen d’alAndalus, est applicable à ce coin péninsulaire; probablement, la volonté de conquête est plus faible que la volonté de résistance. Et la réalité cadre à nouveau avec le schéma initial omeyyade: ce n’est pas une gloire conquérante qui sert à l’émir, mais la pure pragmatique du pouvoir. Tamisant ce qui précède avec notre propre concept du développement andalusí étranger à la conquête, nous pouvons déduire que, vu que les Asturies, Galice et le nord du Portugal ne paraissaient pas une menace réelle pour l’instauration de l’émirat, probablement l’on apprit à— simplement— accepter le concept de 125 Voir, pour le significatif dibohfnfou! tpdjbm d’al-Andalus, Charles-Emmanuel Dufourq, Mb!wjf!rvpujejfoof ebot!mÖFvspqf!Nejwbmf!tpvt!epnjob. ujpo!bsbcf. Paris: Hachette, 1978. 126 W. M. Watt, Ijtupsjb!ef!Ftqb—b!Jtmˆnjdb/ Madrid: Alianza, 1986 page 37. 127 Fruela I (757-768), Aurelio (768-774), et Silo (774-785). Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 418 province limitrophe, étant donné qu’aucune de ces zones n’était préférablement pas pro-wisigothe, ce dont nous avons déjà parlé. § 5. Dans la pratique, cette situation des frontières impliquera une tension des deux côtés qui terminera— nous le disions déjà— fructifiant comme toute zone intermédiaire, définissant à ses gens— pour citer Eugenio Trías— comme limitrophes, ou comme ceux qui s’alimentent— trofein— des fruits cultivés dans ces mjnft. Trías continue ici avec quelque chose qui flotte en permanence entre-lignes, et que, même si l’on peut l’appliquer aux provinces limitrophes, ne l’est pas moins dans le concept— que nous pouvons commencer à avoir— d’al-Andalus. Il dit ainsi: df!oÖftu!epod!qbt-!mb!mjnjuf-!tfvmf! sftusjdujwf!fu!ohbujwf<!df!oÖftu!qbt!opo!qmvt!tfvmfnfou!vof!cbs. sjsf!rvj!epju!‘usf!gsbodijf-!pv!vo!pctubdmf!rvj!epju!‘usf!usbwfst! nfoubmfnfou-!dpoov!pv!usbothsftt/!DÖftu!bv!dpousbjsf-!vo!fo. espju!poupmphjrvf!)ujrvf*!fu!ef!eßojujpo!)ef!opusf dpoejujpo*.128 Nous en sommes là; ainsi avançait le jeune al-Andalus. Nous appliquions ce qui précède dans la pratique de la vie au niveau des frontières. Au-delà de cette pratique, dans la stricte théorie des choses, quelque chose d’essentiel se manifeste— ce respect pour les provinces limitrophes— rien ne vint afin de terminer avec cet état de choses. La conjoncture est la mère des conflits, sans raisons telluriques. D’autre part, la préoccupation du dpnnboebou Abd al-Rahmãn était— sans doute— la forge d’une dynastie à partir de la Ruzafa. Une idéologie similaire à celle que pouvaient mouvoir les partisans de Wittiza ou de Rodrigue. La première chose est réussir, et après léguer, ceci est le catéchisme de l’ambition génétique humaine. § 6. La gestion administrative d’Abd al-Rahmãn I, quoi qu’il en soit, serait messianique dans un territoire qui venait de sortir de la plus grave famine de ces derniers siècles. Nous ne devons donc pas, sous-estimer le rôle de n’importe quel genre de stabilité coercitive ou d’ordre dans les années et le territoire qui nous concerne. L’émir disait qu’il provenait de la famille des califes; n’importe quel paysan ou soldat péninsulaire voulait croire n’importe quelle promesse de 128 Eugenio Trías, Mb!qpm“ujdb!z!tv!tpncsb. Barcelona: Anagrama-Argumentos, 2005. Pages 32-33. 419! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou stabilité administrative après cette famine. Nous indiquions également que cet émir se présentait comme le faucon Quraychite; c’està-dire, de la propre famille du Prophète. Bien: jusqu’à maintenant nous n’avons pas commenté ce fait, mais il est plus que probable qu’il s’agisse d’un qualificatif élogieux postérieur. Il se présentait, paraît-il, comme fils de califes. La nuance légitimatrice religieuse— allusion au prophète Mahomet— se comprendra en tenant compte des deux lignes dynastiques qui suivent. Quand le nom de Mahomet signifie déjà quelque chose dans al-Andalus. Cela nous amène à traiter l’administration du premier émir plus par wjef, par exclusion, que directement: parce qu’à cette époque, il n’y a pas encore de droit andalusí constitué, ni groupe de pouvoir fddmtjbtujrvf islamique— pour l’appeler d’une certaine façon. Quand nous faisions allusion à que le manuscrit mieux conservé du Fuero Juzgo wisigoth contient des annotations en marge écrites en arabe, nous parlions précisément de la situation dans laquelle nous nous trouvions: un proto-état qui devait réaliser sa gestion à partir des restes du naufrage wisigoth, après la famine, et avec le pouvoir coercitif dans les mains de mercenaires, beaucoup d’entre eux étrangers, en processus d’arabisation, et sans modèle préétabli de gestion. Seulement ainsi l’on peut expliquer que le ufssjupjsf! boebmvt“!dpoujovŠu!ejwjt!fo!djsdpotdsjqujpot!xjtjhpuift-!fu! rvf!m֏njsbu!nfshfŠu!ef!mÖIjtqbojf!opo!ef!Ebnbt/ § 7. Dans cette traditionnelle Histoire des Batailles, figure que les trente deux ans de l’émirat d’Abd al-Rahmãn commencèrent techniquement par la bataille d’al-Musara— printemps 756—, dans laquelle il montrait ses cartes aux hommes forts d’al-Andalus: il supplanta le dernier gouverneur— Yûsuf al-Fihrî, qui s’en alla à Tolède—, et marquait un territoire face à des éléments de complète liberté de gestion comme dans le cas du chef al-Sumayl, seigneur de Saragosse. La relation de l’émir avec ces deux personnages essentiels dans cet al-Andalus pas encore structuré est celle d’un permanent dialogue négociateur qui culmine par la mort de tous deux. Pour le résumer d’un mode sanglant, ce genre de situation termine seulement avec ceux dont on peut se passer, par conséquent la disparition d’al-Fihrî et al-Sumayl paraît indiquer non pas celui qui a une certaine relevance, mais celui qui commande ici. L’élimination de ces deux écueils dans le processus d’al-Andalus omeyyade certifie Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 41: qu’il s’agit d’une histoire d’hommes d’action, non strictement sociale, économique ou religieuse. Et précisément c’est là une des graves tares dans les histoires d’al-Andalus en usage: compter les morts et les prières, plus que les processus. Ce qui est remarquable dans le processus qui va vers l’émirat est, probablement, qu’il n’existait pas encore dans la brève histoire de l’islãm une littérature politique de laquelle l’on aurait pu extraire des modèles de gestion, et à cet effet l’expérience improvisée des Omeyyades à Damas ne nous sert pas. Il est évident, que comme protagoniste historique, le Califat de Damas progressa dans sa gestion administrative, jusqu’à probablement npvsjs! ef! tvddt-! qui est ce qui arrive d’habitude aux États dans leur apogée. Mais, pour maintenir le epvuf!sbjtpoobcmf sur l’appartenance réelle de l’émir à une si jeune tradition politique, il est évident qu’al-Andalus naissait administrativement comme une entité héritière de l’Hispanie wisigothe dans laquelle le temps et les réussites culturelles patenteront un devenir oriental illustrateur. Mais nous insistons: m֏njsbu! dpsepvbo!oÖftu!eÖbvdvof!nbojsf-!mb!dpoujovbujpo!ev!dbmjgbu! pnfzzbef!ef!Ebnbt/ § 8. D’autre part, il est intéressant de faire mention de l’invétéré rejet d’Abd al-Rahmãn à ce qui est des Abbãssides— le nouvel ordre islamique oriental avec sa capitale à Bagdad. Traditionnellement, l’on argumente que tel rejet est dû à des légitimités familiales logiques, en partant d’Abd al-Rahmãn I comme le survivant des Omeyyades damascènes, et donc affecté par la cohérente ibjof!ufsofmmf!qpvs! mft! Spnbjot, que l’on disait aussi du jeune Annibal. Clairement, la cause romanesque coïncide avec la stratégique pour arriver à un même effet autochtone: al-Andalus rejette en permanence n’importe quelle présence institutionnelle de l’Islãm oriental qu’il soit. Se baser sur cet effet pour justifier la première cause n’est pas tout à fait scientifique; il n’est pas présentable de traiter de démontrer la lignée omeyyade de l’émir argumentant son rejet à de possibles occupations orientales. Il est beaucoup plus simple de comprendre que— à nouveau avec Kipling— MÖPsjfou!ftu!mÖPsjfou-!mÖPddjefou!ftu!mÖPddjefou-!fu! mft!kvnfbvy!of!tf!sfodpousfspou!qbt/ Bien sûr: l’on a l’habitude d’évoquer ces vers pour expliquer la grave différentiation des modes culturels. Mais ce qui est certain est que, à l’époque et lati- 421! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou tudes qui nous concernent, la dichotomie possible entre Orient et Occident— indéniable, comme celle qu’il y avait entre le Nord et le Sud— ne répondait pas à des besoins identitaires, mais à la simple raison ultime des choses: le pouvoir, la domination, marquer notre propre territoire. § 9. Ayant éliminé l’induction religieuse dans les modes civilisateurs, nous pouvons percevoir l’évolution de l’émirat andalusí avec ses propres défis et réussites. À vol d’oiseau sur les éventualités, ce qui commence avec Abd al-Rahmãn I est sans doute la séquence de la systole et la diastole de l’histoire de l’Espagne; un processus rythmique qui avance en guise de montée et descentes de la marée: centralisation face à décentralisation; l’essentiel mouvement pendulaire d’al-Andalus. Il est probable que ce rythme vienne déjà d’avant, mais nous ne comptons que sur des suppositions. La dernière guerre civile des Wisigoths fut-elle celle qui affronta Rodrigue aux fils de Wittiza, et la fin d’un long chapitre de décentralisation hispane? Qui peut savoir, à l’heure actuelle quand s’ancra le mythe? Il est tard pour consulter; ce qui est évident c’est que l’alternance de la centralisation et décentralisation se réalise à partir de l’émirat: ce que l’on prétend juxtaposer à partir de la capitale à l’époque du premier Omeyyade— décentralisation salvatrice—, sera tendu sous Abd al-Rahmãn II (822-852) dans un processus salvateur de centralisation. Et se détendra près de l’an mil, pour se centraliser avec le premier calife Abd al-Rahmãn III, et retour à la juxtaposition assumée après la chute du calife et cetera. Ce que l’inspiré et pro-ipnnf!ef!mb!Sfobjttbodf!Jco!LibmeŸo-!vienne expliquer sur l’évolution des États est d’une certaine façon illustrative et enrichissante parallèlement à ce qui précède. L’illustre historien, justifie biologiquement, l’évolution des peuples en vertu de la charge charismatique du dirigeant. § 10. Il est clair que Ibn Khaldûn disserte en ce point sur les cycles de l’histoire dans des termes qu’admira tant Ortega y Gasset:129 l’émir 129 José Ortega y Gasset, «Abenjaldún nos da la respuesta». Abenjaldún nos revela el secreto. Pensamientos sobre África menor (1927-1928). El espectador VIII (1934). Obras completas II. Madrid, Alianza, 1946. Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 422 charismatique avec une soif de pouvoir, traductible en charisme populaire, incite l’État. Son fils, héritier qui n’a qu’à suivre l’inertie du succès, maintient simplement ce qu’il a reçu. Son petit-fils perdra: parce que l’élan initial dure peu, et l’ostentation d’un palais sert de stimulant seulement si l’on a atteint la maturité, étant un stupéfiant si elle accompagne dès l’enfance. En réalité, il s’agit du proverbe espagnol aïeul propriétaire d’une cave, père tonnelier, fils ivrogne, d’infaillible et universelle application.130 Bien que, dans le processus— type qui nous concerne— la séquence de centralisation et décentralisation dans al-Andalus cohésion face à une juxtaposition—, la force de la circonstance paraît motiver l’attitude du dirigeant, et non pas nécessairement vice versa. Mais cela est une autre affaire: l’État fonctionne-t-il grâce au gouvernant qui tient les rênes, ou ce dernier est mené facilement selon la disposition de l’État? C’est une question difficile. Entre-temps, l’ubu! kvyubqpt sous tension d’Abd al-Rahmãn I ouvrait une brèche dans l’histoire, préparant le grand bond de continuité de la monarchie omeyyade. Ses problèmes ne furent ni moindres ni différents que ses prédécesseurs, mais la solution peut-être, cette acceptation de la nptb–rvf péninsulaire, est différente et définitive. Le premier émir, par exemple, dut fermer la brèche pyrénéenne, d’ouverture réitérée depuis des siècles. Cet arrêt à l’expansionnisme de Charlemagne est un exemple clair de la politique de tubuv!rvp menée à bien par l’émir; un certain respect pour déterminés espjut!bdrvjt— provinces du nord et au-delà des Pyrénées, dans la Tfqujnbojf romaine—, et une mobilisation attendu que l’on prétend déséquilibrer le territoire limitrophe admis. Ainsi, les aceifas— campagnes— de l’émir sont dues plutôt à tf! nbjoufojs!fu!nbjoufojs, qu’à des avances compliquées d’un Islãm militaire assermenté. § 11. Abd al-Rahmãn I fut, dans ce sens, implacable à l’heure de réprimer des querelles internes de légitimité. Les chroniques nous parlent de nombreuses révoltes contre le croissant nbk{fn! 130 À part les grands historiens qui boivent de ces sources, nous devons mentionner que l’influence d’Ibn Khaldûn ne fut pas reconnue dans des œuvres comme celles qui traitent de la société médiévale de— par exemple— Georges Duby. Voir de ce dernier, Hvjmmfsnp!fm!nbsjtdbm. Madrid: Alianza, 1985. 423! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou pnfzzbef; les territoires insérés dans un certain compromis volontaire d’obéissance à l’émir. En tenant compte de l’anachronisme: le concept marocain de majzem— équivalent à l’ordre soumis au régime— n’est pas exactement applicable, mais assez approximatif. Historiquement, ce qui n’était pas cmfe!bm.nbk{fn au Maroc— pays du Majzem—, était cmfe! bm.tjcb; équivalent à territoire sans loi et, donc, sans obligation de défense ou arbitrage de la part du souverain. Quelque chose de semblable dut être conçu dans l’ordre juxtaposé de l’émir antérieurement cité. Celui qui proclame sa soumission, fait partie du régime, il devra le maintenir ou souffrir les conséquences. La cbjbb— expression du pacte— en imprimait le caractère. Donc, quelque sfupvs!fo!bssjsf qu’il soit dans l’acceptation du régime de la Ruzafa entrainerait la répression de tout l’appareil de l’État en constitution. La ville de Beja se rebellait en 763, trouvant dans l’étendard noir des Abbãssides l’emblème de leur insurrection. De même— en 766— le feront Niebla et la dangereusement proche ville de Séville. Pareillement Tolède se soulèvera en 785, excitée à la rébellion, paraît-il, par les partisans du walli précédent, al-Fihrî. Et pour terminer avec la carte d’insoumission à l’émirat, une dangereuse faction s’ouvrait le passage de Guadalajara occupant les villes vers le Sud par la route d’Extremadura la Svub!ef!mb!Qmbub/ § 12. L’on peut dire avec rigueur que telle situation questionnant l’autorité minimise la propre proclamation d’Abd al-Rahmãn I comme émir en 756. Et il en est ainsi, sans aucun doute. Nous devons comprendre toutes les révoltes citées non pas comme problème a posteriori, mais précisément comme le processus d’affrontement civil sur lequel Abd al-Rahmãn I instaura son régime. Seule ainsi est compréhensible cette zone de l’histoire sans tomber dans un décadentisme indéfectible de l’interprétation historiologique. L’on n’attendait pas forcément certain type d’ordre établi pour se rebeller; Abd al-Rahmãn I fut considéré émir précisément pour s’être imposé sur tous les résistants à son pouvoir. À sa prétendue légitimité. Ainsi, l’intervention problématique de Charlemagne dans la péninsule s’effondre avec la même rumeur ambiante que le àfvwf! uvscvmfou andalusí. Dans l’action patentée de mÖfttbj!fu!mÖfssfvs qui meut l’histoire— et la conduite humaine—, Charlemagne essayait de proclamer sa propre légitimité, d’abord dans la route vers Sara- Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 424 gosse, et après, en 785, vers le nord-est péninsulaire, en s’étendant vers Gérone et Barcelone. Il est évident qu’il ne s’agit pas d’une mvuuf!ef!djwjmjtbujpot ni une palissade ou brise-lames contre une prétendue bwbodf!nvtvmnbof. Il s’agit de la vieille histoire d’bwbo. df!qbs!hp–tnf-!sfdvm!qbs!qfvs;! en gestion politique— militaire similaire à la wjfjmmf!qprvf wisigothe, l’aspirant— dans ce cas Abd al-Rahmãn I— dut marquer clairement les limites de son État, acceptant collatéralement le tubuv!rvp de ne pas fermer la péninsule. Mais, d’autre part, empêchant que Charlemagne puisse étendre son Empire Sacré vers al-Andalus. Dit d’une autre façon: le chapitre de Charlemagne estimant la valeur de certaines zones péninsulaires peut se résumer de la façon suivante: qu’Bce!bm.SbinŒo!J!gsfjob! mÖbwbodf! gsboŽbjtf! fu! opo! qbt— comme l’on soutient historiquement, que dans la zone de Narbonne du sud-est français mÖpo! gsfjob!mft!nvtvmnbot/ § 13. En 774, avec l’aide locale, Charlemagne avançait sur la {bhs; sur la province limitrophe n’appartenant à personne. Dans un évident désir de rompre le statu quo, l’homme d’Aix-la-Chapelle avança sur Saragosse irrédentiste, déjà assiégé par Abd al-Rahmãn I. D’une certaine façon, la ville aragonaise devait décider entre Cordoue et Aix-la-Chapelle, vu que l’émir se repliait et Charlemagne prétendît entrer dans la ville. Mais Saragosse ne reçut pas les Francs, ce qui amena Charlemagne à recompter ses forces, calibrer sa propre situation interne en France— rébellions similaires à celles de la péninsule, à ce moment-là en Saxe— et décida de se replier. Le fait qu’il n’y ait pas eu d’affrontement entre Abd al-Rahmãn I et Charlemagne ne confinait pas celui-ci au-delà des Pyrénées. De fait, il maintiendra un certain ordre de soumission dans Gérone et même occasionnellement dans Barcelone. En revanche, la résistance autochtone— ou avec un penchant vers l’autochtonie— à la poussée de Charlemagne aux portes mêmes de Saragosse rendra propice une vérité poétique liée à de légers désajustements historiques: cette armée franque en retraite, dont la dernière section sera attaquée en 778 par les Vascons à Roncevaux— ou à Jaca, selon d’autres—, inspirera une des principales œuvres littéraires européennes, la Dibotpo! ef!Spmboe, à cause du nom du marquis breton qui serait supposément tombé dans l’embuscade. L’exagération de ce poème épique et le nombre des impliqués entre dans les vers des poètes. 425! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou 5/6/5/!Mb!dbsuf!eft!Pnfzzbeft § 1. La portée historique d’Abd al-Rahmãn I est strictement andalusí. Son émirat ne suppose absolument pas le démembrement de l’Empire Islamique dont les chroniques décadentistes ont l’habitude de faire référence. Ce qui naît différent et en même temps, il n’est pas juste de l’appeler dissidence, est quelque chose qui fait partie de la mythologie unitaire de l’espace culturel dont nous nous occupons. Il s’agit du traitement pathologique de l’arabité instrumentale au service de l’identité islamique. Mais non; le premier émir d’alAndalus est un produit de la terre, pour le nommer d’une certaine manière. Son établissement péninsulaire est celui d’un certain nationalisme dynastique, avec des réserves logiques face au manque de combustible national dans les termes chronologiques et situationnels qui nous occupent. Le premier émirat d’al-Andalus transforma une anarchie de seigneurs de la guerre, de villes cantonnées de campagnes arasées, de famines et mouvements migratoires surdimensionnés. Ce qui s’établit est un premier casernement, un ordre juxtaposé non encore structuré. Pas encore hiérarchisé sans apparence d’être institutionnalisé: ce qui s’établit, s’impose; l’on ne l’atteint pas. Et c’est ici que réside sa véritable dimension, la propre dénomination du poste— émir, commandant, disions-nous—, la tactique sur la politique, la main de fer face au code qui n’existe pas. Parce que nous ne comptons pas encore avec un Droit andalusí spécifique, formé dans un cadre post-romain d’un Droit Islamique varié. De fait, les experts de telle discipline proposent l’incertitude illustrative des dates: si le livre juridique avec le plus de transcendance dans al-Andalus s’écrit en Orient vers 776— celui de NŒmjl— qu’applique-t-on dans le premier émirat? § 2. Bon, sans mésestimer les lois proprement urbaines— dans lesquelles, sans doute, l’on continuait à appliquer le Droit wisigoth, non en vain Artobás continuait à être le comte chargé de ces questions—, entre la soldatesque, véritable premier contingent dans lequel l’on admet la présence arabe, gouvernait les destins un dbej.m. zvoe ou dbej.m.btlbs, juge militaire qui transformera sa juridiction jusqu’à se convertir en dbej.m.zbnbb, juge de la communauté. Dans le passage de contingent militaire à communauté se trouve la clé Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 426 de la socialisation des éléments orientaux, éminemment syriens. Telle adaptation au syrien ne répond pas à de romanesques greffes dynastiques— nous insistons sur cela—, mais sur la provenance des idées et au prestige originaire de l’oriental. Probablement, les deux processus les plus remarquables dans le bilan de ce premier émirat soient le choix de la capitale à Cordoue et la succession dynastique. Imperceptiblement, le gpebmjtnf!kvy. ubqpt que put connaître Abd al-Rahmãn I en étant nommé émir, se transforma. Les desseins péninsulaires se décideront à partir de Cordoue, surveillée de près grâce au refuge— caserne de la Ruzafa, mais bientôt avec une wjf!ef!dpvs. D’autre part, et sans insister sur ceci, le fait qu’à la mort d’Abd al-Rahmãn I son fils lui succède— bien que, dans une tradition malsaine wisigothe, l’on doive ejtqv. ufs! mf! ujusf —, marque clairement un certain établissement. Dps. epvf!fu!mft!Pnfzzbeft!epoofou!jojujbmfnfou-!vof!tjhojßdb. ujpo!‰!bm.Boebmvt, ce que nous connaissons comme phénomène spécifique. Sans ces éléments institutionnels, les décades de terre brûlée aboutissaient en suzeraineté proto-féodale des seigneurs de la guerre et auraient continué sans solution de continuité jusqu’à déboucher dans n’importe quel ordre; différent, donc, de ce que nous connaissons. § 3. Engraissant le processus de légitimité dynastique et l’influence progressive de la capitale, la politique fiscale très dure de l’émir fit fonctionner le reste de l’appareil andalusí. Les sources parlent de passivité complice de la population hispano-romaine, d’un certain collaborationnisme juif et de désaffection et désenthousiasme non moins éthérés des populations sur ce qu’impliquait une patrie. Mais il peut s’agir d’un patriotisme sportif; proposer la vie historique comme harangue de gradins et d’enthousiasme; comme patriotisme compétitif incompréhensible sans mft!bvusft. Dans la pratique, telles collaborations juives ne seraient autres que les éléments sarrasins confondus avec les hérésies méditerranéennes que tant de concile essayait de colorer sans succès. Et les désaffections et désenthousiasme ne seraient rien de plus que l’attitude naturelle de populations en pleine famine qui n’arrivent pas à situer le rôle de l’héroïsme dans l’histoire; qu’ils n’arrivent pas à distinguer un nous et un eux. Ce n’est pas s’ajuster à la vérité de prétendre que l’aménagement institutionnel du territoire dépendît d’un code stricte appliqué: 427! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou un certain traitement aux dpowfsujt— mais, à quoi?—, un autre à ceux qui ne se convertissaient pas, un autre aux territoires qui se soumettaient, et un dernier à ceux qui ne se soumettaient pas. L’existence de deux procédés pour la soumission d’un territoire est significatif historiquement: de bon gré— tvmibubo— et de force— boxbubo. Mais cela nous renvoie-t-il réellement à une norme, ou à une explication du monde? La localisation postérieure des dimmíes, chrétiens et juifs qui décident de ne pas tf!mbodfs!ebot!mÖjt. mŒn est également historique quand celui-ci se présente déjà en pleine situation différenciable— nous insistons, tout commence en même temps, l’islãm, al-Andalus et le Maghreb. Mais l’on ne peut pas ajuster tout cela à cette époque d’initiation. § 4. Celle qui paraît réelle— pour sa lecture et similitude— c’est l’existence d’un certain bureau d’Orient, la cbzu.bm.nbm!Ò maison de l’argent—, et une similaire— mais bien différenciée— kj{bnbu. bm.nbm —armoire de l’argent— dans al-Andalus. Ces deux dernières nous renvoient à la même chose: une certaine banque centrale dans les deux zones, comme preuve irréfutable d’indépendance et gestion déconnectée entre al-Andalus et l’Orient. Une efficace diversification des impôts s’ouvre un passage, comme il correspond à un État en auto-reconnaissance. Fondamentalement cela consiste à que tout le monde paie mais chacun sous un nom différent, et en tenant compte de certaines exigences: celui qui se soumet à l’émir paie, mais moins que celui qui ne veut pas se soumettre. En général, il est clair que les principales victimes de la fiscalité seront les natifs hispano-romains, et ceux qui tombent en disgrâce. Comme épitomé des deux catégories, et symbole des nouveaux temps, deux puissants propriétaires de terres furent sévèrement punis avec la confiscation de leurs biens: Atanagildo, accusé de conspiration pro-abbãsside— savait-il, celui-ci, qui étaient les Abbãssides?— et Artobás. La tombée en disgrâce du dpnft suppose, vu ainsi, une relève très claire. Bsupcˆt!npvsbju!mf!usfouf!tfq. ufncsf!882 et fut enterré avec tous les honneurs dans la sbxeb— jardins— cordouane. Symboliquement, une époque s’éteignait. Dans la pratique, dfuuf!boof!882!jnqmjrvf!cfbvdpvq!qmvt!mb!ßo!ef! m֏qprvf! xjtjhpuif! rvf! mb! dmcsf! boof! 822/! MÖjoopdfouf! ebotf!eft!dijggsft!nbsrvf!mb!ejggsfodf!fousf!mf!dsejcmf!fu! mf!nzuijrvf/!Fousf!mÖijtupjsf!fu!mf!spnbo/ Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 428 § 5. Ainsi, s’ouvre le passage l’organisation transcendantale des impôts consubstantielle de la propre nature d’un État. La plus grande partie des propriétés sous le contrôle omeyyade continuait aux mains de leur propriétaire précédent, obligés à payer après la capitulation un impôt spécifique: la ekj{zb. En cas de conflit et expropriation, si le propriétaire précédent conserve la vie— cette condition préalable est universellement reconnue dans la politique fiscale—, il paierait un autre impôt, le! libsŒek- au nouveau propriétaire, derrière lequel se trouve l’État. De cette manière, la structuration fiscale établie subtilement des dépôts étatiques dans la mesure que la possession d’un territoire a moins d’importance que le prélèvement de ses impôts, et d’autre part il n’y a pas une claire gradation de la zone de l’émir jusqu’à celle de son voisin des Asturies ou les Francs de Gérone. Dans cette dbsuf! fo! dpotpmjebujpo, s’établissent trois séquences de régions dans diverses formes de contrôle, et toutes sous le progressif ordre andalusí en dpsbt— provinces, régions. Les trois séquences ou routes s’appelleront Qspwjodf! Jogsjfvsf— ligne de la Ruta de la Plata: Mérida, Coria (à côté de Plasencia) Léon et jusqu’à Lugo—, Qspwjodf!ev!dfousf— Tolède, Guadalajara, Medinaceli, Soria, Pampelune—, et la Qspwjodf!Tvqsjfvsf— Tudela, Saragosse, Huesca, Barbastro, Gérone. Il ne s’agit pas d’une carte de stabilité omeyyade, mais de perception territoriale, pour le reste en questionnement permanent et théâtre de permanentes opérations militaires. Dans cette dbsuf!pnfzzbef, s’ébauche depuis le premier instant la qspwjodf!mjnjuspqif des territoires du Douro. La ligne des territoires qui n’appartenaient à personne sur lesquelles— nous le vîmes— le domaine d’Alphonse I et ses héritiers fluctuait sur les trois quarts de la Province Inférieure. Les douanes dans ce territoire de personne seraient situées sur la ligne Coimbra— Coria— Talavera. § 6. Dans un régime si personnalisé, les doutes et les certitudes sur l’appartenance d’Abd al-Rahmãn I au clan des Omeyyades ne sont pas importantes. Si l’histoire de son périple cinématographique fuyant des flèches abbãssides est certain, soyez le bienvenu. Et s’il n’en est rien, une chose est également certaine: l’entourage de l’émir n’aurait pu être plus syrien-arabe si celui-ci avait-été réellement un Omeyyade. Le concept de rbvnÒ clan; nationalisme dy- 429! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou nastique— commença à être si enraciné, que l’émir concédait aux siens— les attachés ou ceux arrivés de Syrie une certaine prééminence sociale, émoluments supérieurs, meilleures terres et réductions fiscales; les aspects d’un privilège qui confèrent peu à peu une hiérarchie. Entre les fils qui étaient arrivés avec lui, et les autres nés dans al-Andalus, personnes de son entourage le plus proche et nouveaux alliés, se créa une classe— en premier lieu militaire—, qui terminerait donnant une identité à ce que, à la longue, sera non seulement un groupe de pression légitimiste— dans les périodes de succession—, mais une classe de référence jusqu’à raciste. Et nous nous en remettons pour cela aux futurs galanteries poétiques— exclusivistes du célèbre cercle des esthètes de Cordoue, quelques siècles après; pro-omeyyades et antiberbères. § 7. Pour le reste, de tels exclusivismes futurs basés en termes de souche sont compliqués. Un historien postérieur, al-Maqqari, affirmera dans son œuvre Mb!dporv‘uf!eÖbm.Boebmvt que les forces et principales aides d’Abd al-Rahmãn I furent quarante mille soldats bzbnjft— étrangers—, dans la ligne d’une armée professionnelle dont nous avons fait allusion. Il paraît donc probable, que ce qui est omeyyade fut— à nouveau— le sceau postérieur légitimiste à un certain esprit générationnel beaucoup plus homogène que ce que l’on nous fait penser à partir des chroniques de repeuplement. Ce concept d’bzbn! servira, soit dit en passant, d’un mode générique pour parler des natifs. Il est clair qu’il advient avec bzbn ce que nous voyions avec le concept mozarabe: qui s’appliqua, le moment voulu, contre le concept d’origine. Si mozarabe est arabisé et s’appliqua précisément, à ceux qui ne l’étaient pas et ne voulaient pas faire partie du milieu arabe, bzbn!faisait allusion aux natifs et passerait à être la façon avec laquelle les Castillans faisaient allusion au social et au linguistique arabe, même s’il était clairement mystifié: bzbnˆ- avec l’article arabe et la graphie castillane précoce passerait à être bmkbn“b.131 Dans ce sens, il est intéressant de souligner que ce terme employé par al-Maqqari et généralement étendu, bzbn, avait servit 131 Aljamía: pour les anciens musulmans habitants d’Espagne, langues des chrétiens péninsulaires. (RAE) Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 42: initialement pour parler des Perses, et même de la langue perse. Il s’agissait, donc, d’une manière d’indiquer une — pour ainsi la nommer— sftqfdubcmf!fu!ejgßdjmf!bmusju. Le mot étant venu, clairement d’Orient, s’appliquera à ce qui est initialement incompréhensible. Il est évident que l’Arabe sait qui est le byzantin-romain quand l’islãm surgit dans le milieu qui questionne les dogmes byzantins. Dans cette connaissance du terrain, l’étranger comparable est appelé bzbn— perse—, et l’on récupère ce terme pour celui, probablement, du nord péninsulaire qui servira comme esclave, pour grossir les rangs des armées. C’est-à-dire: l’Arabe n’appelle pas bzbn! ni svn— Romain, Byzantin— à l’Hispano-romain. En réalité, pas non plus au Syrien contemporain non initialement arabe. § 8. Dans cette terminologie dérive une intéressante— et indiquée seulement ici— digression: de ne pas appeler ainsi l’Hispano-romain ou le Syrien-romain l’on peut déduire que ce sont ceux-ci qui utilisent le terme. Entre la foule de peuples mythiques du désert arabe installés dans les chroniques romanesques pour la forge d’alAndalus, il ne paraît pas incompréhensible que ceux-ci arrivèrent à s’appeler bzbn. Le peu de considération envers la population native hispano-romaine dans les chroniques est seulement imputable à que, précisément, l’on parle des dirigeants mais jamais du peuple. C’est pourtant lui qui crée al-Andalus. Il arriva quelque chose de similaire lorsque les Normands arasèrent divers peuples péninsulaires: on les appellera nbzvt— mages— parce que l’imaginaire associe ces pyromanes Vikings avec ceux qui adorent le feu. Et les mages étaient mazdéens, les Sarrasins extrêmes de nécromancie, potions et feu. De toute façon, de nouveaux bvusft!pour les péninsulaires déjà transformés. Pour le reste, ces chroniques qui psjfoubmjtfou font apparaître de sérieuses considérations qui, bv!dpousbjsf, servent pour que cette dbsuf!pnfzzbef puisse être considérée, avec rigueur, comme une carte hispano-andalusíe surgie des restes wisigoths. De ces sources l’on affirme qu’Abd al-Rahmãn I transgressa quelques opsnft! benjojtusbujwft telles comme celle qui fait allusion à la division du territoire en dpsbt— provinces—, ou l’application d’une certaine économie autarchique d’autogestion et d’auto-ravitaillement. C’est clair: il ne venait pas implanter un modèle préalable, mais plutôt profiter du meilleur existant. 431! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou § 9. Donc, il put seulement— sagement— traduire la carte wisigothe. À nouveau, il est évident qu’al-Andalus émanait d’Hispanie, et ne naissait pas comme la scission d’un empire. Par exemple, les grandes propriétés rurales wisigothes continuèrent, ressemant des céréales, réimplantant des oliviers et des vignes. Ces grandes propriétés suivirent, en général, dans les mêmes mains, se fondant progressivement l’aristocratie wisigothe restante avec les tibnjzz“o, les nouveaux Syriens. Pour le reste, et comme certaine amélioration, s’introduira timidement la petite propriété parallèle avec des opvwfbvut implantées même avec des indices de réforme agraire. Effectivement, avec le temps l’on appliquera des aspects d’exploitation agraire d’origine gréco-latine dont la traduction postérieure et la science développée en arabe sera un filon incessant de la culture andalusíe: les traités d’agronomie. Dans la même ligne, l’on perçoit de sérieux indices de constante activité d’élevage de moutons et de chevaux. Et tout ce qui précède se mit en circulation commerciale avalé par la force de la monnaie omeyyade mentionnée; le dinar d’or, le dirham d’argent et le àvt!ef!qpdif en bronze. La clé de l’équivalence que copiera Charlemagne sera la proportion entre l’or et l’argent: un kilogramme d’or équivaut à sept d’argent. 5/6/6/!IjdiŒn!J!)899.8:7* § 1. L’époque se distingue par la difficile et progressive consolidation institutionnelle. La npobsdijf! isejubjsf instaurée par Abd alRahmãn I se basera sur une militarisation forte et nécessaire, dont les successeurs continueront avec, probablement, moins d’effort. Également avec une majeur inertie de stabilité, pour transformer en vérité ce que le père faisait de l’interprétation historique, c’est ce que l’Andalusí tunisien Ibn Khaldûn affirmât au sujet de l’affaiblissement du commandement transmit. Parce que la stabilité n’est pas toujours fille du mfbefs!charismatique. Ce qu’Abd al-Rahmãn I inaugura, son fils Hichãm I le maintiendra et commencera avec Hakam I à lui glisser des mains, pour se condenser à nouveau avec Abd al— Rahmãn II. Le rythme en trois phases d’Ibn Khaldûn trouvait dans al-Andalus son bsepjtf!parfaite pour prendre des notes. Le bref émirat d’Hichãm I démarrait, ainsi, marqué par la tubcj. mju!dsjujrvf pour avoir hérité l’administration en questionnement Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 432 permanent. Cela n’empêche pas que la devise des insomnies de son père— maintenir pour se maintenir— ne lui causât d’occasionnelles veilles, en commençant par ce questionnement de légitimité au sein de sa propre famille; à cause de l’ambition de ses frères Suleymãn et Abd al-Rahmãn. Ceux-ci se renforceront dans leurs ßfgt, se voyant dans la situation de soulever des territoires contre Cordoue, ceci commencera dans la lointaine Tudmur— nous le voyions, le Levant de Murcie et ses voisins. Les frères de l’émir termineront par le reconnaître en échange d’une qfotjpo et de s’exiler; les deux traverseront le Détroit s’installant dans le nord de l’Afrique. Simplement dans l’attente de futures options, comme il se passe d’habitude avec les npobsdijft!bmufsobujwft. § 2. Dans un autre désordre de choses, à l’époque d’Hichãm I se produit la première rébellion des montagnes que nous connaissons. L’étincelle sauta dans la région montagneuse de Ronda, en arabe Takuruna— qui eut un rôle aussi important comme le futur joué par les Alpujarras. La première région montagneuse soulevée dont la signification a une lecture historiologique importante. En premier lieu, formule une question: des endroits si isolés se rebellent-ils ou simplement nient le passage à une administration qu’ils ne reconnaissent pas? Ce qui peut s’expliquer de ces premières révolutions montagnardes pourra se faire extensible à la fin d’al-Andalus— et beaucoup plus au-delà. La question peut se résumer de la manière suivante: df!rvj!sft. tfncmf!mf!qmvt!‰!vo Nbvsf!jotvsh!ebot!mft!Bmqvkbssbt!eft! Ibctcpvsht!ftu!vo!Ijtqbop.spnbjo!jotvsh!ebot!mft!Bmqv. kbssbt!eft!Pnfzzbeft, ou à Ronda, ou à Bobastro, ou à Alcalá la Real, ou dans n’importe quel territoire de montagne orgueilleux de sa déconnexion bvup.eufsnjobouf — que l’on peut définir comme qfstpooft!rvj!wfvmfou!tvjwsf!dpnnf!jmt!tpou!fu!pž!jmt!tpou/ Le procédé et la situation répondent plus à la nature du déséquilibre entre la montagne et la ville qu’à de compliquées digressions socio-théologiques. DÖftu! mb! npoubhof! rvj! tf! tpvmwf<! opo! qbt! mb!gpj!ef!tft!ibcjubout;132 la montagne andalusíe suit un ufnqp différent, ralenti. Elle le suivra également, le moment venu, dans 132 Voir l’étude documentée de Virgilio Martínez Enamorado au sujet de la rébellion de Bobastro— Omar Ben Hafsûn— et son appréciation lucide sur le 433! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou la période du national-catholicisme. Parce que dans l’indéfectible Ftqbhof! etusvduvsf, la tension procède en premier lieu de la poussée urbaine face au poids des régions montagneuses. § 3. En politique extérieure, Hichãm I dut aller à la frontière avec de bons résultats, en tenant compte de la pression évidente des royaumes— pas encore qualifiés de chrétiens— du nord; la juridiction de Bermude I (788-791) et Alphonse II (791-842). Ce royaume des Asturies, concrètement— nous le disions—, ne s’appelle pas encore chrétien, non parce qu’il ne l’était pas; mais parce que pour le moment, ce n’était pas sa caractéristique identitaire, vu qu’al-Andalus n’était pas encore clairement islamique ou antichrétien, bien que certains modes commençaient à s’entrevoir. De Cordoue l’on parle à cette époque— pas encore religieuse, identitaire, des zjmmjro— Galiciens—, qui d’une certaine manière englobe toute la zone nord-occidentale. Or, contre les Hbmjdjfot et les Francs— dans le nord-est — commence ‰! tf! qbufoufs! mf! dpodfqu!ef!bmhbsbcb!pv!bdfjgb;!jodvstjpo!njmjubjsf!qpvs!pc. ufojs!vo!cvujo!rvf!mf!dispnbujtnf!nejwbm!ufsnjofsb!qbs! bqqfmfs!ekjiŒe-!ef!n‘nf!rvf!mb!dpousfqbsujf!ufsnjofsb!qbs! tf!dpnqbsfs!‰!mb!dspjtbef/ 5/6/7/!Objttbodf!ev!Espju!boebmvt“ § 1. Cependant, et au-delà des révoltes et des mécontentements, à partir de Cordoue l’on imposait une série de mécanismes intrahistoriques qui, d’une manière imperceptible, établissait l’histoire aventureuse et heureuse andalusíe. Un exemple de cela furent l’institutionnalisation continue du système monétaire déjà mentionné basé sur la frappe des dinars— en or— et des dirhams— en argent—, ou la transcendantale adoption d’un certain Droit Islamique, usuellement admis comme d’inspiration malékite, dont les ulémas— docteurs de la loi— finirent par constituer un pouvoir explicite dans la société andalusíe. La patine religieuse d’al-Andalus commençait à être manifeste: le clergé et les juristes étaient arrivés. Effectivement, l’époque d’Hichãm I est une source inégalable rythme historique dans la ville et dans les régions montagneuses. Nˆmbhb!jtmˆ. njdb. Universidad de Málaga, 2004. Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 434 d’archéologie juridique, vu que l’on l’admet comme le moment où les procès et— en plus grande mesure— la juridiction andalusís commençaient comme quelque chose de différenciateur de la fin du droit wisigoth. Et compte tenu ici de toutes les réserves exprimées à cette époque par le Français Seignette et ses connexions représentatives juridico-sociales. Par exemple, cet auteur souligne la curieuse proximité terminologique entre le mot arabe bie— pacte—, et la vieille formule germanique d’hommage— pie—, avec laquelle se serait formée l’expression germanique gf.pie, de la laquelle à son tour émanait le même concept de gpebm.133 Et sur la transcendance en Europe d’un tel concept, il n’est pas nécessaire d’y faire allusion. En revanche, bgßsnfs! rvÖbwfd! IjdiŒn! J! tÖjouspevj. tju!vof!qfsdfqujpo!eufsnjof!ev!Espju!ftu!qpvttfs!vo!qfv! mpjo<!une conception déterminée de la société et de ses fiefs. Mais-! faute de l’heure et jour exacts, ce que les sources rassemblent peut être assumé avec plus ou moins d’exactitude, mais aux environs de la période qui nous concerne en ce moment. § 2. Mais dans le thème qui nous occupe maintenant— celui des interconnexions entre différents systèmes juridiques et ses milieux d’application—, la frange de possible localisation chronologique, de même que le brouillard de plus en plus épais au sujet de s’il fut réellement un régime juridique différent de l’antérieur: s’il est difficile de reconstruire un état d’opinion, il l’est encore plus d’établir les zones intermédiaires entre les codes qui se conservent comme entités absolument fixées et indépendantes, telles comme tout ce que l’on connait du Droit andalusí et du Droit wisigoth. Quand, dans la pratique, la vie juridique à la fin des années 700 émanait de cet ubu!eÖpqjojpo incertain en pleine transformation; proche, donc, d’un seul code. Mais admettons la complexité qui nous ufobjmmf dans son sens stricte, vu que cela forme une ufobjmmf de complexité entre les deux connexions mises en joufsbdujpo: le Droit Islamique né des tpvsdft!kvsjejrvft!spnbjoft!fu!nptb–. rvft!ef!Ebnbt, et le strictement andalusí connecté avec celui-ci 133 Seignette, Dpef!Nvtvmnbo, Constantine: 1878. En réalité, pour une acceptation respectueuse de la symbiose entre jotqjsbujpo!dpsbojrvf et milieu judaïque-romain, voir le manuel de J. Schacht. Ftrvjttf!eÖvof!Ijtupjsf!ev Espju! Nvtvmnbo. Paris, 1952. 435! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou — en toute évidence d’écoles et de textes— et joufsbhjttbou à son tour avec une — dans sa plus grande partie— dérivation du romain comme l’était le wisigoth. § 3. Si dans l’époque que nous traitons, l’émirat d’Hichãm I, l’on admet que l’on introduisit dans al-Andalus une certaine formation concrète de normes juridiques, et donc une majeure institutionnalisation de l’État, nous pouvons traiter avec amplitude l’affaire du Droit Islamique pour mieux comprendre l’époque. Le seul inconvénient est que nous annoncions— et peut-être dénoncions— que les experts du Droit Islamique, de même que les philologues mentionnés, maintiennent l’idée centrale niée dans ces pages: la miraculeuse conquête par un peuple qui a déjà une religion et des institutions propres. L’inconvénient principal ici est, à nouveau, la difficulté de conjuguer le sens commun et les dates. Les écoles juridiques islamiques, et donc la codification du Droit Islamique, répondent à quatre maîtres initiateurs orientaux: Abu Hanîfa— mort en 767—, Mãlik— mort en 795—, al-Chafi`î — mort en 810—, et Ibn Hanbal— mort en 855. En principe, les dates pendant lesquelles le Droit surgit comme tel, s’accorderaient mal avec l’expansion vers les territoires si éloignés du Moyen-Orient comme l’était al-Andalus. Il est admis que l’école de Mãlik (de Médine)— le deuxième cité— est celle qui compta avec le plus d’estime dans al-Andalus. Mais, qu’y avait-il avant? D’accord avec les qpout! hobmphjrvft! qptusjfvstÒ! et compte tenu de toutes les réserves déjà établies—, l’on affirme que le Droit Islamique put avoir été codifié comme tel par des juristes comme al-Awzai ou al-Shaibani. Le premier d’entre eux est indispensable ici, vu que l’historien déjà mentionné al-Maqqari, affirme son parrainage du Droit andalusí jusqu’à ce que la modalité malékite— de Mãlik— l’évinça. § 4. En principe, il ne devait pas y avoir d’inconvénient historique à admettre de tels faits. Si les sources le disent, cela doit être ainsi. Peut-être, avec une certaine réserve: l’on affirme que le Droit Islamique était déjà codifié comme tel à la chute des Omeyyades de Damas— aucun des juristes scolastiques était né. Vu le saut des dates, l’intervention opportune d’al-Maqqari sauverait l’époque préalable à l’Émirat: le Droit appliqué dans al-Andalus depuis sa conquête— Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 436 711—, dut être en toute probabilité celui d’al-Awzai. Autour d’un tel auteur se produiraient deux miracles associés: le premier est qu’il dut être un juriste incomparable quand, à cinq ans, sa théorie dominait déjà. Parce que selon les sources il naquit à Baalbek— Liban— en 706. Le second njsbdmf est que les mêmes sources situent son œuvre comme la cinquième ubcbrb— génération— de juristes islamiques. C’est ainsi que, les généalogistes doivent se mettre à courir parce qu’un nouveau rendez-vous avec les historiens les oblige à lancer d’illustres infants aux chroniques que les collègues traduisent ensuite. Non: aucune des deux fantaisies annoncées ici est possible. Tout provient de la même chose: la résistance invétérée d’admettre l’ancrage romain de l’islãm civilisateur, préjudiciable, qui complique en permanence notre tâche de Sisyphe à l’heure de proclamer l’héritage de Rome que représente l’Islãm. Ce qui est certain c’est que mÖpo!efwsbju!gbjsf!vof!dbsuf!tdpmbtujrvf.uipmphjrvf! ef!mÖjtmŒn!jojujbm!fu!mf!tvqfsqptfs!tvs!mf!tjnvmubo!cz{boujo-! qpvs!rvf!upvu!dfmb!tÖbddpsef!bwfd!mÖijtupjsf!nejufssbofo. of/!Qbsdf!rvÖjm!tÖbhju!ev!n‘nf!ecbu/!Tant que l’on continue de faire des histoires exclusivistes induites et politisées, il sera difficile de comprendre et d’expliquer les plus petits détails historiques. § 5. Dans le sujet qui nous concerne, l’on admet comme vérité que l’empereur Justinien— mort en 565— représente en lui-même le changement de l’épicentre dans le Droit Romain, avec la publication du Ejhftup en 533 et l’implantation de normatives très dures dans les Écoles de Droit orientales, fermant celles d’Alexandrie et Césarée, et stimulant celle de Beyrouth, ville qui souffrit un tremblement de terre dévastateur en 551. Les historiens réticents aux contacts du Droit Islamique avec le Romain affirment que la fermeture des écoles citées et la destruction de Beyrouth aurait terminé avec le Droit Romain dans la zone. Et le pire, du point de vue scientifique, c’est que telle affirmation est admise sans plus pour arriver à parler du Droit Islamique émané, originalement du texte coranique. Quand l’Islãm fleurit, Beyrouth n’était pas détruite, et n’était pas non plus restée tbot!cvsfbvy pour annuler de telles tâches intellectuelles. D’autre part, dû ‰! mb! gfsnfuvsf gouvernementale l’on n’allait pas arrêter de produire de la littérature juridique romaine à Césarée et à Alexandrie — mais plutôt tout le contraire. À par- 437! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou tir d’ici, il faut refaire l’histoire normalisée du Droit Islamique en partant de qu’vo!ipnnf!ef!CbbmcflÒ!bduvfm!MjcboÒ-!o!fo 817!fu!bqqfm!bm.Bx{bj, après sa profonde gpsnbujpo!ebot!mft! mfuusft!-!mft!opsnft!fu!qsjsft!ef tpo!qprvf!hsdp.mbujof — pour être Byzantin— qbttf!‰!‘usf!vo!qjmjfs!evÒ!dpnqsifo. tjcmf!bjotjÒ!Espju!Jtmbnjrvf/!Qui, bien sûr, arriverait à al-Andalus, vue la relative fluidité de communication qu’offrirait l’arabe progressivement comme mjohvb!gsbodb. Mais ce ne fut pas quand l’auteur avait cinq ans. Donnons-lui, au moins, trente de maturité et quelques-uns en plus pour la renommée, à part les nécessaires pour arriver aux autres confins de l’espace en processus d’arabisation. § 6. Pour le reste, l’intérêt réel d’al-Awzai pour l’introduction du Droit Islamique dans al-Andalus est sa thématique. Cet auteur fit un traité sur le Droit des personnes, un essayiste opportun sur la guerre et ses normes, ainsi qu’un rassembleur de considérations sur ce que nous appellerions aujourd’hui relations internationales; milieu dans lequel certains ont vu un précédent — passant par la Grenade nasride plusieurs siècles après— de Tomás de Vitoria. Un homme de son temps post-latin, ouvert à la discussion, comme dans toute la Méditerranée— même sanglante— et en coïncidence personnelle documentée avec le pilier du futur Droit andalusí: Mãlik. Cet auteur— selon ce que cite l’historien al-Maqqari—, aurait été introduit à l’époque d’Hichãm I par un cordouan de surnom Shabtún. Mãlik juriste de Médine, passera pour être le plus proche des sources— religieuses, primitives— face au monde sophistiqué de Damas ou Bagdad. Ce sera le propre Ibn Khaldûn qui expliquera les raisons de l’opportunité du nbmljtnfÒ! mf! Espju! cbt! tvs! mft! Ðvwsft! ef! NŒmjlÒ!ebot!bm.Boebmvt; mb!wjf!qsjnjujwf!ubju mb!shmf!hosbmf! ebot!mf!Nbhisfc!fu!bm.Boebmvt/!Jmt!oÖbwbjfou!qbt!mb!djwjmjtbujpo! eft!hfot!eÖJsbl/!Dfuuf!tjnqmjdju!eÖjoufoujpo!ßu!rvÖjmt!bwbjfou!vo! qfodibou!qpvs!mft!hfot!ev!Ijzb{-!fu!dÖftu!qpvs!dfmb!rvf!mb!epd. usjof!nbmljuf!qsptqsb!fousf!fvyÊ134 Même si Ibn Khaldûn paraît appliquer un excessif étiquetage préalable— qui sait si peut-être dû 134 Dans: José Aguiera Pleguezuelo, Ftuvejpt!ef!mbt!opsnbt!f!jotujuvdjpoft! efm!Efsfdip!Jtmˆnjdp!fo!fm!Bm èoebmvt. Sevilla: Guadalquivir, 2000, pág.56. Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 438 à un rejet peu contrasté et pour des raisons personnelles envers le territoire d’al-Andalus; quoi qu’il en soit, primitifs ou non, al-Awzai ou Mãlik, ce qui nous intéresse ici est le fait suivant: il est très difficile que le Droit malékite arrivât à supplanter une autre modalité du Droit Islamique dans la période d’Hichãm I qui nous intéresse. Il n’en a pas eu le ufnqt!ijtupsjrvf. § 7. Si, comme beaucoup, le tel Shabtún, introducteur du malékisme, put connaître à Médine les doctrines de Mãlik (715-795) à l’époque de cet émir Hichãm I (788-796), ici son traitement sera pertinent pour répondre aux débuts de quelque chose— Droit Islamique dans al-Andalus — et non pas pour cacher un autre type de Droit Islamique. Affirmer que Mãlik substituât à Awzai, partant du fait le plus vraisemblable que ce dernier fut formé en Droit Romain à Beyrouth, serait récidiver dans une cohérente évolution casuistique à partir d’un Droit wisigoth jusqu’à un autre pleinement andalusí. Et c’est dans cette direction que nous avançons: Awzai mbujojt, dont l’œuvre est progressivement transformée en version jtmbnj. rvf comme copie exacte du passé basée sur la tradition juridique qu’impliquera le malékisme. Un traditionalisme intéressant, car il nous renvoie à la géographie mythique de la péninsule Arabique, d’où provient Mãlik. Donc, nous nous trouvons face à une raison de plus— et bien puissante— pour mÖjnqmboubujpo!ef!mb!nnpjsf dans l’imaginaire andalusí. Que tout provient des sables du Hiyaz, le désert de la péninsule Arabique par antonomase. § 8. Pour le reste, et vu que nous sommes entrés en matière, il est irréfutable que la version du Droit Islamique appliquée dans al-Andalus fut la malékite. Comme il est également irréfutable que l’évolution juridique andalusíe avança par ses propres lois spécifiques, sans que cela empêche de pouvoir parler d’un cadre générique de normes similaire en grande partie à celui du reste de l’espace arabo-islamique. Comme troisième affirmation, l’application de tel Droit dans al-Andalus n’implique en aucune façon une dépendance, ni normative ni institutionnelle, par rapport à l’Orient. Entre autre parce que, s’il y a une chose qui caractérise le Droit Islamique au dessus de tout, c’est son fort pluralisme, son ambiguïté, et son per- 439! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou sonnalisme accentué.135 Pour ne pas parler des raisons personnelles: que Mãlik n’était pas bien vu dans le nouvel appareil de Bagdad. Ces caractéristiques permettaient aux andalusís— en celle-ci et n’importe quelle autre discipline—, voyager en Orient ßubmbc!bm. jmn; que nous pourrions traduire comme en voyage d’étude, sans se sentir dépendants des Abbãssides. Donc, l’on ne peut pas voir une hiérarchie ou une soumission dans la popularisation du Droit malékite, dans son implantation prestigieuse dans al-Andalus, plus ou moins dans les coordonnées temporelles qui nous occupent. Ce Shabtún voyageur ne faisait autre que suivre les coutumes de l’époque; une époque marquée par l’incessant trafic d’idées dans la Méditerranée. Quelque chose— à nouveau— gréco-latin et hérité par l’Islãm. Shabtún, malgré tout— et étant le premier—, n’est pas le nom principal associé à l’implantation du malékisme. Dans la profonde tradition sémite de dpnnfoubjsf!fu!hobmphjf, les deux grandes œuvres de Mãlik seraient bqqmjrvft par de brillants disciples et adeptes. Ces œuvres sont Nvxbuub— quelque chose comme „mbhbhf!jojujbm ou Ufssbjo! qsqbs —, et la Nvebxxbob ou Dpnqjmbujpo! rédigée par un tel TbioŸo!à partir des leçons que put compiler un disciple de Mãlik: bm.Rbtjn/!À la longue, l’on fera de nouvelles compilations et commentaires. § 9. Pour le reste, n’importe quelle approche sérieuse que l’on fasse du Droit Islamique et le temps qui passe— vu que, malgré ce que l’on peut penser, il s’agit d’une discipline en évolution—, réunira des preuves de la grande divergence qui existait entre l’Orient et l’Occident arabo-islamiques. Il est évident que— d’autre part— de graves coïncidences essentielles marquent la cohérence du concept même du Droit Islamique: que c’est un monde juridique marqué par le fait religieux— comme l’était le byzantin, duquel il émane comme entité différenciée, bien que génialement inspiré par une nouvelle Révélation. Il faut souligner aussi qu’il n’est pas territorial mais, en grande mesure, personnel— donc, méconnait les inductions de type étatique ou impérialiste. Sa diversité fut une autre grande caractéristique, malgré ce que l’on peut trouver de paradoxal dans 135 Voir, de R. Brunschvig ses «Considérations sociologiques sur le droit musulman antique». „uveft!eÖJtmbnpmphjf!JJ. Paris, 1976. Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 43: cette affirmation face à ce que nous affirmâmes sur les coïncidences; parce qu’il s’agit d’une diversité marquée par le jeu entre les commentateurs, inspiration, sources rationnelles et traditions— les précédents, la jurisprudence. Mf!sfdpvst!opsnbujg!bvy!usbejujpot-!dpotujuvfsb!mf!qsjodj. qbm!bqqvj!ev!nbmljtnf!boebmvt“/!D’autre part, nous encadrerons, à nouveau, cette entéléchie chromatique de la nostalgie pour l’originel arabe; df!rvj!qspwjfou!ef!Nejof — à cause des débuts de l’État islamique dans la ville du Prophète. Et il en est ainsi: vu qu’alAndalus primera le précédent, la tradition; et vu que telle tradition est reprise, marquée principalement par un natif de Médine, un oriental, un Bsbcf!qvs, upvu!mÖfousfdspjtfnfou!eft!qsdefout! kvsjejrvft!boebmvt“t!epoofsb mÖjnqsfttjpo fsspof!rvÖbm.Bo. ebmvt!tf!dpotusvju!ijtupsjrvfnfou!dpnnf!dpoujovju obuv. sfmmf!ef!mb!qojotvmf!Bsbcjrvf. Nous verrons tout cela en bref; pour le moment mf! sftqfdu! eft! vtbhft de certaines institutions juridiques qui sont seulement compréhensibles dans un milieu caravanier de la Révélation coranique initiale, préalable à sa véritable acculturation dans le milieu gréco-latin de cet Orient dans lequel hsjnqf l’islãm comme du lierre. § 10. Dans al-Andalus, par exemple, l’institution de ce que l’on ap- pelle!tivsb— conseil consultatif— est une référence mythique que l’on peut esquiver. Ceci nous renvoie aux assemblées préislamiques discréditées et dévalorisées curieusement par les Omeyyades; par l’Islãm initial que l’on sait rétro-alimenté par ce qui est byzantin. Ceci dit, cette institution semi-nomade rechassée par la grande sédentarisation de Damas se convertit en al-Andalus en une de ses figures juridiques essentielles. Autant le rôle des institutions que le niveau de sophistication juridique ira en consonance avec les niveaux de bureaucratisation de l’État omeyyade. Mais, au-dessus d’un esprit consensuel éthéré— le concept juridique des jdinbb; au-dessus de l’invétérée et prééminente indépendance des juges, et— finalement— au-dessus de la substantielle diversification des postes en relation avec le Droit— caddies, ulémas, muftis, nvt. ibxxbsjft et le reste—, entre tous ils forgeront une caste, confondue avec la classe cléricale, dont elle assume les fonctions. Dfmmf!eft!vmnbt n’est pas nécessairement une dbtuf!ef!dmbttf en termes oligarchiques, mais quelque chose d’encore plus profond: 441! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou groupes d’une classe en terme de gpshf!eÖpqjojpo qvcmjrvf en tant qu’individuellement ils sont les monopolisateurs de la vérité, comme Weber les nommerait. Telle classe d’uléma— à cause du terme générique de tbhft en arabe— ‘ulamã’— sera à l’origine de nombreuses révoltes et graves transformations de tubuv!rvp social. Ils seront, bien vite, un bqqbsfjm!ef!usbejujpo et islamiseront la rue d’al-Andalus cela va sans dire, avec la présumable et conséquente problématique du christianisme résiduel ou le judaïsme hispano qui n’admet pas tel endoctrinement social et qui devra le supporter. § 11. La tradition implantée est essentielle dans le Droit andalusí parce que, par-dessus tout, telle mise en ordre juridique considèrera comme sienne la devise, par antonomase, du Moyen Âge: bobmphjf/ Le ubrmjeÒ application analogique du précédent—, la prédominance de l’usage efficace démontrée dans la forge de la jurisprudence, et le peu d’importance conférée au formalisme— comme écho implanté d’une certaine quotidienneté arabe en ce qui concerne le juridique et le commercial dans les routes caravanières du désert—, feront de l’andalusí un Droit— nous l’avons déjà signalé— profondément personnaliste, avec un État qui intervient beaucoup moins qu’en Orient dans les affaires du caddie. Dans une— seulement apparente— correspondance paradoxale, ce sera pourtant dans cet Orient beaucoup plus formé comme État d’où surgira le concept de nb{bmjn— administrés; contribuables—, et même la géniale et précoce institution du tbifc!bm.nb{bmjn— Défenseur du peuple. Cela est dû à ce que la hiérarchisation juridique orientale sera beaucoup plus accentuée que l’andalusíe. C’est ce national-nbmljtnf implanté, transplanté, forgeur plus ou moins d’un certain Mouvement ou Régime dans al-Andalus, avec son invétéré recours au ubrmje! déjà cité— analogie par rapport au précédent, pratiquement comme dans le Doit anglo-saxon. Dans ce régime juridique dont les arbitres sont à la fois gpshfvs!eÖpqjojpo, paradoxalement l’on n’utilisera pas ce que l’on appelle jdiujibeÒ improvisation raisonnée—, la qpsuf de la normative islamique qui transige. Dpnnfou!qfvu.po!fyqmjrvfs!mÖjnqmboubujpo!ef!mb!n. npjsf!opsnbujwf-!ef!mb!usbejujpo!fyphof-!ebot!vo!ufssjupjsf! dpnqmufnfou! ofvg@! Dpnnfou! tf! nbsjf! mf! qfstpoobmjtnf! bwfd!mÖbobmphjf<!mf!dibohfnfou!rvboujubujg!bddvnvmÒ!opv. wfbvu!hosbusjdf!ef!usbotnvubujpoÒ!bwfd!dfuuf! nnpjsf! Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 442 jnqmbouf/!Sûrement, comprenant al-Andalus comme paradigme du Moyen Âge; cette situation géniale— incompréhensible à partir des qbusjpujtnft!tqpsujgt!fu!ef!dfvy!cbtt!tvs!m֏dpopnjfÒ dans laquelle cfbvdpvq!ef!tft!usbjut!dbsbdusjtujrvft!qspwjfoofou!ef! mb!dvmuvsf!ef!mb!dpnqmfyju- jugera Menocal.136 5/6/8/!Tqdjßdju!ev!Espju!boebmvt“ § 1. Nous disions que le Droit islamique tenaille la Méditerranée sud-orientale se trouvant dans une situation similaire à ce que put affronter l’islãm religieux-social. Celui-ci se présentait comme une nuance révolutionnaire antitrinitaire du byzantinisme au Proche Orient, ou comme l’héritage des Wisigoths en Hispanie. Comment pouvait-on être surpris, dans ce qui est déjà al-Andalus, que les normes juridiques se modelassent avec l’argile religieuse? La situation normative hispane était-elle différente, ou la byzantine en Orient? N’oublions pas que ce fut Byzance qui inventa l’État avec l’Évangile comme constitution. Si nous convertissons l’Évangile en un endoctrinement trinitaire inextricable, il ne restera plus qu’à retoucher la source inspiratrice pour maintenir le statu quo.137 Le couple confronté formé par le pluralisme normatif et l’ambiguïté dans le Droit Islamique est la thèse à laquelle l’on fait appel de Jean-Paul Charnay, qui le déchiffre avec une maîtrise particulière:138 136 María Rosa Menocal, Mb!kpzb!efm!nvoep;!nvtvmnboft-!kve“pt!z!dsjt. ujbopt-!z!mb!dvmuvsb!ef!mb!upmfsbodjb!fo!bm.èoebmvt. Barcelona: Plaza y Janés, 2004, pág. 24. La citation de Menocal n’implique pas que nous partagions la mpvbohf!‰!mb!upmsbodf de son livre. Probablement, dans son ensemble, c’est un révisionnisme attractif dbtusjfo — d’Américo Castro—, une chose, en soi, toujours louable. Pour le reste, les latitudes dans lesquelles s’encadre le travail de Menocal le spécifient peut-être d’une manière déterminée. Par exemple, la présence d’Harold Bloom dans le prologue et sa relation avec la comparaison de ce qui est juif, chrétien et musulman. L’essentiel d’al-Andalus est islamique— ce qui n’est pas pareil que musulman. 137 D’Emilia,«El derecho Musulmán comparado con el bizantino» Studia Islamica 4 (1965). 138 En se basant sur un travail de 1978, Jean-Paul Charnay réélabora un matériel intéressant; Tpdjpmphjf!sfmjhjfvtf!ef!mÖJtmbn. Paris: Hachette-Pluriel, 1995. Ici ce n’est pas pour élaborer!mft!dbsuft!eÖfotfjhofnfou, qui en plus sont toujours personnelles. Pourtant, dans ce cas, l’échantillon sert: la bibliographie française a l’habitude d’être toujours tpdjpmphjrvf, l’anglaise de tomber dans 443! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou fondamentalement cela consisterait en une seule norme interprétable qui renvoie à la plus importante— gbjsf!mf!cjfo!fu!sfdibttfs! mf! nbm. Une seule norme sans forme concrète, et une infinité de situations. L’ambiguïté ne se contredit pas, donc, avec l’affirmation de rationalité: l’on raisonne, mais dans un cadre de normes pas complètement écrites, mais plutôt soumises à interprétation. Nous pourrions risquer plus de raisonnements comparatifs: en Occident, le monde juridique consiste à ordonner et réglementer la vie en commun avec comme but de soutenir un ordre social déjà établi, ayant comme primauté d’éviter le vide juridique. Dans ces territoires de l’islãm illustré, l’on perçoit le Droit comme orientation; comme guide d’action avec des connotations éthiques et religieuses. Donc, ce que l’on prime est ne pas réglementer en excès b!qsjpsj, stimulant une certaine ambiguïté parce que, parfois, mb!tusjduf!bq. qmjdbujpo!ef!mb!kvtujdf!ftu!jokvtuf. § 2. La caractéristique éthique essentielle provoqua que la norme générale— le bien commun— prédomine sur le cas particulier. Mais dans cette juridiction ouverte de fait; dans ces normes juridiques qui émanent de situations sociales, politiques et économiques de la propre société andalusí, le fait de s’être afféré à la solution analogique— taqlid, l’imitation du précédent—, et de renvoyer à un passé étranger— Médine—, le Droit malékite configura plus que ce qu’il fut configuré. D’une certaine manière, le changement qualitatif d’al-Andalus s’accéléra sous l’effet de normes spécifiques et différenciables par rapport à son passé— l’Hispanie. À cela il faut ajouter que— comme l’affirme si bien d’Emilia— le Droit Islamique ne distingue pas le milieu publique de celui qui est privé de même que d’autres droits connus dans la péninsule Ibérique— byzantins, ou wisigoths, post-romains. Le monisme de cette mise en ordre jule stratégique transcendantal, et l’espagnole est éminemment philosophique— jusqu’aux médiévistes qui sont des!tuvejfvy!ef!epttjfst—, la meilleure façon d’appréhender les très diverses réalités universitaires et académiques est, simplement, de se promener beaucoup et toujours avec les mains dans les poches. Vu que ce que l’on sait est toujours df!rvj!sftuf!bqst!bwpjs!pvcmjfs!df rvf! mÖpo!b!bqqsjt, il est indispensable de bouger continuellement, pour oublier plus vite. Se rencontrer avec Charnay, comme avec tant d’auteurs, est illustratif si nous ne pensons pas à eux comme des gourous de camarillas enseignantes et politiques. Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 444 ridique l’amènera à veiller à ce que, plus tard, toutes les structures de l’État avancent dans la même voie. En réalité, l’illustre dibs•!ab signifiera précisément transiter par cette voie. Dans ces chemins nous trouvons qu’une idée est peu à peu engendrée à partir d’une tpdju!rvj!wb!rvfmrvf!qbsu qui ne doit pas impliquer nécessairement l’étatisme. Cette idée se rapproche de ce que nous insinuions déjà sur la possibilité d’une certaine uipmp. hjf!ef!mÖijtupjsf. Cette société induite se superpose à l’État même: mÖfowjspoofnfou! boebmvt“! fo! hftubujpo! fu!ßybujpo-! jnqptf! qmvt! rvf! mքubu<! mÖfowjspoofnfou! tpvqft! fu! bwfd! mÖpqjojpo! ef! mÖvmnb-!gpodujpoobjsf-!pv!kvsjtuf!nbmljuf/ De là l’apparition de par exemple, la littérature appelée tjzbtb!dibsj“bÒ! bien que plus prolixe en Orient-; livres du genre du Qsjodf de Machiavel ou le Dpvsujtbo de Castiglione, où nous arriverons, précisément, bv!qpjou!pž!opvt!qptfspot!mf!qjfe!ebot!m֏qprvf!ef!mb!qspup. sfobjttbodf!fvspqfoof!fo!bsbcf/!Ce n’est pas, nous insistons, une société endoctrinée par l’État; il s’agit de que le monarque ne puisse se soustraire aux obligations de la Loi,!et ne puisse interférer dans le développement de celle-ci. Son devoir et droit de faire justice il les délègue— ojzbcb— aux cadis.139 § 3. Dans le Droit, il existe une délimitation grave et une différence entre le cadre de la territorialité et/ou personnalité. Si l’essence d’un système juridique est le support de l’État, l’on applique le concept de territorialité, comme dans le cas du Droit Romain ou Wisigoth, probablement le Droit Romain tardif— déjà qualifié comme byzantin— devra être plus ambigu en matière de limites géographiques dans l’administration. Le Droit Romain se convertit peut-être en religieux byzantin à force de perdre des territoires, c’est-à-dire, de perdre le sens de la territorialité juridique. En fait, il s’agit seulement d’une interprétation d’avocaillon, mais quelque soit la cause, il est plus que probable que le Droit Islamique n’établisse pas de territorialité précisément pour les mêmes raisons, et sûrement pour la nouvelle influence byzantine. Mais ceci nous amène à un problème de base: si le Droit Islamique n’est pas territorial, en quoi nous basons-nous pour affirmer 139 R. Brunschvig, «Consideraciones sociológicas sobre el derecho musulmán antiguo”. „uveft!eÖJtmbnpmphjf!JJ/ Paris,(1976). 445! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou l’existence d’un territoire andalusí? Et bien dans les caractéristiques propres déjà traitées— malékisme appliqué, en premier lieu. Bien que, précisément, ce personnalisme du Droit Islamique puisse entraîner à al-Andalus deux problèmes essentiels: le premier, historique— celui qui envahit ou impose un régime nouveau, s’il vient avec le Droit Islamique, donnera l’impression d’une certaine continuité—, et le deuxième d’interprétation historique: à partir du présent, l’on a l’impression que upvu!mf!dbesf!ev!Espju!Jtmbnjrvf! ebot! mÖijtupjsf! fu! ebot! mb! hphsbqijf! bduvfmmft-! sfowpjf! ‰! vof!gpsnf!jodfsubjof!ef!tvqsb.„ubu!rvboe-!ebot!mb!qsbujrvf-! dÖftu!qsdjtnfou!mf!dpousbjsf;!vo!jogsb.„ubu-!vo!qbsujdvmjfs! Espju!eft!hfot/ § 4. Quand un Droit base ses mécanismes de création sur la ré- gulation de la vie en commun, le domaine d’application cherchera ses principes dans le concept de personnalité, comme dans le cas qui nous occupe. Si cela implique entraîner certains problèmes de territorialité, il y a, cependant— de grands bénéfices réservés: avec un Droit andalusí personnaliste, un juriste cordouan pouvait— et de fait il le faisait— continuer sa formation à par exemple— Bassora, et vice versa. L’Islãm est en train de surgir comme complexe civilisateur, niveau d’une époque, frénétique et compétitive production intellectuelle. Dans le monde de formation intrinsèquement lié à la besogne administrative avec des nuances socioreligieuses, le juriste qui arriverait à al-Andalus percevrait certaines spécificités que— d’autre part— il aurait pu voir ou non dans un autre coin de l’Islãm. Ceci est compliqué, pour être une de ces idées à contrecourant, mais il arrivera un moment pendant lequel, appartenir à la Dar al-Islãm signifie quelque chose dans ce milieu, et non dans le religieux. Quelque chose de semblable à ce qu’aujourd’hui nous pouvons exprimer en parlant de culture occidentale. L’aller et venir des idées et des personnes vers et depuis l’Orient se produisait sans préjudice— nous le vîmes— de la tqdjßdju, comme dans le cas d’al-Andalus; fu!opo!qbt!mÖfydfqujpoobmju-!mf! hsboe!dbubqmbtnf!joufsqsubujg!qptu.nbvsf!ef!df!rvf!opvt! usbjupot/! Une caractéristique de ce Droit andalusí, par exemple, serait la citée— et apparemment faible— importance de la forme juridique. Dans opt systèmes juridiques, un défaut de forme implique l’annulation d’un procès. Dans celui que nous traitons, l’unique mi- Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 446 lieu qui concède une importance réelle à la formalité est celui des contrats, dans lesquels la forme est essentielle. Pour le reste, pour le commun des juristes, mb!gpsnf!ftu!qmvt!qspupdpmf!rvf!qspdt; il s’agit de rehausser l’importance de l’acte, plus que de s’ajuster à un procédé. D’autre part, l’intense personnalisme indiqué mène à confier en l’intuition du juge sur les présomptions d’innocence; de là que le formalisme ait son côté bon et mauvais en même temps. Au moins, celle-ci fut toujours l’opinion d’Ibn al-Qasim, véritable père du malékisme andalusí et— comme nous le disions— auteur de la version du Nvxbuub!de Mãlik. § 5. C’est ainsi que, main dans la main avec sa mise en ordre juridique, al-Andalus s’ouvrait peu à peu un passage: avec l’invétérée obsession pour l’écrit, pour consigner plus que pour la norme écrite en soi, al-Andalus est un paradis de philologues de ce qui est quantitatif. Il y a des actes et des certificats pour tous les goûts, même s’il est certain que malgré la bureaucratisation progressive, l’on maintient toujours le caractère clairement oral d’un procès. D’autre part, chose commune au reste des ordres juridiques. Mais dans des milieux différents à la procédure ce n’est pas si commun: malgré la relevance de l’écrit dans la conception religieuse de l’Islãm, dans le Droit qui nous concerne l’on n’arriva jamais à l’idée de— par exemple— foi notariale. L’on ne contempla pas le document comme incontestable, et cela malgré que l’information des témoins fût rassemblée dans les actes, et malgré que les gfuvbt— rapports— se présentassent écrites de la propre main du mufti— celui qui émet la gfuvb. Il s’agissait de laisser un témoignage, et non pas de survaloriser l’écrit. De fait —selon López Ortiz—,140 l’on ne reconnaissait pas l’acte authentique si l’auteur était mort, et la présentation d’un document notarial, par exemple, impliquait la présence du propre notaire: il s’agit d’intervenir au niveau personnel;de rehausser l’honorabilité du témoin. L’bejm— témoin— était essentiel dans des procès où le dbej! dictait une sentence par pure conviction: les procès se gagnaient par le nombre de témoins. Fait qui intervient très profondément dans l’implication des citadins dans les causes, dans la 140 López Ortiz, «La jurisprudencia y el estilo de los tribunales musulmanes en España». Bovbsjp!efm!Efsfdip!Ftqb—pm!JY, (1932). 447! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou répercussion sociale du jugement, et— enfin— dans le concept de communauté endommagée par le mal de l’un ou améliorée par la justice de l’autre. Il est évident, donc, que mpstrvf!mÖpo!qbsmf!ef!mb! gpshf!ev!Espju!tjnjmbjsf-!opvt!tpnnft!fo usbjo!ef!qbsmfs!ef! mb!dpotujuvujpo!eÖvof!tpdju!dpodsuf. Pour ceux— les décadentistes— qui proposaient comme dbvtf!ef!mb!qfsuf!ef!mÖIjtqbojf ces transcendantales indolences, ou l’indifférence de l’Hispano par rapport à son État, il y a lieu de souligner ici rvÖbm.Boebmvt!tvshju-! qspcbcmfnfou-!dpnnf!vof!qsphsfttjwf!qsjtf!ef!dpotdjfodf! eÖvof!dpnnvobvu/ § 6. D’autre part, et à nouveau contre Eugenio d’Ors, la littéra- ture andalusíe du droit appliqué base la plus grande partie de la problématique judiciaire en faits avec comme fond le milieu urbain. Parce que la plus grande partie des institutions ont le même centre: la ville. C’est celle qui, par conséquent, reçoit un traitement juridique majeur que le milieu rural, et en juste correspondance, la majeure partie des postes administratifs. La ville est une centrale bureaucratique. En général, en parlant de telle matière— les postes, la progressive prééminence sociale configuratrice d’une société déterminée— il faut souligner que toutes les institutions juridiques se basaient sur le concept déjà expliqué de la ojzbcb; la délégation de pouvoir. Même s’il n’y avait pas une hiérarchisation excessive, il existait cependant des catégories: ce n’était pas la même chose d’être juge à Cordoue que dans un village perdu. Mais, par-dessus tout, la clase sociale serait marquée par une certaine panoplie d’options: n’importe qui pouvait être n’importe quoi à condition d’être un homme avec une formation. D’ici la qualifiable caste des katil, greffiers: la plume est en train de se comparer à l’épée. Les postes essentiels que se répartissait la ojzbcb — en fait, responsabilité publique— dans la ville étaient les suivantes: le dbej, avec ses compétences en matière de Droit Civil, statut personnel, conflits entre particuliers. Dans la majorité des cas ils agissaient dans les conflits où l’une des parties était l’État. Le tbijc! bm.nb{bmjn! assistait au! droit d’appellation des citadins. Il exerçait aussi les fonctions de médiateur dans des questions mineures. Le tbijc!bm.sbee — garant du droit de recours— était un personnage diversifié qui s’occupait des cas refusés par le Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 448 cadi. Il exerçait un arbitrage volontaire très semblable à ceux utilisés en matière commerciale. Le tbijc!bm.tivsub!s’occupait de la justice répressive; étant en réalité un chef de police et rapporteur des cas criminels. Le tbijc!bm.tvr —ou en langue de Castille zabazoque— était un poste indispensable du monde éminemment commercial. Il veillait pour la juste fluidité de l’échange dans les souks, générant dans cette branche une littérature de réglementation des marchés: appelée ijtcb/ Enfin, le tbijc! bm.nbejob! qui s’occupait de l’ordre publique, contrôlant aussi, dans de nombreux cas, le droit tributaire. § 7. Dans un autre ordre de choses, la dynamique judiciaire et procédurière était très riche et peu rigide; compte tenu de la déjà mentionnée diversité des sources, zones, écoles et époques. Ce qui est certain est que, en vertu de cette délégation administrative— niyaba, transcendantale pour la structuration de l’État—, la même fonction de l’émir— comme après celle de calife— ne passait pas, en matière juridique, au-delà de son obligation éthérée de maintenir la loi. Une grande partie des obligations du souverain consistait, en fait, à mettre en fonctionnement cette niyaba grâce à la nomination des cadis. Il s’agissait d’une élection très respectée: de fait, le cadi n’était pas cessé au changement de souverain mais seulement par volonté expresse du nouveau. D’autre part, la nomination exigeait l’aval de deux personnalités, et le candidat devait être connu du souverain, celui-ci devait signaler clairement les attributions du nouveau cadi, pour qu’il n’y eût aucun conflit de juridiction, ainsi que spécifier le lieu de destination. Il est très significatif d’indiquer que l’on ne pouvait pas imposer une école ni la volonté du souverain dans un cas judiciaire, et il ne pouvait pas y avoir non plus deux cadis pour le même cas. À la longue, le souverain nommerait un juge suprême et celui-ci à tous les autres, mais nous voyions déjà comment la hiérarchisation excessive était une pratique, plus commune en Orient que dans l’Occident andalusí. Dans cette tâche géniale qui consiste à faire le compte rendu de la culture arabe, l’on compte avec une information abondante sur la casuistique et les anecdotes pour pouvoir se faire une idée assez claire sur le jour à jour judiciaire. Un auteur très lu en Orient et en Occident pour ses appréciations illustratives à ce sujet est Jco!Ijdibn qui dans son livre Mf!kvhf! 449! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou jebmÒ! bm.nvße! mj.m.ivln — énumère les conditions pour être juge— ‘usf! nvtvmnbo-! ipnnf-! joufmmjhfou-! mjcsf-! nbkfvs-! fu! ebot!tpo!usbwbjm!kvtuf!fu!espju/ § 8. Le juge devait avoir aussi une bonne oreille, être bien vêtu, et connaître le Coran et la Sunna; la tradition du Prophète, qui à la longue— probablement pas avant l’an 830— se convertira en source essentielle du précédent. Il devait être riche— pour ne pas avoir besoin de le devenir — et connaître à la perfection la langue arabe. L’auteur traite, également, de l’intra-histoire de la dynamique judiciaire: il n’importait pas que l’on administrât la justice en marchant, il ne pouvait accepter des cadeaux de personne, il ne devait pas avoir beaucoup de visites ou qu’il allât à cheval fréquemment accompagné par les mêmes personnes. L’on ne devait pas maintenir des propos malsonnants en sa présence, il devait s’abstenir de demander des prêts ou faire du commerce— il va sans dire, encore moins avec quelqu’un qu’il devait juger. Il était mal vu qu’il fut invité à des célébrations— excepté les mariages—, il était censurable qu’il fût ou très jovial ou— au contraire— de mauvaise humeur, il ne devait pas administrer la justice lorsqu’il pleuvait, il ne devait rendre des comptes qu’à celui qui l’avait nommé, et si l’on démontrait qu’il n’était pas très versé en lois, qu’il n’était jamais sorti du taqlid— l’analogie avec un cas précédent. En définitif, ev sfhbse!buufoujg!bvy!qspddvqbujpot!kvsjej. rvft!eÖbm.Boebmvt!mÖpo!qfvu bssjwfs!‰!bwpjs!vof!dfsubjof!jef! tvs!tb!tpdju. Ce qui précède vaut même pour une ofvusbmjtbujpo! ef!mÖfydfqujpoobmju!boebmvt“, avec l’intérêt en plus de sa normalité. Parce que, par exemple, l’on n’écrit pas de livres de droit en portions de la Ebs! bm.Jtmbn, mais plutôt qu’en certaines portions l’on donne plus de poids à certains livres qu’à d’autres. La diversité juridico-culturelle, dans n’importe quel cas, répond, ainsi, non pas à des excisions mais à des nécessités de vivre en commun spécifiques à chaque région. Parce que, même au sein de chaque école juridique il y a une certaine spécificité: le Nvxbuub de Mãlik, comme nous le disions, s’appliqua dans al-Andalus et le Maghreb à travers la version de Sahnûn dans son œuvre Nvebxxbob/ § 9. Bien; malgré tout, le droit andalusí et le maghrébin étaient différents, par exemple l’existence citée d’un Conseil Consultatif dans al-Andalus — la shura—, et non pas avec tant de relevance et conti- Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 44: nuité dans le Maghreb. La question non suffisamment répondue par Ibn Khaldûn— pourquoi appliquait-on dans al-Andalus la version du Droit le plus rigoureux— vient toujours affleurer, même si cela est dû à la curiosité. Comment est-il possible qu’une zone si périphérique comme al-Andalus fût la plus ajustée à la Tradition? Ici nous devons, à nouveau, ojfs!mf!qmvt!jnqpsubou: bm.Boebmvt! of!gvu!qbt!vof!qsjqisjf!qbsdf!rvÖjm!oÖz!bwbju!qbt!ef!dfousf! nbobou/!De fait, l’on assume traditionnellement que le malékisme andalusí fut impulsé par des classes moyennes pour contrecarrer le centralisme cordouan déjà à l’époque où s’insinuait le califat; dans la mesure où le Droit fût si stricte, le souverain avait moins de capacité de tyrannie. À plus de possibilité de recours analogique, moins de possibilité d’être arbitraire. Si l’on y pense bien, l’mfdujpo de l’école juridique dans al-Andalus serait un tjhof!eÖjefouju, et une clé interprétative de la structuration d’une société. 5/6/9/!Bm.Iblbn!J!)8:7.933*! § 1. Après la mort subite de l’émir Hichãm I, al-Hakam I, son fils, lui succède bien qu’il ne soit pas l’aîné, il paraît avoir été plus doué pour de tels combats, vu que son frère majeur Abdel Malik ne formula aucune revendication ou dommages comparatifs, donc l’on suppose un révérenciel mbjttfs! mf! qbttbhf! mjcsf. Ce qui d’autre part, ne paraît pas avoir été le cas des oncles du nouvel et jeune émir; les dissidents pardonnés Suleyman et Abdala, exilés avec certaines prérogatives dans le Maghreb. Ainsi, pour ne pas manquer à la coutume péninsulaire, l’intronisé se convertissait en aspirant, devant ratifier et défendre le titre d’al-Hakam I avec des négociations et fermeté. À ce sujet, un nuancement vient à point; nous devons signaler que la numération des émirs est seulement comme orientation et entre nous, pour nous comprendre; non pas— d’aucune façon— le reflet de comment les émirs et futurs califes s’appelleraient dans leur langue— quelle qu’elle soit; arabe ou romance car, à l’époque, dans al-Andalus l’on ne parlait pas qu’une seule langue. Abd al-Rahmãn le premier était bm.Ebkjm, l’émir qui nous concerne— al-Hakam — est connu comme bm.Sbcbej; Abd al-Rahmãn le premier calife— le troisième des Abd al-Rahmãn — était, en réalité bm.Obtjs, et ceci étant seulement des exemples représentatifs. Mais, au nom de la 451! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou opsnbmjtbujpo nous maintiendrons la typologie d’usage.141 Un autre ovbodfnfou!epju!‘usf!gbju!tvs!mb!mbohvf!eÖbm.Boebmvt/ § 2. Bien que la tendance soit d’une imparable arabisation— dans un autre endroit nous fîmes allusion à tel processus comme, précisément, celui qui configura le véritable miracle andalusí—, il faut signaler l’apport de Federico Corriente et autres au sujet du bilinguisme dans une grande partie de l’époque andalusíe. Effectivement, et jusqu’à l’époque des Taifas— après l’an mille—, arabe et romance furent le véhicule d’expression quotidienne en registre familier ainsi que l’apanage de pratiquement tous. Cette situation changera, se dirigeant vers un monolinguisme arabe. N’oublions pas la drastique arabisation et berbérisation que signifiera l’entrée de contingents nord-africains dans les époques postérieures almoravides et almohades.142 Mais, pour ce qui est des faits politiques pratiques, et pour dire les choses comme elles sont, al-Hakam qsfnjfs— tel que nous avons convenu avant—, maintint et renforça le tubuv!rvp de l’émirat comme le définit son aïeul, Abd al-Rahmãn I: la décentralisation, la juxtaposition des zones loyales assujetties par un système imposable clair et rentable. Ainsi par exemple, comme modèle de cette juxtaposition proto-féodale se trouve son oncle Bcebmb!qui terminerait par être connu comme Bcebmb!bm.Cbmbotj — le Valencien— parce dans la pratique, il gouvernait à partir de Valence une gsbohf!jnqptbcmf qui s’étendait depuis Murcie jusqu’aux Pyrénées. Son neveu, émir, lui avait concédé la perception de cette zone si importante. § 3. Abdala pouvait être assez reconnaissant, vu qu’il avait essayé de trahir le centre cordouan en tentant de rendre hommage à Charlemagne. Mais il paraîtrait que l’njs!eÖBjy.mb.Dibqfmmf!n’avait pas décidé de jouer la cohésion de l’Empire Sacré embryonnaire pour 141 D’autre part nous faisons pas mal d’élagage. À cause de la normalisation, nous faisons abstraction de l’usage onomastique habituel en arabe. Par exemple Hichãm Ibn Abd al-Rahmãn… Au deuxième nom, nous prédisposerions le lecteur ou la lectrice et capoterions dans cet fypujtnf!bmjobou qui entoure tout ce qui est arabe. 142 Federico Corriente,“El idiolecto romance andalusí reflejado por las xarajat”. Sfwjtub!ef!Gjmpmph“b!Ftqb—pmb!75 (1995) 1-2, pp.5.33. Voir page 5. Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 452 une aventure déjà connue au-delà des Pyrénées pleine de souvenirs contradictoires. Son autre oncle Suleyman, plus décidé à l’affrontement direct et ne pas lui rendre hommage, se cantonna dans l’incontrôlée Tolède pour, de là, se renforcer à Mérida et tenter un assaut au pouvoir qui lui entraînerait un funeste— funèbre— et littéral casse-tête. Que l’on nous pardonne pour le sang versé dans l’histoire écrite qui ne prétend pas être une Ijtupjsf!ef!Cbubjmmft; elle est seulement illustrative pour certaines ruptures dans la structuration décentralisée de ces premiers Omeyyades. D’autre part il faut signaler le fait de mÖbwbodf!tjmfodjfvtf!ef!Upmef!ebot!mÖijtupjsf! ef!m֏njsbu/!Pour avoir été détruite? Cela ne paraît pas être ainsi, vu que l’on enregistre certaines activités, qui étaient d’autre part normalement associées à une certaine indépendance par rapport à Cordoue. Dans une époque d’arrivée progressive d’ulémas à la capitale de l’émirat, il faut être prudent à l’heure de, simplement, nommer ces concepts: émirat, capitale, uléma. Bien que nous ayons déjà eu une dégustation de la stratification sociale et juridique d’al-Andalus, il est difficile de pouvoir transmettre ce que pouvait penser un hispano-romain de Tolède au sujet de l’njsbu. D’une certaine manière, ‰!mb!ßo!eft!booft!811-!mÖpo!qpvwbju!qfotfs! ‰!vof!dfsubjof!cjdqibmjf!qojotvmbjsf-!bwfd!Upmef!fu!Dps. epvf pivotant— respectivement— le dernier quartier institutionnel wisigoth et le croissant omeyyade. § 4. À ce moment-là, ni Tolède était islamisée, ni Cordoue tant is- lamisée, et aucune des deux capitalisait grand chose au-delà d’un éthéré qsjnvt!joufs!qbsft entre les poches de pouvoir territorial. Le processus de définition de l’état omeyyade intégral y centralisateur, devra attendre encore un certain temps en plus pour être ne serait-ce qu’instauré. Nous annoncions déjà que le succès de l’islamisation silencieuse d’al-Andalus répondait à son ambiguïté initiale: les Arabes étaient-ils religieusement hérétiques, ariens, gnostiques? Étaient-ils seulement considérés militairement; des contingents professionnels en service ou cherchant querelle? Selon notre opinion, ce qui a été vraiment significatif c’est la swpmvujpo! jejpnbujrvf: comment peut-on transformer la langue d’un territoire intellectuellement bigarré? Même les spécialistes en la matière comme Corriente et Ferrando proposent, d’une certaine 453! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou façon, mf!njsbdmf!ef!mÖbsbcjtbujpo!boebmvt“f, vu que ce que l’on peut savoir de plus de l’histoire embryonnaire, moins de légers indices de penchant à un changement radical— comme serait l’idiomatique— s’annoncent.143 Quoi qu’il en soit, et en maintenant la logique floue de la progression imperceptible, dans les deux villes en question l’on fit quelque chose, très clairement perceptible: ce que l’on a appelé la Kpvsof!ev!Gptp de 797 à Tolède et la eftusvdujpo! ef!mÖBssbcbm!à Cordoue en 818. § 5. Il s’agit de deux évènements dont nous nous occuperons bien- tôt; si dans la première— Journée du Foso à Tolède— il y a des implications wisigothes résiduelles, dans le développement de la seconde— Révolte de l’Arrabal cordouan— l’on compte déjà avec la présence, forgeuse d’opinion, de différents ulémas; les futurs sages musulmans. Pour le moment, ils pouvaient se présenter comme de simples Sarrasins; orientaux qui prédiquent ou/et qui font du commerce, sans tomber dans le rejet— par exemple des Évangiles ou du latin déjà influencé par le romance, comme ce qui paraîtrait être le cas idiomatique péninsulaire. Défendre l’iconoclastie, refuser la divinité de Jésus de Nazareth, ne pas consacrer et/ou ne pas utiliser le vin dans les célébrations religieuses, pouvait paraître une simple npef!psjfoubmjtbouf!pour certains, ou hétérodoxie pour d’autres. L’on ne pouvait penser d’aucune façon qu’il s’agissait d’une jowbtjpo!dbmdvmf, comme il ne paraît pas non plus que quelqu’un puisse avoir fait de tels calculs. Beaucoup moins le propre émir, vu le rejet catégorique qu’il montre dans toutes les sources vers ce qui est religieux ou corporatif. § 6. L’émir al-Hakam I était un homme de frontière, ce qui ne signifie rien au point de vue de la compréhension ou condescendance, mais plutôt tout le contraire: ce fut un exécuteur implacable. Dans ses exposés fondamentaux sur l’époque qui nous concerne, LéviProvençal ajoute un élément essentiel— parce qu’il génère une interprétation d’ensemble: à l’époque d’al-Hakam I ce qui est arabe 143 Federico Corriente, «Especificidades idiomáticas de los andalusíes. Expansión y fijación” (en arabe). Revue de l’Institut Égypcien d’Études Islamiques, 23 (1985-1986) pages 59-68. Ignacio Ferrando incide en cela, Jouspevddj˜o!b!mb! ijtupsjb! ef! mb! Mfohvb! èsbcf. Ovfwbt! qfstqfdujwbt. Zaragoza: L’auteur, 2001, page 160. Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 454 s’ouvre à ce qui est hispano-romain. Il est probable qu’il put se produire en contrepartie évidente: que ce qui était hispano-romain ne considérait à ce qui est arabe simplement comme enkystement militaire; comme un certain mode de casernement professionnel avec quelque relation vers déterminées formes d’hérésie éthérée. Effectivement, avec un émir, fils déjà d’une Franque, la perspective de zones de population andalusíes, commençaient à ne pas avoir de sens; quelque chose commence à se dissoudre, diluer. Ainsi, al-Hakam I naissait, paraîtrait-il, de la relation de son père avec une des femmes franques offertes par Charlemagne aux Omeyyades après s’être confiné au-delà de Saragosse.144 D’autre part, des mêmes latitudes au-delà des Pyrénées procédait le contingent avec lequel cet émir, déjà njyuf, avait une hbsef! qsupsjfoof: plus d’une centaine et demie de mercenaires francs. Avec un tel entourage et telle naissance, avec son bttjtubou!bqqfm Wjodfou— célèbre dans les chroniques—, et dans un milieu cordouan avec un mélange croissant de la population, nous pouvons détacher qu’il était en train de se produire le franchissement d’un important Svcjdpo: ce qui est andalusí augmente. En quelle langue parlait l’émir avec ses troupes, avec son assistant, avec sa mère…? Il est intéressant de rapprocher toutes ces questions au point de nonretour du changement de siècle; parce que ce bilinguisme populaire andalusí— alternance et coexistence du romance et de l’arabe— ne va pas être facile à détruire. De la même manière qu’il ne sera pas facile que de tels faits se reflètent dans les chroniques arabes— pas encore autochtones— ou dans les sources latines de l’époque— ecclésiastiques et étrangères à la réalité de cette période. § 7. Probablement, la situation dut imiter autant que possible ce qui s’était produit préalablement avec l’incorporation progressive des Wisigoths au monde hispano-romain: à partir de la séparation complète en compartiments sociaux étanches, jusqu’au besoin de réglementer avec le Gvfsp! Kv{hp — à partir du pouvoir, et par convenance d’un ordre— la coexistence et le croisement de la population. Et, sans doute, à l’apport du mélange social, suivront les 144 E. Lévi— Provençal, Ftqb—b!nvtvmnbob!ibtub!mb!db“eb!efm!dbmjgbup!ef! D˜sepcb (711-1031). (Vol. IV, Ijtupsjb ef! Ftqb—b dirigée par Ramón Menéndez Pidal. Madrid. 1982) page 122. 455! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou canons de ce que Georges Duby opinait sur l’ascension sociale dans le Moyen Âge: l’homme— arrivé récemment, arabe— apporte un sang neuf, et la femme— hispane— établit une tradition, un certain patrimoine, et une position sociale.145 Dans ce sens, il faut détacher certains personnages dibsojsft comme la célèbre sévillane Tbsb!mb!Hpuif protagoniste sans pareil dans les dipt/ Sara la Gothe, petite-fille de Wittiza; apparentée, ainsi avec la noblesse qui contrôle le désordre hispano après la guerre civile entre les partisans de Wittiza et de Rodrigue, et qui termine par la victoire des premiers: nièce de Oppas, évêque qui combattit Pelayo— pour discréditer ceux qui s’affrontent à la religion. Il s’agit de Sara, la fille d’Alamundo, que les chroniques marient plusieurs fois avec des chefs militaires146 de ces contingents progressivement arabisés-tzsjfojtt- comme nous le voyions. § 8. En tout cas, lorsque nous définissions l’émir comme homme de frontière, nous pourrions amplifier probablement le concept à ce qui est extra-familial: avec al-Hakam I s’institutionnalise— d’une certaine manière— comme limes ou frontières le front pyrénéen permanent qui de l’époque wisigothe se maintenait ouvert. Effectivement, trois fais essentiels se produiraient à ces latitudes de l’émirat de ce premier al-Hakam: la perte de Barcelone— attirée par le pôle d’Aix-la-Chapelle —, le surgissement du royaume de Pampelune— essentiel pour empêcher la fermeture andalusí dont nous avons fait tant de fois allusion—, et la formation conséquente de la Province Supérieure comme limes andalusís véritables. Dans cette zone— pour la même raison, limitrophe—, s’alterne la prépondérance de trois familles hispano-romaines beejujpooft! bv!shjnf: les ef!Bncsptjp!‰!Ivftdb— en arabe, Banu Amrús—, les ef!Dbtjp!‰!UvefmbÒ!Banu ou Ben CasiÒ-!fu!mft!Cbov!Tibcsju! ‰!Cbscbtusp/!Tous constitutifs d’une Province limitrophe, comme 145 Georges Duby-!Hvjmmfsnp!fm!nbsjtdbm. Madrid: Alianza, 1985. Probablement, la situation répond à un machisme invétéré qui a toujours accompagné les mouvements sociaux. L’institution de la dote n’aurait été qu’une façon de dpnqfotfs le futur époux pour son établissement; et l’obliger à une structure familiale. 146 Maribel Fierro, «Familias en el UbÖsz! jgujubi! Bm! èoebmvt de Ibn al-Qutiyya». En: Luis Molina (Ed.), Ftuvejpt Popnˆtujdpt.Cjphsˆßdpt ef!Bm!èoebmvt, IV. Granada: CSIC, 1990, pages 41-70 Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 456 nous le voyions, et en tout cas mésestimant les possibles approches monochromatiques vers la société andalusíe en gestation. 5/6/:/!Mft!swpmuft!dpousf!bm.Iblbn!J! § 1. De cette forge progressive d’une société, tant la Journée du Foso comme la Destruction de l’Arrabal— quartier de Cordoue—, représentent deux liteaux principaux; deux cruelles mesures répressives, en principe, répondant au questionnement d’un pouvoir établit. Postérieurement, indiquant le sens réel vers où va se déplacer l’épicentre péninsulaire, définitivement vers Cordoue. Toutes deux sont élagage d’insurrection, réticence à proclamer la légitimité du pouvoir établi, mais ce ne sont pas les seules. Fondamentalement, l’émirat d’al-Hakam I consiste à suffoquer des révoltes. Si l’on doit instaurer un début critique non légendaire de l’histoire d’al-Andalus, ce serait précisément cela; l’époque de soulèvements populaires et l’établissement progressif d’un certain pouvoir institutionnel arabe. Jdj!tf!sbmjtf!mb!dporv‘uf!eÖbm.Boebmvt-!opo!qbt!qfoebou! mb!hvfssf!djwjmf!ef!mÖbo!822/ Évidemment, le processus continue à ne pas être drastique, vu que, au début, comme nous verrons, l’on conserve certaines prérogatives des Wisigoths. En tout cas, au niveau de l’époque postérieure connue, l’on pourrait dire qu’al-Hakam I se consacre à préparer et aplanir le terrain pour mÖjtmbnjtb. ujpo!eßojujwf!eÖbm.Boebmvt!gbwpsjtbou!tpo!tvddfttfvs-!Bce! bmÒ!SbinŒo!JJ/!Les éléments de pouvoir encore wisigoths sont, essentiellement, trois: le bouchon aux Francs, qui implique un gouvernement délégué d’Bncsptjp!‰!IvftdbÒ l’Bnst!des chroniques arabes-; l’opposition au pouvoir! omeyyade de la part de la famille des Cfoj!DbtjÒ!de Casio arabisé— et!les aventures agitées du Dp. nft!cordouan, Rabi, fils de Teodulfo. § 2. La situation dans al-Andalus est— nous le voyons— une institutionnalisation lente et progressive de ce qu’est omeyyade, qui avec al-Hakam I décide d’intensifier sa présence sociale. Probablement, les révoltes insistantes à l’époque de cet émir devrait nous donner la clé interprétative pour toute l’époque antérieure: si se produit maintenant la discussion hispano-romaine c’est que, jusqu’à ce moment-là, la présence arabe était encore embryonnaire, comme 457! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou nous pouvions déduire de son casernement dans les zvoe!et comme protagoniste exclusivement militaire. En réalité, la terminaison ne s’obtiendra pas avant le califat, mais la crise permanente et mûrie pendant l’émirat devra surpasser des épreuves— décisives— authentiques, pour légitimer son établissement historique. Pour commencer avec les périphéries, jusqu’à l’an 809 se soulèverait un grand uvnvmvt dans la zone actuelle de Lisbonne, et dans la Province Supérieure— Èbre— dès le second émir, Hichãm I, la famille des Cbov!Dbtj ayant donné des signes de leur volonté d’indépendance. Groupe attaché aux Vascons et collaborationnistes précoces, les fils de l’Hispano-romain Casio, adapté comme Cfoj! Dbtj termineraient par se transformer en un enkystement et un obstacle lorsqu’arrive l’époque de la centralisation. Jusqu’à sa mort en 862, Musa Ibn Casi fut, en réalité, roi de la Province Supérieure— Aragon— en arrivant même ‰!wpvmpjs!tÖbqqfmfs!mf!uspjtjnf!spj! eÖbm.Boebmvt. Ses!fils maintinrent l’ordre établi jusqu’à 884,!année où Saragosse passerait à dépendre finalement de Cordoue. Mais ce ne serait pas précisément un transfert pacifique. § 3. Face au pouvoir établi et de continuité des Banu Casi, à l’époque d’al-Hakam I un homme de Cordoue, Ambrosio, se distingua dans la Province Supérieure. Disposé à joindre le lien entre les vallées de l’Èbre et du Guadalquivir, Ambrosio fut le protagoniste principal de la répression institutionnelle qui permit l’absorption andalusí de l’ancienne capitale, Tolède. Dans ce que l’on a appelé la Journée du Foso de 797, les pouvoirs goths tolédans en marge du pouvoir officiel, en claire indépendance à l’égard de Cordoue, furent convoqués à une réception transcendantale invités par l’émir, de laquelle aucun ne sortirait vivant malgré la disposition d’Ambrosio à l’obéissance fidèle afin se s’attirer les bonnes grâces de Cordoue. Il est évident que la répression avait commencé, de même que l’on ne distinguait pas non plus les Uzsjfot! eft! Uspzfot— musulmans des chrétiens—, mais ce qui dominait était bwfd!npj!pv! dpousf! npj/! Un Goth Ambrosio, agissant comme exécuteur d’un émir, al-Hakam I, dont les chroniques mêmes font allusion comme nbknvs— ivrogne. Cet émir réprimait aussi la première grande révolte de Cordoue poussée par les juristes— npopqpmjtbufvst! ef! mb!wsju!sfmjhjfvtf- comme les aurait appelé Max Weber. Des personnages ainsi, disions-nous ne rendent pas évidente la classique Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 458 disposition cartographique de la péninsule Ibérique entre Maures et chrétiens. § 4. Non; l’homme fort de l’Émir dans la région de l’Èbre— Ambrosio— maintiendrait cantonnés les autres natifs— les Banu Casi, dont le pouvoir se déploiera néanmoins plus tard—, et se serait distingué dans la répression des Tolédans. Cela ne paraît pas être l’histoire que l’on nous raconte de cette cavalerie berbère. Et avant nous avions fait allusion à un autre personnage natif: Rabi, fils de Teodulfo. Dans la pratique pan-arabisante, l’on finissait par appeler tous les natifs muladíes, bien qu’ils ne fussent pas strictement néo-convertis. Le Goth Ben Teodulfo— de nom Rabi— avait hérité un poste qu’exerçait dans Cordoue à l’époque d’Abd al-Rahmãn I le partisan Artobás: Comte— comes— des chrétiens, bien qu’il fut difficile, comme nous le disions, de savoir qui nommait à qui; si le Comes à l’émir, ou vice versa. Le Comte Rabi se différencie de son prédécesseur, Artobás, en quelque chose d’essentiel: du couple formé par Artobás et Abd alRahmãn!I, le deuxième chevauche et le premier délègue. La situation exactement inverse à celle qui existe entre Rabi et al-Hakam I. L’on pourrait dire que la délégation progressive du pouvoir coercitif au Comte changeait de signe la propre essence andalusíe: tj!Bce! bm.SbinŒo! J! ubju! mf! csbt! bsn! eÖBsupcˆt-! Sbcj! tfsb! dfmvj! eÖbm.Iblbn! J/! Ainsi, dans une capitale de progressive gestation bourgeoise— les juristes—, le bas peuple assiste à la non moins progressive définition islamique de ce qui avait été simplement compris comme vo!qpvwpjs!‰!mb!sfdifsdif!ef!mhjujnju. Le Comte fils de Teodulfo ne serait pas l’unique à porter le titre; les chroniques nous parlent de personnages comme les Comtes Wilfred et Adolphe, Cordouans de bien chantés dans les vers de l’archiprêtre Cyprien, selon ce que nous rapporte Simonet.147 § 5. Le bas peuple se souleva de la façon suivante. Selon notre opinion, les révoltes cordouanes de 805 et 818 sont en relation avec les prochaines révoltes chrétiennes— mal nommées mozarabes—, car il s’agit de l’bnnb contre la kbttb: le peuple contre la progressive 147 Voir: Francisco Javier Simonet, Ijtupsjb!ef!mpt!np{ˆsbcft!ef!Ftqb—b. (4 vol.). Madrid: Turner, 1983, pages 552-553. 459! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou bourgeoisie. Les gens de la rue face à une institutionnalisation islamique non nécessairement considérée comme propre. La révolte de 805 est, rigoureusement— et quand n’en est-il pas ainsi?— vof!s. wpmuf!ev!qbjo. En relation directe avec les catastrophes naturelles, mauvaises récoltes et la négation de la part du gouvernement de se faire l’écho du désastre. Ainsi, Cordoue ne diminua pas la pression fiscale sur le peuple, qui se souleva contre la Ruzafa. Et ils se soulevèrent tous, des artisans jusqu’aux prédicateurs de quartier— tels étaient les juristes à ce moment-là. Dans le quartier de Secunda, un établissement récent à base d’alluvion migratoire— probablement, plus des campagnes que d’au-delà de la mer—, le peuple se souleva et l’émir réagit en envoyant Rabi Ben Teodulfo pour suffoquer les prétentions prolétaires. La répression du Comte fut suivie par la crucifixion de plus de soixante dix meneurs; ce qui, loin de suffoquer la révolte, simplement l’alimenta. Il faut souligner que la crucifixion— comme l’on sait— était le mode d’exécuter la peine capitale dans le bas peuple selon le Droit Romain, de la même manière que la lapidation serait le mode de l’appliquer selon le Droit Mosaïque— juif— en cas d’adultère et toujours à la femme. Et que ces appréciations nous servent ne serait-ce qu’à titre d’information sur les sources du Droit Islamique.148 En tout cas, les crucifixions du Comte Rabi ne firent autre chose qu’alimenter la clandestinité et préparer mb!hsboef!s. wpmuf!tvjwbouf-!mb!qmvt!jnqpsubouf!dpnnfodf!fo!928; d’où l’on peut déduire que douze ans de désaffection sociale de la part de l’émirat doivent nous préparer à une lecture cohérente d’une histoire d’al-Andalus aux débuts répressifs. Ici— et dans la postérieure swpmuf! np{bsbcfÒ! se trouve la résistance native. Et non pas le mythe constitutif à Guadalete un siècle avant. § 6. Avec à la tête les juristes, qui réclamaient l’exonération fiscale pour les musulmans, se déchaîna une révolte sociale de récurrente mobilisation pendant presqu’un an. Telle mobilisation acquit l’apparence d’une révolution en toute règle, provocant des tueries répressives, l’exécution publique comme exemple de plus de trois 148 Et il en est ainsi: il n’y a pas de lapidation dans le Coran et par contre elle existe— comme l’on sait— dans la Bible. Du Droit Mosaïque il passa à l’Islamique dans son époque de naissance damascène. Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 45: cent meneurs, la dévastation du quartier de Secunda, l’expulsion des survivants, et l’interdiction même de planter dans la zone dévastée et dépeuplée . La répression de Secunda, valut à l’émir le surnom de Rabadi— celui de l’Arrabal—, d’où son souvenir resterait indéfectiblement lié à celle de sa triste exécutoire. La déportation de milliers de survivants. Par ordre suprême, le quartier avait été arasé, sa population survivante expulsée, et sur ordre expresse il était interdit de reconstruire ce quartier. Cette expulsion, dans laquelle les auteurs calculent qu’un quart de la population de Cordoue disparut, avait été sbmjtf!qbs!vof!qf!disujfoof!qbs!psesf!eÖvo!njs/! En marge de la réflexion intrinsèque, tel mouvement de population nous offre une clé interprétative non dédaignable en matière de floraison andalusíe en dehors d’al-Andalus. Nous nous posions la question suivante: les expulsés de Secunda, parlaient-ils arabe? Quoi qu’il en soit, nous devrions souligner qu’il ne s’agissait pas d’une eqpsubujpo!ef!nvtvmnbot!ef!mb!qbsu!eft!spjt!disujfot, comme en certaines occasions l’on peut lire dans les origines de la ville marocaine de Fès, car tel fut en grande partie la destination des déportés. § 7. Dans ce sens, les expulsés du quartier de Secunda partirent forgeant des communautés avec beaucoup de cohésion à Fès, à Alexandrie, et même dans l’île de Crête, à partir de laquelle ils créeront plus d’un problème à Byzance. Comme nous le voyons, toutes les expulsions ne se produisent pas à la même époque, ni tous ceux d’al-Andalus extra-péninsulaires ont une origine mauresque ou une cause d’intégrismes inquisitoriaux, fait qui ne disculpe ni exproprie des raisons en soi, mais qui normalise le rythme d’une histoire. Concrètement— comme nous le voyons—, Fès se doit en grande mesure à cet évènement. Près de vingt mille familles durent abandonner Cordoue, la majeure partie desquelles fut attirée par la fondation relativement récente de la ville de Fès. Leurs coutumes, leur artisanat, et même leur mode de vivre en commun, terminerait par transformer les quartiers où ils vivaient en ce que l’on a appelé la ville andalusíe de Fès. Pendant que se remuait le centre, les paysans d’al-Andalus profitaient de la situation pour organiser des révoltes en trois provinces limitrophes, autour de Mérida, Tolède et Saragosse, comme nous 461! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou l’avons déjà vu. Cbsdfmpof!sftubju!eßojujwfnfou!ev!dšu!gsbod, et certains Vascons commençaient une timide coopération au nord rendant leurs hommages à l’Asturien Alphonse II, réellement effectif dans sa pression vers le sud qui lui permit même de prendre Lisbonne. En réalité, mf!sšmf!eÖBmqipotf!JJ!oÖb!qbt!u!eubdi!bwfd! kvtujdf même pas dans la nzuipmphjf!ef!mb!sfdporv‘uf. C’est lui, et non le symbolique Pelayo, celui qui mérite un poste d’honneur dans l’avance d’al-Andalus. Un arrêt— comme nous le voyons— absolument pas occasionnel, mais fruit d’un même effort stratégique à la hauteur du propre émir ou de Charlemagne dans la Septimanie. Cette manœuvre de fermeture du nord de la part d’Alphonse II fut découverte à temps par Cordoue et attaquée dans ses zones intermédiaires. Mft!Pnfzzbeft!tf!dpnqpsufou!dpnnf!eft!ipnnft!eքubu-!bm. Boebmvt!sqpoebju!‰!mb tfotbujpo!eÖvof!dporv‘uf, et le peuple— les peuples, en réalité— réagissait contre tout cela. § 8. Ce premier al-Hakam, appelé aussi al-Rabadi à cause de l’associa- tion sanguinaire, mourut pendant que naissait un al-Andalus digne d’apparaître dans les livres de science et de littérature. Un al-Andalus consolidé, après l’arrêt d’une longue période de conquête. Mais les circonstances de sa mort renferment aussi certaines clés intéressantes pour le futur de l’époque que nous traitons. L’on souligne toujours que la transmission des pouvoirs d’al-Hakam I à son fils Abd al-Rahmãn se fit de la façon la plus strictement officielle, tout ceci étant l’une des clés pour l’institutionnalisation de ce qui était omeyyade. Mais dans la transition entre deux émirs, al-Hakam I et son fils Abd al-Rahmãn II, il y a un détail historique qui insinue qu’il y eut de possibles retards dans l’islamisation de ce que nous connaissons aujourd’hui comme al-Andalus Les chroniques racontent que le Comte Rabi jouissait d’un tel prestige aux yeux d’al-Hakam I, qu’il dirigea ses armées. Des armées dont le noyau central étaient les kvst— les nvfut, car ils ne savaient pas l’arabe, dont nous ferons référence après—, et le zvoe! bm.Cbtsb nommé par l’historien Ibn al-Azir. En commençant par la fin, ce mythique zvoe!bm.Cbtsb— qui signifie bsnf!ef!Cbttpsb— passe inaperçu dans les chroniques qui acceptent l’usage du repeuplement d’al-Andalus par des Arabes orientaux. Basra serait Bassora, en Irak, et d’ici bsnf!ef Cbttpsb. Mais, il n’était pas si probable qu’une armée complète de cette origine existât et l’on n’accepte pas non plus l’expression d’Ibn al-Azir que comme un erratum: ce ne serait pas Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 462 yund al-Basra, mais plutôt yund al-nasra; armée des chrétiens. Rabi fils de Teodulfo, et donc également l’émir, basaient leur force sur les troupes disujfooft. La cursive répond à ce qu’elle— nous insistons— apparaît ainsi dans les sources tardives, mais dans la pratique et à cette époque, les contingents de population étaient difficilement séparés par leur religion. § 9. Suivant ces pistes, l’étrangeté des troupes ne fait pas allusion à l’erreur de Basra, mais à ceux des kvst — muets. Donc, l’étrangeté ne nous renvoie pas à la religion, mais à la langue. Mais l’on parle des muets comme d’un contingent qui parlait une autre langue parce qu’ils venaient de la Septimanie de Charlemagne et des Francs. Non pas parce qu’ils n’étaient pas arabophones, mais parce qu’ils ne parlaient aucune des deux langues que l’on comprenait à Cordoue: le romance et l’arabe. Et nous enchaînons ici avec le Comte-général Rabi et la transition vers l’émirat d’Abd al-Rahmãn II. Celui-ci comme fils d’al-Hakam I et brillant dans les manœuvres politiques, avait été nommé chef de Tolède après la Journée du Foso; répression de Goths importants par Ambrosio de Huesca. Et à Cordoue, il essaierait de se rapprocher de l’entourage de son père en passant par-dessus de Rabi. Mf!gvuvs!Bce!bm.SbinŒo!JJ!ftu! dpotdjfou!ev!qpvwpjs!fodpsf!qsnjofou!eft!mnfout!qptu. hpuit-!qu’il devra esquiver pour atteindre l’émirat.! § 10. Et ici cadre parfaitement la narration de la transition dont nous avons fait allusion: en mai de l’an 822, al-Hakam I nomme solennellement son fils Abd al-Rahmãn comme successeur et, au cas où, il désignait un successeur au successeur, son autre fils Mugira. Ce sont des manœuvres dans des époques difficiles et de légitimités pas si évidentes. Entre l’histoire et la légende, les chroniques racontent l’entrée du désigné Abd al-Rahmãn dans Cordoue, la conversation avec son père, et la question de son fils: et que faisons-nous avec celui-là? En parlant de l’homme de confiance qu’était le Comte Rabi Ben Teodulfo qu’il avait vu, en entrant, assis au poste de garde de la porte de la Azuda.149 Le père, fit alors cadeau de la tête de Rabi, 149 Basé sur les références de Rachel Arié à propos d’Ibn al-Azir et à propos de lÖIjtupsjb!ef!mpt!hpeptÒ!Ef!sfcvt!Ijtqbojbf — de Jiménez de Rada, connue comme Dspojd˜o!efm!upmfebop!p!Dspojd˜o!ef!mbt!dptbt!tvdfejebt!fo!Ftqb—b. 463! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou le répresseur de l’Arrabal de Secunda. En réalité, il paraîtrait que la mort de Rabi se retarda encore un peu, et eut lieu en plein émirat d’Abd al-Rahmãn II. Mais ce qui est certain c’est que ce terminait l’époque d’une présence militaire hispano-romaine. Si, comme nous le disions, la légende de la chute de Rabi raconte quelque chose, l’histoire doit pouvoir trouver quelque chose de plus: qfoebou! mÖbtdfotjpo! ‰! m֏njsbu! eÖBce! bm.SbinŒo! JJ-! tÖbdiwf! m֏qprvf! ef! mb! qvjttbodf! eft! dpnuft! hpuit/! Si l’on n’avait pas terminé avec le pouvoir du comte fils de Teodulfo, il est possible que sa présence institutionnelle eût allongé encore un peu plus le déclin de l’histoire des Goths narrée par Jiménez Rada sur une commande royale très supérieure— déjà sfhfofsbdjpojtub.150! Df!sftuf ijtupsjrvf!mjnjo!qfoebou!mb!usbotjujpo!eÖBce!bm. SbinŒo!JJ!sfoebju!pgßdjfmmf!mb!dporv‘uf!bsbcf!eÖbm.Boebmvt/! Nous insistons: moins comme une drastique offensive militaire que comme mb!tevdujpo!eÖvo!dibohfnfou!rvbmjubujg. De l’éclipse institutionnelle gothe à l’effervescence des Omeyyades tbot!tvctujuv. ujpo!ef!qfvqmf/ Le testament politique d’al-Hakam I à son fils paraît avoir été la devise: kvtujdf!fu!gfsnfu. C’est un bon résumé de son émirat et de tout ce qui s’était institutionnalisé. 5/7/!Mքnjsbu!dpotpmje – Abd al-Rahmãn II (822-852) – Muhammad I (852-886) – Al-Mundir (886-888) – Abdala (888-912) 5/7/2/!Bce!bm.SbinŒo!JJ!)933.963* § 1. Ainsi, effectivement, nous arrivons de cette manière à al-Andalus. À la dégustation définitive et définitoire. Après les cicatrices de Rodrigo Jiménez de Rada, Ef!sfcvt!Ijtqbojbf, chap. XXII, page 37. Ibn al-Azir, bm.Lbnjm! ß.m.ubsjk, VI. Beyrouth; page 383. Rachel Arié, Ftqb—b! Nvtvmnbob! )tjhmp!WJJJ.YW*. Barcelona: Labor, 1984.Pages 22 et 471. 150 Le sfhfofsbdjpojtnp!est un!mouvement qui commença en Espagne à la fin des années 1800, motivé principalement par un sentiment de décadence et à cause de la perte de ses colonies, il défendait la rénovation de la vie politique et sociale espagnole. (R.A.E). Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 464 l’époque d’al-Hakam I, nous arrivons à percevoir la sensation d’un projet de vie en commun. Même si nous insisterons toujours sur le fait qu’al-Andalus est un concept intrinsèquement territorial, avec l’avènement de l’émirat d’Abd al-Rahmãn II l’on perçoit l’établissement d’un État. Celui d’un monde au moment de la première récolte après une longue préparation. L’émirat est solidement établi; la splendeur culturelle andalusíe va commencer, ce qui justifie probablement, en soi, la perception des potins sur une version libre de la théorie de Karl Vossler: la première Renaissance européenne commence.151 Lente, bâtarde, engendrée sans en connaître le vrai père, comme dirait de lui-même Lázaro de Tormes; descendante directe éloignée de ces premières fièvres de la renaissance, clairement et seulement de la naissance, il faut commencer à barrer drastiquement le chemin à quelque début sfhfofsbdjpojtub. Il s’agit d’un al-Andalus génial dans sa définition. Tout au plus pertinemment médiéval, réalisant les gestions qui ont besoin d’incertitudes, d’indéfini et limitrophe. Pour cette raison, et de la même manière appropriée comme pré-renaissance européenne, vu qu’jm! oÖftu! qbt! qstfoubcmf! ef! dpoujovfs! ‰! qfsdfwpjs! mb! Sfobjt. tbodf!dpnnf!nbof!ef!mb!mfduvsf!ufmmvsjrvf!ef!mÖboujrvju! dmbttjrvf-!nbjt!qmvušu!dpnnf!gsvju!dpisfou!ef!mÖfggpsu!n. ejwbm/!Jm!tf!qspevju!m֏ubcmjttfnfou!eÖvo!qbsujdvmjfs!Xfmubo. tdibvvoh!boebmvt“!ebot!mft!shmft, pour utiliser la terminologie de la Sociologie historique allemande; un mode concret de percevoir le monde, radicalement bvusf face à son immédiat antérieur. Nous l’annoncions avec diverses références, plus ou moins révérencieuses et poétisées: un changement dans l’état d’opinion, une révolution dans la sqvcmjrvf!e֊nft; un changement qualitatif grâce à l’effet de la somme des changements quantitatifs. Un certain troubadour du Caribe participerait à cette euphorie dans la définition 151 C’est la partie centrale de la thèse d’Olagüe et d’autres que nous comparons. Voir: Juan J. Fernández Trevijano, «La doble mirada sobre Andalucía». Comunicar 12 (1999), pages 107-110. Il s’agirait d’éclaircir le concept de qsfnjsf! Sfobjttbodf de Karl Vossler, ébauché dans Bmhvopt!dbsbdufsft!ef!mb!dvmuvsb! ftqb—pmb. Madrid: Espasa Calpe (Col. Austral), 1962. Nous reviendrons là-dessus, vu que notre Épilogue est basé sur cette idée. Pour l’instant, il est suffisant que Vossler propose l’effervescence andalusí comme un vrai Bvglm‹svoh — Tj. dmf!eft!mvnjsft— européen similaire à ses équivalents florentin, allemand ou britannique. 465! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou proposant que: m֐sf!ftu!fo!usbjo!eÖbddpvdifs!vo!dÐvs<!surgi d’vo! efmub! tdvmbjsf: mÖbddvnvmbujpo! ef! tbcmf! ebot! mÖfncpvdivsf! pddjefoubmf!ef!m֏qprvf!nejwbmf!nejufssbofoof/! § 2. Cet al-Andalus naît, ainsi, du limon de tant d’apports différents, opposé, assimilé et dissout à force de remuer cette petite cuillère qui serait la ville de Cordoue dont nous nous occupons. La force centrifuge d’une capitale en établissement progressif comme épicentre, après tant de compartiments étanches décentralisés. Cordoue était appelée à se convertir en pogbmpt— nombril — particulier d’un monde juxtaposé, en tension à cause de l’ambition des émirs commandants, percepteurs d’impôts, redressés parfois-quelques fois craints— par la caste nouvelle des ulémas et des juristes. Une classe établie dans les villes; une bourgeoisie en discorde avec le bas peuple, tournant le dos à la Montagne, qui terminera toujours par se soulever. C’est un al-Andalus urbain, disposé à se déployer comme l’épitomé d’un Occident avec un Orient greffé qui a déjà la fièvre de croissance. Ainsi, à partir de l’an 822, l’on arrive à l’apogée de l’émirat avec l’intronisation d’Abd al-Rahmãn II. La cour omeyyade acquiert des apparences d’intéressante prospérité atemporelle après qu’eût été crucifié df!Dpnuf!Sbcj!sqsfttfvs-!dfuuf! nfobdf!hpuif!‰! m֏qprvf!boebmvt“f/!De cette cour cordouane moderne il y aura des échanges d’ambassades avec Byzance, dont l’empereur Théophile partage avec les Omeyyades le même ennemi: les Abbãssides. De cette cour se décanterait un état structuré par une caste stable de fonctionnaires, mft!lvuubc!pv!tfdsubjsft, probablement la dérivation d’une progressive arabisation, et que cet al-Andalus soit une dénomination territoriale basée sur le fait idiomatique. Les fonctionnaires cordouans constituent une réponse aux changements de certaines apparences d’organisation sociale et politique qui arrivaient poussées par les ulémas, compromis au plus haut grade avec la croissante révolution islamique. Secrétaires et juristesÒ fonctionnaires face aux politiques jousjnbjsft— la structuration consolidée avance également dans le sens de la continuité, distribué dans les dpsbt— régions—, dirigées par une personne qui survivra aux changements de langue ou religion: fm!bmdbjef.152 152 Alcaide: Selon la R.A.E. 2001. Au Moyen âge: gouverneur d’une forteresse. Directeur d’une prison (actuellement). (N. T.) Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 466 § 3. Comme réussite explicite de ces juristes, et comme marque évidente d’islamité, en cette période l’on met le veto— dans la pratique l’on impose indirectement— le commerce du vin, bien que l’on ne réussit jamais à arracher les vignobles d’al-Andalus. Il s’agit d’une mesure d’application future pas très rigoureuse, vue la maîtrise andalusíe dans l’art de la pâtisserie avec les jaunes d’œufs, utilisant le blanc— comme l’on sait— pour, précisément éclaircir un vin qui pour n’être pas rouge n’en paraît pas moins du vin. Cette mpj! t. dif! qsdpdf serait, sans doute contrevenue à la cour; une cour moderne dans laquelle l’on recevra des missions diplomatiques en provenance des chancelleries les plus puissantes de l’époque. Ces années 800, nous le disions, patentent dans al-Andalus le sens véritable de la gspoujsf, le mjnft, la qspwjodf. Malgré les tensions internes logiques d’un état centralisé, al-Andalus prend conscience de la poussée permanente du christianisme hispano depuis le nord, générant efvy!npemft!pqqptt!ef!Npzfo!æhf. Ou peut-être pas si opposés que cela, si nous maintenons la façon de revisiter le propre concept de Moyen Âge; celui qui n’est pas obscur, mais plutôt symbolique. Celui qui n’est pas logique, mais analogique, celui qui porte en lui la semence de la raison, le dépassement de modes culturels obsolètes. En tout cas ce qui est intéressant et évident c’est l’existence de qmvtjfvst!gspout péninsulaires qui atteindrait l’image célèbre de l’ennemi dans le miroir— c’est-à-dire avoir été dans le passé ce que l’on hait—, dans une compétence fructueuse qui convertit le Moyen Âge espagnol en une lice de dialectiques telluriques amplifiable à la longue à tout l’ensemble méditerranéen— et il va sans dire tout ce qu’il pourra, le temps passant, s’amplifier. § 4. En l’an 844, l’on ordonne la construction d’un réseau néces- saire de beffrois installé pour prévenir les incursions normandes supportées pendant longtemps. Il est évident que les invasions normandes ne répondent ni à des Croisades précoces ni à des annonces subreptices de choc de civilisations, concept déjà rance et grossier de nécessaire trépanation. Parce que les deux modèles de Moyen Âge— nord et sud péninsulaire; d’autre part symétriques souffrirent de la même manière une douleur intempestive atlantique, surprenante dans la mesure que la péninsule Ibérique n’attendit jamais les invasions à partir du nord-ouest: les Normands, 467! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou partant de leur base de Noirmoutier émoussèrent les villes côtières dans cette année 844. Après être entrés à Gijón et continuer par la côte de Galice, ils incendièrent Lisbonne et, arrivés à al-Andalus, ils remontèrent par le Guadalquivir pour incendier également Séville. Abd al-Rahmãn II devra envoyer deux de ses meilleurs généraux pour freiner l’incursion des Vikings dans la bataille de Tablada. L’arrivée des Vikings à al-Andalus fait partie de l’expansion scandinave qui affecta toute l’Europe occidentale, provoquant même une crise grave dans le règne carolingien. Il y a des auteurs qui signalent même le renforcement de l’organisation féodale défensive comme réaction à cette menace inespérée.153 Ces Vikings apparaîtront dans les chroniques comme mayús— magiciens—, pour la relation qu’avaient, dans l’imaginaire collectif, ces incendiaires avec les bepsbufvst!ev!gfv zoroastriens. L’importance collatérale de l’invasion repoussée fut qu’Abd al-Rahmãn II— nous l’avons dit— considéra la surveillance côtière nécessaire, fermant ainsi al-Andalus au sud-est. Avec le renforcement de l’État face aux menaces extérieures; bwfd!mÖjtmbnjtbujpo!dpnnf!jepmphjf!ef!mքubu!cbtf! tvs!m֏wjefouf!dpitjpo!mjohvjtujrvf qsphsfttjwfÒ!mÖbsbcf—, cette conception invétérée péninsulaire de l’foofnj!ebot!mf!nj. spjs— comme expression bien fondée de Ron Barkai154 terminerait par asphyxier les réduits chrétiens andalusís. Nous en parlions déjà: cette coexistence se convertit en prééminente, et de là à exclusive dans une certaine mesure. Les chrétiens cordouans, dans ce qu’ils appelaient le opzbv!np{bsbcf!jtpm, assistaient à l’bddmjnbubujpo! isujrvf qsphsfttjwf eÖvo!npopuijtnf!rvj!bvsb!ufoebodf!‰! tÖbqqfmfs!tjnqmfnfou!jtmŒn/ 5/7/3/!Mf!wpzbhf!eÖFvmphf;!mft!np{bsbcft § 1. Sans entrer dans une pondération exhaustive de ce que l’on a appelé le mozarabisme, si chéri par Simonet,155 l’étude du chris153 Lucien Musset, Mbt!jowbtjpoft/!Mbt!pmfbebt!hfsnˆojdbt. Barcelona: Labor, 1982. 154 Ron Barkai, Fm!fofnjhp!fo!fm!ftqfkp/!Dsjtujbopt!z!nvtvmnboft!fo!mb! Ftqb—b!Nfejfwbm. Madrid: Rialp, 1984. 155 Francisco Javier Simonet, Ijtupsjb!ef!mpt!np{ˆsbcft!ef!Ftqb—b (4 vols.). Madrid: Turner, 1983 (1867 1). Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 468 tianisme résiduel dans al-Andalus peut nous amener à la claire perception qu’il y avait déjà quelque chose de neuf, quand quelque chose de vieux ne voulait pas arrêter d’être. En effet, comme dans tous les radicalismes, le problème n’est pas l’étroitesse d’esprit à ce qui est neuf, mais plutôt la peur de perdre les limites du vieux. C’est une question difficile à traiter en peu de lignes, mais nous pouvons avancer des conclusions en affirmant ce qui suit: normalement, la radicalisation des croyances marquent seulement la fin d’une époque. Dans la pratique, cela peut nous aider beaucoup— une perception similaire— à l’heure de comprendre des exaltations déterminées du vieux et les classifier comme actes de décès. Dans la théorie, et appliquée au christianisme andalusí, cela explique assez bien la confusion qui règne. Ebot!mft!spzbvnft!ev!opse!qojotvmbjsf!mÖpo!bqqfmb!np. {bsbcf!mft!disujfot!rvj!bssjwbjfou!ev!tve!bwfd!eft!npeft! fu!nbojsft!bsbcft/!La dénomination, dans tel cas, est parfaite, et non pas celle que l’on applique aux chrétiens trinitaires résiduels qui s’enkystèrent dans la Cordoue et Tolède andalusíes. Très spécialement dans la période de classification de ce qui est islamique: effectivement, avec le changement de siècle de 700 à 800. L’on pouvait déjà percevoir dans al-Andalus que l’on appelait islãm à n’importe quel amalgame antitrinitaire, anti-byzantin, anti-goth; à toute la panoplie de ceux qui avaient subi l’influence orientalisante, aux déshérités et derniers pêcheurs goths en périodes de fleuves démontés. Face à l’islamisation et arabisation claires d’al-Andalus, dans Cordoue se déchaînèrent des révoltes d’évidente fnqsfjouf! sfmjhjfvtf<!rvj!fo!ftu!upvkpvst!mÖfydvtf!fu!opo!qbt!mb!dbvtf/! Ceux qui les déchaînèrent étaient de wjfvy!disujfot qui perçurent comment la langue arabe se rendait maîtresse de la rue et du temple. Et comment le temple commençait à s’appeler mosquée. § 2. Nous en étions là lorsque se produisit un évènement curieux: le voyage d’un chrétien cordouan, Euloge, à la ville de Pampelune dans les premières années 800. De Menéndez Pidal et Dozy jusqu’à Olagüe, en passant par un optimiste Simonet réinterprété par Sánchez-Albornoz, tous les studieux des mozarabes attribuent une importance cruciale aux aventures du proto-martyr Euloge de Cordoue. La question n’est pas futile: Euloge appartient à un groupe— avec Álvaro et Esperaindeo— de chrétiens cordouans engagés 469! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou dans deux causes de déclin: l’orthodoxie chrétienne, et la prééminence de la langue hispano-romaine, quelque soit ce que cela pût signifier pour eux, probablement un latin révérenciel et expliqué comme romance limitrophe. Ces Cordouans studieux se dédiaient dans leurs harangues et écrits à ce que le précoce Jean Damascène avait commencé dans la capitale proto-omeyyade: à redresser les hérésies. Et la chose a une arrière-pensée, et génère une curiosité effervescente, vu qu’au niveau de l’époque qui nous concerne il est étrange que l’on se posât encore la question de l’islãm cordouan comme hérésie chrétienne. En cela réside la transcendance du voyage et la tâche postérieure d’Euloge de Cordoue: à côté de Pampelune, concrètement dans le monastère de Leyre, Euloge lut en latin une biographie insultante de Mahomet. Les lettres d’Euloge à des sympathisants cordouans et sévillans— opvt!jotjtupot!bv!njmjfv!eft!booft!911— nous montrent avec surprise que le voyageur se demande qui est Mahomet, et quel vice antichrétien pouvait exister derrière l’arabisation patente de Cordoue. Il résulte évident et impactant que ni Euloge ni Álvaro de Cordoue, ni l’abbé Esperaindeo, ni Jean de Séville entendirent parler de Mahomet. Tous ces chrétiens militants croyaient combattre une hérésie antitrinitaire de plus, la manie iconoclaste qu’était entrée dans Cordoue et qui— comme influence oriental surprenante— venait s’adjoindre à une langue étrangère: l’arabe. § 3. Évidemment, tel que nous l’annoncions au début, l’histoire est beaucoup plus substantielle dans sa riche complexité que dans la passion miraculeuse des chroniques de la cour. L’ignorance— à l’époque qui nous concerne— de ce qu’était exactement l’islãm et qui était Mahomet— d’entre tant de courants hétérodoxes chrétiens orientaux, devait penser Euloge— convertit en explicable l’histoire d’al-Andalus. Menéndez y Pelayo nous décrit Euloge qui revient à Cordoue avec un exemplaire de l’„ojef de Virgile, avec les Tbuj. sft d’Horace et Juvénal— entre autres œuvres classiques—, et avec la significative Dju! ef! Ejfv de Saint Augustin. Le monument à la militance chrétienne. Peu d’années après le voyage initiatique d’Euloge à Pampelune, ce que l’on a appelé les martyres volontaires cordouans étaient déjà obsédés par de tels hérétiques— ceux qu’aujourd’hui nous connaissons comme musulmans— rvj qs‘. difou!eft!ephnft!ef!mfvs!Qspqiuf!bwfd!ef!hsboet!dsjt— selon Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 46: écrit Euloge dans son Bqpmphjf!ev!nbsuzs.156 Pour les chrétiens cordouans, la façon avec laquelle l’arabe substituait le latin, leur était spécialement douloureuse. Ni Euloge-sanctifié par l’Église— ni aucun des militants chrétiens— appelés mozarabes— ne parlaient encore de nvtvmnbot en face, mais d’isujrvft. Peu à peu, les dénominations changeront dans cet al-Andalus qui commençait à être— maintenant oui— tel qu’on nous le raconte. Ces mozarabes cordouans157 assistaient aux nombreuses conversions à l’islãm de leur acolytes comme s’il s’agissait de la fin du monde. Ils furent également témoins de la clé de l’essentialisme andalusí: l’usage habituel de l’arabe comme la langue de tous, les chrétiens psuipepyft inclus, dont le signe d’identité linguistique latine romancée irait en reculant jusqu’à la liturgie. Les Cordouans Euloge et Álvaro seraient les précurseurs chrétiens du martyrologe suicide, car ils animaient et endoctrinaient par l’insulte publique à un nombre croissant de dogmes islamiques pour ainsi, déchaîner l’intervention de la justice et médiatiser ce que l’on n’appelle pas encore l’opinion publique, mais qui en est l’équivalant. § 4. A ce moment là, un certain Perfecto, prêtre cordouan, fut condamné à une exécution publique pour avoir insulté l’islãm. Il est probable qu’il s’agissait plutôt d’une insurrection que de purisme théologique, mais en tout cas cet osé et pieux Perfecto fut condamné. Et cet outrage public dans le châtiment déchaîna des inquiétudes chez les mozarabes, fouettés en plus par le discours apocalyptique de l’abbé Esperaindeo— de tqfsb.jo.efp, confie en Dieu. En fait, le discours d’Esperaindeo et des autres irrédentistes chrétiens serait apocalyptique dans un sens strict: ceux de Cordoue connaissaient les livres érudits de Beato de Liébana— mort en 798— et croyaient vivre l’Apocalypse chromatique millénariste, splendidement narrée dans les pages du livre de Liébana. Les cordouans avaient également une obsession causée par les prophéties 156 Bqpmphfujdvn!nbsuzsjvn. Voir: Menéndez y Pelayo, Ijtupsjb!ef!mpt!if. ufspepypt… I, page 347 et ss. 157 Sans renoncer à critiquer à nouveau telle dénomination, nous maintiendrons le nom de np{bsbcft pour ces pauvres déplacés qui furent tout moins bsbcjtt. Ce que signifie mozarabe. Et nous le maintenons pour respecter ce qui est déjà communément assumé ou admis. 471! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou de Daniel dans l’Ancien Testament et comme celui-ci, ils allèrent tous en prison, mais ici de l’émirat. Beato de Liébana fut un moine prolixe du monastère de San Martín de Turieno— aujourd’hui San Toribio—, dans la vallée de Liébana en Cantabrie. Avec ses lettres et son livre Bqpmphfujdvt, il combattit ceux que l’on appelait mft!bepqujbojtuft!ef!mÖisujrvf! Fmjqboe!ef!Upmef!et de Félix d’Urgel. Cet bepqujbojtnf soutenait que Christ avait été adopté, et donc cela rabaissait son grade de divinité, brisant le lien père-fils de la Trinité chrétienne. Telle dispute se présentait avec un arrière-fond politique: Elipand était l’évêque chrétien de la ville de Tolède, sous le pouvoir musulman. Avec telle théorie de l’adoptianisme, Elipand conciliait ses positions avec ses croyances islamiques qui considéraient Jésus de Nazareth comme prophète et seulement prophète. Cela cadrait avec toute la trame antitrinitaire préislamique dans l’Hispanie, d’où l’adoptianisme ne paraît pas constituer un modèle de tolérance de reconstruction logique, mais plutôt de pure conviction théologique. § 5. Par contre, Beato défendait la pureté catholique des dogmes chrétiens— romains. Il pouvait le faire, à partir de son coin de Cantabrie libre des allées et venues d’idées hétérodoxes, hérétiques ou simplement islamiques. Beato s’appuyait sur le Pape et le prestige croissant de Charlemagne comme prince de la chrétienté prétendument rénovée. En réalité, l’implication historique de Beato de Liébana est celle de Rome contre Tolède et contre Elipand, évêque à qui Liébana appela isujrvf-!uftujdvmf!ef!mÖBoudisjtu/! Les commentaires de l’Apocalypse de Saint Jean que réalisa Beato— terminés vers 786— se basèrent sur des textes de deux pères africains, Primario et Ticonio, de même que sur ceux d’Apringio de Beja— année 400 et 500— son millénarisme— la proximité de la fin du monde— coïncide avec la première fois que l’on cite à Jacques comme patron de l’Hispanie. En fait, Beato de Liébana, inspirateur des martyres mozarabes, rédigea l’hymne P!efj!wfscvn— Oh parole de Dieu— en honneur à l’apôtre découvert, Jacques de Compostelle, à qui il fait des éloges Dbqvu!sfgvmhfot!bvsfvn!Ijtqbojbf — tête dorée resplendissante d’Espagne. Comme conséquence divine en 814 l’on découvrait la miraculeuse et surprenante tombe de l’apôtre Jacques, dont la légende— nous le voyions— serait apparentée au souvenir perdu du Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 472 voyage post-mortem, plusieurs siècles avant, du pauvre Priscillien. C’est-à-dire: lorsque Euloge découvre Mahomet parmi les étagères du monastère de Leyre, à Pampelune, cela coïncide avec la découverte de Jacques. Qmfsjobhf!‰!Mb!Nfdrvf!gbdf!bv!qmfsjobhf!‰! mb! ßojt!ufssbf;!Psjfou!gbdf!‰!Pddjefou-!disjtujbojtnf!gbdf!‰! mÖjtmŒn; Mahomet face à Jacques. § 6. Nous pouvons comprendre difficilement ce temps fertile sans partir de cette confusion qui nous éclaire: personne ne savait avec exactitude par où passait la ligne entre le christianisme et l’islãm, vu que l’on percevait seulement le mur qui séparait l’orthodoxie de l’hérésie. Et ceci à partir des deux camps, nous pouvons donc affirmer que le début des années 800 abrite dans al-Andalus la décantation du catholicisme face à l’islãm. Le reste, en s’approchant de l’an mille et des luttes pour le pouvoir, convertiront le jour à jour péninsulaire en une soustraction: de la vie andalusíe à la perception d’un temps retranché à notre histoire, prétendument aliénée avec une Espagne qui avait été enlevée et qui devait se reconstruire. À nouveau, la manie hispane du ré-; de la reconquête à la régénération. La diatribe étant lancée, la répression inévitable des révoltes chrétiennes et l’emprisonnement de ses incitateurs— spécialement Euloge— nous fait penser que l’islãm était déjà fermement codifié à l’époque d’Abd al-Rahmãn II, même si l’on peut encore percevoir des restes de christianisme péninsulaire susceptibles de se convertir en islamiques. Cette ejbusjcf!qpmjujrvf!fousf!disujfot!bo. ebmvt“t ne consistait pas en une opposition entre le christianisme face à l’islãm, mais— nous insistons— l’pqqptjujpo! fousf! Spnf! fu!Upmef/!L’orthodoxie d’un christianisme qui avait évolué au long de ses conciles face à l’hétérodoxie de chrétiens peu à peu étreints par l’islãm et l’arabe ambiant. En tout cas, le Nfnpsjbmf!tbodupsvn! qu’Euloge écrivit en prison est une apologie du ekjiŒe!disujfo en toute règle. Et la façon avec laquelle Menéndez y Pelayo décrit le croissant martyrologe des Cordouans mozarabes fait que tout est valable: fncsbttt!qbs!vo!tbjou!{mf-!rvf!eft!dsjwbjot!opnnfou! gbobujtnfÒ! commence le célèbre auteur— jmt!pcufobjfou!mf!mbv. sjfs!ef!mb!nbkfvsf!wjdupjsf.158 Quelle source intarissable trouverait 158 Ijtupsjb!ef!mpt!ifufspepypt…I, pages 349-350. 473! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou dans cet auteur celle que l’on a appelé littérature djihãdiste, qbspmf! hspttjsf qui enchante notre espjuf!ejwjof!159 § 7. En tout cas, après le lien perdu avec le pouvoir que constituait le poste de dpnft Rabi, fils de Teodulfo, les chrétiens irrédents préféraient la mort plutôt que de se convertir en muladíes— convertis à l’islãm. Le successeur de Rabi, le comte Gómez Ben Antoniano, n’était déjà plus à la tête des troupes, mais était devenu précepteur d’impôts. Pour tout ce qui précède, il faut faire déjà une lecture dans son ensemble: si c’est à ce moment que se manifeste une opposition directe, ne serait-ce que jusqu’alors il n’y avait eu aucune raison pour telle réaction? Ne pourrait-on voir après cette révolte un prolongement de celle de l’Arrabal de Cordoue en l’an 805 et percevoir que c’est maintenant, et seulement maintenant, que l’islãm est en train d’envahir al-Andalus grâce au bras long d’une aristocratie arabisée? Après l’outrage public dans le procès contre le martyr Perfecto, se déchaîna une vague d’offenses contre l’islãm au nom de la recherche de la condamnation et du martyr. La plupart des chrétiens intégristes recevaient des châtiments mineurs— par exemple des coups de fouet—, mais dans l’entourage des acolytes qui allaient au monastère cordouan de Tábanos, se produisit l’exécution de plus d’une douzaine de chrétiens. Les vierges Flora et María, Paulo, Sisnando, Teodomiro…La situation avait besoin d’une réponse: ou châtiment généralisé— comme dans le précédent de l’Arrabal—, ou temporisation. § 8. La lecture en profondeur de ces faits nous amène à penser que le peuple de Cordoue et de Tolède se trouvaient en pleine et véhémente transformation, et que telle situation poussa à un émir stupéfait Abd al-Rahmãn II à prendre une décision assez surprenante, à cause du stéréotype pétrifié que nous avons sur al-Andalus: la décision fut de promouvoir des Conciles chrétiens en 839 et 851. Nous ne devons pas penser qu’il s’agissait d’apaiser les troubles n’importe comment; dans les conciles l’on descendit dans des profondeurs théologiques qui nous montrent par son processus que dans al-Andalus l’on ne savait pas de quoi l’on était en train de parler: islãm, christianisme 159 En français dans le texte. Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 474 catholique ou romain, ou différents types alternatifs de foi qualifiés d’hérésie. Ce qu’il y a de trouble dans ce processus est dû— d’après Menéndez y Pelayo— au père Flórez dans sa Dmbwf!Ijtupsjbm de 1743, celui-ci est le seul qui inclut le Concile de 839 dans la relation des conciles cordouans. La raison de l’exclusion des actes de tel Concile de la part de l’Église officielle— romaine— n’était autre que de cacher l’hétérodoxie difficile dans laquelle était tombée l’ancienne Hispanie catholique à l’époque de conciliabules hérétiques jusqu’à sa pleine conversion en un al-Andalus islamique. Le premier de ces conciles— celui de 839— présidé par l’évêque Vistremiro, traita de l’hérésie de ceux que l’on appelait les bdqib. mft, qui étaient condamné par l’orthodoxie mais étaient admis par les courants confus hétérodoxes. Les acéphales, rejetaient l’adoration des reliques, ils jeûnaient le vendredi, ils se mariaient avec plusieurs femmes, et rejetaient toute allusion à la Trinité chrétienne. Entre ceux-ci et les adoptianistes, nous pouvons déduire que l’arianisme se trouvait fortement diversifié dans le christianisme, ainsi que certaines coutumes taxées d’exclusivement islamiques— polygamie, festivité le vendredi— qui s’annonceront dans al-Andalus avec un bouillon de culture confus et préalable. D’après ce qui est traité dans ce Concile, nous pouvons déduire un fait beaucoup plus important: que faisait le christianisme hispano se préoccupant de telles rvftujpot!cz{boujoft si— selon ce que l’on nous raconte— tout était déjà recouvert par une inamovible— géographiquement et chronologiquement— cape islamique? § 9. Le byzantinisme théologique cité n’est autre que le reflet d’une époque diffuse illustrée jusqu’à la saturation chromatique: à l’époque de ce Concile cordouan— 839— un diacre allemand cultivé, appelé Bodo, faisait un pèlerinage à Rome. Mécontent de tout ce qu’il vit là-bas, il décida de se dpowfsujs!160 au judaïsme, il se maria avec 160 Les lettres cursives correspondent à ce que, en réalité, il n’existe pas de conversion possible dans le judaïsme orthodoxe. L’unique possibilité d’être juif serait, ainsi par cognation— parenté par la mère. Le vaste mjnft! existant en ce temps-là entre judaïsme, christianisme et islãm, avec toutes les hérésies et sectes intermédiaires, décorées avec un post-paganisme patent à l’époque, permettait des proclamations plus ou moins extravagantes. Donnée qui devrait servir à la juste compréhension d’une époque, vue de loin avec trop de rigueur partisane; pensant que ou l’on était ceci, ou son contraire. 475! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou une juive, et tous deux s’installèrent dans la ville musulmane de Saragosse, cherchant— probablement— des zones limitrophes pour déployer leur vie faite de morceaux. Ce Bodo— qui plus tard s’appela Éléazar— se déplaça l’année suivante à Cordoue, se convertissant en la bête noire des intégristes mozarabes qui justifiaient leur penchant au martyr, insultant tout ce qui pouvait soutenir la foi orthodoxe. Ce Bodo-Éléazar, à part d’être un fléau pour les mozarabes, fut un défenseur ardent du monothéisme antitrinitaire, fait démontré dans les archives par des lettres échangées entre lui et Álvaro de Cordoue. La lutte épiscopale entre les deux explique à la perfection la rupture de la période qui s’approchait. Ainsi— aussi— le propre fait en soi du sfgvhf de ce gvhjujg allemand dans al-Andalus, le mécontentement populaire environnant le Concile, et les voies orageuses de simplification islamiques, annonçaient que tout se fixerait dans des époques religieuses de si difficile clarification.161 Évidemment, pour celui qui se posait la question, au milieu de ce byzantinisme— nbjt-! upvu!o֏ubju!qbt!ek‰!dmbjsfnfou!jtmbnjrvf?— l’unique réponse est que cela ne paraît pas être le cas. Il n’y avait pas encore un islam codifié, mais justement nous assistions au dibohfnfou!rvbmjubujg par effet de la somme de tant de changements quantitatifs, comme nous le voyions à travers du prisme hégélien. Au moment crucial de cette diatribe finale chrétienne, ce même èmwbsp!ef!Dpsepvf rédigea son Bqpmphujdb! contre Mahomet. Álvaro inclut l’islãm dans les courants à combattre à partir de l’orthodoxie chrétienne qu’il comprenait, lui, à travers du martyre. Le foyer principal du changement religieux et des coutumes s’était déjà situé dans al-Andalus. Nbjoufobou!mft!nvtvmnbot!ubjfou!nbipnubot. § 10. Effectivement, l’islãm n’était plus l’hérésie du christianisme dont Jean Damascène fit la typification. Le temps des martyrs mozarabes était arrivé, parce qu’il est possible que personne ne sût alors réellement ce qui était ou non chrétien en connaissance de cause: mais la majeure partie savait déjà ce qui était islamique. L’on 161 Juan Gil réalisa l’édition du texte latin d’une œuvre essentielle d’Álvaro de Cordoue, qui servit de base à l’étude rigoureuse de Delgado Léon. Voir: Feliciano Delgado León, èmwbsp! ef! D˜sepcb! z! mb! qpmnjdb! dpousb! fm JtmŒn. Fm! indiculus luminosus. Córdoba: Cajasur, 1996. Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 476 ne fermerait pas encore une question si ramifiée; entrant dans les années 900, l’on ajouterait plus de bois dans le feu antitrinitaire avec l’anthropomorphisme de l’évêque voluptueux Hostegensis de Malaga. Mais ce n’était déjà que des braises. Pour ce qui en est de l’autre Concile cordouan annoncé— en 852, Abd al-Rahmãn II devait obtenir que les chrétiens cessassent leur enkystement de demande comme martyrs. À cet effet le comte Gómez Ben Antoniano représentait le pouvoir cordouan au Concile. L’intelligent émir Abd al-Rahmãn II était en train de déplacer à l’intérieur même du christianisme la lutte contre le martyrologe. Ce serait un habitant de Séville— Recafredo— qui présiderait des séances qui devaient conclure avec la déclaration solennelle de que le martyr était contraire à la doctrine chrétienne. Et tout cela, malgré la pression contraire de Saül, évêque de Cordoue, sollicitant que l’on proclamât les louanges de sainteté pour les martyrs. Il faut remarquer que le propre Gómez, au cours des séances, traita les martyrs comme plus ou moins des malfaiteurs. À la fin, la réunion de 852 permit de concilier les positions— raison étymologique— et l’on obtint la reconnaissance des martyrs pour ceux qui étaient déjà tombés, et la menace de considérer cela comme un suicide si elle se convertissait en coutume. Après le Concile, Saül, et Euloge de Cordoue seraient emprisonnés. Certaines sources situent, précisément, ‰! df! npnfou.m‰! mb usbot. dfoebodf!ev!wpzbhf!‰!Qbnqfmvof du Cordouan: ce serait sous l’émirat suivant— Muhammad I—, et Euloge réussirait à obtenir sa grâce et commencerait sa charge épistolaire contre l’islãm et le prophète découvert. § 11. Postérieurement, Euloge serait nommé métropolitain de Tolède— sans l’approbation de l’émir—, il rendrait public son célèbre Nfnpsjbmf!Tbodupsvn, et son attachement au martyr obtiendrait ses fruits terminant ses jours décapité dans la capitale d’al-Andalus. Dans son Ijtupjsf!eft!kvhft!ef!Dpsepvf, al-Jushani recueille que— paraît-il — tel aurait été le commentaire du juge qui le condamna: nbmifvsfvy-!rvj!uf!dpnnboef!ef!sdmbnfs!‰!dps!fu!‰!dsj!ub!qsp. qsf!npsu!tbot!bwpjs!dpnnjt!bvdvo!emju@!162! Après la condamna162 Al-Jushani, Ijtupsjb! ef! mpt! kvfdft! ef! D˜sepcb. Granada: Editoriales Andaluzas Reunidas, 1985. 477! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou tion du Concile cordouan, l’ultime atout du christianisme enkysté, ce que Menéndez y Pelayo appelait le laurier de la majeure victoire, n’était plus une arme sociale et se convertissait en péché. Il est intéressant de contempler— de nos jours— ce qu’un auteur postérieur commentera sur les chrétiens bizarres et leur penchant à la véhémence. Al-Bakri (1040-1094), parlant des Galiciens— en réalité, le nord chrétien— terminerait sa critique sur l’hygiène et la barbarie de ces gens affirmant qu’ils étaient suffisamment étranges pour dpotjesfs!mb!npsu!dpnnf bqqspqsjf!‰!mfvs!dbvtf.163 Des gens barbares, les martyrs; face à un particulier Tjdmf!eft mvnj. sft andalusí qui s’approchait. Vers où dirigerait aujourd’hui al-Bakri son incompréhension critique en matière d’extrémisme religieux? 5/7/4!Qsptqsju!eÖBce!bm.SbinŒo!JJ § 1. La mythologie ancrée sur al-Andalus — celle qui porte sur les rivalités des clans de tribus arabes qui aurait supposément repeuplé une Hispanie vidée—, l’on admet que le changement de siècle qui approche des années 700 aux années 800— apaisa les différences interarabes. Probablement, doit-on l’interpréter comme un apaisement de différences inter-andalusíes — alternant force et inertie— pour déboucher dans une normalisation d’un modèle d’État. En marge de terminologie induite par des désirs d’identité retroalimentée, et par-dessus tout, rien ne dut donner plus de sensation de stabilité que la pleine arabisation; la décantation linguistique d’al-Andalus. Dans une société qui changeait ses structures oligarchiques— d’une noblesse de sang jusqu’à une faite d’administration et services— le rôle des kuttab déjà cité, les fonctionnaires versés dans la nouvelle langue de l’administration— l’arabe— commun à l’Orient abbãsside et à l’Occident andalusí, contribuait à associer modernité et arabité. Il s’agissait d’une langue du peuple, bien que dans un autre niveau se maintenait le romance comme registre domestique jusqu’à sa conversion à l’espagnol que nous connaissons à travers la langue de Castille.164 163 Traduction partielle dans: Felipe Maillo Salgado, Ef!mb!eftbqbsjdj˜o!ef! Bm.Boebmvt. Madrid: Abada, 2004, page 18. 164 Note pour les Espagnols: deux signes d’identité de la patrie contemporaine pourraient s’ajouter à celles qui furent déjà signalées par Cervantes— Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 478 Dans la pratique, cette arabisation d’al-Andalus— nous insistons, clé de sa spécificité— ne fait rien d’autre que de ntftujnfs! mb! dpotjesbujpo— d’autre part bien intentionnée— ev!qpujo!dpouj. ovfm! ef! mÖFtqbhof! eft! uspjt! dvmuvsft/! Dans la terrible avidité identitaire dans laquelle nous nous voyons soumis, l’on a tendance à proposer culture et religion comme équivalentes, mais elles ne le sont absolument pas, et nous avons eu souvent l’occasion de le développer. Bm.Boebmvt gvu!mb!dvmuvsf!bsbcf!ebot!mbrvfmmf! qbsujdjqsfou!eft!hfot!ef!uspjt sfmjhjpot!ejggsfouft, mais en aucun cas assimilables à trois cultures différentes dissimulées. Cette culture arabe était la cime intellectuelle de son époque, émanant de l’Orient des Abbãssides. Autour de Bagdad— nous le verrons— se rattachèrent et fleurirent Byzance et la Perse. Et telle continuation civilisatrice— rétro-alimentée par ce qui est gréco-latin et le farsi/ pahlévi — inévitablement se posera de la même manière dans tout l’orbe arabophone. C’est-à-dire, aussi dans al-Andalus. Avec une réserve particulière, d’une certaine manière bien définie par Felipe Maillo en disant ce qui suit: fo!efwfobou!bsbcpqipoft-!jmt!ßoj. sfou!qbs!tf!dspjsf!bsbcft/ § 2. La question n’est pas si facile à conclure même si au fond Maillo a raison: bien sûr qu’ils étaient arabes étant arabophones. Car l’arabité est clairement linguistique165 et culturelle, non raciale. Mais Maillo signale quelque chose qu’un moment donné nous décrivions lorsque nous critiquions la passion des lignées d’Ibn Hazm, et c’est étant celles-ci l’arrogance et la tendance à s’obstiner. Il s’agit de la kvsjejtb. ujpo— héritage du dogmatisme ecclésiastique et /ou militaire—, et l’égocentrisme hispano. En incluant dans la Constitution espagnole que nous parlons dbtufmmbop, le reste des hispano-parlants — la grande majorité— se demandent: qui croyez-vous que nous sommes pour nous dire que ce que nous parlons n’est pas encore espagnol? L’on aurait tendance à penser qu’en matière linguistique, les Academias de la Lengua Española— non pas la castillane—, pourraient représenter une autorité majeure à la Constitution, mais ce n’est pas le cas. Voir, pour cela d’arrogants et obstinés— comme de bons hidalgos— Américo Castro, Fm!qfotbnjfoup!ef!Dfswbouft. Barcelona: Noguer, 1980, très spécialement la page 136 et suiv. 165 Elie Kallas, Rvj! ftu! bsbcpqipof/! Gorizia: Istituto di sociologia Internazionale, 1999. Et s’ouvre la polémique à savoir si est Arabe l’arabophone ou mÖ!bsbcp.tdsjcf. Mais de toute façon, ce n’est pas une conception raciale mais culturelle— par conséquent— associée à la langue maternelle. 479! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou pour cela que nous disions que dans le fond cela était fondé: une grande quantité de familles se dotèrent de fausses généalogies arabes. Et il continue;!tf!tfoubou!bsbcft-!mft!Boebmvt“tÒ!tbot!mf!tb. wpjsÒ!bwbjfou!mv!vof!pqujpo!epou!opvt!dpoobjttpot!upvt!mft! dpotrvfodft!ijtupsjrvft;!dfmvj!ev cboojttfnfou!fu!mÖfyqvmtjpo! ev!qbzt.166 En réalité, il exista aussi l’option de changer de langue, car affirmer ce qui précède dans son intégrité est peut-être, convertir tout ce qui est andalusí en maquis face à ce qui est chrétien. Mais nous insistons, le fond continue d’être valable: il était en train de se produire une greffe de mémoire historique lorsque les nouveaux arabisés pensaient être génétiquement arabes. Cela explique ce que nous avancions sur la compréhension sans culture ni étude— ubcmf! sbtf — du fait andalusí dans les chroniques arabes et cetera. Y a-t-il une raison religieuse ou impérialiste en tout cela? Probablement pas; mais plutôt que l’arabe était la mbohvf!ef!m֏qprvf, suivant ce que l’on peut souligner de ses détracteurs: ce Álvaro de Cordoue, militant engagé du christianisme et auteur latin de la période qui nous concerne— celle d’Abd al-Rahmãn II—, nous laissa une véritable élégie. Il écrit: nft!dpsfmjhjpoobjsft!tf!dpnqmbjtfou! ‰! mjsf! eft! qptjft! fu! mft! Ðvwsft! eft! Bsbcft;! jmt! uvejfou! mft! dsjut!eft!qijmptpqift!fu!uipmphjfot!nvtvmnbot-!qpvs!of!qbt! mft!sgvufs-!nbjt!qpvs!tf!gpsnfs!ebot!vof!ejdujpo!bsbcf!dpssfduf! fu!mhbouf/!Imbt"!Upvt!mft!kfvoft!disujfot!rvj!tf!ejtujohvfou! qbs!mfvs!ubmfou-!of!dpoobjttfou!rvf!mb!mbohvf!fu!mb!mjuusbuvsf! eft!Bsbcft-!dfvy.dj!svojttfou!‰!hsboet!gsbjt!eÖjnnfotft!cjcmjp. uirvft!fu!qvcmjfou!qbsupvu!rvf!dfuuf!mjuusbuvsf!ftu!benjsbcmf! \Ê^! Mft! disujfot! pou! pvcmj! mfvs! mbohvf-! fu! mÖpo! uspvwfsbju! ‰! qfjof!vo!fousf!njmmf!rvj!tfsbju!dbqbcmf!e֏dsjsf-!dpnnf!jm!tjfe-! vof!mfuusf!mbujof!‰!vo!bnj/ § 3. Il est donc évident, ainsi, que l’élégie d’Álvaro est un certificat de naissance de cet al-Andalus arabe dans lequel— d’autre part— le Siècle d’Or de la culture juive se distinguera— entre autres— grâce à un personnage instruit: l’arabophone Maimonide. C’est ainsi que la période de l’émir vit naître probablement une culture plus uniforme dans son expression que dans son identification. Une épo166 Felipe Maillo salgado, Ef!mb!eftbqbsjdj˜o!ef!Bm.Boebmvt. Madrid: Abada, 2004, pages 23-24. Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 47: que, comme toutes celles qui sont fertiles, qui ne fut pas exempte de soubresauts— certains déjà mentionnés—, même si l’émir dut venir en aide personnellement, mais rarement, à un affrontement guerrier. Ainsi se confirmait que l’émir était de plus en plus roi et moins général. Nous pouvons donc assumer que, probablement, les hiérarchies administratives contemplait déjà une certaine et entière professionnalisation de l’armée. Tel est le cas des invasions normandes dont nous avons fait référence, de certaines interventions guerrières dans le nord de l’Afrique— nième preuve de l’indépendance andalusíe de même que des questionnements de pouvoir dans pratiquement toutes les provinces. Pour revenir aux Normands, il est significatif que leur visite permette à al-Andalus de diriger son regard vers la défense de ses côtes et la création d’une certaine joevtusjf!obwbmf, vu la perception— ni a priori, ni intrinsèquement arabe— de que le pouvoir dans la Méditerranée se mesurerait— en toute cohérence— par le pouvoir de sa flotte. En fin de compte, mft!Opsnboes étaient des aventuriers et des pirates; repoussés dans al-Andalus, leur incursion linéale les amènerait à ecbsrvfs!fo!Tjdjmf, s’instaurant un règne normand de grave transcendance historique quelques siècles plus tard.167 § 4. Également significative est la fin de la braise gothe de Tudmir, le Levant péninsulaire associé au personnage de Teodomiro, et le pacte avec lui et ses héritiers. De 821 à 829, les troupes de l’émir se firent avec le pouvoir dans la zone, évènement et processus qui se terminerait par la fondation de la ville de Murcie. D’autre part, dans la Province Inférieure— concrètement, dans la frange aujourd’hui portugaise— l’indépendance invétérée d’al-Yilliqi — le Galicien— réussira seulement à changer de mains alliées et composants locaux d’appui, sans se soumettre au pouvoir cordouan que beaucoup plus tard. Conscient du danger occidental, Abd al-Rahmãn II fondera la forteresse de Mérida en 835 comme signe unique d’un contrôle progressif. En tout cas, la tendance irrédente autour du nom d’al-Yilliqi, ne cèdera pas d’une façon si simple: le Galicien instaura un clan toujours en connexion avec le nord chrétien et 167 Voir: Fátima Roldán, “Los mayus. A propósito de un texto atribuido a alUdri”. Qijmpmphjb!Ijtqbmfotjt 2 (1986), pages 153-158. 481! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou toujours en affrontement avec Cordoue jusqu’à tel point que c’est seulement au début des années 900 que le premier calife d’al-Andalus réussira à en finir avec les petits-fils et les arrières-petits-fils de cet insurgé mythique. En réalité, l’aplomb expansif et de consolidation de l’émir obligera à ce que les derniers contingents anti-andalusís — ceux qui s’opposaient à l’ordre des choses, beaucoup plus qu’à une religion— cherchèrent et trouvèrent un endroit approprié dans les Asturies d’Alphonse II, le roi dont l’expansion ne put freiner Abd al-Rahmãn II. Les aceifas— campagnes d’été de pillage, pratiquement marques de territoire— dirigées contre lui n’eurent pas le succès espéré et l’émir cèderait la direction de ces campagnes à ses fils, sans trop de compromis— nous le voyions— de gfsnfs!bm.Boebmvt pour qu’il coïncidât avec la péninsule Ibérique. Avec la mort d’Alphonse II en 842, la tension à la frontière se relâche un peu et l’émir cordouan dirigera seulement une paire d’bdfjgbt contre son fils Ramiro I (842-850). § 5. Pendant que se consolidait la frontière du nord avec ce que l’on appelle mf!qbzt!eft!diŠufbvy, la situation du nord-est se trouvait également nivelée, avec la ville de Barcelone que l’émir n’arrivait pas à conquérir. Dans la province pyrénéenne— en tension de l’autre côté à cause du projet carolingien— Abd al-Rahmãn II se limita à essayer de possibles bdfjgbt et à sceller des pactes avec Charles le Chauve, successeur de Louis le Pieux en 840. En Aragon, le pouvoir des Banu Qasi continuait, en bonnes relations avec les Navarrais de García Íñiguez, et tous deux avec un désintérêt à faire partie réellement de l’émirat comme de s’affronter à l’émir. Son inégalable indépendance ratifie pour la nième fois— et de façon précoce— la conception d’al-Andalus comme quelque chose plus territorial que politique; marqué par le génial équilibre instable de tout projet prometteur. Dans l’institutionnalisation patente d’al-Andalus qui se produit sous Abd al-Rahmãn II, la marque de maturité lui est conférée pour sa convocation occasionnelle sur les questions les plus graves en géopolitique méditerranéenne. En effet, l’émir maintint des relations et tensions avec ses voisins immédiats— les Jes•tjeft de l’actuel Maroc—, avec les Svtuvnjeft de l’actuelle Algérie, et de ceux qui s’étaient installés récemment en Tunisie les Bsimbcjeft— en pleine expansion vers le nord, depuis la Sicile, jusqu’à ftdbmbefs Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 482 la côte d’Amalfi. Cordoue prêterait un appui essentiel pour niveler les forces minoritaires de certaines de ces zones, pour terminer qbs!enboujcvmfs!mf!nzuif!eÖvo!jtmŒn!qpmjujrvfnfou!ipnp. hof!bvupvs!ef!mb!Nejufssbof!ev!Tve/ Avec une expression qui pourrait être la sienne: cela ne me regarde pas, l’islãm serait très au-delà des considérations politiques éphémères, pour tout ce qu’implique non seulement une religion universelle, mais son incontestable niveau civilisateur dans les périodes qui s’approchaient. § 6. Ce niveau civilisateur n’est pas un simple toast au soleil dans la si banale démesure— finalement, des mœurs— de ce qui est andalusí. Il y a deux auteurs très postérieurs, grands connaisseurs de l’époque et culture qui nous occupent qui le décrivent ainsi: il s’agit du médecin Ibn Yulyul, ainsi que du penseur et géographe Ibn Said. Tous deux ne coïncident pas strictement dans la même période et n’appartiennent pas non plus à la même branche de savoir. Le premier, célèbre transmetteur et compilateur de pharmacopées et matières médicinales des plus diverses sortes; il fleurira dans la Cordoue califale d’al-Hakam II, quant au second, grave historien en plus de géographe, le fait à Almería à la fin du Califat. Mais, quoi qu’il en soit, les deux coïncident dans le début de leur recueil: H. osbujpo!ef!nefdjot!fu!tbwbout, du premier, et Mft!dbuhpsjft! eft!obujpot du second. En réalité, et à titre d’information, ils coïncident en quelque chose de plus: dbuhpsjf et hosbujpo nous renvoie au même terme en arabe: ubcbrb. Comme de sérieux historiens de la science, les compilateurs de ubcbrbu— pluriel— furent conscients de la précaution nécessaire qu’il fallait avoir à l’heure de transmettre leurs sources. C’est pour cette même raison que nous questionnons certaines œuvres d’Ibn Hazm: parce que ce n’est pas la même chose de dire ce qu’ils firent que ce que mÖpo!eju!rvÖjmt!ßsfou. En tout cas, nous nous trouvons face à face avec le problème vedette de l’historiographie islamique; car il n’y a rien de plus essentiellement islamique, dans les modes de l’historien, que de structurer la science chronologiquement grâce aux générations séquentielles. Ainsi, avec les réserves nécessaires s’agissant d’époques lointaines et longuement manipulées, la coïncidence d’Ibn Yulyul et Ibn Said nous renvoie à ce que, dans leurs respectives histoires de la culture andalusíe, le bouillon de culture naît du centralisme omeyyade du second Abd 483! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou al-Rahmãn. Un centralisme qui rendu propice l’essentielle àŠofsjf! vscbjof dans une capitale. nfejofp (promenade dans la ville); survivre et prospérer dans la capitale, permettait un niveau d’expectatives, une ambiance dans une certaine mesure assez sûre en prévision d’une permanence, un microclimat euro-oriental qui permit la croissance des sciences et de la pensée. Ce ne serait pas un phénomène exclusif andalusí: toute l’Europe commencerait à avoir plus confiance en la ville par simple méfiance des campagnes que l’on peut facilement dévaster dans des époques avec de tels penchants. Il est probable que l’on ne puisse pas comprendre le concept même de Renaissance sans l’établissement préalable dans la ville: des idées néanmoins, qui devront être l’objet d’une attention ultérieure. En tout cas, cet al-Andalus culturel spécifique naissait— nous insistons, non pas exceptionnel—, ainsi, aux alentours de la première moitié des années 800. Et désigner ces dates comme propices et propitiatoires nous pousse à traiter cette capitale Cordoue déjà décrite à bon escient de cosmopolite et internationale. Cordoue se montrait aussi capitale de l’extérieur. Avec ses ambassades à Byzance, ses groupes de pression— ulémas, juristes, kuttab-muladíes (secrétaires-convertis) —, et sa tpqijtujdbujpo patente. En 840, l’empereur byzantin Théophile envoyait une ambassade à Cordoue sollicitant une alliance contre les pouvoirs mineurs nord-africains et —en particulier— avec la prétention de convaincre l’émir de participer à une mission mixte. Il priait l’émir de détacher une armée vers la Crête pour neutraliser la piraterie de ces Andalusís célèbres expulsés du quartier de Secunda dans le soulèvement du début des années 800. En réalité, d’une façon voilée le Byzantin voulait des informations afin de savoir tj!mb!qsjtf! ef!mb!Ds‘uf!qbs!mft!Boebmvt“t!ubju!mb!qsjtf!ef!Ds‘uf!qbs!bm. Boebmvt/!La réponse d’Abd al-Rahmãn II montre un détachement complet, de même que son défoulement à ce sujet. L’émir répondit diplomatiquement avec l’envoi présomptueux— simplement qpvs! qbufs— d’une autre ambassade à la tête de laquelle se trouvait le poète bm.Hb{bm, né à Jaén en 772. § 7. Le § 8. C’était sa seconde mission représentative et représentante de la cour cordouane. Dans son premier voyage au Danemark, le poète Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 484 put montrer que la langue affilée d’un homme de lettres pouvait être un instrument habile pour la diplomatie. Bien que, au point de vue personnel, ses vers blessants contre les personnages de la cour— comme le puissant Ziryab ou le juriste Yahia ben Yahia— lui valurent un exil temporel en Orient pour revenir— confiant en l’oubli de ses satyres—, à Jaén où il mourut vers 864. À son retour al-Gazal représenta lui-même tout ce que fera son antagoniste Ziryab— sur lequel nous reviendrons— la seconde influence orientale patente d’al-Andalus. Si la première put culminer par la greffe hellénisée syro-omeyyade —complément d’une longue influence orientale préalable au christianisme et byzantinisme—, cette seconde est une influence irakienne. Al-Andalus était en train d’atteindre sa pleine arabisation à travers Bagdad, comme résultat de l’effort expansif de ce qui est arabe sous la dynastie des Abbãssides, qui d’autre part était l’ennemi acharné d’al-Andalus. Le récit que nous fait un al-Gazal gonflé d’orgueil de sa mission à Byzance est très loin de ce que nous pouvons attendre d’une correspondance diplomatique. Avec des détails sur la tristesse initiale de la femme de l’empereur et le moyen avec lequel l’Andalusí put y remédier— et l’on peut penser ce que l’on veut. Gazal affirme aussi avoir fait la louange de la circoncision pour des motifs hygiéniques, et la défense de l’élégance extrême pour l’homme.168 Ce qspup. eboez, séducteur et bavard, donne foi d’un cpoifvs!ef!wjwsf significatif probablement d’accord avec ce que l’on pourrait résumer comme prospérité contagieuse. La complémentarité entre l’Orient et l’Occident islamique commençait à s’ébaucher en termes d’une reconnaissance voilée de la supériorité orientale non exempte d’un certain bnpvs!qpvs!mf!qbzt!obubm: un poète d’Elvira— à côté de la future Grenade—, Abdel Malek Ben Habib (né en 790) voyagea en Orient avant de passer par al-Andalus. Ce poète sera le premier à exprimer sa optubmhjf!eÖbm.Boebmvt, et à son retour il s’établira dans sa ville natale comme prédicateur, clairement imbu des milieux intellectuels de l’Islãm oriental des plus sélectes. § 9.Ce Ben Habib démontre non seulement cette route formative d’aller et retour dans le devenir oriental d’al-Andalus, mais aussi le 168 Mahmud Sobh, Ijtupsjb!ef!mb!mjufsbuvsb!ˆsbcf!dmˆtjdb. Madrid: Cátedra, 2002. 485! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou sens métropolitain que Cordoue était en train d’acquérir. Le poète-prédicateur fut réclamé par la capitale pour grossir la liste des juristes cordouans non dépourvus d’une certaine dialectique: Ben Habib affrontera le malékisme environnant, le courant de la juridiction islamique qui— nous le voyions— s’enracina dans al-Andalus et au nord de l’Afrique probablement pour représenter un corpus dogmatique plus simple et accessible que les courants plus sophistiqués de la pensée orientale. L’orientalisé affrontait le ftubcmjtinfou dans lequel se convertissait le malékisme. Et ainsi se compliquerait heureusement la vie cordouane: avec le progrès islamique de ces particuliers dpmmbcpsbujpoojtuft face à ceux qui commenceraient à répandre la foi, la formation et la codicologie. Cette Cordoue allant vers la sophistication recevrait— de cette manière— un certain rationalisme associé encore de nos jours aux doctrines orientales appelées mu’tazilites. Bien que mutazilisme partît d’un certain intégrisme interprétatif de Bagdad. Un certain Cfo!Ibejs!prétendait être!nvÖub{jmjufÒ!il arrivera à être le directeur de la Ebs!bm.tjllb-!Hôtel de la monnaie— proclamant ce credo rebelle: Bmmbi!brjm<!Ejfv!ftu!sbjtpo/!Évidemment, la modernité impliquait une claire complication sociale; la sophistication civilisatrice qui d’Orient s’insérait de ce coin d’Europe configurerait une conception très spéciale de la culture urbaine face à la montagne déphasée. Ville sophistiquée— disons-nous —aussi dans ses manifestations extra-historiques: dans cet al-Andalus, el b{vdbsÒ le sucre— d’Orient— bt.tvlbsÒ avait déjà substitué l’hydromel romain, et la culture de la canne à sucre serait une industrie florissante associée à un développement commercial, échanges de biens et un flux de capitaux exprimé, comme nous le voyions, en une économie assainie dont la base et l’instrument fut une monnaie forte avec une circulation— et donc, échange commercial— dans toute l’Europe et l’Orient. § 10. Dans la pratique, l’emploi de la monnaie n’impliquait pas nécessairement sa frappe. La prospérité économique andalusí due à l’abondant trésor publique d’Abd al-Rahman II se chiffre en sa juste mesure grâce à une comparaison en pourcentage: l’émir, réussit à faire rentrer dans les coffres de l’État à Cordoue quarante pour cent de plus que son prédécesseur. Mais dans la Dar al-Sikka— Hôtel de la monnaie— institution crée d’un mode intrinsèquement centra- Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 486 liste dirigée par Abi Shibl, l’on frappa seulement les flus de bronze et les dirhams d’argent. Ce sera avec l’instauration du Califat que l’on frappera aussi systématiquement des dinars d’or avec l’Hôtel de la monnaie andalusí sur l’avers. Pendant ce temps, la création et/ou l’ampliation contagieuse de concentrations urbaines dans al-Andalus — auxquelles il fallait approvisionner— rendit propice un écoulement dynamique de transport avec des routes fixes et des produits qui arrivaient à un rythme de plus en plus connu et attendu: une cadence commerciale inhérente à une vie urbaine continue. Le bois, par exemple— produit de première nécessité— provoqua la première grande déforestation péninsulaire— jamais aussi atroce que celle qui se produisit entre 1500 et 1700. Non moins nécessaire était le ravitaillement des marchés de plus en plus spécifiques et normalisés; nous avons vu déjà la façon avec laquelle les codes de conduite dans les transactions commerciales se convertiront jusqu’en un genre littéraire, ou le pouvoir que put arriver à avoir le {bcb{prvf, le tfjhofvs!ev!tpvl, personnage qui passera à l’Espagne chrétienne. La fluidité stimulante du souk favorisa l’intensification de la mini culture aux alentours des villes, pour permettre sa distribution rapide. Une mini culture dont les gérants, pour l’amélioration des arbres fruitiers, se formèrent consciencieusement dans l’application de l’irrigation. Pour stocker les céréales se généralisa l’utilisation des silos sous terre. § 11. En plus du plan commercial, l’indice de sophistication cité aura une marque d’époque: le Tiraz; monopole européen pour la facturation et le commerce de tissus précieux qu’Abd al-Rahmãn II conçut comme entreprise de l’État. La culture du coton— bm.dpupo — s’était étendue dans les terres arabisées et pleinement islamisées— nous insistons: culturellement. Il s’agissait d’un produit déjà connu depuis l’Antiquité, mais non cultivé avant la domination islamique. D’autre part, la soie était entrée en Europe clandestinement, étant célèbre— et même source inépuisable de création littéraire— l’épopée qui raconte la sortie de la soie du Japon originaire, avec l’inévitable espionnage industriel, l’insoutenable boycott byzantin, et la recherche de routes commerciales à travers tout l’Orient: la route de la soie. Al-Andalus n’était pas le produit d’une génération spontanée. Tout signale que la greffe orientale annonçait déjà des périodes fertiles; une greffe qui, avec la prospérité d’autres villes euro- 487! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou péennes— les italiennes— dilueront dans la pratique l’exclusivisme orientalisant andalusí. Bien que le cliché de tel exclusivisme soit passé à la postérité. Mb! tpjf! gbdf! ‰! mb! mbjof. L’on pourrait dire que telle dualité marquera un jalon différenciateur dans les deux Espagnes où nous évoluons. Ce serait même un cliché de traitement intéressant dans n’importe quelle future conséquence possible essayiste— mb! tpjf! ev!dpvsujtbo!gbdf!‰!mb!mbjof!ev!tpvß.<!bien que nous ne puissions faire maintenant un volume de chaque pièce intéressante. Avec la soie, et son intra-histoire orientale, arrivait une autre marque de sophistication non moins bien reçue: le safran, condiment indispensable dans l’élaboration de la cuisine andalusíe, spécialement après l’arrivée du qualifié comme bscjusf! eft!npeft! dpsepvb. oft;![jszbc/!Comme dans le cas de la soie, jusqu’à ce que le safran arrive à se cultiver avec l’apparence d’au moins rappeler l’oriental, tels produits estimés— avec tant d’autres épices orientales—, justifieront le besoin d’un monde efficace commercialement qui sera la marque de finition d’une trame bourgeoise. § 12. Ainsi, une autre route essentielle, celle des épices, en grande mesure coïncidente avec celle de la soie, tracera les cartes d’alAndalus jusqu’en Inde et la Chine. Si nous partons de l’islamisation progressive dans le terrain qui nous concerne, une autre voie d’échange essentielle s’ajoutera à celle dont nous avons fait allusion en tant que personnes et coutumes inhérentes à tout ce qui est commercial. Il s’agit de la propre idiosyncrasie religieuse, qui conçoit un pèlerinage en Orient— La Mecque, pour être exact— rénovateur de l’âme. Un pèlerinage qui pourrait se complémenter avec des visites formatives aux villes épitomés des temps modernes qui s’écoulaient. Spécialement Bagdad. De manière inéluctable, nous devons arriver à la conclusion de que la Méditerranée et ses côtes n’étaient pas une enceinte d’échanges d’idées produite par les marées. Comme continuation cohérente de Rome, l’on inaugurait— bientôt l’on fermera— un vaste espace de libre circulation de marchandises et personnes, avec tout ce que cela peut impliquer comme enrichissement et élévation commune des époques. La ville de Cordoue qui nous occupe est mb!wjmmf!ef!mÖjohojp. tju, du fait que la technologie finit par être l’application naturelle de la science, de la même manière que celle-ci est le résumé de Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 488 la poussée d’une époque. En particulier l’ineffable sage de la renaissance, Abbãs Firnás de Ronda— attiré vers la ville cordouane— il s’appliquera à l’inévitable essai et erreur qu’il lui était possible grâce à un mécénat qsbmbcmf! tfncmbcmf! ‰! mÖjubmjfo, situation andalusíe en général dédaignée dans les essais sur les renaissances européennes. Et le pluriel est valable, renaissances, comme déclaration de principes sur laquelle nous reviendrons: la manière avec laquelle vof! ef! dft! sfobjttbodft! fvspqfooft! fttfoujfmmft! tÖbwboŽbju!ebot!dfu!bm.Boebmvt!dsjujrvf!fu!dpotpmje/!La clé du pluriel provient, pourtant, de la perception illuminée de Panofsky sur les renaissances artistiques européennes.169 § 13. Pour en revenir à ce Firnás de la renaissance il essaiera ses automates dans Cordoue où il installa sur le bord du Guadalquivir une spectaculaire clepsydre— njrbub— sorte d’horloge à eau qui dut être composée de mécanismes compliqués coordonnés avec l’avance de l’eau du fleuve. Les engrenages de la clepsydre cordouane marquaient un rythme spécifique et temporel obtenu par la séquence de la chute d’eau. Dans une Cordoue de la moitié des années 800 l’on se promenait entre les automates qu’Abbãs Firnás distribuait dans les rues, sous des cieux qui illuminaient des cadrans solaires qu’il distribuait aussi; et dont les rayons— à leurs tours — étaient attirés vers des instruments de mesure qu’il ajustait. Entre instruments, rayons et cieux Cordoue, prospère à cause de l’aide du mécène Abd al-Rahmãn II, pouvait regarder avec rigueur le firmament grâce à un planétarium précoce également créé à la demande de l’inquiet Abbãs Firnás. Ces mêmes cieux de renaissance cordouane inspirèrent, dans un autre sens bien différent, à ce scientifique connu comme le Mfpobs. ep!boebmvt“!à cause de l’éventail de créations et d’ingéniosité dont il fit preuve, de même que de ne pas mettre de limites à sa curiosité. Ce sage inclassable, autour des années 850 alimentait déjà les chroniques de l’époque pour la réussite de l’observation dans son planétarium— étant signalés, par exemple, une éclipse et le passage d’une comète. Il incita les travaux sur le verre soufflé ou la taille du cristal, préparant le sertissage de bagues et autres pièces de bijou169 Erwin Panofsky, Sfobdjnjfoup!z!sfobdjnjfoupt!fo!fm!bsuf!pddjefoubm. Madrid: Allianza, 1991. Voir très spécialement les pages 136-137. 489! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou terie. Enfin, dans un double saut de créativité et d’audace, il réussit à survoler— jusqu’à un certain point— les jardins de ce palais érigé par le premier Abd al-Rahmãn, la Ruzafa, avec un ingénieux qspup. bwjpo. En réalité, il s’agissait d’un treillis de cannes et de plumes qui, contre tout pronostique optimiste de l’inventeur, n’était préparé ni pour l’époque ni pour son atterrissage. Abbãs Firnás essaya lui-même les ailes et il tomba au sol. Plus tard, il signalera que l’erreur de fonctionnement de son dptuvnf!ef!wpm avait été un manque d’étude préalable centré sur le vol des oiseaux: ceux-ci utilisent leur queue comme un timon, et dans le costume de soie et plumes de l’aventurier cela n’était pas inclus. § 14. Cette capitale prospère d’Abd al-Rahmãn II connut des engins de grande utilité pour les mécanismes d’ouverture— portes—, déplacement— transports—, ainsi que des apports innovants pour les mécanismes d’irrigation. Tels apports firent les délices des promeneurs cordouans dans les jardins et les campagnes, dans une capitale si habituée à la vie sociale communautaire et à la rigueur du climat, qui inclut un oratoire en plein air pour célébrer les offices religieux. C’est al-Andalus consolidé qui pouvait se permettre des luxes sportifs comme l’incorporation du polo— ou tout au moins, la version originale de celui connu en Afghanistan comme tbmbvdiˆo. L’innovation, le développement scientifique et culturel d’une Cordoue musulmane ne laissa aucune branche du savoir humain qui ne fut traitée; ce qui, sans doute, a tendance à être dans l’intérêt du propre genre humain en lui-même — nous traiterons plus tard les succès de la pensée. Avec ces apports, de l’enrichissement des coutumes jusqu’aux excentriques apparitions publiques d’Abbãs Firnás, à Cordoue l’on créa aussi un jardin zoologique avec de rares exemplaires— à ces latitudes— qu’entre cadeaux et démonstration de vassalité étaient incorporés par les dons étrangers des confins du monde connu. L’on créa également un conservatoire dans la Cordoue d’Abd alRahmãnII; école de musique associée à l’arrivée d’un personnage singulier: le dpvsujtbo!jsbljfo![jszbc. En 822, cet artiste déjà célèbre abandonna la vie parasitaire du palais bagdadien— précisément, selon ce que l’on raconte, à cause d’intrigues d’alcôve et de bureaux—, et faisait sien un particulier hp!xftu! Arabe attiré, sans doute, par la promesse d’une nouvelle époque. À Cordoue il finirait Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 48: ses jours en 857 après avoir révolutionné les manières et les modes d’une cour déjà encline aux Pohvjof ou Fsoftu de leur temps (170). Ziryab était connu par le surnom de mÖpjtfbv!opjs. Le merle, en fait; peut-être pour sa couleur— il paraîtrait que Ziryab avait la peau noire ou du moins très obscure—, ou pour sa façon de chanter. Ou peut-être pour les deux choses. En tout cas, Ziryab est en lui-même un repère de finition dans l’émirat d’Abd al-Rahmãn II. § 15. Le merle ne se contenta pas de voleter dans la cour. Lévi-Provençal dit de lui qu’il apprit aux Cordouans l’ordre à suivre dans les repas élégants. Po!of!qpvwbju!qmvt!tfswjs!mft!nfut!tbot!psesf<! jm! gbmmbju! dpnnfodfs! qbs! mft! tpvqft-! dpoujovfs! bwfd! mft! qmbut! ef!wjboef!\Ê^!qpvs!ufsnjofs!qbs!eft!qmbut!tvdst!\Ê^/!Bv!mjfv! ef! ujttvt! ef! mjo! qbjt-! mÖpo! sfdpnnboebju! eft! obqqft! ef! dvjs! ßo/!Jm!enpousb!fo!qmvt!rvf!mft!dpvqft!ef!qsdjfvy!dsjtubm!tf! dpncjobjfou!njfvy!rvf!mft!hpcfmfut!fo!ps!pv!fo!bshfou!bwfd!mb! edpsbujpo!ef!mb!ubcmf.171 De la table, l’oiseau noir révolutionne les coutumes cordouanes et andalusíes en général, de même que la quiétude du premier conservatoire musical andalusí déjà cité, créé par Abd al-Rahmãn II. De ce dernier sortirent des musiciens qui— raconte la tradition— rivalisèrent avec ceux de Médine, la ville du Prophète. Et il faut dire que ceux de Médine, dans les sables du désert, étaient les plus prestigieux joueurs d’instruments à corde du monde arabe. Cette musique médiévale andalusíe est aujourd’hui connue comme musique classique dans le nord de l’Afrique. Avec Ziryab, entrait en Occident le mode musical du nbrbn!oriental qui dans al-Andalus se traduisit par ovcb. Son rythme et tonalité spécifiques justi170 En réalité, Fvhof!Pohvjof de Pouchkine ainsi que Ef!mÖjnqpsubodf! e֑usf!dpotubou d’Oscar Wilde ou tant d’autres gentilshommes de cour, sortis des vaudevilles européens, cadrent beaucoup mieux avec la psychologie du personnage de Ziryab qu’une vision transcendantale islamique quelconque. L’on pourrait faire de longs exposés sur la sfobjttbodf de ces personnages— entre ces hommes de lettres et courtisans. Plus tard nous nous approchons du Beau Brummell, et en tout ce que Ziryab eut de plus transcendant, et qu’il sortit du monde des chamailleries ou des dettes de jeu. Ceci, seulement, comme insinuation à certains parallélismes. Afin que ce qui est arabe puisse sortir un peu des Dpouft!ef!mÖBmibncsb. 171 Dans Rachel Arie, Ftqb—b!Nvtvmnbob… page283. 491! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou fient son étrangeté par rapport à la musique appelée occidentale et basée— il n’y a pas si longtemps— sur le système dodécaphonique initialement européen. Il est intéressant de distinguer dfuuf!opv. wfmmf!fnqsfjouf!fttfoujfmmf!qpvs!psjfoubmjtfs!bm.Boebmvt;!mb! ovcb!boebmvt“f qui est la base de toute la musique médiévale et de la renaissance espagnole, étant vraiment difficile— dans la pratique, impossible sans l’assistance de jugements idéologiques aprioriques— de distinguer ce qui reste aujourd’hui dans ce que l’on appelle la musique séfarade ou les premières manifestations de ce que pût être la musique de la cour castillane. La musique, représentante culturelle de premier ordre, n’était pas traitée à cette époque avec le niveau de mépris que mettent en évidence les baccalauréats contemporains.172 Quand l’époque islamique arrive à des penseurs comme al-Fãrãbî ou Avicenne— années 900—, et plus tard celui qui fit un traité musical comme al-Urmawi— années 1200—, l’on peut faire ressortir que la formation en matière musicale n’est pas seulement un témoignage du niveau culturel. C’est un de ses principaux intérêts. § 16. Grâce à l’énorme labeur du Baron d’Erlanger (1872-1932),173 172 Dans la technocratie sauvage qui nous inspire, la priorité formative— comme l’on sait— est une version hispane de la devise universitaire d’Oxford:pof! up!pof!Ò un pour chacun. Si dans la vieille Oxford l’on considérait un qspgft. tfvs!qbs!mwf, nous le traduisons aujourd’hui par un psejobufvs!qbs!mwf. Quand Ortega y Gasset disait à un polyglotte contemporain— qu’il était un jhop. sbou!fo!djor!mbohvft—, aujourd’hui l’on peut l’appliquer à tout ceci. Jhopsbout-! pvj<!nbjt!jhopsbout!ebot!joufsofu. La musique a été la première perte dans la formation des jeunes espagnols. 173 Le Baron français Rodolphe d’Erlanger (1872-1932), fils de banquiers de Boulogne et voyageur inquiet, finit par s’établir dans un de ces refuges de cultivés perdus si communs dans le nord de l’Afrique. Dans ce cas ce fut Sidi-Bou-Saïd en Tunisie, où il passa les derniers vingt ans de sa vie et les rues se souviennent encore de lui. Entre peinture orientaliste et séances musicales, d’Erlanger créa le Palais Ennajma Ezzohra le Musée de la Musique arabe et Méditerranéenne. Avec ses collaborateurs— entre lesquels se trouvait le non moins célèbre arabiste Carra de Vaux—, il se dédia à traduire et réunir des traités musicaux orientaux, dont le fruit immédiat furent les six volumes édités sous le titre générique de Mb!nvtjrvf!bsbcf qui est aujourd’hui une référence inexcusable pour tous ceux qui veulent s’approcher à cette matière. Quand le roi Farouk d’Égypte organisa en 1932 le célèbre— initiatique— Congrès du Caire sur la musique arabe—, il recourut à d’Erlanger pour les contenus. Voir: Mb!nvtjrvf!bsbcf (6 Vol.). Paris: Paul Geuthner, 2001 (réédition). Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 492 nous pouvons nous faire une idée assez approximative de tout ce qu’impliquait la musique andalusíe déjà insérée dans la cour d’Abd al-Rahmãn II comme dérivation cultivée d’une typologie irakienne spécifique. Le nbrbn inonda les cieux orientalisés de Séville à Samarkand, se patentant des modes qui disent beaucoup sur l’essence culturelle arabo-islamique. Ce nbrbn oriental174 comme mode musical— plus que genre— nous renvoie à la cour et, à la fin, au concept de ville. Maqam signifie littéralement séance, et du lieu où se réunissaient les musiciens pour les séances, sortit le mode et le nom. Pour sa part, la nuba andalusíe comme forme spécifique provient d’un concept similaire; celui de obxcb! comme tour, comme fois. La musique ainsi nommée— obxcb ou ovcbÒ, et de telle façon greffée dans l’occident médiéval, ne se conçoit pas comme système tonal. Il n’y a pas de structuration ef!qpsuf — pour appeler cela d’une certaine manière—, mais mjnjof! mft! joufswbmmft/! Tbot! dppsepooft! ufnqpsfmmft-! fmmf! hosf! vof! qfsdfqujpo! ef! nvtjrvf!pshbojrvf175!dans laquelle l’on marque seulement deux points— pour des effets harmoniques— celui du départ, et celui de l’arrivée. Comme il peut se passer dans la musique flamenca. En marge de tout ce que telle perception musical pourrait nous servir à propos d’une possible interprétation organique d’al-Andalus, l’imperceptible transition entre les notes andalusíes comme marque de transcendance de cet Orient bagdadien greffé dans l’époque qui nous concerne est valable; et essentielle pour cet espace européen spécifique qu’est al-Andalus. Parce que, enfin, ce personnage réfugié versaillais, ce musicien et cpo!wjwbou!176 [jszbc- serait l’épitomé 174 Dans la pratique, il existe différentes modalités. L’une d’elles, la ovcb! boebmvt“f. Autres seraient— à partir de la propre nomenclature— des produits géniaux parallèles, comme la casida, le dawr, le maqam proprement irakien, la moaxaja et le zéjel, layali, taksim, bashraf, samái, duláb, tahmila … Dans ce célèbre Congrès du Caire (1932) l’on arriva à la conclusion de que l’on sait ce qu’est la musique arabe. Mais on la nomme de mille façons dans mille endroits très différents. 175 Dans la musique européenne postérieure, Liszt atteindra des effets similaires dans ses célèbres Rapsodies hongroises. Il était en train de réélaborer cette musique organique qui peut encore s’écouter dans les Balkans. Le cas du compositeur Béla Bartók serait paradigmatique en ce sens. 176 En français dans le texte. 493! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou de tous ceux qui purent enterrer leur passé oriental et reverdir dans cet Occident arabe. § 17. Dans ce cas particulier— celui de Ziryab—, étant considéré comme l’arbitre de la mode cordouane— véritable Beau Brummell177 des Omeyyades— cet Irakien dictera mille et une innovations de plus dans divers domaines, de la musique à l’astronomie ou la mode, garantissant un niveau élevé à l’époque dans une Cordoue cosmopolite. Dans un État fortement centralisé, le modèle cordouan s’implantera dans le reste des capitales jusqu’à tisser un réseau symptomatique de l’Islãm civilisateur andalusí: la prééminence des villes— si souvent signalée. Ceci étant, d’autre part, une constante dans l’Islãm à partir de son origine, en marge des stéréotypes ou imaginaires bédouins. N’est-ce pas Médine, la première ville de l’islãm, une sédentarisation urbaine? L’on raconte qu’avec l’arrivée de cet oiseau noir irakien les échecs furent sûrement introduits dans al-Andalus et donc en Europe. Comme dans ce genre de choses il est toujours problématique d’attribuer un rôle de pionnier, nous considérerons comme valable le symbolique comme explication véridique: que les échecs vinrent de l’Orient indien à travers la Perse et l’Irak, et que son arrivée coïnciderait en Occident avec cette époque de la première splendeur cordouane orientalisée. Pour le reste, et comme conséquence de ce que nous disions à propos de Ziryab et l’introduction dans al-Andalus d’un système de notation et harmonies musicales apprises à Bagdad, nous pouvons avancer plus de nouveautés personnelles de même que les incidences sociales: dans la seconde wfstjpo!nvtjdbmf sur les motifs de son arrivée à Cordoue, l’on disait aussi que Ziryab avait dû s’échapper parce que son adresse interprétative aurait éclipsé certain musicien de l’époque. Sa légende— à ce sujet— dit qu’il pouvait interpréter plus de dix mille chansons différentes, et qu’il construisait ses propres instruments; ce sont des capacités d’incalculable valeur pour la réformation patente de la musique péninsulaire. Il introduisit 177 Georges Bryan Brummell dit Beau Brummell (1778-1840), topc — sine nobilitate— arriviste dans la cour de Georges III et IV d’Angleterre. Arbitre de la mode britannique et personnage emblématique parasitaire de claire empreinte référentielle dans le monde de la mode masculine européenne et/ou intrigues courtisanes. Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 494 également l’emploi du luth— dérivé du sitar indien, dont la dernière syllabe— ubs— est présente dans le mot guitare. À ce luth il quitta la cinquième corde qui était alors utilisée; selon le musicien, qbsdf! rvf! mft! rvbusf! dpseft! usbejujpoofmmft-! qbs! fmmft.n‘nft-! uspv. wfou!mfvs!rvjmjcsf!ebot!mÖvojwfst/!Fmmft!sfqstfoufou!mft!tzncp. mft!eft!rvbusf!mnfout;!mÖbjs-!mb!ufssf-!mÖfbv!fu!mf!gfv/ Cependant, entre la deuxième et la troisième corde il introduisit une de couleur rouge; mb!dpvmfvs!ef!m֊nf!fousf!mft!rvbusf!mnfout/ § 18. Il modifia aussi le plectre pour jouer du luth, substituant l’ori- ginal par la serre d’un aigle. Dans la pratique, comme canon indiscutable de la vie de palais dans une cour plus détendue et légitimée que celle des premiers émirs omeyyades— par le processus logique de l’établissement de la dynastie—, Ziryab transforma également les modes de l’habillement: il innova la couleur blanche pour les habits— en été—, ainsi que la façon de se peigner des hommes: cheveux courts dégageant les oreilles, les sourcils et le cou. Il léga également— entre beaucoup d’autres choses— l’ancien plat cordouan qui a son nom: ziryabí— fait de fèves salées— ainsi que différentes façons de préparer les asperges sauvages, ou l’utilisation habituelle de la coriandre avec le poisson. Vu ce qui précède, l’on comprend Ibn Said et Ibn Yulyul lorsqu’à partir de leur respectif domaine scientifique et branche de pensées, situeront— comme nous le voyions— mÖpsjhjof! ef! mb! tqmfoefvs! dvmuvsfmmf! boebmvt“fÒ! opusf! qsfnjsf! sfobjttbodf! fvsp. qfoofÒ!ebot!mb!Dpsepvf!eÖBce!bm.SbinŒo!JJ< celle d’après la consolidation d’un état centralisé interagissant — pourrions-nous dire— en connexion avec le reste du monde. Al-Andalus était préparé pour générer une pensée codifiée, décantée, et contrastée avec celle de l’Orient. Et le point centripète de Cordoue, centrifugera après— à son tour— ce qui a été créé. Deux al-Andalus se complémente: la lente progression des périphéries— des campagnes, les hispano-romaines, d’une résistance invétérée à tout changement—, et l’avancée rapide des capitales. Le rural face à l’urbain. § 19. Abd al-Rahmãn II n’était pas calife, mais il agissait comme s’il l’était. Son sens du pouvoir universel, centralisateur et centraliste, comprenait— nous le voyons— une perception de l’État comme fin qui avait du succès; pratiquement jacobine implantée autour du 495! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou concept avancé du monopole de l’État que nous voyions à propos du commerce des tissus— ujsb{— ou la frappe de monnaie, croissant tant à l’intérieur comme à l’extérieur. Probablement, la relevance de cet émir consiste à avoir fait ubcmf!sbtf- en matière sociale et administrative, avec al-Andalus au méridien des années 800. À partir de maintenant, les questionnements d’autorité seront considérés comme révolutionnaires, non pas naturels à chaque changement de gouvernant. L’on mésestime la perception wisigothe et/ou préislamique d’un roi comme percepteur de légitimités par la force. Maintenant, la propre légitimité sera la force initiale du dirigeant omeyyade. En cela consiste précisément ce que l’on appelle la tvctujuvujpo! eÖvof!opcmfttf!ef!tboh!qbs!vof!ef!tfswjdf/!Vu qu’il n’y a pas d’État sans bureaucratie, il est évident que l’inflation bureaucratique qui répartit les fonctionnaires vers les autres villes, comme c’est le cas de la Cordoue d’Abd al-Rahmãn II, signifie un État, comme le faisait la bureaucratie similaire bagdadienne et probablement déjà celle de la pré-Caire en Égypte. Avec une importante Chancellerie— ejwˆo!bm.jodiˆ —, un Trésor Publique— Kj{bobu!bm. nbm, entrepôt d’argent, littéralement; qu’en Orient recevra le nom de Cbzu!bm.nbm, la maison de l’argent (Hôtel de la monnaie) et une longue liste de postes et fonctionnaires publiques. Entre ceux-ci, et comme noyaux structurels apparaissent l’intendant ou les futures attributions du vizir, bien que ebot!bm.Boebmvt!mÖpo!qsgsbju!mb! eopnjobujpo!ef!ibzjc!qpvs!df! dpotfjmmfs!ev!spj face à l’appareil de l’État. § 20. Non moins bureaucratisés étaient les milieux d’une armée professionnelle— de même que la flotte récemment créée— comme système parallèle à l’intensification commerciale évidente; probablement, les deux veillant— et cimentant— la splendeur omeyyade. Mais, le comportement de l’armée omeyyade est très loin de ce que nous avons pu lire: elle ne fut jamais expansionniste. Les classiques et précipitées manœuvres d’été— aceifas— ne prétendaient en aucun cas augmenter un territoire, mais plutôt sauvegarder des droits acquis. Ceci est un point crucial dans l’interprétation des prochains siècles andalusís: quand l’on parle de régression d’al-Andalus— territoriale évidemment—, face aux armées du nord maquillées de reconquête l’on trouvera les troupes andalusíes, pro- Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 496 bablement démotivées du fait qu’il n’y avait rien à démontrer. Ceci, contre ce que l’on peut penser, dit beaucoup sur le niveau civilisateur d’une partie de la péninsule. Deuxièmement, quand ce sont les armées des envahisseurs africains qui avancent dans les chemins d’al-Andalus, il faudra nuancer ces affirmations. 5/8/!Bm.Boebmvt-!961;!qsfnjsf!Sfobjttbodf!fvspqfoof § 1. Ainsi, les alentours des années 850 marquent— pour tout ce que nous avons vu— une coupure: de l’époque passée jusqu’à Muhammad I— successeur d’Abd al-Rahmãn II—, commence le première Renaissance européenne, pour paraphraser Karl Vossler. Elle se produit en arabe, et sous l’effet de la forte acculturation orientale qu’al-Andalus reçoit de Bagdad. Bien sûr, ce qui précède a besoin de certains nuancements: en premier lieu, la chose se produit, elle n’est pas induite. L’historiologue devrait se maintenir équidistant tant de l’Histoire Universelle des batailles comme des mérites. À mi-chemin doit se trouver la clé des prospérités, C’est pour cela, pour les époques passées, que nous parlons de l’époque qui pleut sur l’émir. Non pas pour proposer un catalogue de mérites, mais plutôt la reconnaissance des circonstances. En second lieu, le moment est venu de proposer la vision adéquate— apte, pour être plus précis— d’un al-Andalus comme production authentiquement européenne. Et non seulement pour sa situation géographique, mais qpvs! mÖjous‘u! ef! tb! qspevdujpo/! Qbsdf!rvÖbm.Boebmvt!tf!ßmusfsb!wfst!mf!opse!opo!wfst!mf!tve/! À partir de ce point de vue— nous aurons plus tard l’occasion d’être de cet avis dans des indices ultérieurs significatifs—, nous tiendrons compte pour le moment que l’étrangeté linguistique andalusíe— l’arabité— a exclu cette période de son interprétation comme une qspup.sfobjttbodf européenne. Wv!rvÖjm!tÖfyqsjnbju!fo!bsbcf-! jm!o֏ubju!qbt!fvspqfo<!dfdj!tfsbju!mf!stvn!ef!m֏ujrvfubhf! ijtupsjrvf/ § 2. Telle exclusion linguistique— et trépanation historique—, intensifiée par l’inexplicable interprétation du monde comme le passage de sujets historiques mal définis— les religions— provoque que notre interprétation d’andalusí comme européen ait un certain poids. Parce que cela implique une expropriation, en même temps 497! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou que l’offre— refusée d’avance— d’une nouvelle appropriation. Expliquons tout ceci: proposer al-Andalus comme européen c’est nier que tout l’islamisme provient d’une même identité. C’est— comme nous l’annoncions à partir de notre point de départ— rejeter que les sujets de l’histoire soient les religions; même si cela implique également une majeure normalité islamique dans la définition de l’Europe— le célèbre fvsp.jtmbn. Partant de cette perception— et lentement—, il est évident que ce qui est andalusí fut indubitablement arabe et islamique; mais en admettant que le concept générique— JtmŒn—, jnqmjrvŠu!npjot! ef!dfousbmjtnf!qpmjujrvf!fu!qmvt!ef!ojwfbv!ebot!mft!qprvft! nejufssbofooft/ Nous insistons sur quelque chose que nous continuerons à réitérer. A l’époque qui nous concerne, appartenir à la Dar al-Islãm était se sentir à la cime du monde. Sur le tertre interprétatif de l’histoire et de la géographie. Probablement, un sentiment très semblable à tout ce qu’aujourd’hui implique être occidental. Nous parlions eÖfyqspqsjbujpo: l’islãm majoritaire contemporain ne va pas assumer nbjoufobou!rvÖbm.Boebmvt!ftu!vof!wb. mfvs!fvspqfoof/! Et c’est logique; mais il va falloir commencer à assumer que ce qui est islamique n’est pas la même chose que ce qui est musulman. § 3. Pour le reste, nous parlons aussi d’appropriation, probablement rejetée a priori. Car nous proposons quelque chose de complexe: en disant bm.Boebmvt! fvspqfo ce serait comme si nous retournions au nombrilisme euro-centriste; en entonnant les louanges des lumières occidentales. Mais il ne s’agit de rien de tel:lorsque nous parlons d’al-Andalus européen, nous n’impliquons pas que l’Europe créât al-Andalus, mais, précisément, que celle-ci jouît de ses réussites, pendant que l’Orient arabe ne se bénéficiait pas de tout ce qui se produisait dans al-Andalus. Appropriation rejetée— nous le disions—, parce que l’Europe ne va pas admettre non plus aujourd’hui qu’une de ses sources culturelles soit arabo-islamique. Telle idée surpasse, et de loin, les niveaux actuels d’auto-complaisance occidentale; la manière avec laquelle tout naît d’une Renaissance prétendument rénovatrice du monde classique, occidentalisé bien sûr. L’égo occidental-centriste du sjtnf déjà commenté: que tout est sf.rvfmrvf!diptf. Que nous fûmes toujours nous. Il est essentiel d’émietter le concept de Renaissance: si nous Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 498 voulons maintenir le terme, mettons celui-ci au pluriel et qu’il implique floraison. Sans rien renouveler, parce que mft!ejggsfouft! sfobjttbodft!tpo!ßmmft!ev!Npzfo!æhf, cette époque qui prétend s’enterrer dans les brouillards de la confusion analogique. De telle façon que, sertis— comme nous le sommes— en pleine influence orientale d’al-Andalus— après la période d’Abd al-Rahmãn II—, il est relativement simple de percevoir que qsftrvf! upvu! wjou! ef! mÖPsjfou!bsbcf!jotujuvujpoobmjtÒ!Cbhebe/ Mais nous nous perdons dans la séquence interprétative qui— selon notre opinion— centre l’bobmztf!ijtupsjpmphjrvf!eÖbm.Boebmvt/ Telle séquence— partant de ce qui précède en guise d’étrier— serait la suivante: Dans la première moitié des années 800, le devenir pleinement oriental d’al-Andalus se fait patent. C’est un processus possible grâce à l’arabisation terminée de la péninsule Ibérique. La preuve est le témoignage de ceux que l’on a appelé les mozarabes. Ce n’est pas en vain que se produisit leur révolte précisément dans la période d’entrée massive de l’islamique. DÖftu!bmpst-!fu!opo!qbt!ebot!mÖbo!dijnsjrvf de 711, que alAndalus s’islamise après l’arabisation citée. Mais ne pensons pas comme des amis qui débattent dans la salle d’un café: l’Islãm est la force civilisatrice de son époque. Elle est née, bien sûr, d’une indiscutable religion; mais très supérieure au cliché puritain néoconverti— que tout est et fut toujours le même islãm— et au non moins puritanisme orientaliste— la conquête islamique fut le résultat d’une distraction occidentale et à la charge militante d’une religion stéréotypée. L’Islãm est beaucoup plus que la somme des musulmans. Dpnnf! sfmjhjpo-! fmmf! oÖb! qbt! vof! tfvmf! ßttvsf! uijrvf<!dpnnf!djwjmjtbujpo!fmmf!isjub!ef!Spnf!fu!bssjwbju! bmpst!mb!gvtjpo!ef!m֏mnfou!joep.qfstf/! Ce devenir oriental autour des années 850 se produit parce que le foyer civilisateur de cette période est Bagdad: résumé et épitomé du succès synthétisant de la civilisation islamique. Illumination religieuse, et cohésion des contraires: Byzance et la Perse. Avec tout ce qu’impliquent les deux synthèses géniales, maintenant un alliage islamique est en train de se générer. L’historiographie islamique scientifique— non mythique— perçoit qu’à cette époque commença la marche civilisatrice andalusíe. Ces livres ubcbrbu d’Ibn Said ou d’Ibn Yulyul, la codification réelle du Droit Islamique pour la normalisation nécessaire d’un État; tout 499! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou pointe vers un même sens, et ce qui est andalusí sait parfaitement où est la source des choses. Ce n’est pas pour rien que, déjà, toutes les biographies de personnages illustres incluront la formation en Orient, enveloppée par l’affluence traditionnelle de pèlerins à La Mecque, mais toujours amplifiée par des visites au nord oriental ou en Égypte. 5/8/2!Opvwfbv!efwfojs!psjfoubm! § 1. Et en fait définitif: à la moitié des années 800, l’Orient islami- que était en pleine floraison. Celle-ci n’est pas l’histoire de l’Islãm oriental, mais du nord-occidental; donc nous ne pouvons pas entrer tout à fait dans un tel milieu. Mais l’on peut regarder du coin de l’œil pour percevoir la manière avec laquelle se forgea la civilisation islamique par la décantation de tant d’éléments culturels. Nous annoncions avant que les mêmes diatribes avaient été soutenues dans ce que l’on appelé les discussions byzantines et dans les islamiques de cette époque. Bien sûr que oui: l’Islãm civilisateur naquit de ces mêmes sources de controverse. Le même Islãm qui pour l’instant tournait autour de Bagdad et qui s’étendrait dans tout le reste de l’arabité; al-Andalus et le nord de l’Afrique, principalement. Nous devons retenir trois noms à l’heure de faire pivoter, depuis le pouvoir, la prospérité orientale contaminant maintenant à al-Andalus. Il s’agit de trois califes essentiels d’une même famille— les Abbãssides, qui substituèrent les Omeyyades de Damas-; une famille royale d’implantation et développement aussi chaotique ou plus que la dynastie qu’elle substituait, pour rendre vraie la cause que nous annoncions à propos de la vitalité fertile des processus critiques. Ces Abbãssides, enfin, avaient basé, nous le voyions, la montée au pouvoir— et grâce à la force— des clans musulmans qui s’affrontaient à Médine, La Mecque et Damas. En affrontement, donc, à une certaine aristocratie préalable à laquelle— comme toujours— ils substitueront. Mais avec un élément essentiel: ce qui est abbãsside suppose, dans l’histoire de l’Islãm, que l’qjdfousf! ef! mÖJtmbn!tf!sbqqspdiŠu!ef!Dpotuboujopqmf!‰!qbsujs!ef!mÖPsjfou/! Pas de chameaux et pas de désert: les cours de Bagdad seraient celles des satrapes perses, des maharajahs indiens. Tout cela devant les portes de Byzance. Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 49: § 2. Ainsi, ce qui est abbãsside est plus ou moins synonyme d’une symbiose authentique des deux rames indoeuropéennes —grécolatine et indo-perse— insufflées de sémitisme —ceci n’est rien, si l’on compte en plus avec les trois religions monothéistes et leur milieu de développement culturel—, avec une diffusion naturelle dans le sud de la Méditerranée. Et les trois noms que nous devons retenir sont le calife al-Mansûr —mort en 775, pratiquement créateur de Bagdad—, Hãrûn al-Rachîd —mort en 808, le calife des Njmmf!fu!Vof Ovjut, ce sertissage de contes indiens repris par les Arabes: le calife contemporain de Charlemagne—178 et al-Ma’Mûn —mort en 833—, le forgeur, avec une volonté de fer, d’un véritable État moderne. Les trois califats renferment mille et un affrontements sanglants dans le sein de l’Islãm pour rythmer les nouveaux temps perses— Iran est le vieil empire que regarde Bagdad—, et doit assimiler l’histoire et la géographie naturelles byzantines sur lesquelles il s’étend. Tout cela en marge d’autres mille et une difficultés ajoutées; émanées celles-ci de ce qui est strictement factieux dans la sempiternelle lutte pour le pouvoir. Il existe un énoncé de base qui justifie ce regard en biais vers Bagdad: en synthétisant, disons que si le juge principal d’al-Andalus s’appela quelque fois dbej! bm.dveˆ— juge des juges—, c’est parce qu’à Bagdad il était appelé ainsi. Et ‰!Cbhebe l’on traduisait l’expression npcfe!npcfebo; la même chose; le juge des juges, dans une tournure typiquement pahlévi— le pahlévi est le perse ancien, pour résumer drastiquement— comme en témoigne le traitement de spj! eft! spjt. En effet: les Abbãssides cimentent la civilisation islamique dans ce qui est perse. Mais allons quelque peu au-delà. cbsje— qui signifie aujourd’hui la même chose en arabe— courrier. Il était nommé ainsi à Bagdad, et provenait de wfsfevt— chemin— en latin. Le sceau des secrétaires andalusís de l’État, apposé sur un do- § 3. Le service des postes d’al-Andalus reçu le nom de 178 Celui-ci aurait été le livre génial d’Henri Pirenne: Non pas Nbipnfu! fu!Dibsmfnbhof — qui est le titre véritable —, mais plutôt!IŒsŸo!bm.Sbdi•e!fu! Dibsmfnbhof/!Si l’on additionne le mystificateur génial d’Aix-la-Chapelle à Mahomet, l’on part de l’identité religieuse erronée dans les deux sens: ni Charlemagne héritait le christianisme de Constantin— bien que ce fut sa propagande— ni Mahomet cherchait un Empire, mais cherchait à transmettre la volonté de Dieu le plus fidèlement possible dans une époque convulsée. 4:1! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou cument, reçut le nom de tbzzjm— la voix qui en arabe moderne signifie jotdsjsf. Et tbzzjm provenait du tjhjmvn! latin; le tfdsfu!eft! tfdsubjsft. Si ejobs venait de efobsvt et ejsibn de esbdinf- la monnaie de cuivre appelée àvtÒ comme l’on appelle l’argent en arabe—, venait du latin gpmmjt/ Et les trois monnaies s’utilisaient dans tout l’Islãm, oriental et occidental. § 4. Si les échecs furent introduits en Europe par al-Andalus, des expressions comme alfil (fou en espagnol)— éléphant en arabe—, roque— de ruj— tour, ou échec et mat— tibi roi en perse et nbbu! mourut en arabe: le roi mourut— proclament aux quatre vents que la voie de communication depuis l’Inde jusqu’au cœur de l’Europe s’écoulait par ce grand orbe civilisateur qu’était l’Islãm de cette époque. L’on peut dire de même pour leur gout déjà commenté, pour le polo— tbmbvdiˆo— importé de l’Afghanistan, ou de la route marquée par des personnages connus. Ziryab emportait l’Orient à al-Andalus dans ses besaces. Et ici la vérité symbolique est valable— parce qu’avec lui, les voyageurs seront nombreux, de même que la fluidité commentée sur les goûts musicaux, extensible à l’art dans toutes ses formes, ainsi que le littéraire. À partir de ce moment-là, mft!Boebmvt“t!tf!uspvwfsbjfou!upvkpvst!vof!qbsfou! bwfd! rvfmrvf! mjhof! psjfoubmfÒ! qsftujhf! pcmjhf-; c’est ainsi que lorsqu’ils se mettent à écrire l’histoire d’al-Andalus, tout s’enracinera en Orient. C’est pour tout cela, non pas à cause de rapts fantasmagoriques plusieurs siècles avant. § 5. Le plus important c’est qu’il est en train de se créer le même système culturel que le vieux procédé de l’essai et de l’erreur: ce qui vaut du passé ou du voisin, s’adaptera. C’est ainsi: l’Islãm civilisateur ce n’est pas un tourbillon conduit depuis les sables du désert arabe. C’est une synthèse; et si al-Andalus adapte— islamise— à travers de sa, déjà, profonde arabisation—, il le fait par l’aptitude des institutions, modes, genres et le reste. Non pas par dépendance politique ou reflet pavlovien religieux. Cette Bagdad— et l’État qui l’entoure— ne fut pas le fruit d’un jour, ni des trois califes cités— qu’à propos, ne sont pas corrélatifs, mais seulement comme orientation— qui étaient de simples représentants religieux. De même Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 4:2 que d’innombrables intellectuels, fonctionnaires et juristes, lisaient dans le ciel de la péninsule Arabique comment réaliser la gestion d’un État. L’œuvre civilisatrice de ce monde en développement, exportée à al-Andalus— et d’ici en Europe, fut — nous le disons— fruit de la maturité synthétisée des deux empires sur lesquels s’éleva l’Islãm— à nouveau: Byzance et la Perse. Et nous insistons: toute cette œuvre passa à l’Europe filtrée par le besoin européen de profiter de la situation favorable de l’époque. Et cette situation favorable venait de l’Orient. Ce sera, en bloc éthéré, le combustible culturel dont disposera l’Europe dans ses premières renaissances, non pas le potin de mÖisjubhf!hsdp.mbujo!dpotfsw!‰!usbwfst!mft!usbevd. ujpot!bsbcft!fu!wfst!fo!mbujo!ebot!mքdpmf!eft!Usbevdufvst!ef! Upmef/ C’est une offense à l’Islãm— et à la propre intelligence— de continuer à ressasser le cliché d’bm.Boebmvt!dpnnf!joufsnejbjsf/ Absolument pas: al-Andalus comme cime culturelle du monde, à la hauteur de l’Islãm oriental. § 6. Pour commencer avec quelque chose paradigmatique dans cette tentative de compréhension de ce qui est andalusí à travers de ce qui vient d’Orient, nous devons détacher en première instance le désir ardent d’arabisation. Si les courtisans andalusís et abbãssides du début— secrétaires et juristes, bureaucratie et gardiens censeurs— partageaient tel désir pour s’arabiser, c’est parce que ce n’était pas leur langue maternelle, pour nommer ceci d’une certaine façon. Nous insistons: nous parlons du début, quand sont créés les cours modernes de Cordoue et Bagdad. Si à Cordoue les conquis furent les Hispano-romains, à Bagdad ce seront les Perses et les Byzantins. Si à Cordoue se trouvaient les postchrétiens et les juifs, à Bagdad ce seront les mêmes, plus ceux qui viennent d’une autre grande religion du Livre pour l’islãm: les mazdéens perses. Tous ces néo-Arabes s’appliqueront à la rédaction, à la pensée et au développement d’une nouvelle culture. C’est-à-dire: toujours la même, mais cette fois en arabe. La fureur du néophyte a toujours plus de force que le frein du vieux. La chose venait de loin: dans cette— déjà lointaine— révolution d’Abd al-Mãlik au tout début des années 700, quand le calife était encore un Omeyyade et la force initiale de l’Islãm était encore hellénisée à Damas, l’on avait imposé l’arabe comme langue officielle. 4:3! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou En fait, comme langue omniprésente: les dignitaires byzantins portaient sur leurs habits de soie des motifs calligraphiques arabes. Parce qu’ils étaient tissés à Damas, et le calife avait imposé que les artisans du Ujsb{— l’industrie textile que nous commentions dans al-Andalus et sur laquelle nous reviendrons— cessassent d’imprimer des motifs en grec. Il y avait un orgueil préalable pour ce qui était arabe; une langue que l’on ne comprenait pas encore tout à fait, et encore moins par le monde. Mais quand ce qui est araboislamique commence à monter vers l’actuel Irak— nous insistons: brise-lame de l’affrontement séculaire entre Byzance et la Perse—, l’arabe se coudoiera avec le grec dans toutes les branches. § 7. Une de ces branches avait été essentielle dans le développement de l’Islãm à partir de ce que nous expliquions— bien longtemps avant—: l’islãm comme magnifique synthèse minimaliste et omni-compréhensive de tant de courant postchrétien, des impositions dogmatiques jusqu’aux extrêmes les plus hérétiques. L’arabisation et continuation— déjà islamique— de toutes ces discussions byzantines s’appelle kalam. En fait, le terme nous renvoie autant à la théologie spéculative de l’Islãm qu’au concept vedette des affrontements théologiques chrétiens: la parole.179 Dans l’Islãm, la Parole sera toujours exprimée avec une majuscule— c’est une façon de parler—, car elle nous renvoie autant à la Parole de Dieu exprimée dans son Livre qu’à la Raison. Nous observons que si nous l’exprimons tel que nous venons de le faire, cela ressemble à une discussion byzantine— la Parole de Dieu exprimée dans son Livre. Mais si nous disons la même chose en utilisant des termes arabes et des concepts étiquetés comme islamiques— mb!Lbmjnbuv!Bmmbi!eftdfo. evf!ebot!mf!Dpsbo—, nous finissons par penser qu’il s’agit d’une autre thématique différente. Dans la pratique, ceci est exactement ce qui arriva au Moyen-Orient, et d’une manière paradigmatique pendant l’apogée abbãsside. Nous nous permettons d’avancer brièvement un peu plus pour percevoir avec une plus grande rigueur ce qu’il va arriver réellement 179 En réalité-!lbmbn est plus générique que parole. Cette dernière serait lbmjnb/ Mais lbmbn renferme autant le concept textuel du Verbe— action créatrice essence motrice— que le processus de discussion essentiel dans les diatribes théologiques. Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 4:4 dans al-Andalus avec l’Islãm, et non pas une cavalerie miraculeuse apocalyptique. Quand ce Saint Jean Damascène combattait l’is. tjf!ef!mÖjtmŒn— car, nous insistons, il ne la percevait pas comme une religion différente—, le débat social avec la parure théologique allait par des méandres à savoir: tj!mb!Qbspmf!ef!Ejfv!gbjtbju! qbsujf!ef!Mvj!pv!tÖJm!mÖbwbju!dsf!pour transmettre sa volonté. Aujourd’hui nous pouvons penser que c’est un galimatias, mais— en fait— la question contient en elle-même le mur moyennant quoi les dogmes chrétiens et islamiques se barricaderont en deux flancs opposés. D’accord donc: Saint jean Damascène opinait que le Kalam— la Parole— était la Raison. Et à mesure que s’intensifie l’argumentation théologique, ceux qui s’occupent du Kalam— en arabe, appelés nvublbmmjn“ft— s’occuperont donc aussi de la Raison. § 8. De cette façon, naît la Philosophie islamique émanée de la fertile, confuse et multiséculaire Philosophie grecque. Elle ne naissait pas à Médine ou à La Mecque, berceaux de la religion islamique— si nous admettons que le berceau du christianisme fût Bethléem ou Nazareth—, mais plutôt autour de ce qui constituait la matrice de la pensée qu’aujourd’hui nous considérons occidentale. Telle pensée, surtout à l’époque qui nous occupe, se décanterait en deux niveaux différenciés à ce moment-là: la normativité islamique— autour des écoles juridiques des maîtres de Médine, avec un intérêt spécial pour al-Andalus dans le sillage de Mãlik, déjà traité— et la Philosophie comme telle, difficilement séparable alors de la Théologie— autant dans le cadre chrétien que celui islamique, c’est évident. Si le juridique se bâtissait à Médine, la pensée la plus spéculatrice se tramait à Bassora. Médine face à Bassora et au loin— vers l’Occident— Le Caire, et Kairouan, et Fès et Cordoue. Et à côté de Bassora, Kûfa et Bagdad, et vers l’Orient celles de Khorãsãn, et Samarkand, et Smyrne. Et arrivera Istanbul. Quand T.E. Lawrence composa Mft!tfqu!qjmjfst!ef!mb!tbhfttf, il parlait précisément de cela,180 la concurrence de certaines villes, et comme fruit: la sagesse. 180 Tfwfo!Qjmmbst!pg!Xjtepn, est le titre du livre de Lawrence. Celui-ci fait allusion à sept villes orientales— qui ne coïncident pas exactement avec la liste que nous avons créée—, qui sont en elles-mêmes qjmjfst!ef!tbhfttf; mais cela ne veut pas dire que ce soit les seules. C’est l’idée que nous proposons: la ville comme véhicule indispensable de l’Islãm civilisateur; toujours en concurrence. Idée que fera sienne l’Europe de la Renaissance. C’est pour cette raison que 4:5! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Bassora, comme porte vers la synthèse que représentera Bagdad, est essentielle pour dpnqsfoesf!df!rvÖftu!mb!dvmuvsf!jtmbnjrvf! rvj!bssjwf!fu!tf!tfsuju!bwfd!dfmmf!eÖvo!bm.Boebmvt!qsbmbcmf/! L’inspiration juridique de Médine le sera également— nous le disions-; si dans les villes chrétiennes du nord péninsulaire il y aura des difgt!ev!nbsdi (zabazoque)— qu’il y en aura, même si le temps aura élagué les terminologies—, ce sera parce qu’autour de l’implantation juridique islamique qu’il va se créer, apparaîtra le besoin de que quelqu’un établisse des normes pour le souk —tvr<!tbijc! bm.{vr;! (zabazoque)-; et du souk andalusí au marché du nord.181 Le concept, le nom, et le propre environnement spéculatif qui les créa tous deux, arrivera à al-Andalus dans ce nouveau devenir oriental. Mais Bassora est très spéciale: la pensée islamique spéculative fait siennes les rues de Bassora au nom d’une fermentation essentielle. L’on parlera de création et de liberté; on lira les traductions des Grecs distillées à travers le syrien. L’on interprète toujours que les musulmans durent se former en théologie spéculative pour combattre les théologiens chrétiens; mais c’est une de tant d’joufsqs. ubujpot!gppufvtft!ef!mÖijtupjsf. Dans la pratique, les mêmes gens parlent des mêmes choses. Mais la langue avait changé. § 9. À la moitié des années 700, un certain Hasan al-Basri — qui signifie celui de Bassora— fleurit dans son interprétation essentiellement islamique de toute la trame de théologiens universels qui enflammaient l’Orient. Subtilement, les grammairiens avaient forgé la langue arabe entre Bassora et Kûfa grâce à la récolte du lexique des bédouins du désert arabe. Ces linguistes— anthropologues— étaient en train de réunir— compilant— la langue de Dieu, donc la fureur de ce néophyte— dont nous parlions— arrivera à obtenir en bref que l’arabe puisse exprimer les plus diverses subtilités de la l’article des traducteurs est psjfoubmjtuf: la manie de que tout ce qui est transcendant vienne toujours -et seulement— d’Orient, c’est condamner ce qui est oriental à of!qbt!sjsf pour nous exprimer d’une certaine façon. En le dénaturalisant, en tout cas. 181 Et vraiment au nord; Felipe Maillo considère que l’inspiration andalusíe est beaucoup plus subtile de ce que nous pourrions penser. La toponymie basque de Medinaveitia, Medinagoitia, et Medinazcoitia, n’admet pas beaucoup de discussion. Le nom du village de Sokoa, non plus, qui viendrait du suq arabe, du souk. Voir son livre cité Ef!mb!eftbqbsjdj˜o!ef!Bm!èoebmvt- page 49. Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 4:6 pensée et de la culture. Si nous y ajoutons l’iconoclastie islamique et la profusion artistique avec des motifs calligraphiques arabes, nous arriverons à nous faire une idée de comment l’orgueil arabiste put substituer d’une façon si frappante le grec en Orient ou le latin tardif en Occident. Il est symptomatique qu’il ne remplaça pas le perse en Iran, et cela en dit long sur niveau culturel de ce milieu, de même que la frénétique assimilation en arabe de tel niveau culturel. Sous peine de se convertir en conquérants conquis. Et il en est ainsi; une grande partie de la belle étrangeté qui orientalise ce qui est arabe, provient du fait que les Abbãssides au fond d’eux-mêmes étaient Perses. Le stéréotype orientaliste des Mille et Une Nuits, disions-nous, est, au début, si lointain de ce qui est arabe, que de ce qui est carolingien, pour exagérer un peu. De Bassora à Bagdad; dans la compilation en arabe de l’énorme parure culturelle islamique, surgissant ce que l’on appelle les nvÖub. {jmjuftÒ les sbjtpoofvst hétérodoxes—, et les hérétiques. Surgissaient l’appareil dogmatique et les limites; toute la diatribe déjà en arabe, et complètement au sein de l’Islãm, qui depuis ces années 300— et en grec— avait forcé l’éclosion du proto-islam comme idéologie de masses mécontentes du byzantinisme. À l’époque qui nous concerne maintenant— aux environs des années 800—, il y avait en Irak des églises manichéennes organisées qui défendaient le dualisme, il y avait des mazdéens, et— enfin— Bagdad devra agir comme le fit à un moment donné Constantinople. L’on persécuta les {joe•rt mot perse qui signifie agitateurs de dogmes— spécialement envers les manichéens qui s’opposaient à la religion perse officielle, le zoroastrisme. § 10. Quand le but principal d’un gouvernement est d’ordonner le bien et poursuivre le mal, la pensée s’aiguise. Sous le califat d’alMansûr — mort en 775—, un épitomé de la culture en germe tomba sous l’accusation de {joe•r, Ibn al-Muqaffa — qui réalisa la version arabe des contes indiens de Kalila wa-Dimna. Plus tard, à part les penseurs, succomberaient aussi des poètes sous la pression d’un État militant: l’obscène Bashar Ibn Burd serait également exécuté comme {joe•r. Finalement, en 827, le troisième calife cité, al-Ma’Mûn, instaura la Mihna; l’Inquisition islamique. Dans la lutte pour l’État— et le pouvoir—, les Abbãssides avaient créé un régime d’obscure répression— et sans moins d’attrait pour la création, comme triste 4:7! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou paradoxe—: longtemps après, en 922, mourrait crucifié l’anarchiste al-Hallach, condamné pour avoir proclamé kf!tvjt!mb!wsju! L’on peut comprendre, donc, le chemin d’allées et venues dans la Méditerranée: celui qui eût cherché un certain mpjhofnfou!btfq. ujrvf par rapport à la capitale orientale— Ziryab— pouvait venir à ce coin d’arabité si étranger aux Abbãssides: al-Andalus. Et les Andalusís qui voulaient dpoob•usf!mf!npoef, devaient visiter le NewYork de leur époque: Bagdad. Quel que soit le sens de ces voyages, le devenir oriental d’al-Andalus fut inévitable: l’administration, la vie quotidienne, les lignes de pensée et de création andalusíes dépendront de cette qsfnjsf! sfobjttbodf! fvspqfoof de ce qui s’écrit— en arabe— à la cime culturelle du monde. § 11. La même caste culturelle cordouane des fonctionnaires était une version de l’orientale. Les kuttab de Bagdad imitaient la longue tradition scribe d’une géographie qui avait créé le concept même de l’État: depuis les Égyptiens anciens et leurs scribes— pour ne pas remonter aux mandarins chinois, beaucoup plus vers l’Orient—, tout état qui se respectait avait créé une telle caste. Et la cordouane saura en faire une version— nous le voyions— dans les mêmes termes et dans sa même opposition aux juristes. Parce que le fonctionnaire, en fin de compte, est un professionnel du document, étranger à l’idéologie de l’État. Les fonctionnaires et les politiques commençaient un combat inachevé dans les couloirs des organes de gestion. Le libu•c — secrétaire, fonctionnaire—, recevrait toujours la visite de l’endoctrinement du juriste, et entre eux naissait une opposition créative. En dehors du palais, le bagage culturel arabe comptait déjà avec des sources d’inspiration. En matière religieuse, le Coran circulait déjà par écrit, de même que les textes essentiels de la Tradition islamique, telles que les recensions des hadiths— traditions— comme la biographie du Prophète, spécialement la Tjsb d’Ibn Ishaq— mort en 767— éditée par Ibn Hisham (mort en 834). En matière juridique, les textes des différentes écoles inspiraient les juges, en particulier— nous le voyions— ceux du dpvsbou! nbmljuf. En matière strictement littéraire, les deux grands collectionneurs et collecteurs de textes arabes produisaient déjà leurs anthologies essentielles en Orient: les œuvres homonymes d’Bcv!Ubnnbn (mort en 845) et bm.Cviuvs•!(mort en 887), ayant comme titre IbnŒtb. En Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 4:8 868 mourait le polygraphe de Bassora bm.Zbij{, artisan de la prose arabe et homme de génie de la sfobjttbodf! qui dans son intérêt universel laissa en héritage des textes essentiels comme le Mjwsf! eft! bwbsft et le Mjwsf! eft! bojnbvy/ Et le personnage comparable que fut Jco!Rvubzcb!(mort en 889)!qui générait les premiers traités d’éducation du courtisan, un genre nommé Bebc — éducation-; thème dont le traitement dans les futures cours européennes de la renaissance— tant andalusíes comme celles du nord, ef!Jco! bmÒ Libu•c! kvtrv։! Cbmuib{bs! ef! Dbtujhmjpof— atteindra une apogée identique. § 12. Il est évident que l’Islãm n’était pas une mode religieuse révolutionnaire et vacante, mais plutôt un milieu culturel insaisissable pour les étrangers à la langue de cette époque, l’arabe codifié dans les académies de Kûfa et Bassora— dont les procédés d’étude synthétique et analytique seraient ensuite réunis à Bagdad. Un Iranien de Bassora, Sîbawayhi, générait pendant ces années 800 le Livre par excellence en matière de grammaire arabe Mf! Mjwsf! ef! T•cbxbzij— c’est ainsi qu’on le connait—, établissait dans son index la thématique que suivront tous les grammairiens arabes des temps qui suivront. Finalement, en matière historique, le pionnier Tabari (839-923) offrirait son Ubsjk; l’histoire par excellence pendant laquelle tout s’arabise: depuis les traditions iraniennes jusqu’aux légendes gréco-latines des plus détaillées. À partir de maintenant, il sera très difficile de proposer un passé classique non arabe, vu que l’Orient se sent en pleine re-naissance des gloires passées. Les temps de gloire culturelle transmise à al-Andalus par le débit abondant de la langue arabe ont un étendard inexcusable dû à l’étatisme de fer de ce calife bm.NbÖNŸo!jm!tÖbhju!ef!mb!qsfnjsf! Vojwfstju!ev!npoef;!mb!Cbzu!bm.IjlnbÒ!mb!Nbjtpo!ev!Tb. wpjs.< dans laquelle fleurit la gestion culturelle de Ivobzo! Jco! Jtibr!(mort en 875). Fils de chrétiens, Ibn Ishaq se compte parmi les sages de la Cbzu!bm.Ijlnb de même que les mathématiciens iraniens les frères CboŸ!NŸtb. Ou mb!qsfnjsf!Bdbenjf!ef!N. efdjof dans laquelle prospérera l’enseignement des nestoriens de la famille Cvkujvtiv/ Au-delà de tout ce labeur culturel, et comme épitomé de cette ambiance d’interprétation du monde surgira le premier grand philosophe arabe: bm.Ljoe•, dont la profession s’appellera précisément gbzmvtvg- pour ne laisser aucun doute sur les 4:9! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou penseurs dont il continuait — non seulement traduisait— l’œuvre: les qijmptpqift grecs. § 13. Si la voie est la langue arabe, le support révolutionnaire serait une invention chinoise développée par les Arabes orientaux de Samarkand et élaborée après avec succès dans la Játiva andalusíe: le papier, dont l’utilisation s’imposa rapidement aux papyrus égyptiens et dont le secret— nous raconte la légende— était passé aux Arabes grâce à des prisonniers chinois après la bataille de Talas en 751. Il est essentiel— pour reprendre cette idée de Lawrence sur les villes et les piliers de la sagesse—, la façon avec laquelle la concurrence entre les villes arabes favorisa la vertigineuse apparition de nombreuses fabriques de papier, de la même manière qu’il se passait avec les tissus: dans l’industrie du Tiraz se spécialiseront par zones, comme c’est le cas de la cordonnerie— qui vient de Cordoue— ou la maroquinerie— dont l’allusion est évidente. De fait, le mot tiraz vient du perse; et depuis dans le milieu iranien jusqu’à l’andalusí proliféreront les établissements artisanaux en dure concurrence entre eux: Bagdad, Juristan, Kairouan, Palerme ou Cordoue et essaieront d’agrandir le cadre de leurs monopoles régionaux. Enfin, dans cet essai allégorique de parfaire le niveau des époques islamiques— d’Orient à Occident, et étranger aux digressions simplement religieuses et politiques—, nous devrions terminer en soulignant encore plus ce que cette innovation a de remarquable: le papier. Parce que tout ce qui va se développer dans al-Andalus— et dans l’Orient arabe islamique— a une relation directe avec cette invention: face au coût élevé du parchemin dans l’Europe chrétienne, le prix du papier provoquera une proto-révolution culturelle pour ce qu’il implique dans la distribution du matériel culturel et— enfin— d’idées. 5/8/3/!Nvibnnbe!J!)963.997* § 1. Ainsi, le fils d’Abd al-Rahmãn II, Muhammad I, montait en 852 sur un trône déjà capital dans la civilisation de tout les temps; déjà en connexion avec l’Orient, déjà en islamisation patente inondant la vie palatine— courtisane— avec une hâte modernisatrice. Dans la structuration de l’État l’on observe des signes de la polémique future: si Abd al-Rahmãn II avait pu assainir les coffres de l’État Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 4:: d’al-Andalus grâce à une politique de monopole commercial, ses successeurs appliqueront la mesure à tout le territoire. Cordoue se convertit alors en une frénétique concession de terres en échange d’une orageuse germination de droits acquis: les seigneuries territoriales, clé de la prospérité andalusíe— pour sa compétitivité évidente—, marqueront l’histoire vers les— encore lointaines— futures Taifas. Ce concept— celui des Taifas— auquel, clairement, l’on ne doit pas craindre: arrive à être un obstacle dans l’historiologie— en particulier dans les interprétations du fait andalusí— la perception du parcellement comme un échec, associée au mythe— ijtupsjrvf. gppucbmmjtujrvf du succès de la fermeture, de l’unification, de l’esprit de corps. Les Taifas, dans ce sens interprétatif, ne se contempleront pas plus que comme un démembrement réducteur de quelque chose d’idyllique centralisé. Ne pourrait-on pas concevoir la période des Taifas— au contraire— comme prospère etbtusf! shjpobmjtuf patent dans les zones fertiles italiennes de la Renaissance? Que sont-elles — sinon Taifas— Florence, Venise ou Gènes? Ne se produisit-il pas dans les Taifas une renaissance compétitive très similaire? N’est-ce pas, précisément, la tendance générale de l’Europe?182 Bien entendu, nous reviendrons là-dessus. Pour le moment, restons dans Cordoue comme concessionnaire des droits seigneuriaux. Ces lvuubc — fonctionnaires— avec leur tjzzjm— les tdfbvy, qui proviennent du tjhjmvn latin— donneraient une forme à la capitale métropolitaine. § 2. Dans le tourbillon de digression sur le fait andalusí— et concrètement sur les extrêmes que nous traitons—, la plus grande partie des auteurs rejette le qualificatif de féodal pour ce genre de sociétés et régimes, un étiquetage que nous avions déjà utilisé par manque d’option plus explicative. En réalité, il s’agit d’un problème termi182 Voir dans ce sens, le magnifique essai de Félix Duque, Mft!cpot!fvsp. qfot/ Oviedo: Nobel, 2003. Duque perçoit la prospérité européenne dans la mvuuf!eft!dpousbjsft, le besoin de s’imposer face à la concurrence des futurs états. Dans la pratique, ce n’est pas autre chose que ce que nous avancions comme succès de la civilisation islamique. Et pour que cela serve d’exemple citons la concurrence textile: dans chaque grande ville il y eut un monopole prospère de ujsb{, ceci indiquerait-il une paisible soumission religieuse— impérialiste, ou— précisément— une prospérité dans la diversité compétitive? 511! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou nologique qui n’est pas tellement intéressant; retenons seulement l’appréciation généraliste de que la société andalusíe se structurait grâce à des impôts qui terminaient dans les coffres cordouans. Entre le payeur et l’émir intervenaient différents personnages au nom des concessions territoriales octroyées par l’État à certains seigneurs qui percevaient les impôts. À partir de là, nous pouvons l’appeler x, mais le sens pratique nous dicte que l’on peut laisser tomber peut-être le mot féodal et réussir ainsi à ce que— au moins pour une fois— le lecteur des thèmes andalusís ne se disloque pas en regardant vers La Mecque. Ce serait ce que l’on peut obtenir avec une exceptionnalité si confuse. D’autre part, elles seraient mft!uspjt!qsjodjqbmft!dbsbdusjtuj. rvft!ef!mքubu!boebmvt“!epou!opvt!opvt!pddvqpot;!mft!usjcvut-! mf!dpnnfsdf!fu!df!rvf!opvt!bwpot!usbju!bv!tvkfu!ev!sšmf!eft! wjmmft/!Tous contribuaient à la dépense publique, la base de l’enrichissement étant le commerce, et la structuration urbaine— probablement comme l’entourage du souk— convertissant al-Andalus en une société à deux temps, dans lesquels la campagne et la ville recevraient des changements à un rythme différent. Développant les affirmations antérieures mais à l’envers, ce que l’on a nommé le nfejofp! (promenade dans la ville)! était le bras de fer d’al-Andalus. Les milieux urbains, de la rbszb— village— jusqu’à la nej. ob— ville— se succédaient en se différenciant en proportion— par nombre d’habitants— et tqdjbmjtbujpo: un village autour d’un bastion défensif— rbmbb!ou ijto, d’où proviennent tant de toponymes comme les bmdbmb et les b{obm… —, ne pouvait pas être pareil qu’un autre éminemment agricole— ou un milieu portuaire. En général, la grande ville attirait le capital, et il se produisait une spécialisation agricole caractéristique: celle des rentiers absents; le propriétaire foncier qui ne vivait pas dans sa propriété. § 3. Dans ces villes de rentiers et fonctionnaires il y avait deux éléments clairement différenciateurs par rapport au village et à la campagne en général: premièrement, la profusion d’ulémas et juristes; ceux-là dénonciateurs, ceux-ci comme groupe de pression, d’une certaine façon commissaires politiques d’un état d’opinion éthéré au-dessus — et autour— de l’État. En second lieu, les services. La médina est la ville— comme le bourg— pour ce qu’elle offre. C’est son effet centripète qui produit un besoin d’être— une corpo- Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 512 ration— et vivre. En revanche, dans ce sens— vivre dans la ville— la maison andalusíe ne sera pas non plus spécifiquement une rupture par rapport à un passé lointain ibérique. Nous continuons d’avoir de sérieux problèmes pour distinguer la ville islamique de celle qui est romaine, comme il nous arrive en matière anatomique. Nous devons tenir compte que la maison andalusíe se vante d’une contestation sur le stéréotype: le prétendu grégarisme islamique. Le zèle familial, l’jousjfvs!ef!mb!nbjtpo- est en tout moment un exemple d’une claire vérité révolutionnaire islamique que l’on n’a pas su interpréter: la défense à outrance de la propriété privée. L’Vnnb, le sens de collectivité islamique, of!tÖjotubvsf!qbt!qpvs! rvf! mft! hfot! oÖbjfou! sjfo-! nbjt! cjfo! qmvušu! qpvs! rvf! upvt! bjfou!rvfmrvf!diptf/!Sans que cela veuille impliquer que la maison andalusí provienne de commandements coraniques— comme l’on prétend de tout ce qui est relatif à l’andalusí ou l’islamique en général—, il est cependant cohérent que le mode de vie et la source culturelle pointent dans la même direction. § 4. En lignes générales, donc, si quelque chose unifiait les Andalusís c’était, précisément, leur contribution à la dépense publique. C’est-à-dire, il s’agissait d’un État tributaire dans lequel la diversification des impôts assurait qu’il n’y avait aucun groupe ou activité dont la prospérité n’aboutisse en bénéfice de l’État. Proposer que depuis très tôt se produisît la perception des impôts religieux est rigoureuse, mais limiter cette perception à la sphère de la religion est un peu simple. Depuis les impôts sur les ventes— TVA— et autres impôts commerciaux, ou les dérivés de concession de l’État, jusqu’à la panoplie des paiements obligatoires pour appartenir à des communautés déterminées ou par statut, l’exubérance andalusíe des perceptions finirait par créer un empire à l’intérieur de l’État: ceux des lvuubc! administrateur de la Zjcbza; l’ensemble diversifié des entrées fiscales. Pour le dire d’une autre façon: il est certain que les chrétiens payaient l’impôt dû à leur groupe spécial— le groupe de la ejnnb, terme celui-ci — le ejnn“ft— beaucoup plus correct que celui de mozarabes. Mais cela représentait seulement un plus. Si nous avons traité quelque chose sur le commerce, il faut souligner que non seulement la balance commerciale s’équilibrait à l’actif de l’État grâce à l’échange de produits andalusís; le commerce extérieur à l’époque de Muhammad I— ou approximativement à 513! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou partir du méridien de 850— était supérieur à ce qui était produit à l’intérieur, incluses les tâches compliquées de finition et— évidemment— de transport. L’or africain, les fourrures européennes, les épices, les esclaves, les tissus…; entre la frappe de l’Hôtel de la monnaie andalusíe, transformation ou— dans le cas des esclaves— castration et vente, le produit des transactions complique les lectures simplettes d’al-Andalus comme liste de batailles ornées en une guerre sainte. La manière avec laquelle nous avons fait allusion à la tragédie du trafic d’esclaves ne doit pas être prise pour une abstraction frivole: malheureusement, l’Islam hérita de Byzance la castration barbare des esclaves destinés à son service comme eunuques. Et des centres andalusís— comme la ville de Lucena—, se spécialiseront bientôt en une telle sauvage préparation. Nous ferons seulement allusion, comme lecture collatérale à ceci: le trafic de ces pauvres gens, depuis leur captation au cœur de l’Afrique ou leur arrivée depuis l’Europe— les esclaves— réclamait un réseau complexe de transport. À la fin, le transport et la transformation des matières premières finira par jotubvsfs!ebot!bm.Boebmvt une économie wsbjnfou!dpmpojbmf/ § 5. De toute façon, la structuration andalusíe passait non seulement par les concessions territoriales et les tributs, mais aussi par des excisions risquées alimentées par le fleuve turbulent identitaire, qui étaient favorisées par la géographie. Dans ce sens, Muhammad I dut hériter la circonstance d’un certain régionalisme alternatif aux concessions de l’État: à partir de l’an 868 devenait patente l’indépendance déjà citée du Galicien— Ibn Yilliqi— dans la zone de Mérida, avec l’appui conséquent du roi des Asturies Alphonse III (791-842). Les partisans du Galicien, ne se mettrons pas à la disposition de Cordoue avant 930. Mais, malgré cela, la plus grande contestation au pouvoir cordouan se produisit à Ronda, pour ce que nous avions déjà commenté au sujet de la montagne contre la plaine métropolitaine: fo!991!Pnbs!Cfo!IbgtŸo!organisait à Bobastro— Malaga— une véritable sécession. Le fond de la question: la montagne ne voulait pas être une concession. Au fond, Ben Hafsûn conçut— comme interprète précoce— que la religion est un grave véhicule de militance: comme signe de claire insoumission à l’indéniable capitale islamique qu’était déjà Cordoue, l’insurgé de Bobastro déclara qu’il Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 514 embrassait le christianisme, dibohfb!tpo!qsopn!qpvs!dfmvj!ef! Tbnvfm-!construisit une cathédrale dans son fief irrédent, et se mit à la disposition des ennemis de Cordoue. Curieusement, non pas les chrétiens du nord mais des Maghrébins. § 6. Comme à la base de toute rébellion il y a toujours des esto- macs vides, probablement devons-nous le soulèvement de Bobastro comme une narration séquentielle après deux graves disettes dues à des désastres dans les récoltes. Pendant que Cordoue se décorait et se terminaient les travaux de la Mosquée Aljama commencés par Abd al-Rahman II, certaines campagnes ne pouvaient supporter les impôts. Concrètement, la famine de 874 dut être si grave que l’émir accepta de ne pas percevoir la dîme cette année-là. Il est possible que ce ne fût pas suffisant, ou que ceci n’arrivât pas à temps. Le fait est que la révolte de Bobastro— dans les montagnes de Malaga— est la deuxième grande influence morisque d’al-Andalus, après celle des chrétiens cordouans et préalable à la dernière post-andalusíe. Nous choisissons le terme sciemment: dans les trois cas, il n’y a rien de religieux ou identitaire préalable. La clé est toujours l’insoumission à un régime aliénant— ou perçu comme aliénateur—, parée de spécificité. Sa relecture idéologique est autre chose. Menéndez y Pelayo appelle Omar Ben Hafsûn le Qfmbzp!ef!Boebmvd“b183 dans le courant classique d’hypertrophie légendaire qui, souvent, fait plus de tort à ce qui est corporatif et tribal qu’à ce qui est strictement erroné dans l’interprétation. 5/8/4/!Nvmbe“ft!fu!cbmbe“ft – Al-Mundir (886-888) – Abdala (888-912) § 1. Nous verrons, en tout cas, la récolte d’Omar Ben Hafsûn— Samuel— lorsqu’arrive la période d’Abd al-Rahmãn III— 912— et l’instauration postérieure du califat. Vu que— pour le moment— aux émirs cordouans il leur revint le sort d’essayer de dévier le regard de l’enkystement montagnard qui arrivera à frapper al-Andalus avec 183 Menéndez y Pelayo, Ijtupsjb!ef!ifufspepypt…, I, page 648. 515! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou la force d’une guerre civile larvée; quoique le sort des deux émirs sera— comme nous le verrons— intimement lié avec la révolte de la montagne de Malaga. À cause de cette situation, lorsque ceci se rapproche, l’on a l’habitude de le rapprocher à une quasi ßuob; terme arabe qui désigne la lutte fratricide/ Parce que, dans la pratique, en parlant d’Omar Ben Hafsûn il s’agit de cela, de même que dans le cas de l’indépendantisme du Galicien. Pour le moment, pour ces émirs de transition— al-Mundir (886-888), et Abdala (888-912)—, la crise institutionnelle provoquée par celui que les chroniques castillanes voulurent appeler le troisième roi de l’Hispanie, était beaucoup plus urgente; le comparant de cette manière avec l’émir omeyyade et le roi des Asturies. Il s’agit de Nvtb!Cfo!Nvtb, le chef des Cfoj!Dbtj!ef!Tbsbhpttf, dont les successeurs maintinrent l’animadversion invétérée du clan vis-à-vis de Cordoue. En réalité, les Beni Casi sont un curieux exemple de la diversité andalusíe. Héritiers d’un temporisateur précoce avec le régime— ce Casio lointain— son bras de fer permanent avec Cordoue est allé toujours au-delà de ce qui est simplement économique ou légitimiste. Les Beni Casi étaient, purement et simplement, bénéficiaires d’une indépendance ef!gbdup qui n’excluait pas des alliances occasionnelles: en certaines situations avec Cordoue, d’autres avec les Asturiens et ceux de Léon de Ordoño (850-866), ou— en tout cas— finalement contre l’expansionnisme simultané de tous ces deux régions. § 2. Déjà à l’époque d’Abd al-Rahmãn II, les Beni Casi avaient colla- boré avec le régime omeyyade pour combattre— par exemple— les Normands. Mais l’irrédentisme ne passait pas par des alliances de longue durée. Aux environs de 850, Musa ben Musa avait réussit à avoir un certain prestige face aux Asturiens et ceux de Léon, ainsi qu’une reconnaissance notable de la part de Cordoue après sa victoire à Barcelone, grâce à laquelle les Beni Casi avaient obtenu un grand butin. Grossit et riche, Musa ben Musa décida— en 856— d’institutionnaliser son ascendant régional construisant une forteresse à Albelda, près de Logroño. C’était à l’époque du troisième roi de l’Hispanie. Mais ni le second ni le premier s’inclinèrent devant lui et il n’y eut aucune reconnaissance en due forme. Comme l’on peut comprendre ce qui est vraiment essentiel dans l’indépendance des Beni Casi c’est le contrôle de l’Èbre; une chose à laquelle al- Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 516 laient difficilement renoncer les seigneurs du clan, ni les autres rois de l’Hispanie non plus. Il est intéressant de souligner la manière avec laquelle tous deux— Ordoño I depuis les Asturies et l’émir Muhammad I depuis al-Andalus, ainsi que son successeur auraient des réactions bien différentes. Dans la pratique, tous deux combattaient contre l’aspirant. En théorie, le mode de vacance du nord contraste avec le jeu stratégique larvé de la cour cordouane plus expérimentée. Ordoño I réunit une armée, détruisit Albelda, réussit la vassalité du fils de Musa— appelé Lope—, et le célèbre qsf.uspjtjnf.spj mourut finalement à la suite d’un combat à Guadalajara, en essayant de recomposer— mais sans succès— ses gloires passées. L’on était en l’an 862. En principe, Cordoue ne participa pas dans la campagne, mais elle profiterait du mouvement des Asturiens et ceux de Léon pour consolider la poussée stratégique cordouane jusqu’à la Vallée de l’Èbre. Si dans les régimes de concessions une pratique efficace était la rébellion contre Cordoue— et jouer avec le sort de que d’autres problèmes déviassent l’attention de l’émir—, il n’en était pas moins efficace— pour les autochtones de la Vallée de L’Èbre— ef tf!sfcfmmfs!dpousf!mf!sfcfmmf. § 3. Autour de Saragosse, l’émirat dut envoyer une paire d’expédi- tions de châtiments comme simple démonstration de force, pour pouvoir agir après en pleine connaissance de la politique universelle: pour en finir avec les Beni Casi, le mieux était d’obtenir l’appui d’un clan rival, comme ce fut le cas des Tuyibíes, futurs seigneurs de la Vallée de l’Èbre comme concession cordouane, Même si elle fut bien fragile et spécifique. À la fin aux Beni Casi leur était échu al-Mundir: les fils de Musa Ben Musa— Lope et Fortuné cités précédemment, pour ne pas laisser de doute sur leur descendance—, se relayeront dans les divers soulèvements de 884 jusqu’à 890, époque à laquelle les Tuyibíes, l’on peut dire consolidèrent leur pouvoir à Saragosse. Pour le reste, l’émirat d’al-Mundir (886-888) ne peut pas se contempler comme une brève période de transition préalable à la transition réelle, non pas tant pour l’efficacité ou non de sa gestion— d’autre part de continuité— mais plutôt selon la logique imposée par le caractère péremptoire de la vie humaine: son émirat dura deux ans. Et la transition réelle dans laquelle aboutit le pas- 517! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou sage éphémère d’al-Mundir, sera la période critique volée face à mÖjowjubcmf!cftpjo!eÖvo!dbmjgbu. Il y a une scène qui se répète! dans les chroniques arabes de l’époque dont la force symbolique est éclaircissante, même si elle ne résiste pas à un fort examen scientifique. Mais l’on sait que tf!opo!!wfsp-!!cfo!uspwbup. § 4. La scène se situe dans l’année 888. L’émir al-Mundir a continué la tendance vitale qu’il suivait depuis qu’il était prince héritier: galopades de Saragosse à Badajoz essayant d’imposer le poids spécifique d’al-Andalus. Dans les deux ans qui séparent son intronisation— 886— et sa mort, le bruit de la déstructuration patente andalusíe ne permet même pas d’entendre le susurrement de prospérité qui non seulement persiste dans ce siècle ascendant de l’Islãm ibérique, mais qui augmente. Almería— comme exemple de prospérité—, n’est plus une simple tour de vigie du port de Pechina elle renforce maintenant les digues orientales toujours trop faibles, signal évident de santé économique: les arrimeurs ne cessent pas leur travail d’importation. Al-Mundir Le Bref ordonna la construction de dépendances spéciales dans la mosquée de Cordoue pour garder le trésor destiné à ce que l’on appelle les fondations pieuses; les œuvres d’intérêt public financées par la charité. Les juristes rayonnent de joie. Les choses étant ainsi, se déroule un évènement très particulier: l’émir étant mort subitement, l’on doit transporter son corps à la capitale, et le cortège devra traverser des zones orientales montagneuses. Le frère de l’émir et héritier, le prince Abdala (888-912), fils et frère d’émir ainsi qu’aïeul de calife, devra demander la permission au rebelle Omar Ben Hafsûn pour transporter le corps sans vie de son frère. Le rebelle lui concède le permis si l’on procède avec humilité; si un petit cortège avance sans débordement. Ainsi, Cruz Hernández régisseur de la scène que nous contemplons, la termine avec une fin ouverte et fondue: 26!ef!tbgbs!ef!386Ò!rvjwbmfou!‰! mb!ebuf!disujfoof!ev!3:!kvjo!999/!Mb!tpmjuvef!ef!m֏njs!Bcebmb! efssjsf!mf!dbebwsf!ef!tpo!gssf!fo!ejsfdujpo!ef!mb!dpvs!dps. epvbof!gvu!vo!qstbhf!ef!df!rvj!bmmbju!tf!qbttfs!qfoebou!tpo! shof.184 184 Miguel Cruz Hernández, Fm!Jtmbn!ef!Bm!èoebmvt/!Ijtupsjb!z!ftusvduvsb! ef!tv!sfbmjebe!tpdjbm. Madrid: AECI, 1992, page 116. En tant qu’éclaircissement, Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 518 § 5. La scène, malgré tout, se dépeint peut-être d’une façon quelque peu bucolique par rapport à ce qu’il dut se passer en réalité. Les mauvaises langues racontent que la mort soudaine d’al-Mundir — la nuit suivante à l’arrivée de son frère au campement—, ne fut en rien fortuite: il se peut que son frère Abdala eût pacté des relations concrètes avec Omar Ben Hafsûn et décidassent tous deux d’éliminer le dernier écueil— c’est-à dire l’émir—, en l’empoisonnant. Non pas en vain, car, à partir du moment où il fut nommé émir, Abdala, concédait à Ben Hafsûn le domaine— comme nomination de ub. tzje— d’une grande partie de la province de Malaga— Reyyo. C’est pour cette raison que nous disions que le sort de Ben Hafsûn et celui des émirs de transition s’étaient entrelacés. La mort d’al-Mundir avec le transport de son corps suivit par l’héritier pressé, avait été— en réalité— la deuxième coïncidence: en effet la première est qu’une grande partie de la légende de Ben Hafsûn provenait, précisément, de l’époque où al-Mundir n’était que le prince héritier et combattait le rebelle de Malaga. À cause de la nouvelle de la mort de son père Muhammad I— arrivée à al-Mundir en pleine campagne, il dut lever le siège fait à Ben Hafsûn pour prendre possession de sa nouvelle charge, d’où l’on interpréta, dans la montagne, que les troupes cordouanes se rendaient. En tout cas, que c’était-il passé depuis Abd al-Rahmãn II, la période de ce devenir oriental prospère andalusí qui— d’autre part— ne reculait pas? Sommes-nous face à la décadence de quelque chose? Évidemment, dans la lecture de Gibbon de l’histoire il paraîtrait que oui. Partant— comme nous le disions— de qu’il y en a qui définissent la santé comme cswf!qsjpef!ef!usbotjujpo!fousf! efvy! nbmbejft<! qsjpef! rvj! oÖbvhvsf! sjfo! ef! cpo<! en ces termes, il est théoriquement évident que la déstructuration andalusí à l’époque des derniers émirs suppose une chute. Mais dans la pratique, l’histoire nous enseigne que les crises son!mft!tvddt!fo!ufovf! ef!dpswf: rien ne meure, mais tout passe par une transformation permanente. En fin de compte, l’histoire— la vie?— ne serait rien de il faut indiquer la chose suivante: de Cruz Hernández il faut lire tout ce qui nous tombe sous la main. Un peu de Cruz Hernández chaque matin est le meilleur traitement pour conserver l’asepsie nécessaire dans une ambiance interprétative surchargée qui nous menace; celle des invités à des réunions littéraires de best-sellers, nécromanciens affligés d’incontinence lexique. 519! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou plus qu’une séquence ininterrompue de principes.185 Pour l’historiologie— vu avec une certaine perspective-; ebot!dfu!bm.Boebmvt! sjfo!of!sfupncbju;!mÖpo!sdmbnbju!tjnqmfnfou!mf!dbmjgbu/ § 6. Mais, même si l’on fait abstraction de la perspective commode du futur connu, la section transversale de cet al-Andalus ne se contredit pas. Car, à cause d’une coupure synchronique, al-Andalus était en train de souffrir une nouvelle fièvre de croissance. Et c’est ainsi; aucun conflit ouvert ne renvoie à des besoins de régénérer la société— toujours taxidermistes— ceci est purement et simplement nécrophilie. Dans le tourbillon vertigineux qui a recours aux deux Espagnes pour nous fouetter— et permettez-nous la cpvubef,186 non pas d’une façon idéologique, mais suivant les indicateurs géographiques—, ce que l’on était en train de subir ce n’était ni plus ni moins qu’une autre scarlatine d’expropriation sociale. Dans al-Andalus, il fallait fermer la brèche ouverte entre ce que l’on appelait les muladíes et les baladíes, dont la traduction a été déjà faite mais qui— à effets pratiques— est une avance pavlovienne de l’illustre friction entre vieux et nouveaux que supportera la même géographie peu après. Et ce ne sera pas la dernière: ftqb—pmjup!rvf!wjfoft! bm!nvoep!uf!hvbsef!Ejpt<!vob!ef!mbt!ept!Ftqb—bt!ib!ef!ifmbsuf! fm!dpsb{˜o,187 mentionnera Antonio Machado. Dans une certaine mesure le diagnostique de ces deux al-Andalus est réussit, lorsque les auteurs proclament une certaine généralisation de la situation ßuob- guerre civile. Pas tellement— bien qu’elle existe— entre la capitale et les périphéries, mais beaucoup plus profonde en ce qui concerne les rivalités dans chaque ville, entre les groupes, couches soumises de façon tellurique à une idéologie. C’est de cette manière que nous devons affronter la crise dont nous avons fait mention entre muladíes et baladíes. De façon tellurique— nous insistons—, cbmbe“!impliquerait dfvy!eÖjdj— vieux musulman— et nvmbe“ est comme dpowfsuj, arrivé récemment. Mais le converti est celui qui s’accroche à une certaine tradition 185 Nous arriverons bientôt à Grégoire de Nicée, illuminateur des historiologues positivistes. 186 En français dans le texte original. 187 Petit Espagnol qui vient au monde que Dieu te garde; une des deux Espagnes va te geler le cœur (N. T.). Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 51: préalable à l’islamisation et même l’arabisation d’al-Andalus, d’où l’on peut souligner deux choses: mf! nvmbe“! tf! tfou! bvttj! dif{! mvj! nbjt! oÖbqqbsufobou! qbt! odfttbjsfnfou! bv! shjnf. En second lieu, quelque chose de plus générique qui s’accomplit toujours comme une constante historiologique: qfstpoof!oÖftu!qmvt! qvsjubjo!rvÖvof!iubjsf!sfqfoujf/ La gvsfvs!kvsjtuf de l’andalusí qui repeint ses blasons avec les lignées arabes orientales s’affrontera au converti récent. Qui, d’autre part, connait aussi la musique. Parce qu’ici personne n’est pas tant du dehors. Le muladí connait la façon avec laquelle le baladí b!sfqfjou!tft!cmbtpot. De là, la ßuob est servie. § 7. C’est pourquoi il y a une erreur de base persistante dans l’interprétation du phénomène muladí— converti récemment—: l’on prétend— plus ou moins— qu’un muladí est celui qui ne se convertit pas à l’islãm dès le début c’est-à-dire vers 711, mais qui se convertit après. Partant de notre interprétation hégélienne— au sujet de la somme des changements quantitatifs cela donne comme résultat un changement qualitatif— qui marque le jour où le prochain converti est déjà muladí, et baladí? Pour le commenter administrativement: combien de convocations il y a-t-il eu? Parce que l’on a l’impression qu’il y eut des premières nominations massives, et une tendance persistante postérieure à l’intérim. Non: sortons de cette nouvelle dépression dans l’interprétation du fait andalusí, car l’histoire ne connait pas de tel lever et baisser de rideau. Maintenons la fervente conviction de qu’en plus de cent ans de changement permanent— qu’est l’histoire sinon?— l’on ne put percevoir aucun point sans retour à partir duquel ceux qui embrasse l’islãm ne seront pas baladíes, mais muladíes. Et maintenir que baladí est le fils de celui qui arrive du dehors c’est revenir à nouveau dans la cavalerie miraculeuse. Ce problème du opvt si hispano— en recrudescence avec les morisques, selon la version américaine—, est à la base des crises préalables au califat— instauré en 929. La réalité est que telle terminologie— muladíes/baladíes— est beaucoup plus intéressante pour ce qu’elle wfvu!ejsf que pour ce qu’elle signifie réellement; plus pour ses connotations que pour ses dénotations: parce que s’appeler cbmbe“!veut dire opvt!wfopot!ev! efipst. Cela implique que c’est la usbejujpo!jtmbnjrvf celle qui marque les modes insérés, quand dans la pratique dÖftu!mb!swpmvujpo! 521! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou jtmbnjrvf!dfmmf!rvj!edjef!ef!df!rvÖftu!mb!usbejujpo: implant oriental perçu comme un opvt!cbmbe“. Nous pourrions étendre la diatribe jusqu’à comprendre comment— en réalité— c’est le muladí celui qui peut se sentir opvt. Mais le long jeu des pronoms personnels— nous le voyons— est tant enraciné dans la géographie— de là à parler de tellurisme—, que nous pouvons seulement signaler les adversaires, et ne pas traiter d’expliquer leur origine. § 8. À effet pratique, les muladíes et les baladíes arrivaient à se différencier par un simple— et profond— aspect: les premiers payaient plus d’impôts que les seconds. La question, donc, est la suivante: est-ce le muladí le paria de la terre, ou se furent les parias de la terre que l’on finit par taxer de muladíes, pour être ainsi digne d’un traitement spécifique? En tout cas, les muladíes insurgés,188 étaient en général plus périphériques, habitaient loin des cercles du pouvoir, bien que beaucoup pussent savourer ses miels: la plus grande partie de ces muladíes étaient urbains, près des fonctionnaires ou artisans; formés, dans de nombreux cas et disposés à faire valoir leurs droits. Malgré que leur propre condition ait pu être— comme nous le voyons— objet de controverse, la question clé pourrait bien être: si nous sommes déjà musulmans, pourquoi devons-nous payer plus? Sous différentes formes, en diverses formulations, la controverse sociale andalusí était— nous le vîmes— compatible avec une certaine— dans un sens indéniable— prospérité. À Séville— par exemple—, le conflit ouvert entre baladíes et muladíes empirait encore plus à cause de la complexité spécifique de la situation: les vieux musulmans s’étaient fondus depuis très tôt avec la noblesse gothe en une formidable et sans histoire survie aristocratique étrangère aux changements de langue ou religion. Ainsi les familles rances— qui se nomment eux-mêmes baladíes— des Cbov!LibmeŸo et les Cbov!Ibdibdi— ces derniers descendants de Wittiza—, s’affrontaient avec les familles des nouveaux musulmans— muladíes—, comme les Banu Sabarico ou les Banu Angelino, dont l’étymologie n’offre pas le moindre doute sur leur caractère de néo-convertis. Dans un acte détonateur, le délégué du 188 L’on sait, bien sûr que l’insurgé est celui qui se soulève sans que son action prospère. Celui qui prospère s’appelle partisan. Il y a d’innombrables exemples dans l’histoire comme paires comparatives: par exemple, la résistance française jusqu’à 1945 face à celle irakienne de la moitié du siècle en développement, et cetera. Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 522 gouvernement omeyyade fut assassiné à Tablada pour avoir tenté d’intervenir entre les deux parties et imposer une autorité centrale qui n’allait pas prospérer. Un premier bain de sang serait inévitable dans la tuerie des muladíes à Carmona et Coria del Río vers 889. Telle rébellion des familles de Séville— dans laquelle n’était pas étranger l’élément de discorde des juristes— se solda par deux factions opposées depuis toujours qui rompaient avec le système établi et une d’elles arrivera à nommer un roi de Séville en 899, Ibn Hachach. Ce qui est remarquable dans ce cas ce ne fut pas la nomination en soi, mais plutôt la reconnaissance de l’émir cordouan et la succession de ses fils. § 9. À ce niveau, l’on doit reconnaître clairement le rôle autochtone que nous faisions ressortir dans le muladisme. Si à Cordoue— et corrélativement dans le reste des principales villes— l’on était en train de générer une tradition, une orthodoxie, un état d’opinion et un système social associé à un régime, tout ceci terminerait par s’auto-dénommer baladí. C’était des musulmans de toujours, dirions-nous pour nous comprendre. Face à tout ceci— face à eux, dans la pratique— le rythme andalusí moins accéléré, depuis les montagnes jusqu’aux quartiers périphériques, terminera par s’appeler muladí, et il est remarquable qu’ils avaient une certaine carence d’islamisation, ce qui est certain , il devait donc y avoir un peu de tout: il est impossible de percevoir ce qu’une déterminée couche sociale pouvait comprendre de strictement islamique, et comment la différencier de ce qui était andalusí, omeyyade, ou— définitivement— des cercles du pouvoir. Ne pensons pas toujours au jeu dialectique des identités religieuses, parce que la vérité profonde des choses nous échappera: le dénommé Epo!Kvbo!ef!Fmwjsb, le coureur de jupons et poète Cfo! Zvej— tué en 887 par un mari outragé—, nous lègue d’intéressants vers dédiés à une aimée derrière laquelle il allait dans les rues qmfv. sbou!dpnnf!vo!npjof!efssjsf!mÖjnbhf!ef!mb!Wjfshf. D’où sortirait le poète une telle scène, s’il n’avait pu assister à quelque chose de similaire dans les rues de la ville? Ces vers cachent— évoquent une normalité poly-chromatique qui nous oblige à repenser les bases sociales andalusíes et se poser la question sur mf!eqibtbhf!fousf! cbmbe“ft!fu!nvmbe“ft!fo!ufsnf!ef!szuinf!jtmbnjtbou!djwjmj. tbufvs/! 523! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou § 10. En lignes générales, l’on peut penser aussi que tel déphasage entre muladíes et baladíes cachait— ou, au moins, préfigura— un désajustement essentiel entre centre et périphérie. Le Galicien de Mérida, les Banu Casi, devancés par les Tuyibíes, les montagnes andalouses— Archidona, Ronda et Bobastro—, tout participait à la contestation initiale, à la macrocéphalie cordouane. Quelque chose— qui contre tout pronostique— se résoudra plus ou moins de la même façon: l’hypertrophie du district urbain cordouan, avec son augmentation corrélative comme capitale, sera la solution centralisatrice définitive. L’option finale— pour le moment— du califat, qui ne s’était pas encore ébauché lorsque le solitaire Abdala fut nommé émir en 888 à quarante quatre ans. En réalité, le mécontentement muladí— que nous mettions en relation avec une fièvre de croissance andalusíe—, de même qu’avec ce qui se passera dans la déstructuration définitive— et définitoire— des Taifas, proclame une systole et une diastole déjà annoncées dans la réalité vital andalusíe. Pensons en une tente bédouine: que le mât central soit élevé ou non, la réalité de la toile est la même. Le mouvement d’élévation ou de descente provoque une même contagion ondulatoire. C’est-à-dire que ce soit en le tendant— par effet de l’élévation centrale— ou le détendant— par l’effet de la descente— la vitalité se maintient. Centripète ou centrifuge. Quand changera le rythme? : avec les invasions nord-africaines. Le noyau andalusí se modifie; il se situe dans un point imaginaire au-delà de la péninsule. § 11. Que tout ce qui précède serve de réflexion illustratrice de la continuité andalusíe, au-delà de la centralisation, la décentralisation, ou ex-centralisation. La solitude de l’émir n’a pas d’importance, ni la future pompe du calife, ou l’absence de ces deux charges: al-Andalus a déjà une vie propre. Le monde urbain permettait— par exemple— un certain processus de formation. Al-Andalus était déjà ce que les Anglo-saxons appellent une mfbsojoh!tpdjfuz: il existait déjà une possibilité certaine de prospérer dans l’apprentissage et— donc— le sens du groupe, d’élite, peut se relier avec la formation. Cette idée n’est pas un simple toast au soleil: dans ce genre de société— et en cela al-Andalus est protagoniste avec l’Orient arabe autour de Bagdad—, la politique suit son but et la— pas encore nommée— société civile avance avec ses propres coutumes. C’est Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 524 pour cette raison que nous insistons tant sur la vitalité critique et sur la comparaison occasionnelle avec le monde des villes italiennes de la Renaissance: malgré l’épais conflit social généré par les Borgia, Médicis, Pitti, Omeyyades, Abbãssides, Nasrides…— et de plus, grâce à eux— l’on favorisait la figure du maître et le concept d’école de la pensée et/ou de la création. Arrivés à ce point, il faut détacher la présence sociale déjà configurée d’un— très influent— penseur muladí: Jco! Nbtbssb, né à Cordoue en 883, qui constitue en lui-même l’origine de la pensée andalusíe, en premier terme rationaliste, d’une certaine façon éclectique, et probablement syncrétique. Tous ces qualificatifs autour de la fin— syncrétique— non seulement décrivent à Ibn Masarra comme penseur, mais très probablement à l’être humain, c’est donc pour tout ce que nous sommes en train de voir que mb!àp. sbjtpo!ebot!bm.Boebmvt!qpvssbju!cjfo!‘usf!mjf!‰!vo!dfsubjo! ubcmjttfnfou!nvmbe“/!Cela n’implique pas, évidemment, que la spécificité sociale muladí décrivît un système culturel; absolument pas. Ce qu’il implique est, précisément, que df!rvj!ftu!qsjqi. sjrvf!gbju!df!rvj!ftu!nvmbe“-!dpnnf!mf!qsjqisjrvf!gbju!mf! tzodsujtnf!nvmbe“/ § 12. Quoi qu’il en soit, cet héritage à écot le définit à titre person- nel, en tout cas: Ibn Masarra se forma dans les mille et un courants de pensée, soit frôlant l’hérésie, soit évitant tout type d’autorité audelà de l’intellectuelle. Depuis l’intégrisme rationaliste oriental des dénommés mu’tazilites, jusqu’à certains textes en rapport avec les Mfuusft! eft! Gssft! ef! mb! Qvsfu! clandestines— proto-mythiques et militantes. En réalité, il paraîtrait que telles Lettres eurent une certaine influence dans al-Andalus un peu plus tard, associées à la propagande subversive provenant du nord de l’Afrique fãtimide. Mais, en tout cas, nous pouvons nous faire une idée du vaste monde idéologique d’une civilisation— arabe— qui a assumé son rôle d’avant-garde culturelle, ornée par le sens analogique chromatique et millénariste du Moyen Âge. Depuis la Cbzu! bm.Ijlnb proto-universitaire crée par le calife oriental al-Ma’Mûn (813-833), la société de la connaissance décantée autour de ce qui est abbãsside aura une influence vers un épitomé d’enseignement que l’on peut trouver clairement dans la création de mքdpmf! Oj{bnjzzb! ef! Cbhebe! en 1091. À la tête de 525! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou cette École— proprement dit Université— le vizir de Bagdad placera un intellectuel essentiel pour la future pensée andalusí: il s’agit du dpoàvfou!Bmhbbm (1058-1111). Dans la période qui s’écoula entre les débuts de la Maison du Savoir jusqu’à l’École Nizamiyya étaient apparus les principales penseurs arabes orientaux: bm.Ljoej (mort en 870), bm.Sb{j (mort en 932), bm.GŒsŒc• (mort en 950), et Bwjdfoof (mort en 1037). § 13. Et ne perdons pas de vue les dates: Ibn Masarra se formait dans les mêmes courants de pensée qui de l’Orient configureraient ces principaux penseurs arabes, surgis— en plus— des mystères par lesquels se décantait la culture arabo-islamique entre tant de courant d’opinion opposée. D’autre part, toujours enraciné dans ce que l’on appelle science des anciens, qu’à travers les traductions du grec et du syrien— nous le voyions— la culture avait pu continuer. Ainsi, les rbebsjuft— tendance officialisée dans le temps, la prédestination fait l’homme— se situaient face aux nvÖub{jmjuft —officialisés à une autre époque; c’est le libre arbitre qui configure l’être humain. Le faisaient également les diverses sectes cbujojeft, spiritualistes pleinement orientaux. Pendant ce temps, quatre écoles juridiques se développent complètement, et plusieurs systématisations dogmatiques séparent pour toujours les différents courants de l’islãm: le chiisme face au sunnisme, la militance insurgée liŒsjekjuf restant au milieu. C’est ainsi que, à l’époque d’Ibn Masarra (883-931), Algazel— nous répétons, né en 1058— n’avait pas encore lancé son abrégé critique des gbmbtjgb. Donc, l’intellectuel andalusí pouvait participer dans le tourbillon d’idées lancées en arabe au monde depuis l’Orient et grâce à cette grande révolution culturelle que supposa le papier; mais il n’y avait pas encore un efttjo!ef!dvssjdvmvn clair d’où l’on put extraire une formation concrète; mf!tzodsujtnf!nvmbe“!ef! mÖBoebmvt“!ftuÒ!qpvs!mf!opnnfs!eÖvof!dfsubjof!gbŽpoÒ!h. ojbmfnfou!jobdifw/!Dpnnf!mb!qspqsf!bwbmbodif!tpdjbmf!rvj! mÖfoupvsf, comme le monde culturel dont il boit. § 14. En essence, Ibn Masarra fut un penseur clairement hétérodoxe, qui suivait les insurgés, et en toute probabilité étendard d’un clair muladisme, condamné postérieurement, à l’instance de l’orthodoxie dogmatique des juristes, mais avec le rapide accord du Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 526 palais dû au mépris pour le pouvoir établi que montreront ses partisans. Réellement l’on peut parler de tout ce García Gómez taxa de TivÖvcjzzb!boebmvt“: populisme proto-révolutionnaire.189 Ainsi, par exemple les éléments néo-platoniciens et pythagoriciens de ce penseur coïncident avec les dénommés Frères de la Pureté qui illuminèrent les adeptes d’al-Masarra et qui— nous le voyions— seraient connus dans al-Andalus à travers de presque cinquante livres messianiques qui circulaient avec une certaine fluidité dans la nord de l’Afrique. Il s’agissait d’un clair nfttjbojtnf!ef!mvuuf!eft!dmbttft!définitive —face à une fin du monde de louanges ou condamnatoire. À partir de tout ceci s’éleva la pensée d’Ibn Masarra dont la source était partagée par le judaïsme andalusí—,190 et pour son rationalisme militant il dut s’éloigner rapidement de la capitale. Coutume— celle-ci — des juristes mãlikites, gardiens d’une certaine tradition juridique qu’ils prétendront toujours faire apparaitre comme tradition religieuse. L’abandon de Cordoue de la part d’Ibn Masarra serait, donc, une nouvelle modalité conflictuelle muladí. De néoandalousisme, pour la même raison, déjà en opposition avec une prétendue tradition. Comme l’on sait: celui qui contrôle le centre, contrôle la frappe d’bobuinf. § 15. Ibn Masarra dirigea dans la montagne de Cordoue un groupe de pensée dissidente de claire projection sociocommunautaire. Et il le fit avec une empreinte sectaire non dissimulée en congréant ses disciples autour d’une maison où il reproduisit la chambre d’une des femmes du Prophète— comme les traditions la décrivaient-; Marie la Copte. Il s’agissait, probablement, d’une claire preuve de plus d’un gnosticisme proto-sufi et quoi qu’il en soit— dissident ou au moins périphérique. En tout cas, Ibn Masarra passe pour être le premier philosophe andalusí, muladí pour être plus précis. Et qui n’était pas muladí? Pouvons-nous ajouter, dans cette grande périphérie autour d’un centre bien plus petit. 189 Emilio García Gómez, Boebmvd“b!dpousb!Cfscfs“b. Universidad de Barcelona, 1976. 190 Nous verrons— à l’époque du Califat— comment la pensée andalusíe distille, à travers de sa propre recherche de spécificité, un système culturel complémentaire et— bien sûr— écrit en arabe, comme partie indivisible de la culture andalusí. 527! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Son père Abdala, aux yeux bleus et cheveux blonds, pouvait difficilement soutenir des lignées primitives baladíes, et avec fréquence il fut confondu avec un Slave ou un Normand. Être baladí paraît provenir plutôt d’une élection mystificatrice; de ce que l’on a appelé jnqmbou!ef!nnpjsf!dpmmfdujwf. Cet Abdala muladí est un exemple de ce nous décrivions comme la route d’allées et venues des idées méditerranéennes, d’une influence si claire dans la formation de son fils: pour des motifs commerciaux il voyagea sans cesse et eut une grande connaissance des idées mu’tazilites déjà citées— nous le vîmes avant: rationalisme intégriste, libre arbitre—, qu’il put transmettre à son fils-penseur. En tout cas, le père d’Ibn Masarra mourut à la Mecque au début des années 900, ruiné et— probablement— cherchant la même périphérie que son fils trouvait dans la montagne de Cordoue. § 16. Acheminé vers l’étude en profondeur de ce que nous voyions comme science des anciens, Ibn Masarra utilisa l’œuvre du philosophe gréco-sicilien Empédocle d’Agrigente (490-430 av.J.-C.), et à la fin il jeta les bases d’une école philosophico-sociale spécifique, celle des nbtbss“ft, toujours regardés avec méfiance, deux fois anathématisés, et en certaines occasions poursuivis. Les masarríes réaliseront la première grande synthèse des traditions spirituelles les plus élevées d’Asie et d’Afrique, d’une certaine façon en reprenant la déjà très longue tradition— pour l’appeler d’une certaine manière— d’hétérodoxie syncrétique orientalisante, même pré-andalusíe. Dans ce sens, l’islamologue Asín Palacios trouva un parallélisme clair entre la manière avec laquelle celui que l’on considérera influencé par le démon— et martyrisé— l’évêque Priscillien concevait le christianisme et le mode de vie d’Ibn Masarra et sa conception de l’islãm. L’on perçoit même un parallélisme dans la façon d’être tous deux poursuivis par des entourages inquiets, ou la plus sanglante persécution de Priscillien— nous l’avons vu: condamné pour hérésie et exécuté par ordre de l’empereur romain Maxime, dans la Treveris de 385. Dans les rumeurs de désordre communard Asín observait aussi un précédent priscillianiste des hétérodoxes masarríes.191 191 Miguel Asín Palacios, Bcfonbtbssb!z!tv!ftdvfmb-!Ps“hfoft!ef!mb!ßmp. tpg“b!ijtqbopnvtvmnbob. Madrid, 1914. Daniel Terán Fierro, Qsjtdjmjbop-!Nˆs. ujs!Bq˜dsjgp. Madrid: Breogán, 1985. Mf!tpmfjm!tf!mwf!‰!mÖPddjefou 528 Continuant sur le priscillianisme hétérodoxe, précisément, Ibn Masarra fut un défenseur acharné du monothéisme d’Abraham et le caractère de l’Un divin, pour ne pas laisser un doute sur ce qu’il avait pu lire à travers le bagage néo-platonicien et la postérieure islamisation du monothéisme de la part de la pensée arabe orientale. Même la pensée était en premier lieu orientale et après arabe, comme dans le cas des sectes ésotériques déjà citées— cbujojeft, disions-nous; à cause de cbuo intérieur en arabe En fait, malgré la perte de beaucoup d’œuvres masarríes, l’on conserve deux de ses plus aiguisés apports dans ce cadre: le LjuŒc!bm.Ubctjsb — livre de l’exposition détaillée—, et le LjuŒc!bm.Ivsvg!— des lettres. § 17. Penseur en grande mesure péripatéticien et voyageur, Ibn Masarra s’établit finalement à Cordoue après avoir parcouru le nord de l’Afrique avec ses disciples. C’était déjà la capitale du plus protecteur et stimulant calife Abd al-Rahmãn III (de 912 à 961); attitude beaucoup plus de centralisme que de ndobu. En tout cas ce centralisme cordouan s’appuierait progressivement sur le corpus doctrinal des juristes et— en général— docteurs dans l’interprétation de la loi religieuse selon l’école mãlikite, communément fermés à la dissidence ou à l’hétérodoxie. Dans ce sens, al-Andalus continuerait les règles de tout système de coexistence humaine qui certifie sa prétention d’homogénéité par le rejet de la dissidence. Il est évident que l’intolérance est préalable à la constitution même des religions. Même si celles-ci lui offrent parfois d’occasionnels contenus téméraires, l’intolérance est toujours préalable, et comme toujours elle termine par surpasser le propre corpus dogmatique. Dans ce sens, par exemple, l’on dit de Priscillien qu’il fut un martyre précoce de l’Inquisition— pour le nommer d’une certaine manière-; comme avant lui Aristarque de Samos, penseur grec, qui fut jugé pour défendre un univers héliocentrique longtemps avant que dans al-Andalus l’on brulât des livres ou qu’en Europe l’on sût épeler le mot jorvjtjujpo. Le genre humain sait toujours inculper le bloc occasionnel. § 18. De tout ceci s’ensuivit que l’hétérodoxie formative d’Ibn Masarra, à cause de la propre nature humaine de poursuivre le dissident, généra rapidement une école qui indéfectiblement se radicalisa dans la clandestinité périphérique; muladí, pour être plus 529! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou précis. Pendant un siècle l’on compta d’illustres et nombreux adeptes masarríes, sûrement jusqu’à la ubcmf! sbtf d’al-Mansûr et son incendie de livres provenant de la bibliothèque d’al-Hakam II. Dans cette école masarríe se distinguerait— pour sa particularité révolutionnaire— ce que l’on connait comme le communisme masarrí de Pechina, à Almería: le détachement pour les choses de ce monde du maître Ibn Masarra entraîna ses disciples— aux fous de Pechina, comme ils étaient connus— à créer un authentique schisme islamique en proclamant l’abolition de la propriété privée et apportant dans son option de retraite une vie communarde. Dans sa période la plus irrédente— jusqu’au point que son école fût dissoute et défendue par le régime de Madînat al-Zahra’— l’iman al-Ruayni (949-1050)), illuminé et millénariste tivvc“- les dirigeait spirituellement, une terminologie de García Gómez pour indiquer le populisme révolutionnaire. Oui, probablement, le paradigme révolutionnaire muladí anti-centraliste des masarríes, comme dans un autre sens celui de Bobastro— Omar Ibn Hafsûn—, ou de Mérida— ceux du Galicien— et tant d’autres dans les Provinces limitrophes, annonçaient le début d’une autre époque dans laquelle le pendule cordouan devra se décider: ou la désagrégation d’al-Andalus, ou sa centralisation militaire. W/!MF!DBMJGBU!BOEBMVTë! 6/2/!Bce!bm.SbinŒo!JJJ!):23.:72* § 1. L’instauration du califat dans al-Andalus ne se fit pas avec une prétention d’expansionnisme ni— et ceci doit rester tout à fait clair— comme reconnaissance expresse de renonce à des expansionnismes non péninsulaires, concrètement l’abbãsside. Non: il n’y avait pas de dépendance préalable. Le mythe de l’appartenance andalusíe à des califats orientaux ne peut déjà se soutenir. De même que— dérivé de ceci— le mythe corrélatif d’une primitive unité califal islamique oriental d’où surgirent de sa désagrégation les nombreuses et variées unités politiques islamiques. Absolument pas: l’inspiration religieuse coranique, dans sa popularisation, provoqua l’éclosion d’un monde civilisateur homogène: l’Islãm. Dans ce sens, le califat d’al-Andalus ne fut pas une dissidence, vu que l’émirat ne dépendait de personne. Ce fut une instauration; l’institutionnalisation du plus haut rang de l’État connu dans l’Islãm civilisateur. Dans le langage politique de l’Islãm, l’on ne pouvait aspirer à rien de plus haut. Dans une époque de claire désagrégation, celui qui prétendit l’unité autour de son pouvoir incontestable, dut élire pour lui le plus haut titre connu: calife. Élection qui, assurément, ne se produisit pas au moment de l’intronisation d’Abd al-Rahmãn III en 912, mais bien après. Que ce qui précède serve de preuve à la réflexion que l’on apporta dans la décision d’instaurer un califat. Se proclamer calife de Cordoue était— de cette manière— beaucoup plus proche de la proclamation impériale de ce Charlemagne à Aix la Chapelle, que des renoncements à être subsidiaire d’une Bagdad également distincte et spécifique. Parce que, à la difficile relation de spj!gbdf!bv!qfvqmf, la monarchie carolingienne s’était instaurée aussi sur une certaine base légitimatrice religieuse— le 531! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou dpotuboujojtnf: proclamation chrétienne de l’empereur. Et comme dans le cas de l’Empire Romain Sacré, le califat andalusí proclame également, de toute évidence, que sa tête visible n’était déjà plus un qsjnvt!joufs!qbsft. Son pouvoir se convertissait déjà en incontestable, et il représentera aussi un blindage de claire projection extérieure. Parce que lorsque Abd al-Rahmãn III se proclame premier calife d’al-Andalus ainsi que dpnnboebou!eft!dspzbout— njs!bm. nvnjojo—, l’acte et la dignité se montraient également comme une sqpotf!‰!mÖjotubvsbujpo!eÖvo!dbmjgbu!qsbmbcmf!ebot!mf!opse! ef!mÖBgsjrvf/!Un califat tunisien— bientôt, également égyptien— le fatîmide, mais expansionniste vers l’Occident. § 2. Dans cet ordre de choses, le nouveau califat impliquait un clair centralisme et élagage aux questionnements de légitimités. Ainsi que— géopolitiquement— il signifiera un parapet face à l’ennemi intime déjà naturel: le nord de l’Afrique. Celles-ci sont, d’ailleurs, des questions byzantines. Abd al-Rahmãn III (912-961), petit-fils de l’obscur Abdala, accédait au trône émiral à vingt et un ans dans une succession légitime et préparée: son père était mort quand il avait seulement quelques mois, et l’Omeyyade grandit sachant qu’il héritait du trône instable d’un pays prospère. Il ne se proclamera pas calife avant 929, et il le fera comme sauvegarde finale d’un processus interne— obtenir des légitimités et pouvoir sur chaque coin d’al-Andalus— de même qu’un clin d’œil d’exemple face au futur, marqué par deux graves menaces externes qui le prenaient dans un étau: le royaume de Léon au Nord et le califat fatîmide au sud. L’intérieur dissident, le christianisme en militance croissante dans le nord et la menace du sud, se résoudront comme étant compatibles avec l’insurgé et principal ennemi de Cordoue: maintenant oui, Pnbs!Cfo!IbgtŸo. S’appuyant sur ces uspjt!qbuuft du questionnement sur Cordoue, ce dissident— un— de l’émirat omeyyade, se christianisa— deux— comme étiquète d’un orgueil incertain muladí. Plus tard il s’entoura de forces armées mobiles approvisionnées depuis le nord de l’Afrique— trois— à travers du Détroit, et en ces trois dimensions il personnalisait la menace condensée au régime. La chute de Ben Hafsûn, npsjtrvf!ef!qsp, et pour la même raison susceptible d’une fyqvmtjpo!vojßdbusjdf!dbuibsujrvf, impliquera aussi— le moment voulu— la marque de finition d’un certain modèle d’État. Mf!dbmjgbu!boebmvt“ 532 § 3. Les prétendus néo-musulmans muladíes— en réalité protégeant leurs idées autochtones—, confiaient probablement d’une certaine manière en l’étendard éthéré périphérique de cet Omar Ben Hafsûn. Par surcroît, le protagoniste surprit lorsqu’il se présenta significativement christianisé comme Samuel, dans un évident clin d’œil régressif, traditionnaliste, révolutionnaire dans son insoumission au centralisme pré-califal; un clin d’œil qui l’approcha de l’ennemi de son ennemi— les Asturiens et ceux de Léon au nord— ne l’empêcha pas de combiner une approche similaire avec le Maghreb, d’où il reçut des appuis essentiels après avoir converti en son principal bastion les hauteurs de la montagne de Bobastro dans la province de Malaga. Au milieu de cette dernière catharsis symbolique, naitra paradoxalement la reconnaissance définitive d’un al-Andalus déjà musulman —en qualité d’avoir été déjà longuement islamique—:192 Ben Hafsûn— à propos, Samuel— fracassera en prétendant constituer un alter ego de ce qu’il combattit, le pouvoir centralisateur. Et du procès de cicatrisation subséquent dériveront plusieurs faits essentiels pour le futur de l’Islãm andalusí: l’insurrection chrétienne disparut pratiquement dans le fleuve turbulent répressif, la lutte des classes entre baladíes et muladíes se décanta en une société plus homogène, et de l’instauration de l’ordre publique califal naîtra la plus grande stabilité institutionnelle d’al-Andalus. Ainsi la déjà décroissante atomisation de l’émirat— en général justifiée par l’existence patente de deux sociétés différentes et opposées—, convertira en rupture ces premières années 900.La rébellion muladí d’Omar Ben Hafsûn était en réalité contre la pression fiscal, contre l’État; contre la centralisation. Tout cela changera avec Abd al-Rahmãn III, et non par condescendance ou distributions de privilèges, mais précisément pour tout le contraire: ses campagnes contre les seigneurs locaux ou contre les chrétiens dans le nord et son engagement à rendre spécifique al-Andalus face au nord de l’Afrique convertirent mb!qspdmbnbujpo!ev!dbmjgbu!pnfzzbef!fo! mf!gbju!tusbuhjrvf!mf!qmvt!jnqpsubou!eÖFvspqf!fu!ef!mb!N. ejufssbof! ef! tpo! qprvf, comparable selon l’historiologie au couronnement carolingien du siècle précédent. 192 Nous insistons sur la différence, déjà longuement expliquée entre l’islãm— d’où les musulmans— et l’Islãm— d’où l’islamique. La majuscule ne fait référence qu’à la civilisation. 533! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou § 4. Dans son sein, la dureté collatérale d’un état fort amènera la semence de la prochaine dissidence et un renversement historique: l’appareil d’État cordouan, alimenté par un système fiscal qui avait du succès, se basait sur un pouvoir coercitif d’une armée professionnelle en grande partie nord-africaine. Des cadres promus termineront par installer des quasi-dynasties nord-africaines dans certaines régions andalusíes. Entre celles-ci et la définitive poussée des dénommées invasions nord-africaines — almoravides et almohades, principalement—, deviendra évidente l’illustre berbérisation— maintenant oui, avec plus de rigueur— d’al-Andalus. Cette croissante présence nord-africaine dans al-Andalus repeindra de nouveaux blasons et expliquera la propre histoire d’al-Andalus comme celle de l’établissement berbère dans un mythe rétro-alimenté qui remontait de l’an chimérique 711. C’était un nouvel implant de mémoire collective après l’influence syrienne— que nous avons vu. Entre mÖBobcbtf!tzsjfoof ef!861 et mÖjowbtjpo!upvbsfh!ef!822, les éléments de la caricature historiographique médiévale espagnole attendent seulement la transsubstantiation de Don Pelayo pour alimenter le chromatisme de ses miniatures; chromatisme que l’on peut encore distinguer sur le nez des médiévistes. Mais ceci n’était pas encore arrivé. À ce moment-là les Nord-Africains ne s’occupaient pas encore de la gestion de la vie andalusíe. Bce! bm.SbinŒo!JJJ!rvj!ubju!spvy se teignait les cheveux en noir pour proclamer son origine: son sang de Navarre pour son ascendance proche de Fortún Garcés, ainsi que sa souche franque directe par sa mère, Muzna. Si racialement il était difficile de le classifier, comme dirigeant ce ne fut pas si difficile: un roi puissant qui dirigeait ses propres campagnes et qui compte l’inestimable labeur secondaire d’un ibzjc — chambellan, sorte de qsfnjfs!njojtusf — également à la hauteur de sa charge: mÖbggsbodij!Cbes. § 5. Dans les premières vingt années de gouvernement, Abd al-Rahmãn III suffoqua tous les restes de questionnements politiques ravivés dans les axes qui vont depuis les actuelles régions d’Extremadura au Levant et d’Andalousie à Tolède. Plus tard il agit pour garantir le contrôle sur la vallée de l’Èbre. Grand connaisseur des clés géopolitiques de l’État, à partir de l’an 914 il ordonna que la flotte contrôlât le trafic méditerranéen depuis le Détroit jusqu’à Murcie. Mf!dbmjgbu!boebmvt“ 534 Ce livre n’étant pas un livre de batailles, le personnage d’Abd alRahmãn III va perdre une grande partie de son chromatisme dynamique et détaillé dont nous sommes habitués dans les chroniques sur l’époque qui nous concerne. Parce que, en réalité, l’émir-calife dut conquérir al-Andalus après une époque d’atomisation politique si évidente, que de nombreux chroniqueurs ont l’habitude d’appeler fitna— guerre civile; ici, plus dans le sens de démembrement. Et non seulement la montagne questionna le rôle de la ville en général, ou le muladí, le pouvoir du baladí, mais qu’également les différentes villes questionnèrent la nbdspdqibmjf! dpsepvbof/! Dans l’épitomé du questionnement légitimiste qu’Abd al-Rahmãn III aura à combattre, le célèbre Ben Hafsûn essaya de prendre Cordoue. Également les partisans du Hbmjdjfo! menaçaient la capitale, et les Tolédans resteraient aux portes d’Andújar dans leur rébellion. Ces faits insolites nous offrent une claire perspective de ce que trouva Abd al-Rahmãn III, ainsi que les raisons justicières qui accompagnent la légende dictatoriale de ce calife. § 6. Effectivement, entre les villes et les groupes de pression opposés l’on compte plus de trente véritables soulèvements qu’Abd al-Rahmãn III dut suffoquer, parmi lesquels l’on distinguer les suivants: Les premières campagnes strictement militaires déjà commencées en 913, comme la série de conquêtes qui démarra à Écija ou la célèbre fyqejujpo!njmjubjsf!ftujwbmf!ef!Npoufmpo pour arriver à travers Jaén jusqu’aux foyers muladíes du cœur andalusí. Elles supposèrent une avance fo!tqjsbmf pour sauvegarder la centralité cordouane et prendre les rebelles des montagnes orientales. En commençant par Séville et son entourage. Il dut réincorporer la région portuaire indépendante de Pechina, disloquant son équilibre stratégique pour favoriser la prospérité du port d’Almería vers 955. Telle situation favorisera la future uibmbt. tpdsbujf! d’Almería; nous rappelons que ce serait le principal port d’un al-Andalus usjbohvmbjsf centré vers l’Orient. § 7. Il suffoqua les révoltes de Grenade— Elvira— et d’un rosaire de petites villes dans les alentours. Il ne s’agissait pas tant d’indépendantisme que d’un désordre incertain muladí— nous insistons, avec un penchant d’autochtonie— dans lesquels les gouverneurs 535! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou quasi-indépendants — Shawar, et postérieurs Saadi— avaient été assassinés et le rebelle sauvage Ben Hafsûn n’avait pas non plus put contrôler la zone. Shawar avait été à la tête d’une authentique Ligue grenadine avec des prétentions expansionnistes vers la côte d’Almería. À Tolède et la Qspwjodf!ev!Dfousf, de même qu’à Saragosse et la Province Supérieure, Abd al-Rahmãn III termine par s’imposer à ceux qui aidaient Léon et les incombustibles Banu Qasi et les Berbères Ej.mÖOvo — ou [foovo—, qui seront de futurs protagonistes dans les Taifas. Les Banu Qasi termineront par être réduits dans la prise de Pampelune par Cordoue— 924-; mais l’offensive indépendantiste de Tolède citée fomentée par les Di-l’Nun qui, comme nous le disions arriva pour sa sauvegarde vers le Sud jusqu’à Andújar, comptait— dès l’époque des trois émirs antérieurs— avec l’appui des chrétiens du nord. Dans la pratique, ces Ej.mÖOvo!dpousšmfsbjfou! mf!ejtusjdu!ef!Upmef!tbot!tpmvujpo!ef!dpoujovju!kvtrv։!mb! dporv‘uf!eÖBmqipotf!WJ/!Mais dans la théorie califal, après deux ans de siège Abd al-Rahmãn III réussirait la prise de Tolède en 932. La description que fait Ibn Hayyan de l’entrée du calife dans la vieille capitale wisigothe est digne de n’importe quel chroniqueur aulique de Versailles.193 § 8. Pour concréter avec Séville, la ville suivante sur le bord du Guadalquivir s’était faite endémique la rivalité tenace entre les Banu Hachach et les Banu Khaldûn sanglants Capuletto et Montesco qui s’étaient déjà imposés face aux autres grandes familles muladíes. Le dernier Hachach avait réussit à forcer Cordoue à que son indépendance lui fût reconnue, en arrivant même à organiser sa propre cour. C’est seulement à sa mort que Cordoue reprendra le contrôle de Séville, ce que fit Abd al-Rahmãn III dans sa campagne précoce— 913— ordonnant plus tard la construction significative de la Maison du Gouvernement ce qui est aujourd’hui le Patio de Banderas. Ce Hachach avait réparti entre ses deux fils le contrôle de Séville et Carmona. En fin de compte, celui de Carmona obtint des appuis de Ben Hafsûn pour avancer sur Séville, et Cordoue en profita— offrant de l’aide— pour rétablir un certain ordre omeyyade. 193 Incluse dans Joaquín Vallvé, Fm! dbmjgbup! ef! D˜sepcb. Madrid: Mapfre, 1992, pages 151-154. Mf!dbmjgbu!boebmvt“ 536 Le personnage qui constamment apparaît dans les chroniques comme la menace occidentale pour Cordoue, mf Hbmjdjfo!et ses successeurs, non contents avec le ubtzje— reconnaissance de seigneurie— concédée par Muhammad I, restera sur ses positions indépendantistes et expansionnistes jusqu’à ce que l’émir-calife réussît à forcer sa soumission: l’arrière-petit-fils du Hbmjdjfo obtiendra un poste administratif dans la capitale, et ainsi l’affaire sera conclue en 930. § 9. Après tout ce qui précède, et en marge de possibles appro- fondissements be!dbtvn, il en ressort une question déjà observée avant: ne peut-on pas comprendre l’histoire d’al-Andalus comme celle d’une certaine structuration féodale? Or: la terminologie ne plait pas aux experts, nous continuerons donc à en insinuer l’idée, par manque d’étiquetage. Ceux-ci préfèrent le terme spécifique de tasyid— comme nous le vîmes: concession de seigneurie. Chose, en fait, avec laquelle le futur calife se montrera spécialement stricte: la conquête d’al-Andalus de la part d’Abd al-Rahmãn III est, dans la pratique une imposition de force. Mais, dans la théorie de l’État, cela implique plutôt une étape de régime féodal dans laquelle la Cordoue omeyyade serait arrivée à être un peu plus qu’un percepteur d’impôts, et sera maintenant— pour le nommer d’une certaine façon— le siège califal. Dans son sens primitif— en ce qui concerne de forcer la capitation fiscale—, probablement les agissements plus représentatifs dans al-Andalus de cette époque furent l’usure de l’insurrection dans les montagnes de Ben Hafsûn, et le soulèvement significatif de Séville. Mais, de toutes les actuations guerrières d’Abd al-Rahmãn III, il faut signaler le même composant: Cordoue termina toujours avec les conflits qui cachaient des querelles internes. Cela peut être dû à la sempiternelle manière de cataloguer selon les clans des chroniqueurs— affrontements entre muladíes et baladíes, ou entre tout cela et les Nord-Africains en nombre croissant. En tout cas, l’arrivée du califat fut— probablement— la conséquence logique et cohérente— il se peut que l’unique possible— eÖvo! psesf! wfov! ev! efipst. Dans le cas de Bobastro, l’usure à laquelle fut soumise la montagne devint un conflit ouvert quand, déjà en 914, ce Ben Hafsûn ubiquiste et irrédentiste, avait assiégé Malaga et les troupes cordouanes durent venir rapidement pour lever le siège. 537! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Probablement le changement dans l’agenda de l’émir que supposait devoir intervenir dans les conflits non prévus fut la goute qui fit déborder le vase de la tolérance cordouane face à l’indépendantisme des montagnes. § 10. Avançant de montagne en montagne jusqu’à délimiter la zone de Bobastro —Las Mesas de Villaverde dans les Ardales—,194 et à chaque forteresse côtière, l’armée cordouane incendia de là tous les bateaux qui approvisionnaient ceux qui accompagnaient Ben Hafsûn, provenant de l’actuel Maroc. La montagne étant isolée, l’offensive armée se serait paraît-il arrêtée à cause des possibles ravages d’une terrible sécheresse de 914 dans les deux camps. Telle sécheresse força une intéressante négociation dont le résultat nous permet d’avoir une idée de tout ce que supposa la révolte apparente de Ben Hafsûn: dans le traité de paix signé l’on accorda non pas une reddition, mais le frein à l’expansionnisme de Bobastro, la capitale des Hafsûn, Mais celui-ci maintenait le contrôle de cent soixante deux châteaux. Et pas moins intéressant est le groupe des négociateurs: entres autres, le médecin chrétien de l’émir Ben Ishaq, l’évêque de Bobastro Ibn Maqsim, deux autres chrétiens de la camarilla de Ben Hafsûn, et le propre Badr, chambellan de l’Omeyyade et paraît-il ami personnel du seigneur de Bobastro. Évidemment, la typologie sociale andalusí dégrainée en faits comme celui-ci ne ressemble pas à l’idée préalable que l’on a l’habitude d’avoir. Ben Hafsûn n’essaierait pas d’agrandir son territoire. En 918 il mourrait sans que sa zone d’influence changeât de mains, comme preuve évidente de qu’il s’agissait d’un groupe qui se rebellait, il n’était donc pas chef de file. Il mourut en tant que Samuel, et le bastion contestataire chrétien dirigé par ses fils se rétrécirait peu à peu jusqu’à la chute définitive en 928 pour avoir été rompue la trêve par un de ses fils après sa mort. Ben Hafsûn était arrivé aux portes de Cordoue, avait combattu à Saragosse, avait essayé de prendre des zones de Grenade et avait négocié avec trois émirs. Il était chef de l’autochtonie muladí et le rétro-alimentateur de l’irrédentisme 194 Virgilio Martínez Enamorado a promené intensément ses connaissances archéologiques dans la zone délimité par Joaquín Vallvé. Voir, du premier, son « Bobastro (Ardales, Malaga): Una Nbejob para un sfcfmef». Qurtuba 2 (1997), page 123-147. Mf!dbmjgbu!boebmvt“ 538 chrétien. Au sujet de la stratégie, nous voyions ses contacts avec le nord chrétien et le sud extra-péninsulaire. Le lent déclin du pouvoir de Hafsûn est significatif dans les montagnes de Jaén, Grenade, Malaga et Almería depuis la mort du chef— 918— jusqu’à son extinction dix ans après. Et il l’est pour l’ardent conflit interne entre ses fils, ses proches, de même que la dure répression à laquelle fut soumise la montagne, signe évident de l’avance difficile des troupes cordouanes. § 11.L’usure à laquelle nous faisions allusion— et que souffrit la mon- tagne bétique à l’instance de Cordoue—, n’est autre chose que la lente et pesante progression d’un État en véritable définition structurelle. Les chroniques font allusion à qu’il était très difficile de trouver des musulmans entre les montagnards du Levant. Cela nous emmène même à redéfinir le concept de muladí, ou— en tout cas— à assumer l’éternel et éclaircissant doute sur le processus très lent de l’islamisation andalusíe. En janvier de l’année 928 ondoyait finalement le drapeau omeyyade dans la forteresse de Bobastro. Les pardonnés les plus illustres— auxquels leur fut concédé l’bnbo— passèrent à remplir des hauts postes dans l’armée de l’émir. Un an après— janvier 929—, Abd al-Rahmãn III ordonna qu’on le traitât de calife et qu’on le nommât dans la prière du vendredi. Comme premier but après sa nouvelle et augmentée intronisation, il décida— en mars— de visiter personnellement la forteresse de Bobastro. Il pria dans la mosquée abandonnée et ordonna de détruire les églises ainsi que d’exhumer le corps d’Omar Ben Hafsûn. Les restes furent déplacés à Cordoue et suspendus à un poteau entre les corps crucifiés de ses deux fils; lieu et situation dans lesquels restèrent les anciens rebelles jusqu’en 942 où une crue du Guadalquivir emporta ce qui restait. 6/3/!Mf!qsfnjfs!dbmjgf!eÖbm.Boebmvt § 1. Celle de Ben Hafsûn fut une longue aventure qui non seule- ment donne foi de l’effervescente diversité andalusíe, mais qui attira à la longue des loyautés nostalgiques très diverses; depuis le mozarabisme obstiné jusqu’aux sympathies pour le symbole d’un proto-banditisme andalou. Non en vain, l’histoire personnelle de Ben Hafsûn avait commencé par l’assassinat d’un voisin suivit de 539! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou la fuite pour éviter les vengeances postérieures. Comme le veut toute légende de bandit. Mais, finalement, le chant du cygne de ce muladisme désintégrant provoqua précisément la définitionnelle centralisation califale des Omeyyades. Et la tragique conclusion de l’aventure de Ben Hafsûn se régla par des punitions diversifiées. À celles que nous avons déjà indiquées l’on devrait additionner— par exemple— qu’en 937 l’on exécuta la dernière de la saga, Argentéa, fille de Ben Hafsûn réfugiée dans un couvent cordouan et jugée pour proférer des injures anti-islamiques; où— sans doute— devons-nous lire contre le régime. De tel père telle fille, même si la longue histoire de la justice tutélaire ne veut pas convenir que tel fait puisse se considérer comme un atténuant. L’outrage publique après la fin de Bobastro nous donne la mesure de la volonté de maintien d’Abd al-Rahmãn III, de même qu’un signe clair de l’époque: Vallvé indique que la cruauté intentionnée fut un des signes du pouvoir omnipotent du premier calife d’al-Andalus, ainsi que de s’adjuger pour lui-même le titre de bm.Obtjs!mj.ejo.Bm. mbi: vainqueur par la religion de Dieu.195 De deux choses l’une: ou Abd al-Rahmãn III se considérait déjà apte à être calife après avoir pris Bobastro ou dans ses allées et venues dans les — toujours irrédentes— montagnes, il était arrivé à une conclusion tautologique; que le seul pouvoir soutenable est celui que l’on ne peut questionner. Avec son intronisation califale— en réalité, sans pompes dans la cérémonie— il avait ordonné l’émission de monnaie d’or avec la frappe d’une nouvelle monnaie. La monnaie royale— les monnaies d’avant étaient en argent et en cuivre—, comme distinction califale, leçon après avoir détruit ses ennemis; il ne manque plus qu’en 945 le gouvernement se déplaçât à son nouveau Wfstbjmmft, Madînat alZahrã’, et Abd al-Rahmãn III aura terminé de dire à l’histoire que signifie arborer le titre de calife. Le pas suivant sera d’indiquer, non pas sur qui, mais dpousf!rvj l’on est calife. § 2. Nous arrêtant dans le carrefour emblématique de la Province du Centre, il est— en ce moment— significatif que les rois chrétiens ne l’étaient plus des Asturies mais de Léon. La nuance n’est pas moindre, car elle implique une descente expansive transcendantale sur la carte: de Ordoño I (850-866) et Alphonse III (860-910), 195 Voir Joaquín Vallvé, Fm!dbmjgbup!ef!D˜sepcb…, page 144. Mf!dbmjgbu!boebmvt“ 53: Léon était une force en croissance qui sous le règne d’Ordoño II (914-924), il y eut au milieu García I, qui s’affrontera ouvertement à Abd al-Rahmãn III. Commençait, si ce n’est une idée générique d’une rétro-alimentation d’influence wisigothe, au moins la pratique d’une conquête chrétienne, qui plusieurs siècles après l’on a appelé la reconquête. Le facteur démographique— dans le processus embryonnaire— fut essentiel: Léon peuplait des zones que Cordoue avait simplement dépeuplées. La propre terminologie est un parti pris a posteriori du nom avec l’illustre préfix sf: l’on parlera autant de repeuplement que de reconquête. Même si le premier sf a un sens— les zones avaient été dépeuplées—, le second n’en a pas. En tout cas, considérons comme valable la lecture historique de que Léon était en train de consolider la ligne du Douro. Non tant pour le contrôle direct et effectif, pas encore, que pour l’élimination d’une vaste terre qui n’appartenait à personne— vu son caractère de désert administratif— supportée jusqu’à là par l’effet de dépeuplement cité. Quelque chose qui maintenant commençait à changer. En grande mesure, la linéarité du conflit— ce post-sentiment de l’histoire médiévale comme la lutte entre la croix et la demi-lune — se vit en certaines occasions freinée tant par la marche lente du repeuplement— mais létal contre al-Andalus — comme pour d’occasionnelles appels d’attention du dehors: mft!Opsnboet, par exemple, attaquaient à nouveau sans distinguer— ceci est évident— entre mft!Nbvsft!fu!mft!disujfot, et sans trouver un frein effectif dans cette tfdpoef! hsbwf! jodvstjpo au-delà de la propre fatigue des troupes. Pour le reste, et en marge de l’effet concret de la lutte contre Léon— en vision générique postérieure comme mythique hvfssf!tbjouf —, la pratique générale d’Abd al-Rahmãn III fut celle de gsbqqfs!fu!dpodefs: les troupes cordouanes exécutaient les meneurs, et au nom du calife l’on offrait, ostensiblement, de la magnanimité en concédant l’bnbo— pardon royal. Une manœuvre très courante était celle d’obliger le vaincu à envoyer ses effets et sa famille à Cordoue, ainsi la capitale percevait les victoires comme une chaîne d’ordre rétabli, et les vaincus tf! dpowfsujttbjfou aux portes de la métropole. L’on ne doit pas dédaigner cet fggfu! dfousbmjtbufvs!eÖbwpjs!wv!Dpsepvf, de telle manière que la périphérie devait se sentir probablement subjuguée face au noyau de pouvoir auquel les gens se soumettaient. 541! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou § 3. Le premier calife d’al-Andalus se barricada derrière des troupes professionnelles— nous annoncions déjà le problème latent de sa berbérisation—, derrière des titres et des emblèmes, ainsi que derrière une cruauté dosée: il en arriva à ordonner la décapitation d’un de ses propres fils, surpris à questionner la ligne de succession établie par son père. La cruauté— comme tout— est fille de son temps: en 931, l’alter ego de Léon du calife, Ramiro II, ordonnera de rendre aveugle son prédécesseur, Alphonse IV le moine, qui avait abdiqué. Alphonse était son frère, et tout paraît indiquer que Ramiro II rendait aveugle tout possible questionnement de légitimité. En tout cas, le calife se protégea derrière Madînat al-Zahra’, ville résidentielle dont l’ostentation servait à la perfection pour exalter la différence entre un calife et le peuple. Le nom lui sera donné à cause de Zahra— fleur—, paraîtrait-il concubine du calife. L’on raconte qu’Abd al-Rahmãn III fit que l’on immortalisa celle-ci avec une statue qui décora les jardins de la résidence jusqu’à ce que le sultan almohade Yaqub al-Mansûr se scandalisât de telle hérésie iconophile et qu’il ordonna de détruire en 1190. En tout cas, Madînat al-Zahrã’, comme postérieurement la Medina Zahira d’al-Mansûr comme l’avait été la Ruzafa du premier Abd al-Rahmãn, établissent une ligne progressive d’une certaine tendance d’encapsuler de la part du gouvernant qui décide— ou doit— mettre en tension la loyauté de son peuple. Dans les trois cas les chroniques parlent d’un certain tiraillement dans ce que l’on appela la btbcjzbÒ! dpitjpo! tpdjbmf! bvupvs! ev! ejsj. hfbou—, et dans les trois cas ceci est réel, avec une nuance comme réserve: depuis l’exaltation du concept d’btbcjzb de la part du penseur Ibn Khaldûn (1332-1406), l’on a tendance à penser en ce terme comme plus ou moins un produit d’une qibsnbdpqf! jtmbnjrvf!tqdjßrvf. Et il n’en est pas ainsi; s’il y a quelque chose de réellement génial-et il y en a beaucoup— en Ibn Khaldûn c’est précisément, l’universalité de sa réflexion historiologique. Quand il réfléchit sur les cycles historiques d’al-Andalus, prenant comme exemples la succession dynastique des Omeyyades, en réalité il est en train d’expliquer qu’est la politique, non pas la politique islamique. Bien que dire qpmjujrvf!jtmbnjrvf était à l’époque comme dire aujourd’hui qpmjujrvf! pddjefoubmf, ce que nous avons déjà dit auparavant. Mf!dbmjgbu!boebmvt“ 542 § 4. Néanmoins, il est certain qu’Abd al-Rahmãn III compte avec l’asabiya de son époque. Cela revient à dire qu’avec Louis XIV de France une feuille ne pouvait bouger sans qu’apparût une épée. C’est pour cette raison, que des affirmations qu’il utilisa comme celle d’asabiya sont complètement infantiles: la cohésion d’un peuple autour du charisme de celui qui dirige ne se décide pas; elle se produit ou est induite. La tradition historiologique qui propose une explication culinaire incertaine d’al-Andalus est déjà longue: une base de Berbères contre baladíes et/ou muladíes, émulsion de asabiya— comme s’il s’agissait d’une boîte que les plus malins découvrent—, bain de ßri— droit islamique inoculé, sans plus, et surtout inamovible depuis 622 jusqu’alors—, mijoté dans des expéditions militaires d’été sans rime ni raison, et servi en dehors du plat à cause des mauvais vieillards de Convadonga. En réalité, l’asabiya est beaucoup plus près du sens de l’État, bien qu’Ibn Khaldûn le retouchât poétiquement— grand mystificateur— comme provenant d’un imaginaire collectif bédouin, loyal et militaire. En presqu’un demi-siècle de règne, Abd al-Rahmãn III aurait bien pu signer ce — dans une nouvelle allusion d’un Bourbon— mքubu!dÖftu!npj.196 Et ce qui est intéressant c’est ce que fut la vérité, donc nous pouvons difficilement faire la dissection d’une époque impériale avec les mâts d’une tente bédouine. Dans ce demi-siècle, l’on peut distinguer trois grandes périodes: la formation du califat andalusí— par pure et pas si simple imposition d’autorité—, la projection extérieure d’un État— au Nord et au Sud—, et la consolidation du despote, suivant l’inévitable norme de commencer une activité comme si personne ne l’avait exercée avant: le pouvoir omni-mode convainc— indéfectiblement— que le roi est le premier et seul indispensable. § 5. Ce qui est dur et indiscutable de son régime— parce qu’en fait, c’est de cela qu’il s’agit— reste représenté de façon méridienne dans la persécution des contestataires, comme dans le cas paradigmatique de la dibttf! bvy! tpsdjsft des anarchistes partisans d’Ibn Masarra. La peur du peuple, consubstantielle à cette conviction d’indispensable, se transforma en répression. En réalité il s’agit de la peur à la mort: depuis le sursaut de la bataille de Simancas— à 196 En français dans le texte. 543! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou laquelle nous ferons allusion—, Abd al-Rahmãn III craint pour son régime à cause de la peur pour sa vie. Spécifiquement l’on taxait de liŒsjekjuf tout personnage contestataire,197 comme dans le cas d’un pauvre dément qui osa effrayer le cheval du calife dans un acte public: le calife tomba au sol, provoquant la décharge démesurée de tout le poids coercitif des troupes présentes contre le pauvre homme. La clé historiologique dans l’interprétation du califat d’Abd alRahmãn III est, en résumé, avoir pu réussir la véritable unité administrative d’al-Andalus, consolidée dans ces quarante neuf ans exactement de gouvernement; unité administrative léguée à sa mort, sans sursauts, à son fils al-Hakam II en 961— nous avons vu déjà comment le calife avait décapité les sursauts possibles vers 950. Donc, longévité et fermeté furent les parapets d’un régime que l’on avait imbu d’idéologie. En se nommant calife, l’Omeyyade se convertissait en commandant des croyants; cela impliquerait-il une concession religieuse— juridique au lobby des juristes— générateurs de l’état d’opinion islamique à la mesure de leurs intérêts— ou plutôt— et bien au contraire— pour se situer si au-dessus d’eux que leur poids social s’annulât de facto? § 6. Comme il n’existe rien à l’état pur, la réalité devra avancer de façon équidistante. Il est certain que tel califat ne peut pas se nommer théocratie: dans les théocraties ce sont les ecclésiastiques qui commandent. Une chose bien différente est d’organiser un régime militaire et profiter de l’influence sociale du clergé, toujours sous le contrôle du dictateur. Ceci paraît être le cas: Abd al-Rahmãn III organisa une cour au style de Basileus byzantin. Idéologie de l’État au service du pouvoir, et rituel religieux comme exultant de l’ostentation du dirigeant. Si les graves ambassades de l’Omeyyade fu197 En réalité, les khãridjites seraient une faction plus ou moins constituée de l’islãm à l’époque, et indubitablement après. Par son étymologie il s’agit des ejwfshfout- l’étiquetage de khãridji s’employait beaucoup pour ce que nous commentons. De la même façon que le seraient les {joe•r!dans l’Orient islamique: le {joe•r!était— simplement— le mazdéen, mais par extension cela s’appliqua à l’agitateur public. Le temps passant, et l’interprétation militaire de tout ce qui est islamique comme indéfectiblement religieux, de l’agitateur public l’on passera à l’hérétique. Mais ce sont des interprétations du sujet, non pas des explications. Mf!dbmjgbu!boebmvt“ 544 rent confiées à un célèbre médecin juif— Hasday Ben Saprut— ou à l’évêque Recemund, le régime ne paraît pas être théocrate. Que le calife essaya de nommer juge suprême un chrétien, puis renonçant finalement, est autre chose— lorsque nous parlions des équidistances. Ici l’on peut voir la pression du groupe des juristes: si l’unique pouvoir des ulémas et juristes était celui d’interprète dogmatique d’une tradition, déprécier telle hiérarchie était— sans doute— déstabiliser une société, à la fin, islamique. Probablement le calife avait besoin de la force légitimatrice de cette classe intermédiaire. Ainsi sont les choses, une fois crée l’unité administrative andalusí, celle-ci passa à s’alimenter de trois sources principales: la tension dans la frontière du nord— raison des incursions d’été—, le contrôle de l’or africain— raison du qspufdupsbu!opse.bgsjdbjo — et celui des routes maritimes orientales dans la Méditerranée. Celle-ci n’était pas la dernière raison de moindre poids: la Sicile, Byzance et les Fatîmides augmentaient leur présence maritime dans les eaux toujours harcelées par une inflation invétérée d’intérêts. § 7. En matière de frontières, à Abd al-Rahmãn III lui échu de voir l’avènement final d’un fort alter ego chrétien dans le royaume de Léon: Ramiro II (931-951), intronisé avec les titres d’Jnqfsbups! et Sfy!Nbhovt. En toute évidence, cette dignité d’empereur faisait allusion au titre califal du Cordouan, de même que celle de grand roi renverrait aux emblèmes des califes omeyyades de Nasir— vainqueur— ou prince/commandant— émir. Celui de Léon imitait le Cordouan. Ce n’est pas un simple enchaînement: du parallélisme de Léon se déduisent plusieurs nouvelles intéressantes: en premier lieu, que depuis le nord l’on perçoit la dignité du calife omeyyade comme s’il s’agissait de prétentions impériales. Indirectement, l’on fait allusion à ce qui est du calife comme simplement politique, bien qu’avec des dignités religieuses bien connues comme supplément légitimiste, similaires à celles des empereurs. En second lieu, dérivée de la nature compétitive entre les deux rois— Abd al-Rahmãn III et Ramiro II— l’on perçoit un nouveau début— car rien ne se termine absolument dans l’histoire, mais que celle-ci est faite de relais—: nous avons voulu voir ici un indice de plus de ce que Félix Duque diagnostique comme le moteur d’une certaine prospérité critique européenne: la compétitivité— en ce cas, proto-taifa hispane—, décidemment proto-renaissance. 545! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou La rivalité entre les deux, la compétitivité fertile, se solderait bien sûr en une franche supériorité impériale du Cordouan, bien que l’on puisse compter certaines victoires chrétiennes exemplaires dans le camp de bataille. Non pour ce que peut avoir d’exemplaire une bataille, mais pour le cas spécifique de la future sfusp. bmjnfoubujpo!ef!sfdporv‘uf. L’on raconte, en tout cas, que ce fut comme conséquence d’un pacte entre Abd al-Rahmãn III et Ramiro II que se résout le maintien de Saragosse. Non tant dans le sein andalusí que celui du Cordouan: en 935— tel est ainsi le cas— l’on ne questionnait pas la chute ou non de la capitale de l’Èbre en mains chrétiennes, mais l’aide ou non de Ramiro II aux Tuyibíes. Le calife voulait résoudre la question en nommant al-Tuyibi gouverneur, ne cédant pas aux menaces. Il est très significatif, quoi qu’il en soit, que Saragosse, maintînt cette centralité stratégique— vallée de l’Èbre, entonnoir depuis les Pyrénées— et que de Charlemagne jusqu’à ce Ramiro II— d’Abd al-Rahmãn I jusqu’au III— l’on posât la question sur son destin plus souvent sur des tables de négociation que par la force directe des armes. Il n’en sera pas toujours ainsi— des Almohades jusqu’aux Français—, même si l’on peut interpréter le changement comme rupture d’une sage tendance générale. § 8. En tout cas— nous le disions: l’on raconte que—, après cette négociation de 935 avec Ramiro II, Abd al-Rahmãn III décida d’ériger un édifice à l’échelle de sa projection impériale: Madînat alZahrã’. Elle allait arriver; la pire défaite soufferte par le calife s’annonçait, et celui-ci devait augmenter son importance comparative loin des champs de bataille. Cette déroute servirait de leçon à l’Omeyyade, ce fut la dernière fois qu’il participa personnellement dans une guerre. Il s’agit de la bataille de Simancas— du Foso ou Alhandega, pour les sources arabes— en 939. Dans une coalition paradigmatique entre des habitants de Léon, de Castille et de Navarre, Abd al-Rahmãn III tomba dans une embuscade de Ramiro II, ses rangs étant confinés dans un fossé ou ravin. L’écho de la bataille dans les chroniques chrétiennes est probablement— un premier soupçon d’affrontement propagandiste européen entre la chrétienté et l’islãm. Il est évident que la religion n’a rien à voir ni avec les incursions d’été de l’Omeyyade ni avec l’expansionnisme de Ramiro II. Comme elle n’aura rien à voir non plus dans Mf!dbmjgbu!boebmvt“ 546 les Croisades ou à Lépante; l’utilité du facteur religieux dans les harangues: c’est autre chose.198 Péninsule Ibérique médiévale, Croisades et Lépante. Le combustible idéologique exclusiviste se préparait. A cause de telles raisons le traitement de Tjnbodbt est très significatif: mÖFvspqf! t֏cbv. dibju!ek‰!vof!jefouju-!ebot!mbrvfmmf!bm.Boebmvt!ubju!fydmv/! Quelque soit le comportement européen qu’ait al-Andalus, la tournure de sa future évolution ou le mode européen de régler culturellement ses fertiles crises politiques: al-Andalus commençait à se limiter dans son illustre manière d’être différent. Et l’écho européen au sujet de Simancas est très significatif pour sa projection millénariste: l’an Mil était-il proche? Paraissent demander les narrateurs. Effectivement, en 956 apparaîtra dans une Ijtupjsf compilée dans la ville suisse de Saint Gallen, une mention à la bataille de Simancas— dans laquelle l’on fait allusion à la participation de mb!sfjof!wbjmmbouf Upub de Navarre—, de même que deux ans après de ce que l’on a appelé mÖBoubqpeptjtÒ récompense— publiée à Frankfurt par l’évêque de Cremona, Luidprand. La description de 198 La perception des Croisades depuis Venise ou Byzance est spécialement significative. Nous faisions déjà allusion à cela: Byzance est envahie dans son territoire par ces masses de déshérités européens qui, avec l’excuse idéologique, dévastent à leur passage les champs byzantins— disujfot, pour être plus précis, si ces dibnqt!disujfot existaient vraiment. Venise consciente du déclin économique à cause des Croisades— dérivé du frein au commerce vers l’Orient, base de sa prospérité—, ira seulement en échange de la ville libanaise de Tripoli. Quant à Lépante, la commémoration en Espagne de Nuestra Señora del Rosario le 7 octobre— date centrale de la Bataille— et la croissante incorporation du sptbjsf par les epnjoj!dboft— dominicains: dijfot!ef!Ejfv— est un coup de grâce au christianisme Oriental. Ainsi se consumait l’idée que les chrétiens orientauxétaient possédés par le démon; d’autre part apparaissaient les questionnements luthériens— mft!disujfot!psjfoubvy!wpou.jmt!fo!Fogfs?, se demandait Martin Luther-; nbjt!mf!disjtujbojtnf!dpnnfoŽb!m‰.cbt. Il est incontestable que le rosaire est d’origine chrétien oriental, et l’appropriation symbolique de la part du catholicisme ira associée au rôle de la Papauté Méditerranéenne. Lépante est beaucoup plus le renouvellement du pouvoir papal— à travers de la Ligue Sainte— qui freina le Turc. Un frein qui, dans la pratique, n’était plus ou moins qu’une rafle nécessaire contre la piraterie méditerranéenne. Nous reviendrons sur ceci. Voir, entretemps, John Julius Norwick, Ijtupsjb! ef Wfofdjb…, page 117. Sur Lépante— qualifiée par Hugh Bicheno, entres-autres, de cbubjmmf!jdpojrvf, voir son: Mb!cbubmmb!ef!Mfqboup-!2682. Madrid: Ariel, 2005, page 129. 547! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou la défaite cordouane contient des références occasionnelles déjà clairement idéologiques: que le calife— dans sa chute affolée— dut abandonner dans sa tente un précieux exemplaire du Coran. Qu’il laissa aussi sa cotte de mailles, ou même que les femmes de son harem apparurent dans les champs. § 9. La défaite cordouane ne supposa pas— au début— plus de perte significative que la saine obligation d’accords avec les chrétiens du nord. Très différente est la façon avec laquelle subrepticement, Ramiro II put allonger son ombre jusqu’à Salamanca; mais l’indépendantisme castillan permettra au calife de pouvoir respirer, dans l’impossibilité d’obtenir une coalition durable. Conscient de cette croissante force castillane Abd al-Rahmãn III fortifia la Frontière du Centre avec l’édification comme parapet en 946 de Madina Salim— Medinaceli. Medinaceli est la réserve dans la Castille d’al-Andalus, située dans le centre d’un triangle formé par Madrid dans son angle occidental, Saragosse dans l’oriental, et Soria au nord. Son rôle dans l’histoire postérieure sera définitif, très spécialement dans mb!ßo!eÖbm.NbotŸs. Pour l’instant, pour continuer avec la défaite de Simancas, le calife déduit dans son analyse qu’elle avait été une erreur claire d’alliance et d’estimation. Erreur d’alliance pour avoir confié Cordoue à des seigneurs mouvants de la Province Supérieure— avec lesquels il alla personnellement sur le champ de bataille et les vit s’éloigner—, et d’estimation pour mésestimer le pouvoir de coalition occasionnel des chrétiens. Comme dans le cas de Bobastro, Simancas marque un point de non-retour dans l’éloignement de la magnificence de ce roi soleil califal. Et-comme nous le disions—, les murs de Madînat al-Zahrã’ serviront à merveille pour l’occasion. 6/4/!Mf!epdupsbu!psjfoubm § 1. Le concert ibérique qui se développe alors est intéressant. Les Tuyibíes de Saragosse, qui deux ans avant étaient les alliés de Ramiro II et Tota de Navarre, étaient retournés au sein cordouan— à cause de la présence des troupes du calife aux portes de Saragosse. La famille Tuyibí dut venir en aide pendant la bataille de Simancas dans les rangs cordouans sans beaucoup de conviction. En plus, ils furent vaincus et— qui plus est le chef des Tuyibíes— Ben Hisham— Mf!dbmjgbu!boebmvt“ 548 fut fait prisonnier par Ramiro II, jouissant de cette hospitalité captive pendant plusieurs années. En fait, il fut libéré par Abd al-Rahmãn III montrant ainsi que Ramiro II avait réussi à rapprocher Saragosse de Cordoue, de la même manière qu’Abd al-Rahmãn III avait réussi la première grande alliance chrétienne représentative, car en ce qui concerne Ramiro II celui-ci était freiné uniquement par la tendance castillane. En réalité, le problème des Tuyibíes reviendra dans le crépuscule du califat. Pour l’instant, la gfsnfuvsf!eÖbm.Boebmvt pouvait se considérer comme achevée et scellée avec l’édification de Madînat al-Zahrã’. L’ardent historien Ibn Idari de Marrakech— qui écrirait son œuvre d’influence berbère plusieurs siècles après—, nous offre le bilan: bm.Obtjs!dpoujou!mb!dibodf!bewfstf-!jm!hvsju!mft!qmbjft! ef! mքubu-! jm! bggspoub! bwfd! tvddt! mÖfoofnj— c’est une façon de voir. Mft! mjnjuft! ef! tb! kvtujdf! fncsbttsfou! mft! tefoubjsft! fu! mft!opnbeft— il parle de Marrakech—, jm!gpoeb!fu!ßu!dpotusvjsf! eft! wjmmft! fu! eft! gpsufsfttft-! mbjttbou! eft! wftujhft! rvjÒ! tbot! bvdvo!epvufÒ!sftufspou!kvtrv։!df!rvf!tpoofou!mft!uspnqfuuft! ev!Kvhfnfou/! § 2. Dans ce triangle stratégique ébauché par Abd al-Rahmãn III— Frontière Supérieure, or du Sud de l’Afrique et routes maritimes vers l’Orient— il était absolument nécessaire d’établir un contrôle très dur dans le Détroit, de même que son prolongement jusqu’à la véritable frontière portuaire des Fatîmides du Sud: l’inévitable côte inférieure du triangle péninsulaire; la ligne de Cadix à Alicante. Dans ce sens, si le contrôle maritime avait été établi— selon ce que nous voyions— pour couper les approvisionnements à ceux de Bobastro, le rôle expansif des Fatîmides de Tunisie à l’Égypte ne pourrait être neutralisé seulement avec quelques bateaux. Nous voyions également qu’en accordant la dignité de calife à Abd al-Rahmãn III, Cordoue étayait une certaine indépendance de l’imaginaire politique, en rechassant explicitement toute relation de dépendance avec le califat fatîmide proclamé préalablement. Mais les gestes devaient se renforcer avec un certain parapet plus effectif. Dans ce sens, Bce!bm.SbinŒo!JJJ!ewfmpqqb!vof!qpmjujrvf! dmbjsfnfou!bgsjdbojtuf qui— du point de vue stratégique était la plus appropriée pour freiner le gbu•njtnf oriental nord-africain, de même que pour garantir la fluidité des caravanes d’or et d’esclaves 549! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou depuis la courbe du fleuve Niger. C’est pour cette raison et dans une concrétion plus significative de sa politique extérieure! que Dpsepvf! ubcmju! vo! qspufdupsbu! ebot! mf! opse! ef! mÖBgsjrvf. Au commencement les Omeyyades envoyèrent et maintinrent un contingent de troupes qui garantirent l’indépendance du royaume de Nakur, établissant un territoire de défense omeyyade contre les Fatîmides. Il est indubitable que tel coussin stratégique servirait plus aux intérêts omeyyades qu’aux populations autochtones; des intérêts déjà clairement réaffirmés contre le Sud: pendant que se consolidait ce qspufdupsbu, le calife ordonnait la construction de navires de guerre à Pechina et le renforcement des défenses du port d’Algesiras avec ses arsenaux. § 3. L’époque l’exigeait, et non seulement pour le danger fatîmide. Dans une certaine tension méditerranéenne inhérente aux périodes de guerre froide entre empires en expansion, les interstices défensifs contribuent seulement à augmenter la tension et attirer de nouveaux conflits. En 955, un bateau andalusí qui voyageait vers l’Orient se croisât avec un autre également islamique qui partait de Sicile. Dans le bateau voyageait un ambassadeur détaché devant le calife fatîmide, et le conflit diplomatique se solda d’une manière qui ne laissa pas le moindre doute sur les intensions des Omeyyades et Fatîmides: les pro-Fatîmides siciliens arasèrent le port d’Almería obligeant Madînat al Zahrã’ à se poser la question sur son rôle méditerranéen. Du point de vue des états interposés, le colonialisme patent nord-africain des Omeyyades freina les derniers Idrîsides— jusqu’aux années 950—, et aida les Zanata— nomades— face aux Sinhaya— sédentaires—, qui à leur tour furent aidés par les Fatîmides orientaux. Ces peuples seront des protagonistes croissants dans l’histoire péninsulaire à mesure qu’augmentera mÖbmjnfoubujpo! cfscsf des troupes omeyyades— déjà existantes— et très spécialement avec l’expansion dans al-Andalus des dénommés ezobtujft! opse.bgsjdbjoft/! Pour le moment, il est évident-selon nous pouvons voir— que le jeu des empires opposés et jouant avec l’argent des autres, est une constante géostratégique universelle. Melilla était passée à dépendre de Cordoue en 927, Ceuta en 931, et— déjà à la moitié des années 900—, Tanger. La ligne défensive était donc établie, bien qu’avec des hauts et des bas dépendant des besoins d’attention au Nord, vers Léon. La poussée omeyyade dans le nord Mf!dbmjgbu!boebmvt“ 54: de l’Afrique non seulement arrivera à freiner les Fatîmides avec leur avance naturelle vers l’Est, mais que ceux-ci invertiront leur tendance, s’établissant en Égypte, d’où ils projetteront la prospérité associée à leur dynastie. § 4. Entre nord et sud, arsenaux et murs de Madînat al-Zahrã’, l’État andalusí se consolida politiquement. Et à part de nombreuses missions commerciales des marchands d’Amalfi, Francs, et Sardes, il faut souligner les célèbres échanges d’ambassades avec l’extérieur. Ils sont la preuve définitive d’une normalité institutionnelle qui à la longue s’efface, sous le gros trait des identifications religieuses telluriques. L’évêque Recemund représenta Madînat al-Zahrã’devant Byzance et la Germanie, entre-temps cette dernière envoyait à Cordoue une légation représentative d’Otton I. La même année de l’ambassade de Recemund, l’ambassadeur byzantin Salomon revenait à Constantinople après avoir parcouru les trois escales inéluctables dans la route tracée par l’empereur Constantin VII Porphyrogénète: Cordoue, la Germanie et Venise. Les ambassades n’étaient jamais de simple upbtu!bv!tpmfjm, mais préfiguraient un tâtonnement stratégique intéressant: en 931 fracassait, par exemple, une offensive byzantine contre l’actuelle Provence. À Byzance à laquelle l’imaginaire européen a condamné à l’oubli, il lui restait encore un demi-millénaire de vie comme telle— et beaucoup plus dans sa transformation turque, que nous continuons à voir comme des levers et tombers de rideau. Donc, ce que nous pouvons déduire c’est que les expansionnismes ne dépendent pas tant de la propre initiative que de l’absence ou non du frein d’autrui. § 5.À Madînat al-Zahrã’ arrivèrent aussi les chroniqueurs, des mar- chands et des ambassadeurs arabes. Quand le géographe oriental Ben Hawqal visita la capitale omeyyade il s’étonna de sa richesse, affirmant que l’unique cour qui eut plus de trésors était celle du prince de Mosul. Arrivèrent également des légations en provenance de différentes seigneuries nord-africaines; certaines avec des pétitions de prébendes en échange d’étendre la légitimité omeyyade— comme ce fut le cas du général de Meknès Ben Yasal—, et d’autres qui calibraient quelle souveraineté pouvait-être plus avantageuse, si l’omeyyade ou la fatîmide— comme ce fut le cas des envoyés d’Al- 551! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou ger. Dans une de ces ambassades, arrivèrent à la capitale d’Abd alRahmãn III des cadeaux comme deux livres fondamentaux: Tvs!mb! nbujsf!nejdbmf de Dioscoride-en grec—, et l’Ijtupjsf de Paulo Orosio— en latin. À la demande du calife, mÖfnqfsfvs!cz{boujo!fowpzb!‰!Dps. epvf! mf! npjof! Ojdpmbt, en 951, la même année que la mort de Ramiro II. Madînat al-Zahrã’ pouvait faire sienne la victoire de l’âge; celle qui est associée dans l’imaginaire collectif à la sentence arabe de tÖbttpjs! fu! wpjs! qbttfs! mf! dbebwsf! ef! tpo! foofnj/! Le calife pouvait se dédier à intervenir avec son appui ou son rejet dans la polémique de succession du royaume de Léon-entre Sanche I et Ordoño IV—, avec lesquels occasionnellement il collabora pour défendre les propres intérêts cordouans. La participation des troupes omeyyades avec Sanche I dans la prise de Zamora— par exemple— est très significative. Ce tjhf!dpsepvbo— à partir duquel l’on peut contempler le cadavre de son ennemi—, prospère et avide de lectures nouvelles, recevait Nicolas lui donnant la bienvenue dans sa mission: collaborer dans les traductions en arabe de ces livres en grec et en latin, travaillant avec un haut fonctionnaire juif déjà cité Cfo!Tbqsvu!fu!bwfd!Cfo!Btcbh/ § 6. Le substrat andalusí était déjà suffisamment imprégné -arabisé, orientalisé— pour pouvoir produire de véritables œuvres littéraires universelles. Dans un de ces échanges avec l’Orient— que nous voyions depuis l’époque de Ziryab—, un autre Irakien ferait son apparition dans Cordoue: en 941 arrivait Abu Ali al-Qali, prestigieux philologue auteur d’une anthologie didactique Mjwsf! eft! ejduft et transmetteur de tout le bagage grammatical imprimé à Kûfa et Bassora par la synthèse de Bagdad. Les grammairiens arabes provoqueront une incalculable réaction en chaîne depuis le milieu purement religieux— commentaire philologique pour la compréhension du texte coranique— jusqu’à la synthétisation scientifique de la langue. Dans ce cadre, la grammaire arabe influencera l’hébraïque et se sauveront— d’une seule poussée scientifique— deux langues sacrées dans al-Andalus. Cordoue bouillait. C’est un fait indéniable que dans l’univers de l’arabité l’on était en train de bercer les desseins poétiques d’un Abû Nuwãs abbãsside ou d’un al-Mutanabbî dans la cour ndof de Sayf al-Dawla. L’ombre littéraire de ce dernier est telle, qu’à la Mf!dbmjgbu!boebmvt“ 552 langue arabe l’on a l’habitude de la nommer— par impératif poétique— mb!mbohvf!eÖbm.Nvubobcc•. Et c’était la langue du plus grand État d’Europe de son époque. Quelque chose paraissait s’annoncer en une géographie dans laquelle— peu après— vof! jnqspwjtb. ujpo!qpujrvf!svttjf!qpvwbju!uf!tfswjs!‰!‘usf!qsfnjfs!nj. ojtusf, comme dirait García Gómez des cours de la Renaissance des Taifas. Pour le moment, ce philologue irakien du nom d’Abu Ali al-Qali recevra une mission très spéciale: être le précepteur de l’héritier al-Hakam II. Il sera également maître du grand historien Ibn al-Qutiya— mf!ßmt!ef!mb!Hpuif —, et probablement aiguillon de palais dans un État établi qui peut seulement attendre son lent déclin politique au nom de sa splendeur culturelle. § 7. À cette époque fleurit l’œuvre avec laquelle— selon García Gó- mez— al-Andalus passait son doctorat en culture orientale. Ce qui équivaut à dire qu’il atteint sa maturité civilisatrice, vu qu’il fut capable de produire un livre à la hauteur culturelle arabe de son époque. Il s’agit de Mf!dpmmjfs!vojrvf d’Ibn Abd Rabbihî (860-940). Par son description allusive à un collier de perles, l’œuvre sera méprisée par ses opposants qui en feront référence comme un dibqfmfu! eÖbvmy, pour répéter la raillerie toute faite du poète acide al-Qalfat (mort en 915). Qalfat était un sobriquet, calfat; c’est-à-dire celui qui enduit le brai sur les bateaux. Il est possible qu’il fût connu avec un tel surnom pour la couleur de sa peau ou pour son peu d’hygiène. En tout cas, le rôle de ce poète qui calfate détruisant les poèmes d’autrui avec ses satyres depuis Cordoue jusqu’à Séville est, en réalité, le signe indéniable de l’époque: la poésie comme preuve de formation, et la formation comme clé du succès social. Cette thèse par laquelle al-Andalus faisait son doctorat— Le collier unique d’Ibn Abd Rabbihî—, est une encyclopédie de l’érudition arabe. L’on peut difficilement le considérer comme un uocsfvy! mjwsf!nejwbm— pour jouer avec le stéréotype à propos du Moyen Âge—, et encore moins comme un traité austère de traditions— stéréotype islamique—: Mf!dpmmjfs!vojrvf!qspnfu!eft!sfobjttbo. dft; il le fait même depuis l’ambiance de compétitivité à laquelle fait allusion la moquerie acide du dbmgbu. Chaque chapitre du Collier, serti et poli, porte le nom d’une pierre précieuse— de là le titre générique, et la raison satyrique de chapelet d’aulx. Il s’agit de vingtcinq pièces capitulaires où derrière le nom poétique se développe 553! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou un savoir différencié, où l’on distingue les chapitres suivants: Perle (sur la poétique), Topaze (proverbes sur la générosité humaine), Corail (protocole), Argent (histoire d’ambassades et de délégations illustres), Saphir (sciences), Or (langue), et ainsi jusqu’à vingt-cinq avec d’autres thèmes comme la religion, les astres ou les élégies. Il est évident que cet encyclopédisme établit une dimension didactique d’accord avec une époque différente à celle que nous assumons comme nejwbmf!boebmvt“f. Une époque andalusíe, du reste, ebot! vof!bncjbodf inégalable d’un calife complexe qui la commandait: bm.Iblbn!JJ (961-976). 6/5/!Mft!boobmft!ev!Qbmbjt § 1. L’héritier d’Abd al-Rahmãn III, al-Hakam II, fut éduqué comme tel. Entre les décapitations de successions alternatives et une certaine place officielle réservée au successeur de l’émir-calife depuis longtemps déjà, l’intronisation d’al-Hakam II ne revêtit pas de risque ou menaces pour la stabilité, à part les réserves logiques— et universellement assumées— face à tout changement. Effectivement, al-Hakam II avait représenté son père dans la direction des travaux de Madînat al-Zahrã’, et il comptait comme propre sur— ce que l’on considérait alors, et longtemps après— la qualification de gestion du rêve andalusí: la formation humaniste qui faisait le fonctionnaire— libu•c, au pluriel lvuubc —, de la même manière que le fonctionnaire fait l’État. Fonctionnaire de la cour, donc ce que l’on appelle courtisan, qui sert pour un nième regard du coin de l’œil vers ce qui viendra après: la renaissance européenne. Un songe d’aspiration sociale réalisable et— d’autre part— propre au concept humain de Dar al-Islãm. Les périodes d’épée reviendront; pour l’instant, al-Hakam II inaugure clairement l’époque de la plume. Effectivement la légende de sa formation, mécénat et bibliophilie est seulement accompagnée de deux autres caractéristiques stéréotypées pour leur poids historiques: le dédain absolu pour les affaires d’État— en réalité, affirmation qui ne se soutient pas— et le peu d’engagement à maintenir la lignée de succession. Dans ce sens, son légendaire penchant pour les courtisans éphèbes— les célèbres hvmbnjzbu— uni à la première caractéristique nuancée— le dédain pour la politique, dans la pratique, obligation de déléguer—, tout cela s’unira pour permettre la Mf!dbmjgbu!boebmvt“ 554 qibtf!boebmvt“f!tvjwbouf-!mf!npnfou!wfov;!mb!ejdubuvsf!eft! dpotfjmmfst/ § 2. Ainsi, chez al-Hakam c’est-à-dire al-Mustansir— son nom officiel— se rejoignent le personnel et le politique— quand n’en est-il pas ainsi?— pour concevoir l’histoire. La renommée d’al-Hakam II comme collectionneur de livres s’exagère— par exemple— jusqu’aux anecdotes amplifiées comme l’achat d’un exemplaire du Mjwsf!eft! Dibotpot d’Abû al-Faradj -Perse d’Ispahan—, acquis lorsque— selon la légende— l’encre était encore fraîche. En réalité, la réalité ne cache pas le mensonge: l’arrivée d’un exemplaire du livre oriental cité fut antérieure à son expansion à travers l’Orient qui le vit naître. Il faut insinuer ici la semence du déphasage très postérieur entre la renaissance andalusíe et les autres renaissances européennes: à un moment donné, l’arabe ne sera pas imprimé. C’est une donnée essentielle sur laquelle nous reviendrons. Et un autre fait est celui de sa paternité tardive, al-Hakam II perdit un fils très tôt et n’eut pas d’autre garçon— Hichãm— qu’après les cinquante ans et la compagnie vigoureuse de son épouse du nord Subh, à laquelle il aimait habiller avec des vêtements masculins et s’adresser à elle avec des prénoms de garçon. Vu que la succession andalusíe ne prévoyait ni les femmes ni les mineurs pour le trône, le fait de laisser un enfant successeur ne fera autre que déstabiliser le califat. L’époque du devenir oriental consumé et profond s’unissait à celle de la ubcmf!sbtf de Madînat al-Zahrã’ due au labeur centralisateur du premier calife. Maintenant il y a seulement des Arabes andalusís à cause de leur culture; ni muladíes ou baladíes, arabisés ou arabisants en supposée— et erronée— dichotomie raciale. Donc, arrivé au trône d’al-Hakam II, alAndalus montrait une plus que probable izqfsuspqijf!bsbcjtbouf, dans une allusion exagérée du diagnostique que nous partagions: à force de sentir ce qui est arabe, l’Andalusí prétendit être déjà oriental. Ces muladíes insurgés n’établissaient pas de périphéries alternatives; ils inventaient des généalogies qui les faisaient paraître de vieux musulmans, Arabes depuis toujours. § 3. Le docteur en culture orientale, Ibn Abd Rabbihî, conciliait son bagage arabe avec des clins d’œil à la rue qui n’avait pas de lignée arabe: il était capable d’offrir au monde ce grave essai très culte qui 555! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou a pour titre Mf!dpmmjfs!vojrvf, comme de s’exprimer littérairement dans un poème de strophes d’origine andalusíe, mb! npbybkb, qui incorporait de petites chansons romances. Ce qui était hispanoromain avait déjà cessé; étant substitué par l’indélébile empreinte populaire, de second rang évident. Désormais le romance signifiera beaucoup de choses et pas toujours au même moment: vulgaire, non social, déclassé, mais aussi populaire, général, ou menaçant. Dans la cour— nous le voyons—, le faste réservait un!mjfv!qsjwj. mhj!bv!tbwpjs!mjuusbjsf-!fttfodf!ef!mb!qspmjgsbujpo!gvuvsf! eft!dpvst!rvf!opvt!bqqfmpot!Ubjgbt/!Probablement ces cours omeyyades— et ensuite les Taifas— incorporent des éléments nouveaux pour une analyse rénovée des renaissances européennes, dans la tendance qui nous est fournie. Évidemment, le dpodfqu! eÖBcbe— formation humaniste, littéraire— dans la cour cordouane aux approches de l’an mille, traduit à la perfection l’idée— l’idéal— des! Tuvejb! Ivnbojubujt que Pétrarque tirerait de l’oubli, deux cents ans après, prétendant un retour à Cicéron sans escales. À Madînat al-Zahrã’, les formes architectoniques orientales— byzantines et irakiennes— se combineront avec les représentations de draperie chrétiennes dans les reliefs, ainsi qu’une cour lettrée qui marqua linguistiquement son niveau par rapport aux communs des mortels qui envahissaient de paroles romances l’arabe andalusí. Et comme ingrédient inestimable, les grands postes administratifs étaient déjà occupés par des tbrbmjcb, esclaves; anciens esclaves du nord dont les troupes— en croissante berbérisation des soldats, d’autre part— réussirent à donner le coup de grâce au nfmujoh!qpu andalusí à l’époque d’al-Hakam II. § 4. Cette impression juste de García Gómez sur le doctorat oriental atteint dans al-Andalus à cause de l’imposante œuvre Le collier unique— d’Ibn Abd Rabbihî—, doit s’appliquer à ce qu’implique une arabisation centripète orientalisante, comme ce qu’implique le grade de docteur: un doctorat andalusí atteint dans la défense publique, défendu par le poids des pages, rédigé ouvertement à travers des chroniques, depuis lors plus fiables, plus proches dans le temps. Cette nuance de fiabilité majeure réside— néanmoins— moins en l’objectivité historique— universellement inexistante— qu’en le fait irréfutable de que les Andalusís parlent déjà d’al-Andalus de leur époque. Les chroniques peuvent-être plus ou moins Mf!dbmjgbu!boebmvt“ 556 auliques mais elles deviennent autochtones et approximativement contemporaines. María Jesús Viguera, pilier interprétatif de ce qui est andalusí, fait allusion adroitement à l’importance de la subjectivité du chroniqueur, et c’est dans ces latitudes que nous bougeons: au lieu d’avaler des nouvelles prises par objectivité— obsession historiographique—, le questionnement historiologique commence peut-être à être plus intéressant. Le soupçon de ce qui est vrai, plutôt que le compte rendu de ce qui s’habille de véridique. Viguera l’exprime en deux lignes: qmvt!opvt!dmbjspot!mft!sbjtpot!ef!mfvs!tvckfdujwju-! qmvt!opvt!opvt!bqqspdifspot!bwfd!qsdjtjpo!‰!mÖpckfdujwju!ef! df!rvj!ftu!bssjw.199 Effectivement; de la naissance de l’histoire dynastique, de l’historien au service d’une dynastie, l’on peut déduire l’établissement d’un régime. § 5. Les Omeyyades avaient créé al-Andalus institutionnel dans lequel la culture arabe attribuait au devenir intellectuel européen une spécificité toujours mésestimée dans l’étude sur les renaissances européennes. Entre ces historiens qbojbhvbept! )nbjoufovt*! qbs!mft!Pnfzzbeft— un terme juste de Viguera Molíns—, Ibn Abd Rabbihî se trouve dans un endroit privilégié, mais également le clan des Razi, ou le Usbju!tvs!mft!nsjuft!sfnbsrvbcmft!eft!Pnfzzb. eft de Qasim Ibn Asbag (mort en 952), traité qui a été perdu ainsi que l’Ijtupjsf d’Ibn al-Qutiya— le fils de la Gothe— ou le libu•c courtisan Arib, plume fidèle d’al-Hakam II. Cet al-Andalus, historié à la manière orientale— continuant les règles historiographiques arabes de l’historien oriental éminent Tabari, du début des années 900— se sait déjà éternel. Telle exubérance dans les nouvelles est une caractéristique intrinsèque du propre concept arabe de l’histoire compilée. Les Bo. obmft se racontent et servent de référence, entre autres, pour un genre irremplaçable, les nbtŒmjl!xb.nbnŒmjl déjà cités, un genre de Mft!difnjot!fu!mft!spzbvnft!(livres de géographie) que les Arabes scrutèrent dans les confins du monde connu, en écrivant leurs légendes. Dans ce sens, l’histoire narrée est plus relation— histo199 María Jesús Viguera, “Cronistas de Al Ándalus”. Dans: Felipe Maillo (et autres), Ftqb—b-!Bm!èoebmvt-!Tfgbsbe;!t“ouftjt!z!ovfwbt!qfstqfdujwbt/!Universidad de Salamanca, 1988, page 85. 557! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou riographique— qu’explication, une vertu convertie en discipline— notre historiologie— et pratiquée par de nombreux historiens arabes, son épitomé étant le Tunisien Ibn Khaldûn, mais aussi notre ineffable Jco!Ibzzbo un peu postérieur au califat, bien qu’en de nombreux aspects pratiquement contemporain et plus fertile que le Tunisien. Précisément cet historien Ibn Hayyan nous offre d’abondantes et inracontables nouvelles du calife qui nous concerne, alHakam II, dans une continuation cohérente de tout ce qu’il avait été raconté sur son père, le fondateur du califat andalusí. § 6. L’œuvre monumentale d’Ibn Hayyan— et plus spécialement sa première partie, bm.Nvrubcjt, abrégé—, est l’objet d’une profonde étude de la part de l’arabisme espagnol depuis que García Gómez plongeât déjà en 1967 dans telle énorme citerne. Le doyen des arabistes espagnoles fit un recueil en cette occasion d’un premier grand échantillon informatif sous le nom de Boobmft!Qbmbujopt-!p! ds˜ojdb!ef!mbt!dptbt!ef!qbmbdjp!fo!mb!qpdb!efm!Dbmjgbup (200). Ces Boobmft nous montrent un calife al-Hakam II plus fort, plus dur et plus complexe que celui du cliché à deux visages de bibliophilie et pédérastie auquel nous étions habitués. Le calife étrangle, est malade, construit et détruit; fait des caprices, conquiert et meurt comme point culminant agonique d’une vie brève, bien que frappée par diverses maladies caractéristiques et des préoccupations pour celles de son héritier, le fils de si difficile fécondation— selon ce que l’on nous raconte— et d’une tragique vie publique inutile Hichãm II. La dernière maladie d’al-Hakam II s’étendit pendant huit mois d’agonie, dans une obscure dissimulation transitoire jusqu’à l’emmener et qui emmènera avec lui, de fait, le califat andalusí. Ce double fait— mort et changement politique— était quelque chose qui s’annonçait, car avant al-Hakam II avait souffert des blessures et des hémiplégies qui l’obligèrent à déléguer des pouvoirs. La fin— non encore annoncée— du califat andalusí est autre chose car celle-ci commençait précisément par une claire délégation de pouvoir aux plus aptes; en même temps plus dangereux. Pour ce qui précède, la partie humaine de l’Omeyyade venait déjà de loin dans sa transcendance politique collatérale: la mère d’al-Hakam II avait 200 Annales du Palais, ou chronique des faits dans le palais à l’époque du Califat. (N.d.la T). Mf!dbmjgbu!boebmvt“ 558 été la concubine chrétienne Marianne. Les légendes d’alcôve racontent que la chrétienne avait acheté à la première épouse d’Abd alRahmãn III une féconde nuit conjugale, à la suite de quoi elle réussit à se convertir en prestigieuse Vnn!Xbmbe: mère d’un garçon, fshp possible héritier. § 7. Ce titre d’Umm Walad la qualifia dans la cour, l’habilitant comme reine mère possible dans le centre de ce sauvage panorama d’intérêts courtisans. La mère allait devenir la principale protectrice de la candidature de son fils dans des chaînes de succession si compliquées— à cause de la polygamie islamique—, ce qu’elle atteint et ce qui prouve les capacités d’une mère. Dans tout ceci, et tant à Cordoue comme à Bagdad— tout au moins—, le rôle intrigant des Umm Walad parle de lui-même non pour la présence de la femme dans la civilisation islamique— dans ce cas peu représentative—, mais pour sa survie sauvage, dans des cours et époques où le monde entier faisait sienne la loi naturelle que la loi est celle du plus fort, naturellement. Les Annales du Palais— une partie de l’Abrégé d’Ibn Hayyan, nous le vîmes— nous parlent eft! dbmjgft! dpsepvbot! cmpoet! qsftrvf!spvy-!ef!mfvst!nsft!disujfooft!ev!opse, et de la naturalité anti-cliché de cet al-Andalus spécifique mais pas si différent par rapport au reste du monde islamique; ce Dar al-Islãm qui impliquait plus les éthérées latitudes civilisatrices que les pieuses nuances religieuses, toujours personnelles et interprétables b!qpt. ufsjpsj. Dans le tourbillon politique de telles mères chrétiennes, le rôle des Basques, des Navarrais, de ceux de Léon qui est une constante andalusíe dans la cour de Cordoue et qui venait de loin, ne fera que s’intensifier. Même s’institutionnaliser, pourrions-nous dire. Effectivement à cet Abd al-Rahmãn III roux et sa concubine Marianne lui succèdera al-Hakam, et de celui-ci avec la Basque Aurore— Subh— naîtra le suivant, célèbre Hichãm II; triste et spécial ipnnf!Èbvnbtrvf!ef!gfsÉ!cordouan. § 8. Qui plus est, quand arrive le moment, un al-Mansûr expansif prendra pour épouse— entre incursion et incursion— la fille de Sanche Garcés II, débaptisée avec le nom d’Abda et de qui naîtra le futur Abd al-Rahmãn appelé par eux— pour être petit-fils de Sanche—, Sanchuelo. Mais l’omniprésent al-Mansûr insistera à prendre 559! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou comme concubine Tarasia, la fille de Bermude II bien qu’ensuite il en fit son épouse après l’avoir affranchie. Cette Tarasia ne déméritait pas non plus la légendaire bravoure de celles qui l’avaient précédée: Cruz Hernández raconte que, recevant des nobles de Léon qui prétendaient utiliser les influences conjugales de l’épouse d’alMansûr à des fins politiques en bénéfice de Léon, Tarasia sortit son sermon particulier faisant référence à la raison d’État: vof!obujpo! epju!dpoßfs!mb!egfotf!ef!tpo!ipoofvs!bvy!mbodft!ef!tft!hvfs. sjfst-!fu!opo!bv!dpoÒ!tjdÒ!ef!mfvst!gfnnft.201 La pauvre Tarasia ne manquait pas de raison, lancée ainsi comme pion propitiatoire de gvuvsft! fu! twsft! dporv‘uft/! Nbjt! qpvs!mf!npnfou!bm.Boebmvt!oÖfo!ubju!qbt!fodpsf!m‰-!immergé dans son particulier nfmujoh!qpu!du califat: femmes du nord, chrétiens en croissante expansion démographique dans les provinces abandonnées des frontières, Berbères en dangereuse et croissante majorité dans les troupes, Slaves— appelés tbrbmjcb— qui depuis l’armée sautèrent dans l’Administration pour occuper des hautes charges; ulémas guidant le moral des masses, juristes qui le constataient par écrit, et cetera: de Madînat al-Zahrã’, al-Hakam II, entre ses étagères, assistait à une nouvelle décantation sociale— une de plus — d’al-Andalus. § 9. Politiquement, le calife avait commencé avec deux gestes pour épater la galerie: la première campagne militaire guidée par lui à la tête de ses non arabisés prétoriens— ceux que l’on appelait les kvst, muets: parce qu’ils ne parlaient pas arabe—, et l’ordre d’amplifier la mosquée principale de Cordoue. Ce second geste offre la mesure exacte d’un régime et sa dose nécessaire de populisme: comme clin d’œil aux juristes le calife s’occupait des œuvres pieuses; geste qui— par surcroît— nous offre une information supplémentaire. Effectivement, l’amplification serait signe que la population cordouane augmentait si exponentiellement, que sa principale mosquée devait être redéfinie architecturalement. Comptant avec un temple basé, paraît-il, sur une vieille église cénobitique de Saint Vincent, l’on a l’habitude de parler de quatre mosquées principales pour nous en remettre aux amplifications réalisées. La première amplification fut commencée en 786 et la 201 Miguel Cruz Hernández, Fm!Jtmbn!ef!Bm!èoebmvt…, page 134. Mf!dbmjgbu!boebmvt“ 55: seconde autour de 848. Celle d’al-Hakam II serait la troisième amplification, terminée aux alentours de 971, et qui a une connotation réellement intéressante: les travaux, d’une pénétration artistique sans précédent, furent signés par des maîtres d’œuvre qui coïncident normalement avec les mêmes qui signèrent à Madînat al-Zahrã’. L’art andalusí signait, face au concept ésotérique de l’anonymat théologique. Ce faible bouispqpdfousjtnf! bsujtujrvf aura son importance le moment venu de cataloguer certains tvddt!boeb. mvt“t!dpnnf!bqqbsufobou!njofnnfou!‰!mb!Sfobjttbodf/ § 10. Enfin, il y aura une quatrième mosquée, signe indubitable de la force légitimatrice que ce qui est religieux pouvait avoir dans le populisme marqué des juristes et leur pouvoir dans tout le devenir des affaires d’État. La quatrième amplification répondra à l’ordre d’al-Mansûr, habile stratège du légitimisme populiste. Ce sens politique des constructions religieuses —dont parle Cruz Hernández—202 est si marquée dans ce cas concret, que la magnificence des travaux de la mosquée principale de Cordoue se convertirait en le meilleur souvenir iconographique du chef avec lequel on le rattacherait à cause de la fin des travaux en 990. Mais al-Mansûr n’était pas encore arrivé. Pendant ce temps, la mosquée principale amplifiée, Madînat al-Zahrã’ et la Bibliothèque Royale se convertissaient en trois bastions d’al-Hakam II, trilogie qui arrive à le définir. Au milieu de la profusion de nouvelles dans les chroniques du palais, divers traits ne passent pas inaperçus, comme le despotisme acquis du calife illustré— vo!difg!rvj!oÖbcv. tf!qbt-!bggbjcmju!tpo!qsftujhf, dit-on. Ainsi le capricieux Omeyyade déposséda de sa propriété un courtisan infortuné et il fut à point de raviver une guerre à cause d’un caprice pour une pièce d’ambre. Effectivement, le courtisan slave Evssj!se vit obligé à offrir à alHakam II en 973 sa grange de Guarromán, dont le calife prit possession sans même y passer la nuit, comme geste de mépris égotiste. § 11. Dans la même ligne, deux ans après il s’enticha d’un précieux pendentif en ambre qui, au cours d’une audience, arborait au cou un prince idrîside— nord-africain — Ibn Gannun— en principe, client ou vassal d’une certaine manière. La légende raconte que ce202 Miguel Cruz Hernández. Fm!Jtmbn!ef!bm!èoebmvtÊ- page 415. 561! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou lui-ci ne voulut pas lui donner le pendentif, ce qui fit que le calife confisquât ses biens, l’expulsa en Orient, et avec l’émigration forcée idrîside il provoquerait un bon accueil de la part du calife ennemi fatîmide— déjà en Égypte. Quoi qu’il en soit— vérité historique ou symbolique—, l’histoire de l’alliance idrîside avec les Fatîmides de l’époque est certaine, au-delà des pièces d’ambre provocatrices; une histoire qui est sertie également par la présence nord-africaine des Omeyyades dont al-Hakam II avait hérité de son père la transcendance géopolitique dans un concept politico-ibérique conditionné, pourrions-nous ajouter. Cette politique nord-africaine d’al-Hakam II peut se résumer dans le compte— rendu de deux grands mouvements: compétence naturelle face au califat fatîmide contrôleur du nord de l’Afrique orientale, et tendance corrélative— non moins naturelle— à s’attirer des appuis locaux avec lesquels l’on pouvait établir un certain coussin défensif, avec des tribus qui avaient une certaine affinité comme les [foŒubt et les Nbhsbxbt dans le centre. Mf!qspufdup. sbu!egfotjg!rv֏ubcmjttbjfou!mft!Pnfzzbeft!ebot!mf!opse!ef! mÖBgsjrvf offre la mesure— à nouveau— de cette tellurique perception géopolitique, ses conditionnements, de même qu’un certain automatisme réactif inhérent. Ceuta, par exemple, commença à cette époque l’intensification d’une permanente divergence fiscale face à Cordoue que celle-ci dût résoudre avec la câlinerie classique envers mf!ßmt!qspejhvf: pour s’attirer les bonnes grâces de Ceuta, al-Hakam II proclama l’exemption fiscale absolue compensée par une intensification des impôts dans l’Aljarafe sévillan— mf! gssf! bjo!ev!ßmt!qspejhvf, pour continuer avec la même image. § 12. Madînat al-Zahrã’ apprit bien vite à établir dans son ensem- ble toute petite entrave possible dans la politique nord-africaine. D’une certaine manière, la perception claire du concept géopolitique montra aux Omeyyades les avantages et le besoin de régionaliser les conflits, maximiser l’importance de la stabilité pour le bien des routes commerciales, et— par contre— minimiser les avantages de ce que nous pourrions appeler la quiétude administrative: non, Cordoue allait à la guerre préventive, comme il correspond— probablement— aux régimes trop compromis avec la raison d’État. Ainsi, il assimile en bloc tout ce qui entourait l’ennemi fatîmide du sud: le chiisme, par exemple— spécificité Mf!dbmjgbu!boebmvt“ 562 religieuse à laquelle appartenaient les Fatîmides— fut poursuivit avec fureur dans al-Andalus. Continuant dans la même ligne, la usjcv!tjoibzb des Zîrides— bélier des Fãtimides dans le nord de l’Afrique, aujourd’hui marocain— fut combattue directement ou d’une manière indirecte à travers de tribus interposées, proches à Cordoue: en 971, les Zîrides infligèrent une grave déroute à ces tribus pro-omeyyades, décidant ainsi une certaine jowfstjpo!gvuvsf!ef!gpsdft!ebot!df!qspufd. upsbu!dpvttjo!qspufdufvs d’Afrique du nord. Probablement, un fait très remarquable de cette époque omeyyade, et irrésistible pour notre obsession de comparaison maniaque— intertextuelle, décontextuelle — soit le sšmf!mhjujnjtuf!dspjttbou!eft! hosbvy! bgsjdbojtuft/!Et cela permet deux lectures très intéressantes de la réalité andalusíe: la première est le besoin de légitimité. L’on peut penser que c’est un trait caractéristique de toute société organisée, mais ce n’est pas nécessairement le cas. § 13. Dans les régimes fortement personnalisés, et au niveau chro- nologique qui nous concerne, la légitimité est plutôt la force coercitive avec laquelle le dirigeant se faisait obéir. Mais cela ne paraît pas être le cas andalusí: une nouvelle étape s’ouvrait, vraiment intéressante, dans laquelle le peuple légitime. Opine, d’une certaine façon. D’ici— nous approchant de l’an mille— jusqu’au développement complet des villes— états Taifas, la façon avec laquelle un dirigeant se présente devant le peuple marquera l’effectivité de sa force coercitive. De là— nous le verrons— le rôle du courtisan de palais habile avec la propagande. En second lieu, et après avoir souligné l’importance de la légitimité dans un système encore fortement npobsdijrvf, la relevance d’un type spécifique de légitimité, la mhjujnju!joufsnejbjsf, celle des hauts postes en-dessous du calife— dans laquelle se distinguent les généraux cités avant— n’est pas moins importante. Mf! qfvqmf!b!qmvt!ef!qpjet!rvf!df!rvf!mÖpo!eju!ebot!mft!dispoj. rvft; le peuple qui reçoit les généraux victorieux nous parle luimême d’un changement en puissance. L’arrivée du sfepvubcmf!dib. sjtnf s’annonce dans le défilé des généraux expérimentés dans le protectorat africain ainsi que le maintien de la tension limitrophe dans les Provinces du Nord. Des hommes comme le général des mercenaires Ibn Tumlus, ou même le seigneur de la Province Supé- 563! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou rieure Yahya al-Tuyibi, dont le nom nous est connu de Saragosse. Mf!gvuvs!bm.NbotŸs!Ò!de nom Muhammad Abi Amir—, pour ses débuts déjà couronnés de succès, cadi de Séville et chef de l’Hôtel de la Monnaie. Et pas moins célèbre est le hosbm!Hbmjc, probablement un des hauts gestionnaires les plus estimés de son temps, et le vizir cordouan bm.Nvtkbß-!gbdupuvn d’une décision qui— à la longue— se convertira en endémique: appeler les troupes africaines organisées pour combattre les chrétiens du Nord. 6/6/!Dpsepvf-!tpdju!njmjubjsf § 1. L’idée renferme en soi un certain piège perspectiviste: effectivement, de la légitimité des généraux l’on peut déduire une configuration militaire croissante de la société andalusíe. Mais celle-ci ne se montrait pas encore comme telle, elle le fera par contraste avec la suivante et claire configuration courtisane des Taifas. La tension pyramidale du pouvoir andalusí se militarisait, pour exploser en mille et un morceaux de questionnement centralisateur militaire: les fleurissants sièges courtisans postérieurs. Pour abonder dans ce sens, souvent se confondent essence et apparence; nous parlons des théocraties, démocraties, parti-craties et autres —craties pour colorer— très souvent— les choses telles qu’elles nous servent et non pas telles qu’elles sont. Si le clergé est au service du général, c’est une société militaire, en plus ce dernier sait utiliser les services de l’autre pour sa propre propagande légitimiste. Et s’il se passe le contraire, ceci est purement et simplement une théocratie; nous verrons qu’il n’y en a pas tellement. En tout cas, et pour ce qui nous concerne, entre tous ces généraux, et très spécialement dans le cas de ces trois derniers— Nvtkbß-! Hbmjc! fu! bm.NbotŸs, se construisait une croissante et certaine mhjujnju!njmjubjsf, en toute évidence conspiratrice et en haut grade populiste, qui terminera par substituer— supplanter— le pouvoir des Omeyyades. Telle légitimité militaire s’alimentait dans les rues cordouanes, qui gardaient leurs meilleurs habits pour recevoir les généraux africanistes, futurs intervenants de la vie politique, de leurs postes de vizir et conseillers jusqu’aux remplaçants putschistes. Toujours protégés par la façon avec laquelle le peuple regardait leurs épées comme salvatrices. Mf!dbmjgbu!boebmvt“ 564 § 2. En 966, par exemple, il se produisit une nouvelle incursion des Normands. Les Omeyyades les vainquirent à Silves— actuelle ville portugaise d’Algarve— avec l’aide logistique transcendantale d’une autre flotte subsidiaire très particulière: une flotte fluviale construite pour la défense rapide du Guadalquivir, semblable à la rapidité avec laquelle les drakkars vikings, les embarcations légères normandes, avaient remonté le fleuve antérieurement; tout s’apprend. En 971 et 972 recommençait la provocation de ces mayus— nous avons vu qu’ils étaient appelés ainsi, du latin magus; les mages orientaux à cause de leur goût pour les braises, ils étaient associés avec les préchrétiens orientaux adorateurs du feu. Ces mages réussirent indirectement une certaine cohésion péninsulaire: vu que le comte Muñoz de Astorga, seigneur de l’actuelle ligne du Douro portugais, envoyait des émissaires à Cordoue à chaque fois qu’ils apercevaient des Vikings sur la côte, obtenant l’aide militaire andalusíe. De façon générale, et cette fois en ce qui concerne le nord chrétien, la société militaire cordouane croissante aurait autant ou plus de motifs de célébrations militaires qu’avec les activités colonialistes nord-africaines; motifs d’entre lesquels se distinguait le rituel et célébré eqmpjfnfou! eft! esbqfbvy! bwbou! dibrvf! fyqej. ujpo. Il faut dire que pour le califat d’al-Hakam II la rivalité entre les différents royaumes chrétiens lui fut favorable en tous moments, en claire connotation d’expansionnisme pour chacun d’entre eux. Il est évident que si l’on se heurte c’est parce que l’on avance, et cette avance put s’insinuer au début de façon horizontale— terrain connu—, pour occuper plus tard subrepticement les étendues et malmenées {poft! tbot! nb•usf limitrophes, et finalement croître vers le Sud, comme rétro-alimentation de la propagande de reconquête. Mb!dm!ev!tvddt!ebot!mft!spzbvnft!ev!Opse!gvu!upv. kpvst!mb!enphsbqijf, il faut en tenir compte. Et son avance vers le Sud, naturelle: ni tellurique— impossible sfdporv‘uf de ce qui n’avait pas été conquis—, ni croisade— salvatrice. § 3. En de telles circonstances, la rivalité interne spécifique de l’imparable royaume de Léon vint s’ajouter à celle qui existait déjà entre les deux royaumes. Ainsi, Léon favorisa le rôle du commode arbitre andalusí: avec Sanche I et Ordoño IV s’affrontant à travers de leurs troupes pour obtenir la dignité royale. Pendant ce temps, 565! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Fernand González de Castille se joignait à une dispute horizontale semblable, harcelant par un affrontement permanent le royaume de Navarre. Probablement, de Cordoue l’on ne percevait pas les fièvres de croissance qu’avaient les royaumes du Nord, ou peut-être le suivant, al-Mansûr, sut les mesurer à leur juste valeur, leur réservant dans l’histoire son rôle unificateur indirect du Nord— maintenant décidemment chrétien par idéologie. De tout ceci il résulte évident que l’évolution des royaumes chrétiens péninsulaires jusqu’à l’époque qui nous concerne— avant la ufssjcmf!boof!njmmf — n’avait pas répondu à d’insistants fohbhf. nfout!ef!sfdporv‘uf- mais plutôt à un développement spécifique de ce que nous appelions le dibohfnfou!rvbmjßdbujg!qbs!mÖbeejujpo! ef! dibohfnfout! rvboujubujgt/! Pendant ce temps la pression démographique n’en faisait qu’à sa tête; le gboušnf! nbmuivtjfo qui apparaîtra bien plus tard, ici avait besoin d’expansion. Et non tant pour le poids en soi de la population croissante du peuple, mais plutôt par joàbujpo!ef!difwbmjfst: pour les seigneuries qzsbnj. ebmft dans lesquelles le cheval et l’armure réunissaient des partisans et ceux-ci se mettaient à la disposition de causes et seigneurs variés— en plus des propres besoins vitaux du groupe—, l’affluence d’armées rendra très compliquée la qsfooju!boebmvt“f. § 4. Dans ce sens— et avançant encore plus par les marges illustratrices—, une de nos prémisses historiologiques acquiert une signification spéciale: tout cadre historique est, en soi, un mensonge; vu qu’il nie l’essence même de l’histoire— et de la vie—: le mouvement. La diapositive des Maures et chrétiens séparés par un parapet, les uns regardant La Mecque et les autres Saint-Jacques-de-Compostelle, résulte exaspérante. La possibilité de proposer— à la fin des années 900— un cadre historique de répartition religieuse— nord chrétien face au sud musulman—, bientôt évident ne provient pas tant de ces maladifs et inexistants sfefwfojs!df!rvf!opvt!gŸnft mais plutôt des pressions expansionnistes naturelles et imperceptibles. En plus, l’avance dans l’histoire repose sur des processus de concrétion impossible— face à la facilité chromatique de ces gbvy! dbesft! ijtupsjrvft déjà cités. Dans notre cas, les processus de changement qualificatif seraient les suivants: Mf!dbmjgbu!boebmvt“ 566 § 5. La manière avec laquelle la centralisation cordouane put se militariser vers l’intérieur et oublier les zones de frontières à niveau institutionnel. – La façon avec laquelle— précisément— Cordoue mettait le pied sur la frontière seulement pour des opérations de butin ou de châtiment, contribuant ainsi à favoriser une jepmphjf des peuples qui s’affrontent. – La séquence citée et imparable du silencieux peuplement chrétien de telles zones. – L’expansionnisme des Asturies, qui bientôt s’appellera de Léon; ainsi que l’irrédentisme castillan face à tel expansionnisme, qui probablement marqua son auto-considération comme futur royaume autonome, stimulé par la pression andalusíe à partir du cmjfs!ef!Nfejobdfmj— le bastion limitrophe omeyyade dans le centre-nord. § 6. La manière avec laquelle tel indépendantisme castillan rendait indépendant, en fait, les zones qui peuvent se considérer du Nord— spécialement la Navarre. – Le harcèlement permanent andalusí dans la vallée de l’Èbre, avec cet essentiel bm.Boebmvt! tbot! joàvfodf! pnfzzbef qui se constitua depuis toujours bvupvs!ef!Tbsbhpttf. Son importance diminuée dans les analyses partiales qui prétendent l’assimilation de tout ce qui est andalusí comme étant andalou. – L’ordre tvj!hfofsjt établi au-delà de la zone de l’Èbre et spécialement la Catalogne, en permanente attitude d’ouverture au passage des Francs lorsque l’on fait appel à leur aide. § 7. De cette façon, pendant qu’al-Andalus prospérait comme société et culture, entre les crevasses stratégiques surgissaient les royaumes chrétiens. Et soulignons-le: surgissaient; non pas resurgissaient, car le sempiternel sjtnf déjà cité ne fait autre que de décaper la réalité historique. Ce surgissement n’était provoqué que par sa propre ouverture vitale sans que l’on doive attribuer des aversions connaturelles au Nbvsf!tvcju. Parce que nous l’avons vu, rien ne s’implantait de façon subite, mais plutôt que tout se savait 567! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou depuis toujours. Si Abd al-Rahmãn III avait été poussé à générer un califat fermé— entre autres raisons— grâce à la pression du nord de Ramire II, le fils de ce premier —al-Hakam II—203 maintiendrait un certain statu quo favorisé par l’effervescence interne du nord. Un statu quo seul imperceptiblement modifié par cette croissante— et toujours fertile— compétence entre les royaumes consolidés du nord d’al-Andalus. Dans la phase suivante al-Mansûr commencera un nouveau processus— histoire comme séquence ininterrompue de commencements—: sa pression guerrière; le pillage systématique avec lequel il subjugua les royaumes chrétiens, poussera ceux-ci à avoir besoin d’une force majeure unificatrice au nom de survies en principe juxtaposées. Dfuuf!gpsdf!tfsb!mÖjepmphjf!ev! ndibou!Nbvsf-! susp.bmjnfouf! hojbmfnfou! dpnnf! sfdporv‘uf/! Le mythe de l’éternel retour— le réisme dont nous avons déjà fait allusion—, au service de la survie. La coïncidence avec le procès européen sera génialement diabolique;! les compétences internes du reste de l’Europe pivotaient vers un monolithisme interprétatif autour d’vo!dspjttbou!foofnj!psjfoubm!jtmbnjrvf dans ces futurs pillages européens au Moyen-Orient connus comme Croisades. Telle coïncidence de ce qui est andalusí avec le Proche-Orient comme civilisateur et religieux, aboutira en un inestimable bénéfice idéologique s’englobant dans notre particulière enceinte de Maures et chrétiens. § 8. Un jour, vers l’an 962 al-Hakam II se trouvait à la tête d’une incursion contre le nord. Nous contemplions la manœuvre comme un signe— pour épater la galerie— qui s’ajoutait à celle obtenue par l’ampliation de la principale mosquée cordouane. Cette campagne précoce était probablement un signal d’alarme pour Léon. Ce futur général africaniste, Galib, homme attentif de son époque, avait amené un invité devant le calife omeyyade en cette année 962: il s’agissait d’Ordoño IV, rival à époque du roi de Léon Sanche I. Ordoño IV chercha l’appui andalusí pour essayer de supplanter Sanche I, et sa manière de le faire fut de s’approcher de l’homme 203 Nous insistons à maintenir la terminologie en usage. Al-Hakam II est, dans les chroniques, bm.Nvtubotjs. Mais, souvent, la rigueur peut se convertir en rigorisme confus. Mf!dbmjgbu!boebmvt“ 568 fort du bélier de Medinaceli: Galib. Dans de telles trames se tissa un chapitre du plus vieux jeu: ejwjtf!fu!uv!wbjodsbt, en cette occasion en plein mouvement stratégique cordouan. Il est peut-être plus juste de l’exposer comme il se produisit réellement; avec moins d’apriorisme stratégique cordouan, et plus de profit de la circonstance, comme tout dans la vie— et dans l’histoire. Ainsi, nous vîmes que ce fut Ordoño IV qui se présenta dans la Medinaceli de Galib, appelant de la sorte aux portes de Madînat al— Zahrã’ pour une médiation par son général le plus prestigieux.204 Dans la relation des évènements que nous traduisent Dozy et Vallvé,205 ce qui préoccupait al-Hakam II — justement— étaient les possibles alliances avec le ferme Castillan Fernand González, ainsi qu’un excès de pouvoir dans le royaume de Léon. Dans le jeu des intrigues et stratégie, le roi de Léon Sanche I le Gros—, en tira parti augmentant son importance face aux Omeyyades après la mort mystérieuse à Cordoue du qspuh! Ordoño IV. Mais les troupes du calife furent à la hauteur: al-Hakam II organisa la célèbre et victorieuse dbnqbhof!ef!Tbo!Ftucbo!ef!Hpsnb{!fo!:75, ne serait-ce que pour faire sienne cette postérieure— et machiavélique— affirmation de Clausewitz sur la guerre comme la continuation de la diplomatie par autres moyens. § 9. Le temps médiéval courrait en faveur de Cordoue: en 966, mourait également— et empoisonné— Sanche I, montrant de façon évidente que ses ennemis étaient plus dans le royaume de Léon que dans al-Andalus. Dans la providentielle séquence à deux temps, étaient en train de disparaître en peu d’années les protagonistes connus des royaumes chrétiens, favorisant une telle instabilité— inhérente aux transitions— à al-Hakam II et son régime. Vu que l’on dit que les problèmes surgissent à la suite des succès en tenue de 204 Nous sommes peut-être en train de njmjubsjtfs en excès. Les hosbvy! présentés ici ne sont pas, évidemment, professionnels d’une Académie Militaire. Il s’agit, en toute probabilité, de tfjhofvst! ef! mb! hvfssf, entre courtisans et propriétaires terriens, qui utilisaient les armes et les intrigues comme n’importe qui au Moyen Âge. 205 Il s’agit de la réinterprétation amplifiée de ces Annales du Palais. Reinhart Dozy-! Ijtupsjb! ef! mpt! nvtvmnboft! ef! Ftqb—b (4 vol.). Madrid: Turner, 1988, et Joaquín Vallvé, Fm!dbmjgbup!ef!D˜sepcb. Madrid: Mapfre, 1992. Spécialement, les pages 213 à 218. 569! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou corvée, de la débilité de la succession dans le royaume de Léon-le roi est mort ainsi que son opposant direct— cela terminerait en futures forteresses institutionnelles: à la mort de Sanche I, son fils de cinq ans monta sur le trône comme précédent inespéré qui établissait définitivement le sens de la monarchie héréditaire dans la zone la plus compacte du nord chrétien; les jeux de régence et raison d’état faisait murir un règne. L’époque de paix relative d’al-Hakam II cachait, de cette façon un enracinement silencieux des royaumes chrétiens: quand arrive l’an mille, et al-Mansûr paraît annoncer la fin du monde pour le peuple des royaumes chrétiens, la survie inespérée promettra de futures prospérités, maquillées de façon opportune— à ce momentlà — comme sf.dporv‘uf. Ainsi, entre les pompeuses ambassades, profit stratégique de l’instabilité du nord, et les interventions aseptiques africanistes, le sage calife d’al-Andalus s’appliquait— après la victoire de San Estéban de Gormaz— à renforcer ce que nous appelions le cmjfs de Medinaceli face à la Castille, ainsi qu’à grossir les fonds de sa grande et mythique bibliothèque. Il préparait également la cession de son siège califal à un fils dont l’âge circonstanciel avait converti fatalement en petit-fils: dans le royaume de Léon la même situation entraîna un renforcement dans la succession du roi-enfant — vu que Léon s’enferma jusqu’à assurer la monarchie— ce qui représentera au contraire une débilité pour veiller sur les intérêts de leur calife-enfant. § 10. Ainsi, l’énorme différence d’âge entre al-Hakam II et son fils Hichãm préparera une scène transitoire très différente de ce qui se passait dans le royaume de Léon: cet enfant de cinq ans Ramire III— qui réussissait une certaine unité nationale létale pour al-Andalus, serait assisté pour la régence d’une religieuse, Elvira, un de ces personnages historiques qui distillent fermeté dénominative. Par contre, l’enfant Hichãm II qui sera élevé à la dignité califale après la mort de son père al-Hakam II provoquera une telle force centrifuge de droits acquis devenue générale dans la lutte des légitimités populistes, que le califat d’al-Andalus terminera par se transformer en dictature militaire d’al-Mansûr. Et probablement tout venait s’annoncer comme un premier pas au casernement d’alAndalus, en commençant par la dépendance de gestion de ces généraux déjà cités. Spécialement, au début, de Galib le seigneur de Mf!dbmjgbu!boebmvt“ 56: Medinaceli: consacré par ses gloires africaines, il reçu à Cordoue le titre de généralissime en 975— evm!tbzgbubzo, littéralement dfmvj! eft!efvy!qft. Pendant que Galib réalisait une prestigieuse campagne militaire de punition à Gormaz et Estercuel le calife al-Hakam II passait dans les coulisses à cause d’une longue maladie qui l’emporterait l’année suivante. Un calife mourant, dépendant de ses généraux et disparu déjà; un enfant de onze ans soumis à la forte pression légitimatrice d’une mère entre tant de courtisans. Et celle-ci, une veuve ayant besoin d’appui dans le palais pour garantir le futur de son fils— et la vie de tous deux. L’an mille si redouté des chrétiens, paraissait avoir plus de sens dans al-Andalus. Bien que l’on présente l’annonce de crises, cette situation est en général un terrain fertile pour la floraison des lettres. 6/7/!Mf!kveb–tnf!boebmvt“ § 1. Notre théorie globale interprétative et partant de notre ma- jeur échantillon historiologique, il en ressort que nous ne pouvons extrapoler les floraisons culturelles au nom d’un étiquetage religieux obsolescent. Notre théorie proposait la naissance simultanée de l’islãm, al-Andalus, et Damas face à la Byzance trinitaire. Elle proposait aussi sa symbiose, et retro-alimentation, ainsi que le mode par lequel tout cela faisait foi d’un héritage sans simagrées: le nouvel ordre civilisateur dans la Méditerranée sud-occidentale héritait d’une certaine façon de Rome, sans solution de continuité ni exclusivismes religieux masqués. Clairement, l’Islãm civilisateur se présentait comme héritier de Rome avec plus de légitimité que ce que l’on appelait l’Empire Sacré surgi à Aix la Chapelle, prétendant avoir sf.tvshj. À la longue, la complication intrinsèque des choses en mouvement en augmentera son propre intérêt: après la prise de Constantinople par les Turcs— jamais les Arabes—, grâce au manque d’intérêt de puissances comme Venise et Gènes, pour des raisons spéciales— à la date tardive de 2564, le siège impérial romain d’Orient, qui existait encore, sera occupé par un calife. Cette symbiose— pouvoir religieux, mais islamique, et pouvoir politique, mais encore byzantin—, provoquera la naissance d’une terre intermédiaire orientale pas encore traitée. Longtemps avant, dans ce fluctuant et fertile 571! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou désordre de choses— déjà suffisamment traité-; et dans la firme évolution critique vers les religions— maintenant oui— pleinement différenciées et cultures difficilement extrapolables, un élément participe activement dans la floraison des idées méditerranéennes: mÖbqphf!ef!mb!mjuusbuvsf!icsb–rvf!fu!kvjwf!fo!bsbcf. § 2. Le judaïsme, errant ou sédentaire; urbain, hérétique ou traditionnel, participait à l’établissement des couches civilisatrices. Il participera également— et d’une manière inéluctable— dans la filtration de ce qui est andalusí et de ce qui est déjà strictement européen, le moment venu: les juifs expulsés d’Espagne emporteront al-Andalus dans leurs besaces, ce que l’on nommera Séfarade. Quelque chose difficilement compréhensible pour ceux qui délimitent les religions comme systèmes culturels étanches. Déjà depuis le début; depuis les mêmes sources culturelles et dans la même ligne antitrinitaire que le proto-islãm, la floraison classifiable comme judaïsme s’inséra dans l’espace qu’il— de cette manière— contribuait à agrandir: al-Andalus. Pour ne pas tomber dans l’erreur à partir de ce nouveau début— qu’y a-t-il qui ne soit en permanence début de quelque chose?— nous partirons de ce qui est évident: upvu!df!rvj!tf!qspevjtju!ebot!bm. Boebmvt!ftu!dmbttjßbcmf!dpnnf!boebmvt“. Dans ce sens, l’on peut affirmer que si l’Âge d’Or du judaïsme se situe dans la péninsule Ibérique de 950 jusqu’à 1492, et éminemment entre des auteurs qui écrivirent en arabe; il paraît évident — à nouveau— que telle fût une inaliénable production andalusíe. D’ici nous pouvons parler du Séfarade mythique postérieur; de la poétique nostalgie déformante, du rêve de l’éternel retour, ou des edsfut!tvjdjeft!eÖfyqvmtjpo d’une Espagne complètement fermée et détournée par l’or amazonien. Mais il sera difficile de proposer avec une véritable rigueur scientifique— ou une apparence intellectuelle—, des extrapolations, des isolements partireligion. Cette célèbre définition de Jorge Luis Borges; mÖFtqbhof!ef! mÖjtmŒn-!fu!ef!mb!dbcbmf-!fu!ef!mb!ovju!pctdvsf!ef!m֊nf, acquiert son plus grand sens en la contemplant comme une culture buvant des trois jets d’une même source, et non pas d’un espace avec trois cultures, dont la dissection est impossible. § 3. Cette culture est notre particulière et première Renaissance espagnole; tout au moins, notre grand apport à la somme des re- Mf!dbmjgbu!boebmvt“ 572 naissances européennes.206 Et la théorie est l’idée moteur de notre promenade historiologique— ou monomanie, comme dirait Antonio Machado; car c’est ainsi qu’elle est en train de se convertir—, vu qu’elle devient quelque peu insistante. Dans ce sens, tout le poids de la production juive comme la production chrétienne si insultée— par méconnaissance, sans plus— en revient à ce qui est andalusí; effectivement, il y a peu de temps que l’on démontre que fleurirent aussi certains auteurs chrétiens qui, s’exprimant en arabe, contribueraient à forger la nommée— en insistante unicité, pour nous— culture andalusíe. Marie Thérèse Urvoy, par exemple, cite le cas paradigmatique de l’auteur oublié Hafs le Goth— celui-ci était mozarabe, du fait qu’il était arabisé—, compilateur d’un curieux psautier. La question n’est en rien équivoque: les psautiers son des livres liturgiques chrétiens qui contiennent des Psaumes pour être chantés pendant la messe. Il ne s’agit pas de livres mineurs, mais d’exemplaires uniques auxquels les spécialistes— concrètement, les historiens de l’art— accordent une importance capitale à l’époque de l’invention de l’imprimerie. Le psautier de Hafs le Goth contient cent cinquante psaumes, et l’on distingue par-dessus tout son intéressante adaptation des modes poétiques arabes, appliqués aux techniques musicologiques et besoins religieux des chrétiens andalusís.207 § 4. Mais la question des chrétiens arabes, tant andalusís comme orientaux, c’est une autre histoire qui réclamera des années pour sortir de l’oubli de vérités occultes par mythes identitaires. En ce qui concerne les juifs, il est évident et historiquement datable que leur participation n’était pas neuve— comme telle; comme juifs— dans la plénitude culturelle de leur époque. Du célèbre Décret de Pto206 Nous continuons à avancer dans l’jefÒ! hvjef de Vossler; celle des multiples renaissances européennes, sans doute partagée récemment par Jerry Brotton, bien que celui-ci ne paraît pas avoir lu l’antérieur, ce qui se tourne en bénéfice de la propre théorie, s’éloignant de la scolastique et arrivant à des conclusions similaires à partir de procédés et formations différents. Voir de Karl Vossler, son œuvre— déjà citée— Bmhvopt!dbsbdufsft!ef!mb!dvmuvsb!ftqb—pmb-! et de Jerry Brotton, Fm!cb{bs!efm!Sfobdjnjfoup/!Tpcsf!mb!joàvfodjb!ef!Psjfouf! fo!mb!dvmuvsb!pddjefoubm. Barcelona: Paidós, 2003 207 Marie Thérèse Urvoy, Mf!Qtbvujfs!np{bsbcf!ef!Ibgt!mf!Hpui. Toulouse: Presses Universitaires du Mirail, 1994. 573! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou lémée II Philadelphe (285 -246 av.J.-C. évidemment)— libérant des milliers d’esclaves juifs en Égypte—, à Alexandrie s’était développé un substrat intellectuel monothéiste de considération indispensable pour les futures interprétations historiologiques des allers et retours dans la houle méditerranéenne. En essence, nous nous basons sur le fait irréfutable que les juifs studieux avaient découvert, en deux phases les langues de l’époque. En premier lieu, ils avaient découvert mf! hsfd nécessaire— jusqu’à, au moins l’an 750—, et en deuxième phase, à partir de là, ils assimilèrent le sémitisme linguistique commun; la proximité linguistique de leur langue sacrée— l’hébreu— à la langue de l’époque: mÖbsbcf. À partir de là ils profitèrent de la croissante tradition philologique arabe pour appliquer leur propre étude linguistique et leurs propres réussites dans les commentaires des sources religieuses. Objttbju!mb!mjuusbuvsf!icsb–rvf-!hvjef!qbs!mÖbsbcf! nejwbm. Mais toutes deux, littérature hébraïque et arabe médiévales, avaient été avant— selon nous vîmes— grecques. Il ne s’agit pas d’un sempiternel étiquetage des Bsbcft! rvj! usbevjtjsfou! mft! Hsfdt. Non; c’est la culture arabe qui émana de la grecque. L’islãm religieux naquit comme courant illuminateur dans le byzantinisme; contre le byzantinisme. Nous avons insisté suffisamment dans la kvtuf!dpotjesbujpo!ev!Dpsbo!fu!tpo!npoef!ebot!mf!dpoufyuf! ev!ecbu!uipmphjrvf!cz{boujo; de l’inexplicable qu’est la plus grande partie de la narration coranique si l’on tient compte uniquement du contexte de la péninsule Arabique. §5. Ici nous traitons l’hellénisation essentielle de tout ce qui est méditerranéen oriental, sans laquelle il ne se serait pas produit ni l’extension vers l’Occident des religions révélées, ni leur monde culturel qui émana d’elles. Ces juifs libres d’Alexandrie, avec leur quartier nord-oriental propre, avaient traduit au grec la Upsbi— approximativement l’Ancien Testament chrétien—, dans la version essentielle— et essentialiste— comme mb!Tfquvbhjoub!pv!Mjwsf!eft! Tpjybouf!ejy— à cause du nombre de ses traducteurs. Telle version grecque, la seule sur laquelle purent se baser après les rédacteurs du Nouveau Testament, fut considérée par Saint Augustin comme révélée, et dans son qualificatif il y a moins d’idolâtrie que de sens religieux sémitique— si Dieu m’inspire, mon écriture est révélée; Dieu comme inspiration, texte comme œuvre de Dieu, et cetera. Mf!dbmjgbu!boebmvt“ 574 Entre les juifs grecs alexandrins, entre uisbqfvuft! — ascètes juifs grecs— du lac Maréotis et les néoplatoniciens, avait fleurit l’irremplaçable Gjmpo! eÖBmfyboesjf— mort vers l’an 41 de notre ère—, qui permit la réception de l’héritage platonicien et fut si essentiel pour le monothéisme postérieur— tant judaïque comme proto-chrétien ou proto-islamique; car il n’était pas encore possible d’être les confortables et recéleurs de distinguos actuels—, l’on avait l’habitude de dire Gjmpo!qmbupojtf!pv!Qmbupo!ßmpojtf.208 Bien: soulignons que tous les rédacteurs du Nouveau Testament étaient juifs hellénisés— peut-être à l’exception de Lucas, considéré déjà chrétien—, et qui vivaient et buvaient de ce monde que l’on ne peut distinguer, duquel surgiront mb!qbusjtujrvf!disujfoof-!mf! lbmbn!jtmbnjrvf-!fu!mb!mjuusbuvsf!sbccjojrvf: les trois pattes d’un même banc. Sans de telles voies, il n’aurait pas été possible que l’Occident devînt oriental, ce qui nous occupe aujourd’hui; ni le premier devenir oriental du christianisme hispano, ni le second de l’islãm arabe, tous deux en évolution culturelle que l’on ne peut ni distinguer ni différencier de la juive dans ce cb{bs!nejwbm!fu!ef! mb!sfobjttbodf209 rvf!gvu!bm.Boebmvt. § 6. À grands traits, avec la célèbre Diaspora— Galut—, et très spécialement dans ce que l’on appelle son cycle oriental, le judaïsme dut s’acclimater aux zones politiques d’influence dans lesquelles il dut s’établir humainement, se distinguer religieusement, et dans lesquelles il participa culturellement. Puis, commença tout ce que l’on peut appeler le monde des juifs sous l’Islãm; sous un parapluie culturel unique dans lequel ils essayaient, non pas tant de se dif- 208 Il faut, d’ici, rendre un hommage à Juan Guillén Torralba, de qui nous apprîmes à Séville tout ce qu’aujourd’hui nous pouvons utiliser d’hébreu et de patristique, outre les inappréciables modes de cohabiter avec les choses des livres et de l’esprit. Également à Pascual Pascual Recuero, à Grenade; avec lequel nous pûmes nous rapprocher tant au monde gréco-judaïque et séfarade, comme au livre— de ceux que l’on nomme aujourd’hui périmés— de David Gonzalo Maeso, Nbovbm!ef!Ijtupsjb!ef!mb!mjufsbuvsb!ifcsfb-!C“cmjdb-!Sbc“ojdb-!Ofpkv. ebjdb. Madrid: Gredos, 1960; duquel aujourd’hui nous sortons les nouvelles sur Filon d’Alexandrie (page 371 et ss.), père de tant de choses essentielles pour le judaïsme, du néoplatonisme jusqu’à la Cabale. 209 Jouons à nouveau avec l’œuvre de Jerry Brotton, Fm!cb{bs!efm!Sfobdj. njfoup… 575! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou férencier, mais plutôt d’être comparés sans besoin d’assimilation, avec les intérêts importés déjà soulignés: élaboration pratique de la grammaire hébraïque, technique de commentaire, et postérieure littérature néo-judaïque émanant des productions de juifs en arabe et/ou des traductions de ce dernier. De l’existence de la Sunna islamique— comme tradition orale— à la Mishna juive jusqu’à un point de telle excellence dans la continuité judaïque, qu’un de ses grands historiens contemporains— que l’on ne peut pas soupçonner de paternalisme interculturel , vu les dates pendant lesquelles il écrivit, 1938— affirma que grâce à l’unité culturelle islamique— non politique, ni religieuse— et les relations résultantes entre Orient et Europe, les maîtres de la pensée judaïque purent exercer une autorité morale extensible à toute la Diaspora. Naissait, pour Umberto Cassuto— auteur de la réflexion antérieure—, mb! wpjf! kveb–rvf! ef! usbotnjttjpo! dvmuvsfmmf, indispensable non seulement pour continuer à être juif dans un monde dispersé— ejbtqfst, pourrions-nous inventer—, mais pour transmettre ce qui a été reçu de chaque zone d’établissement.210 Le nerf social du judaïsme communiqua entre elles les zones dans lesquelles les fidèles s’établirent, par lesquelles ils passèrent, desquelles ils furent expulsés, et auxquelles ils voulurent aller ou revenir. Et relions ceci avec ce qui a été affirmé antérieurement; de que dans les besaces du séfarade voyageait al-Andalus, comme également le reste des zones de la Dar al-Islãm dans laquelle les juifs vivaient et dans laquelle ils fleurirent. Pour l’instant, simplement, se remplissaient ces besaces, pour la plus grande gloire de la culture universelle. § 7. Tel est le cas de ce protestant juif— caraïte— écrivain arabe appelé Said al-Fayumi (882-942)— dans une version en hébreu qui a pour titre Sadya Ha-Gaon -; ses œuvres linguistiques sur l’hébreu portent le titre arabe sans équivoque lvuvc!bm.mvhb — libres de langue, pour suivre la tradition grammaticale arabe. Il réalisa 210 Umberto Cassuto, Tupsjb!efmmb!mfuufsbuvsb!fcsbjdb!qptucjcmjdb.. Florencia: Casa Editrice Israel, 1938. Observons la date et rappelons-nous de ce qui pouvait se passer dans la Florence de ces années-là, avec l’Italie pronazie et Cassuto dirigeant juif. Son œuvre, qui remémore la culture juive, entre la survie nécessaire face au nazisme, et avec le calme pré-sioniste, c’est un joyau de la littérature universelle. Mf!dbmjgbu!boebmvt“ 576 également le premier dictionnaire poétique hébreu, et traduisit la Torah à l’arabe, avec le titre non moins impactant Tafsir— qui signifie commentaire, mais s’en remettant à tout moment à la science commentatrice coranique. À Said al-Fayumi et ses Dspzbodft! fu! ephnft l’on doit la paternité de la pensée arabe sur le judaïsme. Ce rosaire de villes déjà arabes étendu maintenant plus vers l’Occident, dans l’algérienne Constantine, fleurissait l’œuvre du juif Ishaq Israeli; à Kairouan c’était Dunas Ibn Tamim, et dans l’actuel Maroc, au début des années 900 se distingue Yehuda Ibn Quraysh, avec Sjtbmb— épître arabe— sur la nécessité de l’étude comparative de l’arabe, l’hébreu et l’araméen. Pourquoi ces auteurs écrivaient-ils en arabe? Cela est évident: la Dar al-Islãm dans laquelle ils vivaient était une carcasse civilisatrice générique. Nous l’avons déjà défendu avant: appartenir à la Dar alIslãm implique quelque chose comme ce qu’impliquerait travailler aujourd’hui en Occident. Ces auteurs auraient écrit aujourd’hui en anglais— par exemple—, sans discrédit de leur essence juive mais— et ceci est évident— agrandissant le monde culturel autour d’une telle langue instrumentale; et maternelle probablement. Dans ces années-là, dans un al-Andalus comme partie inéluctable de cette culture civilisatrice des époques— Dar al-Islãm —, l’on distinguerait les noms essentiels de la vie publique cordouane et grenadine— respectivement—: le ministre déjà cité Ibtebz! Cfo! Tbqsvu-! fu! Tbnvfm!Jco!Obhsfmmb. § 8. Le second de ces auteurs acquerra plus d’excellence dans le monde taifa, mais le premier s’insert clairement dans le monde courtisan d’une Cordoue omeyyade. Hasday Ben Saprut (915-970), de Jaén eut une grande influence dans la cour d’Abd al-Rahmãn III et al-Hakam II. Son nom s’associe avec le monde de la médecine dans une relation en rien futile: dans al-Andalus, le sage polygraphe se distinguait principalement pour ses aptitudes galéniques ainsi que— en nombreuses occasions— pour sa connaissance de l’astronomie. Des questions d’un curriculum de l’époque; la philosophie et la médecine avançant ensemble dans un monde culturel génialement plein de dissections entre le spéculatif et l’applicable. Nous voyons Saprut en rapport avec les ambassades byzantines: c’était lui qui avait reçu l’envoyé germain d’Otton I— Jean de Gorze—, et qui avait offert ses aptitudes de traducteur pour ver- 577! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou ser à l’arabe l’œuvre médicale initiatique Tvs!mb!nbujsf!nejdbmf! ef!Ejptdpsjef, de l’exemplaire offert à l’Omeyyade par l’empereur byzantin Constantin III. L’on se souvient également de Ben Saprut pour avoir guéri Tbodif!J!mf!Hspt!de Léon de son obésité hydropique— œdèmes contenant du liquide. En réalité, l’on peut dire que la première filtration andalusí au nord était due aux migrations précoces de communautés juives aux royaumes chrétiens après la chute du califat cordouan— qui se produira ef!jvsf en 1031, et ef!gbdup un peu avant. § 9. Les convulsions politiques et sociales vécues dans al-Andalus, et la promesse expansive des royaumes chrétiens du nord, purent servir d’aimant à nombreux juifs qui inoculèrent déjà des modes de vie inconnus dans le nord, vu la déterminante étrangeté arabe dans laquelle fleurit al-Andalus, une évolution de l’Hispanie préalable. Il est intéressant de souligner qu’au début telles communautés transvasées furent bien reçues: du pape Alexandre II conseillant à ses évêques qu’ils traitassent de façon adéquate aux juifs les plus proches, jusqu’à faire certaines lois assez explicites comme celles, précoces, de Castrogeriz ou Sepúlveda, dans lesquelles étaient stipulées des conditions déterminées d’établissement et vie des juifs. Cela est assez significatif; lorsque l’on règle le traitement réservé à une minorité, c’est parce que celle-ci ne va pas jouir des mêmes droits que la majorité. La!politique favorable arrivera avec Alphonse VI, de sa promesse de Jnqfsbups!upuvt!Ijtqbojbf-! et longtemps après— au moins jusqu’à 1125—, la célèbre! „dpmf! eft! Usbevdufvst! ef! Upmef qui— nous insistons— n’était pas un édifice mais un particulier efttjo!ef! dvssjdvmvn. Il s’agit de que, dans les jeux interculturels politiquement corrects et autres balivernes, enveloppe de la réalité mixte de toute culture, l’on ne dédaignera jamais le rôle crucial d’une très précoce et essentielle conquête du nord chrétien: Upmef!of!tfsb! qmvt!ufssjupjsf!boebmvt“ fo!2196. Et la grande affluence de juifs, déjà dbtujmmbojtt, sera le début du transvasement de ce qui est andalusí au reste de l’Europe. C’est pour cette raison que nous proposions un arrêt capitulaire: parce que ce que les spécialistes appellent la dvmuvsf!tgbsbef!qbusjnpojbmf, celle qui se forgea dans une date précoce par les juifs déplacés d’al-Andalus à des territoires déjà chrétiens, pose toujours la question d’un essentialisme juif Mf!dbmjgbu!boebmvt“ 578 absolument pas en accord avec la réalité des faits historiques— soulignons, toujours en mouvement. § 10. En parlant de ce premier Séfarade, l’on ne traite jamais— en toute justice— l’évidente translation de ce qui peut être qualifié seulement comme andalusí. Dire— par exemple— que les couplets séfarades émanent de la longue tradition orale judaïque— sans aucune mention à l’ambiance, ou même au terme al-Andalus—, cela ressemble aux actuels guides d’Israël, dans lesquels apparaissent comme repas et danses typiques toute la tradition culinaire et musicale yéménite et palestine. Retirer le contexte pour une cause évidente, mais de discrédit scientifique indéniable.211 Non; quand un de ceux que nous avons cités auparavant comme sages juifs nord-africains, Yehuda Ibn Quraysh, écrivait à ses coreligionnaires sur les vertus d’appliquer les techniques de commentaire textuel apprises des musulmans, il s’en remettait à la réalité culturelle des juifs andalusís. Dans l’épître cité — Sjtbmb—, rédigé évidemment en arabe, le juif Ibn Quraysh affirme que ses ancêtres coreligionnaires furent de grands commentateurs en Irak, Égypte, Ifrîqiyya et al-Andalus.212 Ainsi, tel quel; il n’emploie pas Séfarade surgit à l’extérieur, quand le juif post-andalusí perdit l’arabe et maintint sa culture au monde religieux hébreu. Une des tant hojbmft!ßmusbujpot de la culture dont nous nous occupons, associée à une condition très particulière du qfvqmf!kvjg;!tb!wfsujdbmju, de nos jours complètement comprise du fait que— dans notre nouveau Npzfo!æhf basé sur les catégories qui excluent tout ce qui n’est pas l’ipnnf!hpuijrvf, nous le verrons— nous considérons de façon erronée que l’être humain a plus à voir avec sa propre tradition assumée comme identitaire— verticalité— qu’avec l’environnement dans lequel il vit— horizontalité. 211 Il y a un numéro monographique de la revue Ínsula, le 647 (novembre 2000), coordonné par Paloma Díaz-Mas, dans lequel l’on fait la dissection de la réalité séfarade en ces termes. Une chose généralement admise, et qui tourne en préjudice de la réalité historiologique. Non; jamais trois cultures, mais une andalusíe, et vers Europe. Por eso somos fvspqfpt!fo!nˆt (C’est pour cela que nous sommes en plus européens), comme propose génialement Juan Goytisolo. 212 Voir: Carlos del Valle Rodríguez, Mb!ftdvfmb!ifcsfb!ef!D˜sepcb, Madrid: Editora Nacional, 1981, pages 43-44. 579! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou § 11. Cette providentielle verticalité de ce qui est juif sut transmettre et verser; ce qui s’écrivait en arabe pourra être, bien vite, traduit à l’hébreu et transmit au reste de l’Europe, d’où les communautés juives les assumèrent comme propres, servant d’inestimable fil conducteur culturel. C’est le cas du pionnier Menahem Ibn Saruq (910-970), qui avec sa frappe onomastique— ejrer, délicatesse, pour faire allusion à la grammaire—, commença déjà à la moitié des années 900 à stimuler la connaissance de la récente langue hébraïque médiévale pour, à travers elle, absorber le niveau culturel des époques. Ses trois disciples, Jco!Dijdbufmmb-!Jco!Dbqspo!fu!Jco!Ebve! furent des linguistes de version et hébraïstes engagés insérés dans une florissante ambiance andalusíe qui jouissait d’une double ouverture qui se détache sensiblement: non seulement le judaïsme sert de fil conducteur avec le reste de l’Europe, mais qu’il boit en même temps des sources avides de l’boebmpvtjtnf comme l’est le nord de l’Afrique de l’époque, dont les intellectuels juifs, avec la vue posée sur les maîtres et protecteurs andalusís— c’est le cas du puissant Hasday Ibn Saprut—, rayonneront avec leur propre éclat, comme c’est le cas paradigmatique de la ville de Fès, l’andalusíe, comme elle fut reconnue en nombreuses occasions.213 § 12. La frénétique activité culturelle qu’il put se produire dans alAndalus atteignit pleinement ces juifs engagés dans la floraison de leur opvwfmmf vieille langue. Des traductions présumées du Talmud à l’arabe— attribuées à un juif de Mérida Yosef Ibn Sultana—, jusqu’à la traduction engagée à l’hébreu des grandes œuvres des juifs andalusís. En partie, à cause de l’appropriation culturelle compréhensible au nom de tant de opvt!mythiques, et en partie— plus grande, sans doute— au nom d’échanges interculturels engagés de la part du reste des juifs, tant européens comme nord-africains. Le temps passant, se dire co-identitaire de Nbjnpojef ou d’Jco! 213 Pour différentes et puissantes raisons, mais non dérivées d’expulsions postérieures. Ces Andalusís de Secunda, les juifs, les émigrés de la mauvaise époque des Taifas, et cetera, formeront des couches sur lesquelles pourront se poser les Maures. Le guatémaltèque Gómez Carrillo— entre tant d’autres— contribuerait au cliché orientaliste de la persécution andalusíe— pour lui, andalouse— de la ville de Fès. Voir son Gf{-!mb!boebmv{b, rééditée en fac-similé avec la présentation de González Alcantud. Universidad de Granada, 2005. Mf!dbmjgbu!boebmvt“ 57: Hbcjspm sera un orgueil encore plus compréhensible, stimulé par la situation politique andalusíe qui obligerait avec les Almoravides et les Almohades, l’étroitesse d’esprit dogmatique d’un monde que l’on peut difficilement cerner. Il est évident que, vu du dehors— du dehors nord-européen, de cet al-Andalus traduit comme Séfarade—, —, le juif illuminé par cette renaissance européenne en arabe pouvait difficilement la suivre dans sa langue génératrice. Quand, par exemple, Dunash Ibn Labrat adapte la métrique arabe à la grammaire et la poétique hébraïques, la dénommée poésie hispano-juive médiévale aura laissé dans le chemin l’adjectif qui— paradoxalement— l’avait qualifiée: andalusíe. 6/8/!Mf!dbmjgf!ebot!tpo!mbczsjouif! § 1. Nous avions laissé l’enfant calife Hichãm II (976-10139),bien qu’avec de graves vicissitudes, montant sur un trône centrifugeur en 976. Dans les nuits de succession, personne n’est sauve dans le palais, et cette mère protectrice— Aurore, Subh—, était entourée de négociateurs importants desquels se distinguait le fidèle Galib, le pragmatique vizir al Musjafi, et l’affamé al-Mansûr. Il paraîtrait que, de la décision de ces deux derniers— et grâce à l’épée de ce dernier—, dans la première nuit du califat inexistant d’Hichãm II tombèrent les têtes des aspirants au trône les plus importants de la famille de l’enfant héritier, pour ne pas avoir un Omeyyade adulte à l’époque des généraux. Six jours après, le vizir al-Musjafi était nommé hayib— chambellan, premier ministre—, et al-Mansûr héritait le poste de vizir après lui; dans les coups larvaires donnés avec adresse le premier sert toujours de parapet. Il était évident qu’ils bougeaient avec décision les pièces de la veuve-mère, tel que l’on pouvait s’y attendre. Même si l’on court le risque de troubler la narration historiologique avec trop d’ornements de feuilleton, il faut souligner que la mère du calife, pendant ce temps, favorisait décidément la carrière d’al-Mansûr. Cette Aurore qui s’habillait avec des vêtements masculins pour le plaisir de son mari— al-Hakam II —, parrainait depuis le début le futur et très décidé al-Mansûr, qui entre Godoy à l’époque d’Isabelle II et le shakespearien Richard III sauraient tirer parti de toutes leurs capacités: la cruauté décisive dans les nuits de défilés de courtisans, le couple— vu qu’il se maria, entre autre, 581! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou avec la fille du hosbmjttjnf Galib—, et les avantages de sa propre qualité d’homme— selon les chroniques— viendrait complémenter les rapprochements du calife antérieur vers la demeure de la mère de l’héritier. § 2. Ainsi, entre alcôve, ruelle conspiratrice et caserne, le fonction- naire Abi Amir qui accéda à la cour grâce à sa belle écriture, terminerait par se convertir en le légendaire al-Mansûr. Autre chose bien différente est la durée de la faveur de la mère du calife: vers 996 se produira ce que les chroniques nomment mb!svquvsf: effectivement, à partir de là al-Mansûr ne sera pas bien vu par Aurore, bien que l’on devrait écrire et vice versa. La mère d’Hichãm II serait un appendice de plus du calife enfermé dans son labyrinthe.214 À partir de telle rupture— ou peut-être la provocant—, al-Mansûr frappera une monnaie à son nom. Entre les susurres de palais du chambellan al-Musjafi et la coaction effective d’al-Mansûr, ils arrivèrent à fermer un cercle blindé autour du calife infant, se matérialisant le rôle éminent d’une garde prétorienne plutôt dédiée à l’isolement qu’à la protection proprement dite. Cette garde étrange et détachée pour une meilleure effectivité aseptique, était formée d’esclaves slaves obéissant exclusivement à al-Mansûr. La personnalisation du régime militaire qu’obtiendra ce futur caudillo andalusí commençait par l’entourage le plus proche de Madînat al-Zahrã’. En plus, connaissant le prestige qui entourait le généralissime Galib, il se convertit en son ombre pendant les opérations militaires, se forgeant son propre nom parmi la soldatesque. À partir de là commençaient les campagnes légendaires d’al-Mansûr. § 3. À côté de Galib, al-Mansûr — fonctionnaire, avide de pouvoir qui jouissait de la plus grande confiance à Madînat al-Zahrã’, pouvait commencer à se présenter comme prestigieux homme d’action faisant un vide courtisan à son prédécesseur al-Musjafi. En premier lieu, il substitua le fils de celui-ci comme {bmnfejob— préfet de la 214 Un travail illustratif est celui de Laura Bariani— de l’Jtujuvup!qfs!mÖPsjfouf! de Rome— à ce sujet, résumé dans «De las relaciones entre Subh y Muhammad Ibn Abi Amir al-Mansûr» avec une référence spéciale à sa svquvsf — wahsha— dans 386-388 / 996-998. Rvsuvcb I (1996) pages 39-57. Mf!dbmjgbu!boebmvt“ 582 ville. En second lieu, avec un tel bagage de postes administratifs accumulé, al-Mansûr réussit même à substituer le propre al-Musjafi sur un terrain plus personnel, il obtint la main de la fille de Galib, en principe promise au premier ministre en voie d’être délogé. De tout ce roman— feuilleton de palais nous devons prendre en considérationla chose suivante: c’est le rang de Galib que poursuit al-Mansûr pour sa légitimation populaire nécessaire, ainsi que le poids urbain de son poste comme préfet: ville et armée comme clé de cet al-Andalus en pleine floraison. Comme considération subsidiaire, le califat andalusí est en train de s’enterrer ef!gbdup et nous insistons sur le pouvoir du peuple: si un homme de la taille ambitieuse d’al-Mansûr doit avancer avec une telle prudence, c’est parce que la rue ne va pas admettre n’importe quel genre de substitution à Madînat al-Zahrã’. Du nbsjbhf! e֏ubu de l’homme du moment actuel avec la fille du généralissime, al-Mansûr substitua complètement à al-Musjafi. Ce premier ministre verrait comment ses proches, ses bien et son nom se perdrait dans un long procès d’usure publique orchestré par un infaillible et— nous l’avons déjà dit— courtisan tiblftqfb. sjfo devenu important. L’étranglement d’al-Musjafi en 983 réduisait à deux le triumvirat cordouan avec ce calife déjà, et pour toujours, ebot!tpo!mbczsjouif/ Commençait ce que Cruz Hernández appelle la tvctujuvujpo bnjsjf,215 à cause du nom d’al-Mansûr— Amir— et parce qu’il instaura une dynastie. En réalité il faut intensifier le processus un degré en plus jusqu’à proposer combien, en réalité, supposa une tvqqmboubujpo! wpjmf! bnjsjf! fu! mf! sšmf! eft! Pnfzzbeft. Parce qu’al-Mansûr prit bien soin de ne pas éliminer la trace légitimatrice du dbmjgf!jofyjtubou, l’enfermant dans la cage d’or qu’était Madînat al-Zahrã’ tant que l’administration effective se déplaçait au opvwfbv!Wfstbjmmft!ev!ejdubufvs;!Nbe•obu!bm![b. ijsŒÖ. Celui que nous appelions l’ipnnf ev!nbtrvf de même que dbmjgf!jofyjtubou, Hichãm II, peut être considéré comme le dernier calife d’al-Andalus. Il réapparaîtra, de même qu’apparaîtront de futurs prétendants mais, désormais, n‘nf!tÖjm!z!fŸu!vo!dbmjgf-!bm. Boebmvt!o֏ubju!ek‰!qmvt!vo!dbmjgbu. § 4. Malgré tout, il restait encore une étape de délégation qui ouvrait de nouvelles portes pour les phases suivantes de l’histoire 215 Miguel Hernández, Fm!Jtmbn!ef!Bm!èoebmvtÊ, page 131. 583! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou andalusíe. Al-Mansûr, condensant dans son pouvoir autocratique tous les mécanismes de l’État, arriverait à gouverner au nom du calife en se basant sur trois piliers: – Contrôleur des postes et des sceaux de Madînat al-Zahrã’, l’on ne pouvait voir le calife qu’avec son autorisation, et en fait l’on ne pouvait pas le voir. – Dirigeant la gestion totale à partir de Madînat al-Zahirã’, avec l’appui de ses troupes loyales assermentées de mercenaires slaves et nord-africains. – Premier ministre et général de grande mobilité ayant besoin pour sa légitimité de deux éléments: les nominations de la main du calife pantin, et l’appui des juges, responsables de l’état d’opinion de la rue. § 5. La question est la suivante: si quelqu’un peut gouverner au nom du calife— al-Mansûr le fera ainsi que ses héritiers—, pourquoi ne pas faire beaucoup plus? Peu à peu les taifas seront évidentes, comme états vivant une fiction de pouvoir délégué— une sorte de Dpn. npoxfbmui sans métropole—, et seront une évolution logique, non pas l’échec comme résultat d’un manque de stabilité. De cette façon, le long chemin vers les taifas commençait dans cette fiction califale: du vide des fonctions du calife à la vacuité du propre concept, qui arrivera à son apogée dans certaines taifas gouvernées au nom de califes qui n’existaient même pas. L’on frappait la monnaie au nom de tfsg! ef! Ejfv, et la fiction était sauvée. Autre lecture intéressante de tout ceci serait que la séparation des pouvoirs étaient en train de se concrétiser dans al-Andalus: le calife comme référent légitimé pour la fonction religieuse, et le hayib —nous insistons: chambellan, premier ministre, et depuis al-Mansûr, également wb. mjep (conseiller)—216 comme factotum politique et administratif. 216 Nous employons le mot de wbmjep (conseiller*! intentionnellement. Les choses de la politique ne connaissent pas d’exclusivismes: ce qu’Antonio Pérez ou Lanuza purent représenter comme Secrétaire de Philippe II, ou beaucoup plus spécifiquement le Comte-Duque de Olivares ou le Duque de Lerma avec ses successeurs— nous pouvons arriver aux Français Richelieu et Mazarin—, ce sera ce que représente al-Mansûr, avec deux réserves: le calife Hichãm II était encore moins qu’un pantin; il n’aurait jamais pu destituer al-Mansûr. D’autre part, il y a également une différence entre eux:c’est le désir amiri de evsfs! Mf!dbmjgbu!boebmvt“ 584 Telle lecture est possible mais, avec des nuances: ni le califat andalusí avait surgi d’inquiétudes théologiques, ni sa dissolution empêcha le peuple musulman de continuer à être musulman. Ainsi, entre 976 et 1013 se développa le califat-pantomime d’Hichãm II entre deux étranglements: le califat commençait avec un opposant Nvhjsb et se terminait avec celui du propre calife. Entre les deux crimes d’État, Hichãm II fut substitué pendant un an— 1009—, par un autre calife— Muhammad II— et dans les phases centrales de son califat il fut, en tout moment et fonctions, supplanté par alMansûr. § 6. Curieusement, sa vie publique sans transcendance provoquera, par pur prolongement de la dissimulation, un certain messianisme populiste: vu que l’on ne le voyait pas gouverner, et qu’en différentes occasions avait circulé, sans fondement, la nouvelle de sa mort, lorsque celle-ci se produisit vraiment, la nouvelle fut mise en quarantaine par le peuple. La perception poétique de que celui qui ne vit pas ne peut pas mourir est intéressante: de mystérieuses réapparitions se produiront après la mort d’Hichãm II, en incluant même les manœuvres de certains individus qui purent tirer profit de quelques ressemblances physiques avec le calife occulte qui n’avait pas été vu par beaucoup de monde. Le pauvre Hichãm II passait, ainsi, à la postérité comme calife inexistant, comme un homme perdu dans le labyrinthe de son destin. À l’ombre d’un caudillo si protégé dans sa nouvelle ville administrative— Madînat al-Zahirã’ — qui, à côté de celle qui était autrefois florissante —avec un jeu de mot—217 Madînat al Zahrã’ palissait entre surveillances et interdictions d’accès; autant pour y entrer que pour en sortir. Vallvé décrit avec une juste éloquence le labyrinthe surveillé du calife: bm.NbotŸs!dsb!ebot!mf!qbmbjt!vo! dmjnbu!ef!ufssfvs!ufm-!rvÖIjdiŒn!JJ!oÖptbju!n‘nf!qbt!qbsmfs!bwfd! mpohufnqt; al-Mansûr fera sien ce concept arabe contemporain enfermé dans le mot compliqué et inventé— et déjà d’usage généralisé— la yumlukiya, république monarchique. Par essence, dictateur qui lègue son pouvoir autocratique à son héritier. 217 Parce que Zahirã’ signifie fleurissant. 585! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou mvj.n‘nf!oj!bsujdvmfs!vo!npu.218 Hichãm II apparaissait en public seulement sur la face des monnaies à son nom. 6/9/!Mb!ufssjcmf!boof!Njmmf § 1. Dans la société intrinsèque du dictateur, le favori tout-puissant éloigna son beau-père Galib ne comptant pas avec les troupes de celui-ci, et préférant plutôt les effectifs amenés d’Afrique du nord, lesquels lutteraient pour al-Mansûr, non pour Cordoue. Ainsi, alAndalus se remplissait de troupes berbères— nous insistons: maintenant oui— sous les ordres d’un nouveau vizir nord-africain: Ibn Hamdun. Entre cette berbérisation, et l’arrivée définitive des Almoravides et des Almohades qui apparaîtront le moment venu— en plus d’autres comme celles des Marînides—, l’affinité africaine d’alAndalus finira par faire penser au nord chrétien— par conséquent— que le sud fut toujours berbère depuis la chute du trône wisigoth. Le mythe de la fondation, au service de l’histoire partisane. Ce n’était pas le cas, mais qui pourrait penser le contraire, entre cinquante six campagnes de châtiment d’al-Andalus aux royaumes chrétiens du nord, seulement à l’époque d’al-Mansûr, et entreprises principalement par ces troupes berbères mercenaires? En 981, le choc prévu entre al-Mansûr et son beau-père Galib atteint son zénith dans les terres de Soria: la négative du beau-père à se soumettre à son beau-fils se révéla pleinement, les troupes du caudillo s’approchèrent de celles de Hbmjc— dfmvj.dj!bzbou!mÖbq. qvj!tjhojßdbujg!ef!Dbtujmmf!fu!Obwbssf—, quand l’ancien général victorieux— avec mille et une cérémonies cordouanes de déploiement de drapeaux— mourut accidentellement, cela provoqua une débandade en toute règle et l’élimination du dernier écueil pour la carrière de ce fonctionnaire de nom Abi Amir bm.NbotŸs— le victorieux. La débandade de ces troupes ne ferait que fomenter de manière adéquate la fable du légendaire caudillo maure qui frappa le nord chrétien aux alentours d’une date significative: mb!ufssjcmf! boof! Njmmf, exprimée avec une majuscule à cause du njmmob. sjtnf, prophéties de toute sorte et condition qui proclamaient la fin du monde à cette date. Malgré ce qui était prévu, mf! djfm! of! upncb!qbt!tvs!mb!ufssf!fo!dfuuf!boof!Njmmf; malgré les supers218 Vallvé, Fm!dbmjgbup!ef!D˜sepcb…, page 234. Mf!dbmjgbu!boebmvt“ 586 titions, et malgré aussi, certains signes qui en faisaient foi comme une épidémie en 997, des disettes postérieures, différents dpvqt!ef! gpvfu!tpdjbvy dans toute l’Europe dus à l’affluence de mouvements hérétiques, et— dans le nord chrétien péninsulaire—, nbmhs!bm. NbotŸs. § 2. Rodolphe Glaber— qui apparaît également comme Raoul—, chroniqueur de l’époque, était né à la fin des années 900 en Bourgogne. Moine indiscipliné depuis l’âge précoce de douze ans, ce particulier npobtufsz.uspuufs passa par de nombreuses abbayes françaises, avec une mention très spéciale à celle de Cluny, dont la militance idéologique chrétienne commencerait à marquer une époque. Non en vain, l’on a l’habitude d’interpréter la terre ibérique postérieure à l’an mille comme une enceinte tenaillée par deux idéologies similaires: Cluny à partir du nord et les Almoravides à partir du sud; avec un regard à Saint-Jacques-de-Compostelle en Occident, et La Mecque en Orient, disjtujbojtuft face aux islamistes, la Croisade face à la Djihãd, concepts tous deux éminemment postmédiévaux et en aucun cas en relation avec les sources révélées qui purent inspirer les religions auxquelles appartenaient tels croisés et djihãdistes. En tout cas, et pour revenir à Glaber, celui-ci compila une intéressante Ijtupjsf!Vojwfstfmmf en cinq livres, nettement mythologique, qui, d’une certaine façon allongeait le millénarisme et— en plus— l’esprit de la Croisade salvatrice. La question est la suivante: le monde terminait en l’an mille. Mais: l’on compte depuis la naissance de Christ, ou depuis sa crucifixion? Ce qui situerait la fin en 1033. Il est évident que la principale raison de la question est que mb!ufssjcmf!boof!Njmmf était passée sans que la terre se repliât sur elle-même. La marge d’erreur dans ce millénarisme européen vit naître plusieurs territoires limitrophes qui pouvaient alors difficilement être considérés comme ufssft!oÖbqqbsufobou!‰!qfstpoof. Depuis le processus inventé de la reconquête hispane, jusqu’au lointain Esboh!obdi!Ptufo germain— particulier hp!Fbtu,219 alimenté 219 Vu que Esboh! obdi! Ptufo signifie: «vers l’Orient». Le premier de tant d’autres, cet expansionnisme démographique germain, millénariste par la lecture cabalistique des Écritures, offrit son épée à l’idéologie des croisades des templiers. 587! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou par les ufnqmjfst—, l’Europe allait souffrir— comme concept récurrent— ses particulières ߐwsft!ef!dspjttbodf!nejwbmft. § 3. C’est seulement de ce point vue interprétatif de continuité que nous pourrons recevoir les renaissances comme elles le mérite: comme émanation du prolifique Moyen Âge, non pas comme génération spontanée néoclassique. Ainsi, ces marges de Glaber coïncident avec la fertile crise andalusíe: entre 976 et 1031— fin du califat. En partie à cause du développement logique— pratiquement biologique— du califat, et en partie par l’épuisement des forces qui l’avaient favorisé. Tout particulièrement, la propre présence du calife, autrefois de cohésion, qui était maintenant une simple carcasse légitimiste d’un État dont la gestion appropriée avait appris à sousentendre la tête visible. Ce que forgea l’armée califale— suppression des loyautés des clans et professionnalisation— conduisait maintenant à un pouvoir excessif des mercenaires berbères. Quand la stabilité bureaucratique des secrets névralgiques cordouans— les fonctionnaires courtisans, les lvuubc — se consolidaient comme un groupe de pression, propitiatoire de ce s‘wf! boebmvt“: pouvoir aspirer aux plus hautes instances de l’État sans qu’importât la naissance— cas des esclaves—, selon le sillage du propre al-Mansûr. Surtout pour leur connaissance des légitimités populistes, ils réussissaient à imprimer une certaine religiosité stricte pour obtenir l’appui des rigoureux juges malékites, les hommes de la religion, dans la pratique, groupe de pression. Des guerres simulées et démasquées comme excuse de cohésion pour dissimuler les carences de légitimité termineraient par démantibuler le système califal. Le chemin s’ouvrait pour que puissent passer les inévitables sauveurs de patries. § 4. Dans cet ordre de choses se trouve le personnage emblématique et déjà fatigant d’al-Mansûr, dont le passage dans l’histoire agita de telle manière la péninsule que, à sa mort en 1002, le Disp. ojdpo!Cvshfotf indiquera: bm.NbotŸs!ftu!npsu<!jm!tf!dpoßof!ebot! mÖfogfs. Al-Mansûr suppose le début de la fin absolue de la dynastie omeyyade. Si les Abbãssides orientaux avaient effondré le pouvoir de cette dynastie en Orient et les circonstances mythiques avaient permis de retrouver son nom dans un Occident arabo-islamique, avec l’arrivée de l’an mille chrétien, al-Andalus militarisé par les Mf!dbmjgbu!boebmvt“ 588 derniers Omeyyades assisterait impassible à l’instauration d’une dynastie de favoris, celle des Amiris— famille d’al-Mansûr—, qui termineraient par constituer une sorte de dernière opportunité pour le centralisme, avant la solution— par dissolution— des taifas. L’invétéré pro-omeyyade — et contraire à al-Mansûr—, le polygraphe Ibn Hazm, osa laisser aux chroniques andalusíes une accusation qui, même si elle est admise, personne ne l’avait exprimée en termes si clairs: bien sûr que oui, bm.NbotŸs!wpvmbju!‘usf!db. mjgf.220 Mais la raison qui l’empêcha de prendre le efsojfs!mbo est encore plus intéressante et pourrait s’expliquer ainsi: la possible réaction du peuple, des groupes de pression, des juges. Pour Ibn Hazm, l’intrigant populiste ne peut se le permettre, ce qui— à nouveau— jette d’intéressantes nuances sur les clés de la légitimité qui se feront évidentes dans la multiplicité des cours taifas. § 5. Au début, la légitimité amirie se basait sur le maintien de la carcasse structurelle du califat omeyyade avec l’intervention de celui-ci —disions-nous —grand agitateur de rythmes historiques que fut al-Mansûr. Il y eut un temps pendant lequel les cloches de la cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle furent arrachées de leur lieu d’origine et déplacées à Cordoue, dans la mosquée principale où elles servirent de lampes pour la plus grande gloire d’al-Mansûr. Al-Andalus et le monde à l’état pur.221 Le fait en soi— daguerréotype fidèle d’une époque— donne foi de ce que Menéndez Pidal appelait mf! wjpmfou! tzncpmjtnf! qpujrvf arabe. Mais aujourd’hui elle acquiert une éminence spéciale à cause du maintien de deux vieux couples opposés intacts, alimentés généreusement par al-Mansûr. Sans doute ceci fut le stimulant personnel que le destin manipula pour serrer les rangs des royaumes chrétiens espagnoles: al-Mansûr — le victorieux— (938-1002). 220 Laura Bariani, «Un pasaje ignorado en el Obr!bm.bsvt de Ibn Hazm de Córdoba” (réimpression). Rvsuvcb I (1996), pages 295-298. 221 Récupérant et amplifiant le matériel préalable de «El otro Atila», apparu dans la revue Nfsdvsjp, en juillet 2002, et réélaboré dans Mbt!svubt!efm!Jtmbn! fo!Boebmvd“b. Séville: Fondación José Manuel Lara, 2004. L’insistance dans l’intertextualité— autrefois appelée ev! sdibvgg — se base sur les concepts de que le opvwfm ipnnf! hpuijrvf-! fu! mb! espjuf! ejwjof son les piliers de notre interprétation historiologique de ce qui est islamique et oriental en général. Mais ceci est la matière de nos conclusions. 589! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Sur al-Mansûr l’on impose un silence injuste, parce que le personnage surpasse de beaucoup les marges accoutumées de la fleurissante tolérance andalusíe. D’autre part, cet homme de Torrox (Malaga) mériterait un souvenir espagnol, né dans le sein d’une famille d’Algésiras, qui émigra à Cordoue et finit par contrôler des terres allant de Barcelone à l’Algarve portugaise, et de cette dernière jusqu’en Galice. Mais il s’agit d’un musulman et, d’une certaine manière, s’active une mémoire historique déséquilibrée proposant que dfuuf!qbsujf!ef!opvt!of!gŸu!qbt!ošusf/! Ce n’est autre qu’une partie de plus de ce que nous pouvons appeler nouveau hpuijrvf! àbncpzbou dans notre perception des choses; celui des excès, étrangers comme nous le sommes à l’ombre, qu’en réalité nous projetons. Parce que nous nous éloignons de ce que nous ne comprenons pas, comme Dieu et les voûtes des cathédrales gothiques. Cette idée du nouveau gothique— que nous imposent nos perceptions— en réalité récupère le vieux dpodfqu!eÖPsufhb!z!Hbttfu!ef! mb!evbmju!ef!mÖipnnf!hpuijrvf: ou il s’agit de l’âme ou il s’agit du corps. Ou la poésie ou la vie immédiate. § 6. Et ce gothique— flamboyant dans ses manifestations extérieures —nous fait regarder le passé andalusí d’une façon épidermique: ou le mielleux poète Abenámar—222 que nous verrons dans la taifa de Séville—, ou le caudillo al-Mansûr. De l’intégrisme progressiste paternaliste— mb!qspgpoefvs!eft!bvusft— à la espjuf!ejwjof d’invasions et coup de poing sur la table— comment est-il possible d’être Perse? Criaient les masses de Montesquieu— sans passer par les terres toujours intermédiaires. Cependant, al-Andalus renferma les deux: le Maure bon et poète, et le Maure mauvais caudillo djihãdiste. Et en plus: Espagne et Portugal— ainsi qu’Europe dans le niveau concentrique suivant—, ils cernèrent un al-Andalus filtré— concept encore ajourné pour nos conclusions. Mais l’homme gothique, qui interprète depuis longtemps déjà al-Andalus est réductionniste, et il s’impose de surmonter tout ceci; il s’impose l’amplitude des visions de la Renaissance, émanée d’un passé médiéval préalable compris avec cohérence. En tout ceci, convenons qu’al-Mansûr contribua en grande mesure à forger le propre concept de ce qui restera, c’est-à-dire ce que 222 Voir chapitre 6.4. paragraphe 12. Mf!dbmjgbu!boebmvt“ 58: l’on a nommé la reconquête. Il restitua la perception d’invasion à des royaumes chrétiens au Nord de la péninsule qui s’étaient habitués à coexister péniblement entre euxet avec leurs voisins du Sud. Celle-ci était la vraie tolérance andalusíe; celle de la peur du conflit. Mais les dates pendant lesquelles se produisent ces évènements font que la répercussion d’al-Mansûr dans notre histoire soit impressionnante du point de vue du changement de ces royaumes chrétiens. Non seulement l’on commençait à se battre contre le royaume d’à côté; non seulement al-Mansûr se rapprochait, mais qu’en plus arrivait avec lui l’an Mille. Le millénarisme hispano but des mêmes sources romanes que le reste d’Europe mais ici avec une référence claire: les cavaliers d’al-Mansûr. Longtemps avant quand l’Asturien Cfbup!ef!Mjcbob endoctrinait les chrétiens hispanos, éloignés de Rome, commentant l’Bqpdbmzqtf de Saint Jean— esquisse chromatique de la fin du monde—, s’ouvraient des baies de salut, le pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle, la conquête— appelée reconquête— de Jérusalem, la conquête— appelée reconquête— du sud péninsulaire. § 7. Ce pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle — dans la pratique, oraison devant les restes du pauvre proto-martyr Priscillien— qu’en réalité avait été fomenté à l’exemple de l’Islãm— pèlerinage rituel à La Mecque—, se forgea derrière un mythe constitutif: l’annonce de que l’apôtre Jacques était venu en Hispanie. Plus tard, l’évêque d’Iria Flavia, en Galice, découvrait les restes du saint et commençait le reflet chrétien de ce pèlerinage à La Mecque: le chemin de Saint-Jacques. Avec toutes les nuances priscillianistes et mythologiques présentées, la confrontation spectaculaire était, ainsi, servie. La fin du millénaire continuait à s’approcher— la fin des temps et du monde connus—, et deux ans avant, en 998, se présentait al-Mansûr dérobant le salut de la chrétienté: les cloches de Saint-Jacques, la force centripète du salut, et l’aimant d’une Europe en pèlerinage. Du point de vue chrétien de l’époque, réside ici la transcendance d’al-Mansûr. Il n’est pas facile de se mettre dans la peau des chrétiens de Pampelune, par exemple, quand leur ville tomba à nouveau dans les mains andalusíes précisément en l’an 999, vu qu’une coalition des royaumes chrétiens ne réussissait pas à retenir la poussée de Cordoue. Il dut être difficile et terriblement illustratif lire 591! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou l’Bqpdbmzqtf ces jours-là. Il est également intéressant la façon avec laquelle les chroniques andalusíes— infiniment plus prolifiques que les castillanes de l’époque—, paraissent suivre de près ce sentiment final en détaillant chaque campagne de mÖbvusf!Buujmb— al-Mansûr comme le nomma Simonet dans sa biographie de 1848. Et soudain, les dispojrvft!ubjtfou!fo!mÖbo!2111.Quelque chose ne se réalisa pas, et en 1002 mourut al-Mansûr après sa seule bataille perdue, celle de Calatañazor, où selon les chansons de geste— il perdit son tambour— par impératif de la rime (Calatañazor, tambor). § 8. Après cinquante six campagnes victorieuses parant al-Andalus — et sa résidence de Madînat al-Zahirã’ — avec les butins chrétiens, al-Mansûr perdit, mourut, et un nouveau millénaire naissait sans que le monde se repliât. Comment n’allait-il pas surgir l’optimisme inespéré de la victoire du nord, parée idéologiquement comme reconquête? Le millénarisme ne remplissait pas ses sombres expectatives. En contrepartie, là réside aussi la transcendance du point de vue strictement andalusí: parce que la mort d’al-Mansûr fut le début de la fin de quelque chose. Concrètement, le califat omeyyade; mais en abstrait, d’une façon de concevoir l’État, le temps, et le propre être humain dans la communauté. Quand naîtront les taifas, naîtront les villes-état de la renaissance. Une autre façon de concevoir la société, l’art; le niveau de l’homme face à son époque. La mort d’al-Mansûr marquait aussi le véritable début de ce que l’on peut considérer comme qfsuft! qbs! sfdporv‘uf. Al-Andalus commença à perdre des territoires, occasionnellement récupérés par des militarisations religieuses postérieures— venues du dehors. Ainsi, la réaction à ces campagnes militaires d’été— qu’al-Mansûr organisa pour étirer la peau andalusíe, seront des campagnes similaires de la part des chrétiens. A la longue, bm.Boebmvt!bssjwfsb!‰!tÖibcjuvfs! ‰!ßobodfs!tb!qspqsf!fyjtufodf-!hsŠdf!bv!qbjfnfou!eft!qbsjbt! ce qui subventionnera la croissance des royaumes chrétiens du nord. Il restait encore de nombreux siècles de présence musulmane— en fait, les plus fertiles-; des royaumes de taifas, des guerres civiles, avec une apogée culturelle impressionnante de l’époque épique, mais en régression politique et militaire. Il est bien triste que les hfofsbdjp. ojtnpt et les sfhfofsbdjpojtnpt (Voir note dans le chapitre 4.5.9-10) culturels s’en remettent toujours à des stimulants stratégiques dérivés des pertes militaires, mais d’habitude il en est ainsi. Mf!dbmjgbu!boebmvt“ 592 § 9. Le passage de l’an mille dans la péninsule Ibérique devrait, ainsi, être évoqué autour du personnage démesuré qu’était al-Mansûr, ce fonctionnaire qui arriva au palais— comme nous le voyions— grâce à sa belle écriture et qui trouva sa vocation dans le monde des armes. Sa légende a inspiré d’innombrables œuvres de théâtre dans le monde arabe, entre-temps les chroniques de l’époque soulignaient son ambition et sa cruauté, propres d’un nouveau riche plein de ressentiment. Car les chroniques étaient écrites par les Arabes andalusís, et l’armée d’al-Mansûr se nourrissait de troupes berbères amenées du nord de l’Afrique; al-Andalus ne fut pas aussi monolithique que nous le font penser les manuels. Cet al-Mansûr jogbuv — en arriva même à écrire au gouverneur d’Égypte l’avertissant qu’un jour ses troupes passeraient par Le Caire—, avec le sšmf! tfdpoebjsf! ef! tft! ßmt-! mb! ezobtujf! eft! Bnjsjt— comme nous le disions à cause du nom al-Mansûr, Abu Amir—, préfiguraient un al-Andalus plus dur et moins fort que l’omeyyade. La dureté des époques n’a jamais été un obstacle pour les réussites— militaires économiques et même culturelles—, et de là que le concept même de décadence soit si éthéré. Mais, d’une certaine manière, le cas concret de l’état amiri était en train de préparer à certaines élites normalement associées au pouvoir, qu’elles mésestimassent leur participation dans les affaires publiques, pendant que d’autres élites— en général associées à des sphères qui ne participaient pas à la gestion—, se lançassent à la vie publique. § 10. Suárez Fernández a décrit magistralement le moment his- torique pendant lequel un dictateur, al-Mansûr, manipulait, par exemple, la classe religieuse pour se légitimer par les voies d’vo! qvsjubojtnf!Šqsf-!iptujmf!‰!oÖjnqpsuf!rvfmmf!bwfouvsf!rvÖjm!tpju. Quelque chose, à nouveau, non intrinsèque ni naturel mais très commun dans l’histoire des espaces arabes et islamiques. Comme exemple de l’emprise d’bm.NbotŸs!fu!tft!qbsujtbot, il faut indiquer l’exécution— par crucifixion— d’un homme pour être philosophe, la dépuration de la bibliothèque d’al-Hakam II, et sa sdmvtjpo!ebot!mf! sfqsf de Madînat al-Zahirã’, centre véritable du pouvoir, et version amirie de Madînat al-Zahrã’ convertie en une cage d’or pour que les derniers Omeyyades, marionnettes des Amiris, puissent avoir une existence placidement inhibée des obligations de leur charge. À la mort en 1002 d’al-Mansûr, lui succéda son fils Abdel Malik 593! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou qui termina définitivement de convertir l’armée andalusíe en mercenaire. Mais Abdel Malik détint le pouvoir peu de temps à Cordoue: après être tombé dans la bataille contre Sanche García de Castille, le premier fils d’al-Mansûr mourut, et lui succéda son frère Tbodivfmp, ainsi appelé car il était le petit-fils de Sanche II de Navarre. § 11. Sanchuelo maintint la fiction amirie dans cette nomination de la part du calife dans l’ombre— en ce moment-là, encore Hichãm II—, et il exerça encore plus de pression, si l’on peut dire, avec des modes coercitifs socialisants en imposant, par exemple, le turban berbère à des Andalusís en réalité encore réticents— en général— à l’assimilation avec les gens d’Afrique du nord. Provoquant ainsi, de la perte de popularité à la fin de la dynastie amirie. Fait qui précipiterait, de cette façon, la chute des Omeyyades. Après les modes berbères de Sanchuelo, une révolte populaire détruirait Madînat alZahirã’— celle d’al-Mansûr — et cela se termina par l’assassinat du fils de la Navarraise. Le temps de la ßuob— guerre civile— approchait, pendant qu’alAndalus se débattait entre la vie centraliste et la mort, tombant jusqu’à des évènements si remarquables comme la triste année 1010, caractérisée par la peste et la famine. Fo! 2142-! ufsnjofsb! mf!dbmjgbu!pnfzzbef!après plus de vingt ans de supplantation et prestidigitation légitimiste; l’équilibre instable entre un état nj. mjubjsf et un peuple structurés en groupes de pression— dbtuft, mercenaires, territorialité…— seront les clés de sa transformation, toujours conçue comme un désastre dans l’insistante ijtupjsf!ev! edbefoujtnf.223 6/:/!Mb!optubmhjf!ef!Dpsepvf § 1. L’on admet communément que l’époque dorée du califat— Abd al-Rahmãn III et al-Hakam II— marque un point culminant d’alAndalus, quel que soit ce que cela signifie. L’assimilation probablement se doit à l’obsession centralisatrice avec laquelle les analys223 Plusieurs interprétations généralistes s’appliquent à l’époque en question dans l’œuvre de Scales. Voir Peter C. Scales, Uif!gbmm!pg!uif!Dbmjqibuf!pg! Dpsepcb/!Cfscfst!!Boebmvtjt!jo!Dpoàjdu. Leiden: E. J. Brill, 1994. Mf!dbmjgbu!boebmvt“ 594 tes appliquent leur barème sur certains cadres historiques. Aussi, sans doute, à la non moins obsessive pondération de stabilité— à nouveau, quel que soit ce que cela signifie: selon les indicateurs de prospérité urbaine, la ville espagnole avec la meilleure qualité de vie est Lérida— pour le nombre de parques, de bibliothèques, densité de la circulation, lits hospitaliers, et une infinité d’éléments de pondération indubitable. Soi, cela veut-il dire que n’importe qui aimerait vivre à Lérida plutôt que dans n’importe quelle autre ville espagnole? Sans que cela serve à déprécier une ville si belle et qui a une claire stabilité, il existe un grand nombre d’éléments d’apogée ou sublimation non nécessairement associés avec la prospérité, la stabilité, l’équilibre ou la structuration. En fait, l’on raconte que la ville qui a le majeur indice de suicide du monde est Stockholm, ce qui n’a rien à voir avec la stabilité ou la prospérité de cette capitale baltique. En fin de compte, les constructions et les frappes de monnaie marquent certains intérêts politiques et économiques d’une réalité sociale. Dans ce sens la splendeur califale finira par produire d’indubitables bénéfices pour la plus grande gloire d’al-Andalus. Nbjt-! bwfd! mf! ufnqt-! ebot! mft! dpjot! pctdvst! eft! ubjgbt-! mÖpo! tfsb! fo!usbjo!eÖfogboufs!mb!Sfobjttbodf/ Il s’agit d’une particulière— et tendancieuse— adaptation du célèbre dialogue final du film Mf! uspjtjnf! ipnnf d’Orson Wells. Le référent est quelque chose comme: pendant trois cent ans de stabilité, la Suisse a légué au monde la pendule à coucou. Pourtant, dans les villes italiennes de l’époque des Borgia, quand la vie ne valait rien dans n’importe quel coin obscur lorsque tombait la nuit, s’enfantait la Renaissance. § 2. Comme nous continuons à comparer les taifas avec les villes italiennes des années 1300 et 1400, nous finirons le verre des comparaisons en renouvelant les insinuations sur les similitudes avec la Renaissance. De toute façon, et sans arriver à notre vision radicale des taifas— c’est une monomanie historiologique qui nous est propre, d’évaluer la vie par-dessus la santé, bien que, il est vrai, la deuxième renforce la première—, nous devons nous arrêter un peu pour évaluer en sa juste mesure l’indubitable apogée culturelle qui eut lieu à cette époque centraliste d’un al-Andalus déjà mûr. Sans pour cela— nous insistons— en arriver à proposer la sempiternelle descente andalusíe après la chute du califat. Tenons compte que, 595! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou depuis la chute de celui-ci, jusqu’à celle d’al-Andalus, se trouvait la plus grande partie des expériences andalusíes. C’est évident: la majorité d’âge andalusíe atteinte symboliquement dans ce epdupsbu! fo! dvmuvsf! psjfoubmf, marquait une ambiance intellectuelle et créative déterminée. Les innombrables œuvres de construction sous Abd al-Rahmãn III, la célèbre bibliothèque d’alHakam II, la courtisane complication administrative…; le qsptqsf! opncsjmjtnf!dpsepvboÒ!bientôt, centrifugé— promouvra le niveau culturel d’une époque déjà définitivement arabe et majoritairement islamique, de même qu’indéfectiblement bttpdjf!‰!df!rvj! ftu!pnfzzbef!ebot mÖjnbhjobjsf marqué bientôt par la optubmhjf! ef!Dpsepvf!si justifiée, que l’on peut diagnostiquer chez les graves écrivains qui fleuriront sur les ruines du califat omeyyade. § 3. Et l’affirmation que nous faisions sur les temps définitivement arabes et islamiques n’est pas seulement une lapalissade: contre la théorie invétérée de l’interrupteur andalusí— à présent chrétiens wisigoths, à présent musulmans, à présent vieux chrétiens—, ce qui est certain c’est que depuis les années 800 jusqu’à la moitié des 900, le nombre de musulmans andalusís augmenta entre un 20 et un 50 pour cent.224 Il ne s’agit pas des chiffres exorbitants que nous aurions pu penser. En de telles hauteurs chronologiques, s’additionnera à la typologie folklorique des chrétiens sous les Omeyyades— mozarabes— dans la carte groupusculaire andalusíe, un nouveau contingent: celui des mudéjars, musulmans qui restèrent dans la zone conquise par les nouveaux royaumes du nord; chrétiens, expansifs, et avec la prétention d’avoir toujours été ce qu’ils commençaient à être. Pour l’instant la sérieuse production culturelle arabe d’al-Andalus s’insérait dans un inévitable et consommé devenir oriental qui, même si l’on peut le comprendre à titre générique— depuis le judaïsme/ christianisme/ islãm, tous orientaux—, à partir de l’époque 224 M. Jesús Viguera: les chiffres signalés par Bulliet dans son Dpowfstjpo! up!Jtmbn!jo!uif!Nfejfwbm!Qfsjpe. Voir son Mpt!sfjopt!ef!Ubjgbt!z!mbt!jowbtjp. oft!nbhsfc“ft. Madrid: Mapfre, 1992, page 21. Sur la persistance du latin dans les communautés, mal nommées mozarabes, le travail réalisé par Herrera Roldán est intéressant, édité postérieurement: Pedro P. Herrera Roldán, Dvmuvsb!z! mfohvb!mbujobt!fousf!mpt!np{ˆsbcft!dpsepcftft!efm!tjhmp!JY. Universidad de Córdoba, 1995. Mf!dbmjgbu!boebmvt“ 596 qui nous concerne l’on voit en cela beaucoup plus qu’une simple influence: l’Orient se trouvait déjà inséré dans l’imaginaire collectif andalusí. C’est la thèse intéressante exposée, entre autres, par Mahmud Ali Mekki, Ramírez del Río et Maillo Salgado: le recueil de proverbes, ainsi que son équivalent imaginaire, associé en général à l’idiosyncrasie des peuples, s’insérait dans la mémoire collective orientale. Les écrivains andalusís faisaient leur le lointain référent arabe primitif de ce que l’on a appelé E“bt!ef!mpt!ˆsbcft, le passé mythologique de la péninsule Arabique. Dans tout ceci se détache le pragmatisme d’Ibn Abd Rabbihî cité auparavant, mais aussi le compilateur de l’Ijtupjsf!eft!kvhft!ef!Dpsepvf al-Jushani. § 4. La greffe géniale de la mémoire collective orientale qui s’était produite dans al-Andalus détourne pour toujours l’axe référentiel de son peuple. Le paradoxe est illustratif: malgré qu’al-Andalus fut, en tout moment, un concept territorial associé à l’arabité, l’Andalusí ne comptera plus avec un passé associé à son propre territoire, pour la postérité il sera définitivement lobotomisé dans ses plus que plausibles référents hispanos. C’est la méthode des peuples: si Charlemagne se crut Constantin— éliminant d’un trait de plume, le référent byzantin dans la mémoire collective européenne, où s’installerait un empereur jusqu’en 1453—, si les péninsulaires du nord expansif se pensèrent wisigoths, les Andalusís se pensèrent— nous l’avons vu— arabes d’Orient, et ainsi ils commencèrent à citer le passé. Maillo fait mention d’une anecdote dans les années 1100: le voyage du Valencien Ibn Yubayr et une tempête qu’il subit passant par le Détroit de Messine. Écrivant son aventure, le voyageur fit référence à mb!nfs!rvj-!qbs!df!Euspju-!tÖbhjuf!dpnnf!evu!mf!gbjsf!mÖfbv!ev! cbssbhf!eusvju!ef!Nbbsjc. La référence est intéressante: le barrage de Maarib était la clé de la prospérité yéménite, et il se rompit avant la naissance de Mahomet. § 5. Un Valencien, passant par la Sicile, remémore un évènement très lointain— sans rapport avec la tradition culturelle de son territoire. Et il ne fait même pas allusion à quelque chose d’éminemment méditerranéen associé au Détroit par lequel il est en train de passer: dans la mythologie anthropomorphique gréco-latine, l’on appela Charybde le tourbillon qui se forme en face du rocher ap- 597! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou pelé Scylla, précisément le passage par où naviguait Ibn Yubayr.225 Bien: la greffe de la mémoire collective— et connective— était consommée. L’altérité ainsi patentée, côte à côte avec l’exceptionnalité linguistique— l’arabité— pour le reste de l’espace européen, consommera l’exclusion— et l’auto-exclusion — andalusíe du devenir continental. Bm.Kvtiboj passe pour être un des grands introducteurs du genre Bebc dans al-Andalus;226 Dans la pratique, un concept similaire à celui des Tuvejb!Ivnbojubujt européens postérieurs: cultiver l’esprit par la connaissance des auteurs classiques, ainsi qu’exiger— pour les applaudir— la même chose aux serviteurs publiques. Ce efsojfs!psjfoubm n’est pas un simple boire de son temps; comme la plus grande partie des intellectuels, il réalisa son wpzbhf!e֏uv. eft recommandé là où les sages vénérés d’Orient donnaient leurs classes magistrales. Avec l’obsession— que l’on avait dans al-Andalus — non seulement avec les généalogies d’influence orientale— repeinte des blasons—, mais très spécialement avec le particulier nvtobe!mb–rvf — chaîne de transmission dans la relation maître/ disciple—, al-Jushani enseigna dans la mosquée principale devant l’élite de la tpdju! ef! gpsnbujpo cordouane, dont l’une des bases serait précisément, l’auteur de la uitf!psjfoubmf — Mf!dpmmjfs! vojrvfÒ!d’Ibn Abd Rabbihî,!Ðvwsf!rvj!jobvhvsb!mb!àfvsbjtpo! eft! Bebc!ebot!bm.Boebmvt!après s’être rattachée à ses référents orientaux sans dissimulation. § 6. Dans un résumé entre l’obsession généalogique et ces Adab— nous insistons, l’équivalent arabe des Tuvejb!Ivnbojubujt—, al-Jushani avait commencé le genre des œuvres biographiques andalusíes avec sa célèbre Ijtupjsf!eft!kvhft!ef!Dpsepvf mentionnée auparavant; particulière Ef!wjsjt!jmmvtusjcvt et œuvre rigoureuse commandée par le calife al-Hakam II qui embrasse la biographie des grands cadis cordouans— dans un sens ample; juristes et connaisseurs du monde des lois— jusqu’à 968. Cet endroit réservé aux jurisconsultes— entre ulémas et juges, dans un sens ample—, généra une caste de consulte légitimiste inévitable; caste qui, le moment venu— et après sa croissance et prolifération taifa— se constituera 225 Dans: Felipe Maillo, Ef!mb!eftbqbsjdj˜o!ef!Bm!èoebmvt…, page 24. 226 José Ramírez del Río, Mb!psjfoubmj{bdj˜o!ef!Bm!èoebmvt…, page 74 et ss. Mf!dbmjgbu!boebmvt“ 598 en djorvjnf!dpmpoof des empires exogènes— Almoravides et Almohades. Commençait mb!gpshf!ev!nzuif!sgsfoujfm!dpsepvbo-!et celui qui fut un jour simplement le référent de croissance urbaine pour les autres — déjà considérables— villes andalusíes, finira par se convertir en shmf!dpvsujtbof. Comme modèle urbain, il avait fait croître Séville, Grenade ou Malaga, mais également Pechina, Écija, Carmona, Algesiras ou Niebla. D’autre part, en tant que modèle, il offrait des réussites jousb.ijtupsjrvft de profit général tant dans le domaine des sciences appliquées que des savoirs plus indirects. Dans le cas de la diffusion déjà mentionnée Tvs!mb!nbujsf! nejdbmf de Dioscoride, ou l’œuvre peaufinée Dbmfoesjfs!ef!Dps. epvf de l’an 961. § 7. Cette sorte de calendrier météorologique, reflète dans ses pages la coopération entre le médecin cordouan Arib Ibn Saad et l’évêque Rabi, recueillant pour l’application agricole les phénomènes stellaires tel qu’il se faisait au Moyen-Orient depuis le Néolithique et les scientifiques grecs comme Aratos avaient appliqué.227 L’œuvre finirait par être un des épitomés de la traduction: versé ensuite en latin par l’infatigable Gérard de Crémone —sous le titre de Mjcfs! bopif —, le livre consiste à appliquer les vieilles théories sémitiques de prédiction climatique suivant le calendrier liturgique des chrétiens cordouans. Il part de la relation évidente entre le cycle solaire et les travaux agricoles: ces bopif son des paires d’étoiles, qui après observation permettaient de prévoir les circonstances climatiques avec une semaine d’avance. Ce lien avec la tradition sémitique à travers la voie infaillible de la langue de l’époque— l’arabe— nous permet d’observer les succès agricoles d’al-Andalus qui, à ce moment-là occupaient la plus grande partie de la péninsule aride. L’expert incontestable en matières scientifiques arabes entre les arabistes espagnols, Juan Vernet, se base précisément sur cette transversalité— d’Orient à Occident et vice versa— pour esquisser une affirmation qui, à grande échelle avons déjà fait nôtre; cette perception du Npzfo! Šhf comme obscur est dépourvue de sens réel. À grande échelle, disions-nous, df!oÖftu!qbt!rvÖjm!gvu!pctdvs-!dÖftu!rvÖjm!gvu!bsbcf. 227 Juan Vernet, Mp!rvf!Fvspqb!efcf!bm!Jtmbn!ef!Ftqb—b…, pages 113 et ss. 599! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou § 8. Ce qui est pour un auditeur non préparé un simple galimatias, à l’époque l’on transmettait des savoirs qui n’appliquaient pas les traductions grecques par simple altruisme de transport, mais par nécessités intellectuelles. Et, nous disions, cette transversalité d’Orient à Occident se produirait également vice versa, jusqu’à faire dire à Ibn Said, vers les années 1200, qui avait écouté les Zejeles d’Ibn Quzman plus en Irak que dans le propre al-Andalus. Le zejel est un des apports poético-musical du panorama culturel andalusí, dérivé— il paraîtrait— des compositions poétiques populaires— moaxajas— créées par l’aveugle Muqaddam de Cabra (mort en 912) et dans lesquelles se distinguerait, comme principal artiste, ce Goth en retard— comme dit Simonet— l’Andalusí Ibn Quzman (1086-1160). Mb!optubmhjf!ef!Dpsepvf est un lent et pénible processus marqué par deux éléments essentiels d’al-Andalus postérieur à l’an mille: en premier lieu, les grands historiens écrivent à partir de cette date, l’on remarque— comme prémisse suivie postérieurement— une première qprvf!epsf/! En second lieu, ce qui commencera dans al-Andalus postérieur au califat se teindra d’une influence croissante berbère et d’une intensive étrangeté dogmatique islamique due à l’accroissement de la présence de Nord-Africains. D’où un certain sentiment de perte— face à une Dpsepvf!bvupdiupof — s’imprime au début des temps d’autrui. Nous nous demandons si ce sentiment de qfsuf!ef!Dpsepvf ne sera pas un supplément pour la postérieure empreinte idéologique de la qfsuf!eÖFtqbhof. § 9. Ainsi, l’histoire s’écrivit avec la nostalgie du califat, comme c’est le cas du célèbre Ibn Hayyan— et de ses Annales du Palais comme partie du monumental Compendium; Muqtabis—, ou encore du grand constructeur du passé Ibn Hazm; chroniqueurs courtisans, comme les nomme avec pertinence M. Jesús Viguera.228 Une période approchait pendant laquelle— plus d’un auteur le signalera—, un bon poème valait un ministère. Les Adab229 marquaient le rythme 228 María Jesús Viguera, «Cronistas de Al Ándalus…, page 90. 229 À partir de maintenant, nous n’insisterons plus systématiquement sur l’identification des études d’Bebc et les Tuvejb!Ivnbojubujt de la Renaissance, récupérés de Djdspo. Mais il faut en tenir compte, sous peine de tomber dans la sempiternelle différenciation de ce que l’islãm a de civilisateur. Non: ce qui est spécifique est toujours similaire. Surtout en périodes analogiques. Mf!dbmjgbu!boebmvt“ 59: de l’ascension sociale, et les poètes promenaient leurs propos galants dans une enceinte politique amirie— les autocrates qui supplantèrent les Omeyyades; al-Mansûr et ses fils— devant l’inspiration des yeux répresseurs de toujours: ceux qui représentaient le dogme religieux c’est-à-dire les juges. Viendra le moment où ces juges donneront le ton; pour l’instant, le courtisan apprenait à les esquiver dans une ambiance difficile de transition. Telle ambiance doit être remémorée avec la — déjà perdue— magistrale grosse voix de García Gomez lorsqu’il décrivait le ferment cordouan: ‰!mÖpncsf!e֏qft!jowjodjcmft-!hsjggpoofou!mft!tdsjcft-! ejttfsufou!mft!nb•usft!bqqvzt!dpousf!mft!dpmpooft!ef!mb!npt. rvf!qsjodjqbmf-!mft!ftdmbwft!diboufou-!mft!qpuft!gpou!eft!wfst-! fu! mft! svejut! nfuufou! ef! mÖpsesf! ebot! mft! qsfnjsft! bouipmp. hjft.230 Parmi ces poètes se distinguerait un Sévillan ib–! Ibn Hani (927-972), hétérodoxe religieux et poète d’une thématique homosexuelle si explicite, qu’il dut supporter continuellement la pression sociale du puritanisme des juges. La crudité de sa poésie et son plus que probable ismaélisme— faction religieuse chiite, c’est-àdire, contraire à la majorité andalusíe— lui valurent de terminer ses jours dans l’actuelle Lybie; d’une façon si draconienne qu’il y mourut assassiné. Par contre, c’était aussi l’époque d’un mdif.cpu. uft amiri Ibn Darrach (mort en 958), louangeur compromis de la dynastie d’al-Mansûr. Ce poète, secrétaire habile des Tuyibíes de Saragosse, se déplaça à Cordoue dans une classique et centripète sfdifsdif!ef!mb!wjmmf qu’attirait encore la capitale. § 10. Ibn Darrach passe pour être un des premiers et parfaits courtisans d’al-Andalus, se distinguant dans le genre épistolaire des sj. tbmbt; c’est-à-dire des traités brèves monographiques— essais, pour faire une comparaison rigoureuse— après quoi, la plume sera au service de l’idéologie de l’État. D’entre les propos galants de ses panégyriques rimés à al-Mansûr, se distillait le genre préféré des différentes renaissances européennes, l’essai sur commande; le traitement des thèmes, presque d’une manière dramatique, pour argumenter et contre-argumenter au nom d’une défense thématique. Un genre indispensable dans les futures structures fragiles 230 Dans: Miguel Cruz Hernández, Fm!Jtmbn!ef!Bm!èoebmvt…, page 364. 5:1! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou d’al-Andalus; dans lesquelles le pouvoir autarcique se cimenterait dans le lit courtisan. Mais au-delà de la nostalgie historiée par Ibn Hayyan ou l’incertitude de tant de poètes et courtisans, se distingue mb!epvmfvs! eÖvof!Dpsepvf!pnfzzbef d’Ibn Hazm (994-1063), le hsboe!nztujß. dbufvs!hobmphjrvf —, comme nous le nommions— et polygraphe génial, que nous traiterons comme épitomé de la littérature taifa. Ibn Hazm, comme ce romantique Volney devant les ruines de Palmyre, entonnera un vcj!tvou convenu avant la fin prévisible d’un al-Andalus qui, en réalité, avait encore toute une vie devant lui. La vie engagée qu’il se vit obligé à mener dans une période si convulsée comme fut celle des taifas, ne lui permettra pas la distance suffisante pour percevoir que, ebot!mft!dpjot!pctdvst-!objttbju!mb! Sfobjttbodf. WJ/!MB!WJMMF.„UBU!UBJGB 7/2/!Mf!dpmmbqtf § 1. En certaines occasions, les œuvres qui traitent le spécifique sans l’exceptionnel son plus nécessaires que jamais; le scientifique sans conversion. Le maître si particulier qu’est Emilio de Santiago Simón le disait déjà dans ses classes: le biologiste, incliné sur son microscope, ne rêve pas de devenir une amibe, par contre l’arabiste paraît toujours montrer comme une tare ne pas se voir transmuté en son objet d’étude. À l’époque qui nous concerne— dépassement du califat cordouan—, il devient peu convainquant— et non moins patent — l’inaccomplissement de l’ordre obligatoire d’éloignement par rapport à l’objet étudié. Parce que mb! qsjpef! boebmvt“f! bqqfmf! ubjgb! ftu, pour peu que nous nous daignions à comparer— impossible sans l’aseptique et perspectiviste distance— bqqbsufobou!bvubou!‰!mb!sfobjttbodf! rvf!qfvu!‘usf!mb!qsjpef!uptdbof!eft!wjmmft.ubut; de la fertile rivalité entre la Tfsfojttjnb— Venise— le Milanais, la luxuriante Florence, et tant d’autres solidarités localisées— Pise, Gènes, etc. — et qui de l’orgueilleuse rivalité surgit cette réalité historique— limon des civilisations— que nous appelons la Renaissance. Or: l’allusion à la gvtjpo!bwfd!mÖpckfu!uvej propose une lecture critique, décadentiste et nostalgique: la force du califat se perdit. L’arabiste fusionné sent-il que se perdit la force de ce qui était nôtre? Mais l’élégie pour telle perte provoque un écho surdimensionné qui n’est autre que le dépassement d’un centralisme cordouan. Indéfectiblement, il est lu comme un échec, dû à d’étranges prétentions d’ordre plutôt sportif: kf!qsgsf!df!rvf!kf!dpnqsfoet dpnnf!vo!njfo!bhsboej-!rvboe! mft!njfot!hbhofou-!rvboe!opvt!tpnnft!qmvt!rvf!mft!bvusft-!rvboe! mÖvoju!ftu!fo!tpj.n‘nf!vo!iznof-!fud/ 5:3! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou § 2. De ce point de vue, la lecture du califat comme apogée andalusíe correspond plutôt à une histoire universelle du centralisme, d’autre part reflétée dans d’innombrables écrits. Et de là, que nous ne comprenions pas le traitement critique des Taifas de la part des nationalistes de ce qui est andalusí: parce que c’est précisément dans le monde glissant des Taifas andalusíes, où l’on spécifie le plus cette partie inexcusable de l’histoire européenne en arabe. C’est-àdire: ce qui est taifa avec le royaume distillé de Grenade, sont l’apogée andalusíe. En cela, nous communions historiologiquement avec cet E. M. Forster d’Alexandrie; celui qui parle de la beauté vitale de ce qui est incomplet, du chaos. Celui qui était ust!jousftt!qbs! mf!efwfojs!ijtupsjrvf-!cjfo!rvÖjm!npousbju!hbmfnfou!vo!dfsubjo! sfkfu!wfst!mÖijtupjsf.231 Et il en est ainsi; mÖijtupjsf est un rouleau compresseur de récoltes sportives de succès et de leçons. Une wjfjmmf!ebnf!jnnp. sbmf! rvj! b! ef! mb! nnpjsf comme dirait Victor Morano Lezcano. Cela revient à dire que le efwfojs!ijtupsjrvf est plus truculent— succulent-; réel. À nouveau: il en est ainsi; le monde est beaucoup plus habitable qu’un stade; plus de pertes de mémoire et survie que mémoires et expériences. Personne n’explique l’apogée des villes italiennes de la Renaissance comme l’échec unitaire d’un fait préalable. Personne ne commente comme quelque chose de désastreux le développement culturel de Florence, Venise, l’essor commercial de celles-ci et de Milan ou Gènes; le point de mire byzantin quand celui-ci n’était autre que les vues d’une ville— Constantinople— ou le rosaire de tueries et de création entre-elles et les villes intermédiaires. Cependant— et en opposition à tout ceci—, tout est décadentiste dans l’explication eft!Ubjgbt, et jusqu’aux plus sensés de ceux qui interprètent le fait andalusí faiblissent à l’heure de systématiser ses booft!gdpoeft!ef!tusvduvsbujpo!bmufsobujwf— jm! oÖfyjtuf! qbt! ef! etpsesf<! jm! tÖbhju! tfvmfnfou! eÖvo! psesf! jobu. ufoev. § 3. Le propre Lévi-Provençal se fâcha avec les Taifas, parce qu’il se sentit accablé par la foule de noms, de dates, de changements inespérés, de batailles, de légitimités et de livres. Quel est, à partir de 231 Dans: Jean Lagoudis Pinchin, Bmfkboes“b/! Dbwbßt.Gpstufs! z! Evssfmm. Granada: Almed, 2004, page 125. Mb!wjmmf.ubu!ubjgb 5:4 ce point de vue, le secret pour comprendre le monde taifa? Ne pas oser le cerner; essayer de le comprendre sans tenter de le savoir. Le collapse du califat cordouan était la chronique d’une mort annoncée; ce que nous qualifions avant de façon tendancieuse comme dépassement du califat— aux alentours de 1031—, consistait essentiellement en un passage radical et critique de la société militaire amirie— ces généraux avec leur légitimité militaire, en substitution de la déjà naturelle btbcjzb omeyyade—, aux différentes sociétés courtisanes taifas. Que ceci est— clairement—, ce que veut dire taifa: de l’arabe ubjgÒ faction—, le monde taifa évoque une grave décentralisation d’al-Andalus comme conséquence naturelle de l’usure légitimiste omeyyade, ainsi que la recherche de cette légitimité par d’autres moyens, ou avec les mêmes moyens mais dans des cadres plus locaux. Vu que l’époque continuait à être de légitimité populaire nécessaire, la structuration maximaliste des Taifas provoquera une telle atomisation courtisane, qu’jm!of!sftufsb!qmvt!ef!qpuf!tbot! njojtusf-! pour paraphraser ce trait déjà évoqué du courtisan comme habile lettré, défenseur— avec son oratoire— de son seigneur occasionnel. § 4. Cet historien du régime,232 Ibn Hayyan— précoce Fukuyama pour sa façon si apocalyptique de lever les mains au ciel—, interpréterait la chute du califat comme une évidente clé millénariste d’une fin historique. Si dans la première partie de son œuvre essentielle comme chroniqueur— nous le vîmes: Nvrubcjt— il se faisait l’écho de son prédécesseur, dans la seconde œuvre— Nbujo-! perdue et récupérée partiellement de sources indirectes— il personnalise extraordinairement pour se convertir à peu près comme le témoin éloquent de la fin. D’autre part, cet historien si apprécié nous annonce— de façon collatérale— un monde neuf, anthropocentriste, pourrions-nous dire. L’on dirait que l’indéfectible artisan islamique laisse passer l’auteur, dans le monologue d’introduction shakespearien qu’il nous lègue: kf! tvjt! dfmvj! rvj! qfsnfu! mÖbddt! ef! dfuuf! ijtupjsf!‰!mÖjowftujhbujpo-!ef!n‘nf!rvf!dft!fyqmpjut!qpvs!‘usf! 232 Courtisan des Banu Yawhar cordouans, indubitablement il devait chanter les gloires métropolitaines califales pour augmenter la légitimité de ceux qui gouvernaient à partir de cette ville. 5:5! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou jnjut/!Kf!tvswfjmmf!rvf!sjfo!of!n֏dibqqf-!subcmjttbou!df!rvf! mÖpo!bwbju!dpotjes!dpnnf!qfsev/!KÖbj!qbtt!nft!ovjut!‰!fo!s. ejhfs!mft!dibqjusft-!tbot!nf!qspddvqfs!ef!dfvy!rvj!buufoebjfou! qpvs!mft!dpoob•usf/!KÖbj!eej!vo!ufnqt!jodbmdvmbcmf!dsfvtbou!mf! mju!qbs!mfrvfm!ef!ufmt!dibqjusft!qpvsspou!t֏dpvmfs!\Ê^/ Malgré tout, et devant les manuels qui situent le collapse cordouan comme mf!ecvu!ef!mb!ßo— grave lapalissade, qu’est-ce qui ne l’est pas?—, il faut, d’après ce qui précède, tf!efnboefs!tj!mft! Ubjgbt!of!tfsbjfou!qbt-!qsdjtnfou-!mÖjttvf!jmmvtusf!eÖvo!bm. Boebmvt!tqdjßrvf. Mais, elles durèrent peu, comme telles, bien que l’arrière-goût de localisme n’abandonnerait plus la vie publique— et privée— andalusíe. Dans la pratique cfmmjdjtuf.dfousjtuf qui assiste le développement historiographique, ces villes-états à la vénitienne ne correspondait pas avec l’interprétation d’usage; l’esprit de l’époque. Une époque de pression tenaillante: du nord chrétien expansif, et du sud en termes curieusement similaires vu qu’alAndalus se convertira en enceinte de processus aussi semblables qu´exclusifs: reconquête et réislamisation— en réalité, conquête et islamisation pctujoft—, Cluny et les templiers face aux futurs Almoravides et Almohades, quelque chose comme une force centrifuge centre-européenne face à son équivalent centre-africain. § 5. Le résultat, favorable à ce qui est européen et chrétien— pour des raisons militaires, sociales et conjoncturelles dans l’Occident de l’époque—, mésestimera l’évaluation de ce qui est arabe comme composant essentiel pour la réception et l’assimilation d’éléments culturels dans l’Europe postérieure, lourde erreur dans l’histoire de ce que nous sommes, et d’où nous venons. Parce que le verdict final historique de la cause andalusíe ne dépendra pas de ses succès intrinsèques, mais de la perception nationaliste sportive déjà citée. L’on patentera— selon les mots de Mikel de Epalza—, le mépris absolu de ce qui est islamique médiéval-oriental, musulman et arabophones—, face au monde hispano-européen, chrétien et parlant le romance.233 Une fois qu’un texte est traduit en latin, l’on mésestime l’arabe comme faisant partie du catalogue culturel, l’arabe, autrefois la langue d’une époque— ce qui se dit du Moyen 233 Mikel de Epalza, Mpt!npsjtdpt-!bouft!z!eftqvt!ef!mb!fyqvmtj˜o. Madrid: Mapfre, 1992, page 18. Mb!wjmmf.ubu!ubjgb 5:6 Âge est qu’il ne fut pas obscur; mais qu’il était écrit en arabe. Il y a aussi une certaine aliénation vis-à-vis de tout ce qui est islamique: l’on ne comprendra pas la narration coranique regardant Byzance, enfermée dans le monde de ses discussions et dans ses réussites. Lorsque, postérieurement, l’on associe ce qui est islamique avec ce qui est turc, la dissolution de ce qui est arabe civilisateur aura été consommée. Oui; al-Andalus était une enceinte intéressante, et dans cette période encline à ce qui est local— origine des Taifas—, l’on patentera une série de vérités historiques, à mi-chemin entre la réalité des années 1000 andalusíes, et la manière qu’elles se virent postérieurement. Le mythe— postérieurement dbopojt!à travers la révision d’Jco! LibmeŸo— de l’État comme émanation du charisme du dirigeant passe toujours une facture élevée aux générations suivantes. Les tbvwfvst!ef!qbusjft— al-Mansûr — sont, à la fin, coûteux à cause de la tension environnante qui s’en va avec eux dans la tombe. Cette manie d’Ibn Khaldûn de que tous les peuples fonctionnent grâce à un leader et à la cohésion expansive sera la cause du mépris des Taifas— réducteur; synthétique— que montrent— en général— les chroniqueurs. Et nous disons en général, vu que celui qui —le cas échéant— parle bien des Taifas, le fera de tb!Ubjgb; jamais du système comme tel. § 6. La naturalité taifa ne renvoie pas en exclusivité à l’évolution andalusíe. Les années 1000 marquèrent aussi en mettant en marche un certain effet domino d’une tendance périphérique générale qui probablement annonçait les mêmes mouvements sociaux desquels émaneront ce que l’on a appelé les dynasties nord-africaines. Effectivement, dans le nord de l’Afrique— Tripoli—, dans le rosaire des futures Escales du Levant qui termineront attirant les croisés; les propres croisés et l’effet croissant turc de l’Islãm oriental— prennent Bagdad en 1055— s’insérant ainsi dans un mouvement de désagrégation similaire aux Taifas. Il est également évident que le prétendu système clanique andalusí n’était rien d’autre qu’un réseau de mpccjft, dans la pratique eft! tfjhofvst!ef!mb!hvfssf au service du meilleur offrant. Quand Ibn Hazm offre son spnbo!hobmphjrvf il donnera l’impression d’une mosaïque andalusíe cousue depuis longtemps déjà. Mais ce qui est 5:7! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou certain c’est qu’elle se divisa autour de ce qui était seul possible: chaque ville. Mb!qsjpef!ubjgb!ftu!mb!dpotpnnbujpo!ev!uzqjrvf! npemf!vscbjo!jtmbnjrvf/!Quelque chose de difficilement réfutable en matière taifa, et dont la dissertation se questionne de façon opportune Pierre Guichard si ce n’était pas plutôt eft! Ubjgbt! ef! qpvwpjs-!bv!mjfv!e֏ubut.234 Effectivement, la légitimité, le personnalisme et le maintien sera beaucoup plus pressant que le concept de territoire préalable ou une certaine continuité institutionnelle. § 7. D’autre part, ce que réellement oppose l’époque taifa— parfai- tement libre, structurée en cantons, radicale, avec les caractéristiques de la renaissance—, au chrétien du nord, c’est probablement la différence entre les modes civiles— urbains; non pas sénatoriaux mais plutôt courtisans—, face à un nord féodal et militaire. Deux modes d’interaction créative. L’oligarchie cordouane fonctionna devant les Amiris comme un dpotfjm!wojujfo. Ils agirent comme un véritable gouvernement de praticiens qui décidera de ne pas continuer à vivre la fiction califale. L’on admet la ejttpmvujpo!dbmjgbmf!fo!2142 comme précédent historique de difficile comparaison jusqu’à la proclamation de la République de Turquie, après la dissolution définitive du dernier califat turc en 1923. Dans ces termes comparables, l’année 1031 supposa une action politique d’une audace transcendantale, sans l’appui d’une société clairement civile et avec la permanente opposition sftubvsbusjdf tant des nostalgiques des Omeyyades que du mpccz! dmsjdbm: la propagande restauratrice des juges malékites préparera le chemin aux rosaires des coups d’État almoravides. § 8. La fiction califale se maintint toujours dans les Taifas. Les roitelets gouvernèrent bv! opn! ef! Ê, équivalent à qbs! mb! hsŠdf! efÊ sans plus d’hommages royaux. Il y en aura qui proclameront même leur adhésion à des califats nord-africains, ou même à des califats inexistants du genre opvt!dpnnboepot!bv!opn!ev!tfsg! ef!EjfvÊ, sans sujet physique réel. En réalité, la pratique de l’aval califal avait été commencée par al-Mansûr, gouvernant au nom de … À nouveau; dans la période d’al-Mansûr, dans la supplantation amirie, se trouvait le germe de la dissociation. C’est ce qui a l’habi234 Dans Pierre Guichard et Soravia, Mpt!sfjopt!ef!ubjgbt…, page87. Mb!wjmmf.ubu!ubjgb 5:8 tude de se passer, nous le disions, avec les sauves-patries du coup de poing sur la table. Enfin, l’on constata une exception à ce qui précède: bm.Nvubeje! ef!Twjmmf!qui, mvj-!of!hpvwfsob!qbt!bv!opn!ef. Jm!nborvfsbju! qmvt!rvf!Žb<!jm!ubju!Twjmmbo, diront certains médisants interprètes d’un centralisme sévillan indéniable très postérieur, bien que récurrent. Comme tjhof!qspgpoe!eft!ufnqt, s’ouvre le chemin de l’jebm! ef!mb!LjubcbÒ!mft!ivnbojubtÒ!avant la Renaissance; l’application courtisane de l’Bebc oriental— tuvejb!ivnbojubujt/! Nous reviendrons là-dessus. § 9. En définitive, il est particulièrement évident que les Andalusís ne perçurent pas la fin de quelque chose avec l’avènement de l’époque taifa. Il n’est pas moins évident que sa sensation civilisatrice serait très différente à ce qu’aujourd’hui l’on qualifie— d’un mode de vacance— comme culture islamique; c’est-à-dire, rien de plus que des méthodes religieuses et culinaires, qu’ainsi est la perception de cette période de la part de la sombre et rébarbative espjuf! ejwjof actuelle: époque prétendument homogène et monocorde depuis le Portugal islamique jusqu’à l’Indonésie et depuis l’an 711 jusqu’avant-hier. Nous aurons l’occasion de savourer de quelle façon— par exemple—, dans une Tolède-taifa de la renaissance, il y eut des Médicis: la dynastie des Banu Di-l’Nun. Quand la ville tomba aux mains des chrétiens— en 1085—, l’on trouva une telle profusion de livres et de réussites culturelles en général que cela provoquera une des premières grandes décharges d’al-Andalus à l’Europe. Ainsi le décrit Felipe Maillo: avec seulement ce qu’avait traduit Gérard de Crémone le cours de la science occidentale aurait changé.235 Pour le reste, l’interprétation du conflit péninsulaire d’un point de vue religieux était déjà systématiquement marquée. Les identités étaient déjà bien insérées, mft!qfssvrvft!ef!mb!nnpjsf!ijt. upsjrvf! bien implantées/ Mb!Sfdporv‘uf!ubju!of, une édition de plus du réisme, consubstantiel au genre humain. La condition andalusíe éclatait au nom d’une différenciation entre les futurs séfardis— ou juifs—, les chrétiens et les musulmans. Ainsi, disait le chrétien Ferdinand I (1016-1065) aux musulmans dans une haran235 Felipe Maillo, Ef!mb!eftbqbsjdj˜o!ef!Bm.èoebmvt…, page 21. 5:9! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou gue à mi-chemin entre syndicaliste et militaire: opvt!wpvt!bwpot! besftt! mft! tpvggsbodft! rvf! opvt! ßsfou! tvqqpsufs! dfvy! rvj! bwbou!wpvt!wjosfou!dpousf!opvtÒ!l’on doit observer la cacophonie des pronoms personnels./Opvt!sdmbnpot!tfvmfnfou!opusf!qbzt-! dfmvj!rvf!wpvt!opvt!bwf{!fomfw!jm!z!b!mpohufnqt-!ebot!mft!qsf. njsft!qprvft!ef!wpusf!qvjttbodf/!Wpvt!mÖbwf{!ibcju!mf!ufnqt! rvj!wpvt!b!u!edsu<!nbjoufobou!opvt!wpvt!bwpot!wbjodv!‰! dbvtf!ef!wpusf!ndibodfu/!„njhsf{!epod-!‰!wpusf!dšuf-!bv.efm‰! ev!Euspju-!fu!mbjttf{.opvt!opusf!qbzt"!Qbsdf!rvf!qpvs!wpvt!jm!of! gfsb!qbt!cpo!wjwsf!fo!opusf!dpnqbhojf.236 § 10. Une apparente accélération des processus historiques commençait, avec la maturité critique des choses qui ne peuvent être comme l’historien voudrait les percevoir, mais comme en réalité elles durent être. Dans ce sens, il y a une œuvre intéressante qui narre les avatars du califat cordouan jusqu’à sa fin en 1031, pour se convertir en une ombre légitimiste qui accompagna chaque roitelet local qui essaya de braver les appuis populaires. Il s’agit du livre de Wasserstein, Mf!dbmjgbu!fo!Pddjefou,237 dans lequel s’ébauche avec clarté le mode avec lequel le propre concept de califat pourrait signifier rien de plus qu’un genre de carcasse politique ou réceptacle d’un remplissage nécessaire ultérieur. Ce serait comme parler aujourd’hui de valeurs démocratiques avec tout ce que cela implique— par exemple— d’élections frauduleuses en certaines occasions. Car la fiction califale serait, de cette façon un sceau indéfectible associé à la plus haute qualification politique d’un gouvernant, raison pour laquelle il devra compter avec quelqu’un qui sache la vendre— besoin du lettré courtisan; gpoubjojfs qui verse en paragraphes les velléités du pouvoir coercitif. Ce n’est pas ici l’endroit pour un plus grand approfondissement en la matière, mais il faut souligner l’intéressant effet collatéral qu’impliqua l’absence du califat et la substantielle survivance de la vie religieuse de l’Andalusí moyen. Que cela serve seulement aux intégristes de l’jtmŒn-!npef!ef!wjf!lorsqu’ils prétendent voir dans 236 Pris dans Bayan d’Ibn Idari, dans une version— retouchée— de Maillo. Voir: Ef!mb!eftbqbsjdj˜o!ef!Bm.èoebmvt…, page 39. 237 David J. Wasserstein, Uif!Dbmjqibuf!jo!uif!Xftu/!Bo!Jtmbnjd!Qpmjujdbm! Jotujuvujpo!jo!uif!Jcfsjbo!Qfojotvmb. Oxford University Press, 1993. Mb!wjmmf.ubu!ubjgb 5:: le droit islamique certaine nuance théocratique. Nous ne reviendrons pas là-dessus, mais ebot!dft!ufssft!ef!mÖJtmŒn-!mf!espju! tÖbqqfmbju!espju<!opo!espju! jtmbnjrvf/!De la même façon qu’en Chine, la cuisine s’appelle cuisine, simplement. Non pas dvjtjof! dijopjtf. À nouveau: que cela serve de upbtu! bv! tpmfil dans des époques d’assignations religieuses identitaires de groupuscules qui ne sauraient pas reconnaître la volonté de Dieu après un élagage de singularités. § 11. Pour le reste, le processus qui déboucha dans la dissolution effective du califat omeyyade de Cordoue en 1031 s’était accéléré à cause des révoltes de 1009. Considérées comme une révolution populaire en toute règle, 1009, supposa, dans la pratique, un nouveau soulèvement de ce que l’histoire de l’Islãm considère TivÖvcjzzb; la perte massive de contrôle similaire à celui qui finit par laisser sa place à la dynastie orientale des Abbãssides à cause du collapse du pouvoir damascène. Nous croyons que l’an 1009 peut être considéré clairement comme un soulèvement populaire tivvc“, étant donné la facture de pillage et de mise à sac qu’il présenta; de même que la séquence des occasionnels sauves-patries qui, finalement, ne réussirent rien de plus que répartir des niveaux de pouvoir. Comme fondement de telle révolution en toute règle— bien que, en matière révolutionnaire, le fondement n’est rien—, l’on a l’habitude de compter avec la dualité dangereuse que présentait la dernière Cordoue califale des Amiris, al-Mansûr et les siens: un pouvoir effectif— avec une poigne de fer— détaché d’une légitimité latente— le calife dans son labyrinthe. Le qpjou!ef!opo.sfupvs serait la tentative erronée de rythmer de tels concepts dissociés. C’est-à-dire; à partir du moment— année 1008— où le second fils d’al-Mansûr, Tbodivfmp-!jodjub!mf!dbmjgf! sfufov!‰!mf!opnnfs!tvddfttfvs. Les deux fils d’al-Mansûr avaient suivi le modèle paternel de légitimité fictive sous la protection d’un contrôle effectif coercitif. Ce dernier se basait sur des contingents militaires attachés seulement à leur paiement et constitués par un nombre croissant de Maghrébins, ainsi que tbrbmjcb- esclaves du nord qu’ils nommaient Slavons ou Slaves.! Ces forces, en grande mesure, n’en faisaient déjà qu’à leur tête, par exemple, en 1003 un chef slave— c’est-à-dire, le général Ubsbgb—, se mit à la tête d’une conspiration bien qu’elle fut réprimée à temps. Si la légitimité avait 611! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou été atteinte, et le pouvoir volé, Cordoue freina le second fils d’alMansûr quand celui-ci prétendit invertir les termes et wpmfs!mb!m. hjujnju après avoir réussi— par héritage— le pouvoir. Son poste de conseiller était l’héritage de son frère aîné, bref dictateur mort en 1008. § 12. Ainsi sont les choses, Sanchuelo— en réalité, Abd al-Rahmãn Sanchol, pour être le petit-fils de Sanche—, passa à l’histoire pour avoir écouté le son des cloches sans savoir d’oùil venait: confusion de pouvoir et de légitimité, conviction de la loyauté des troupes qui avaient trop de cohésion et que l’on n’avait pas encore su s’attirer, et une erreur tactique de dernière heure: percevant la nécessité d’une campagne militaire qui lui permettait d’augmenter son charisme parmi les troupes, il eut l’idée de la commencer en hiver. En revenant de cette campagne qui fut un échec, Cordoue s’était déjà soulevée contre les Berbères et les Slaves, avait ravagé le siège symbolique de Madînat al-Zahirã’, avait fait abdiquer le calife dormant en faveur d’hommes de paille qui se succéderaient dorénavant, et la foule était en train d’attendre Sanchuelo. Le dernier Amiri se réfugia avec son allié Carrión García Gómez dans un convent cordouan, d’où il fut saisi et finit ses jours le 3 mars 1009. À partir de ce moment-là, Cordoue épuisera ses ressources légitimistes jusqu’à la reconnaissance de l’impuissance du régime. Le démembrement résultant d’al-Andalus répondit plutôt à un replacement des expulsés de Cordoue. Les contingents de troupes berbères et slaves essaieront de s’assurer des cotes de pouvoir dans certaines villes où ils seraient mieux reçus que dans la capitale, prise d’une plèbe saturée de mercenaires et avec de compliqués— et changeants— groupes de pression. § 13. Dans cette constatable et longue révolution cordouane tombèrent trois califes— nommés et cessés—, l’on cessa d’importer l’or et les métaux africains, l’on abandonna les champs, les coffres de l’État se vidèrent, l’on alterna l’appel et le rejet des royaumes chrétiens— spécialement, Sanche García de Castille— et enfin—, il y eut une grave répression contre le peuple en arme. Dans le fleuve turbulent, le dirigeant berbère Zîrî essayait de se replacer, pendant que les Slaves, selon ce qu’il paraît, arrivèrent à s’établir dans les zones orientales éloignées, en particulier dans l’actuelle Alicante. Mb!wjmmf.ubu!ubjgb 612 Le :!nbj!2124 se fixe comme date de non-retour. Les derniers hommes forts des anciens Amiris, essayaient d’imposer leurs candidats— c’est le cas du efsojfs!hosbm!bnjsj! Xbeji et du futur dirigeant taifa Kbzsˆo. Tous deux appartenaient!à la dbtuf!njmjubjsf! de cette société andalusíe, ils s’étaient distingués en ce qui avait configuré le prestige militaire du vieux et puissant Galib, dfmvj!eft! efvy!qft: ils s’étaient aguerris dans le détachement de Medinaceli— bélier d’al-Andalus comme nous le définissions. Pendant cet joufsnef, de nombreuses zones de la ligne du Douro avaient été cédées aux chrétiens du nord. Al-Andalus rétrécissait et se parcellisait, pendant que les dbcjofut!ef!dsjtf cordouans étaient constitués par des cadis; amèrement dépendants des occasionnelles forces offertes. § 14. Ce 9 mai, le cadi Ibn Dakwán ouvrit les portes de la ville qui fut ravagée pendant deux jours par les Berbères, comme châtiment assumé avant la reconnaissance de leur pouvoir. L’on raconte que dut mourir alors le dernier calife réel, l’illustre Hichãm II. En tout cas, l’on ne sut plus rien de lui, à part d’occasionnelles résurrections induites. Dans la pratique, Cordoue n’était déjà plus intéressante si ce n’est comme lieu de répartition: ce Berbère Zîrî commencera la dynastie qui porta son nom à Grenade— les Zîrides. Autres chefs militaires nord-africains s’établiront à Jaén, Morón, Sidonia. Slaves à Almería et Murcie. À Saragosse, les puissants Tuyibíes continueront leur contrôle essentiel de la zone de l’Èbre— jusqu’à la relève d’une autre dynastie—, et celle des Banu Di-l’Nun finiront par s’établir à Tolède. La décentralisation fut inégale à tout propos, mais la plus importante fut, précisément, le etrvjmjcsf!eft!mhjujnjut: d’un côté, Tolède et Saragosse sauvaient la situation glorieusement, avec la valeur par surcroît d’être une frontière avec le nord chrétien; ils étaient ainsi, le reflet d’al-Andalus en général. Par contre, Cordoue et Séville se régénéraient à partir de l’intérieur: la dmbttf! npzfoof — concept d’usage compliqué, mais pratique pour ce cas— se convertirait en une élite prospère de gestion, avec des juges et fonctionnaires familiarisés avec l’administration. Dans le cas de Séville, un cadi avancé nommé Bccbe finira par instaurer une dynastie. Pendant ce temps les nouveaux foyers de pouvoir se généraient dans les capitales périphériques, les courtisans survivants 613! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou commenceraient une course frénétique de plume et influences qui finit par convertir en prestigieuses cours les refuges urbains après la ecŠdmf cordouane. 7/3/!„wpmvujpo!ubjgb § 1. L’histoire confuse et lamentable— avec laquelle Lévi-Provençal238 sentenciait les Taifas— est, pour l’historiologie, celle d’une splendeur culturelle et administrative sans précédent. Entre les nostalgiques de Cordoue et pêcheurs de fleuve turbulent, l’encre qui coula dans al-Andalus pendant un demi-siècle — de 1031 à 1086— justifie en soi la saine et rajeunissante nécessité d’occasionnelles et prometteuses crises politiques. Les deux frontières temporaires indiquées sont dues à deux charnières essentielles: la dissolution du califat cordouan date de 1031, et en 1086 a lieu la bataille de Zallaqa— ou Sagrajas—, avec la victoire du premier contingent almoravide, et l’intensification résultante de la berbérisation déjà commencée et ostensible dans la vie publique andalusíe. Une année avant— 1085—, Tolède ne serait déjà plus une ville islamique et se transformerait en entonnoir de transmission du monde andalusí vers l’Europe. Le fait que la Taifa de Tolède passât à être, sans plus, castillane, est un des chapitres de l’histoire péninsulaire à souligner, d’autre part perçu tragiquement par les Andalusís les plus prudents, comme c’est le cas de l’élégie gsbqqbouf du poète tolédan Jco!Bttbm: Boebmvt“t"!„qfspoof{!wpt!difwbvy<! Df!tfsbju!‘usf!gpv!tj!mÖpo!sftubju!jdj!qmvt!mpohufnqt/ Mft!ujttvt!tÖfgßmpdifou!eÖibcjuvef!tvs!mft!cpsetNbjt!bm.Boebmvt!b!vof!edijsvsf!ebot!mf!dfousf § 2. À nouveau, dans une peur au présent l’on perçoit d’étranges aliénations: qui est qui pour s’en aller où? Heureusement, la fragmentation andalusíe des Taifas distribua de manière équitable l’orgueil d’être, dans une civilisation déjà clairement cultivée et qui fera de la rhétorique son arme tranchante. Monnaie et conseiller 238 Dans: Pierre Guichard et Bruna Soravia, Mpt!sfjopt!ef!ubjgbt/!Gsbhnfo. ubdj˜o!qpm“ujdb!z!ftqmfoeps!dvmuvsbm. Malaga: Sarriá, 2005, page 29. Mb!wjmmf.ubu!ubjgb 614 seront les traits du prestige cantonal, taifa: frapper une monnaie distribuait une légitimité atteinte, et les conseillers s’appliquaient à contrôler la société particulière d’information andalusíe. Et un fait se détache clairement: al-Andalus ne sera plus une société militaire en elle-même, mais plutôt civile et fragmentera par sa propre idiosyncrasie de relaxation hiérarchique. La période des Almoravides et Almohades s’occupant de la gestion du pouvoir coercitif sera maintenant différent; imposé à partir d’autres instances, qui n’émanaient pas de l’intérieur. L’animadversion naturelle de la plus grande partie des Andalusís face à ce qui est nord-africain — suffisamment décrite par García Gómez239 en traduisant différents états d’opinion d’andalusís contemporains— contribuera à percevoir les régimes almoravides et almohades instaurés comme une certaine imposition, bien que— en tout cas—, telle imposition— précisément allongea la vie d’al-Andalus deux siècles de plus. Comme premier État taifa proprement dit se détacherait Saragosse, avec sa stabilité plus que prouvée sous la dynastie des Tuyibíes. Nous insistons sur quelque chose déjà signalé: la tubcjmju! boebmvt“f!‰!Tbsbhpttf est un des traits à souligner dans notre lecture historique du Moyen Âge arabe péninsulaire. § 3. Le fait de que le passage susceptible dans la vallée de l’Èbre fût en réalité un bastion, un des remparts de la civilisation andalusíe, configurerait en soi le reste du territoire; la Province Supérieure fut l’indispensable retenue d’al-Andalus face au nord. L’on considère comme indéfectible que ce qui est andalusí équivaille pratiquement à ce qui est actuellement andalou, ce sont des données que l’on doit détacher. Ce trait de la zone augmentera bientôt considérablement, avec la non moins imposante configuration taifa que les Banu Razin donnèrent aux montagnes nommées par eux d’Albarracín. En 1025 l’on frappait déjà de la monnaie tuyibíe à Saragosse— avec une avance de six ans par rapport à la chute de Cordoue—, un geste prémonitoire du tbmvu!dboupobm!boebmvt“. À partir de là, c’était le dpvq! ef! gfv! ev! ecvu! d’innombrables dynasties prétendant une 239 Emilio García Gómez, Boebmvd“b!dpousb!cfscfs“b. Universidad de Salamanca, 1976. Le tardif— et mûri— exemple andalusí d’Ibn Khatîb (1313-1374) fera la sentence d’une obgsb!ubcf“zb— disposition naturelle— des Andalusís contre les Nord-Africains, personnalisés par les mercenaires berbères. Lui-même finira ses jours étranglé à Fès, bien qu’il faut le dire, par les mains d’un Andalusí. 615! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou monnaie et une lignée propagée. Celles qui pouvaient affirmer le plus leur arabité, mépriseraient à celles qui ne pouvaient pas le faire. Celles-ci repeindraient d’arabe leurs origines inconnues et, entre toutes, elles généreraient un réseau de tension littéraire si spécifique à ce qui est andalusí— l’on peut difficilement trouver un cas similaire dans le reste de la géographie mythique de ce qui est arabe—, comme définitoire finalement de l’univers civilisateur dont nous nous occupons: mÖfttfodf! eÖbm.Boebmvt! gvu! bsbcf. Arabisés, arabophones ou crypto-arabes, le consubstantiel hbmjnbujbt! djwjmjtbufvs cessa subitement longtemps après, à cause de la conquête définitoire du castillan— à mesure qu’avance l’expansionnisme naturel du nord—, dont le souvenir sera extirpé dans le mythe constitutif espagnol. § 4. Les Taifas furent un jeu compétitif légitimateur arabe, trompeu- sement islamique et pragmatiquement monétaire. Trompeusement islamique doit se lire sans nuances péjoratives: la fiction califale— califat d’en-tête, pourrions-nous dire— fut un fait aussi palpable dans les Taifas qu’un certain éloignement culturel courtisan en ce qui concerne la caste croissante des juges: ceux qui finiront par marquer idéologiquement le grand alinéa andalusí suivant des dynasties les plus intégristes nord-africaines. Et dans ce jeu légitimateur arabe, la dynastie précoce tuyibíe de Saragosse attira comme conseiller et propagandiste— engagea, pourrions-nous dire; car c’est de cela qu’il s’agissait— à un expérimenté courtisan cordouan, déjà signalé pour sa poésie élogieuse dédiée à al-Mansûr et les siens: le célèbre Ibn Darrach. Ce poète aulique infatigable chanta chaque traité, alliance ou affrontement des seigneurs de Saragosse, leurs troupes ou leurs alliés occasionnels; à la fin, victimes de la propre et générale crise légitimiste andalusíe, avec quoi la période taifa terminerait par envoyer à Saragosse une seconde dynastie: celle des Cbov!Ive— ou hudíes. L’pshvfjm!ev!qbzt!obubm andalusí ferait comparer à Ibn Darrach avec le prince des poètes arabes de tous les temps, l’oriental bm.Nvub. obcc•, dans une lecture collatérale sur tout ce que l’on pouvait évaluer de cette illustre nnpjsf!bsbcf!dpmmfdujwf entre les habitants d’al-Andalus. Si Saragosse fut le premier dans sa construction cantonale, ce qui est certain c’est que tel fait n’est pas singulier, vue la tendance générale que la Province Supérieure avait suivit pendant toute la vie andalusíe. Mb!wjmmf.ubu!ubjgb 616 § 5. Une chose bien différente est le réductionnisme légitimiste cordouan: le prestige détérioré des Omeyyades, une nouvelle dynastie provenant du nord de l’Afrique— les Hammãdides— se dessina brièvement— et ce ne sera pas l’unique qui fut charismatique dans les rues cordouanes, déjà trop républicaine pour des expériences instauratrices. Les Hammãdides s’installeront avec plus d’apparence de permanence à Malaga et Algesiras,240 dans un processus déterminant des Taifas: en cas des Taifas occupées par des milieux de pouvoir slaves ou berbères, l’inclinaison du terrain put beaucoup plus que l’idée préalable de la dynastie. N’importe quelle Taifa vaut la peine du moment qu’elle offre une apparence de permanence. Et même s’il n’en est pas ainsi; car une grande partie de la mobilité taifa— si insultée par Lévi-Provençal— convient même avec la survie si critique de coups d’État. C’est pour tout cela que l’on a l’habitude de considérer— dans la pratique—, que le démembrement taifa consolida trois types de pouvoir locaux. En premier lieu, les seigneuries qui fyjtubjfou!ek‰ avant qui, dorénavant, passeront à autochtonies sans même avoir un lien avec le pouvoir central. En second lieu, les seigneuries avec un pouvoir coercitif cfs. csf, d’une certaine imposition récente du fait qu’elle répondît à l’établissement des troupes mercenaires omeyyades, avec d’une certaine manière une cohésion autour de dirigeants déterminés, pères de futures dynasties. C’est le cas des Zîrides ou des Hammãdides. Le recrutement nord-africain traditionnel intensifié par al-Mansûr, présentait maintenant la facture. Finalement seigneuries avec un pouvoir coercitif tmbwf. En réalité, les officiers dorlotés par le régime amiri: al-Mansûr s’était appuyé sur les uspvqft! qsupsjfooft slaves— tbrbmjcb, du nord; blondes pour bien nous comprendre— probablement à cause du fait qu’ils servaient leur seigneur, non pas la patrie de celui-ci. § 6. Dans une lecture générique, la tendance décentralisatrice andalusíe reste patente depuis les débuts de son acheminement. Probablement, l’épitomé de désagrégation taifa n’est autre qu’une exemplification finale de la perception disséminée du territoire de 240 Pour une meilleure attention sur la ejtusjcvujpo! ubjgb, voir: M. Jesús Viguera Molíns, Mpt!sfjopt!ef!UbjgbtÊ 617! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou la part des Andalusís. Ceci est une notion de la naturalité taifaqui se justifie assez bien en soi: il y eut toujours une tendance à fragmenter et les centralisations occasionnelles seraient plutôt des processus de conjonction étatique artificielle. Il faut tenir compte que, en marge de l’histoire générale déjà esquissée, la désagrégation andalusíe— de long commentaire historiologique—, à partir de la période qui nous concerne se généraient trois phases taifas différentes, et cela sans compter avec la propre essence taifa finale du royaume de Grenade. Et n’oublions pas le sens ultime de ce qui est andalusí et que nous étions en train d’utiliser: bm.Boebmvt! ft! vo! dpodfqu! ufs. sjupsjbm!bttpdj!‰!mÖbsbcju!pshvfjmmfvtf!e֑usf!mb!dvmuvsf!ef! m֏qprvf. Une assignation religieuse n’est pas nécessaire en soi, ou étatique avec des prétentions de gfsnfs!des cartes rêvées. Et nous ne voyons pas en cela de qfsdfqujpo!ejtqfstf!ev!ufssjupjsf non sans histoire ou péjoratif. C’est-à-dire: l’inertie andalusíe remua toujours la division du territoire en cantons, seulement neutralisée en certaines occasions par des pouvoirs centralistes— coercitifs ou charismatiques. Dans ce sens nous notions avant le processus de tztupmf!fu!ejbtupmf andalusí— centralisation, décentralisation—, de même que nous commentions avec insistance tb!ufoebodf!obuv. sfmmf!ubjgb. § 7. Pour le moment, pendant que se consolident les pouvoirs locaux taifas spécifiques, il reste seulement une dernière référence post-omeyyade— amiri—: dans la dernière période califale, une mode avait été imposée par le pouvoir celle du voile berbère, le mj{ˆn qui après caractérisera l’époque des voilés nord-africains. Quelque chose— état d’opinion, invasion de coutume— s’ouvrait le chemin associé à l’animadversion naturelle face à ce qui était nord-africain, et le souvenir imprimé dans les mémoires des jours de pillage cordouan de la part des troupes berbères comme dédommagement: les sangles nord-africaines mises sur al-Andalus entre les phases taifas, qui furent essentielles pour la survie arabe, établiront un certain point de rétro-alimentation déjà suffisamment commenté—: association de ce qui est berbère avec tout ce qui était préalable à al-Andalus; sentiment d’invasion, proclamation d’une reconquête; en essence: altérité de ce qui est arabe. Le discours de Ferdinand I— sfupvsof{!ev!dšu!ef!mb!nfs!rvj! Mb!wjmmf.ubu!ubjgb 618 wpvt!bqqbsujfou— ne terminerait-il pas par faire évoluer la mentalité andalusíe? Parce que le phénomène final d’aliénation après Grenade est réellement triste si l’on considère comme culture propre ce qui se passe sur un territoire qui est nôtre. En marge d’une analyse postérieure plus détaillée, l’essence séquentielle de cette première période taifa ainsi appelée— à part d’exister, nous le voyons bien, un attachement antérieur— peut se résumer en grands traits: § 8. L’on distingue la faiblesse institutionnelle de chacune des vingt Taifas— certains comptent jusqu’à trente huit— de cette première période préalable au coup d’État almoravide. S’affrontant dans une destructive— et paradoxalement créative— compétence inégale— pour l’étendue finale de certains domaines—, la période taifa put offrir au nord chrétien la véritable apparence d’une mosaïque de prise facile. Fait, celui-ci, en relation avec l’aspect suivant remarquable le paiement systématique des parias (impôts)241 de la part des royaumes taifas. Finalement, la perception d’impôts de chaque territoire taifa n’augmentera plus le Trésor Public cordouan, mais la péninsule Ibérique se structurera d’une manière alternative, d’un mode inespéré pour le nord. Effectivement la plus grande splendeur économique des villes andalusíes leur permettra payer un ajournement de l’époque spnbodf.disujfoof; une prorogation de l’époque andalusíe. La question est, probablement: le paiement d’un impôt est-il une preuve de débilité? Or, pour Byzance sa paix lui coûta très cher, mais elle put la conserver jusqu’à la date insoupçonnée de 1453— même si souvent nous considérons la fin de Byzance plusieurs siècles avant. Néanmoins, il est indubitable qu’une telle situation structura— disions-nous — l’histoire péninsulaire postérieure en deux aspects: § 9. En premier lieu, l’habitude andalusíe de payer la paix, avec, par conséquent, le désarmement des courtisans. La frénétique activité littéraire— propagandiste— des conseillers courtisans tiendra lieu 241 Le dictionnaire espagnol offre une étymologie illustrative du mot qb. sjbt— toujours au pluriel— il provient du bas latin qbsjbsf, qui signifie égaler les comptes. La nuance compensatoire est intéressante: les parias ne se conçoivent pas comme jnqšu!swpmvujpoobjsf, mais comme compensation pour l’occupation. En reconnaissant le paiement, les Andalusís assumaient qu’ils étaient occupants. Ils jouaient eux-mêmes à la reconquête. 619! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou de légitimation d’un pouvoir coercitif non questionnable. Pour le dire d’une façon plus claire: si le souverain taifa eut dans ses mains la force nécessaire pour s’affronter aux chrétiens du nord, en même temps que maintenir le contrôle intérieur, les vers des courtisans auraient été moins nécessaires. De manière collatérale, la coutume chrétienne de percevoir pour menacer: dépendance du chevalier armé, pendant ce temps la ville chrétienne s’habituait à une richesse financière très supérieure à la productive. Il était plus facile payer des produits andalusís que de stimuler le propre artisanat. Sur ces entrefaites, se produisait vof! tusvduvsbujpo! jousfttbouf! tvj! hfofsjt: les quantités payées par les royaumes andalusís— en concept d’impôts— aux royaumes chrétiens du nord servaient à ces derniers à s’armer, construire leurs villes; et rendre une partie à al-Andalus en échange de ses produits/!MÖFtqbhof!tvjwbouf!ubju!fo!usbjo!ef!tf!dpotusvjsf-! bwfd!mb!ßmusbujpo!bsujtbobmf!fu!dvmuvsfmmf!boebmvt“f— imperceptible dans l’historiographie, indispensable dans l’historiologie. § 10. Dérivé de ce qui précède, l’on observe une finalité invétérée en soi de la perception d’impôts, sans instrumentalisation préalable d’acquisition de territoire de la part des royaumes chrétiens, au début. La menace de tension aux frontières est très remarquable et les incursions occasionnelles ne cherchaient, probablement, que le paiement des impôts, non pas une excuse pour avancer. D’autre part, al-Andalus n’était pas encore mûr comme territoire de conquête. La prorogation andalusíe que supposèrent les dynasties nord-africaines, correspondit parfaitement à l’impossibilité réelle de la part des chrétiens de dominer tout le territoire andalusí. Enfin, il faut souligner l’impopularité croissante des régimes andalusís qui ont besoin de contributions spéciales pour affronter le paiement des qbsjbt. Il est certain que l’absence de tension provoquée par la centralisation fiscale de la part de Cordoue économisait dans une certaine mesure quelques perceptions. Mais le peuple finit par être conscient de que les tributs spéciaux appelés nbhb. sjn servaient à payer les qbsjbt aux chrétiens du nord. Cela finira par constituer tout un sous-genre juridico-littéraire attaquant la légalité d’un tel impôt à partir d’instances déterminées— juges, qui, finalement seront la djorvjnf!dpmpoof des Almoravides—, et la manière avec laquelle il est justifié par les lvuubc!tvcwfoujpoot. Mb!wjmmf.ubu!ubjgb 61: § 11. L’on peut souligner la décantation taifa après l’établissement urbain évident d’al-Andalus: il est indubitable que transparaît ici l’essence même de la prospérité culturelle taifa; la ville comme le plus grand représentant de la vie andalusíe. Elle l’avait toujours été, résolument; mais pendant ces années-là elle le fut d’un mode exceptionnel. Enfin et à l’heure de signaler les opnt!joejtqfotbcmft de cette période taifa, maintenons la division en trois les seigneuries andalusíes— autochtones, berbères et slaves—, et faisons mention des processus de décantation coercitive les plus remarquables.242 D’abord, fleurirent les seigneuries ek‰! fyjtubouft, augmentées et désormais sans attaches. Bientôt s’ouvriraient le passage les Yawharíes cordouans, pour être vite absorbés par la Taifa la plus impérialiste de toutes, celle des Banu Abbad— Abbadides— de Séville. § 13. À partir de 1023, date à laquelle un cadi instaura la dynastie, les Abbadides de Séville finiraient par contrôler une extension démesurée d’al-Andalus qui embrassait de la ville portugaise d’Algarve jusqu’à Murcie— sous le règne du célèbre al-Mu’tamid. En 1035, la recherche de légitimité sévillane culbuta vers l’impérialisme: les Abbadides décidèrent de reconnaître un calife-pantin, justifiant ainsi leur expansionnisme comme légitimation d’un ordre rétabli. Néanmoins ceci est valable autant pour la Taifa sévillane que pour le reste, agrandi par ses dimensions: le prix de son époque arabe fut payé en impôts aux Castillans. À partir de 1039, la grande Taifa andalusíe suivante de dynastie autochtone serait la des Ive“ft!ef!Tbsbhpttf. Substituant les célèbres Tuyibíes, ces Hudíes contrôleraient la Vallée de l’Èbre et de Huesca à Valence pendant soixante dix ans de traité— paiement d’impôts— avec les royaumes de Castille, Navarre, Aragon et le Comté de Catalogne. Il est intéressant de remarquer comme, le 242 Il est indubitable qu’une lecture historiographique serait nécessairement plus volumineuse: noms, sources, dates…. Les incomparables et encyclopédiques guides de chroniques sont là pour le chercheur de données. En ce qui concerne la lecture historiologique qui nous occupe— le pourquoi des choses, la lecture assistée—, nous croyons que la révision ne peut pas être exhaustive, sous peine de tomber dans le ndpoufoufnfou!ef!Mwj.QspwfoŽbm: l’historien entrainé par l’avalanche d’une donnée très fertile qui se multiplie. 621! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou temps passant, quand ils prétendent échapper au virement historique du dpvq!trvfoujfm!eft!ubut!bmnpsbwjeft, les Hudíes écriront aux menaçants seigneurs berbères en se présentant comme vof!gpsdf!joufsqptf!fousf!wpvt!fu!mft!disujfot. Les Hudíes se savaient indispensables à cause de leur condition de force de frontière, à partir de laquelle l’on perçoit un clair expansionnisme du nord, appelé sfdporv‘uf/ § 14. À partir de 1041, dans le Levant et jusqu’à Almería régnèrent les Banu Sumadih, protégés par la mobilité dans le littoral méditerranéen et aux dépens du côté caché de Grenade plus occupée par son voisinage avec Tolède et Séville. Comme second grand bloc de Taifas nous trouvons les seigneuries cfscsft. Les Ej.mÖOvo déjà cités de Tolède seraient le dibou! ev!dzhof!boebmvt“ de cette Uvmbjuvmb arabe, ancienne capitale wisigothe et avec une vie historique postérieure si particulière. Tolède la profonde vscjt!sfhjt wisigothe, avait toujours été traitée comme Nbe•obu!bm.nvmvl, la ville des rois. Entre cette nuance prestigieuse— qui continue de manière inespérée— de Tolède et la prééminence permanente déjà citée de Saragosse, l’on pourrait beaucoup parler de l’essentialisme européen d’al-Andalus. Pour résumer ceci de façon illustrative: le Tage et l’Èbre furent autant andalusís— ou plus— que le Guadalquivir (le autant ou plus est une cpvubef!243 antiberbère; essentialiste d’un al-Andalus moins envahi). À Badajoz, les Bgubt“ft fleurissaient avec de graves difficultés entre la Séville expansive des Abbadides et la pression chrétienne sur la Svub!ef!mb!Qmbub toujours ouverte. Les qbsjbt! payés par les Aftasíes arrivent à être les plus importants de la période taifa, ce qui rendit nécessaire à son tour la perception d’impôts, la production et le développement commercial imposable. C’est-à-dire: la pression fiscale du nord tujnvmb la production de la Taifa. Celle-ci obligea le dirigeant à augmenter la pression fiscale, et telle impopularité devait correspondre à une activité frénétique de propagande de la part des conseillers. La période taifa, à l’état pur. § 15. À partir de 1016 les Hammãdides promenèrent leur vieille légitimité de derniers califes vers Malaga et Algesiras, jusqu’à ce que— 243 En français dans le texte (N. T.). Mb!wjmmf.ubu!ubjgb 622 à nouveau— ils souffrirent les graves découpures de l’expansionnisme sévillan abbadide. À l’ombre de la stabilité des Hudíes de Saragosse, fleurit dans la montagne du nord de Cuenca la dynastie des Cbov!Sb{jo déjà citée, avec un élevage transhumant des âpres pentes de —nommé par eux— l’Albarracín jusqu’aux vallées du sud— ainsi que la vallée du Júcar et du Segura. Les routes de transhumance de ces troupeaux d’une durée de presque vingt jours sont légendaires. À côté de cette dynastie, la dynastie avec localisme des Cbov!Rbtj (Beni Casi) essaierait de maintenir leur alternative légitimatrice à Alpuente.244 Finalement, entre les Berbères il faut distinguer les [•sjeft!ef! Hsfobef, avec une projection— et contrôle occasionnel— sur la côte de Malaga et célèbre dans l’historiographie andalusíe à cause des mémoires émouvantes du dernier roi zîride, avant le coup almoravide; mémoires qui ont été poétiquement reflétées dans la version d’Emilio García Gómez sous le titre de Mf!po{jnf!tjdmf!‰! mb!qsfnjsf!qfstpoof.245 § 16. Enfin, les seigneuries slaves. Il s’agit de ceux que l’on nomme dans les sources, dmjfout!eft!Bnjsjt; pour leur vieille dépendance contractuelle avec al-Mansûr et/ou ses fils. Ce furent les Taifas avec le moins d’apparence de permanence, sûrement pour apporter dans leurs modes coercitifs une certaine exclusivité soldatesque: psychologie plus linéaire et guerrière que circulaire et sédentaire, qui excluait certaines formes de permanence urbaine ou courtisane. Ce célèbre Kbzsˆo, échappé de Cordoue, eut le commandement de Murcie et Almería pendant un certain temps jusqu’à la bataille fatale avec les Zîrides. Même le fils de Sanchuelo— donc petit-fils d’al-Mansûr — arriva à le substituer au commandement des troupes slaves qui finalement se dispersèrent. 244 Il n’est pas nécessaire d’être trop rigoureux lorsque l’on parle d’joàvfo. df!cfscsf dans certaines Taifas plus que dans d’autres. Dans le mode andalusí de sfqfjoesf!eft!cmbtpot- quand arrive la période africaine, beaucoup seront bgsjdbjot!efqvjt!upvkpvst. Dans les manuels l’on a l’habitude de parler de Cfs. csft!ubcmjt face aux Cfscsft!bssjwt!sdfnnfou; il s’agit d’une dissection sociale de difficile crédibilité— comme tant d’autres choses de l’époque andalusíe et post-andalusíe. 245 Emilio García Gómez (tr.) Fm! tjhmp! YJ! fo! 2! qfstpob;! mbt! nfnpsjbt! ef! ÕBce!Bmmbi-!mujnp!sfz!{js•!ef!Hsbobeb. Madrid: Alianza, 1982. 623! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Un peu plus remarquables fut l’histoire d’autres Amiris, comme c’est le cas de l’habile Npvekbije! ef! Efojb! fu! mft! Cbmbsft à partir de 1011. Avec sa flotte il arriva à frapper sérieusement la Sardaigne, et son fils Bmj réussit une certaine stabilité dynastique grâce à l’équilibre atteint avec la Catalogne. Ali était fils d’une chrétienne; ce qui répondait à une longue tradition andalusíe. § 17. En définitive, les grandes Taifas mangèrent les petites Taifas, toutes durent payer le prix de leur indépendance et leur arabité grâce aux impôts des royaumes du nord, toutes générèrent des cours de différente ampleur bureaucratique et culturelle, et indéfectiblement toutes finiraient par affronter la lourde facture de la prospérité cantonale: le paiement des impôts aux chrétiens, l’odorat des dynasties nord-africaines; le moment est venu d’en dépoussiérer les véritables causes: est-il vraiment explicable historiologiquement qu’ils vinssent pour sauver l’islãm? Entre un nord expansif et— nous l’avons vu— un sud non moins croissant, l’époque des villes autonomes,— villes-état de la Renaissance, nous le voyions et nous le verrons—, laisserait le passage à une prorogation andalusíe un peu plus militaire et intégriste— avec intégralité— des dynasties nord-africaines. D’une manière voilée avant, mais très clairement à partir de 1055, les royaumes chrétiens du nord proclamaient l’époque de la Reconquête, avec tous les questionnements de son caractère mythique déjà esquissés. L’année 1055 n’est pas simplement aléatoire: c’est la date à laquelle l’on assume selon l’historiographie que Gfsejoboe!J de Castille et Léon commença à jnqptfs!mf!qbjfnfou!eft! qbsjbt! bvy!Ubjgbt andalusíes, avec une reconnaissance tacite bien qu’incertaine d’un mythe historique de la part de tous deux: l’on paie pour la paix, c’est certain; mais l’on paraît inclure une sfdpoobjttbodf!ef!rvf! mft!Ubjgbt!gvsfou!mpdbubjsft!eÖvof!ufssf!usbohsf. La façon avec laquelle Ferdinand I frappe indistinctement Tolède, Saragosse et Badajoz indique clairement une volonté de faire descendre la ligne andalusíe du Douro jusqu’au Tage. Ce qui fut atteint ouvertement par son fils Bmqipotf!WJ quand en 1085 jm!fousbju!qbdjßrvfnfou! ebot!Upmef. § 18. Son père avait déjà pris Coimbra et— entre-temps — les Cata- lans avaient ouvert une brèche à Barbastro avec des troupes qui Mb!wjmmf.ubu!ubjgb 624 comprenaient des Normands. C’est une donnée essentielle pour l’état d’opinion de l’époque: à l’avenir la coexistence des Catalans avec les seigneuries européennes du nord, de façon significative avec les templiers de Pise et de Gènes, injectera dans le déjà orageux mythe de la Reconquête le générique de la Croisade. Dans ces dates emblématiques de la forge de la Reconquête, étaient en train de se produire certains évènements d’une intéressante lecture d’enchaînement: ce Ferdinand I propagandiste demanda aux Abbadides l’envoi des reliques du saint sévillan Isidore, ayant la pensée de les enterrer dans la cathédrale de Léon. L’autre sévillan al-Mu’tamid accéda— ceci étant la preuve que l’on savait où elles se trouvaient et qu’elles étaient respectées, il faut bien le dire—, et le Castillan entoura son action d’un sjtnf providentiel inusité, en incluant un intéressant pèlerinage plein de gravité à Saint-Jacques de Compostelle pour, après, s’emparer par les armes de Coimbra— 1064— dans une action vendue comme saction. Dans le parcours, resteraient comme toujours les territoires intermédiaires Peu après, dans la Tolède de son fils Alphonse VI, la majorité musulmane continuerait à être soumise à un impôt spécial de capitation. Cette efuuf — dayn— les représentera dans les chroniques avec le terme de nvebzzbo; nvekbst. Les Taifas, les royaumes chrétiens, les juifs andalusís partout, les chrétiens arabes— maintenant oui, mozarabes—, les musulmans castillans— mudéjars—: mb! ejtujmmbujpo! ef! mÖpsjfoubm! fo! Pddjefou! bwbju! dpnnfod; la filtration de l’époque arabe, la traduction d’al-Andalus à l’Europe. 7/4!Dpotfjmmfst!fu!dpvsujtbot Jm! ßu! qsfvwf! ef! cjfowfjmmbodf-! ef! nsjuf! fu! ef! cpou/! Tpo! qprvf! gvu! dpnnf! vof! g‘uf! qfsquvfmmf-! dbs! mb! wjf! ubju! cpo! nbsdi!fu!mft!spvuft!tŸsft.246 Du léchage de bottes institutionnel reflété dans cette chronique— une entre tant d’autres courtisanes—, l’on déduit d’intéressantes carences de l’époque, élevées à des nécessités. Grâce à une lecture éclaircissante en négatif de ce qui précède, nous observons que sur la vie quotidienne du peuple pesaient la cherté de la vie et l’insécurité des routes— avec, donc, § 1. 246 Dans Guichard et Soravia, Mpt!sfjopt!ef!ubjgbt…, page 59. 625! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou le refuge de sauvegarde que représentait la ville. Sur le gouvernant, la tyrannie, l’illégitimité et l’arbitraire. Entre les deux— dirigeant et peuple—, pain et cirque: cette fête perpétuelle proclame le verbiage de toutes les castes conçu à mi-chemin entre la gestion bureaucratique de l’État— kuttab, secrétaires— et les nomenclatures très différentes pour les conseillers personnels— hayib, vizir ou n’importe quel sahib. Ces conseillers dépendants du caprice souverain étaient sermonnés ou destitués, vantés ou obligés à se réfugier dans les cours rivales, ils faisaient de la période taifa leur propre période. Cette époque de tfdsubjsft!dpvsujtbot, du cbubjmmpo!e֏dsjwbjot!gb. wpsbcmft, c’est l’époque du seigneur et ses conseillers. De l’intimitévot— intrigante, susurrante et notable entre tous deux, dérivation courtisane de la peur révérencielle—!ibzcb— du seigneur, patente dans les audiences glacées des démolitions califales à l’époque d’alMansûr. § 2. Les secrétaires andalusís bien formés, de même que leur congé- nères orientaux— d’une manière paradigmatique, les Abbãssides autour de Bagdad—, provenaient de différentes couches sociales, normalement pas très détachées, faisant d’eux-mêmes le particulier rêve islamique de l’ascendance sociale possible grâce à un outil indispensable: les Lettres. Un outil qu’ils devaient savoir montrer dans l’enceinte publique des séances courtisanes— mayalis— jusqu’à rentrer dans les grâces du palais. Les kuttab accordèrent leur plume au plus offrant, dans un jeu frénétique de survie dans la cour et renfort d’une légitimité difficile dans laquelle ils paissaient.247 Naissait le Courtisan comme tel, ce personnage extravagant qui se promena dans l’Alhambra longtemps avant que prît forme la célèbre instantanée de Boscán et Garcilasode la Vega; que beaucoup de ce que l’on percevait bv!npef!jubmjrvf s’était déjà produit bv!npef! bsbcjrvf. Ainsi la classe des secrétaires est la véritable essence de l’époque taifa, épitomé— disons-nous — d’un devenir oriental dans un 247 L’obsession pour la terminologie protocolaire, les titres utilisés par les seigneurs taifas, de même que l’énorme création courtisane sont parfaitement traités dans: François Clément, Qpvwpjs!fu!mhjujnju!fo!Ftqbhof!‰!m֏qprvf! eft!ubjgbt!)Wnf0YJnf*;!mÖjnbo!ßdujg. Paris: L’Harmattan, 1997. Mb!wjmmf.ubu!ubjgb 626 al-Andalus bhsh avec la thèse de Mf!dpmmjfs!vojrvf; qui, à propos, étant connue dans l’Orient arabe avait fait dire d’elle: dft! Boeb. mvt“t!opvt!qbjfou!bwfd!mb!n‘nf!npoobjf, comme reconnaissance à l’extension des Bebc. Il est évident que la tradition philologique de cet Abu Ali al-Qali attiré par la Cordoue d’al-Hakam II produisait maintenant ses plus fertiles récoltes dans une période de siup. sjrvf! tvqqmnfoubjsf. Dans ce sens, nous pensons que mb! si. upsjrvf!dpvsujtbof!gvu!qpvs!mքubu!ubjgb!df!rvf!mf!ubqjt!gvu! qpvs!mb!ufouf!cepvjof!tuspuzqf: une fiction d’exubérance naturelle, d’emphase encore verte qui ne naquit pas avec les Taifas ni mourut avec elles, mais plutôt qui devint une évidence habituelle de ce qui était arabe andalusí. § 3. Un courtisan almoravide dédiera à son seigneur des vers inté- ressants car ils présentent une double lecture: dfmvj!‰!rvj!npo!mphf!ftu!besftt ftu!tbot!epvuf!ust!tvqsjfvs!‰!dfmvj.dj/ bvusf!diptf!cjfo!ejggsfouf!ftu-!wjefnnfou-!mb!wbmfvs!ef!mb!qfsmf dpnqbsf!‰!mÖivjusf!rvj!mb!dpoujfou.248 Le lbujc serait-il en train de jouer avec l’ouïe prédisposée de son seigneur, en susurrant entre les lignes que c’est le courtisan qui a plus de valeur que le roi; que c’est l’éloge courtisan! qui sert d’échasses sur lesquelles le roitelet montre sa hauteur? Ne seraitil pas réellement en train de chercher à imprimer pour l’bvejufvs! fyqsjnfou que dÖftu!mf!dpvsujtbo!mb!qfsmf!ef!m֏qprvf-!dpv. wfsuf!qbs!mÖivjusf!ev!spjufmfu? Le corporatisme lbujc-!dans ce sens, dit beaucoup du sšmf!jo. mvdubcmf de la transmission, de la bvdupsjubt; de l’école. En définitive: ev!nb•usf. La chaîne de formation d’un bon secrétaire-courtisan exprime par elle-même le niveau de l’époque andalusíe comme tpdju!ef!gpsnbujpo insérée dans la plus ample Ebs!bm.JtmŒn. Nous voyions comment les lvuubc fleurissaient dans l’Orient abbãsside; en cela, les terres intermédiaires entre l’Orient et al-Andalus ne seront pas en reste. 248 Il s’agit d’Abd al-Gafur. 627! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou § 4. Un contemporain courtisan fatîmide— géographiquement, entre la Tunisie et l’Égypte— rendrait explicite le processus transmetteur et accumulatif de la connaissance rhétorique essentielle: le katib doit savoir de mémoire un grand nombre d’épîtres écrites par ses plus éloquent prédécesseurs, pour— de cette manière— connaître comment il exprime ses intensions, ses buts, ses tendances, ses désirs: les intérêts qui le poussa à les écrire et les idées qui l’illuminèrent. Le katib accumule tout ce que ses prédécesseurs lui offrent, pour apporter à son tour sa propre pierre à l’édifice.249 Dans ce rôle essentiel de maître nous distinguions la longue tradition de cet Bcv!Bmj!bm.Rbmj!(893-941) arrivé à al-Andalus avec tout son bagage arabe oriental. C’est à lui qu’Ibn Khaldûn reconnaissait comme étant à l’origine de la nuipef!boebmvt“f. Ainsi —grâce au travail illustrateur de Mohedano—,250 les courtisans andalusís furent mft!dvmujwbufvst!eÖvof!nuipef!tqdjßrvfÒ!bebquf!qbs! mfvs! qsedfttfvst! fu! mft! hsboeft! bvupsjut! psjfoubmft.<! eÖvof! nbojsf!ef!dpnqsfoesf!mf!sšmf!tpdjbm!ef!mb!mjuusbuvsf-!rvj!nbs. rvb!mft!difnjot!qfsdfqujgt-!mf!dbesf!ebot!mfrvfm!tf!ewfmpqqf!mb! dsbujpo!mjuusbjsf!boebmvt“f!fousf!mft!hsboet!bvufvst-!tfdsubj. sft!fu0pv!qpuft-!ev!JY!nf!tjdmf. Ce dpsqpsbujtnf!dpvsujtbo dont nous avons déjà fait allusion distingua un groupe; celui de l’élite culturelle appelée par Teresa Garulo les ijspqibouft!ef!mb!mbohvf! bsbcf, qui firent de la plume non seulement un mode de vie, mais un barème social.251 Dans ce sens, l’œuvre Fq“tupmb!ef!mpt!hfojpt! efm!dpsepct!Jco!Tivibze est probablement, le thermomètre littéraire-social d’une époque. § 5. Les concepts essentiels de la période culturelle courtisane taifa sont au nombre de quatre; certains d’entre eux déjà ébauchés: le monde éthéré de l’Adab— les savoirs que nous associions aux Humanités—, la Kitaba— qui correspond à l’étude de celles-ci; espèce 249 Le courtisan fatîmide est Ibn al-Sayrafi, cité par Guichard et Soravia, page 271. 250 J. Mohedano, «Acerca de una definición del Adab en la sociedad andalusí del siglo V/XI. Código críptico y élite cultural”. Bm.Rˆoubsb 25, 2 (2004), pages 503-538. 251 Teresa Garulo, Mb!mjufsbuvsb!ˆsbcf!ef!Bm.Boebmvt!evsbouf!fm!tjhmp!YJ. Madrid: Hiperión, 1998. Mb!wjmmf.ubu!ubjgb 628 de Tuvejb!Ivnbojubujt—, le Tarsil— dans la pratique, l’essai, car il englobe le genre du traité et le genre épistolaire ouvert des sbtˆjm-; et enfin apportant des embellissements à la technique artistique de la plume: l’Inshá comme rédaction dans laquelle l’on appliquerait à la fois les techniques classiques de prosodie ou rhétorique. L’époque taifa comme forêt de plumes est un exemple en soi non seulement de la première renaissance andalusíe en abstrait, dont nous avons déjà fait allusion, mais en pleine connexion avec son issue européenne. Dans une controverse semblable entre mb! qmvnf! fu! m֏qf, un courtisan cordouan avait déjà eut des réflexions— il faut le dire— concomitantes avec ce que l’on peut concevoir seulement comme Culture Générale. Il s’agit, dans ce cas, d’une entre tant d’autres ejtqvubujp:— la plume parle ainsi—: kf! tvjt! mÖbyf! bvupvs! evrvfm! upvsofou! mft! ezobtujft<! qvs.tboh! rvj! buufjou! mÖftqsbodf! qbs! tpo!hbmpq/!KÖjoufsdef!fousf!mft!spjt!qpvs!mfvst!pckfdujgt-!kf!tvjt! mÖjotusvnfou! ef! mfvst! svttjuft/! Kf! tvjt! mb! dpoßefouf! ef! mfvst! tfdsfut!bwbou!oÖjnqpsuf!rvj-!fu!mb!qsfnjsf!rvj!tbjtju!tft!qfo. tft.252 S’ouvrait ainsi la vente publique aux enchères de l’Bebc dans la fertile incommodité de l’époque taifa. Le procédé littéraire comme tel fut appelé tbdi ou qsptf!qpujrvf; qui dans sa dépuration andalusíe appliqua à la cour la thématique, le lexique fleuri et la rhétorique alambiquée de différents hfosft!mjuusbjsft orientaux comme les dmcsftÒ! fu! qjdbsftrvftÒ! nbrŒnŒutÒ! littéralement, séances. § 6. Al-Andalus profita du vieux genre dialectique d’Aristote des ejtqvubujp, parfois le genre de la nvob{bsb, comme débat fictif, et autres comme nvgbkbsb, clair défit. Entre toutes celles-ci, le courtisan fondit un jeu rhétorique complexe au service de la cause. Un paradigme de ce secrétaire illustré au service du plus offrant découle de cet antérieur ejtqvubujp entre la plume et l’épée: le grandpère de son auteur fut un courtisan précoce des Amiris, Ibn Burd le 252 Disciple fleurissant de García Gómez, Fernando de la Granja traita avec profusion la question de l’essai andalusí. Le fragment fait partie de la ejtqvubujp citée entre la plume et l’épée d’Ibn Burd mf!Kfvof. Dans: Fernando de la Granja, Nbrbnbt!z!Sjtbmbt!boebmv{bt. Madrid: IHAC, 1976, pages 32-44. 629! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Vieux; sa plume servit à parer la légitimité d’al-Mansûr, pour accomplir, peu après, la même fonction avec un prétendant omeyyade. La rhétorique servait, ainsi, pour défendre une chose et son contraire avec la même maîtrise; parce que— à la fin— ce qui resterait réellement serait la carcasse; le nbojsjtnf!fyqsfttjg! un cubilot dans lequel se fonderont— se confondant— les tvmubojzbu— œuvres épistolaires de palais— et les jkvbojzbuÒ personnelles. Bien que l’on affirme que l’authentique apport andalusí à ce genre fut la modalité de ce que l’on a appelé les {vs{vsjzbu: telle tournure de ces œuvres paraît avoir commencé après la contemplation d’un mendiant sévillan de nom Zurayzir, avec le jeu de mot {vs{vs; de l’étourneau. Il s’agissait d’appels émotifs à la compassion jouant toujours avec la peine comme terrain rhétorique préparatoire pour certaines affirmations frappantes. Pour faire un rapprochement avec quelque chose de concret, ce serait comme un certain langage instrumentaliste compatissant propre d’une campagne politique du genre Žb!tvgßu! § 7. Dans ce sens, et contaminés d’impératif poétique, nous pourrions dire que l’éloquence perd tout en voulant tout gagner: dans une lecture historique simpliste, l’on pourrait en détacher une explication adéquate pour le genre que nous traitons, affirmer que les Almoravides ne purent pas faire la sourde oreille à l’appel des roitelets taifas, exprimée comme elle l’était à travers la plume de ses courtisans.253 Mais la réalité des faits s’impose; que la force additionnée des circonstances peut toujours plus que l’exposition sommaire unique, même si celle-ci se montre très imaginative. D’autre part, et revenant au courtisan, si ce katib était si important, cela répondait en profondeur probablement à une rétro-alimentation patrimoniale arabe s’une spéciale avidité à l’époque taifa, pour ce que nous avons indiqué comme nécessité compétitive de légitimité rhétorique. Leur formation dans le sillage des rhétoriciens les plus renommés— co-territoriaux ou non, pourvut qu’ils soient arabes— les configure comme l’un des nerfs essentiels de l’époque andalusíe. 253 C’est une plaisanterie d’impératif poétique, il en va de soi. Pur le reste, ce qspup.ekjiŒejtuf courtisan, Ibn Ayman, n’était pas trop égaré dans ses proclamations impatientes antichrétiennes. Mb!wjmmf.ubu!ubjgb 62: Sur tout ce qui précède, fo!qfstqfdujwf, nous y reviendrons à l’occasion des conclusions auxquelles nous devons aboutir lorsque nous nous posons la question des concomitances de l’époque taifa avec celle des villes-état italiennes de la Renaissance. Il ne s’agit pas d’une manœuvre insultante contre la renaissance italienne, mais plutôt d’enrichir ses sources culturelles— byzantines, andalusíes, orientales à travers Venise, et cetera. Notre perception déjà proclamée de que! dfuuf! qsfnjsf! sfobjttbodf! ef! Wpttmfs! tf! dpotpmjef!‰!m֏qprvf!ubjgb. Bien sûr qu’il y eut des mfpobsep dans la Cordoue préalable à Abbas Firnás; bien sûr que le fleurissement culturel califal avait converti en idéologie de l’État l’impératif de se trouver à la cime scientifique du monde; mais tout cela ne prouve rien de plus que la négation de la hosbujpo!tqpoubof bien connue. § 8. De ces floraisons, à cette renaissance taifa. Il est évident que le réisme inhérent au terme— re-naissance — est déjà assez cacophonique, mais nous préférons nous en remettre à des vérités similaires avec des termes égaux: s’il y eut des renaissances dans les taifas italiennes, elles existèrent également dans les andalusíes, pour ne pas parler de la fin de Grenade, avec ce personnage de la renaissance européenne que sera Ibn al-Khatîb (1313-1374), écrivant son traité du bon courtisan— comme vieille tradition cultivée aussi par Ibn al-Sid de Badajoz. Il s’agit de la même mentalité qui pourra inspirer à Baltasar de Castiglione, Nicolas de Machiavel, ou en les mêmes termes politiques omni-compréhensifs d’un Érasme ou un tardif Gracián. Les oligarchies urbaines préalables à l’instauration des dynasties— spécifiquement à Séville et Cordoue— ouvrirent les portes à une instrumentalisation du dirigeant. Il existe une infinité de références proto-taifas sur de comités de sages, de notables, de familles riches, jusqu’à triumvirat ou proclamation populaire de prestigieux juristes pour diriger les desseins urbains. Toute l’histoire d’al-Andalus est celle de la force centripète des villes et sa relation avec une campagne irrédente, déphasée chronologiquement, npsjtrvj. tf, diront-nous le moment venu. C’est pour cette raison, qspcb. cmfnfou-!rvf!mb!dvmnjobujpo!eÖbm.Boebmvt!ftu!m֏qprvf!ubjgb, avec toutes les intrigues de palais inhérentes, avec l’instabilité créative eÖvof!qsjpef!qfsnbofouf!ef!Cpshjb-!nbjt!bvttj!ef!N. 631! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou ejdjt. Entre les vicissitudes politiques,254 à l’intérieur des murailles, une des sources culturelles du futur développement européen était en gestation. Mais pas du tout comme on nous le présente: de la nécessité légitimatrice de toutes les Taifas l’on déduit le niveau d’exigence de ses élites, de même que la— ainsi documentée— légitimité antérieure atteinte par le centralisme cordouan, avec lequel, maintenant, il fallait rivaliser. § 9. Le passage préalable aux régimes cantonaux est démontré par un pro-omeyyade fâché et nostalgique, Ibn Hazm, dénonçant l’absurdité de quatre personnages réclamant la dignité califale: deux Mahdíes, un Idris II— Hammudi— à Ceuta— comme une phase de plus de l’africanisation d’al-Andalus—, et le pantin sévillan Hichãm II. Il est important de détacher ce côté de l’impérialisme sévillan— présentation d’un calife— associé au fait essentiel de la frappe de monnaie abbadide: sur le revers il n’y avait aucune référence à l’Hôtel de la Monnaie sévillan mais celui andalusí, dans une claire métonymie expansive. Donc, en matière califale cordouane— comme l’on dit— ils la tuèrent entre tous, et elle seule mourut.255 Mais c’est seulement une façon de parler; probablement, la propre mhjf!dpsepvbof d’Ibn Hazm ne soit autre chose que la rigueur du métier de courtisan. À la fin, il fut aussi un haut lbujc, compromis avec la cause de son seigneur cordouan, et quelle meilleur façon de le servir que de le présenter comme incarnation du seul pouvoir légitime hérité du califat? Ainsi, Cordoue ebot!tb!eftdfouf! wfst!mb!edfousbmjtbujpo eut son Courtisan, pendant que peut-être, les Taifas les plus nécessitées devaient réaliser la gestion des leurs; chose qu’ils réussirent. Intéressant est, à ce sujet, le recensement de lvuubc — secrétaires-courtisans — apporté par un chroniqueur 254 David Wasserstein, Sjtf! boe! Gbmm! pg! uif! Qbsuz.Ljoht. Qpmjujdt! boe! Tpdjfuz!jo!Jtmbnjd!Tqbjo-!2113.2197/ New-Jersey: Princeton University Press, 1985. 255 Il est intéressant d’abonder dans le parallélisme esquissé par Cruz Hernández entre la dissolution du califat cordouan de 1031 et le turc de 1923. Ces quatre aspirants andalusís imitent à d’autres surgis dans le XXème siècle: le roi Fouad I d’Égypte, le monarque saoudien, Husayn Hachémite, et le turc destitué. Est-ce la faute de quelqu’un la dissolution d’un califat? Bon, il se peut que cela soit plutôt la conséquence logique de tensions légitimistes préalables. Mb!wjmmf.ubu!ubjgb 632 postérieur— lui aussi lbujc expérimenté des années 1100. Le chroniqueur est Jco!Cbttbn de Santarem (mort en 1147), qui dans son Ustps— Dajira— réalisa le résumé anthologique de tout ce qui pouvait valoir la peine de garder par écrit, toujours avec la censure naturelle du temps qui passe. § 10. Et toujours avec un regard de travers vers la poétisation excessive de l’entourage politique. Que la Ljubcb dut se déplumer de {vs{vsjzbu quand lui arriva le moment des voilés. Cet Ibn Bassam qualifiera la poésie comme imposture astucieuse, comme positionnement courtisan adéquat devant la nouvelle époque, plus intégriste. Dans la liste courtisane taifa, chaque roitelet— comme nous le voyons— se distinguera par son cercle de kuttab. Par exemple, la Taifa surprenante d’Albarracín d’Hudayl et son fils— 1010-1103, si l’on additionne les deux règnes—, attira— même si brièvement—, avec son faste exagéré et son gaspillage, au courtisan de Badajoz déplacé Ibn al-Sid (1052-1127). Grammairien célèbre et philologue, avec son départ vers l’Est péninsulaire il nous donne un exemple d’une certaine période périphérique. Dans ses missions andalusíes, Ibn al-Sid promenait la légitimité de celui qui en avait besoin, non sans faire des coquetteries aux seigneurs du voisinage, dans une preuve claire de la mission diplomatique— et/ou de survie— dont se chargeaient les conseillers de plume fertile. Sont célèbres— par exemple— ses vers du Tbmpo!ef!mb!Opsjb de Tolède, dans lequel les prestigieux Di-l’Nun acceptaient les créances de leurs égaux taifas. Reçu et expulsé des alentours d’Albarracín, après un bref passage par Saragosse il finit ses jours à Valence; des jours si paradigmatiques pour son époque qu’il finit par les résumer dans un célèbre Manuel du Courtisan; dans la pratique, un commentaire de ce qui avait déjà été exposé dans les années 800 par le père oriental du genre; Ibn Qutayba. § 11. Pendant son séjour à Saragosse, il débattrait avec celui qui sera considéré père de la pensée andalusíe: Avempace. Trois vizirs essentiels de ce courant littéraire et courtisan taifa sont Ibn Nagrella à Grenade, et le poète cordouan réfugié Ibn Zaydun à Séville; avec eux nous allons nous arrêter un peu. Ce qui est certain, c’est que le premier, avec sa plume, chargea de courage les masses de Grenade contre leur impopulaire vizir juif, et il n’est pas moins certain que 633! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou la mutinerie anti-juive de 1066 finit avec la vie d’Ibn Nagrella, ainsi que de nombreux coreligionnaires. La question, cependant est si réellement se cache derrière les faits un affrontement ouvert de religion ou une swpmvujpo!qpqvmb. djsf — tivvc“— maquillée de façon adéquate comme légitimiste religieuse. Parce que le tivvcjtnf taifa fonctionna comme une caste de plus à additionner au difficile équilibre légitimiste. Ce courtisan chrétien de Denia— Jco Hbsd“b— proclamait son bouj.bsbcju au plus pur style oriental abbãsside, pour laisser le témoignage de la direction que prenait l’ubu!eÖpqjojpo de ce temps-là. Il n’est pas nécessaire d’approfondir sur cela, mais malgré tout, montrer brièvement le passage transcendantal de ces courtisans par la vie taifa andalusíe. 7/5/!Eqmpjfnfou!mjuusbjsf § 1. Cette époque de lettres offre au générique andalusí la plus grande partie de la production traductible littéraire en arabe de la vie péninsulaire. Nous détachions trois noms en juxtaposition— Ibn Hazm à Cordoue, Ibn Nagrella à Grenade et le refugié cordouan Ibn Zaydun à Séville. Autour d’eux et leur entourage peut pivoter une claire ambiance culturelle marquée par trois éléments clés: le traité cantonaliste compétitif taifa, le rôle illustratif de la bvdupsjubt andalusíe— continuité maître/disciple—, et la versatilité proverbiale de l’écrivain; polygraphe courtisan attaché autant aux sphères du pouvoir maximaliste taifa qu’à mille et un genres et sphères scientifiques. Les épitomés du déploiement littéraire taifa firent montre d’un caractère invétéré d’homme de la Renaissance qui— sans doute— les situe à la hauteur de leur temps et du futur européen. Jco! Ib{n (994-1063) s’occupa de la Logique entre beaucoup d’autres matières qui firent l’objet de son intérêt. En fait, il y a un livre représentatif à ce sujet— Bqqspyjnbujpo!‰!mb!eßojujpo!ef! mb!Mphjrvf!256 dans lequel il déploie une certaine pctfttjpo!eop. njobujwf précoce. En effet, Roger Arnaldez nous présente dans sa 256 Rafael Ramón Guerrero a commencé à le traduire «El qs˜mphp!efm!Ubrsjc! mj.ibee!bm.nboujr de Ibn Hazm de Córdoba». Rvsuvcb I: (1996), pages 139-155. Mb!wjmmf.ubu!ubjgb 634 monographie sur cet auteur257 à un polygraphe de la renaissance obsédé par l’éclaircissement du sens exact des textes; arriver à capter df!rvf!Ejfv!wfvu!ejsf, et non df!rvf!mÖipnnf!wfvu!foufoesf. Ibn Hazm rejeta autant l’analogie que la libre interprétation personnelle, dans une époque avec tendance à une canalisation juridique des procédés philosophiques: mf! rjzˆt— analogie—, ou mÖjdiujibe— libre interprétation— passèrent à être des procédés scolastiques byzantins. A tout ce qu’aujourd’hui l’on prétend inamovible normalisation islamique. À propos— abondant dans notre npopnbojf!ef! qspup.sfobjttbodf —, quel grand rôle aurait joué Ibn Hazm dans la polémique de la Renaissance entre Leonardo Bruni et Alonso de Cartagène258 sur la vérité inamovible de la traduction exacte. § 2. Et c’est certain, même si la rengaine de la renaissance devient réitérative: un homme qui affirme que mf!Ejfv!ef!mÖjtmŒn!ftu!mb!w. sju est en train de préparer certains terrains bien connus de l’histoire européenne postérieure. Pour le reste, la plus forte pression contextuelle de l’œuvre d’Ibn Hazm fut, probablement— comme nous y faisions allusion— ce que Cruz Hernández appelle le poids de la macrocéphalie cordouane.259 Fondamentalement, Ibn Hazm fut peut-être plus prisonnier que produit d’un passé en deux sens; son vcj!tvou résulte exaspérant dans ce que nous appelons le roman andalusí à propos des lignées arabes mythiques des péninsulaires— Usbju!eft!ust!opncsfvtft!mjhoft!bsbcft.260 En réalité, sa lignée était beaucoup plus terre à terre que ce qu’il raconte: sa famille s’était convertie à l’islãm une génération avant, et pourtant l’auteur édulcore sa généalogie avec une nuance orientale disant qu’il provient d’une famille perse. Vu que nous ne nous occupons pas de telles questions, nous n’insisterons pas sur tous les détails de la vie et l’œuvre de notre auteur. Il suffit de dire que cette citation de la optubmhjf ev!dbmjgbu est un exemple en soi, et qu’il promenait des légitimités omeyyades 257 Roger Arnaldez, Hsbnnbjsf!fu!uipmphjf!dif{!Jco!Ib{n!ef!Dpsepvf/! Fttbj! tvs! mb! tusvduvsf! fu! mft! dpoejujpot! ef! mb! qfotf! nvtvmnbof. Paris, 1956. 258 Voir le chapitre finalObujwju. 259 Miguel Cruz Hernández, Fm!Jtmbn!ef!Bm!èoebmvt…, pages 137-139. 260 Voir chapitre précédent Mf!spnbo!ef!mb!dporv‘uf. 635! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou avec ses collègues du Dfsdmf!eft!Ftuiuft!ef!Dpsepvf. Ibn Shuhayd, compagnon de fortune esthétique dans cette Cordoue intermédiaire, définira le groupe comme kfvoft!joufmmfduvfmt!fu!bsujt. uft!mhjujnjtuft!qsp.pnfzzbeft-!ebot!vof!dpvs!rvj!o֏ubju!qmvt-! fu!stpmvnfou!qsp.bsbcft!ebot!vof!qprvf!rvj!qspcbcmfnfou! dpnnfoŽbju!‰!edpvwsjs!mb!nptb–rvf!tpdjpmphjrvf!rvf!mf!dbmj. gbu!bwbju!nbjoufov!fo!ibsnpojfÒ!nvmbe“ft-!cfscsft-!tmbwft-!fu! dfufsb/! Il est possible que la caractéristique que M. Jesús Viguera distingue en Ibn Hazm— ipnnf!ef!usbotjujpn— soit applicable à toute une génération: mf!eftujo!mfvs!ßu!wjwsf!uspjt!qprvft!ejgg. sfouft— califat, dissolution taifa, Almoravides—, fu! qfoebou! dft! uspjt!qprvft!jm!fvu!mf!dpvsbhf!tqdjbm-!sbsf!rvbmju!ivnbjof-! ef!sftufs!ßemf!‰!mvj.n‘nf/ Bien; la survie courtisane leur fit, au moins, tqdjßfs!df!rvj!ubju!boebmvt“!dpnnf!rvfmrvf!diptf! eÖfvspqfo!rvj!ejtqbsb•u!fu!sbqqbsb•u!ebot!mÖbuufouf!e֑usf! sfdpoobjttbcmf/ § 3. Le deuxième sens de sa réclusion dans le passé— dont nous faisions allusion— est beaucoup moins attendu: son obsession pour le parcellement scientifique des savoirs est d’un héritage classique si clair, que certains spécialistes arrivent à se demander si cela ne provenait pas directement des „uznpmphjft d’Isidore de Séville,261 occupé dans des luttes semblables. D’autre part, ici et là, il est évident que sa production généra en grande mesure un poids spécifique sur ce qui est andalusí. Et nous ne faisons pas référence exclusivement à son livre Fttbj!tvs!mft!fydfmmfodft!eÖbm.Boebmvt qui eut également beaucoup de poids. Son principal legs littéraire, l’indispensable Dpmmjfs!ef!mb!dpmpncf, constitue avec l’„q•usf!eft!hojft d’Ibn Shuhayd le couple incontestable qui démontre que l’arabe est protagoniste dans al-Andalus. Avec ces chefs-d’œuvre d’une période convulsée, Guichard en ajoute une troisième— la Nb•usjtf! ef! mÖbsu!ev!Ejtdpvst du Sévillan Abd al-Gafur — pour, avec ces trois œuvres, proclamer aux quatre vents l’auto-conscience de l’identité culturelle andalusíe.262 Comme réaction au malékisme rance en croissante institution261 Miguel Cruz Hernández, Ijtupsjb!efm!qfotbnjfoup!fo!fm!Bm!èoebmvt. Sevilla: BCA, 1985, I. Page 72. 262 Pierre Guichard et Soravia, Mpt!sfjopt!ef!ubjgbt…, page 295. Mb!wjmmf.ubu!ubjgb 636 nalisation, Ibn Hazm s’adhéra au courant appelé {Šijsjtnf — exotérique, face au cbujojtnf, ésotérique. La Logique— qui, nous le voyions, était essentielle pour l’auteur— montre la vérité nue et évidente des choses, sans avoir besoin de nous perdre dans le mystère; car ce dernier s’embourbe toujours entre les voix et les échos. Cette logique appliquée servirait probablement à Ibn Hazm dans un certain Ejtdpvst!ef!mb!nuipef scientifique en grande mesure rationaliste qui l’amènerait à aborder des questions scientifiques déterminées avec le rigoureux éloignement propre aux studieux non aprioristes. C’est peut-être beaucoup dire; car Ibn Hazm est aprioriste dans ses Mjhoft. Mais, par contre, il ne l’est pas dans son Ijtupjsf!dsjujrvf!eft!jeft!sfmjhjfvtft— selon ce que traduisit Asín Palacios de son œuvre.263 Dans la pratique, cette œuvre est un traité libre de théologie, non nécessairement théologie islamique; une véritable Ijtupjsf! eft! iuspepyft! ftqbhopmt, avec même, moins d’induction dans l’œuvre que celle du célèbre Menéndez y Pelayo. § 4. Il faut bien dire que dans d’autres œuvres c’est un théologien islamique— comme c’est le cas de son étude sur le sermon des adieux du Prophète—, mais l’on distingue surtout le rationalisme appliqué dans le livre cité Ijtupjsf!dsjujrvf!eft!jeft!sfmjhjfvtft. Auteur de traités, disions-nous, du monde religieux marginal des hérésies, dans ce livre et autres il s’en prit personnellement au vizir de Grenade— le juif Ibn Nagrella— pour pouvoir ainsi discréditer le judaïsme, de la même manière qu’il s’en prendrait au christianisme. Dans son orgueil d’état d’opinion islamique, tamisé par la libre pensée de son {Šijsjtnf, il attaqua avec une virulence similaire le puritanisme propagandiste rance des malékites; attaque comme, par exemple, la polémique qui surgit avec le théologien al-Bayi à Majorque. Il est possible que ce soit la raison pour laquelle al-Mu’tadid ordonnât que ses livres fussent brûlés à Séville. Le fait qu’Ibn Hazm 263 Miguel Asín Palacios avait traité la pensée critique-théologique d’Ibn Hazm dans Mb!joejgfsfodjb!sfmjhjptb!fo!mb!Ftqb—b!nvtvmnbob!tfho!Bcfo. ib{bn-!ijtupsjbeps!ef!mbt!sfmjhjpoft!z!tfdubt. Madrid: Cultura Española, 1907. Sur sa polémique avec le vizir juif de Grenade, Ibn Nagrella, Voir: Camila Adang, Jtmbn!gsfouf!b!kveb“tnp;!mb!qpmnjdb!ef!Jco!Ib{n!ef!D˜sepcb. Madrid: Aben Ezra, 1994. 637! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou avait été vizir de Cordoue dans la cour du prétendant éphémère omeyyade ne l’aida pas non plus. L’on considère comme appartenant à la Renaissance l’œuvre d’Ibn Hazm car elle est décorée d’un inusité spnboujdjtnf peu pragmatique qui l’entraîna à parier ouvertement pour la famille des Omeyyades. Vizir en deux occasions, emprisonné également deux fois, exilé à Almería, après à Játiva, ensuite réfugié à Huelva, où il termina ses jours à Casa Montija… Rachel Arié nous le situe, épée à la main, devant les murailles de Grenade, dans une pose vitale à deux visages propre d’un postérieur Garcilaso de la Vega: de la plume à l’épée sans préférence dialectique.264 Même si, nous devons élire l’inévitabilité de l’auteur nous devons choisir la plume et très spécialement ce livre indispensable qui commence par: mÖbnpvs!b! eft!tjhoft!rvj!qpvstvju!mÖipnnf!bwfsuj!fu!rvf!qfvu!edpvwsjs!vo! pctfswbufvs!joufmmjhfou/ § 5. Effectivement, le Dpmmjfs!ef!mb!dpmpncf; traité de l’amour et des amants est selon toute probabilité l’emblème d’al-Andalus. Les expéditions de son auteur dans le terrain de l’introspection psychologique donnèrent déjà un fruit direct, son Mjwsf! eft! dbsbdusft! fu!mb!dpoevjuf/ Mais c’est le Dpmmjfs de reconnaissance psychologique qui réunit la rigueur scientifique— expérience et observation— avec le niveau intellectuel—, connaissance de la question probablement depuis les sources classiques—, tout cela sans amoindrir la qualité littéraire265 d’un thème d’universel— et utopique— intérêt. Ses sources sont indéniables: le Cborvfu de Platon, ou même son Qiesf, à travers des traités arabes orientaux comme celui d’Ibn 264 Rachel Arié, Ftqb—b! nvtvmnbob! )Tjhmp! WJJJ0YW*. Barcelona: Labor, 1984, page 343. Manuel des manuels, ce libre d’Arié est intéressant à cause de la très intense foi, déjà proverbiale, dans les chroniques. Dans la pratique, ni alAndalus est traduisible à Espagne— il comprit aussi le Portugal—, ni l’on peut la définir comme nvtvmnbof!mais plutôt jtmbnjrvf, parce que cela nous renvoie à un univers civilisateur— Dar al-islam — et ceci à la foi de ses hommes et de ses femmes. Il est très intéressant de se sentir si dépendant d’un livre, d’une investigatrice de cette taille scientifique, et ne pas partager ses idées motrices. Fait qui n’a rien à voir avec le livre et son autrice. 265 Il faut bien dire que savourer la traduction de García Gómez est une valeur en plus. Ce livre classique contient un prologue d’Ortega y Gasset— presque rien! Madrid: Alianza, 2001 (19711). Mb!wjmmf.ubu!ubjgb 638 Daud266 (868-910). Probablement aussi l’Bst!Bnboej d’Ovide et tout le bagage de libre disposition que— nous insistons— ne prenait pas l’arabe comme pont mais comme continuation. Nous branchant sur la polémique théologique d’Ibn Hazm, le cadre culturel suivant qui nous intéresse de souligner est celui qui fleurit autour du vizir de Grenade, le juif Jco!Obhsfmmb (993-1056). L’infortuné vizir— assassiné dans une révolte populaire contre le quartier juif— passe pour être un des grands protecteurs de savants de son temps, accueillant à différents penseurs courtisans de la Taifa de Saragosse, très spécialement son coreligionnaire Tbmpnpo! Jco! Hbcjspm— Avicébron en latin. Opposant— pour des raisons évidentes d’affrontement taifa— du vizir d’Almería Ibn Abbás, le rôle de mécénat de ce vizir de Grenade contraste avec la prétendue cfscsjtbujpo!svtujrvf des Zîrides; finalement pas si rustique car, même le dernier d’entre eux léga des mémoires émouvantes taifas très anti-almoravides car il savait que ceux-ci allaient le détrôner. Il s’agit d’Abd Allah et son Mf!po{jnf!tjdmf!‰!mb!qsfnjsf!qfstpoof auquel nous avons déjà fait allusion. § 6. Ibn Gabirol est à nouveau un exemple du rêve andalusí. Comme ce premier al-Mansûr, ce juif de Mérida se distingua pour sa belle écriture arabe à une époque de grave bureaucratisation. Dans la droguerie qu’il régentait à Malaga, il s’occupait également des fonctionnaires de différentes Taifas, qui recouraient à lui ayant besoin du combustible rhétorique indispensable à la vie courtisane. Vers 1020 on le suppose katib payé par les Zîrides de Grenade; dans la Taifa à laquelle certaines chroniques dénomme la ville des juifs.267 Dans son Ejxbo, Ibn Nagrella passe en revue les évènements stratégiques, politiques et militaires de son temps, à partir du poste privilégié qu’il finit par consolider: vizir de Grenade un poste qu’héritera plus tard son fils Yosef, paraît-il faisant échouer— à cause de sa mauvaise gestion— l’instable équilibre social d’une Taifa si marquée religieusement, dans une période d’acculement de la part de ses ennemis— très spécialement Almería. En marge de sa polémique juvénile contre l’islãm— et particuliè266 Voir notre: «El amor en Al Ándalus». Dans: Tbmwbdjpoft!Psjfoubmft. Sevilla, Guadalquivir, 1999, pages 92-98. 267 Voir: David Gonzalo Maeso, Ijtupsjb!ef!mb!mjufsbuvsb!ifcsfb…, page 471. 639! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou rement personnifiée contre Ibn Hazm, comme nous le voyions—, Ibn Nagrella est aussi l’auteur grammatical arabe, sans oublier sa contribution particulière au monde naissant de la littérature hébraïque; comme talmudiste— expert en dpnnfoubjsf!ev!dpnnfoubj. sf de la Torah, très préparé en casuistique; le Talmud—, le vizir de Grenade fait partie de la tétralogie littéraire hébraïque andalusíe, avec Zfiveb! ib.Mfwj! (1075-1161) de Navarre— auteur de la célèbre disputatio entre religions appelée Dv{bsz— l’fssbou Npt!Jco! F{sb (1055-1135) de Grenade, et le penseur Ibn Gabirol; Bwjdcspo! pour les latins européens postérieurs. Cet Avicébron (1020-1058), fm! nbmbhvf—p— comme lui-même signera certains acrostiches— se forma dans la matrice culturelle taifa de la Saragosse des Tuyibíes, où il put fréquenter l’éminent historien Ibn Said, qui souligna à propos du penseur juif tb!qbttjpo!qpvs!m֏uvef!ef!mb!Mphjrvf. Comme nous le voyions pour Ibn Hazm, une matière inscrite indéfectiblement dans les Rvbesjwjvn andalusí.268 § 7. En 1045 il vint à Grenade, où il put être accueilli par le mécé- nat du vizir juif, même si l’époque d’incommodité juive commençait dans al-Andalus; entre les évènements de Grenade et l’entrée postérieure dans le régime des Nord-Africains, la propre errance des juifs andalusís commencera à répandre le monde andalusí dans lequel ils fleurirent et ils contribuèrent à agrandir. Dans le cas d’Avicébron, son œuvre centrale est Tpvsdf!ef!wjf. Il s’agit d’un livre essentiel de la proto-renaissance européenne grâce à la version latine postérieure de Jean de Séville et Dominique Gundisalvi, dans le cadre du processus traducteur autour de Tolède connu comme l’École des Traducteurs, bien que l’on doive considérer comme telle plutôt un concept générationnel qu’une référence d’enseignement ou locative. L’original arabe a été perdu, allusion qui nous permet une brève apostille générique: indéfectiblement, toute l’œuvre écri268 Le lecteur avisé aura pu déduire que nos pages prétendent compenser— dans la mesure du possible— la nbdspdqibmjf invétérée des livres en vogue. Nous ne pouvons pas traiter les auteurs avec la profusion qu’ils méritent, sous peine de nuire gravement la wjtjpo!qmbof!ef!mÖfotfncmf que prétend toute promenade historiologique. La division des savoirs pour Ibn Hazm, éminemment prise des Grecs comme tdjfodf! eft! bodjfot, est magistralement structurée dans le livre cité de Cruz Hernández, Ijtupsjb!efm!qfotbnjfoup!fo!fm!Bm!èo. ebmvt…, I, page 71. Mb!wjmmf.ubu!ubjgb 63: te originairement en arabe par des auteurs juifs sera versée à la longue à l’hébreu. Ce fait, additionné à que le qbt! ßobm sera toujours la version latine, contribuera à un élargissement du concept postérieur de Séfarade, au détriment d’al-Andalus. Ainsi, Tpvsdf!ef wjf! d’Avicébron fut partiellement versé à l’hébreu— vers 1200— par le célèbre Tfn!Upc (1225-1290), et déjà fvspqjt!dans sa version latine Gpot! Wjubf/! Sous ce titre l’on découvre un traité particulier néoplatonicien— il s’inspire des Foobeft de l’Égyptien Plotin— avec des apports aristotéliciens intéressants pour le devenir de l’âme humaine, comme sa classique dissection entre nbujsf!fu!gpsnf.269 Dans sa facette de plus ample divulgation, Avicébron écrivit aussi un recueil de maximes et sentences grecques et arabes— démontrant la connaissance supérieure du niveau culturel de son temps— ainsi qu’un célèbre Mjwsf!qpvs!dpssjhfs!mf!dbsbdusf. § 8. Toutes ses œuvres furent— nous le voyions— versées ensuite à l’hébreu— spécialement par le grand traducteur Ibn Tibbon (11201190)-; mais Avicébron démontra une grande connaissance de sa langue religieuse dans un bel et long poème religieux: le Lfufs! Nbmlvu— Couronne Royale-; essai poétique d’une grande sensibilité qui démontre une vérité catégorique: la langue culturelle est l’arabe, et l’émotive l’hébreu. Bien qu’Avicébron avait abominé la propre dénomination d’émotive. Telle dissection linguistique s’amplifiera avec le temps: les traductions hébraïques des essais andalusís son la preuve dignes de foi de que pendant les années 1100 il existait effectivement un niveau grammatical hébreu acceptable. En plus, dans cette tradition progressivement hébraïque, les futurs épitomés de la littérature juive andalusíe écriront encore leurs traités en arabe, étant versés à la longue à l’hébreu. Ce sera le cas d’Jco! Qbrveb (1040-1110) de Saragosse, avec ses essais sur l’amour de Dieu, et le Cordouan!Jco!Tbeejr (1080-1149) avec son célèbre traité Njdspdptnft, dans lequel il fait sien l’aphorisme de Delphes— dpoobjt.upj!upj.n‘nf!fu!uv!dpoob•usbt!mb!obuvsf!fu!mft! ejfvy—, pour— évidemment le rendre npopuijtuf — et le dériver 269 Hylémorphisme. Ce n’est pas l’objet de cette étude approfondir beaucoup plus; l’on peut seulement observer la profondeur philosophique des écoles de la pensée andalusíes. 641! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou en: comment pouvons-nous connaître Dieu. Et ce sera le cas de Npt! Jco! F{sb (1055-1135), déjà cité, poète par excellence. Il faut tenir compte que, le moment venu, le Cordouan Nb–npojef (11351204) écrira aussi ses œuvres centrales en arabe, sans que cela fût un obstacle pour éviter aux siens le dénommé àbv!bmnpibef, à la suite de quoi il devra se convertir— un de plus, tristement— en kvjg!fssbou. § 9. Ce sont des temps convulsés qui contribuent à ce que l’histoire des idées se montre en compartiments étanches, malgré que son essence soit indéfectiblement rationnelle. Dans la Tolède des Di-l’Nun, concrètement à l’époque de son principal représentant al-Ma’mun (mort en 1075), avait fleurit l’œuvre du cadi Ibn Said (1029-1070) cité auparavant, dans laquelle— rappelons-nous — il parla d’Avicébron: il s’agit de sa Dbuhpsjft!eft!obujpot/ Dans cette œuvre, l’auteur part de deux affirmations essentielles; que les peuples se divisent par leur catégorie— ceux qui cultivèrent la savoir et ceux qui ne générèrent aucune connaissance utile—, et— en second lieu—, que tous les peuples appartiennent à une seule espèce, même s’ils se distinguent par trois choses: les coutumes, l’aspect physique, et la langue. De telles affirmations situent l’auteur sur la cime des réflexions ethnologiques valables en tout temps et lieu, ainsi qu’elles donnent une idée de l’ambiance culturelle dans laquelle put fleurir la vie créatrice de ce juge originaire d’Almería. En définitive, les Dbuhp. sjft est un joyau interprétatif qui, de même qu’il forge des clichés déjà universels— mft!Dijopjt!tpou-!fousf!upvt!mft!ipnnft-!dfvy! rvj!tvqqpsufou!mf!njfvy!mf!usbwbjm!qspmpoh — qui nous surprennent avec ces jugements extravagants, comme par exemple, que les Galiciens ne s’occupèrent jamais de la connaissance. Pour le reste, c’est un épitomé d’une époque. Al-Ma’mun de Tolède, mécène de cet encyclopédiste Ibn Said, fut en grande mesure un premier chant du cygne andalusí: en 1072 il avait hébergé à Tolède le roi Alphonse VI de Léon, dressé contre son frère Sanche I de Castille, et trois ans plus tard ce même Alphonse arriva à dominer la ville. § 10. Le dernier temps de floraison: pour sa part, dans le Saragosse des Hudíes s’élèverait cette imposante représentation andalusíe dans la Vallée de l’Èbre qu’est le Palacio de la Aljafería, témoin Mb!wjmmf.ubu!ubjgb 642 éloquent, disions-nous, de la réduction métonymique qui découle d’associer tout ce qui est andalusí à ce qui est andalou. Un Hudí, par exemple al-Mu’tamin, élevé au poste de roitelet de Saragosse en 1082, passa à l’histoire pour ses célèbres traités de mathématiques; d’où l’on peut percevoir comment l’ambiance courtisane taifa put contaminer les propres objets de légitimation auxquels elle servait. Un cas irréfutable de tout ceci est le roi-poète sévillan alMu’tamid. À Séville— la Ubjgb!fyqbotjwf déjà citée—, un cadi qsjnvt!joufs! qbsft de nom de famille Abbad termina par obtenir les légitimités de roi, non sans exclure des appels propagandistes et occasionnels pour un califat fictif ayant comme objectif— nous le voyions— de semer des discordes favorables à son ordre impérialiste. Après le grand-père cadi, le fils bm.NvÖubeje et le petit-fils bm.NvÖubnje! passeront à l’histoire par leurs conquêtes et pour la longue liste courtisane de leur entourage, dans laquelle se distinguerait avec son propre éclat le recueil de poèmes du roi al-Mu’tamid ainsi que ceux de son vieil amant, collaborateur, et finalement acharné opposant, Bcfoˆnbs. Dans la cour abbadide de Séville brillerait aussi avec son propre éclat le vizir cordouan réfugié Jco![bzevo. § 11. Pour reprendre brièvement l’esprit courtisan qui nous oriente, l’épitomé taifa dans la littérature élogieuse— et défensive du régime— se produisit précisément dans la cour du petit-fils abbadide, le poète al-Mu’tamid: en 1058, le roi décidait l’exécution de son propre fils à cause de certaines aptitudes belliqueuses manquées et manœuvres de coups d’État— amour de père—, et cet acte si exagérément arbitraire poussa le père à solliciter un appui documentaire. Ainsi, il chargea le secrétaire Abd al-Barr de réaliser tout un essai— sjtbmb— justifiant la raison d’État de telles décisions. L’essai, de grande diffusion, fut contre-argumentée depuis la Taifa de Denia, et même depuis Valence. Le fond de la question, même s’il est grave— est probablement ce qu’il y a de moins intéressant au point de vue historiologique; l’important est de souligner cette société d’information patente dans al-Andalus taifa. Un roi doit justifier un fait arbitraire, il le faisait par les moyens littéraires dont il disposait dans la cour, et il recevait les contre-offensives des groupes opposants. Faisant ici un toast au soleil même si nous l’avons déjà fait: ‰!dfu!bm.Boebmvt!df!rvj!mvj!nborvb!df! 643! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou gvu!mÖjnqsjnfsjf.270 L’échange des idées perdit le rythme technologique duquel put jouir l’Europe des années 1500. Des trois grands poètes cités, le roi sévillan— né à Algarve portugaise— bm.NvÖub. nje (1039-1095) est un exemple en soi de son temps: poète— le meilleur du cercle littéraire qu’il créa autour de lui à Séville—, et caudillo légendaire. § 12. Al-Mu’tamid administra un règne qui s’étendait de Algarve à Murcie—, stratège expérimenté— dans une intéressante partie d’échecs permanente avec Alphonse VI de Castille et le roi zîride de Grenade—, d’une personnalité complexe— inflexible dans l’exécution de son fils, dans la destitution de son vieil amant, également poète Abenámar—, tribal en ce qui concernait la famille— l’on comptait ses fils par dizaines—, et vanté par la légende surdimensionnée de son mariage épique avec l’esclave Rumaikiya, qui s’appela ensuite Itimad— dans un jeu sémantique de son propre nom: Itimad serait dépendance et Mu’tamid dépendant. Finalement, le temps almoravide l’enchaîna et il écrivit ses derniers poèmes dans la prison qui lui servit de lit de mort à Agmat— Maroc. L’œuvre Bmnpubnje de Blas Infante (1936) représente la charge poétique de son personnage légendaire comme emblème de stéréotype d’bvuifoujdju!boebmvt“f. Le roi conscient eft!gfvy!ef! mb!sbnqf!ef!mÖijtupjsf, mourut poète opcmfttf!pcmjhf dans une fin d’indéniable profondeur. Il écrivit ainsi aux chaînes qui l’emprisonnaient à Agmat: J’étais l’allié de la rosée seigneur de la tolérance, aimé par les âmes Ma main droite était généreuse dans le cadeau et sanglante dans le combat. Ma main gauche tenait les rênes qui guidaient les hommes au combat. Aujourd’hui, je suis otage de ces chaînes; de la pauvreté, du déshonneur. Oiseau aux ailes cassées. 270 Et cette idée essentielle dans notre parallélisme final entre la protorenaissance andalusíe et sa suite centre-européenne: le tpvcsftbvu! eÖbwbou. hbsef fut possible grâce à l’imprimerie. 644 Mb!wjmmf.ubu!ubjgb § 13. Cette opcmfttf!pcmjhf accompagna aussi les poètes de son entourage jusqu’à la fin du règne abbadide de Séville. La partance du roi en route vers son exil marocain est un classique de la poésie andalusíe; le poète Ibn al-Labbana écrivit: Qpes!pmwjebs!dvbmrvjfs! dptb-! nfopt! brvfmmb! nb—bob! fo! fm! s“p/! Mb! gbnjmjb! efm! sfz! fo! fm!wfmfsp-!dpnp!nvfsupt!fo!tvt!uvncbt/!Fm!qvfcmp!mmfobcb!mbt! psjmmbt-! njsboep! dpo! btpncsp! brvfmmbt! qfsmbt! àpuboep! tpcsf! mb! ftqvnb! efm! bhvb.271 En marge de l’halo mystique, al-Mu’tamid Ibn Abbad éleva à une telle hauteur le niveau de prospérité et sophistication taifa de Séville, que les excès de louange de ses poètes générerait— selon García Gomez— un véritable sous-genre poétique comme fut celui de la nbojf!ef!Twjmmf.272 En ce qui concerne Abenámar, avec Ibn Zaydun ils recommencent à personnaliser le courtisan dépendant du caprice souverain. Ami de jeunesse du futur roi— poète al-Mu’tamid, il paraîtrait que le vieux al-Mu’tadid, roi abbadide, en arriva à l’exiler à Saragosse, dans cette florissante Taifa, où un poète pouvait prospérer. Il reviendrait à Séville avec son ami déjà roi, et même il essaiera de le trahir en devenant important à Murcie après être upnc!fo! ejthsŠdf. La légende le situe mourant des mains du poète pour l’avoir trahi; une autre légende présente sa mort sous la hache, cadeau qu’Alphonse VI de Castille avait fait cadeau au roi, et certaines des plus tardives mélangent son nom— en réalité assez commun— dans une célèbre romance anonyme postérieure qui, sans avoir rien à voir avec le poète, au moins situe dans l’imaginaire collectif à ce nbvsf!cpo du nbojdijtnf!joufsqsubujg!qojotvmbjsf.273 Et en 271 Je pourrai oublier toute chose, moins ce matin sur le fleuve. La famille du roi sur le voilier, comme des morts dans leurs tombes. Le peuple remplissait les berges, regardant avec étonnement ces perles flottant sur l’écume de l’eau/! (N. T.) 272 ¡Efkbenf!zb!ef!Hvbebmrvjwjs-!ef!cbsdbt!z!ef!qbtfpt!qps!Tboujqpo. df"Ò!qsfßfsp!mb!nbdfub!ef!bmcbibdb!ef!nj!dbtb!b!mpt!kbsejoft!ef!Tfwjmmb! (Laissez-moi maintenant de Guadalquivir, de barques et de promenades à Santiponce, je préfère le pot de basilic de ma maison aux jardins de Séville). Ainsi écrirait un poète étranger, fatigué de la tvsejnfotjpoof Séville poétique. 273 Dans la romance des années 1400, un certain ßmt!ef!nbvsf-!fu!eÖvof! disujfoof!dbqujwf!écrit: Abenámar, Abenámar, moro de la morería, Abenámar, Abenámar Maure du quartier maure 645! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou ce qui concerne le wj{js!ef!Twjmmf-!Dpsepvbo!sgvhj!Jco![bzevo (1003-1070), un Cordouan qui s’était enfuit ne pouvait trouver un refuge meilleur pour dédier une satire aiguisée à un personnage en ascension. Ibn Zaydun fit aussi partie de la légende andalusíe à cause de sa relation avec la qsjodfttf omeyyade libérée Wallada. Dans leur séparation, ils se dédieraient des poèmes d’une affinée ironie médisante.274 À la fin, entre galanteries et dspdif.qjfet courtisans, se terminerait une époque; en réalité, seulement pour qu’une autre s’ouvrît. el día en que tú naciste grandes señales había… le jour où tu naquis il y avait de grands signes… (N. T.) La romance continue jusqu’à tel point qu’un roi Don Juan veut se marier avec Grenade— c’est-à-dire la conquérir. Si tú quisieras, Granada, Contigo me casaría; Daréte en arras y dote A Córdoba y a Sevilla. Casada soy, rey Don Juan, Casada soy, que no viuda. El moro que a mi me tiene Muy gran bien me quería. Si tu voulais, Grenade, Je t’épouserais; Je te donnerais en arrhes et dot Cordoue et Séville. Je suis mariée, roi Don Juan, Je suis mariée, non pas veuve. Le Maure qui me tient Me voulait beaucoup de bien. (N. T.) Avec la coïncidence onomastique, cet Abenámar donnerait vie, disons, au particulier Maure sensuel, bon vivant, poète, noble et calme qui— pour peu que nous le pensions— représente sans doute le négatif de l’image traditionnelle du Maure. 274 Le poème de Xbmmbeb d’Ibn Zaydun est une authentique qbtujmmf!eÖpct. doju qui montre le niveau de médisance du personnage. Pour comprendre ce poème bref, il faut savoir que Wallada signifie accouchée, et que la Vierge Marie, selon l’information coranique accoucha sur un palmier. Il dit ce qui suit: Xbmmbeb<!uv!gbjt!ipoofvs!‰!upo!opn Tbot!mf!dpodpvst!eÖvo!ipnnf<!mÖpo!tvu!mf!tfdsfu Fi!cjfo<!jm!uÖftu!bssjw!dpnnf!‰!Nbsjf Cjfo!rvf!upo!qbmnjfs!tpju!vo!qojt!fo!sfdujpo/! La traduction en espagnol est libre, partant d’un texte arabe fixé par Mahmud Sobh dans: Ibn Zaydun, Dbtjebt!tfmfdubt!(Ed. Mahmud Sohb). Madrid: Cátedra, 2005, page 241. Il paraît cohérent que, si la destinataire eut un certain poids social, ou que le poète répartissait à parts égales son verbiage, le Cordouan finit dans la Taifa rivale à celle de Séville. Mb!wjmmf.ubu!ubjgb 646 7/6/!M֏qprvf!eft!wpjmt § 1. Ce qui est différent n’a pas tendance à prospérer. Cette date grave signalée-1085—, qui correspond à l’entrée définitive d’Alphonse VI dans Tolède, n’est pas si clairement hostile comme il pourrait paraître d’après sa vente postérieure comme clé de reconquête. C’est-à-dire — cette Tolède tombée ne pouvait pas avoir conscience de sa considération ultérieure comme le coup de feu de départ de la reconquête. Mais quelque chose avec cette tournure en prenait le chemin, et non seulement dans les chroniques chrétiennes, mais aussi par des tocsins élégiaques de certains Andalusís témoins de leur temps. Tel est le cas d’al-Assal — déjà cité— avec Mft! ujttvt! tÖfgßmpdifou! eÖibcjuvef! tvs! mft! cpset-! nbjt! bm.Boebmvt! b! vof! edijsvsf!ebot!mf!dfousfÊ< à cause de cette Tolède tombée aux mains des chrétiens. En réalité, la prise castillane avait été beaucoup plus stratégique que par la guerre en soi, ce qui dit beaucoup sur la taille d’homme d’État d’Alphonse VI: impressionnant dans sa manière d’alterner la propagande, les bras ouverts, et la dureté. Il existe une séquence vedette dans la forge du mythe de la reconquête, de si mordant succès sur le postérieur état d’opinion péninsulaire, que l’on peut difficilement mésestimer la gpsdf!qsp. qsf!ef!mÖfggfu!sfdporvsbou, bien que le concept même soit une invention: une qfssvrvf!ef!nnpjsf!jnqmbouf — disions-nous. Telle séquence est en grande partie un recueil de faits déjà vus et assumés comme propres par Alphonse VI dans le sillage de l’effort harceleur de son père Ferdinand I: en premier lieu, la requête des reliques d’Isidore de Séville, d’un effet si intéressant comme inauguration de légitimation. Ces commerçants vénitiens qui disaient apporter les reliques de Saint Marc, savaient qu’il n’y a rien de mieux qu’une bonne pierre sainte constitutive: après cette manœuvre, Alexandrie paraissait moins chrétienne que la future Tfsfojttjnb. De toute façon, cet Alphonse enterra— nous le voyions— les reste d’Isidore de Séville à Léon, marquant ainsi un territoire chrétien— en corrélation avec le pèlerinage propagandiste à Saint-Jacques-deCompostelle — et maintenant il se laissait aimer passivement par Tolède. Il est certain qu’il avait résidé dans la ville pendant l’illustre époque d’al-Ma’Mûn; et les incursions entre le peuple et le petit-fils de son amphitryon— le dernier Hudí, al-Qadir —, firent que peu à peu ce fut Alphonse VI le garant militaire de la dynastie. 647! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou § 2. Ceci est un point d’inflexion intéressant: au moment du refroidissement envers les Hudíes, ce furent les nobles de Tolède qui appelèrent le roi castillan, qui, dans sa particulière sensibilité propagandiste promit au peuple l’exonération de graves impôts les nbhbsjn— précisément des sommes forfaitaires pour le paiement des qbsjbt. Récapitulons: le roi auquel étaient payés les qbsjbt en échange de ne pas envahir le territoire, se compromettait à en pardonner le paiement en échange de ne plus être envahis. Et ceci eut l’effet escompté: Tolède ne retournerait plus dans les mains musulmanes, sa population se faisait finalement tributaire— les exonérations ne sont généralement pas éternelle—, et le roi obtenait du pape Grégoire VII le rétablissement du siège métropolitain de la vieille capitale wisigothe.275 Désormais, Alphonse VI prendrait le titre d’Imperator totus Hispaniae, dans un élan définitoire de sf. dporv‘uf. Le roi chrétien commença à refuser certains impôts— concrètement de Saragosse—, comme preuve irréfutable que le meilleur garant de l’époque andalusíe taifa avait été le paiement de ceux-ci. Seule Zallaqa— Sagrajas—, la bataille perdue contre les Almoravides en 1086, différerait la chute du château de cartes andalusí. § 3. Finalement, ce fut à Abd Allah, le dernier Zîride de la taifa de Grenade à qui il échut de rédiger l’émotive élégie finale. Ses mémoires parcourent le mythe et la chronique, reportage et livre de bord; un roi de Grenade perplexe— et Berbère— déjà sans nord ni sud, qui partagerait son infortune finale avec son rival sévillan et lèguerait dans ses mémoires de graves témoignages prémonitoires non seulement de son propre destin, mais aussi de la future perte de référence de l’Andalusí pré-castillan. Abd Allah nous a transmis les commentaires qu’avait rapporté sur lui Sisenand Davidiz, ancien katib des Abbadides sévillans, et à ce moment-là fonctionnaire flambant neuf proche du croissant Alphonse VI. Sisenand dit ainsi au roi Zîride: Jm! qbsb•u! rvÖbm.Boebmvt! bqqbsufobju! bv! ecvu! bvy! disujfot-! kvtrv։!df!rvÖjmt!gvsfou!wbjodvt!qbs!mft!Bsbcft-!rvj!mft!sfmhv. sfou!kvtrvÖbvy!ufssft!mpjoubjoft!ef!Hbmjdf/!Nbjt-!nbjoufobou-!jmt! 275 Guichard et Soravia, Mpt!sfjopt!ef!ubjgbt…, page 131. Mb!wjmmf.ubu!ubjgb 648 wfvmfou! sdvqsfs! df! rvj! mfvs! gvu! fomfw! qbs! mb! gpsdf.276 Entre l’épée almoravide et la muraille chrétienne, vêtue de reconquête, le Zîride savait que ses jours étaient comptés. Sur les marges du nouveau courant almoravide, une Valence particulière essayait de passer inaperçue. Ce dernier Hudí de Tolède, al-Qadir, se déplaça à Valence avec un détachement chrétien dans lequel ne se trouvait rien de moins que le Cid; commandés par Alvar Fañez. Le Cid étant un personnage bien installé dans la mémoire collective espagnole, il ne s’agit pas d’entrer dans des objections à réfuter ou non. Il surgit probablement comme un habile tfjhofvs!ef!mb!hvfssf, indispensable pour des rois expansifs mais de difficile légitimité permanente. Ce proverbe ¡ rv!cvfo!wbtbmmp-! tj!pwjfsb!cvfo!tf—ps"!(quel bon vassal, s’il y avait un bon seigneur!) probablement nous renvoie plutôt à un payeur qu’à un roi. Ce qui, d’autre part, ne diminue pas le personnage en soi, qui fut l’emblème d’une époque. § 4. Bien que, d’une légende exagérée par l’addition de mille et un exploits provenant de la mémoire collective des vieux jours des Arabes; depuis les héros de ce que l’on appelle Yahiliya— la phase arabe reconstruite avant la vie de Mahomet—, jusqu’aux légendes associées à des personnages de frontière entre Byzance et l’Islãm institué, nous l’annoncions déjà, comme Basile Diyenis Acrita. Parce que, précisément, le Cid est un personnage paradigmatique de frontière. Rodrigo Díaz de Vivar, avec une légende nourrissante pour l’immense valeur du Qpfnb!efm!N“p!Dje, monument de la langue castillane qui enfante la langue espagnole, recevra son surnom précisément pour avoir été connu entre arabophones— Sidi est seigneur en arabe, d’où provient le nom Cid. Son rôle dans l’histoire atteindrait une importance majeure prenant en charge le protectorat chrétien de Valence, ville où il termina étant rattaché à mille et une péripéties. Parmi celles-ci, il faudra souligner la perception des qbsjbt de Séville: arrivant à la ville des Abbadides pour prélever ces impôts, les troupes du Cid— avec celles de Séville— participèrent à l’incursion contre celles de Grenade, qui étaient alors précisément les attaquantes. Sa décision d’aider la Taifa sévillane, d’indubitable ga276 María Jesús Viguera, Mpt!sfjopt!ef!Ubjgbt…, page 19. 649! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou rantie pour le paiement futur des qbsjbt, ne paraît pas avoir été évaluée comme telle par le roi qui l’envoyait, et tel épisode circule probablement entre les raisons personnelles de l’animadversion mutuelle avec Alphonse VI. En tous cas, la raison définitoire de tout cela paraît avoir été l’attitude arrogante du Cid pour n’avoir pas accompagné son prétendu seigneur dans les manœuvres pour l’entrée à Saragosse. § 5. L’épisode des qbsjbt! sévillanes et l’affrontement avec les trou- pes de Grenade ont des nuances moins uniformes. Paraît-il, qu’avec les troupes de Grenade auraient été vaincus certains chevaliers proches du roi; hommes d’armes qui— comme tous ceux de leur époque— louaient leurs services, tombant dans la faction contraire à celle du Cid. Chose qui, selon les chroniques, était préjudiciable pour la santé. L’histoire de ce condottiere— comme il est qualifié, d’une façon illustrative— renferme la vérité symbolique d’un temps croisé; non par les croisés— dont ce serait également l’époque—, mais plutôt de croisement. La véritable geste du Cid, consista plutôt en le maintien d’un territoire arabe— distillé à Valence—, dans une terre ouvertement intermédiaire. C’est-à-dire: le Cid fut le dernier défenseur des Taifas. D’autre part, les idéaux de trahison ou de loyauté avec le devenir d’une époque taifa, parias, et menaces du sud extra-péninsulaire. En 1087 le Cid se repliait définitivement autour du contrôle difficile de Valence comme bastion de mÖpo!of!tbju!qbt!cjfo!ef!rvj, mais— en tout cas— inscrit dans la carte théorique de la future avance almoravide. Une année avant Alphonse VI avait organisé une expédition de qspqbhboef contre Tarifa: cela répondait à une punition envers le Sévillan al-Mu’tamid pour le refus de celui-ci à payer des impôts subsidiaires. § 6. Avec le qjodfnfou! chrétien sur Tarifa, les juges de la moitié d’al-Andalus se chargèrent de proclamer la fin prévisible de leur époque, sauf si certaine force organisée et de cohésion n’y trouvait quelque remède. En tout ceci coïncidèrent le dernier Abbadide de Séville, le dernier Zîride de Grenade et le dernier Aftasí de Badajoz, se mettant tous d’accord sur l’envoi d’une délégation qui traverserait le détroit et demanderait des troupes au caudillo berbère Yûsuf Ibn Tachfîn qui devenait de plus en plus important. Mb!wjmmf.ubu!ubjgb 64: Que derrière tout ceci il y eût un désir de suspendre les accords sur les impôts avec Alphonse VI ou que le refus final de ce dernier ne permît pas de continuer telle coexistence pactée, cela n’est déjà plus important. L’époque des dynasties africaines— m֏qprvf! eft! wpjmt— rendrait difficile l’idiosyncrasie des cantons dans un al-Andalus déjà si indéfectiblement islamisé, comme s’il était convaincu d’habiter une époque appartenant à d’autres. Si dans la première intervention militaire de Zallaqa/Sagrajas— à côté de Badajoz, 1086— l’arrêt des Castillans par les Almoravides fut effectif, un second essai autochtone— Aledo, 1088— fut manqué. Du point de vue historiologique Bmfep! ftu! qspcbcmfnfou! qmvt! jnqpsubou! rvf! [bmmbrb. Parce qu’Aledo représente la conviction de la part des Taifas de leur impossibilité défensive. § 7. Le choix d’un moindre mal nord-africain a des nuances: si à Zallaqa les Almoravides étaient aux côtés des seigneurs taifas, à Aledo ils imposèrent leur propre perception des faits. Face à la déroute taifa d’Aledo, les seigneurs du Sud n’étaient plus avec les seigneurs taifas: les effectifs dépendant de Marrakech, au début ébauchant leur force à Zallaqa, pouvaient percevoir la promenade militaire que supposerait exercer le pouvoir coercitif dans des villes si peu susceptibles d’une fermeture militaire et avec— ne l’oublions pas— la djorvjnf!dpmpoof citée auparavant de la caste intégriste des juges malékites, propagandistes d’une époque plus rance, plus islamique juridiquement, mais aussi andalusíe pour plus de temps. Dans les mouvements de dernière heure taifa, un al-Mu’tamid sévillan perplexe obtenait une aide surprenante bien que pas très sûre de son ennemi théorique Alphonse VI. Au point de vue historiographique, il n’est pas si certain que l’Abbadí dans une enpot. usbujpo!ef!gpsdf!tiblftqfbsjfoof!puisse avoir dit: kf!qsgsf!‘usf! dibnfmjfs!bwfd!mft!Bmnpsbwjeft!rvf!qpsdifs!bwfd!mft!disujfot/ Au dernier moment, il dut voir que les premiers ne réussiraient pas à survivre comme chameliers; mais il était déjà trop tard. En tout cas, et quelque fut la préférence occupationnelle après la ecŠdmf finale taifa, il est intéressant de souligner son alignement. Ce chamelier face aux porchers s’incruste avec un sertissage incomparable dans ce qui devait être l’opinion majoritaire andalusíe; autant en ce qui concerne le nord chrétien que le sud berbère. 651! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou § 8. Une opinion, d’autre part, élevée à un problème courtisan par le dernier Zîride de Grenade, Abd Allah doté d’une bonne mémoire. Il se plaint de la propagande chrétienne de Sisenand, des temps vécus, des rigueurs, mais, surtout, d’un ennemi chez soi; c’est-à-dire la djorvjnf!dpmpoof des juges déjà citée. Le prestigieux médecin de Grenade Ibn al-Qulay avait pu obtenir le poste de cadi pour son congénère Ibn Sahl; congénère du travail de propagande intégriste de caractère malékite des juges, attaché à la révolution nord-africaine. Ceci était le terrain préparé dans al-Andalus avant l’intervention de pouvoirs étrangers; elle était la religion des juristes qui s’étaient convertis au malékisme de la caste des juges. Ibn Sahl avait suivi le dessin du curriculum classique pour un fonctionnaire islamique; cela signifie, inséré dans la Dar al-Islam. C’est-à-dire qu’il appartenait à cette superstructure civilisatrice appelée Islãm. La nuance n’est pas futile de ce nous avons pu commenter sur le minimalisme réducteur de tout ce qui est islamique comme religieux. Dans la pratique, des courtisans comme Ibn Sahl forgeraient ce stéréotype de l’unicité de l’islãm-religion et Islãm-système civilisateur. Après quelques pèlerinages urbains dans les Taifas andalusíes, le futur cadi du dernier Zîride de Grenade, cet Ibn Sahl, était arrivé opportunément à Ceuta, navette almoravide préalable. MÖfnqsjtf!bmgbrv“f (des juges)— à laquelle beaucoup d’auteurs font référence— expliquerait la vie sociale et religieuse andalusíe basée sur le droit. Une source inépuisable de tel fait serait, précisément, l’œuvre la plus importante d’Ibn Sahlses monumentales Hsbwft!ejt. qptjujpot de 1080, un code de catéchistes; qui, encore aujourd’hui, représente une source pour ceux qui prétendent parler du espju! jtmbnjrvf. § 9. Comme si telle catégorie pouvait embrasser un univers juridique historique et géographique. La critique du Cordouan Ibn Hazm ne se ferait pas attendre: tÖbssphfbou!mf!ujusf!ef!kvsjtuft!jmt!tÖibcjmmfou! bwfd!eft!qfbvy!eÖbhofbvy!tvs!eft!dÐvst!ef!c‘uft!gspdft-!fu!sf. dpvwsfou!bwfd!mÖbqqbsfodf!ev!cjfo!mft!ndibodfut!eft!qfswfst-! mfvs!qs‘ubou!mfvs!bqqvj!qpvs!dpnnfuusf!mfvst!dsjnft/!Si l’époque taifa fut celle des courtisans, la splendeur des Tuvejb!Ivnbojubujt! et la rhétorique, l’élégie finale fut— il n’y avait aucun doute— dans de tels registres. Mb!wjmmf.ubu!ubjgb 652 Comme dans le cas du courtisan aftasí de Badajoz, Jco!Bceo:277 celui-ci écrivit bm.cbttbnb!Ò!mb!tpvsjbouf; une émouvante élégie diffuseuse de son vcj!tvou par les Taifas et les lettres. Pendant un certain temps entre le Charybde des chrétiens et le Scylla des Nordafricains. Le Destin nous frappe deux fois: d’abord un coup de rapière, et ensuite la réplique. L’on ne peut rien faire; Pourquoi pleurer pour les vaines illusions et fantaisies? Je t’ai dit maintes et maintes fois, et je ne me fatiguerai pas de le répéter: Ne t’endors pas dans la gueule du lion et ses griffes.278 § 10. La fin de la fête dans ce mélange de renaissance que furent les Taifas se termina avec des adieux emblématiques comme ceux d’al-Mu’tamid de Séville et d’Abd Allah de Grenade, chargés de chaînes au Maroc. Ou avec des exécutions d’Aftasíes à Badajoz. Dans ce logique tbvwf!rvj!qfvu final des Taifas, Badajoz avait applaudi le contrôle almoravide sur Séville, prétendant ainsi s’attirer les bonnes grâces du pouvoir croissant. Le dernier seigneur de Badajoz se mettrait sous la protection d’Alphonse VI, se convertissant au christianisme; la vocation apparaît toujours au moment opportun. Pour couronner le tout, devant l’histoire pittoresque se présentera un dernier défenseur inespéré du régime taifa: le Cid Campeador, qui jusqu’à sa mort en 1099— et même plus tard, en 1102— maintint l’indépendance de Valence comme bastion andalusí irrédentiste. Pendant encore quinze ans se maintinrent comme Taifas indépendantes Saragosse et Majorque, où mourut pendant le siège almoravide de cette dernière, l’illustre poète de Denia Jco!bm.Mbc. cbob, qui avait fui de Séville tbot!buufoesf!tpo!sftuf; après les vers qu’il avait dédiés au dernier Abbadide. Pierre Guichard affine en impératifs poétiques afin d’expliquer la disparition du dernier 277 Ne pas confondre avec son homonyme auteur de traités et tbijc!bm.{vr sévillan des années 1100. 278 Fernando de la Granja nous rappelle l’éloquente image du recueil de proverbes arabes sur les coups de Destin: mft!tdpsqjpot!ev!npnfou!npoufou. Voir son: Nbrbnbt!z!sjtbmbt…, page 43. 653! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou poète errant, qui fut celle d’une époque de récolte (279).Rien de grave, d’autre part; sachant ce que dit Arnold Toynbee— et déjà e. qbtt — que mf!szuinf!ijtupsjrvf!dpotjtuf!fo! dibmmfohf!boe! sftqpotf/!Bon, dans ce sens, la réponse au défi des temps ce fut mft!wpjmt nord-africains. 279 Pierre Guichard et Soravia, Mpt!sfjopt!Ubjgbt…, page 146. WJJ/!MÖPSESF!Q„SJQI„SJRVF 8/2/!Fousf!mft!ezobtujft!opse.bgsjdbjoft § 1. Il en est ainsi, et nous sommes arrivés jusqu’ici: l’époque des voilés arriva, comme le géographe al-Idrisi appelait les Almoravides. Georges Marçais fait référence à l’effet civilisateur de ceux-ci — ainsi que des Almohades—, comme la dpousfsgpsnf!nvtvmnb. of.280 Et il n’en est pas moins vrai, en correspondance avec ce que signale si bien Felipe Maillo au sujet de l’étayage paradigmatique nord-africain: la disparition d’al-Andalus aurait pu se produire longtemps avant, mais la division entre chrétiens et leurs affrontements mutuels, de même que les invasions berbères, firent que la vie de cette domination islamique se prolongeât dans la péninsule Ibérique, lorsqu’elle était en voie de liquidation,281 dans la seconde moitié du XIème siècle. En fin de compte: les invasions nord-africaines étayèrent l’arabo-islamisation d’al-Andalus. Aux dépens de ce qui était andalusí? L’on pourrait le voir ainsi, mais seulement avec les bandages du décadentisme. Non: il y avait quelque chose de nouveau qui commençait pour al-Andalus. Il est certain que l’on arrivait avec des changements. Probablement, la tendance almoravide fut plutôt celle d’mjnjofs!mb!tqdjßdju!boebmvt“f!fu!npousfs!vof!ip. nphoju!jtmbnjrvf!jofyjtubouf, sauvée ainsi par eux des hsjg. gft!disujfooft. Que de telles griffes existaient, c’est indéniable; et non moins certain le fait de la prorogation du temps andalusí déjà cité dû à l’effet ef!sbmmjfs!qpvs!mb!qsfnjsf!gpjt!mf!ufssjupjsf!‰! 280 Georges Marçais, Mb!Cfscsjf!nvtvmnbof!fu!mÖPsjfou!bv!Npzfo!æhf. Paris: Aubier, 1946, pages 32— 33. 281 Felipe Maillo, Ef!mb!eftbqbsjdj˜o…, page 5. 655! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou vo! qspkfu! fyusb.qojotvmbjsf. Mais l’élagage fut grave. Cet Ibn Bassam de Santarem, chroniqueur almoravide, dans l’anthologie citée— Ebkjsb— exclut déjà et rejette; il acclimate ce qui est andalusí au générique islamique. § 2. Il ne prend pas en considération certaines projections populai- res incomparables avec l’Orient. Dans ce sens c’est un contreréformiste, son rôle de récapitulation et de maintien — le rôle almoravide en général— est essentiel, mais nvubujt!nvuboejt!(changeant ce que l’on doit changer) cela nous fait penser à ce Nebrija, qui plus tard, élaguait dans sa Hsbnˆujdb le lexique d’influence arabe que son disciple Pedro de Alcalá récupérera— en dépit du premier. Un temps nouveau, passé réécrit; même si ici cadre parfaitement— pour cette dernière référence comparative— ce proverbe de wjop! wjfkp!pesft!ovfwpt (les choses ne changent jamais), dans le sens que le contre réformisme est préalable au propre concept. Il est juste de signaler, non seulement l’indéniable valeur de ce recueil de faits d’Ibn Bassam, mais aussi son boebmpvtjtnf prouvé; vu que dans son Ebkjsb il se sent incité à la comparaison entre les lettres andalusíes et les orientales; qui se solde par le choix d’al-Andalus. Mais c’est déjà un sfupvs!bvy!tpvsdft déguisé par des mythes constitutifs; une réinsertion canonique dans laquelle arrivait, enfin, la cfscsjtbujpo!eÖbm.Boebmvt. Tant d’auteurs proposaient une invasion des hommes bleus déjà depuis 711, qu’ils devaient avoir leur récompense. Mais ne soyons pas frivoles, car ce ne fut pas ceci— donner raison aux éminents défenseurs de l’invasion miraculeuse— le motif de l’arrivée des Almoravides et des Almohades. Ce ne fut pas non plus l’augmentation des contingents nord-africains. Depuis Abd al-Rahmãn III, très spécialement avec al-Hakam II, et d’une façon massive avec al-Mansûr, l’armée andalusíe provenait du recrutement de mercenaires provenant des côtes africaines. § 3. Le sens historiologique de l’arrivée des Almoravides— en premier lieu— est le suivant: al-Andalus étrenna une dépendance nominale avec Marrakech comme capitale d’un pouvoir d’influence berbère avec une certaine idéologie islamique. Telle idéologie correspond avec une des nombreuses sorties publiques de la religion. Nous avons déjà vu la manière avec laquelle Malik Bennabbi, auteur algérien de la moitié des années 1900, expliquait comme systole MÖpsesf!qsjqisjrvf 656 et diastole d’une époque clairement islamique, deux processus contraires et complémentaires: la fonction éthique de la religion— quand l’environnement politique a cette tendance—, ou bien serrer les rangs sociaux et militants quand les temps réclament des cris au lieu d’une voix intérieure. Probablement le sens corporatif de militant, de forte idéologisation religieuse put s’étrenner dans ces mouvements nord-africains pour— à la longue—, se traduire d’une manière similaire dans cet intégrisme contemporain que nous connaissons comme wahhabisme, le plus célèbre entre tant d’autres— amirganiya, sanusiya, mahdisme jartumí de Muhammad Ahmad…. Mais ceci est une autre histoire. Pour le moment, il suffit de détacher le personnage emblématique que fut ZŸtvg!Jco!Ubdig•o (mort en 1145); chef du mouvement almoravide provenant des arènes du désert au sud du Maroc actuel. Ibn Tachfîn traversa le Détroit pourvu de gfuvbt; rapports des juges, cfbvdpvq!qmvt!fggfdujgt!dpnnf!qspqbhboef!rvf!dpnnf! opsnft. Dans un besoin évident de légitimité d’une époque fleurissante, il utilisa à son avantage la rivalité entre les Taifas: Grenade contre Malaga, Séville contre Grenade, et Badajoz contre Séville. Il est intéressant de souligner les données essentielles de l’époque andalusíe: l’imperceptible dibohfnfou! rvbmjubujg! dpvsujtbo— les Mfuusft!eft!lvuubc!)tfdsubjsft* doivent déjà se teindre de puritanisme uléma—, et d’autre part la ufoebodf!ubjgb!kbnbjt!boov. mf: au moment où faiblit le nouvel ordre centraliste imposé, une période de deuxièmes Taifas— trente ans— reviendra jusqu’à être mise en tension par les Almohades, pour finalement se retransformer en troisième période taifa. Ce dernier et prospère spzbvnf!ef! HsfobefÒ!ef!2343!‰!2451-!fu!bqst!kvtrv։!25:3Ò!tfsb-!ebot! mb!qsbujrvf-!vof!Ubjgb!cjfo!emjnjuf/ § 4. L’irrédentisme expansif berbère, nomade et rigoureux, était ouvertement très différent du régime taifa car celui-ci subventionnait la paix —qbjfnfou!eft!qbsjbt—, se distinguait par son sédentarisme urbain et sa laxité courtisane. D’autre part, le combustible de l’jtmbn!ef!csjdpmbhf!—comme l’a appelé Malika Zeghal—282 avec 282 Il s’agit de réductionnisme normatif. L’on cerne mieux et cela est plus corporatif un brève catéchisme rigoureux que percevoir une faible couche d’éthique généraliste. Les révolutions religieuses de minimum, lorsqu’elles sont 657! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou ses normes formalistes corporatives faciles, faisaient de l’intégrisme religieux la meilleur arme idéologique. Pendant cette période, déjà vers 1036, se frayait un passage la prêche intégriste nomade d’Ibn Yasin— uléma malékite, pour être précis— par le sud du Maroc actuel. Retiré dans un ribãt— couvent—, il commença à prêcher entre ceux qui rivalisaient avec sa retraite de marabout— les Almoravides. Il ne s’agissait pas d’une vie contemplative, mais, bien au contraire, une sorte de vision islamique des templiers en tant que moitié prêtres, moitié soldats. En tout cas, il est bien connu que ce genre de mouvements ne s’arrête jamais en un «soyons», mais que l’on prête le serment classique «rvÖjmt!tpjfou!upvt». La tribu des Lamtuna, au-dessus du fleuve Sénégal, offrit la couverture tribale au mouvement. Les Lamtuna, et après les Sinhaya, furent pour Ibn Yasin ce que seraient longtemps après les Saoudites pour al-Wahhad: l’épée au service du réformateur; une épée qui bien vite unifia des tribus autour du nom générique de réforme intégriste qui leur offrit la cohésion de groupe, les Almoravides. Vers 1070, un chef de ce que l’on peut déjà nommer dpogesbujpo! bmnpsbwjef fonda la wjmmf! ef! Nbssblfdi, qui serait la capitale almoravide. Avec Ibn Tachfîn, en 1077 ils contrôlaient déjà Tanger, et Ceuta en 1084. Le processus était toujours le même: la force d’une armée organisée et mobile, la cohésion corporative de la cause tribale teinte de religieuse, la djo. rvjnf!dpmpoof des juges déjà citée et ulémas urbains. Ceux qui voient toujours des salvations éternelles à travers la rigueur disciplinaire. Comme le tfssf{!mft!sboht" Et la dureté obtiennent une récompense dans les chroniques, la même J!Ds˜ojdb!ef!Ftqb—b dédie à Tachfîn cette citation élogieuse: efgfoej˜!nvz!cjfo!tv!ujfssb, z!nbouvwp!b!tv!tcejupt!dpo!kvtujdjb-!tbcjfoep!sfqsjnjs!b!mpt! sfwpmuptpt.283 § 5. En réalité, pendant les années 800 et 900, s’était produit une accélération et intensification du sectarisme maghrébin comme qiztjrvfnfou!qfsdfqujcmft, c’est beaucoup mieux. Malika Zeghal l’applique à l’islãm révolutionnaire contemporain. Voir son: Mpt!hvbsejboft!ef!mb!g. Barcelona: Bellaterra, 1998. 283 Dans: María Jesús Viguera, Mpt!sfjopt!ef!ubjgbt…, page 168. Il défendit très bien son territoire, et maintint ses sujets avec justice, sachant réprimer les séditieux (N. T.). MÖpsesf!qsjqisjrvf 658 conséquence naturelle de son— non moins naturel— penchant autochtone et irrédentisme associé. Tel sectarisme se traduit— en termes chromatiques imparfaits—, en triomphe du chiisme ismaélite dans le nord de l’Afrique institutionnelle— il s’agit d’une faction militante et anti-califale du protestantisme islamique-et la réaction résultante sunnite; populaire, insurgée. Pour le reste, et avec un coup d’œil permanent et nécessaire à la superstructure économique marxienne, de ce que l’on parlait vraiment en Afrique depuis plusieurs siècles, était la lutte pour la prééminence dans le nord portuaire pour contrôler la route saharienne de l’or; dans la pratique, or, sel et esclaves. Effectivement, entre les occupants omeyyades au nord et les Fãtimides depuis Le Caire, les dynasties locales et attachées au localisme cherchèrent toujours une coûteuse indépendance envers des tribus progressivement plus bgsjdbojtft, probablement par l’effet même de la qspwfobodf!ef!mb!qsptqsju; vu que le sel, l’or et les esclaves provenaient du cœur de l’Afrique. Dans ce sens, mÖpo! qfvu!qbsmfs!ek‰!dmbjsfnfou!ef!cfscsjtbujpo. Il y a déjà des Cfscsft conscients de l’être; des éléments locaux plus enracinés comme autochtones sahariens que vers ce qui est oriental. Ce qui ne veut pas dire une dés-islamisation, bien au contraire: c’est la gpj!ev!dibnfmjfs. D’autre part, il se produisit toujours une longue et importante cfscsjtbujpo de ce qui était arabo-islamique nordafricain de la part des dynasties comme les Sinhaya, les Zîrides, les Hamudi, ou la tribu chiite des Qutama; la symbiose forcée entre arabisation et berbérisation fut augmentée par les incursions de tribus appelées eqsebusjdft comme les Banu Hilal ou Banu Sulaym, et d’autres fydjuft par les Fãtimides d’Orient pour neutraliser les dynasties locales. § 6. En effet, dans le nord de l’Afrique s’était installée une coexistence forcée. Tout d’abord, assumer que ce qui appartient au Sahara est la même chose que ce qui appartient aux côtes, en second lieu considérer le tout génériquement comme arabo-islamique. Ce n’était ni l’un ni l’autre; et cette diversité aura un prix élevé. Quand un pouvoir irrésistible émane du Sud, il profitera des siècles d’apparente tendance orientale pour avoir quelqu’un contre qui lutter: Marrakech contre Le Caire et Cordoue. Ces épitaphes d’historiens 659! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou comme Ibn al-Azir sur les insurgés mongols284 en Orient; sur l’ère des périphéries, pourront se comprendre aussi en Afrique et dans al-Andalus. Étant musulmanes, les dynasties berbères nord-africaines installeront commodément leur excuse purificatrice islamique. Il s’agit de leur arme légitimatrice, si nécessaire— nous l’avons vu— dans al-Andalus, très spécialement au moment de s’installer comme tvqfstusvduvsf!mjujtuf, qui est, en fin de compte, tout ce que cette incorporation signifie. Une séquence sanglante de coups d’État taifas en toute règle tfsb!bttvnf!ebot!mft!dispojrvft! dpnnf! vof! dpoujovju<! rvboe-! fo! sbmju-! fmmf! ubju! swp. mvujpoobjsf— ou dpousfswpmvujpoobjsf, selon les critères. Les Lamtuna et Sinhaya des montagnes de l’Atlas— dans le cas des Bm. npsbwjeft— et les Masmuda— dans celui des Bmnpibeft— se dresseront comme chefs de confédérations tribales. À mesure que le temps passe, dans le nord de l’Afrique la relève aura toujours plus de tendance autochtone: les Cojnsjojt de Fès— qui arracheront Marrakech aux Almohades en 1268—, Les Abdalwãdides de Tlemcen, et les Hafsides tunisiens assisteront— participant ensembles, dans certains cas— aux derniers grands processus d’alimentation de ce qui est andalusí à partir de l’extérieur. § 7. Pendant ce temps, dans la longue phase de replacement d’al- Andalus après la prise chrétienne de Tolède— 1085—, la bataille de Zallaqa un an après, et jusqu’à 1150— éclipse des Almoravides—, pendant toutes les campagnes de Tachfîn et son ordre de replacement, les anciennes provinces ibériques qui n’incluent déjà plus les Almoravides dans leur territoire pour une possible conquête, seront repeuplées par le nord chrétien. Le mouvement démographique qui se produisit alors fut essentiel pour retourner la configuration sociologique de la péninsule Ibérique. Ceux qui repeuplaient venaient de Navarre, Aragon, Castille, il y avait des groupes de mozarabes d’allées et venues, ou des juifs errants, la véritable force sociale intermédiaire entre l’époque andalusíe et le temps futur espagnol; une force dépréciée par l’histoire, gaspillée par la future couronne et replacée de manière erronée à partir du sépharadisme comme une culture à part. Un force qui se fera en grande mesure euro- 284 Nous reviendrons plus tard là-dessus. MÖpsesf!qsjqisjrvf 65: péenne— emportant al-Andalus dans ses besaces, comme nous le disions— ne lui permettant pas d’être espagnole. La forge de l’usbohfu! boebmvt“f était déjà en chemin: substituant la langue, considérant démoniaque ce qui était islamique, l’on procédait à un nouvel implant de mémoire collective dans ces groupes prétendument sf.xjtjhpuijtt. Implant qui s’additionnait déjà à celui qui avait été fait dans le cas andalusí prétendant qu’il était étranger. Et un autre implant de plus: celui des dynasties nordafricaines, prétendant aussi que ce qui est islamique est territorial. Il est évident que l’Andalusí ne percevrait pas de si tôt, qu’il y avait quelque chose en plein changement; en mutation qualitative. Qui le perçoit? Peut-être ce poète qui décrivit al-Andalus comme un tapis qui se déchire au centre. Même l’fggfu!eÖbqqfm!qui se produisit dans al-Andalus n’était pas si dénaturalisé comme l’on prétend. Le même témoin d’exception qui écrivit Mf!po{jnf!tjdmf!‰!mb!qsf. njsf!qfstpoof, Abd Allah, roi de la Taifa de Grenade, nourrissait l’espoir de rentrer dans les bonnes grâces d’Ibn Tachfîn— en fin de compte, berbère comme lui— le mariant avec l’une de ses filles. De la part de Grenade l’on comprend l’offre: garantir une continuité. Mais aussi du côté almoravide; qui a besoin d’une part si l’on peut avoir le tout? § 8.La crise naturelle des Taifas andalusíes déboucha ainsi, en une séquence d’interventions étrangères— avec un collaborationnisme interne— qui entrainèrent, comme conséquence directe, la disparition de ce qui était taifa, tel qu’il était connu jusqu’alors; la tendance décentralisatrice continuera impassible— resurgissant en certaines occasions des deuxièmes et troisièmes Taifas—, mais les temps arrivaient déjà en hâte du nord. Ce qui était taifa stable— pour le nommer d’une certaine façon— fut substitué par un régime radicalement différent mais qui, dans un paradoxe historique commun, tournera vers un allongement de l’histoire d’al-Andalus plusieurs siècles de plus. Nous insistons: sans l’intervention des dynasties nord-africaines, al-Andalus serait tombé militairement en peu de temps. Mais cela n’empêche pas le caractère aliénant de la griffe nord-africaine. C’est-à-dire: les interventions nord-africaines allongèrent la vie et le nom d’al-Andalus, mais c’était déjà un autre al-Andalus. Qui sans aucun doute attend de nouvelles gloires, bien sûr; mais cela n’empêche pas qu’il était déjà autre. 661! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Dans son livre Boebmvd“b!dpousb!Cfscfs“b, lorsque García Gómez expose ce qu’il qualifie d’bojnbewfstjpo!jotujodujwf — il était en train de déplacer la perception d’Ibn al-Khatîb de Grenade—, entre les Andalusís et ceux du nord de l’Afrique; triant de l’histoire de nombreux exemples paradigmatiques adoptés dans des textes significatifs. En premier lieu, les problèmes dérivés entre les premiers déplacés à l’Hispanie préalable et les futurs émigrants orientaux. Telle rivalité se solda par la suprématie culturelle de ce qui est arabe comme implant progressif. Orientalisation— nous le vîmes— après l’équilibre du pouvoir omeyyade et la création d’un État andalusí, indépendant sans aucun doute. García Gómez choisit aussi le colonialisme défensif— occupation préventive— des Omeyyades dans le nord de l’Afrique, les écrits d’al-Hakam II contre les Nordafricains — quelques-uns recueillis par l’historien Ibn Hayyan. § 9. Ainsi, l’erreur stratégique est à la longue manifeste lorsqu’alMansûr engage des troupes mercenaires nord-africaines qui finiront par se rebeller. Dans la même direction augmentait l’altérité, à la fin, avec les invasions nord-africaines qui nous occupent: d’Almoravides, Almohades et plus tard Bénimérinis. Cela renforce définitivement la spécificité andalusíe, en premier lieu, mais correspond— dans une seconde lecture généraliste— à une normalité critique des mouvements historiques: tant d’aliénation sociale, et tant de sens comme tel, que l’on dut sentir dans les longues guerres civiles de 711 ainsi que dans les trois changements de pouvoir, ou la prise chrétienne de Grenade, par exemple. Étant donné que le sens d’aliénation est libre. En réalité ceux-ci et d’autres exemples triés par Hbsd“b!H˜nf{ de l’histoire littéraire andalusíe cimentent sa géniale dpotusvdujpo d’un al-Andalus ftqbhopmjt; comme lorsqu’il traduit le Sjtbmb! ß! gbem!Bm!èoebmvt— littéralement „q•usf!e֏mphft!‰!bm.Boebmvt— d’alSaqundi, comme „mphf!ef!mÖJtmŒn!ftqbhopm. En marge de possibles élagages idéologiques— condamnés à un échec perplexe, parce que García Gómez était difficilement classifiable—, cet universitaire dénonçait mb!dbqf!uspnqfvtfnfou!vojgpsnf!ef!mÖjtmŒn; ce bobard tendant à identifier les peuples avec les religions, les empires et les civilisations. Le Cordouan al-Saqundi s’en prendrait aux Berbères, voisins du sud de l’autre côté du Détroit: il paraît que dans une séance face au gouverneur de Ceuta, le déjà célèbre al-Saqundi et MÖpsesf!qsjqisjrvf 662 un bmufs!fhp de Tanger furent priés de défendre leurs terres respectives dans une de ces ejtqvubujp! communes de réminiscence si classique. § 10. Il est intéressant de constater que cet anti-berbérisme andalusí d’al-Saqundi se développe dans une période d’occupation berbère effective d’al-Andalus. L’auteur est postérieur aux faits almoravides qu’il critique: il distille de l’amertume andalusíe sa terre étant dominée par les Almohades— le second grand contrôle nordafricain —, et charge sa plume contre les précédents— les Almoravides—, comme lorsqu’il rit de l’ignorance de Yûsuf Ibn Tachfîn, chef almoravide. Al-Saqundi n’est donc pas un simple fanfaron de la cour des Almohades, mais quelque chose entre patriote conscient et orgueilleux du niveau de son époque. Des différences de grade entre les Almoravides et les Almohades. Les Almohades étaient-tils moins étrangers que leurs prédécesseurs Almoravides? Ce sentiment, s’il répond réellement à l’état d’opinion de l’époque d’alSaqundi, pourrait nous renvoyer à deux faits différents: que l’Almoravide est plus militaire que l’Almohade— dans la pratique, les chroniqueurs de ces derniers ont organisé beaucoup mieux leurs louanges que la période almoravide—, ou bien qu’al-Andalus a déjà assumé l’altérité nord-africaine, et simplement ne sait pas voir sa propre étrangeté. L’auteur de l’„mphf! eÖbm.Boebmvt, compare les instruments sophistiqués andalusís— d’une tradition gréco-perse continuée et améliorée— avec les tambourins barbares— qui, comme nous le voyions, de ce mot latin dérive le mot berbère; cbscbs en arabe. Al-Andalus est, pour le Cordouan, mf! tpmfjm! rvj! tf! mwf! ‰! mÖPddj. efou, raison de cette capitulation précédente. Et la même tendance montrera le tardif Ibn al-Khatîb dans son Qbsbohpo!fousf!Nbmbhb! fu!Tbm. Ce qui n’empêcherait pas que ce polygraphe de Grenade finisse ses jours au Maroc. Ibn al-Khatîb — souvenons-nous — considérait la rivalité naturelle— obgsb!ubcf“zb— des Andalusís contre les mercenaires berbères— hb{j- pluriel hv{bu. La même rivalité qui entrainera le penseur Averroès à tomber en disgrâce pour avoir appelé le calife— nord-africain — spj!eft!Cfscsft. § 11. C’était bien sûr un Andalusí qui appelait berbère un Berbère. Nbjt! o֏ubjfou.jmt! qbt! upvt! nvtvmnbot@ Cette question offense 663! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou l’intelligence. Ceci est une page de plus de l’histoire spécifique qui, par contraste et rivalité, en certaines occasions scella sa propre essence: cet al-Andalus post-taifa ne se construit pas, ne se constitua pas en une réalité spécifique, par contraste avec le nord chrétien— contraste, même si évident, sans importance, mais contrasté également avec le sud islamique nord-africain. Exactement de la même façon qu’Abd al-Rahmãn s’était intronisé pour ne pas tomber sous le joug du califat nord-africain. Ainsi, de cette manière diffuse, alAndalus marqua son essence se différenciant du nord de l’Afrique. C’est pour cette raison que la séquence des contrôles nord-africains du pouvoir péninsulaire est si significative, avec des différences en gradation entre les premiers— plus militaires, les Almoravides—, et les seconds; d’allure plus intégriste et un sens de l’État plus accusé selon la considération qu’ont les chroniqueurs de leurs commissaires politiques. Ainsi— à nouveau—, pour marquer la spécificité andalusíe par rapport au nord péninsulaire, à l’époque dont nous nous occupons, il n’y a rien de mieux qu’avoir recours à la tradition de toujours, d’affrontements militaires avec les chrétiens, avalisée par les stéréotypes et les romances. § 12. Mais, pour définir complètement telle spécificité, il faut la contraster avec ce qui est apparemment homogène. De là, l’importance des exemples apportés par García Gómez; l’amour du terroir qu’il met dans la bouche d’al-Saqundi aussi Cordouan que Sénèque, Maimonide ou Romero de Torres. Un Andalusí qui fit de son compliment particulier tout un hymne stéréotypé— après, opportunément chanté par l’arabe contemporain. Voici ses mots: Mpbep!tfb! Ejpt-!rvf!ejtqvtp!rvf!rvjfo!ibcmf!dpo!pshvmmp!ef!Bm!èoebmvt! qvfeb!ibdfsmp!b!qmfob!cpdb-!jogbuvˆoeptf!dvboup!rvjfsb!z!tjo! fodpousbs!rvjfo!qvfeb!mmfwbsmf!mb!dpousbsjb!p!mf!foupsqf{db!fo! tv!bmbcbo{b/!Qpsrvf!bm!e“b!op!tf!mf!mmbnb!opdif-!z!b!mb!dbsb!cp. ojub!ovodb!tf!mf!ejdf!gfb.285 García Gómez est sentencieux et illustratif: il culmine son élucubration sur la rivalité avec le nord de l’Afrique en comparant les 285 Que Dieu soit loué, qui disposa que celui qui parle avec orgueil d’al-Andalus puisse le faire à pleine bouche, s’enorgueillissant tant qu’il veut et sans trouver qui puisse le contrarier ou le gêner dans ses louanges. Parce que le jour ne se nomme pas nuit, et à un visage joli l’on ne dit jamais qu’il est laid (N. T.). MÖpsesf!qsjqisjrvf 664 épîtres de Ejtqvubujp citées avec l’Psbdj˜o!bqpmphujdb d’un auteur du XVIIIème— Juan Pablo Forner — contre les Français. Et tel est l’effet illustratif du contraste avec ce qui est apparemment similaire; avant Andalusís face aux Nord-africains. Après, les Espagnoles face aux Français. Mais, o֏ubjfou.jmt! qbt! upvt disujfot@- pourrait demander l’autre dans une même offense à l’intelligence que lorsqu’il demandait— au sujet de l’invasion de Nord-africains dans la péninsule andalusíe— s’ils n’étaient pas tous musulmans. Pour le reste, l’évidente critique andalusíe envers le Berbère, pour être d’une certaine manière joeqfoeboujtuf, n’inclut-elle pas aussi la naturalité critique envers le centralisme? Peut-être — nous revenons là-dessus —, vu que l’époque andalusíe s’allongea par la greffe intégriste nord-africaine, il est donc possible que telle prorogation soit— précisément— celle qui nous montre avec clarté comment l’jodpnnpef!obuvsbmju andalusíe fut la culmination taifa. 8/3/!M֐sf!eft!qsjqisjft § 1. Dans son œuvre Dpnqfoejvn! Hosbm! eÖIjtupjsf, l’oriental Ibn al-Azir se lamente de n’être pas mort avant d’être témoin de la chevauchée des hordes mongoles à travers l’Orient arabe, qu’il qualifie de dbmbnju! tvswfovf! ‰! mÖJtmŒn. Pourtant, dans les années convulsées de 1200, il s’ensuit que le conquérant est toujours conquis, chose qui arrivera dorénavant. En fait, le mongol s’islamisera— Tamerlan mourra comme musulman. Bien que nous soyons toujours en train de nous approcher de la braise, nous continuons à nous demander: l’homogénéité, la continuité islamique, ont-elles un sens? Réellement, l’espace oriental envahi par les mongoles serait-il de la même essence, ou cette carte définissant l’Europe après l’occupation turque des derniers vestiges de Byzance en 1453, prise de Constantinople et établissement dans celle-ci d’un califat? Df!dbmjgbu!uvsd établi dans la Constantinople islamisée comme Istanbul, sdmbnfsb!qpvs!mvj!mf!tdfqusf!jnqsjbm!spnbjo. Est-ce une obscénité historique? La réclamation carolingienne des années 800 avait-elle plus de sens? En marge de que les choses qui doivent être réexpliquées sont nombreuses— pour mieux nous comprendre: non pas par l’historiographie, mais leur lecture historiologique-; en marge de la stridence évidente qui résulte de prétendre faire kpvfs!fo!evp cet Orient spécifique déjà turc— islamique— et 665! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou al-Andalus — islamique— au nom d’une interprétation fondamentaliste de la religion comme sujet historique; en marge de la vérité imposée dans la péninsule Ibérique que le chrétien est en train de sdvqsfs, sfdporvsjs au lieu de s’étendre— comme c’était le cas; en marge de tout cela, l’Andalusí, comme nous le disions, commencera déjà à se sentir vivre le temps des autres. § 2. Et, dans ce sens, la pression chrétienne du nord s’exerça d’une manière aussi puissante que la propagande frénétique malékite. Cluny face à Marrakech, pourrions-nous dire: et au milieu, un alAndalus rétro-alimenté grâce aux juges propagandistes du sud qui conçoivent l’islãm-religion et l’Islãm-civilisation comme quelque chose de territorial et symbiotique. Tant Ibn al-Azir dans son Ijt. upjsf, que le propre tunisien Ibn Khaldûn (1332-1406) sont un exemple de quelque chose qui s’unira difficilement dans les chroniques de la cour: la voix de la périphérie. Le premier pour sa peur du mongol. Le deuxième pour son dégoût courtisan. Dans son particulier appel à l’authenticité bédouine. Ibn Khaldûn est le wjfvy! hsjohp de Carlos Fuentes: l’inclémence des temps est ressentie par un intellectuel et diplomate comme la fille indocile de la désagrégation, et dans sa recherche centralisatrice— intégratrice, tribal— il trouve seulement la voix du peuple. Et à celle-ci il se joint, et depuis celleci il voit l’histoire. Dans cette longue histoire de l’Islãm, rvboe!mf! qfvqmf! b! qbsm! mÖpo! bqqfmmf! vo! nbie•! fu! rvboe! dfmvj.dj! tf! tfou!dpvsujtbo!jm!tf!qspdmbnf!dbmjgf. Le califat étant annulé, le territoire taifa étant proclamé comme ufssf! ef! upvu! mf! npoef — toujours urbaine— à la recherche de légitimité sans objet réel— ßdujpo!dbmjgbmf, disions-nous—, dans l’histoire de la centralisation arriva le temps des Mahdíes— bientôt ils s’auto-nommeront califes—, du peuple, du nomade. De la périphérie. 8/3/2/!Mft!Bmnpsbwjeft – Yûsuf Ibn Tachfîn (1088-1106) – Alî Ben Yûsuf (1106-1143) – Tachfîn Ben Alî (1143-1145) MÖpsesf!qsjqisjrvf 666 § 1. Nous montrâmes le chef des Almoravides Ibn Tachfîn, entrant dans la péninsule en 1088286 chargé de fetuas (rapports) pour mieux convaincre les Andalusís. Dans sa particulière Offre Publique d’Actions, Ibn Tachfîn obtiendrait une certaine fusion par absorption à partir du haut; il est intéressant d’observer que ce qui commence à partir d’en bas au Maroc s’impose ici à partir d’en haut; ce que l’on considère comme populisme réactionnaire dans le sud est considéré ici comme superstructure du pouvoir. María Jesús Viguera nous fournit des textes légaux pour la conquête almoravide;287 et à un autre endroit les textes de ceux qui suivirent: les chroniques des reporters des Almohades.288 Après leur comparaison, nous percevons aussi une certaine diversité interne, de telle sorte qu’il y a une façon de se présenter du dehors chez mft!qsfnjfst— Bmnpsbwjefs—, ainsi qu’une façon de se propager et s’institutionnaliser de l’intérieur chez mft!tfdpoet— Bmnpibeft. Entre les uns et les autres, approximativement depuis 1145— mort du dernier souverain almoravide et la conquête almohade de sa capitale Marrakech, deux ans après—, la vie andalusíe continua telle que son sfàfu!obuvsfm le lui fit comprendre: dans des tfdpoeft!Ubjgbt. § 2. Ici s’impose une brève chronologie, ainsi que certains éclair- cissements: – Les Almoravides vinrent définitivement à al-Andalus après la faible démonstration taifa d’Aledo de 1088. – Leur contrôle supposa une superstructure: c’est-à-dire, pouvoir coercitif et effet social intégriste. – Dans son collapse final, se produisit vof!eftusvdujpo!ef!mÖjo. usjfvs de ce qui était almoravide, mais pas dans al-Andalus: en 1147 les Almohades avaient déjà pris Marrakech. – C’est-à-dire: mft! tfdpoet! tpou! mft! foofnjt! eft! qsfnjfst. Mais, lorsque l’effet arrive au dernier coin andalusí, le processus a besoin d’être bvupdiupof. – Donc, entre les Almoravides et les Almohades— souvenons286 Cette année-là se produisit son fousf!eßojujwf dans al-Andalus. 287 María Jesús Viguera Mpt!sfjopt!ef!Ubjgbt…, page 172. 288 María Jesús Viguera dans:«Cronistas de Al Ándalus”…, page 92 et ss. 667! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou nous — al-Andalus essaie à nouveau sa recomposition comme npef!obuvsfm!ubjgb. Après les Almohades, une troisième tentative arrivera aussi. Enfin, un troisième groupe nord-africain en finit avec les Almohades: les Bénimérinis, en 1268, recommenceront à déplacer ef! mÖjousjfvs les centres de pouvoir nord-africain. Leur présence dans al-Andalus sera déjà d’un degré différent, car le temps chrétien expansif commençait ses meilleurs moments. § 3. Un coup d’effet interprétatif de la période almoravide fut qu’ils brûlèrent les livres du penseur oriental proto-mystique Algazel (1058-1111) très spécialement sa Wjwjßdbujpo!eft!tdjfodft!sfmjhjfv. tft. D’une tendance plus intériorisée que le critère de la période almoravide —celui-ci étant distribué dans al-Andalus par les avides juges malékites—,289 Algazel, par contre, influencera outre mesure certaines perceptions intériorisées d’al-Andalus — c’est-à-dire, le sillage de l’ineffable mystique postérieur, Ibn Arabi—, et il ne le fera jamais à l’état pur, mais plutôt dans une symbiose particulière entre intériorité et intellectualisme. Selon notre modeste opinion, brûler les livres d’Algazel est un exemple de plus que les Almoravides n’étaient pas à leur place: ce penseur perse, promoteur de la célèbre Université Nizamiyya de Bagdad— 1091, à la requête du vizir Nizam al-Mulk, d’où le nom de cette institution. L’œuvre d’Algazel Sgvubujpo!eft!qijmptpqift est, précisément, une opposition passionnée à la spéculation philosophique qu’à son tour Averroès s’occupera de réfuter, le moment venu. Donc, il s’agit d’une plus que probable critique spiritualiste de tradition philosophique, bien qu’elle fasse usage de ses propres armes. L’on affirme depuis toujours que la pensée européenne assuma qu’Algazel était un philosophe de plus, sans comprendre qu’il s’agissait, précisément de son plus grand critique. Mais —les Almoravides ne firent-ils pas de même? Dans ce sens, considérer ejbcpmjrvf Algazel en revient à csŸmfs!tft!mjwsft!bwbou!ef mft!bwpjs!mvt, ce qui d’autre part— comme nous disions— appartient à une longue tradition ainsi établie. 289 Jacinto Bosch Vilá, Mpt! bmnpsˆwjeft. Granada: Archivum, 1990, page 246 et ss. MÖpsesf!qsjqisjrvf 668 § 4. Le moment venu, ce sera précisément cette intériorité d’Algazel qui sera l’objet des plus avides disputes, et non pas pour sa critique à la spéculation philosophique qui— en fin de compte— occupera les esprits les plus spécialisés. Dans ce sens, l’œuvre essentielle d’Algazel ne serait pas tant sa Sgvubujpo, mais plutôt une autre qui est traduite comme Dpogfttjpot, à partir de certaines concomitances établies avec le livre homonyme d’Augustin de Hippone.290 De toute façon, ici nous ne pouvons pas nous étendre là-dessus. Ce qui nous intéresse c’est la façon avec laquelle se patentait un autre rythme d’acculturation dans al-Andalus: dans les derniers temps du califat et— surtout— dans la diversité taifa, tout était assumé comme susceptible de bagage culturel, maintenant, la censure ecclésiastique sera le stimulant sui generis. Il ne faut pas penser qu’avant tout était rose et que maintenant tout devenait noir: brûler les livres a été une source calorifique particulière dans la péninsule Ibérique sans distinction d’alphabets. Cet al-Mansûr avec les œuvres de la bibliothèque d’al-Hakam II, ou le Sévillan al-Mu’tamid avec ceux d’Ibn Hazm sont un exemple que tacher de démoniaque ce qui est écrit a toujours été un caprice. Mais la nouvelle ère imposait quelque chose de plus à ce caprice pyromane:!mf!shjnf!bwbju!vof!jepmphjf; en marge des dirigeants ou des élites. Ce sera particulièrement ainsi pendant la période almohade, mais elle s’annonçait déjà. § 5. Dans la pratique, l’on peut affirmer que ce qui était almoravide provoquât dans la forme— une authentification de l’islamique comme berbère; voile, marabout— une éclosion, dans le fond, avec ce qui est almohade— puritanisme militant. Pour le reste, la période almoravide qui nous occupe fut, en fin de compte, réellement brève. Nous pouvons la résumer ainsi: que ce fut quelque chose de préparatoire, et que ce quelque chose fut réellement la contreréforme almohade. Dans cette période almoravide, le moment de continuité— la patente du régime, pouvons-nous dire— serait la proclamation de Alî comme héritier dans la Grenade de 1104. Alî était le fils de Tachfîn, le chef almohade, et avec l’action, ainsi que 290 Ce parallélisme fut établi par H. Flick déjà au début des années 1900. L’œuvre, qui s’appelle en réalité Fm!tbmwbep!efm!fssps (Le sauvé de l’erreur), a été traduite par Emilio Tornero: Algazel, Dpogftjpoft. Madrid: Alianza, 1989. 669! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou la frappe de monnaie consécutive— dans l’Hôtel de la Monnaie de Cordoue, il faut bien le dire—, il se garantissait une continuité à la recherche de légitimité. Cet Alî, proclamé finalement émir de Marrakech en 1106, suivit la plus pure usbejujpo!spzbmf!houjrvf des seigneurs d’al-Andalus, c’est-à-dire être né de mère chrétienne— appelée dans les chroniques mf!dpncmf!ef!mb!cfbvu. Pour le reste tout était marqué par la continuité naturelle d’un processus— celui de la cfscsjtbujpo, plus attaché aux mœurs qu’à la génétique, en tout cas— commencé par la progressive occupation almoravide des côtes de pouvoir taifa. Au début, le tfoujs!boebmvt“ pensa peut-être s’ouvrir un chemin à travers le fait almoravide en l’instrumentalisant à la nbojsf! njmjubjsf. C’est-à-dire: l’Andalusí pensa peut-être que seules changeaient les troupes. Mais ce qui était almoravide était ici pour y rester. Les cbubjmmpot!ef!qmvnft qui circulaient dans les Taifas, adaptés occasionnellement aux temps nouveaux, durent distribuer ces cotes de pouvoir à des élites plus militaires et avec plus de présence des juges; les dpnnjttbjsft!qpmjujrvft!nbmljuft, comme nous le disions auparavant. § 6. Une lettre indiscrète a été conservée qui pourrait exemplifier une certaine rébellion andalusí face au tubuv!rvp des voilés. Il s’agit d’une lettre envoyée par un tel Abu Marwan— katib renvoyé ensuite de son poste, cela ne fait aucun doute— aux troupes almoravides qui venaient de perdre la bataille face à Alphonse I le Batailleur (roi de Pampelune) sur le front de Valence; que de front en front, l’on devait dorénavant considérer la carte du nouvel al-Andalus comme militaire. Abu Marwan avec si peu de sens politique dit ainsi— sans doute, convaincu de manière erronée que les Almoravides étaient un recrutement passager, et encore dans les saines ejtqvubujp taifas—: Ijkpt!ef!nbmb!nbesf<!iv“t!dpnp!btopt!eftqbwpsjept!\Ê^/! Ib!mmfhbep!fm!npnfoup!fo!rvf!pt!wbnpt!b!ebs!qbsb!fm!qfmp/!Op! wb!ibcfs!wfmp!fo!fm!nvoep!qbsb!ubqbspt!mb!dbsb!ibtub!rvf!pt! nboefnpt!ef!wvfmub!b!ftf!eftjfsup!wvftusp-!z!bt“!qpefs!eftqvt! mjnqjbs!Bm!èoebmvt!ef!wvftuspt!fydsfnfoupt.291 291 Traduction libre du texte que María Jesús Viguera récupère du Nzjc d’Abdel Wáhid al-Marrakuchi, dans son livre Mpt!sfjopt!ef!Ubjgbt…, page 181. MÖpsesf!qsjqisjrvf 66: Indéniablement, le secrétaire médisant percevait la couleur de l’époque, mais non pas sa densité. Le spvmfbv!dpnqsfttfvs!ef!mb! tvqfstusvduvsf almoravide aplanirait le plus possible la diversité taifa, se détériorant gravement tout ce qui restait naturellement des chrétiens déjà mozarabes— pour être arabisés— ainsi que de ust! opncsfvy! kvjgtÒ! fo! sbmju-! hbmfnfou! np{bsbcft, pour la même raison. Et voici une remarque en relation avec la lecture historiologique de l’qprvf!tqdjßrvf!boebmvt“f. Nous critiquions la manière avec laquelle nous appelions jtmbnjrvf le droit andalusí, en assumant que les Andalusís l’appelaient seulement Espju— de la même façon, comme nous l’avons vu, que la cuisine chinoise s’appelle seulement dvjtjof en Chine. Gonzalo Maeso cite d’innombrables cas de postes de juifs et chrétiens dans ce monde juridique. Peut-on assumer que c’est un droit religieux dans lequel se distinguèrent des juifs292 dans des postes publiques— par exemple comme sahib al-suq ou sahib al-madina? À la longue tout cela changera, et ubcmf!sbtf/ § 7. En 1126, de nombreux chrétiens andalusís furent déportés au Maroc pour collaborationnisme avec les Castillans, après la dénonciation du juge Ibn Rushd, grand-père du futur épitomé andalusí Averroès. Ces Morisques précoces se dilueront comme une minorité incommode dans le nord de l’Afrique. À nouveau, comme dans le cas des terribles bûchers de livres, l’on voit que les déportations et expulsions font partie de notre carte génétique. Mais la donnée essentielle que nous devons retenir est l’établissement d’une véritable guerre de religions dans la péninsule Ibérique, qui selon notre point de vue, peut être soulignée uniquement dans cette période nord-africaine; ni avant ni après. Nous disions, à un certain moment, que le territoire andalusí qui n’était pas aux mains des Almoravides sera systématiquement occupé— et peuplé à la longue— par des chrétiens du nord. À ce Gjmt!ef!nbvwbjtf!nsf<!wpvt!gvzf{!dpnnf!eft!Šoft!qpvwbout!\Ê^/!Mf! npnfou!ftu!wfov!pž!opvt!bmmpot!wpvt!benjojtusfs!vof!cpoof!sbdmf/!Jm!of! wb!qbt!z!bwpjs!ef!wpjmf!bv!npoef!qpvs!wpvt!dpvwsjs!mf!wjtbhf!kvtrv։!df!rvf! opvt!wpvt!sfowpzjpot!ef!sfupvs!‰!df!etfsu!rvj!ftu!mf!wšusf-!fu!bjotj!qpvwpjs! fotvjuf!ofuupzfs!bm.Boebmvt!ef!wpt!fydsnfout. (N. T.). 292 David Gonzalo Maeso, Ijtupsjb!ef!mb!mjufsbuvsb!ifcsfb/! Madrid : Gredos, 1976, page 274 et ss. 671! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou moment-là, l’annulation effective de la Qspwjodf!Tvqsjfvsf sera évidente: les alentours de Saragosse sera toujours un problème almoravide, et— plus au centre péninsulaire— la conquête toujours frustrée de Tolède, malgré des années de poussée militaire, après le succès à Vdmt! )2219*-! ubcmjttfnfou! mhjujnbufvs! ev! efvyjnf!tpvwfsbjo!bmnpibef dju!qsdefnnfou-!Bm•. Cette poussée initiale, bien vite épuisée, sera une des clés de la sfmwf! bmnpibef/ § 8. Alî le souverain almoravide, vivait normalement à Marrakech et traversa seulement quelques fois le Détroit pour transmettre des signes de double sens: nécessité occasionnelle de légitimation— lorsqu’il traversait—, ainsi qu’une certaine délégation de pouvoir almoravide à des seigneurs locaux— lorsqu’il restait à Marrakech—, seigneurs qui normalement étaient de la famille de Tachfîn. Ce pouvoir délégué changera aussi avec les Almohades; mais pour le moment il en était ainsi. Une des fois qu’entra l’émir dans al-Andalus— aux alentours de 1120— ce fut avec l’objectif concret de suffoquer une révolte cordouane. L’esprit autochtone andalusí s’ajoutait aux propres problèmes des Almoravides dans le nord de l’Afrique— début de la relève tribale—, et aux non moindres problèmes dérivés des campagnes infatigables d’Alphonse I le Batailleur; motif principal d’un legs architectonique almoravide: les murailles de la plus grande partie des possibles bastions andalusís. Al-Andalus, à l’époque qui nous occupe, devait concilier sa propre wjwjevsb (expérience) avec son caractère d’enceinte entre le nord et le sud. En 1143 le souverain almoravide Alî mourait, étant substitué par son fils Ubdig•o! Cfo! Bm•, qui fut le uspjtjnf! fu! efsojfs!njs!bmnpsbwjef!eÖbm.Boebmvt293!qui mourait deux ans après sans avoir remis debout al-Andalus. La relève almohade termina avec lui, sa dynastie et la période almoravide. 8/3/3/!Mft!Bmnpibeft – Abdul Mu’min (Séville, 1148-1163) – Abû Yaqub (1163-1184) 293 María Jesús Viguera, Mpt!sfjopt!ef!Ubjgbt…, page 186 et suivantes, pour les détails sur mb!qfstpoobmju-!mft!bduft!fu!mb!ßo!usbhjrvf/ MÖpsesf!qsjqisjrvf 672 – Abû Yûsuf (1184-1199) –Abû Abdala (1199-1213) § 1. Une nouvelle tourmente de mãhdisme s’ouvrait passage à tra- vers les sables du désert. Et lorsque nous traitions en général des causes de ce soulèvement périphérique— tribalisme, route de l’or et les esclaves, et cetera—, tout cela continue à servir pour le cas qui nous occupe: depuis 1120, et de l’intérieur de l’empire almoravide, un nouvel intégrisme frapperait certains aspects du régime. L’incitateur: l’idéologue Ibn Tumart (1078-1130), élut comme excuse un certain anthropomorphisme— ubdit“n— erreur que les almoravides auraient commise.294 En pratique, la foi rustique de ces grands monothéistes sans contemplations— les Almohades: almuwahid; unitaires— s’exprimera dans une belle esthétique minimaliste: dans la mosquée les murs s’enduiront et se blanchiront à la chaux, sans aucune autre démonstration démesurée d’embellissement. Le blanc lisse de la chaux sur les murs des mosquées est le signe distinctif almohade. Également leurs monnaies carrées— qui resteront jusqu’aux Nasrides-; pour ne pas s’affronter à ce qui précède. Si les formes créent le contenu, en changeant les formes, l’on change le contenu. Nous devons souligner, malgré tout, que mb! dpnqsifotjpo! eft!qiopnoft!bmnpsbwjeft!fu!bmnpibeft!qbs!fvy.n‘nft! oÖfyqmjrvf! qbt!mÖijtupjsf!eÖbm.Boebmvt. C’est-à-dire: il s’agit de phénomènes exogènes qui affectent à ce qui est andalusí comme superstructure— disions-nous—, comme générateurs de propagande d’un certain ubu! eÖpqjojpo en évolution continuelle, mais qui ne proviennent pas de la casuistique andalusíe. Á nouveau: suivons le phénomène almoravide et almohade dans al-Andalus, mais n’essayons pas d’expliquer al-Andalus en faisant l’histoire des Almoravides et des Almohades. Ici il en va de même qu’avec ce que l’on considère prétendument générique islamique, dont nous avons déjà parlé: of!gbjtpot!qbt!mÖijtupjsf!ef!mÖJtmŒn!qpvs!dpnqsfo. esf!dfmmf!eÖbm.Boebmvt!dpnnf!vof!qbsujf!esjwf, sous peine de chavirer dans la célèbre interprétation identitaire religieuse. § 2. Malgré la continuité révolutionnaire de ce qui fut almoravide et almohade, le recouvrement ne fut pas instantané et— en plus— il se 294 Jacinto Bosch Vilá, Mpt!bmnpsˆwjeft…, page 247. 673! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou produisit à Marrakech. Pour ces raisons et l’attente vendue— intérimaire— jusqu’à voir quels seraient les nouveaux maîtres d’al-Andalus, s’organisèrent les nouvelles Taifas qui étaient leur seul mode connu de survivre. Dans la pratique, elles furent éphémères: un précoce Ibn Qasi se rebella obtenant l’indépendance de l’Algarve en 1142 et en 1148 Séville proclamait sa loyauté aux Almohades. Le rôle de cet Ibn Qasi n’est pas futile: les chrétiens faisant pression sur lui, il se déplacera personnellement au nord de l’Afrique pour demander l’aide almohade en échange de soumission. Pendant ce temps, dans la périphérie autochtone andalusíe, deux noms se distingueraient dans le maintien de son essence taifa bien au-delà — même— de la période majoritairement almohade andalusíe: le célèbre Jco!Nbsebojt— le spj!mpvq du Levant jusqu’à 1172—, et la saga des Banu Ganiya dans les Baléares, jusqu’à la conquête almohade de Majorque en 1203. Viguera Molíns souligne le rôle de cette tendance autochtone du Levant car dans al-Andalus s’inaugure un nouveau type de légitimité: mb!wbttbmju!‰!ejtubodf. Ibn Mardanis, de lignée autochtone chrétienne, proclamerait sa vassalité aux royaumes du nord en échange d’indépendance et— grâce à cela—, des frontières sûres— exception faite avec les Almohades. Dans la pratique, dfuuf!wbttbmju!‰!ejtubodf!tfsb!mb!dm! ef!mb!tvswjf!cjfo!qmvt!ubse!ef!Hsfobef:295 il ne s’agit pas tant du paiement des qbsjbt en soi, mais plutôt une soumission formelle accompagnée de dépendance tributaire. § 3. Grâce à cela, le seigneur turbulent du Levant pouvait s’occuper en exclusivité de sa défense contre les Almohades, dans laquelle il se distingua jusqu’à sa mort en 1172. Néanmoins, la période almohade non seulement fut remarquable pour tout ce qu’elle impliqua de légitimité rénovée nord-africaine ou de proroger le temps andalusí, mais parce qu’entre les failles existantes entre eux— nous le verrons— s’ouvrait passage, pendant ce temps, le bloc le plus homogène de floraison littéraire andalusíe dans le cadre de la pensée. Les chroniqueurs almohades nous décrivent une période de continuité avec l’essence islamique andalusíe, de même qu’un processus éclaircissant qui dépura le côté militaire quasi-païen des Almohades. Il n’en pouvait être différemment; le chroniqueur se 295 María Jesús Viguera, Mpt!sfjopt!ef!Ubjgbt…, page 198. MÖpsesf!qsjqisjrvf 674 doit à la mangeoire où il a l’habitude de paître, et une grande partie du stéréotype andalusí provient de la foi aveugle en ce qu’affirment catégoriquement tels chroniqueurs. Ces chroniqueurs son Jco!Tbijc!bm.Tbmb (mort en 1199), secrétaire du second calife almohade, avec son œuvre Nboof!ev!hpv. wfsofnfou; Bce!bm.Xbije de Marrakech, qui rédigea son œuvre depuis l’Orient, „qjupn!eft!opvwfmmft!eÖPddjefou, et enfin le Maghrébin Jco!bm.Rbuubo, qui vécut après la chute de Séville (1248) et l’éclipse almohade, et envisagea sa chronique à partir de la nostalgie: Qfsmft!tfsujft est le titre de son livre. Tous trois296 partagent la même pensée: l’Occident islamique est un tout, et son idéologie de salvation est le mouvement almohade. Á partir de là, la tqdjßdju! boebmvt“f sera difficile à défendre car elle resterait implantée avec une uniformité islamique dans les différents imaginaires collectifs: dans ce qui sera l’arabe ultérieur— par des chroniques comme celles-ci —, et dans le nord européen pour des raisons évidentes d’bmjobujpo!jepmphjrvf. § 4. Abdul Mu’min (1095-1163) fut le premier calife almohade. Adepte fidèle de cet idéologue mahdî Ibn Tumart— codificateur du puritanisme almohade— Abdul Mu’min saurait rapidement tirer un profit militaire du rôle de cohésion de cette idéologie. Le grand biographe des Almohades, le chroniqueur al-Baydag, nous le présente s’autoimposant la dignité califale, dans un acte de rupture similaire à celui des Omeyyades de Cordoue dans le passé. Il faut tenir compte que les Almoravides s’étaient faits dépendants idéologiques des califes Abbãssides d’Orient. Les Almohades, marquaient ainsi, d’un mode révolutionnaire et autochtone leur volonté de marcher en solitaire vers un certain effort social récompensé personnellement. Ainsi, naissait, le concept médiéval du djihãd associé à un expansionnisme concret— almohade— mais prétendument abstrait— islamique. Un concept, celui du djihãd, qui d’aucune façon avait eut de telles nuances dans le texte coranique. Nous n’insisterons pas sur ce sujet, qui d’autre part est suffisamment embrouillé par les analystes politisés contemporains. Nous 296 María Jesús Viguera, “ Cronistas…”, page 92 et ss. 675! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou nous en remettrons pour cela à notre propre analyse, «La palabra descendida y la guerra».297! § 5. Le calife almohade Abdul Mu’min maintenait une pression permanente de Marrakech jusqu’en Orient, arrivant même à dominer Tripoli— dans l’actuelle Lybie—, en plus il dirigeait les affaires andalusíes grâce à une véritable correspondance diplomatique à mesure que les villes se soumettaient petit à petit en échange d’une défense face aux chrétiens, ou simplement par absence de défense propre. Un cas différent sera celui d’Ibn Mardanis à Valence et ses alentours, ou les Baléares, qui défendront leur indépendance par l’épée. À partir de 1148, Abdul Mu’min avait converti Séville en la capitale des Almohades dans al-Andalus, et de là se distribuaient les idéologies et les ordres, conçus de l’autre côté du Détroit. Tel fut, en essence le système nerveux du pouvoir almohade jusqu’à 1160, année où le propre calife se déplaça à al-Andalus. L’on peut comprendre que la décision de ce déplacement était en grande partie, une option pour l’installation dynastique. La résistance andalusíe au régime almohade, à cause de sa tendance autochtone, augmenta précisément avec l’arrivée du calife, jusqu’à tel point qu’il prit la décision de déplacer la capitale de Séville à Cordoue, vu le niveau d’insurrection et de pression chrétienne venant du nord. Une administration centrale plus à l’épicentre résistant prétendait renforcer ce qui était almohade. Mais le calife suivant, plus twjmmbo, revint sur ce que le père avait fait en se déplaçant: à partir de sa nomination en 2274-!mf!opvwfbv!dbmjgf!BcŸ!Zbrvc gouverna centralisant son nouveau commandement à Séville, bien qu’il ne dût pas arriver à al-Andalus avant 1171 après avoir été nommé dans la capitale nord-africaine — avec certains problèmes— il faut bien le dire— de légitimité. Le deuxième calife para Séville, dorénavant, comme siège almohade. De cette période proviennent les liens entre Marrakech et Séville, laissant comme exemple la célèbre Giralda, tour semblable à la Mamounia de Marrakech, vers 1184. § 6. Sous le califat d’Abû Yaqub, al-Andalus almohade se ferma dans la mesure du possible, entre autres évènements, à cause de la mort 297 Emilio González Ferrín dans: Dvbefsopt!efm!DFNZS (2005). «La parole descendue et la guerre»: voir chapitre 2.13 paragraphe 4. MÖpsesf!qsjqisjrvf 676 du résistant Ibn Mardanis (1172) et la prise des Baléares. Il ne put pas non plus augmenter beaucoup plus le territoire, à cause de la pression chrétienne d’Alphonse VII et les problèmes internes nordafricains —inhérents au maintien de l’extension almohade obtenue par son père. Son califat est considéré comme le point culminant du pouvoir almohade, qui coïncide avec deux personnages sans parangon, comme sont Ibn Tufayl et Averroès, sur lesquels nous reviendrons. En ce qui concerne la vie quotidienne de la période almohade— spécifiquement sévillane—, nous avons le témoignage sans égal du sahib al-souk Ibn Abdún, dont le traité sur Séville au début du XII ème siècle est un document précieux d’intra-histoire andalusíe, d’une certaine manière de fin de siècle. Avec la rigueur du sahib al-souk— commissaire des consciences et de la vie publique—, nous pouvons déduire la cohue sociale d’une période entre la pression des chrétiens, des Andalusís qui ne veulent pas se savoir almohades, et les Almohades qui montrent une force qui sera détruite en peu de temps. En 1184, Abû Yaqub mourut dans une campagne militaire contre les terres portugaises. En réalité, ses parades et campagnes systématiques n’avaient pas le résultat que le sérieux idéologique almohade promettait; probablement à cause d’insuffisances réelles d’une époque pas aussi disposée— les chrétiens du nord généraient des royaumes à plus grande allure—, ou probablement pour la diminution du niveau militaire avec le changement dynastique. § 7. Ce deuxième calife, pour faire sien le grade dynastique d’Ibn Khaldûn, était arrivé déjà conscient de son héritage et— donc— avec moins de besoins de faire des efforts. Ce proverbe de: abuelo bodeguero, padre tonelero, hijo borracho (aïeul propriétaire d’une cave, père tonnelier, fils ivrogne) proviendrait du critère plus que scientifique d’Ibn Khaldûn. Malgré tout cataloguer ainsi le calife n’est pas très réussi: le calife almohade suivant, rigoureux on ne peut plus en matière de vie publique, s’ouvrirait son propre chemin dans les chroniques en proclamant la Loi antialcoolique dans le monde almohade; c’est donc un signe évident de que l’on buvait. En même temps que l’interdiction de l’alcool, l’on annonça celle des musiciens et les excès dans la manière de s’habiller. Cette année 1184, est la culmination des travaux de la Giralda sévillane et marquait de cette façon, la relève dynastique, échouant 677! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou la dignité califale sur son fils BcŸ! ZŸtvg, qui dut également gagner ses légitimités partant rapidement à Marrakech. Admirateur d’Ibn Hazm— dans sa défense de l’islãm face à d’autres religions—, et homme de lettres pieux, Abû Yûsuf gouverne avec une main de fer en grande mesure exclusiviste: il imposa vof!dpvmfvs!tqdjbmf! qpvs!mft!w‘ufnfout!eft!kvjgtÒ!cmfv—, il organisa certaines animadversions envers la philosophie— par exemple dans la relation problématique avec un, finalement renvoyé Averroès—, et il éleva au rang universel le concept— aujourd’hui tant aimé— de choque des civilisations: dans sa dpssftqpoebodf!bwfd!mf!qbqf!Joop. dfou!JJJ, ou les traités internationaux— avec Pise par exemple—, la reconnaissance mutuelle d’égaux en rigueur et affrontement est bien patente. En 1198, la Giralda sera couronnée avec le zbnvs; trois boules d’or comme symbole de diffusion de ce que représentait, clairement, le minaret de la principale mosquée de Séville, capitale almohade d’al-Andalus. § 8. Malgré le signe d’identité patent qui s’affronte, entre la frontiè- re versatile de cet al-Andalus en mutation permanente, et le nord chrétien dans un expansionnisme larvé, existèrent d’intéressantes zones de terre intermédiaires: la nomenclature— par exemple— des maravédis ou mancusos pour les monnaies offre peu de doute sur leur origine andalusíe pendant la période en question. En fait, le nom maravédi venait d’almoravide, bien qu’il put se déplacer vers le territoire chrétien pendant la période almohade. Il est spécialement intéressant de voir la façon avec laquelle Alphonse VIII de Castille (mort en 1214) copia les monnaies andalusíes du roi de Murcie— ce que l’on a appelé les maravédis mvqjopt, à cause de Lope ou loup, nom de ce roi du Levant Ibn Mardanis. Une donnée des plus intéressantes à ce sujet est que même si les chrétiens introduisirent des changements dans les légendes des monnaies, celles-ci continuèrent à se frapper en arabe. Tant le successeur d’Alphonse VIII— Henry I—, que les autres rois péninsulaires— Léon et Portugal, au moins— dans différents coins de la proto-Espagne l’imitation des monnaies andalusíes continua. À ce sujet, dans le livre intéressant de numismatique de Lavoix, l’on peut voir une monnaie écrite en arabe dont la traduction signifie: Jnbo!ef!mքhmjtf!Disujfoof-!mf!Qbqf!Spnbjo/!Bv!opn!ev!Qsf-! fu!ev!Gjmt-!fu!ev!Tbjou!Ftqsju/!Dfmvj!rvj!dspju!fo!mf!Ejfv!Vojrvf! MÖpsesf!qsjqisjrvf 678 fu!tpju!fo!MvjÒ!tf!cbqujtfÒ-!tf!tbvwfsb.298 Le ton— bien que la référence soit plus tardive (1255)— nous montre celui qui était utilisé dans les correspondances internationales pendant la période almohade. Des temps poreux— fractals—, d’indubitable valeur culturelle et de difficile dissection, bien que la propre volonté almohade et chrétienne— respectivement— ainsi le prétendissent. 8/3/4/!Mbt!Obwbt!ef!Upmptb!)2323* § 1. Quand en 1199, arriva à la dignité califale le quatrième almohade, Abû Abdala, il était déjà évident que l’expansionnisme almohade était moins une menace que menacé, avec deux fronts en tension permanente: au nord d’al-Andalus la première, et dans le propre nord de l’Afrique la seconde. Il existe une séquence historique composée de trois échecs militaires in crescendo qui justifient la propre conviction qu’un repli almohade aurait été nécessaire; mais une victoire centrale— Alarcos— offrit peut-être un mirage d’un nouveau début, que ce dernier Almohade significatif pût désirer remémorer. Ne s’étant pas produit ni telle remémoration, ni un nécessaire repli pragmatique, se déchaîna, probablement, une accélération de la fin almohade. Provenant des échecs des prédécesseurs d’Abû Abdala, la séquence est la suivante: – Un choc sans aucune avance à Ivfuf, vers Cuenca, en 1172. – Une coûteuse retraite de Tboubsfn— Portugal— en 1184. Toutes deux (Huete et Santarem) sous le second calife almohade, Abû Yaqub. § 2. Finalement une absence sous tension d’affrontements militaires pendant le troisième califat d’Abû Yûsuf, faisant exception le succès consolidateur de la bataille d’Alarcos en 1195. Et un échec almohade définitif; retentissant, définitoire pour le changement de signe dans la tension conquérante entre chrétiens au nord et Almohades au sud: Las Navas de Tolosa en 1212. L’échec militaire se produisit sous 298 Henri-Michel Lavoix, Dbubmphvf!eft!npoobjft!nvtvmnboft!ef!mb!Cj. cmjpuirvf!Obujpobmf 3 Vol. Volume II Ftqbhof!fu!Bgsjrvf. Paris: Bibliothèque Nationale, 1891. Pièce 1133 (dernière). 679! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou le quatrième souverain almohade, Abû Abdala, un an avant de sa propre mort à Marrakech, où il alla se reclure après le désastre. § 3. Dans la plus fidèle tradition, Abû Abdala, était de mère chrétienne de prénom Fleur— Zahra. La mission que pouvait lui réserver le destin fut, précisément, de mettre en tension un empire en processus de démembrement, avec le nord de l’Afrique soumis aux tentatives de relève de la part des Bénimérinis, Nasrides— les deux familles de présence ultérieure si remarquable dans al-Andalus —, ainsi que les Banu Ganiya— qui avaient d’importants liens commerciaux jusqu’avec les Pisans et les Génois—, et s’étendaient jusqu’à la Tunisie. Abû Abdala avait besoin d’une centrifugeuse légitimiste autour d’une bataille cruciale qui puisse produire l’effet espéré, c’est-à-dire une victoire transmise à tous les coins de l’ancienne influence almohade. De même que son père avait compté avec la bataille d’Alarcos (1195) pour, simplement, se consolider dans le siège califal, cet Abû Abdala élut le front de Úbeda. La nouvelle d’une victoire dans al-Andalus pourrait s’envoyer comme un crédit almohade suffisant dans sa propre zone d’influence primitive— le Maghreb—, et pourtant il se produisit exactement le contraire. Si— en matière géométrique— deux points marquent une ligne droite, l’échec dans Las Navas de Tolosa de 1212 signala une notion du temps qui donnait une signification spéciale à un fait antérieur: l’entrée d’Alphonse VI dans Tolède (1085). Ces efvy! gbjutÒ!Upmef!fo!2196 et Mbt!Obwbt!ef!Upmptb, 2323— ne feront rien d’autre que placer comme jepmphjf!ef!mքubu un mythe préalable— même— au rêve de tel État. Ce mythe est la Reconquête, et le troisième point, définitoire maintenant; suivant la trajectoire tracée par les deux faits précédents ce sera la prise de Séville par Ferdinand III en 1248. § 4. Il sera impossible de réfuter le destin impératif d’un processus de conquête senti comme récupérateur; d’une période convulsée marquée— a posteriori— comme religieux. Dans la pratique, à partir de 1248 jusqu’au collapse du dernier bastion andalusí— Grenade 1492— il s’écoulerait deux siècles et demi dans un territoire effectif de frontière, pendant qu’al-Andalus se transmutait: il passa de territoire à composant par filtration. D’Europe, évidemment; pour sa géographie, pour sa séquence qualitative, et pour l’inclusion ir- MÖpsesf!qsjqisjrvf 67: réfutable des réussites civilisatrices andalusíes dans le bagage de la Renaissance; inclusion qui ne se produisit pas dans l’Orient arabe dans les mêmes termes. C’est ainsi que le 16 août 1212 se produisit un fait militaire définitoire du destin andalusí, et, sans aucun doute, du chrétien. Bien que l’on insiste toujours sur la mphjrvf! edbefoujtuf, ce qui se passa dans Las Navas de Tolosa— à côté de Úbeda— ne fut pas tant un difd! bmnpibef — ou andalusí— qu’un succès des chrétiens du nord. Le destin complotait— quoi sinon?-; il était impossible de prévoir que les révoltes anti-almohades du nord de l’Afrique pussent coïncider chronologiquement avec la plus grande coalition des royaumes chrétiens péninsulaires. Ces royaumes qui arrivèrent à la bataille en trois blocs dont la croissance bwbju!vof!sbjtpo!dpnq. ujujwf au détriment de l’adversaire: le bloc central d’Alphonse VIII de Castille, et les latéraux de Sanche VII de Navarre— le Fort—, et Pierre II d’Aragon. L’armée almohade et andalusíe fut démantelée, et le calife mourait un an après à Marrakech (1213). C’est ainsi, et non sans vivre des décennies incertaines de cahots califales, qu’en 1268, la confédération des Bénimérinis prenait définitivement cette capitale almohade, évinçant ainsi les unitaires. § 5. Le Castillan Alphonse VIII (1158-1214) sera connu dans les chro- niques comme celui de Las Navas de Tolosa. Il avait perdu avant la bataille d’Alarcos (1195), et ce mode de se dédommager en 1212 le situerait dans l’histoire comme l’aplatisseur du chemin de deux de ses successeurs— Ferdinand III le Saint, Alphonse X le Sage— se faisant imparable la poussée expansionniste du nord vers le sud andalusí. Mais ne dramatisons pas militairement; al-Andalus avait encore deux cent cinquante ans de décroissante— il est vrai— vie territoriale. Comme les qbsjbt-!en vigueur pendant les périodes taifas, ne se payaient plus, dans ce qu’il reste de temps andalusí il faudra arbitrer de nouveaux mécanismes pour les remplacer: ou rétablir le système des qbsjbt ou au contraire s’affronter au destin voué à l’échec militaire face à des chrétiens imbattables en bloc. Castille, au contraire, avancera vers son intégration avec Léon— et encore plus loin. Cette Castille, en fait, s’était déjà sfgpoef avec décision: Alphonse VIII était monté sur le trône à trois ans, et l’inhérente débilité structurelle lui fit perdre une partie du territoire légué par 681! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou son père— Sanche III. Sa biographie coïncide, ainsi, avec la récupération d’un territoire, la consolidation de Castille face aux expansionnismes naturels de Léon, Aragon et Navarre, et se situer avec facilité comme arbitre de la vie péninsulaire. En 1209, il avait fondé la qsfnjsf!vojwfstju!ftqbhopmfÒ!Qbmfodjb—: d’une certaine manière, la péninsule Ibérique s’ouvrait à une Europe universitaire interconnectée, incluant un nom moins connecté al-Andalus— avec l’Orient arabe, car cette période essentielle produirait des personnages comme Jco! Uvgbzm et Bwfsspt, mais aussi Nbjnpojef. Entre les rigueurs des voilés, était apparue la plus frappante production intellectuelle andalusíe. Mb! dp–odjefodf! qojotvmbjsf! ef!Qbmfodjb-!Bwfsspt!fu!Nbjnpojef est— probablement— vof! ef!opt!nfjmmfvsft!qbhft, jamais lues complètement. 8/4/!Gspoujsf!fu!qfotf § 1. Mb!sfqfoujob!bofyjpo!ef!hsboeft!nbtbt!ef!qpcmbdj˜o!nvtvm. nbob!z!kve“b-!qptffepsbt!ef!vo!fmfwbep!ojwfm!dvmuvsbm-!qfsnjuf! mb!bqbsjdj˜o!z!fm!eftbsspmmp!ef!vob!joufotb!wjeb!joufmfduvbm!rvf! mmfhbs“b!b!tv!doju!fo!mpt!e“bt!ef!Bmgpotp!Y!fm!Tbcjp.299 De cette façon, Miguel Avilés exemplifie la sage période de frontière inaugurée dans la péninsule Ibérique des années 1200. Son représentant le plus important sera précisément le concept de zégri; homme de frontière dans sa péripatétique survie culturelle. Cette première Université de Palencia, l’énorme delta culturel qu’était déjà Tolède, additionnée à la période terminée récemment d’Averroès et Maimonide, généraient une fertile dichotomie culturelle. Moins de dichotomie en ce qui concerne la comparaison que dans la coïncidence temporelle isolée, il faut bien le dire; si cette Université de Palencia eût pu recevoir dans ses amphithéâtres les créateurs de ce qui venait de se produire dans al-Andalus— comme ainsi se produirait, en bref, à Tolède—, nous aurions pu écrire l’histoire ibérique de l’Europe— il s’agit ici d’une exagération illustrative. 299 Miguel Avilés Fernández (et autres), Mpt!sfjopt!dsjtujbopt!fo!mb!Febe! Nfejb. (Nueva Historia de España, vol.7). Madrid: Edaf, 1994, page 10. !MÖboofyjpo!tvcjuf!ef!hsboeft!nbttft!ef!qpqvmbujpo!nvtvmnbof!fu!kvjwf-! rvj!qpttebjfou!vo!ojwfbv!dvmuvsfm!mfw-!qfsnfu!mÖbqqbsjujpo!fu!mf!ewfmpq. qfnfou!eÖvof!wjf!joufmmfduvfmmf!joufotf!rvj!bssjwfsbju!‰!tpo!{ojui!qfoebou! mf!shof!eÖBmqipotf!Y!mf!Tbhf (N. T.). MÖpsesf!qsjqisjrvf 682 La dichotomie culturelle, l’idée de frontière, non seulement se trouvait entre le nord et le sud; bientôt, après la prise de Séville par Ferdinand III (1248), s’ouvrira une nouvelle csdif!mjnjuspqif! fousf!dfuuf!dbqjubmf!fu!mf!gvuvs!spzbvnf!ef!Hsfobef, qui se prolongera dans le temps jusqu’à générer et fixer la propre coutume historique du wpjtjo!usbohfs. En réalité, aucune frontière péninsulaire ne s’allongea autant dans le temps que celle qui existait entre Séville et Grenade— serait-elle l’origine de la dualité particulière andalouse? Aucune ne s’édifia avec autant de territoire intermédiaire, pâture de soldats de fortune, commerçants et étiquetage d’idéologie.300 § 2. Lorsque— dans les prolégomènes des faits historiologiques à travers lesquels nous avançons—, nous proposions un regard en biais systématique à ce que l’on a appelé raison de frontière, d’usage pratique ébauché par Eugenio Trías, nous pensions précisément à la période dont nous nous occupons maintenant. Car, dans l’ouverture historique des années 1200, il est complètement erroné aligner des courants de pensée au nom du fait identitaire qui, bien plus tard, l’on a voulu lui assigner. Du grand historiologue Hegel— nous rappelant tant Ibn Khaldûn—, nous pouvons ressortir que tout philosophe— chercheur de motifs pour expliquer des raisons d’égarements— devrait s’occuper de donner une forme conceptuelle de l’époque. Et, à ce sujet, nous nous trouvons avec les frontières de cette période. Parce qu’il s’agit de cela: dans al-Andalus, dans cette période en cours, il n’y a pas de penseur éminent qui se considère divisé par des conditionnements identitaires, bien qu’ils soient orgueilleux de leurs respectives lignées. Il n’y a pas non plus de penseur qui soit dpnqmfy par son entourage. Bien au contraire, Maimonide— centre de pensée rationaliste judaïque et/ou Averroès respectivement en rapport avec le rationalisme musulman, en réalité ils ne font rien d’autre que représenter vo!tfvm!sbujpobmjtnf!boebmvt“, arabo-islamique comme coupole civilisatrice, contagieux, de multiples sources; mjnjuspqif. Et nous vîmes déjà que les mjnft— pépinière configuratrice de l’étymologie du mot mjnjuspqif — doit être toujours fyqmps-!ibcju!fu!dpmpojt. 300 Manuel Rojas Gabriel, Mb!gspoufsb!fousf!mpt!sfjopt!ef!Tfwjmmb!z!Hsb. obeb!fo!fm!tjhmp!YW (1391-1481). Universidad de Cádiz, 1995. 683! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Ne cherchons pas de colonialisme militaire dans ce dernier, mais plutôt susurre civilisateur du croisement: nous définissons comme limitrophes ceux qui s’alimentent du grec uspgfjo s’alimenter— eft! gsvjut! dvmujwt! ebot! df! mjnft. En définitive: la frontière sera le lieu ontologique d’essai et de définition de notre condition. Sans contraste-!tbot!gspoujsf-!ufmmf!eßojujpo!oÖftu!qbt!qpttjcmf.301 Et seule en elle fleurit la pensée que l’on peut réinsérer, adapter; elle est omni-compréhensible. § 3. En définitive: nous sommes évidemment, fils de notre temps, al-Andalus n’est pas l’espace d’Averroès ou Maimonide, mais vice versa: tous deux furent ce qu’ils furent car ils étaient fils d’un alAndalus particulier et critico-limitrophe. Cet al-Andalus est minimisé dans le temps qui lui reste encore: à partir de Las Navas de Tolosa (1212) l’on dirait que tout fut une descente jusqu’à la date de salvation 1492. Mais bien que Jiménez de Rada s’obstinât— autour des années 1200— à dilater le concept apocalyptique de l’jowbtjpo! ef!822!fu!ef!mÖIjtqbojf!ljeobqqf; bien qu’il situât la tâche péninsulaire comme étant la Reconquête, non moins certaine la célèbre affirmation d’Ortega y Gasset: une reconquête de huit siècle n’est pas une reconquête. Quelque chose a dû rester dans l’encrier. Il est possible que la particularité andalusíe, celle qui réellement pût contribuer à cette grave— et!fohfoesf!qbs!qmvtjfvst— Renaissance européenne, fût le transvasement de ce temps limitrophe qui maintenant se faisait paradigmatique. Opo!qbt!vof! Ftqbhof!ef! uspjt!dvmuvsft<!opo!qbt!vof! dpfyjtufodf!boebmvt“f<!nbjt!ev! tboh!fu!ev!gfv!qfoebou!rvf!mÖpo!bddpvdibju!vof!sfobjttbodf! à cause de l’enceinte des langues, des sources, des réfutations et obligations errantes. De façon générale, cette époque de courtisans taifa— qui, en réalité, continua pendant la période nord-africaine — eut une non moins fleurissante émergence poétique, exemplifiée par des auteurs comme Ibn Zaydun ou le paradigmatique roi-poète al Mu’tamid. 301 Dans notre lecture limitrophe, nous devons beaucoup à la raison limitrophe de Trías, ainsi qu’à son fidèle interprète José María Fernández Rodríguez. Voir, pour le moment, Eugenio Trías, La política y sus sombras. Barcelona: Anagrama, 2005. Toutes les idées exposées ici proviennent des pages 10 à 33. MÖpsesf!qsjqisjrvf 684 § 4. De lui, García Gómez dira: tj! ftuf! efmjsjp! vojwfstbm! qps! mb! qpft“b!ivcjfsb!ef!tjncpmj{bstf!fo!vob!tpmb!qfstpob-!ibcs“bnpt! ef!fmfhjs!b!bm.Npubnje.302 Nous citions également à son complexe alter-ego Abenámar, et même des vers émouvants d’Ibn al-Labbana au sujet de l’exil du roi poète comme punition pour le laxisme taifa. Très bien: la poésie— comme tout le monde sait— est de celui qui la nécessite, elle devra survivre entre les chemins périlleux dans des périodes de changement. Un certain Ibn Wahbun, de l’entourage d’al-Mu’tamid, le seul qui osa dédier une élégie à l’ami destitué Abenámar après sa mort, souffrira l’effet détonant des voilés à travers les villes. Fuyant Murcie avec un autre poète Ibn Jafacha— célèbre pour ses florissants jardins de vers—, tombera aux mains de chrétiens voleurs de grand chemin. L’incomparable García Gómez, transmetteur juste de tant de poésie arabe, avait retourné dans sa tête le sujet nord-africain et la manière par laquelle al-Andalus s’était mis le voile, avec l’usure poétique qu’implique l’obligation de tvjwsf!vof!opsnf. Ce poète de Malaga, Ibn al-Sarrach, avec ses célèbres muses au nom fleuri— Ivtobmxbse, la beauté de la rose; ou Btibs, plus fleurissante, — où en était le temps de la rigueur? Ainsi, tf!qptbju!mb!rvftujpo, disions-nous, García Gómez— dans une velléité d’ijtupjsf.ßdujpo—, rvÖbvsbju.u!eÖbm.Boebmvt!tbot!mÖipnphojtbujpo!njmjubjsf! opse.bgsjdbjof? De quelle manière aurait pu se soutenir la situation préalable? L’hypothèse de García Gómez nous renvoie à un contrôle alternatif chrétien: les royaumes du nord— en particulier, Castille, auraient établi un système de qbsjbt favorable aux deux parties. De cette manière— spéculait-il les Taifas économisaient la plus que probable déroute militaire, et les chrétiens économisaient l’occupation d’un énorme territoire. § 5. Le plus significatif de García Gómez— dans ce cadre— est la réponse à sa propre question:— ibcs“b!tjep!qptjcmf-!fo!mb!Ftqb—b! fo! djfsoft-! vo! ftubep! joufsdpogftjpobm! fo! fm! rvf! Dbtujmmb! iv. cjftf! dpnfo{bep! b! ufofs! dpnp! bqoejdft! b! vopt! qspufdupsb. ept! bsˆcjhp.boebmvt“ft-! rvf! ibcs“bo! bdbcbep! qfsejfoep! upeb! tv!joefqfoefodjb!qpm“ujdb-!qfsp!op!ofdftbsjbnfouf!tv!tjtufnb! 302 Si ce délire universel pour la poésie pourrait avoir comme symbole une seule personne, nous devrions élire à al-Mu’tamid. (N. T.) 685! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou dvmuvsbm@! Et García Gómez de répondre— Âwbzb!vtufe!b!tbcfs"!303 Mais cela ne paraît même pas plausible dans les termes minima de cette histoire-fiction citée. L’Espagne bourgeonnante— à laquelle faisait référence ce sage arabiste— n’accepta d’aucune façon telle diversité, ni al-Andalus auto-aliéné,— et l’enkystement résiduel morisquisé—, allait participer dans tout cela. Simplement, bm.Boebmvt crut probablement le conseiller Sisenand: il tf! tfouju! ev! efipst. C’est quelque chose qui ne cadre pas très bien avec l’bnpvs! boebmvt“! bv! ufsspjs qu’il y avait avant: quand nous lisons les vers de Zaynab et Hamda, les Cspou’ de Guadix, les Sapho d’al-Andalus; quand l’on perçoit la manière avec laquelle elles furent reconnues à leur époque pour chanter les excellences du fleuve Genil— celui des njmmf!Ojm, en andalusí une exagération—, ou la beauté des montagnes de Guadix; quand l’on se pose la question— à la fin, avec García Gómez—, sur l’essence des choses et les nations, cette indéfectible perception du spvmfbv! dpnqsfttfvs!ef!mÖijtupjsf, il en ressort un terrible découragement. Cet Ibn Bassam rvj!sfqfjou!mft!cmbtpot, déprécia dans son œuvre de compilation l’art poétique populaire, dans une coïncidence probable avec l’idéologie du régime. § 6. Mais il est injuste d’élaguer la poésie andalusíe; c’est pour cela que la dénonciation de García Gómez a un sens: l’éclipse de la poésie dans la période nord-africaine. Une poésie presque exclusivement suivit par un exilé de Valence au Maghreb— Ibn Jafacha (né en 1058) et déjà cité-; nostalgique d’un al-Andalus auquel il adresse ses vers: Tj! wjwjtuf! fo! Bm! èoebmvt! op! ufnbt! bm! joßfsop/! Kbnˆt! fousbsˆ!fo!m!rvjfo!wjwj˜!fo!fm!qbsb“tp/! Et aussi: rv!mfkpt!nf! ibmmp! efm! qbsb“tp-! ef! Bm! èoebmvt/! Fm! dpmps! ef! tvt! opdift! mpt! upn˜!ef!mpt!mbcjpt!ef!vob!npsfob<!z!tjfnqsf!rvf!mf!wjfoup!tpqmb! ef!bmm“-!eftef!nj!ujfssb-!hsjub!nj!b—psbo{b;!Âbz!ef!n“<!bz!ef!nj! Bm!èoebmvt"!304 Il ne paraîtrait pas, d’après tout ceci; que l’on sentît 303 Bvsbju.jm!u!qpttjcmf-!ebot!mÖFtqbhof!cpvshfpoobouf-!vo!ubu!joufs. dpogfttjpoofm!ebot!mfrvfm!Dbtujmmf!bvsbju!dpnnfod!‰!bwpjs!dpnnf!bqqfo. ejdft!eft!qspufdupsbut!bsbcft.boebmvt“t-!rvj!bvsbjfou!ßoj!qbs!qfsesf!upvuf! mfvs!joeqfoebodf!qpmjujrvf-!nbjt!qbt!odfttbjsfnfou!mfvs!tztunf!dvmuv. sfm@!García Gómez répond— Bmmf{!epod!tbwpjs"!(N. T.) 304 Tj!uv!wdvt!ebot!bm.Boebmvt-!oÖbjft!qbt!qfvs!ef!mÖfogfs/!Kbnbjt!oÖz!fo. usfsb!dfmvj!rvj!wdvu!ebot!mf!qbsbejt/!Et aussi;!ð!dpncjfo!kf!nf!uspvwf!mpjo! MÖpsesf!qsjqisjrvf 686 de l’intérieur la prétendue normalité identitaire, mais plutôt une autre— une de plus— perdue. Cet Ibn Jafacha surnommé— nous le voyions— mf! kbsejojfs, à cause de sa frappante poésie florale, nous légua des intéressants— bien que lugubres— poèmes sur l’vcj!tvou, ou d’une grave introspection pratiquement similaire à celle de Juan Ramón Jiménez, comme dans son célèbre dédoublement de son: puspÒ!op!zpÒ-!tf! wjfof!ibsuboep!ef!qmbdfsft-!ef!bnps-!ef!wjop. Ftf!dpnp!zp!ef. cfsˆ!qspoup!sfujsbstf-!qbsb!bt“!qpefs!sffodpousbstf!dpo!tvt!mˆ. hsjnbt.305 Mais surtout, la poésie vulgaire la plus vilipendée par les Nord-africains trouvera son zénith avec le Cordouan Jco!Rv{nbo (né en 1087). Il se distingua dans la poésie composée de strophes comme le {fkfm, un des grands apports andalusís à la littérature arabe en général, comme il sera reconnu communément en Orient. Dérivée de la technique des jnqspnquvt populaires du Nvrbe. ebnmÖBwfvhmf!ef!Dpsepvf — vers les années 900—, il obtiendrait ses plus grands succès qpqvmbdjfst avec cet Ibn Quzman, décrit par García Gómez comme cvwfvs!fu!tfyvfmmfnfou!bncjwbmfou/ Avec l’incorporation croissante des expressions romances, arrivera la dérivation des strophes de la npbybkb, véritable poésie de frontière. § 7. Ces brefs choix poétiques qui rappellent l’époque taifa et son contraste ont un sens: dans ces périodes de frontières, telle perception poétique se distingue en excès, peut-être à cause de la conviction émouvante de: ce qui fut taifa fut poétique et était bien différent des essais de l’époque nord-africaine. Et c’est dans tout ceci, peut-être que se trouve une nuance de cet alinéa de frontière et pensée illustratrice d’une époque qui se refermait: la poésie s’accordait bien moins avec le sens d’élite sensée être intellectuelle que fomentaient les élites puristes nord-africaines, étayées par la rigueur malékite. C’est-à-dire: mb! dfotvsf! gvu!dpnqbujcmf!bwfd!Bwfsspt, bien ev!qbsbejt-!eÖbm.Boebmvt/!Jm!b!qsjt!mb!dpvmfvs!ef!tft!ovjut!eft!mwsft!eÖvof! csvof<!fu!dibrvf!gpjt!rvf!mf!wfou!tpvgàf!ef!m‰.cbt-!ef!nb!ufssf!mpjoubjof-! nb!optubmhjf!dsjf;!imbt"!Qbvwsf!ef!npj"!Imbt"!Npo!bm.Boebmvt" (N. T.) 305 Vo!bvusfÒ!qbt!npjÒ-!tf!sbttbtjf!ef!qmbjtjst-!eÖbnpvs-!ef!wjo/!Dfmvj. m‰!dpnnf!npj!efwsb!cjfoušu!tf!sfujsfs-!qpvs!qpvwpjs!bjotj!tf!sfuspvwfs!bwfd! tft!mbsnft/ (N. T.) 687! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou qu’il tombât en disgrâce occasionnellement nbjt!opo!qbt!‰!dbvtf! ef!mb!gsjwpmf!fu!dpvsujtbof!qptjf. Au point de vue chronologique, cette qprvf!eÖfttbjt qui nous occupe est celle de djor!opnt,! épitomés de la pensée andalusíe avec une!coïncidence biographique si proche, que nous pouvons difficilement proposer leur existence comme des exceptions, àfvst!eÖvo!kpvs. Bien au contraire, disions-nous, une école; bvdupsjubt!ef!mb!sfobjttbodf. Les cinq noms sont— par ordre, disions-nous chronologique—: Avempace, Ibn Tufayl, Averroès, Maimonide et Ibn Arabi. 8/5/!MÖbvdupsjubt!boebmvt“f – Avempace (1070-1138) – Ibn Tufayl (1110-1185) – Averroès (1126-1198) – Maïmonide (1135-1204) – Ibn Arabi (1165-1240) § 1. De Saragosse Ibn Bayyah— Avempace, le premier que nous signalerons—, passe pour s’être distingué comme musicien, et pour avoir même rédigé un certain traité de musicologie— aujourd’hui perdu. Il avait également écrit— paraît-il — des zejeles. Il s’agit du portrait même du sage andalusí— arabe en général—: polygraphe et homme inquiet de son temps. Dans la complicité particulière— déjà esquissée— avec les exposés selon lesquels al-Andalus serait une renaissance de plus, ceux qui configuraient la floraison de la culture européenne— comme glorieuse ampliation du Moyen Âge— , l’on trouve spécialement réconfortant le parallélisme entre les personnalités, les aptitudes— et les attitudes— andalusíes et leurs corrélatifs nord-européens. Cet intérêt pour la musique comme source de formation sera partagé par certains hommes de la renaissance, même de tfdpoe! sboh. C’est le cas, du propre père de Galileo Galilei, le tpvt.ftujn Vincenzo Galilei, qui avait été un grand musicologue, nous léguant un Usbju!ef!mb!nvtjrvf!bodjfoof appartenant particulièrement à la renaissance. Dans ce traité, Vincenzo esquisse une comparaison entre la musique ancienne et la npefsof, avec l’important orgueil propre de la Renaissance. D’après les références que nous donnons sur un tel traité similaire d’Avempace, son auteur établit un orgueil MÖpsesf!qsjqisjrvf 688 comparable pour mf!ojwfbv!ef!m֏qprvf. Le penseur sent qu’jm!ftu! bssjw!‰!tpo!cvu!fu!bv!qpjou!dvmnjobou; une certaine phase médiévale a été dépassée. § 2. À nouveau bienvenus à la Renaissance; mais viendrons des périodes d’interruption. Pour le moment, et concrètement, Avempace se rendra remarquable comme essayiste— trait générique évident, celui-ci aussi— et pour ce que nous décrit Miguel Cruz comme introduction des gbmbtjgb dans al-Andalus. C’est-à-dire, des philosophes ‰!mb!hsfdrvf; des savoirs comme continuité de ceux des grecs et en grande mesure en dette avec le platonisme ou l’aristotélisme. En réalité, la profondeur de la connaissance des néoplatoniciens, ainsi que l’occasionnelle confusion entre les textes de Platon et Aristote, provoquera un intéressant mélange de création et de commentaires. Dans un autre endroit, nous avons commenté la manière avec laquelle l’on considéra, entre les penseurs arabes, à Aristote comme étant le premier maître, le second étant l’oriental al-Fãrãbî. Un peu après, l’on parlerait d’bm.Ljoej comme le philosophe des Arabes, l’on comprenait les commentaires d’Bwjdfoof ou l’on défendait institutionnellement ceux d’Bmhb{fm— comme nous l’avons déjà vu. À la longue, qfstpoof! fo! Fvspqf! qpvssb! bssjwfs! ‰! Bsjtupuf!tj!df!oÖftu!rv։!usbwfst!tpo! dpnnfoubufvsÒ!Bwfs. spt—, qui a été!postulé par le juif Maïmonide un coreligionnaire qui s’intéressait à Aristote. En définitive: bjotj!t֏ubcmjttbju!mb!d. mcsf!fu!gfsujmf!bvdupsjubt<!mb!dib•of!ef!usbotnjttjpo— maître et disciple— en matière de pensée, qui se tendait depuis l’Orient et fleurissait dans al-Andalus. § 3. Après la lecture de certains commentaires philosophiques actuels, nous pourrions déduire que la pensée arabe classique fonctionnait comme une permanente compétition. Le très actuel penseur marocain Abed al-Yabri, participe de cette dichotomie interprétative proposant une grave césure entre ce qu’il appelle méthode spéculative— suivie par Avicenne, al-Fãrãbî et Algazel—, ainsi qu’une résolution grâce à la méthode démonstrative d’Averroès— sur laquelle nous nous détiendrons plus tard. Ce système de dissection sportive est peut-être plus utile pour la didactique, mais il éloigne sûrement le lecteur formé d’une vérité indubitable: le philosophe a beau argumenter et contre-argumenter, l’on a beau 689! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou réfuter— et réfuter les réfutations—, la dialectique qui existe n’annule pas les courants de pensée ni oblige le lecteur contemporain à se montrer averroïste ou anti-avicenniste; par exemple. La svquvsf!qjtunpmphjrvf!306 esquissée par Bcfe!bm.Zbcsj est très illustrative, même si un peu dirigée, selon ce que nous pouvons voir: parce que les choses ne sont pas toujours à l’état pur, et parce qu’il est en général erroné— d’un point de vue scientifique— fomenter un système de dmvc!ef!mb!qfotf. Il n’est même pas valable lorsque l’auteur marocain prétend honorablement: kfufs! ev! mftu oriental pour élever ainsi Averroès à une catégorie plus contemporaine. Son deuxième objectif— et dernier but, il faut le dire—, est un subséquent et particulier «jeter du lest oriental» depuis le Maghreb, pour un bon intellectuel marocain— ainsi est Abed Yabri—, pour ainsi bepttfs certaines réussites occidentales arabes d’une façon quelque peu artificielle, entendant par là la production comparable entre le nord et le sud d’Occident arabe; c’est-à-dire, al-Andalus et le Maghreb. § 4. La façon avec laquelle s’enlacent Averroès et Ibn Khaldûn pour arriver à ce but est quelque peu forcée, mais— comme nous le disions à propos de la poésie—, al-Andalus est de celui qui le nécessite. En tout cas— selon notre modeste opinion— c’est la propre chaîne de bvdupsjubt orientale celle qui conduit Averroès au lieu que lui réserverait l’histoire: les sources de la pensée occidentale. Nos raisons sont de simples regards à partir du temps qui passe; la manière avec laquelle Averroès fut interdit— donc, lu et suivit— dans la Sorbonne de Paris, et non dans la Qarawiyyin de Fès. Mais ici Yabri pourrait argumenter que l’on prétend quelque chose de similaire à ce qu’il cherche. Et probablement a-t-il raison. Obonpjot-! rvf! mf! ßmt! tpju! ef! rvj!rvf!df!tpju-!mÖjnqpsubou!ftu!rvf!opvt!of!mf!dpvqjpot!qbt!fo! efvy. Et pour nous centrer sur la question— que le temps presse—, suivons un peu plus, pour son mérite, Yabri dans son introduction sur Avempace: Ibn Tufayl disait de lui qu’il était— essentiellement— celui qui commença à tourner et retourner les choses dans al-Andalus, après que tous les sages eussent été longtemps obsédés par les 306 Mohamed Abed Yabri, Fm!mfhbep!ßmpt˜ßdp!ˆsbcf. (Tr. Manuel C. feria García). Madrid: Trotta, 2001, page 268. MÖpsesf!qsjqisjrvf 68: mathématiques et les sciences connexes. Donc, il paraît certain que mf! qsfnjfs! gbzmvtvg! boebmvt“— comme il était annoncé— qŸu! bwpjs!u!Bwfnqbdf. Bwfnqbdf!)2181.2249* § 5. Brièvement, sa grande contribution à la Culture Universelle est l’œuvre sans parangon appelée Mf!shjnf!ev!tpmjubjsf. Quand, le moment venu, l’historien al-Marrakuchi trace la carte de la pensée andalusíe partant de l’indispensable Ibn Hazm, l’influence atteindra, précisément— à travers une chaîne d’autorités d’une certaine crédibilité— Avempace; errant exilé de sa terre natale à cause de la pression d’Alphonse I le Batailleur, et qui un jour arrivera fatalement à Fès, l’andalusíe.307 Fatalement, non pour la ville, mais à cause d’aubergines empoisonnées qui en finirent avec sa vie, malgré ce que raconte la légende. Mort beaucoup plus méditerranéenne— cela ne fait aucun doute— et plus philosophique que n’importe quel épisode militaire: des aubergines et du poison, Méditerranée et Socrate à l’état pur. En tout cas, ce qui passa à l’histoire ce furent ses livres non les aubergines: l’on en compte plus de quarante, en grande mesure personnalistes et éthiques. Parce que telle est l’occupation raisonneuse d’Avempace en premier lieu: acheminer la personne vers une richesse intérieure de longue préparation. Son Shjnf! ev! tpmjubjsf est un livre oriental et spiritualiste qu’aujourd’hui nous appellerions injustement d’bvup!bjef!mais qui, dans la pratique, exemplifie d’une manière assez simpliste la recherche que doit entreprendre l’esprit pour dépasser l’instinct et atteindre le grade suprême de l’être: la sagesse. La solitude humaine serait, dans ce sens, un grade maximum de rencontre après la pénible et nécessaire résolution de certaines imperfections environnantes, spécialement celles qui dérivent de la wjmmf!jnqbsgbjuf; l’entourage social qui, ayant pu être le berceau de la sagesse recherchée, est en réalité le nid instinctif duquel nous devons nous échapper. Cet al-Fãrãbî et sa wjmmf!jebmf, ou les références collatérales aux différentes Sqvcmjrvft, à la fin de perfection impossible, sont assu307 C’est évidemment, un clin d’œil poétique. Le Guatémaltèque Gómez Carrillo avait appelé son œuvre sur la ville marocaine, Gt-!mÖboebmpvtf (Rééditée par González Alcantud à Grenade: Archivum, 2005). 691! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou mées par Avempace dans un fttbj!fu!fssfvs scientifique et dépassé jusqu’à arriver à l’équilibre idéal de son shjnf!tpmjubjsf. Jco!Uvgbzm!)2221.2296* § 6. Pour sa part, la recherche du savoir et la société parfaite— grâce à la critique des imparfaites— se déplaceront, par une influence magistrale, jusqu’à l’œuvre centrale d’Ibn Tufayl de Guadix (1110-1185), l’Abentofáil308 des chroniques. Il s’agit de Mf!qijmptpqif! bvupejebduf, l’histoire d’un certain Hayy Ibn Yaqzan, nom que l’on peut traduire par dfmvj rvj!ftu!wjwbou-!ßmt!ef!Dfmvj!rvj!wfjmmf. Son auteur Ibn Tufayl, est le maillon andalusí préalable à Averroès, et en fait sa relation personnelle est plus que prouvée grâce aux nouvelles véridiques, selon lesquelles ce serait le premier qui présenta le deuxième dans la société almohade de 1169. C’était une époque pendant laquelle le polygraphe andalusí— arabe en général— conciliait sa vie intellectuelle avec son rôle publique de médecin, trait tout à fait andalusí, d’Ibn Tufayl à Averroès ou le Sévillan Avenzoar, ou le juif Maïmonide; ou dans la recherche rétrospective jusqu’à cet autre chambellan juif Ibn Saprut. Il faut souligner un trait réellement intertextuel— comme certain le nommerait—: le sillage européen— nous le verrons— de Mf! qijmptpqif!bvupejebduf sera si sinueux que, paraît-il, les rvblfst anglo-saxons contemple le livre comme une révélation.309 La transcendance de sa lecture arriva jusqu’à ce point-là. Le protagoniste du livre— Hayy— est un enfant qui nous est montré comme un philosophe autodidacte, et de là le nom que l’on donne à la traduction de l’œuvre. Cet enfant, apparu dans une île et élevé par une gazelle, est un exemple de comment émane le savoir de l’intérieur, en faisant des clins d’œil philosophiques à ce Shjnf!ev!tpmjubjsf d’Avempace. Après la mort de la gazelle— qui dans l’imaginaire onomastique arabe représente la beauté— l’enfant découvre la vie avec ses contrastes, et avance peu à peu jusqu’à les résoudre— ou au moins atteindre à se poser la question— les énigmes auxquelles n’importe quel penseur plus socialisé aurait dédié son esprit. 308 Dominique Urvoy, Qfotfvst!eÖBm!èoebmvt/!Mb!wjf!joufmmfduvfmmf!‰!Dps. epvf!fu!‰!Twjmmf!bvy!ufnqt!eft!Fnqjsft!cfscsftÊ 309 Selon Menéndez y Pelayo, Ijtupsjb!ef!mpt!ifufspepypt…, I, page 416. MÖpsesf!qsjqisjrvf 692 § 7. Il y a un fragment sur le temps d’une profondeur particulière: Ibzz!wpzbju!rvf!mft!uitft!tvs!mb!dsbujpo!ev!npoefÒ!wv!rvÖjm! gvu!ds-!dbs!bwbou!jm!oÖfyjtubju!qbtÒ!o֏ubjfou!qbt!ust!dpowbjo. dbouft! tÖjm! of! qbsubju! qbt! ef! rvf! mf! Ufnqt! ubju! qsbmbcmf! bv! Npoef/!Nbjt!tj!mf!ufnqt!gbjtbju!qbsujf!ev!npoef!dpoov-!fu!jo. tqbsbcmf!ef!dfmvj.dj-!dpnnfou!qpvssbju.po!jnbhjofs!ufmmf!t. rvfodf@! Qpvs! mvj! jm! ubju! wjefou! rvf! mÖpo! of! qfvu! qfotfs! bv! npoef!tj!mÖpo!of!qfotf!qbt!bwbou!bv!ufnqt/!Nbjt!bmpst-!rvj!dsb! mf!ufnqt!fu!mf!npoef@!Tbot!epvuf-!ubju.jm!odfttbjsf!ef!qbsujs! ef!mÖjef!eÖvo!Dsbufvs/!Fu!n‘nf!bjotj-!qpvsrvpj!mf!Dsbufvs!ßu. jm!tvshjs!mf!npoef!ebot!vo!npnfou!epoo-!fu!opo!qbt!bwbou@! Qfvu.po!jnbhjofs!rvÖbv!Dsbufvs!mvj!tvswjou!vof!opvwfbvu-!vo! dibohfnfou! qbs! sbqqpsu! ‰! df! rvj! qsdebju@! Nbjt-! rvj! bvsbju! qspevju!ufm!dibohfnfou@! L’auteur avance, de cette manière, avec le lecteur par le chemin de la propre formation personnelle, tout à fait au style grec classique: cet Oracle de Delphes proclamait— Dpoobjt.upj!upj.n‘nf-!fu! uv!dpoob•usbt!mb!obuvsf!fu!mft!ejfvy"! Et ce Hayy était en train de comprendre son entourage à partir de son propre intérieur. Sans fausse modestie, Ibn Tufayl se situe à la cime de la pensée de son époque en esquissant la séquence indiquée auparavant sur l’intérêt intellectuel des Andalusís jusqu’à la floraison de son prédécesseur Avempace. Il est évident que —le temps passant— son niveau ne passerait pas inaperçu: sous la forme narrative du mythe du bon sauvage, ou sa charge en profondeur philosophique à propos des relations entre la foi et la raison, il trouvera un emplacement particulier dans les littératures européennes ultérieures— à nouveau comme clin d’œil évident wfst!pž!t֏dpvmb!mf!dpvst!dvmuvsfm!bo. ebmvt“. § 8. Ibn Tufayl était peut-être conscient de certaines clés interprétatives non encore observées, encadrées dans la plus pure spéculation des secrets. En ce sens, il arrive à affirmer: mft!tfdsfut!rvf! opvt!bwpot!dpoߏ!ebot!df!qfv!ef!qbhft-!opvt!mft!bwpot!mbjttt! dpvwfsut!eÖvo!ßo!wpjmf!rvf!tpvmwfspou!sbqjefnfou!mft!jojujt-! nbjt! rvj! tf! nbjoujfoesb! pqbrvf! fu! n‘nf! jnqousbcmf! qpvs! rvj!of!nsjuf!qbt!ef!mf!usbwfstfs. Évidemment, un passage délicieux pour la littérature d’énigmes. À effets pratiques, il est évident que le! shjnf! tpmjubjsf de 693! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou l’auteur précédent Avempace, ainsi que le cpo!tbvwbhf d’Ibn Tufayl, sont très proches de Jean-Jacques Rousseau et son qspnfofvs! tpmjubjsf, ou son „njmf; même certains exposés de son Dpousbu!tp. djbm, si proche du sillage de la wjmmf!jebmf de l’oriental al-Fãrãbî à travers de ces deux Andalusís. Ou bien directement à travers de ce dernier, vu que son nom latin — Alpharabius— sera bien connu en Europe. § 9. Effectivement, le pont entre cet al-Andalus d’Ibn Tufayl et l’Europe postérieure, a déjà été tracé dans la plus pure ingénierie de transmission andalusíe— dans d’autres lieux à peine ébauchée—, et qui compte indéfectiblement avec des juifs errants traducteurs. Ainsi Mf!qijmptpqif!bvupejebduf fut traduit à l’hébreu par Moïse de Narbonne en 1349, et au latin par Pico della Mirandola à la fin des années 1400. Une seconde version latine fit son apparition en 1671 de la main d’Edward Pococke et, depuis lors,— jusqu’à 1711,— apparurent jusqu’à quatre traductions à l’anglais, tout cela pour expliquer le voyage des thèmes et situations à partir de l’esprit andalusí d’Ibn Tufayl jusqu’à Robinson Crusoé de Daniel Defoe (1719). Samar Attar reprend ce voyage de la thématique du livre à travers les siècles— et les cartes—, dans des digressions réussies sur la présence de Hayy— ainsi que celle de Tjoecbe!mf!nbsjo— dans l’œuvre de Defoe.310 Également dans certains aspects rationalistes de Leibniz (1646-1716) à travers de traductions à l’allemand. Le mélange n’est pas ce qu’il pourrait paraître, mais plutôt un sens d’bvd. upsjubt et de transmission de celle-ci: il y a une ligne clairement tracée d’Ibn Tufayl jusqu’à la Vupqjf de Uipnbt!Npsf, qui pourrait bien continuer sa trajectoire dans une traversée atlantique compliquée et atteindre les terres idéales des Ds˜ojdbt!Sfbmft de l’Inca Garcilaso de la Vega. Pour ne pas parler des célèbres utopies de la Renaissance comme Mb Dju!ev!Tpmfjm de Tommaso Campanella, ou Mb!Opvwfmmf!Bumboujef de Francis Bacon. 310 Samar Attar, «The man of reason: Hayy ibn Yaqzan and his impact on modern european thought». Rvsuvcb!2 (1997), pages 19-47. Également son autre article “Serving God, or Mammon? Echoes from Hayy Ibn Yaqzan and Sindbad the sailor in Robinson Crusoe”. Dans: L. Spaas y B. Stimpson (Eds.), Spcjotpo! Dsvtpf-!Nzuit!boe!Nfubnpsqiptft. London-New-York: MacMillan St. Martin Press, pages 78-97. MÖpsesf!qsjqisjrvf 694 Bwfsspt!)2237.22:9* § 10. Sans vouloir exagérer et faisant abstraction des fureurs du néophyte, l’on pourrait faire l’histoire d’al-Andalus comme celle du parcours qui amène à Averroès, de la même façon avec laquelle l’on peut tracer le sens européen du fait andalusí et coudre ce que l’on a appelé l’averroïsme, sur lequel nous reviendrons. Ceci n’est pas incompatible avec une histoire critique iconolâtre, d’une nécessité si péremptoire. L’Histoire de l’averroïsme européen, pour être celle de la filtration d’al-Andalus, n’est pas exclusivement l’ombre rafraichissante d’Averroès: le moment arrivera durant lequel, de la même façon qu’à tout ce qui sera intéressant et critique hispano sera dit d’influence juive ou des convertis, à tout ce qui change en Europe l’on donnera le nom d’averroïsme. Dans ce sens, l’on donne pour acquis qu’Averroès est la culmination de la pensée andalusíe— et arabe— accumulée; mais donnons également pour acquis que le sillage symbolique des personnages est plus allongé que ceux-ci. De même qu’Érasme serait surpris de son succès en Espagne, Averroès aurait été stupéfait de connaître un certain mouvement en Europe en opposition avec la Scolastique, dans une Renaissance embryonnaire. Pourquoi se produisitil? Qbsdf! rvf! mft! gpoefnfout! ef! shosbujpo! b! qptufsjpsj! pou! ufoebodf! ‰! t֏ujrvfufs! dpnnf! wfobou! ev! efipst. Pour cette même raison, quelques siècles plus tard, Espagne protègera un penseur allemand de second rang— Krause— ajournant toute fièvre nécessaire de croissance, parce que eÖbcpse! mf! cftpjo-! fu! bqst!mÖpshvf. § 11. Le sens initial de tout approche à Averroès est celui de son contexte; celui de sa place dans les voies ouvertes et créatives de la bvdupsjubt arabe. Polémiques à part, Averroès suppose l’assimilation et l’ampliation d’Avicenne et d’Algazel: ce dernier avait écrit— nous l’avons vu— sa Sgvubujpo!eft!qijmptpqift et Averroès répondra par sa célèbre Sgvubujpo!ef!mb!Sgvubujpo/ À effets pratiques, nous insistons, il s’agit plutôt de dépassement que d’attaque: ce qui d’Algazel est surtout analogique— comme application des syllogismes aristotéliques—, chez Averroès c’est logique. Il ne prétend pas des solutions philosophiques, mais plutôt ambiances philosophiques— dans quelle mesure? Probablement, cela devient 695! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou plus clair dans une certaine séquence explicative: Avicenne exemplifiait la ligne de pensée des antiques. À effets pratiques, il s’occupa de l’assimilation musulmane de la pensée grecque. Et nous disons nvtvmnbof à cause de la religion. D’une certaine manière, ce qui arrive dans l’œuvre d’Algazel— S. gvubujpo!eft!qijmptpqift—, c’est que l’auteur ne sera pas d’accord sur la ufoubujwf!qijmptpqijrvf!ef!rvf!Ejfv qvjttf!fousfs!ebot!vo! sbjtpoofnfou. D’une certaine façon, Algazel propose, par-dessus tout des savoirs spéculatifs, la vérité religieuse intérieure. Et en ce point s’incorpora Averroès avec sa Sgvubujpo! ef! mb! Sgvubujpo. C’est-à-dire, il montre un critère en désaccord avec le livre d’Algazel: il ne s’agit pas que les philosophes ne soient pas arrivés à atteindre les vérités religieuses; ce dont il s’agit c’est que ce n’est pas dans leur cadre d’application parce que mb!sbjtpo!fu!mb!sw. mbujpo! tpou!efvy!npeft!ef!dpoobjttbodf! rvj!of!efwsbjfou! qbt!tf!nmbohfs. C’est ainsi qu’Averroès ne cherchait pas, comme nous le disions, une tpmvujpo! jnbhjobujwf, mais une délimitation des cadres d’application: la raison pour la philosophie, la foi pour la religion. § 12. Averroès sautait de l’analogie médiévale à la pensée logique comme telle. En théorie il récupérait Aristote. Dans la pratique, il affrontait la fin de l’époque médiévale. La pensée spéculative orientale s’était efforcée à harmoniser la raison et la tradition, ou bien fondre religion et philosophie— comme Avicenne et la réfutation d’Algazel.311 Averroès délimitera les domaines: à hspttp! npep, de même que l’amour d’un père n’est pas raisonnable, dans la radiographie d’un violon n’apparaît pas la musique. Comme nous voyons, il tÖbhju!cfbvdpvq!qmvt!ef!sbjtpoofnfou! bddvnvm!rvf!ef!dpnqujujpo!qijmptpqijrvf. D’une certaine façon, il est important de tracer cette compétition, à cause de la manière avec laquelle le critère de l’bvdupsjubt bsbcf — la chaîne de transmission maître/disciple— avança. Et également pour une autre raison collatérale: les mêmes questions et les mêmes problèmes sauteront dans l’Europe de la Renaissance: cette appréciation de Plutarque sur le fait que, Qmbupo! ßu! tvgßtbnnfou! tbot! ‘usf! disujfo… est complètement similaire à ce que disait Algazel, et 311 Mohamed Ábed Yabri, Fm!mfhbep!ßmpt˜ßdpÊ, page 277. MÖpsesf!qsjqisjrvf 696 réfuté impérieusement par Averroès. C’est pour cette raison que ce qui est méthodique est plus important, pour cet auteur, que ce qui est strictement commenté. § 13. Averroès (1126-1198) est, avec Ibn Tufayl de Guadix et probablement le tunisien Ibn Khaldûn, un des trois arabes occidentaux remarquables à cause de l’effet final de leur influence. Sa mort a provoqué de nombreuses comparaisons312 et anecdotes, la plus poétique étant— probablement— le récit de comment fut transporté son corps du Maroc où il mourut à cet al-Andalus dans lequel il allait être enterré, rituel ultime dont fut témoin le penseur mystique Ibn Arabi, comme énième démonstration du processus séquentiel en matière d’bvdupsjubt andalusíe: l’on savait qui était chacun, l’on apprenait de leur savoir, et de cette manière l’on alimentait une véritable tpdju!ef!gpsnbujpo. Très différente— d’autre part—, des mille et une tpdjut! eÖjogpsnbujpo! dpoufnqpsbjoft. L’anecdote citée fait allusion à la manière avec laquelle son corps fut placé sur le côté de l’âne qui allait le transporter: à la vue de l’animal décompensé par le poids, ils placèrent dans le bât opposé— une caisse avec les livres du sage trépassé, étant ainsi nivelé le poids de l’homme avec celui de ses œuvres. Comme ce livre n’est pas un livre de purge historiographique, nous n’insisterons pas sur les mille et un détails de sa biographie. Il suffit de savoir qu’il fleurit dans l’époque almohade de répression poétique, qu’il atteint les plus hauts niveaux de production littéraire, inséré dans un moment enclin à la production essayiste, qu’il provenait d’une famille établie de juges, et que ce fut Ibn Tufayl qui le présenta à la cour almohade, où il remplit magistralement ses fonctions comme médecin, occupation très commune du sage andalusí. § 14. En 1168, ce serait produite la première entrevue avec le calife, à instances d’Ibn Tufayl. Et celui.ci— Abû Yaqub— l’aurait pris sous 312 Même les comparaisons les plus symboliques des dates, comme par exemple les quatre vingt dix huit arabes, dans une comparaison avec l’année de sa mort 1198 avec l’année 1498 pendant laquelle les Portugais réalisèrent la circonvallation de l’Afrique— détruisant la richesse du transport arabe maghrébin à travers le désert—, ou l’entrée de Napoléon en Égypte en 1798. Ce sont de simples jeux cabalistiques, mais illuminatifs comme excuse. 697! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou sa protection, le nommant— par exemple— cadi de Séville, puis de Cordoue, ainsi que médecin de la cour. Les dates coïncidant avec la déroute chrétienne d’Alarcos— 1195— il paraîtrait qu’il tomba en disgrâce dans la cour de l’Almohade suivant Abû Yusuf— ce qui généra depuis lors une mhfoef!opjsf alimentée par Ernest Renan: que la philosophie islamique aurait vu venir sa fin provoquée par l’intransigeance des Almohades, que Renan fait extensible à ce qui est islamique en général. En réalité, et bien que l’intransigeance almohade soit certaine, ce ne fut pas le cas précisément, nous le voyons bien, contre les études philosophiques. Comme légende noire supplémentaire et vu qu’il paraîtrait qu’Averroès dut se retirer à Lucena, ville d’une absolue majorité juive, l’histoire apocryphe put circuler come quoi il aurait été recueilli par son même alter ego juif, Maïmonide (1135-1204). Cette seconde partie légendaire ne paraît pas être aussi consistante dans les détails comme dans la vérité symbolique occulte, tant de fois mentionnée: elle procèderait probablement de l’vojpo! ebot! mÖjnbhjobjsf! fvspqfo! qptusjfvs-! ef! mÖbwfssp–tnf! fu! ev! kveb–tnf! fssbou! fowjspoobou; fait qui explique en grande partie le nztusf!ef!mb!ejtqbsjujpo!eÖbm.Boebmvt tel que nous en faisons souvent allusion— filtration à travers le judaïsme, ou séfarade, ou proto-ashkénaze. En tout cas, toute relation entre l’exilé Maïmonide et Averroès irait toujours dans le bon chemin pour une continuité intellectuelle aristotélique que tous deux représentaient.313 Néanmoins après plusieurs années d’exil à Lucena, le propre calife emporta Averroès avec lui à Marrakech, comme médecin ou pour le protéger contre les débordements possibles des juges (alfaquíes) d’al-Andalus. § 15. Dans ses cinq facettes littéraires essentielles, Averroès réa- lisa— en premier lieu— trois niveaux de commentaires à Aristote. Simultanément il commenta d’autres inspirateurs comme Ptolémée, Alexandre d’Aphrodisias, Nicolas de Damas, Galène, al-Fãrãbî, Avicenne et Avempace. En troisième lieu, il rédigea la célèbre S. gvubujpo!‰!mb!Sgvubujpo face à Algazel. Ensuite il entreprit différentes études proprement théologiques— entre autres, sa célèbre 313 Averroès, Fyqptjdj˜o!ef!mb República ef!Qmbu˜o/ (Tr. Miguel Cruz Hernández). Madrid: Tecnos, 1986, page XIII de l’étude. MÖpsesf!qsjqisjrvf 698 Ebnjnb—, et finalement il résuma les savoirs médicaux pratiques dans son Kulliyat al-Tibb Dpnqfoejvn!ef!nefdjof!)Dpmmjhfu!fo! mbujo*. Fondamentalement Averroès modifia l’optique de la pensée arabe orientale s’opposant à une certaine Théologie de la création; processus par lequel, en seconde lecture, il se rapprocherait d’un certain matérialisme— d’autre part, d’une grande influence orientale— nbeejzb, matérialisme. Nous disions d’Averroès que upvu!df!rvj!oÖftu!qbt!dpnnfoubjsf! eÖBsjtupuf-!ftu!Ejtdpvst!ef!mb!Nuipef. Et tel est l’objectif principal d’une œuvre que nous avons laissée de côté jusqu’à présent: son Gbtm!bm.Nbrbm ou Dsjusf!ejtdvstjg.314 Si la maxime impulsive serait que la philosophie n’a pas besoin de concessions théologiques, dans son particulier chauvinisme andalusí il y a un certain rejet envers ce que l’on a appelé la sagesse orientale— bm.ijlnb!bm.nbt. isjrjzb—, de même qu’un gsfjo à la méthode analogico-orientale. Et nous devrons peut-être, nous arrêter ici un peu, même au risque de tomber dans la division didactico-sportive qu’il y a peu nous critiquions. Mais il s’agit de l’implication universelle de son œuvre: quand l’excessif Ábed Yabri proposait la svquvsf!qjtunpmphjrvf entre le système de pensée d’Avicenne— spéculatif oriental— et celle d’Averroès— démonstratif occidental—, il traçait radicalement un processus d’une importance singulière pour la pensée occidentale: mb! nuipef!bwfssp–tuf!dpnnf!mjcsf.qfotf dans le sens de déterminer très bien les limites dans lesquelles la religion et la philosophie ne doivent pas se croiser. § 16. Dans ce sens, Avicenne aurait essayé d’intégrer la structure de la pensée philosophique grecque dans la pensée religieuse islamique. Avec Averroès le regard vers les Grecs est différent; séparer la philosophie de la religion, même s’ils eussent eu un même but, la connaissance. Cette tentative d’harmoniser la raison et la tradition— al-Fãrãbî et Avicenne— ou forçant le vice-versa — Algazel— 314 La traduction qu’offre Cruz Hernández es surtout illustrative dans son contenu: Epdusjob!efdjtjwb!bdfsdb!ef!mb!dpodpsebodjb!fousf!mb!sfwfmbdj˜o!z!mb! tbcjevs“b (Doctrine décisive sur la concordance entre la révélation et la sagesse). Si pour comprendre Aristote au Moyen Âge et pendant la Renaissance il fallut avoir recours à Averroès, pour savoir tout ce qui est nécessaire sur celui-ci nous devons lire Cruz Hernández. Voir son: Ijtupsjb!efm!qfotbnjfoup!fo!Bm!èoebmvt, 2 vols. Sevilla: Editoriales Andaluzas Reunidas, 1985. Vol. II, page 1-155. 699! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou serait dépassé de façon drastique par la séparation averroïste; démonstrative et relativiste: Algazel— Sgvubujpo!eft!qijmptpqift— avait écrit qu’Avicenne et al-Fãrãbî ne comprirent pas bien Aristote. L’intimiste Algazel voulait seulement exposer que les philosophes ne peuvent pas aider à la compréhension de la théologie. Et puis par-dessus Averroès il affirmait que la question n’était pas là, mais que l’on devait plutôt se rapprocher des sources— la science des antiques— sans hypothèque théologique. Pour Averroès, l’analogie n’avait aucun sens entre philosophie et religion; ce dpotubufs!mÖjowjtjcmf!‰!qbsujs!ev!wjtjcmf est un saut sans filet, comme penser que l’on peut qfsdfwpjs!mb!nvtjrvf!hsŠdf! ‰!mb!sbejphsbqijf!eÖvo!wjpmpo. L’exemple, bien entendu, n’est pas averroïste. D’autre part la clarté averroïste consiste précisément en ce que le philosophe qui voudra comprendre la religion, devra accepter ses propres principes. Tandis que c’est au sage, s’il l’est, qu’il incombe de chercher la vérité, non pas embrouiller, compliquer, ou médiatiser la philosophie avec des credo réducteurs. De là son sfkfu! bv!sfkfu d’Algazel. En plus de la méthode, et de la médecine, il étudia aussi l’astrologie, s’introduisant dans ce domaine grâce à l’Bmnbhft. uf du juif Arzaquiel, à partir duquel il fit un résumé. Mais la transcendance médiévale et même de la renaissance du Cordouan sera connue dans toute l’Europe comme mf!dpnnfoubufvs!eÖBsjtupuf/ § 17. Il apparaît comme tel dans les annotations de Thomas d’Aquin, dans les conseils que donne Maïmonide à ses coreligionnaires juifs intéressés par le Grec— comme nous le disions—, et même dans les miniatures des éditions européennes des œuvres d’Aristote.315 En ce qui concerne la transcendance de l’averroïsme, nous lui réservons plus loin une épigraphe. Pour l’instant nous devons nous occuper de la référence suivante de cette liste d’bvdupsjubt andalusíes: Maïmonide. Parce que dans le long sillage de cette chaîne d’bvdupsjubt andalusíe, Averroès ne fut pas suivi si ce n’est par sa conséquence intellectuelle européenne ou dans al-Andalus— le propre fils d’Averroès, ou même Ibn Tumlus d’Alcira, près de Valence (1175-1223)— auteur de traités de Logique et très influencé par le Cordouan. 315 Voir l’illustration des Pcsbt!dpnqmfubt d’Aristote dans l’œuvre de Jerry Brotton, Fm!cb{bs!efm!Sfobdjnjfoup…, page 128. MÖpsesf!qsjqisjrvf 69: Si Averroès avait substitué Ibn Tufayl comme médecin de la cour, ce sera Ibn Tumlus qui reprendra le témoin du Cordouan à la mort de celui-ci, occupant son poste dans la cour almohade. Dans sa classification des savoirs, Ibn Tumlus pratiquera la distinction méthodique averroïste, bien qu’il montrât un certain penchant pour al-Fãrãbî dans le reste de ses œuvres. Probablement, l’époque philosophique andalusíe se trouvait déjà dans une opvwfmmf! sfdpo. objttbodf en attendant le néoplatonisme mythique d’Jco!Bsbcj de Murcie.Mais grâce encore à l’aristotélisme et à ce que l’on dénommait déjà averroïsme, se distingua le juif Maïmonide, pratiquement contemporain du Cordouan, comme lui, Averroès. Nb–npojef!)2246.2315* § 18. Ef!Np–tf — le prophète— ‰!Np–tf-Moshe Ben Maymon, alias Rambam— jm!oÖz!fvu!eÖbvusf!Np–tf. Ainsi fait allusion l’imaginaire collectif hébreu à la personnification du Siècle d’Or juif: Maïmonide (1135-1204). Néanmoins, et malgré la manière avec laquelle son époque le poussa à se définir en fonction des illustres identités religieuses, il ne paraît pas que le médecin et penseur cordouan qui nous occupe pût être aliéné par le polymorphe monde culturel andalusí. Nous en parlions déjà: quand son coreligionnaire Ibn Tibbon lui demanda conseil pour se dédier à l’apprentissage d’Aristote, le déjà sage et réputé Maïmonide lui dira qu’il ne devait pas s’approcher du Grec sans passer par ses commentateurs, par exemple Alexandre d’Aphrodisias, Themistius ou l’Andalusí Averroès. Il lui dira aussi que si c’est la Logique qui l’intéresse, il devra dédier son temps à comprendre l’œuvre de l’oriental al-Fãrãbî ou Avempace. Mais— disions-nous —, l’époque andalusíe almohade ne sera pas disposée au vice-versa dans ce genre de conseils. Du point de vue almohade, si Averroès pouvait se consacrer aux essais philosophiques ce sera qpvs! mb! qmvt! hsboef! hmpjsf! ef! mÖJtmŒn, concept qui impliquait déjà un certain corporatisme religieux incompatible avec la wpvuf!dvmuvsfmmf qu’avait impliqué la Dar al-Islãm. Pour les dominicains Thomas d’Aquin et Alberto Magno, Maïmonide était mÖbjhmf! eft!tzobhphvft<!mf!nefdjo!ev!tjdmf!qpvs!mb!nbmbejf!ef!mÖjhop. sbodf/ Depuis sa naissance à Cordoue, jusqu’à sa mort dans l’exil du Caire, SbncbnÒ!Sbcj!Nptif!Cfo!Nbznpo— remplit soixante dix ans de littérature, pensée et art galénique partant d’un npoef! 6:1! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou ek‰!iptujmf!‰!mb!ejwfshfodf-!bm.Boebmvt, comme preuve nous devons signaler le traitement almohade aux mozarabes et juifs, bien qu’il continua d’exister deux ensembles différenciés— bien sûr— même dans leurs vêtements. § 19. Non en vain, dans la littérature hébraïque andalusíe, l’arri- vée des Almohades fut connue comme mf!àbv. Probablement, cet exclusivisme provoqua une bmjzbi juive: l’émigration massive vers le nord dans une époque disposée à une fertilisation influencée par l’Orient; qui aura comme résultat la translation de la culture andalusíe à l’Europe— à laquelle, plus tard, nous ferons référence comme filtration andalusíe. Bmjzbi est en réalité un jeu de mot: aliyah signifie npouf en hébreu, et— effectivement— à partir de ce moment-là, les juifs commenceront à monter vers toute l’Europe. Bien que le concept bmjzbi fasse allusion au retour à Jérusalem— nous voyons que le réisme est universel. L’idée, en distillant le corporatisme juif— l’idée de que la terre appartient à la religion et au sang—, implique une belle poétisation de la ville sainte: aller à Jérusalem— au mont Sion— sera, maintenant, toujours monter. À l’époque de Maïmonide, le judaïsme andalusí avait déjà évolué vers un mode plus corporatif comme réponse obligée aux évènements cités dérivés de la dissolution du califat et l’éclosion des Taifas. En fait, bien qu’il soit certain que Maïmonide écrira la plus grande partie de son œuvre en arabe, il n’en est pas moins vrai qu’à son époque il était en train de se produire ce que Gonzalo Maeso appelle l’épiphanie des lettres hébraïques dans l’Espagne médiévale,316 et même— probablement— mb! ejggsfodjbujpo! kv. eb–rvf! ef! Tgbsbef! dpnnf! qbsbejt! qfsev faisant allusion à un al-Andalus aliéné pour les juifs et les chrétiens.317 Effectivement, ces immigrants obligés vers le nord péninsulaire, pouvaient encore sentir une certaine affinité territoriale. Mais la sortie d’Espagne les renverra à un passé déjà seulement hébreu: Séfarade. Il est plus 316 David Gonzalo Maeso, Mjufsbuvsb!ifcsfb…, page 452. 317 Tout ce que nous pouvons utiliser comme dspopupqp — congélation d’une période et d’un endroit dans l’imaginaire collectif— nous l’avons appris de González Alcantud bien qu’il s’en remette toujours à la Ufps“b!z!ftuujdb!ef! mb!opwfmb de Mijail Bajtin. Voir, par exemple, “El cronotopo de todos los vientos” dans: J.A. González Alcantud y A. Malpica Cuello, Qfotbs! mb! Bmibncsb. Granada: Anthropos, 2001, pages 7-20. MÖpsesf!qsjqisjrvf 6:2 que probable que la distinction séfarade pour le juif émigré majoritairement au nord de l’Afrique s’était déjà produite après un continuel hpvuf!‰!hpvuf d’émigration vers le nord bien que le judaïsme même ne le considérât pas séfarade, mais centre-européen c’est-àdire btilob{f. Quoi qu’il en soit, l’on admet que Maïmonide disait de lui-même avec orgueil qu’il était tgbsbef. Sans entrer dans des nuances comme, par exemple, s’il aurait dit boebmvt“— chose probable—, il paraîtrait que le tqibsbejtnf aurait alors commencé. § 20. À cause du fléau almohade, Maïmonide dut voyager dans tout al-Andalus, ainsi que vivre à Fès, Palestine, Alexandrie jusqu’à atteindre Fustãt— Le Caire actuel. Des Almohades, Ibn Ezra dira qu’ils se précipitèrent sur la Séfarade— déjà proche des charbons ardents de sa particulière limitation identitaire religieuse pour l’appeler Séfarade— scellant la Mishna— le commentaire théologique judaïque— et convertissant un lieu d’éloges et d’action en un lieu d’orgie. À part que chacun voit midi à sa porte, ce qui est certain c’est que, la différenciation hébraïque a beau proposer un sépharadisme précoce, la langue culte de Maïmonide fut en tout temps l’arabe, utilisant même une manière spécifique consistant à écrire en arabe avec des caractères hébreux. De ses quatre tqdjbmjut!joufmmfduvfmmft— philosophie, médecine, astronomie et commentaires religieux—, Nb–npojef!fnqmpzb! mb!mbohvf!ef!m֏qprvfÒ!mÖbsbcf— pour des raisons de plus grande actualité scientifique, réservant— c’est évident— pour les thèmes religieux la progressive fixation de l’hébreu. Commençant par ce dernier, l’on doit signaler que les livres rabbiniques de Maïmonide se conservent encore aujourd’hui dans les Hfoj{bi des synagogues du monde entier— les armoires réservées aux œuvres qui parlent de Dieu. En matière astronomique, il arrive à décrire un engin pour contempler les étoiles. Sur la médecine, les spécialités sont abondantes, comme c’est le cas d’un traité sur les hémorroïdes. § 21. Enfin, c’est en matière philosophique qu’il se distingue: son Hvjef!eft!hbst est un positionnement précieux— pratiquement romanesque— du penseur qui se met au service de Dieu. Marquant indirectement la division méthodique averroïste— une chose est être un sage, et autre chose est être touché par Dieu, en évidente dichotomie entre la raison et la foi—, le Hvjef présente le proces- 6:3! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou sus décourageant que suit un intellectuel qui se sait comme tel et pense que cela pourra l’élever au rang de la prophétie. Mais, dans de telles matières, l’homme propose et Dieu dispose. Le Hvjef est, dans ce sens, une localisation métaphorique de l’être humain envers des vérités de la foi de difficile dissection. Gonzalo Maeso écrit, avec raison, que Maïmonide dpnnf!Tbjou! Bvhvtujo-!gvu!vo!qijmptpqif!tbot!fo!bwpjs!mb!qsufoujpo. Chose, beaucoup plus commune qu’il pourrait paraître dans la pensée espagnole.318 L’œuvre de Maïmonide fut eqmbdf! ‰! mÖFvspqf, de même que celle d’Averroès, probablement avec moins de sens encore dû à son origine andalusíe. Parce que lorsque les Tibbon— la saga des traducteurs à l’hébreu établis en France— font une version, par exemple, des Ufsnft!mphjrvft de Maïmonide à l’hébreu— publiés en 1527 dans la ville suisse de Bâle—, l’héritage du Cordouan— comme inventaire— sera bddbqbs!qbs!mf!tqibsbejtnf!bv!e. usjnfou! ef! mÖboebmpvtjtnf. La mutation de ce qui est andalusí se consumait de cette manière, provoquant la filtration successive dont nous avons déjà parlé et sur laquelle nous insisterons à nouveau. § 22. Ce sera également le cas de l’œuvre centrale du Cordouan, Hvjef!eft!hbst déjà citée qui, rédigée en arabe, sera connue en 318 Ce n’est, certainement pas, notre thème, mais Unamuno devinait juste lorsqu’il affirmait qu’une grande partie des modes philosophiques de son époque avaient été introduits par des juristes ayant la vocation de philosophes. Le juriste, quelque soit sa seconde occupation— philosophie, théologie, poésie, gastronomie ou aéromodélisme—, cherche toujours à la kvsjejtfs/ Il faut libérer le poète du jugement du juriste-poète, parce qu’il serait sous-estimé par celuici étant donné que le premier ne montre pas ses prétentions méthodiques. En Espagne— nous l’avons déjà traité— nous avons un exemple très illustratif avec la langue que nous utilisons: comme les juristes décidèrent de l’appeler dbtufm. mbop, maintenant il s’en suit que ce que l’on parle en Amérique Centrale— l’espagnol— est anticonstitutionnel. Ceux qui— comme dans le Sud, ne prononçons pas bien la S du pluriel de la langue de Castille— par exemple—, serions de mauvais parlants. Terre de juges (alfaquíes) la nôtre. De traditionnalistes, pour en revenir à Unamuno. Voir l’affirmation du présentateur de l’édition que nous utilisons: Miguel de Unamuno, Fo!upsop!bm!dbtujdjtnp!(Ed. Francisco F. Turienzo). Madrid: Alcalá, 1971, page 22. Elle fait référence aux partisans de Krause, et dit d’eux qu’ils n’étaient pas précisément philosophes, mais plutôt avocats dédiés à des travaux philosophiques. Philosophes amateurs, par manque d’inquiétudes philosophiques dans des milieux appelés à en avoir. MÖpsesf!qsjqisjrvf 6:4 Europe à travers les traductions hébraïques de Tibbon ou al-Harizi révisée même en 1829 par Mendel Lewin. Ce besoin de bagage culturel hébreu contribuera à une perte particulière d’al-Andalus. Mais le Maïmonide qui rédigeait s’était formé avec les œuvres d’Avicenne, et son arabisme va même plus loin: quand il rédige son Mjwsf!eft! Dpnnboefnfout, d’un fort caractère obligatoire judaïque, l’œuvre aura comme titre arabe Ljubc! bm.Gbsbje, et seulement beaucoup plus tard elle sera connue par la traduction hébraïque comme Tfgfs! ib.njtx˜u, dédaignant depuis lors la version originale. Le conflit entre raison et foi dans lequel s’insert l’œuvre de Maïmonide est d’une évidente tradition averroïste. Il est également évident que, à son époque, ses traités sur la médecine pouvaient avoir une application pratique plus directe, mais ce sera la transcendance de ses commentaires allégoriques bibliques ce qui lui concédera le lieu privilégié que lui réserve l’histoire. Car il est considéré comme un auteur moderne qui a surpassé l’analogie médiévale— de même qu’Averroès— mais avec le sens métaphorique de tbvwfvs! ef! mb! gpj. Il capta l’essence symbolique des vérités religieuses et, comme averroïste dans la méthode, il n’entra pas dans son domaine rationaliste. Graetz dira de lui: mf! kveb–tnf-! ufm! rvf! mf! qstfoubju! Nb–npojef-!o֏ubju!ek‰!qmvt!vo!qiopnof!npsbm!ev!qbtt-!vo! tztunf!usbohf!sevju!‰!eft!qsbujrvft!ndbojrvft/!Jm!tÖbhjttbju! nbjoufobou!eÖvof!wsju!upvkpvst!wjwbouf-!wjwjßbouf-!fu!fo!ibs. npojf!bwfd!mb!dpotdjfodf. Le sens formatif andalusí réussissait à vivifier le judaïsme. Jco!Bsbcj!)2276.2351* § 23. Ibn Hazm s’en prenait déjà aux pratiques populaires— et encore plus courantes après, à l’époque des Almoravides— du {vie; ascétisme rituel et d’une certaine manière ef! dpogssjf en tant que corporatisme et lien de cohésion sociale. Mais cette fuite mystique était assez cohérente dans une période de rigueur exogène, en qualité de voile almoravide et dfotvsf!fddmtjbtujrvf almohade ultérieure, émanant de Marrakech. Le peuple ne se fit pas soufi à cause de la lecture de l’Oriental défendu Algazel, ou à cause des prédications du monastique al-Talamanki (mort en 1037), mais que dans celles-ci il trouva le bagage qui lui permettait l’évasion. Mais c’était la propre situation de l’intervention des juristes dans l’islãm 6:5! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou religieux ce qui provoqua comme réaction— ce mode de religiosité plus émotionnel qu’instaurera le soufisme. Néanmoins, le bagage cité offert par les célèbres proto-soufis, ouvrit très vite une brèche entre le peuple et les juges promus par l’époque nord-africaine. Et ici se distingua al-Talamanki en avance sur son temps, déjà accusé d’hérésie à Saragosse— en 1034— dû à un certain penchant pour les miracles des saints. Sur ce Talamanki, entre nous, il paraîtrait plutôt avoir subi l’influence de sa terre limitrophe avec le christianisme du nord— Talamanca est près de Madrid— qu’aucune autre influence plus alambiquée; mais l’on admet la thèse d’influence orientale sans plus de contraste. Parce que cette époque— nous le voyions— était celle des {hsjt, hommes de frontière, en équivalence probable avec les Byzantins tardifs, ces blsjubj de si difficile définition et d’un mélange illustratif. Les qsbujrvft!tpvßft— ascétiques— seraient, en définitive, filles de leur temps et de leur géographie, comme le sera l’ultérieure et intériorisée réflexion éthique— mysticisme. Reprenons ce qui précède: les pratiques soufies exemplifieront l’évasion face à vof! sfmjhjpo! joàvfodf! qbs! mft! kvhft, ceux qui déterminent les normes sociales. Et pendant ce temps-là, l’jousjpsjtbujpo! uijrvf eft!wsjut!sfmjhjfvtft, apparaîtra comme une réaction à leur prétention de normes sociales. Un qiopnof-!fo!gbju-!ust! tjnjmbjsf!‰!m֏sbtnjtnf!ftqbhopm! vmusjfvs-! por ses motifs et ses effets. § 24. En définitive, la pression de l’époque occasionna une véritable éclosion soufie dans la période andalusíe qui nous occupe, avec sa charge complexe {hsjf: le temps passant, un disciple demandera au mystique de Murcie Ibn Hud qu’il le guide dans sa recherche intérieure de Dieu, auquel il répondra: qbs!rvfm!difnjo<!dfmvj!ef! Nbipnfu-!dfmvj!ef!Ktvt-!pv!dfmvj!ef!Np–tf@!Quelque chose était en train de se compliquer, bien que le mystique ne le déclamât pas, mais plutôt essayait de se re-concentrer. Effectivement, le personnage emblématique du soufi Ibn Arabi répondra à cette recherche directe de Dieu, sans intervention ni traducteur de volontés— comme une probable réaction anti-malékite. Tel anti-malékisme n’est pas anti-islamique en soi, mais plutôt dans la mesure qu’il s’était converti en l’idéologie d’un régime. Jco!Bsbcj!ef!Nvsdjf (1165-1240), appelé fils de Platon, ainsi que MÖpsesf!qsjqisjrvf 6:6 vivificateur de la religion, se convertit dans son œuvre en un {hsj particulier, gspoubmjfs!fousf!efvy!npoeft;!victime d’hallucinations provoquées par une maladie, Ibn Arabi nous expose qu’il a dpsqpsjߏ certains chapitres coraniques, de même qu’il aurait cheminé, entre l’extase et l’illumination, à travers les régions secrètes entre Dieu et l’homme. Il est évident que le croyant n’aime pas la comparaison entre l’extase mystique et l’épilepsie— par exemple—, et pour la même raison nous n’entrerons pas dans les justifications psychologiques de sa pensée, mais les écrits mystiques d’Ibn Arabi n’ont pas besoin de parure psychosomatique pour être universellement compréhensibles. § 25. Entre les critiques à la philosophie d’ici-bas d’al-Fãrãbî et la continuation de son maître Abû Madian de Bougie— dans l’actuelle Algérie-; entre le Levant et l’Algarve, Séville et Fès, Ibn Arabi étendit une prédication illuministe qui fut assez suivie. Ce groupe de disciples, la renommée croissante qu’il put gagner dans al-Andalus et le Maghreb, ainsi que la réaction finale almohade face à tant d’évasion étrangère aux juges, l’obligèrent à s’exiler finalement dans l’Orient arabe. Dans son voyage, recommenceraient ses visions mystiques et— très spécialement— se produisit sa rencontre avec Nizam, la Béatrice du mystique, à laquelle il dédiera une série de rêveries platoniques, en fin de compte d’amour divin, qu’est son livre de poèmes MÖjoufsqsuf!eft!etjst. Cette sensation de l’amour comme voie d’approche de Dieu, ainsi que la représentation spirituelle de son long pèlerinage vers l’Orient, arriveront à configurer— amour et Orient spirituel, jt. isbr— la base de sa pensée et de son œuvre. Cet jtisbrvjtnf ou orientalisme poético— spirituel, coïncide avec les inquiétudes d’un penseur oriental qu’il put fréquenter dans sa Perse natale, alSohrawardi, auteur du célèbre traité Mf! sdju! ef! mÖBsdibohf! fn. qpvsqs. Dans ses dernières années— avant sa mort survenue en Syrie—, Ibn Arabi s’occupa de plusieurs princes et courtisans inquiets à cause de leurs visions et les plus divers états extatiques qui puissent se présenter. § 26. Se configurait, ainsi, la légère hétérodoxie qui put entourer l’ascétisme andalusí, profusément exprimé dans un énorme labeur littéraire— seule son œuvre monumentale Gvuviˆu— initiations— 6:7! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou (Mft!jmmvnjobujpot!ef!Mb!Nfdrvf) est composée de plus de quatre mille pages. Finalement, son œuvre s’insert bien dans le contexte esquissé auparavant par Maïmonide et même Averroès sur la distinction des savoirs: les perceptibles et raisonnables, ou les sensibles et inexprimables. Dans la pratique, Ibn Arabi consacrera son temps d’une manière extrême en se centrant particulièrement à insinuer des voies de rapprochement de ces savoirs inexprimables. À la recherche de la transcendance— Dieu, l’amour, et le voyage vers eux—, ainsi que ce qu’il nomme mÖjoufsnejbjsf. Si nous nous rapprochions avant du concept de mitoyenneté dans le terme de {hsj- ce qui est certain c’est qu’Ibn Arabi se montre plutôt comme un cbs{bk; l’isthme séparateur des océans qui, à la fin, est vraiment ce qu’il boit des deux. Ainsi, l’on considère le maître soufi de Murcie éminemment néoplatonicien en tant qu’auteur de traité comme mÖVoju!ef!m֑usf: tout renvoie à Dieu, et celui-ci est créateur vu qu’il est impulsé par un amoureux désir de se montrer. De là cheminera le soufi vers l’âme universelle dans laquelle il peut se fondre comme ipnnf!vojwfstfm!pv!bdifw. WJJJ/!MF!DJORVJêNF!SPZBVNF 9/2!Mf!spzbvnf!nvekbs § 1. Depuis la bataille décisive de Las Navas de Tolosa (1212), dans laquelle les Almohades durent céder face à la pression des royaumes chrétiens en coalition, al-Andalus se pourvut— à nouveau— de son invétérée distension taifa. La réitérative production historiographique a beau exposer un nombre déterminé de périodes taifas, ce qui est certain c’est que le plus illustratif est admettre que la tendance à faire appel à une exception, constitue plutôt une règle. Cette règle est la pertinence naturelle taifa, catalytique de la fertile dissension interurbaine andalusíe. Depuis l’année 1212, se succédèrent quelques décades de destin incertain pendant lesquelles se déclenchèrent deux processus parallèles: l’établissement progressif castillan dans les vallées du Guadiana et du Guadalquivir, ainsi qu’un parapet andalusí derrières les chaînes montagneuses de Malaga, Grenade et Almería. La condensation d’al-Andalus dans ces conditions finit par s’appeler simplement Grenade. L’amour du terroir et l’orgueil de ses auteurs seront ce qui déterminera le choix pour une telle dénomination, comme dans le cas du manuel historiographique qui a pour titre Ef!sfupvs!bwfd!mÖIjtupjsf!ef!Hsfobef — mÖJibub d’Ibn al-Khatîb. Derrière les montagnes bétiques; entre celles-ci et la mer, se forgera le spzbvnf! ef! Hsfobef (1232-1492) comme mf! djorvjnf! spzbvnf péninsulaire à côté du groupe castillan, les États de la couronne d’Aragon, Portugal et Navarre. D’autre part, entre Grenade et Séville— à partir de 1248—, fleurira une zone limitrophe— zégrie— par excellence. Entre l’arabe et la langue de Castille, l’islãm et le christianisme, qfoebou!qsftrvf!efvy!tjdmft!fu!efnj!ef! qmvt. Il est évident qu’une si longue décadence ne peut être quali- 6:9! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou fiée comme telle. Comme il est également évident que la!dpvuvnf! ef!sfdporv‘uf!opo!dpodmvf annule l’esprit même qui impulsa celle-ci, devant considérer que— dans la pratique— différentes périodes de conquête ne produisent pas un seul processus, bien que leur apparence soit univoque. § 2. L’intermittence, l’apparaître et disparaître de la conquête chrétienne, la rapproche plus au processus d’essais et d’erreur qu’à une re-conquête de salut. Une Reconquête uniquement écrite avec une majuscule car elle est vue depuis le tertre d’une époque déjà médiatisée par son propre contexte final. C’est-à-dire; que lorsque en 1492, Grenade tombe aux mains des Rois Catholiques, le contexte de fermeture— conclusion, et réussite, mais aussi exclusion et contrainte— d’une Espagne spécifique— catholique, centralisée, d’influence castillane— médiatisera la lecture d’un passé propre— al-Andalus — conçu comme étranger, ainsi qu’un processus naturel expansionniste— conquête—, repeint de destin missionnaire— la Reconquête. Nous désignons comme royaume mudéjar les deux siècles et demi d’al-Andalus, disions-nous, derrière le parapet des montagnes bétiques de l’Andalousie orientale: le royaume de Grenade (à nouveau 1232-1492). Le terme mudéjar vient du concept arabe de nvebzzbo: tributaire. Et dans ces conditions dpousbduvfmmft prospéra la vie de ce que l’on a appelé mf!spzbvnf!obtsjef!ef!Hsfobef. Royaume à cause de la monarchie héréditaire établie; nasride, du nom de la dynastie imposée depuis le soulèvement du premier de nom bm.Binbs, commencé aux alentours de 1232 dans Arjona. Et de Grenade, parce que ce sera précisément autour de la ville du Darro que fructifiera al-Andalus; où l’on presse— selon l’impératif poétique de García Gómez— mb!efsojsf!hpvuf!ef!djuspo!boebmvt“. Royaume mudéjar, car, les andalusís passèrent à habiter des terres chrétiennes. Royaume que l’on regardait du dehors; tributaire, parce qu’il s’habitua à payer son indépendance et— quand il put et il voulut— sa paix. Dans un système similaire à celui des qbsjbt des premières Taifas, Grenade contribuerait— avec la richesse agricole de sa vallée fertile, l’artisanat de ses industries andalusíes perfectionnées, et le commerce de ses ports qu’il contrôla— grâce au maintien d’un certain statu quo, constructeur de l’Ftqbhof! rvj! ßojsb! qbs! tf! gfsnfs!qbs!wjefouf!nbuvsbujpo, à la fin des années 1400. Mf!djorvjnf!spzbvnf 6:: § 3. Pendant que se démembrait le pouvoir almohade dans le nord de l’Afrique à cause de la relève des Bénimérinis— de la tribu berbère des Zénètes—, le propre élan comme reflet historique— tic—, essayait de répéter les mouvements: al-Andalus — dorénavant, le royaume de Grenade— essaiera de maintenir son équidistance entre la sempiternelle force coercitive nord-africaine et la pression castillane. Comme il était survenu face aux Almoravides et Almohades dans leur début; al-Andalus essaiera d’utiliser— appeler, disent les chroniques favorables— des Bénimérinis, sans pour cela faire partie de son territoire constitutionnel. Il ne sera pas facile de maintenir telle équidistance, mais cet rvjmjcsf! jotubcmf sera, la clé de la propre fttfodf! obtsjef-! hosf!qbs!mb!sfodpousf!ef!qmvtjfvst!gpsdft: paiement des qbsjbt! aux castillans, troupe étrangère et disponible du dehors— Bénimérinis—, lutte indépendantiste face à ceux-ci — après avoir dépassé la période almohade— et enfin, un isolement providentiel de Grenade, pendant que les Castillans et les Bénimérinis s’affrontaient occasionnellement. L’histoire de ce spzbvnf!usjcvubjsf, de cet ultime al-Andalus, dans une complication logistique et stratégique proverbiale, non exempte d’une dette historique envers l’occupation laborieuse castillane dans les vallées du Guadiana et du Guadalquivir; un processus d’une envergure suffisante pour ne pas avoir besoin de détruire Grenade, mais plutôt de profiter de la perception privilégiée de leurs impôts. § 4. À partir de 1224, le roi de Castille Ferdinand III le Saint (1217- 1252) était conscient du fleuve turbulent taifa dans lequel allait s’enfoncer al-Andalus. Il décida alors, de progresser parmi les seigneurs andalusís, ayant à l’esprit l’objectif— encore diffus— de gagner des territoires. Certains de ces seigneurs andalusís allèrent au-devant de lui et finirent par s’ajouter à ses troupes; ils se convertiraient et apparaîtront même— le moment venu— dans la Séville chrétienne postérieure à 1248 comme nouveaux habitants. La tenaille chrétienne commençait à être effective: les Castillans et les Aragonais par la route orientale— à partir de Murcie—, ceux de Léon par la Ruta de la Plata, et absence de pouvoir constitué qui aurait pu niveler l’autre côté du Détroit. Dès que s’impose le régime des Bénimérinis nord-africains, ce que nous avons appelé le àfvwf!uvscvmfou andalusí se convertissait 711! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou en profit exclusif des chrétiens, en particulier du roi Ferdinand III. Il faut tenir compte que Upmef!ubju!ek‰!dbtujmmbof!efqvjt!mf! tjdmf!bousjfvs; et que les populations zégries tant des juifs établis depuis longtemps pour fuir le fléau almohade, que les musulmans de condition mudéjar récente— allaient se décanter comme population intermédiaire dans la future qprvf!eft!usbevdujpot! ef!mÖbsbcf sous le règne du successeur de Ferdinand III: son fils Bmqipotf!Y!mf!Tbhf (1252-1284). § 5. Les premières campagnes andalusíes de Ferdinand III, approxi- mativement jusqu’à 1227, se caractérisèrent par trois aspects: -En premier lieu, telles campagnes se basèrent sur des alliances locales: un personnage andalusí d’influence croissante, recueilli dans les chroniques comme le!Cbf{bop — car il était seigneur de Baeza— finit par se convertir en un premier gbdupuvn andalusí de la politique castillane. Le Baezano finit par être rejeté et supplicié par un al-Andalus taifa dans un processus que Torres Delgado319 rattache au deuxième aspect à souligner. -La forge d’un certain esprit national de cet al-Andalus libre d’Almohades et réticent à devenir castillan. Ces deux processus— bgsjdbojtbujpo! gbdf! ‰! mb! dbtujmmbojtbujpoÒ! dpousjcvsfou! ‰! dsfs!mb!qspqsf!fttfodf!ev!spzbvnf!obtsjef!ef!Hsfobef, vu que celui-ci se forgea pour éviter les deux. Cette gpshf!eÖvo!ftqsju! obujpobm— c’est le terme qu’utilise Torres Delgado—, qui contient peut-être une nomenclature assez usbejujpoobmjtuf. Pour l’historiologie, il s’agissait d’un invétéré penchant bvupdiupof andalusí, exemplifié par les années de soulèvement de certains seigneurs locaux comme Ibn Hud de Murcie— en réalité, roi d’al-Andalus en 1232— ou le dernier soulèvement terminé avec succès fomenté par le fondateur de la famille nasride de Grenade, bm.Binbs. § 6. Pour ajouter un troisième aspect illustratif, les alliances locales de Ferdinand III termineraient par façonner une Castille zégrie: le fils de ce Baezano collaborationniste, depuis le début aux côtés du roi Ferdinand, se convertit au christianisme, s’arma chevalier sous le nom de Ferdinand Abdelmon, et ferait son entrée dans la Séville 319 Cristóbal Torres Delgado, Fm! boujhvp! sfjop! ob{bs“! ef! Hsbobeb. Granada: Ariel, 1974, pages 74 et ss. Mf!djorvjnf!spzbvnf 712 de 1248 à côté du roi Saint, comme un de ces illustres nouveaux habitants qui se répartiraient l’antérieure capitale almohade. Ainsi commençait la période des nouveaux vieux chrétiens. Ferdinand III le Tbjou, sut profiter des affrontements entre les derniers Almohades de Marrakech et les insurgés andalusís. Pendant ce temps, il tâtait le terrain autour de la ville-forteresse de Jaén— jnqpttjcmf!ef!qsfoesf!tbot!usbijtpo, reconnaîtra-t-il — et thésaurisant dans Tolède, la capitale, le futur budget des campagnes et reconstructions. Une grande partie de ces recettes provenait directement des seigneurs africains en échange de ne pas reconnaître les seigneurs locaux andalusís ou vice-versa. § 7. En ce sens, Ibn Hud, cité auparavant, sut réaliser la gestion de ses propres ambitions jusqu’à 1238; lui étant reconnu un vaste territoire qui va de Séville jusqu’à son lieu d’origine: Murcie, pendant qu’il réalisait un habile maintien du contrôle dans le Détroit. À n’importe quel observateur qui utilisât les expectatives enflées de Tolède, face aux faibles espoirs de Murcie ou celles déjà usées de Marrakech, il pouvait penser que le contrôle castillan de tout al-Andalus était seulement une question de temps. Face à ces perspectives, il faut souligner ce qui suit: la— pratiquement inexplicable— svttjuf! ef! Hsfobef! ef! qfsnfuusf! ‰! bm.Boebmvt!eÖfyjtufs!qfoebou!fodpsf!efvy!tjdmft!fu!efnj. Il faut remarquer qu’Ibn Hud de Murcie, était également harcelé par les Aragonais de Kbjnf!J (1208-1276)— qui pour cette raison reçut le nom de«mf!Cbubjmmfvs»—, pendant que commençait le tpvmwfnfou! boebmvt“ le plus prolongé contre tous: Castille, Aragon, Ibn Hud ou les Nord-africains. Il s’agit de la consolidation croissante du tfj. hofvs!boebmvt“!eÖBskpob, connu comme bm.Binbs. § 8. De tel processus émanera— en un génial ricochet historique—, la création du royaume Nasride de Grenade, pendant que Ferdinand III avançait sur Cordoue (1236) et la décennie suivante il arrivait à Séville (1248). À nouveau: Grenade— c’est-à-dire al-Andalus —, subsistait comme ultime période arabe européenne d’une façon— disions-nous — inespérée. Le parapet de Grenade se convertissait en un bastion naturel— à cause de la configuration orographique des montagnes de Malaga, Grenade et Almería—: le fondateur de la longévité d’al-Andalus de Grenade avait essayé de résister dans 713! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou la forteresse de Santa Catalina de Jaén, jusqu’à ce qu’il se rendit compte intelligemment qu’al-Andalus était maintenant possible que s’il abandonnait en mains castillanes les vallées du Guadiana et du Guadalquivir. QspwjefoujfmmfnfouÒ! qpvs! bm.Binbs! fu! mft! tjfot-! gvuvst! ObtsjeftÒ-!fo!2348 npvsbju!Jco!Ive. Avec la mort de l’unique spj! qpttjcmf! boebmvt“, la ville de Cordoue aux mains des Castillans— et la route tracée vers Séville—, l’on peut dire que la légitimité nasride était la seule que l’on pût reconnaître, et Grenade le seul bastion possible. De cette manière, le fait de s’incliner devant le rebelle d’Arjona, al-Ahmar, proto-nasride, fut possible grâce à la pression castillane d’alors. Les Andalusís n’avaient pas d’autre alternative: ou tÖfoubttfs dans Grenade ou franchir le Détroit. Les données que nous offrent les chroniques, même si elles sont exagérées, marquent la tendance générale. Elles parlent de six millions d’habitants dans le Royaume de Grenade, avec plus d’un demi-million dans la ville. Al-Andalus survivra, surpeuplé— bien que les chiffres soient quelque peu enflés— à condition qu’il n’oubliât pas de payer ses tribus. 9/3/!Dpotpmjebujpo!ef!Hsfobef § 1. La Grenade nasride à laquelle nous venons de faire allusion, fut le bastion d’al-Andalus depuis ses débuts dans le Levant (1232) jusqu’à la fin de la période arabe européenne (1492). Il n’et pas facile de réaliser la gestion du tourbillon de nostalgies qui se superposent autour du mot Grenade, à partir de la perception dbtujmmb. ojtufÒ! hbobeb! ft! Hsbobeb! )Hsfobef! b! u! hbhof*Ò! jusqu’au Tvtqjsp!efm!Npsp/ Ceux qui connaissent bien les faits de Grenade, ne démolissent jamais; l’on prend, l’on laisse, l’on tourne et retourne, mais l’on ne démonte jamais. La nostalgie de Cordoue est une anecdote historique si elle est comparée avec ce soupir permanent pour Grenade. S’il existe un paradigme de Maure bon, c’est celui des Abencérages que nous verrons; nobles de Grenade finalement massacrés par leurs congénères apparents dans les futures Guerres de Grenade. Certaines étymologies ont beau les considérer comme primitifs, autour de la saignée des Abencérages se forgea l’icône du Maure déplacé. Et s’il y a une reconnaissance— en bloc inamovible— de que Mf!djorvjnf!spzbvnf 714 l’histoire est capricieuse, c’est celle qui se produit lorsque l’on n’est pas à même de deviner qu’elle dut être, continua à être, ou arrêta d’être la ville de l’Alhambra— congélation d’une période et d’un endroit dans l’imaginaire collectif— dspopupqp!ef!upept!mpt!wjfoupt comme le nomma González Alcantud.320 Le parapet de Grenade se consolida grâce à une certaine normalité frontalière que nous appelions ufobjmmf!dbtujmmbof. À l’est, en 1243 sera signé le Traité d’Alcaraz, par lequel Murcie passait à être un royaume tributaire, pour tomber définitivement en 1266. À l’ouest— nous le voyions— la chute de Séville en 1248 culminait les aspirations castillanes. Pendant ce temps— racontent les chroniques— mb!cboojsf!opjsf!eÖJco!Ive! ef! Nvsdjf! gvu! sfnqmbdf! qbs! mb! cboojsf! spvhf! ef! Cfo! Obtjs! ebot!mb!wjmmf!eÖBskpob. § 2. Il s’agissait d’al-Ahmar— littéralement, le rouge—, soulevé dans la terre qui le vit naître, et qui reçut aussi les territoires de son oncle— Guadix et Baza. Ces Banu Nasir— ou Nasrides— culmineraient la forge du Royaume de Grenade vers 1246 après plus d’une décennie de lutte classique légitimiste andalusíe entre les seigneurs locaux des alentours et l’étau des armées chrétiennes. Cette lutte légitimiste n’avait pas beaucoup changé par rapport à celle des Taifas: Ibn Hud de Murcie avait cherché l’aval légitimiste d’un lointain— et maintenant méconnu— Bagdad, vu que le premier nasride ébauchait des légitimités similaires. Entre autres modalité légitimiste, le premier Nasride en essaya une assez atypique: mb!wbttbmju!jojujbmf!‰!Gfsejoboe!JJJ à partir de 1246. La situation est intéressante: certains chroniqueurs lisent dans ce fait la création du Royaume de Grenade de la part de Saint Ferdinand, mais ce qui est certain c’est qu’il dut s’agir d’une simple imposition d’un régime féodal au régime de Grenade, non exempte de curieuses conditions. Ebot! mb! dporv‘uf! ef! Twjmmf réalisée par Ferdinand III, par exemple, df!qsfnjfs!Obtsjef al-Ahmar collabora comme wbttbm bwfd!djor!dfout!difwbmjfst. Il s’agissait, en réalité, de soixante deux pour cent des troupes, ce qui nous pousse à affirmer que mb!dporv‘uf!ef!Twjmmf!tf!sbmjtb-!fo!nbkpsju-! qbs!eft!uspvqft!boebmvt“ft/ 320 Dans Qfotbs!mb!Bmibncsb…, pages 7-20. 715! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou § 3. De telles données nous aident à comprendre l’époque en question beaucoup plus par les courants de changement qualitatif dont nous faisions allusion et moins dans la perception infantile d’une Reconquête en avance et Maures en retraite. La reconnaissance de telle vassalité de Grenade à l’égard de Castille à la mort de Ferdinand III en 1252 est bien connue: un corps de garde nasride veilla le corps passant la nuit en formation. Les cent cierges que portaient ces chevaliers restèrent allumés toute la nuit, fait que remarquent de nombreux auteurs pour signaler la richesse de Grenade en cire et autres matières premières. Des matières dont se fourniront les royaumes chrétiens. Ainsi, à la mort de Ferdinand III— nous l’avons vu— lui succéda son fils Alphonse X (1252-1284), surnommé le Sage à cause de tpo! dpnqpsufnfou!dpvsujtbo!ubjgb et la façon avec laquelle l’histoire le situa dans une dibsojsf!{hsjf. Cet Alphonse, fils de Ferdinand, l’était également de Béatrice de Souabe, descendante des rois de Germanie et empereurs de Byzance. Avant la prise de Séville en 1248, Alphonse avait recruté une armée dans le royaume de Léon pour intervenir dans la guerre civile portugaise, contre la volonté de son père, plus centré à exercer la pression vers le sud. Il avait également pris la tête d’une expédition à Murcie dans laquelle Ibn Hud se convertissait— wpmpoubjsfnfou— en vassal de Castille acceptant de nouveaux habitants— chrétiens—, paiement de régales et cession politique en échange de qspufdujpo!dpousf!mft!psesft! njmjubjsft. Également en échange d’indépendance par rapport à Grenade— éphémère, vu que le futur appartiendra à Grenade, et celui de Murcie sera chrétien. Cet Alphonse X s’insérait ainsi, promptement, dans la fertile réalité hispane faite de mélange politique, religieux et culturel, d’une interprétation exclusiviste niaise dans les forums variés, qu’ils soient d’un penchant ou d’un autre. § 4. En 1253— l’année suivante à son couronnement—, Alphonse fai- sait public le monumental Sfqbsujnfoup!ef!Tfwjmmb, comme prix aux appuis reçus dans la conquête de l’ancienne capitale almohade et le nouvel ordre social des nouveaux habitants. Alphonse X convertira, à partir de là, à Séville comme capitale, bien qu’il convoquât Les Cortes de Tolède l’année suivante pour nommer héritière sa fille nouveau-née, Bérengère. Dans ces Cortes se produisit un fait frontalier intéressant: Alphonse X arriverait avec l’émir nasride de Grenade— Mf!djorvjnf!spzbvnf 716 à ce moment-là, al-Ahmar déjà avec le nom royal de Muhammad I. Le Nasride était présent comme témoin— et comme preuve de sa vassalité— s’ouvrant un passage dans la tension d’argument ibérique assez salée dans de telles trames; y ajoutant également des relations avec le beau-père du roi castillan— rien de moins que Jaime I d’Aragon, père de Violante, la femme d’Alphonse X. Se concrétait ainsi une certaine Ftqbhof!vojwprvf, avec encore al-Andalus à l’intérieur. Néanmoins, l’on raconte que Ferdinand III aurait susurré à son fils sur son lit de mort: kf!uf!mbjttf!nb•usf!ef! upvu!mf!ufssjupjsf!efqvjt!mb!nfs!kvtrvÖjdj-!dfmvj!rvf!mft!Nbvsft!hb. hosfou!bv!spj!Spesjhvf!eÖFtqbhof. Et Alphonse X sut étayer avec la vassalité temporelle nbvsftrvf! de Murcie— et après Grenade, Niebla et Xérès— la politique extérieure de son règne de continuité reprenant, par exemple, l’jef!ef!mb!Dspjtbef africaniste dans ce que l’on a appelé le Gfdip!ef!Bmmfoef. C’était le monde des Dbouj. hbt, incitant les traducteurs et nfncsf!joepdjmf!ef!Ejfv: dans sa prétention royale et intellectuelle, Alphonse X en arriva à affirmer que s’il avait été à côté de Dieu quand celui-ci créa le monde, certaines choses auraient été plus réussies que comme Il les avait faites. § 5. En tout cas, ces références sont suffisantes pour marquer deux traits essentiels dans la phase vitale andalusíe: la continuité royale castillane— rien ne change, tout se maintient et augmente de Ferdinand III à Alphonse X—, et la perception de Grenade, exceptionnelle, et seule en certaines occasions— à cause des tributs— participant à un projet territorial déterminé. Pendant ce temps, l’icône de Grenade nasride prenait forme, et à partir de 1261 se blindait institutionnellement à cause du changement de vassalité pour une indépendance tributaire, s’établissant à nouveau le système des qbsjbt. Les impôts provoqueront une ligne de séparation dans les classes de grenade, entre la noblesse et le peuple, parfois indocile et ayant recours aux Africains. À partir de 1257— après la conquête castillane de Niebla, avec la collaboration de Grenade—, tout ce que fit ou décida bm.Binbs— nous l’avons déjà vu, couronné comme Nvibnnbe!J!)2343.2384*— sera l’œuvre des Nasrides. Ainsi commençait le cheminement stratégique d’une longue dynastie composée par près de vingt cinq souverains— entre occasionnelles déviations de la lignée dynastique— pas nombreuses— et pas nombreuses non plus les crises 717! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou internes, si l’on tient compte de l’étendue de la période en question. Il faut souligner que, en matière dynastique, mft!Obtsjeft! )2343. 25:3*! nbsrvsfou! mb! qmvt! mpohvf! dpoujovju! ef! mb! wjf! qpmj. ujrvf!boebmvt“f, suivie par celle des Omeyyades (756-1031). C’est ainsi, suivant les chiffres, les Omeyyades restèrent 276 ans face aux 260 ans des Nasrides, mais il faut probablement compter plusieurs décennies omeyyades à cause de la supplantation des Amiris et les crises finales. § 6. De toute façon, le véritable établissement de Grenade ne pou- vait rester beaucoup plus de temps enchaîné à la volonté castillane. De 1262 à 1266, par exemple, se produisirent des soulèvements mudéjars— nous le vîmes déjà: Andalusís dbtujmmbojtt, tributaires— dans la zone de Murcie, obtenant l’appui du dernier bastion andalusí. Avec l’addition des soulèvements mudéjars de Xérès, Arcos, Lebrija et Utrera, s’établissait une chaîne de rebellions contre le pouvoir castillan qui probablement pourrait profiter aux Grenadins et— en tout cas— montraient la grande différence qu’il y a entre conquête et domination. Malgré tout, les soulèvements eurent comme résultat d’exaspérer d’une certaine manière le clair esprit de sfdporv‘uf castillan: le Pape Clément IV accorda la Cvmmf!ef!mb!Tbjouf!Dspjtbef à ceux qui participeraient à la campagne de Murcie; dans la qbdjßdbujpo du territoire. Grenade resterait derrière les montagnes bétiques, mais dans la péninsule Ibérique les ardeurs guerrières de Croisade et de Reconquête continueraient enflammées. Malgré tout, les années finales du règne de Muhammad I— al-Ahmar du Levant créateur de la dynastie Nasride— se verraient mêlées dans certaines crises internes et derrière ces cicatrices le royaume de Grenade en sortirait consolidé. Inquiet par le sérieux de la poussée castillane après les révoltes mudéjares avec une répression transmutée en Croisade, al-Ahmar dut confier une grande partie de ses troupes à des contingents de Bénimérinis nord-africains. § 7. Dans la nouvelle édition de la déjà classique dichotomie entre Andalousie et Berbérie— à l’usage de García Gómez—, la jalousie des vieux alliés sauterait comme un ressort critique à cause de l’arrivée de Nord-africains. Dans ce cas, les contingents des Banu Ashquilula se rebellèrent (1265-1273) dans leur zone d’influence— Mf!djorvjnf!spzbvnf 718 autour de Malaga et Guadix. Paradoxalement, les guerres civiles castillanes— mudéjares— et ces premières guerres civiles de Grenade— ashquilulas— contribuèrent non seulement à fixer la patine diffuse d’une longue frontière entre Castille et Grenade— Séville castillane et Grenade Nasride, proprement dites—, mais surtout à consolider la propre entité différenciée de la Grenade nasride. En 1273 mourait Muhammad I, et son successeur Muhammad II (12731302) héritait d’un al-Andalus dont les frontières avaient encore beaucoup d’histoire. La Chancellerie de Grenade— Njojtusf!eft!Bggbjsft!„usboh. sft nasride— commençait alors une laborieuse et— à la longue— diplomatie expérimentée de guerre et de paix, avec Castille et le nord de l’Afrique bénimérinide. Bien qu’il passât par de nombreuses vicissitudes, en réalité il faut reconnaître que Castille ne reviendra pas pour diminuer le territoire de Grenade, ni les Bénimérinis passeront au-delà d’un certain poids soldatesque. De cette époque date une augmentation de la population de Grenade— recevant les Andalusís fo! uspq des contingents mudéjars castillans et aragonais. L’état nasride comptait ainsi avec une population clairement différenciée, la langue— arabe— tradition culturelle et religieuse— Islãm—, ainsi que sa version d’influence juridique— le célèbre malékisme. Le grand chroniqueur de Grenade, le courtisan Ibn al-Khatîb (1333-1375), nous révèlera dans sa splendide Ijtupjsf — ayant pour titre Jibub— les mille et un détails dont les historiographes ont besoin pour remplir leurs listes de données, mais qu’au point de vue historiologique elle nous permet de concevoir le développement séculaire d’une époque andalusíe illustrée sous les Nasrides. 9/4/!Mft!Obtsjeft § 1. Pendant le dernier quart des années 1200, la stabilité de Grenade dépendit de l’approvisionnement de Nord-africains bénimérinides— ou mérinides, cette relève des Almohades dont nous avons déjà fait allusion—, établis dans des casernes et répartis dans un confinement hiérarchique progressif: si au début ils avaient participé comme troupes essentielles de Grenade dirigées par un Bénimérini, à la longue ils arriveront à dépendre directement du sultan nasride, celui-ci passant à être— de cette façon— tibzk!bm.hv{bu — seigneur des Berbères. La chose n’est pas futile: les troupes berbè- 719! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou res avaient constitué la force pendulaire que supportait la légitimité du territoire d’al-Andalus, et de cette façon se canalisait un pouvoir qui provoquait certains problèmes parmi leurs privilèges d’entière liberté. Des troupes berbères, légitimités, territoires autour des villes et coupures croissantes: l’on aurait dit que Grenade non seulement allongeait al-Andalus; mais, aussi, le retenait. En pratique, ceci est une idée, mais avec des nuances. S’il est certain que tout l’ancien territoire andalusí devait maintenant se contraindre à ses nouvelles dimensions, il n’en est pas moins vrai qu’il restait beaucoup d’al-Andalus dans les terres castillanes et aragonaises. Dans l’invétérée npsjtrvjtbujpo! sevdujpoojtuf des historiographes et des dispojdp.mŠusft, Grenade était alors al-Andalus, et le reste un modèle de gosiers, fleurets, bacheliers et hidalgos. La réalité est bien plus éloquente: l’Ftqbhof! nvekbsf n’était pas une carcasse, mais plutôt gbjtbju! gpj! ef! mb! mfouf! usbotgvtjpo! eÖbm.Boebmvt; aspect sur lequel nous reviendrons. Dans cet ordre de choses, et au point de vue stratégique, le pont du Détroit avait changé: les Bénimérinis non seulement ne purent éviter les Almoravides et les Almohades, mais qu’en plus, dès les premières poussées castillanes pour la conquête de la baie d’Algesiras (1292) jusqu’à la bataille de Salado (1340), l’arabité du Détroit était pour la première fois en danger depuis des siècles. L’heure était probablement venue de repousser les animadversions entre les Andalusís et les Guzats parce que, bientôt, le seul saut possible pour un andalusí pourchassé sera celui du Maroc. En certaines occasions, un saut qui faisait tomber de Charybde en Scylla, comme ce sera le cas du courtisan Ibn al-Khatîb (1333-1375)), connu comme Mjtbo!bm.Ejo — le langage de la religion-; vizir, polygraphe, homme de son temps et réfugié final dans l’ultime sud. § 2. Dans une relation historique autour de l’axe de la dynastie nasride, nous pourrions établir trois carrefours essentiels dans le devenir naturel de cette époque andalusíe: )2343.2451*. Depuis le début jusqu’à la césure aux alentours de 1340. Les Bénimérinis avaient concentré tous leurs efforts ayant comme objectif la prise de Tarifa. Cependant depuis sa prise par Sanche IV en 1292, la ville serait castillane, non sans de graves crises défensives comme celle romancée autour du rôle légendaire D’Alphonse Pérez Guzmán— Hv{nˆo!fm!Cvfop. Malgré cela, Grenade Mf!djorvjnf!spzbvnf 71: maintiendrait vive la Hvfssf!ev!Euspju avec la prise de Gibraltar en 1333. Les Bénimérinis étant avides du contrôle du Détroit, le sultan bénimérinide Abû-l-Hasan en arriverait à le traverser. Se produisit alors la victoire transcendantale chrétienne dans la bataille de Salado (1340), équivalente à celle de Las Navas de Tolosa en 1212, mais qui comprenait en soi une ambivalente et qspwfscjbmf d. tvsf!eÖjtpmfnfou!ef!Hsfobef. À Salado, la coalition de Grenade et des Bénimérinis perdit mais— paradoxalement — l’échec de ces derniers supposa la liberté de Grenade. Torres Delgado l’explique d’une manière que l’on ne peut améliorer: mpt!hsbobejopt!rvfebo! efßojujwbnfouf!dpnp!ifsfefspt!ef!upep!fm!Jtmbn!ftqb—pm-!dpnp! ftubep!nˆt!ef!mb!qfo“otvmb-!joufhsbep!fo!mb!dpoßhvsbdj˜o!qpm“. ujdb!ef!mpt!djodp!sfjopt!ef!Ftqb—b.321 § 3. (1340-1427). La deuxième étape, marquée par un inégalable développement politique et culturel à Grenade, s’écoula depuis environ 1340 jusqu’au poids spécifique des Abencérages, à partir de 1419. L’entrée de ceux-ci sur la scène politique n’a pas une relevance spéciale dans les chroniques, mais, oui, dans l’imaginaire ultérieur de Grenade. L’on dirait même que jusqu’au Romanticisme. Vu que nous prétendons en arriver à la valeur iconographique de l’Alhambra et la nostalgie qu’elle provoque comme fait configurateur de la patente npsjtrvjtbujpo andalusíe, l’allusion aux Abencérages sera transcendantale. )2531.25:3*. La troisième étape, commencée avec le déséquilibre social qu’impliqua la mise en valeur et le poids politique de ces qbusjdft!Bcfodsbhft, s’écoula avec une wjubmju!dsjujrvf de 1429 kvtrvÖbv! tpvmwfnfou! eÖbm.[bhibm! dpousf! tpo! podmf! Cpbc. ejm.2596Ò comme prologue de la fin territoriale d’al-Andalus. La fin territoriale d’al-Andalus ne coïncidera pas avec sa fin culturelle, mais marquera dans l’année 1492 un tournant radical. Le tpvqjs!ev! Nbvsf qui— en réalité— s’en allait vers son domaine des Alpujarras— il est également certain, sans beaucoup de futur—, referme l’histoire arabe de la péninsule Ibérique et la transmute en exclusivité islamique; aspect dont nous nous occuperons plus loin. 321 Mft!Hsfobejot!sftufou!eßojujwfnfou!dpnnf!isjujfst!ef!upvu!mÖJtmŒn! ftqbhopm-!dpnnf!vo!„ubu!fo!qmvt!ef!mb!qojotvmf-!jouhs!ebot!mb!dpoßhvsb. ujpo!qpmjujrvf!eft!djor!spzbvnft!eÖFtqbhof/ (N. d. la T.) 721! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Nous ne devons pas succomber face au passage frénétique des dates et évènements, car ceux-ci sont seulement un bvyjmjbjsf! eÖfnqmbdfnfou. Nous traitons une très longue période de temps, marquée par le jour le jour historique dans lequel l’on cherche toujours la clé d’un prétendu échec final qui ne fut pas tel: 1492, la conquête de Grenade par les Rois Catholiques, fermera une époque arabe européenne qui ne sera jamais réactivée; mais bm.Boebmvt! sftubju! dpoufov! ebot! mÖFtqbhof! rvj! mÖboovmbju! ufssjupsjbmf. nfou. En réalité, la transcendance des faits qui l’entouraient devrait nous empêcher de le contempler comme la fin d’une qfujuf! mjhvf!ef!gppucbmm, car c’est ainsi qu’il nous est montré— paradoxalement— par d’ennuyeux livres historiques sensés et inutilisables. § 4. Dans une révision historiologique plus calme, d’entre le tour- billon contextuel se dessine une série de cadres illustratifs autour de certaines dates cruciales et— probablement— des personnages d’un chromatisme que l’on peut difficilement égaler. Tel est le cas d’une zone chronologique concrète: la deuxième moitié des années 1300. En l’an 1350, Alphonse XI de Castille mourait de la peste noire, et lui succédait son fils Pierre I; le Cruel ou le Justicier mais, ce qui est sûr, d’une fermeté expéditive à l’heure d’établir sa propre et difficile légitimité. Quatre ans plus tard— 1354—, le Nasride Yusuf I apparaîtra poignardé dans la mosquée principale de Grenade et aura comme successeur Muhammad V. Pierre I à Séville et Muhammad V à Grenade, représentaient le meilleur cadre zégri de l’époque, complété par le rôle que représenteraient pour leur cour respectives trois personnages courtisans de chaque côté du Détroit: Ridwan et Ibn al-Khatîb de Grenade et le Tunisien Ibn Khaldûn. Les évènements qui accordent le chromatisme cité aux personnages en question, auront lieu autour de 1358. À cette époque, se produisit une guerre entre les royaumes chrétiens qui affecta Grenade, pendant que fleurissait le labeur diplomatique des courtisans, ainsi que l’ostentation et l’activité des cours. La guerre de 1358 éclata entre Aragon et Castille, et les actions remarquables sont les suivantes: – Grenade pris le parti de Castille dans la guerre de celle-ci avec Aragon: entre autre, parce que Muhammad V était tributaire de Pierre I. Mf!djorvjnf!spzbvnf 722 – Celui qui réalisa la gestion de cette décision nasride fut le vizir de Grenade Ridwan. – L’aide promise de Grenade— flotte méditerranéenne contre Aragon— ne se consolida pas, car un coup interne déposa Muhammad V, pendant que mourait le vizir Ridwan. – La mort de Ridwan ouvra le chemin de la cour à Ibn al-Khatîb, qui accompagna son seigneur— Muhammad V— dans son exil de Fès, au Maroc, de 1359 jusqu’à 1362. § 5. Après le triomphe d’un contrecoup à Grenade, les partisans de Muhammad V arrivèrent à le réinstaurer au bout— 1362—, seconde époque dorée dans laquelle se distinguera Ibn al-Khatîb comme premier ministre. – Dans ce efvyjnf!ufnqt de Muhammad V, le célèbre courtisan tunisien Ibn Khaldûn s’établit à Grenade, où il arriva à représenter le Royaume Nasride devant la cour de Pierre I à Séville (1363). – Après la remise en place de Muhammad V, Ibn al-Khatîb plus notable et méfiant, déjà vizir— comme nous l’avons vu—, éloignerait de Grenade tout opposant possible, attirant sur lui une bojnbewfstjpo!tobupsjbmf qui finira par lui coûter cher. – Un perspicace Ibn Khaldûn décidera de prendre le large. En 1400, nous le trouvons aux portes de Damas dans une entrevue avec le chef mongol Tamerlan. – L’bduf! ßobm nous présente le vizir Ibn al-Khatîb tombé en disgrâce, qui fuit à nouveau à Fès, et est assassiné dans une de ses prisons pendant que la cruelle, pragmatique et courante sfmwf!dpvsujtbof élevait un nouveau vizir-poète, Jco! [bnsbl, qui passerait à l’histoire pour inclure ses poèmes dans les fontaines de l’Alhambra. § 6. L’action étant montrée, il est nécessaire de s’approcher des détails qui rehaussent cette séquence illustrative et prototypique comme cadre andalusí, entre l’apogée des {bncsbt! de Grenade dans la cour de l’Alhambra, et un roi castillan établi à Séville— Pierre I— qui deviendrait de plus en plus fort dans les Acázares remodelés à la mode andalusíe; non pas tant pour la dé-contextualité des tolérances ou des métissages, mais plutôt pour la raison évidente 723! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou que cela représentait à presque tout ce qui était andalusí: le niveau d’une époque. Les maîtres d’œuvre de Grenade qui amélioraient les demeures et les patios sévillans— déjà chrétiens ou au moins castillans—, étaient les meilleurs de leur temps, et la mode arabe illustrerait les inscriptions imitées de ces palais royaux. Compte tenu de l’activité frénétique diplomatique et courtisane montrée avant d’une façon sommaire, il faut souligner en grandes lignes, en premier lieu, les relations de Grenade avec l’extérieur et les implications profondes de celle-ci dans les affaires de son environnement. Non seulement l’on distingue sa relation avec Castille— dont elle était tributaire— ou Aragon, mais aussi avec le nord de l’Afrique où se présenteraient dans leurs cours des délégués de Grenade: Tlemcen, Le Caire, et très spécialement devant les Hafsides de Tunis; la terre qui vit naître l’historiologue par excellence, Ibn Khaldûn. D’autre part, dans la relation des faits indiqués, il est intéressant de souligner la façon par laquelle la flotte grenadine prétendit— dans cette guerre castillano-aragonaise — aller au devant de la flotte aragonaise. Effectivement, Aragon était déjà un état largement impliqué dans ses intérêts méditerranéens, situation qui la convertissait en foofnj! dpn. npef de Grenade. § 7. D’autre part, les chroniques mettent en évidence la vassalité respectée de Grenade avec la cour castillane de Pierre I. Elles insistent même sur la franche amitié entre celui-ci et le Nasride Muhammad V. Pourquoi, donc, le Castillan ne put-il intervenir dans le problème interne du Nasride, qui l’obligea à s’exiler et dont la restauration fut difficile? Parce que la complication légitimiste de Pierre I fut la cause réelle qui le maintint occupé pour sa propre survie pendant le temps d’exil du Nasride. Cela dit: ce furent les bons rapports castillans avec les Bénimérinis qui permirent l’établissement de Muhammad V à Fès, de même qu’ils promurent son retour, hébergeant le Nasride à Ronda, une année entière jusqu’à ce que son retour au palais royal de l’Alhambra fut garanti. Donc, il paraîtrait qu’il y eut une jnqmjdbujpo!dbtujmmbof!sfmmf! ebot!mÖbqqvj!bv!Obtsjef, de même que— sûrement— du maintien conséquent de la ligne dynastique telle qu’elle s’écoula. En fait, l’on sait que l’usurpateur du trône de Grenade arriva à Séville après sa déposition, étant exécuté là-bas par un Pierre I défenseur de son Mf!djorvjnf!spzbvnf 724 opposant réinstauré. Après la mort de Pierre I en 1369, les relations de Grenade avec Castille se maintinrent, mais déjà plus avec la fluidité antérieure. Avant la mort de Muhammad V en 1391, celui-ci avait ordonné la mort du vizir Ibn al-Khatîb à Fès (1375). La {bncsb! ef!Hsfobef avait aussi ses changements de rythmes. § 8. À part l’indubitable importance politique et historique des décennies que nous traitons, il faut souligner la répercussion paradigmatique d’une série de personnages pour leur implication dans l’universalité arabe. En 1325, commençait son périple l’infatigable voyageur de Tanger Ibn Batuta; dans la cour sévillane se distinguerait l’historiologue universel déjà cité, Ibn Khaldûn, et— enfin— nous avons déjà parlé du rôle d’un intellectuel sans égal, Ibn al-Khatîb de Grenade, dont l’œuvre d’une exemplarité courtisane marquée avait été comparée avec des traités similaires comme celui de Castiglione. À ce niveau de l’époque historique en marche, la langue arabe sera le moteur d’un Moyen Âge qui aboutissait déjà. Nous avons déjà fait allusion au courtisan Jco!bm.Libu•c à cause de l’Ijtupjsf!ef!Hsfobef qu’il rédigea, sa charge de vizir avec le paradigmatique Muhammad V— qui finalement le fit exécuter—, ou ses allées et venues à Fès. En réalité, sa biographie nous propose une comparaison définitive avec les personnages qui fleurissaient déjà dans l’Italie de la proto-Renaissance. Politicien expérimenté et polygraphe, un fait est indubitable: si Ibn al-Khatîb —ainsi que Ibn Khaldûn et Ibn Batuta— auraient écrit en italien, ils apparaîtraient aujourd’hui dans les histoires de la Renaissance européenne. De là que nous soyons en train de ßojs!mb!dpvqf de Karl Vossler de son Bmhvopt!dbsbdufsft!ef!mb!dvmuvsb!ftqb—pmb, proposant qu’une première Renaissance européenne se produisit en arabe, et que pour cette raison elle n’apparaît pas dans les livres en vogue. Il est évident que, pour accepter telle affirmation, nous devons avant tout admettre plusieurs prémisses: § 9. En premier lieu, il n’y a pas qu’une seule Renaissance euro- péenne: – La Renaissance naquit du Moyen Âge, et non pas pour remplir son prétendu vide. 725! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou – Ce Moyen Âge était— pour la culture— en grande mesure arabe, et comme privilège arabico-européenne dans al-Andalus. – Dans ce sens, l’apogée culturelle andalusíe peut se contempler en comparaison avec les thèmes et les inquiétudes européennes postérieures, comme une des qsfnjsft! sfobjttbodft! fvspqfooft de plus— dans la terminologie de Vossler. – Étant si ßemf!‰!tb!dpoujovju!mb!djwjmjtbujpo!boebmvt“f, nous pouvons contempler en bloc sa production culturelle depuis l’époque fleurissante d’Abd al-Rahmãn II (moitié des années 800) jusqu’à la fin du territoire de Grenade. § 10. En deuxième lieu, souligner le surplus illustratif et normatif: il s’agit d’une période trop longue pour qu’elle soit considérée comme une exception. Trop localisée en Europe pour être considérée comme exogène. Trop connectée avec l’Orient pour se poser des questions sur le chauvinisme ou son caractère exceptionnel. Al-Andalus marque la cohérence historique d’une Europe méditerranéenne. – Le prétendu sfupvs!bvy!dmbttjrvft de la Renaissance enserra une incontestable orientalisation. – Telle orientalisation vint du rôle oriental direct de Venise, la cz{boujojtbujpo de l’Italie après la prise de Constantinople par les Turcs en 1453, de même que l’arabisation andalusíe. – Vu qu’al-Andalus allait disparaître comme territoire, sa filtration est patente grâce à la transfusion mudéjare, ainsi que la diffusion des savoirs andalusís à travers la langue hébraïque en Europe, à cause de l’activité des juifs expulsés. § 11. Comme prémisses finales, après la disparition territoriale d’alAndalus comme ultime espace arabe européen— Sicile l’avait été également—, l’arabe se mésestima comme langue culturelle européenne. Vu que la féconde production en arabe devenait accessible grâce aux traductions hébraïques et latines, l’on pouvait se passer d’elle. – Après l’aliénation gutturale du patrimoine arabe d’al-Andalus, l’on prétendit que celui-ci était devenu rachitique à cause des révoltes sociales morisques compréhensibles, seulement comparables à celles mudéjares antérieures. Mf!djorvjnf!spzbvnf 726 – Enfin, l’on patenta que ce npsjtrvf!uvscvmfou n’avait aucune connexion avec le passé culturel de la renaissance européenne en arabe, mais oui— et seulement— avec l’ennemi de l’époque: le Turc. Vu qu’au morisque la seule chose qui l’unissait au Turc était la religion— l’islãm—, l’on finit par considérer bm. Boebmvt!fu!mÖjtmŒn comme ennemi. L’on et.bsbcjtf ce qui est andalusí pour le disséquer comme df!rvj!ftu!nbvsf; identité exogène, imposée et enfin éradiquée. – D’autre part, le morisque voyait déjà aussi dans l’islãm sa propre barrière identitaire. Cela n’avait rien à voir en culture et en civilisation avec le Turc, mais c’était sa dernière bouée de sauvetage face à l’implant de la mémoire collective de l’entourage. – Ebot!m֏sbejdbujpo!eÖbm.Boebmvt!mÖpo!qbufoubju!vof!mpcp. upnjtbujpo!opo!tfvmfnfou!eÖFtqbhof!nbjt!ef!mÖFvspqf/ § 12. La séquence qui précède n’est pas seulement une batterie préalable et nécessaire aux conclusions proches à ces pages, mais elle encadre plutôt dans une perspective utile le personnage en question dont nous nous occupions— Ibn al-Khatîb—, ainsi que le Tunisien Ibn Khaldûn. Ils représentent les épitomés d’une époque arabe qui s’échappait. Mais il est évident qu’ils ne sont pas encore conscients de ce fait; la perspective seule nous offre le privilège du temps qui passe. D’autre part, tout n’est pas rose: Ibn al-Khatîb est remarquable comme prototype courtisan de la renaissance, mais pour Cruz Hernández le personnage ne cadre pas à cause de sa pondération excessive si l’on fait une comparaison avec celui qui est beaucoup plus universellement nécessaire: Ibn Khaldûn. Il est hors de doute, mais aussi de lieu— en ce qui concerne nos pages—: que ce qui nous intéresse c’est l’œuvre, car elle représente les détails d’un cadre, non pas l’exceptionnel auteur fragmentaire. À ce sujet, nous devons nous souvenir des postulats de la micro histoire de Ginzburg, dans laquelle nous nous abritions. Ibn al-Khatîb a sa vision particulière de l’homme courtisan de la renaissance. Nous disions que les nbovfmt! ev! qbsgbju! dpvsuj. tbo étaient un genre arabe classique de claire profusion en Orient; mais aussi dans l’Europe de la Renaissance. Dans le cas qui nous occupe, l’auteur de Grenade est intéressant comme chaînon et comme témoin d’une époque de proto-Renaissance dans l’Europe 727! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou qu’il connaît et traite depuis la très active Chancellerie nasride. Dirigeant ses réflexions, de la cour au souverain, il pondère mb!sbjtpo! eքubu lorsque l’auteur parle du rôle du vizir par exemple: jm! epju! ‘usf! vof! qjdf! dm! fu! bwpjs! mf! efsojfs! npu! ebot! wpusf! „ubu/! Jm! wpvt! qstfswf! eft! fssfvst-! qspßuf! eft! pddbtjpot! fu! tvqqpsuf! qpvs!wpvt!mft!tbmft!dpvqt/!Jm!tbju!df!rvj!tf!qbttf!fu!wpvt!sbqqfmmf! upvu! df! rvf! wpvt! qpvwf{! pvcmjfs/! Jm! dpowbjod! bwfd! mprvfodf! wpt!eusbdufvst-!fu!jm!of!sfopodf!qbt!bwbou!eÖbwpjs!uspvw!wpusf! dpowfobodf!\Ê^/ § 13. Plus tard, il énumère les conditions du bon courtisan: jm!gbvu! rvÖjm!tpju!ßemf!‰!mքubu-!tbujtgbju!ebot!mf!qptuf!rvÖjm!pddvqf!‰!dšu! ef!wpvt-!mpjho!ef!mb!dpowpjujtf!fu!ef!mÖbwjeju!ev!qpvwpjs-!np. es!gbdf!‰!wpusf!npesbujpo-!fyqejujg!bwfd!df!rvj!wpvt!gŠdif-! bdujg-!ef!ibvu!mjhobhf-!qspddvq!qbs!mb!kvtujdf-!ibcjmf!bwfd!mft! bsnft-!dpoobjttfvs!eft!ufobout!fu!eft!bcpvujttbout!ßobodjfst-! qjfvy!fu!ipoo‘uf.322 Si à cela nous ajoutons mb!qmvnf!hsbdjmf dont il parle dans d’autres paragraphes, l’on dirait que l’auteur de Grenade est en train de décrire— par exemple— Garcilaso de la Vega. Ou bien cela aurait pu être écrit, comme nous le disions, par Balthazar de Castiglione, Érasme, Thomas More, ou Nicolas Machiavel; chacun avec ses propres nuances, il en va de soi. Ibn al-Khatîb né à Loja en 1313, dans une famille sans hobmp. hjft! gboubtnbhpsjrvft, tellement à l’usage pour les intellectuels de l’époque qui, provenant des plus communs des mortels, devaient sfqfjoesf!mfvst!cmbtpot situant d’impossibles tribus orientales dans leurs veines. De Cordoue à Tolède et Grenade entre les années 800 à celles qui nous occupent maintenant. Probablement, le voyage prototypique d’une famille courtisane de longue date qui s’était occupée des Omeyyades. Quelque membre de la famille, au passage, se distinguerait pour son oratoire jusqu’à ce que ces gens fussent reconnus comme les libu•c — prédicateur. La même année que la bataille de Salado— 1340—, notre Ibn al-Khatîb était déjà lbujc — souvenons-nous, secrétaire— dans une cour nasride qui alors, disions-nous, recensait l’indépendance, la cohésion et l’isolement en parties égales. Aux côtés du sultan Muhammad V il recevra 322 Soha Abboud Haggar, «Ibn al-Jatib, espejo de visires y letrados». Ijtupsjb 16, 255 (1997), page 36. Mf!djorvjnf!spzbvnf 728 le plus haut rang de ev.m.xj{bsbubzo, celui des deux vizirats. Nous avons déjà vu comment il accompagna son souverain dans son exil et gagna du pouvoir dans la réinstauration de 1362 jusqu’à son bannissement et sa mort à Fès. § 14. Ibn al-Khatîb substituait un personnage de transition d’une grande relevance: le chambellan Ridwan déjà cité, vizir de trois sultans et tombé en disgrâce par le coup qui exila temporairement Muhammad V. Ridwan, de la Manche, avait été un fils de son temps: son père castillan avait tué un homme et s’enfuit avec sa femme— catalane— et ses fils jusqu’à se réfugier dans des territoires privilégiés comme celui de Grenade. Là il prospéra par sa bonne écriture jusqu’à atteindre une opportunité courtisane, qui représentait mf! s‘wf!ef!mÖipnnf!ef!mfuusft!boebmvt“. Il développa sa vie publique pendant quatre vingt dix ans d’intrigues, de montées et de descentes, de prison et harcèlement, où prospéra sa vision de parapet de Grenade: il renforça les murailles, construisit des barbacanes, et il s’occupa de la prospérité nécessaire de la nefstb nasride; l’école particulière des secrétaires dans un coin de l’arabité qui devait veiller sur sa propre continuité. Pour sa part, celui qui le remplaça aux côtés du sultan était beaucoup plus secrétaire que vizir: l’on a beau nous montrer la vie de la cour comme hasardeuse, ce qui nous reste réellement de ce Mj. tbo!bm.Ejo -tel qu’il sera nommé— une très grande quantité d’écrits conservés en Espagne et au Maroc. Pour être tardifs— seconde moitié des années 1300— et d’une époque limitrophe, ainsi qu’assez proches par rapport à ce que nous connaissons comme Renaissance européenne, la lecture d’Ibn al-Khatîb est très illustratrice de son époque. Une époque qui, d’autre part, était consciente de la narration; spécialement dans la Jibub, l’Histoire de Grenade que nous citions comme Ef!sfupvs!bwfd!mÖijtupjsf!ef!Hsfobef. Et nous observions qu’fmmf!of!tÖbqqfmmf!ek‰!qmvt!bm.Boebmvt. § 15. Il compose des traités de genres variés. Nous avions déjà fait allusion à la manière avec laquelle l’intellectuel andalusí de la renaissance avait l’habitude de se dédier à la médecine, probablement comme une occupation pratique plus nécessaire à une époque de mortalité élevée. Ibn al-Khatîb eut le malheur de connaître la diffusion de la peste noire— le hsboe!nbm, comme elle était connue—, 729! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou à laquelle il consacra un essai, ainsi qu’à tant d’autres questions médicales— obstétrique, poisons, et cetera. Mais il s’adonne aussi avec profusion à une littérature de plus de salon, illustrative de l’ambiance sociale à laquelle il pouvait se diriger: traités de voyages, notices littéraires, livres d’auto-aide, ou livres hétérodoxes sur la magie et— le rejet particulier envers les alfaquíes (juges)— ce que Cruz Hernández appelle la gnoséologie. Probablement Ibn al-Khatîb était plus versé sur les techniques mythiques que sur le mysticisme comme tel, mais ce qui est certain c’est qu’il écrivit quelques célèbres traités sur l’amour divin. Comme politicien nasride expérimenté, Ibn al-Khatîb se consacra très spécialement à rédiger une histoire à la mesure de la dynastie; vof!wjtjpo!ev!npoef!efqvjt!mÖBmibncsb. La délimitation iconographique de ce palais nasride est très adroite: il représenta une dynastie, mais lui survécut et passa à constituer la propre image d’une certaine mémoire collective qui avait perdu sa référence. Le palais— en réalité un ensemble élevé sur la colline de Sabika, provient des premières constructions défensives qui apparaissent déjà dans les mémoires du dernier Zîride taifa qu’il nomme DiŠufbv! spvhf, car c’est ce que signifie bm.rbtbs! bm.ibnsˆ ou Alhambra. Dans la plus classique tradition andalusíe de constructions civiles associées à la légitimité du souverain— Madînat al-Zahra’, Zahirã, et cetera—, l’Alhambra remplirait sa fonction de palais intensifiée afin d’être le siège gouvernemental du dernier al-Andalus. 9/5/!Bcfodsbhft!fu!Kbsjgbt § 1. Castille prenait Antequera en 1410. La vision du monde depuis l’Alhambra avait beau être privilégiée, il est plus que probable que la diminution d’un territoire si proche supposât un certain avertissement pour la dynastie nasride. Du point de vue de Grenade, la perception de ce fait dut être ressentie comme une certaine augmentation nécessaire de l’activité diplomatique, déjà compliquée par la croissante crise interne de toujours. Il ne s’agit pas, dans ce cas, de l’invétéré décadentisme dont l’on fait montre en nous occupant de Grenade; il s’agit plutôt de constater un fait: depuis 1391 jusqu’à 1464, en un peu plus de soixante ans, se succédèrent presque une douzaine de sultans, avec en plus un problème de plusieurs investitures et/ou destitutions par soulèvement. Il est donc évident que Mf!djorvjnf!spzbvnf 72: la stabilité évidente de la dynastie nasride entrait dans une période de changements permanents. Ceci n’a rien à voir avec l’équivalence à une crise finale, mais dans la situation de Grenade— entourée par la mer et les montagnes, dans l’ultime coin arabe d’Europe—, la stabilité interne paraissait être une garantie commode de survie. Comme dans toute crise, celle-ci, aux alentours des années 1400, apporta un obstacle à sa fertilité: l’on admet, par exemple, qu’avec la prise d’Antequera, citée auparavant, surgissait un certain genre littéraire: mb!spnbodf!eft!gspoujsft;323 recueil de poèmes zégris et témoin d’une époque d’ambigüités identitaires, précisément pour l’excès de différence entre les deux partis de la dispute. Les vêtements, la langue, la religion, jusqu’à la gastronomie, marquaient leurs identités respectives dans une époque, par contre, qui faisait de la {pof! joufsnejbjsf l’enceinte des vers. Quand, à partir de 1561, commence dans ce qui est déjà l’Espagne le genre du spnbo! npsjtrvf, les personnages et les situations imiterons une époque et un lieu dans lesquels l’Abencérage— Maure noble, indompté, accroché à un sol glissant; en réalité, prenant le nom de ceux qui se rebellèrent dans la Grenade des années 1400— lutteront pour leur honneur et leur territoire, pendant que les belles Jarifas feront la conquête du cœur des Castillans. § 2. La tendance générale de certaines romances limitrophes est particulièrement intéressante, elle sera versée après dans le roman morisque avec une liste de personnage et situations très similaires: la manière avec laquelle le narrateur castillan se met à la place du Maure qui— il le sait bien— va perdre Grenade. À partir d’un genre éminemment castillan, l’on va tirer profit éditorial d’un sentiment de perte, nostalgie honneur et amour qui— en réalité— nous renvoie à l’imaginaire de l’ennemi. Probablement cela répond au fait suivant: depuis la publication de la version romancée de Fm!Bcfo. dfssbkf! z! mb! ifsnptb! Kbsjgb— 1561, disions-nous—, et jusque Mbt! hvfssbt!djwjmft!ef!Hsbobeb— Pérez de Hita, 1595—, il y a un public lecteur qui sait bien ce qu’attend de lui un État rigoureux, mais cela ne correspond pas nécessairement avec ce qu’il ressentait encore; ce qui lui était susurré depuis les aïeux de ceux qui, maintenant, il 323 Antonio Rey Hazas, Kbsjgbt! z! Bcfodfssbkft/! Boupmph“b! ef! mjufsbuvsb! npsjtdb. Madrid: Marenostrum, 2005, page 8 et ss. 731! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou fallait renier. La Troisième Espagne était en train de naître, et nous nous en occuperons en bref. Pour l’instant, et avec l’aide de la perspective du temps déjà citée, nous devons situer deux évènements qui, s’ils apparaissent comme le courant narratif dans les romans et les romances ultérieurs, c’est à cause de leur perception de représenter un carrefour. Il s’agit de l’époque des Abencérages— en premier lieu—, et finalement des Guerres civiles de Grenade, qui apparaissaient et disparaissaient depuis 1419, et qui termineraient précisément avec la prise castillane de 1492. Quand, fo!2528-!npvsbju!mf!tvmubo!Zvtvg!JJJ, se produisit la crise politique habituelle provoquée par un héritier trop jeune: son fils de huit ans— à ce moment-là Muhammad VIII mf!Kfvof. Entre la régence d’un vizir trop puissant— Ali al-Amin —, et le pouvoir silencieux des nobles de Grenade, la transition s’avéra compliquée. Ces nobles avaient à leur tête la gbnjmmf! eft! Cbov! Tbssbdi— castillanisé comme Bcfodsbhf —, et ils feront valoir leur pouvoir économique et social pour renverser la légitimité du jeune Nasride. Il est intéressant de remarquer la manière avec laquelle l’on transformera en icônes le souvenir de telles familles qui s’entremettaient dans le pouvoir nasride: concrètement, mf! tboh! bcfodsbhf!dpvm à Grenade après le définitif massacre répressif du gouvernement de l’Alhambra. § 3. Ainsi, dans une sanglante guerre civile commencée précisément par ces Abencérages— militarisés sur les côtes—, ils en arrivèrent à terminer avec le puissant vizir, confinèrent et assassinèrent le sultan-enfant de Salobreña, et ils apportèrent de Tunis leur candidat, Muhammad IX le Gaucher. Les Abencérages se convertissaient en un groupe de pression parallèle à la ligne nasride qui maintenant— de cette façon— greffait à leur aise. Comme nous le voyions, jusqu’à 1465, l’on ne récupérera pas une certaine stabilité, toujours et dorénavant menacée par les latentes et romanesques— Guerres Civiles de Grenade. Peu après le premier coup des Abencérages, Grenade souffrirait une déroute symbolique dans la Bataille de la Higueruela (1431): dans la vallée; la vallée fertile de Grenade, était pour la première fois le champ de bataille dans lequel les Castillans arboraient leurs bannières. Les romances n’oublieraient pas la date ni la transcendance symbolique de cet évènement. Muhammad mf! Hbvdifs, l’homme des Abencérages, régna en Mf!djorvjnf!spzbvnf 732 quatre occasions différentes comme preuve du manque extrême de légitimité, d’engagement abencérage, et d’instabilité nasride dans des conditions telles qu’elles ne pouvaient pas passer inaperçues, ni par le roi de Castille— Jean II—, ni encore moins par son connétable, Álvaro de Luna; stratège habile. En 1454, les Abencérages imposaient un nouveau sultan, le Djsj{b!eft!tpvsdft!disujfooft— Sidi Saad— (153-1464) intronisé par eux à Archidona, pendant qu’un Muhammad XI gouvernait dans la capitale, Grenade. Deux rois qui s’affrontent, un territoire diminué, et des Castillans qui étaient arrivés dans la vallée de Grenade. Quand, en 1464, NŸmŒz!IbtboÒ! Nvmibdo— assume le sultanat, il se trouvera avec de si graves problèmes internes que, dans l’Alhambra, la Bulle du Pape Calixte III concédant la considération de Dspjtbef aux nouvelles incursions des Castillans, passeraient complètement inaperçue. § 4. À partir de ce moment-là, la pente stratégique s’impose comme une conclusion finale et accélérée du territoire andalusí; des dernières zones arabes d’Europe. Ce Mulhacén devait affronter en 1474— comme une crise intensifiée de plus— une terrible inondation grenadine, ainsi que des mesures tributaires impopulaires qui exalteraient le courage grenadin. Huit ans plus tard-1482— les fils du sultan— à ce moment-là le célèbre Boabdil et son frère Yusuf— fuyaient à Guadix avec un reste d’appui abencérage, au début d’une dernière guerre civile. Cette même année fut nommé sultan ce Boabdil, après de sanglants affrontements dans les rues mêmes de la capitale. Dans un tel contexte l’on doit encadrer le massacre des Abencérages, dont le sang rougit le fleuve de Grenade. Entre les premières manœuvres du sultan, se trouvait la reconnaissance de sa vassalité aux rois de Castille et Aragon, à ce moment-là Isabelle et Ferdinand— les Rois Catholiques. Les dernières années du Royaume de Grenade s’écoulèrent pendant que Boabdil s’affrontait à des problèmes de légitimité interne, face à son opposant bm.[bhibm. En 1491, les rois de Castille et d’Aragon construisirent un campement à Santa Fe, devant Grenade, et pendant la nuit du 25 novembre 1491, l’envoyé de Boabdil devant les Rois Catholiques— al-Mulih — signait la reddition de la ville, Les Rois Catholiques se compromettant en échange avec les Dbqjuv. mbdjpoft!ef!Tboub!Gf à respecter différents aspects de la vie de Grenade, comme la mjcfsu!sfmjhjfvtf!fu!mb!mbohvf. À l’aube du 733! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou 2 janvier 1492 al-Mulih guida le commandeur de Léon, Gutierre de Cárdenas, jusqu’à l’Alhambra. Le matin suivant Boabdil lui remettait la bannière et les clés de la ville dans la Torre de Comares, ouvrant les portes de la ville au comte de Tendilla et ses troupes. Mb!cbo. ojsf!ef!Dbtujmmf!tf!ijttb!tvs!mb!Upssf!ef!mb!Wfmb!mf!3!kbowjfs! 25:3. Hbobeb!fsb!Hsbobeb- culminant ainsi l’époque d’al-Andalus comme territoire. § 5. Lorsque nous proposions la désignation possible de Grenade comme royaume mudéjar, nous faisions allusion à une certaine distinction entre deux concepts, dorénavant essentiels: mudéjar— musulman dans un territoire chrétien— face à morisque— cryptomusulman dans une époque chrétienne. C’est-à-dire: la personne ne change pas, ce qui change c’est l’environnement. Le mudéjar est l’Andalusí greffé, et le morisque est l’Andalusí auquel l’on ne permet pas de se greffer. Plus tard, il passera à être celui qui ne veut pas se greffer. Le passage des decennies qui nous occupent est la usbo. tjujpo!eÖvof!Ftqbhof!nvekbsf!‰!vof!npsjtrvf, avec les pertes de patrimoine qui se produisirent dans le chemin. Si à l’origine et en essence l’on propose le nvekbsjtnf comme une prééminence— une persistance, plutôt— d’une inertie culturelle andalusíe, tel concept— telle situation sociale— ira en évolution vers une fiction andalusíe; ce qui est morisque comme résidu enkysté d’une Espagne à laquelle l’on ne permit pas de continuer d’être. Il est fâcheux d’avoir à compenser une certaine tendance paternaliste vers l’élément résiduel morisque, mais nous ne pouvons pas avancer dans notre route historiologique sans une certaine comparaison: personne n’expose la conquête romaine de la Grèce comme une défaite culturelle grecque, comme Rome ne prétendit pas non plus annuler et/ou défendre la civilisation grecque. En matière de relève historique, il y a différentes façons de procéder. Dans les Dbqjuvmbdjpoft!ef!Tboub!Gf, accordées entre les Rois Catholiques et le Royaume de Grenade, la question était posée en ce qui concerne l’incorporation du dernier coin territorial d’bm.Bo. ebmvt!fo!dibohf!ef!tpo!nvekbsjtnf-!opo!ef!tb!npsjtrvj. tbujpo/! C’est-à-dire: l’on proposait la permissivité des coutumes andalusíes— depuis la religion jusqu’à ses modes d’organisation sociale—, en échange de tributs. Cependant, à la longue, le pouvoir institutionnel d’une Espagne déjà fermée— territorialement Mf!djorvjnf!spzbvnf 734 et culturellement—, ne respecta pas ces capitulations, et s’efforça d’homogénéiser une société qui avait été hétérogène pendant des siècles. Dans ces conditions l’on avança vers la npsjtrvjtbujpo d’alAndalus dont nous avons déjà fait allusion. Déjà avant la prise de Grenade en 1492, dans les zones déjà conquises se produisirent des soulèvements mudéjars contre la tendance minimaliste gouvernementale. Le processus commencé alors ne s’arrêtera pas jusqu’à ce que l’on appelle mÖfyqvmtjpo!eft!npsjtrvft. Il s’agissait des ultimes râlements d’une Espagne défendue. JY/!MB!GJMUSBUJPO!EÖBM.BOEBMVT § 1. Et, à la suite de cette année 1492, ce qui était mudéjar se conver- tit de régressif à morisque. Ce qui était juxtaposé se révéla être excluant. Après, se soulevèrent les morisques, et ils furent expulsés. Dans ce nouveau désordre de choses, la vieille distinction d’Ortega y Gasset entre les hommes et les animaux est un exemple. Les deux ont une descendance, mais seuls les premiers ont des héritiers. L’humain est, donc, un être qui hérite. Quoique— nous le voyions— sous bénéfice d’inventaire. Par exemple, Francisco Javier Simonet— professeur agrégé de l’Université de Grenade dans la deuxième moitié des années 1800—, renonça à un héritage. Il avait une phobie profonde pour le fantôme culturel que constituait le qsftujhf!spnboujrvf!eÖbm.Boebmvt!ijtupsjrvf,324 et il l’éloigna de sa mémoire historique. L’homme eut la perception d’un certain devenir folklorique de sa terre austère, et réalisa une trépanation ajustée face au miroir; manipulation génétique avec caractère rétroactif. Dans les antipodes de tel sentiment, un autre être qui hérite, Blas Infante (1885-1936), proposait un bien intentionné syllogisme contraire: le paysan andalous souffre, le morisque souffrit, fshp le paysan andalous est morisque. Il coïncidait avec l’identification espagnole de ce qui était andalusí est andalous— comme si Saragosse ou Tolède n’eussent pas été aussi des villes importantes dans al-Andalus — Infante participait à l’bmmhpsjf!boebmvt“f bien connue, comme séquence métaphorique ininterrompue. Sous une réserve: bien que l’identification d’Infante — l’Andalous est morisque— qui est erronée en tant que telle, elle ne l’est pas ‰!mÖjowfstf avec des nuances: le morisque souffrait, le 324 Bernabé López García «Francisco Javier Simonet ante el colonialismo, 1856-1863. Un artículo en La América”. Dvbefsopt!ef!Ijtupsjb!efm!Jtmbn 3 (1971), pages 159-178. 737! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou paysan andalous souffre, fshp df!tpou!upvkpvst!mft!n‘nft!rvj! tpvggsfou— ce qui ne veut pas dire qu’ils soient semblables. D’où l’on en vient à nous rapprocher de la lutte des classes dpowfsujf!fo! enpo! qbs! upvt; parce que upvuf! tpdju — propose Eickelmann dans son livre d’Bouispqpmphjf — pourvoit à des sortes d’irrédentisme.325 Et dans l’Espagne qui ne voulut pas d’al-Andalus, mÖjss. efoujtnf!tf!w‘uv!ef!npsjtrvf. Les mêmes territoires l’avaient fait avant vêtus de nvekbs, aussi de nvmbe“, et longtemps avant de np{bsbcf. Si nous remontons encore plus loin, nous pourrions même dire qu’ils s’étaient vêtus ef! nvtvmnbo! sans le savoir, et cetera. La ligne de l’irrédentisme est si claire, qu’on la perd de vue seulement lorsqu’elle s’estompe derrière dfu!dsbo!ef!gvnf que certains se parjurant la considèrent jefouju!sfmjhjfvtf. § 2. Morisque équivaut à musulman d’Espagne converti au christianisme, non pas à Maure. Il naquit comme adjectif: vêtements morisques, coutumes morisques: c’est-à-dire propre aux Maures; ef! dft! Nbvsft! rvÖjm! z! bwbju! jdj! bwbou! fu! rvj! nbjoufobou! tpou! m‰.cbt! fo! gbdf. La distinction n’est pas futile, car elle exprime à la perfection la façon par laquelle l’Espagne prit comme substantif un adjectif. Pourquoi le fit-elle — pourquoi renier al-Andalus? Probablement par simple méconnaissance de la continuité dans la réalité historique. Également, parce qu’elle pouvait le faire, parce qu’elle pouvait se permettre de renier. Comme le licencié qui renie les études qui l’ont converti en ce qu’il est. À nouveau: pourquoi fiton expulser les morisques et les juifs? Ceux qui en savent long sur ce sujet exposent les raisons sensées d’un État homogène, pendant que le monde arabe et islamique— presque rien!— se consacre à jeter des coups d’œil en biais à une époque et une géographie qu’ils ressentent comme des ancêtres, de même que le judaïsme ultérieur appelle Séfarade à son particulier paradis perdu. Cela étant, si Simonet pouvait s’extirper, pourquoi d’autres ne pourraient-ils pas s’implanter? Le mythe andalusí était créé. Le paradis perdu. González Alcantud se demande ce qu’est un paradis perdu, pour en arriver à un de ses paragraphes pleins de génie et de haute densité: vo! qbsbejt! qfsev! ftu! mb! gbtdjobujpo! qpvs! vo! 325 L. Eickelmann, Bouspqpmph“b! efm! nvoep! jtmˆnjdp. Barcelona: Trotta, 2002. Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 738 dspopupqpÒ c’est-à-dire un dbssfgpvs!ev!ufnqt!fu!ef!mÖftqb. df — comme forme d’vupqjf — mjfv!jofyjtubou. Ainsi, la projection d’al-Andalus dans la littérature arabe et islamique contemporaine, et de la même façon les récits des voyageurs arabes en Espagne, créent— se recréent— un al-Andalus impossible, à la mesure des songes d’autrui.326 À nouveau: un paradis perdu. § 3. Malgré tout, ni al-Andalus est une chimère, ni est le passé d’un présent islamique, ni les morisques supposent tout ce qui se succède après al-Andalus. Ils représentent son maquis sociologique; très spécialement, à mesure que nous entrons dans les années 1500. L’insistance obstinée de la espjuf!ejwjof!327 espagnole à rejeter la viabilité culturelle andalusíe dans l’Espagne— et l’Europe— ultérieure, se base très spécialement sur cette grave métonymie andalusíe: la partie résiduelle morisque, pour le tout civilisateur assimilé, aliéné. L’on propose que ce qui est andalusí soit la zone turbulente du Levant des Alpujarras, et la question se termine affirmant qu’Espagne pourrait en faire abstraction. D’accord: mais l’Espagne qui expulsa les juifs et les morisques, avait déjà al-Andalus dans sa propre essence. De la même manière que l’Europe le contenait dans sa Renaissance. C’est un fait indéniable qu’al-Andalus, comme territoire, termina avec la prise de Grenade et l’élimination du djorvjnf!spzbvnf 326 José Antonio González Alcantud, Mp!npsp/!Mbt!m˜hjdbt!ef!mb!efsspub!z! mb!gpsnbdj˜o!efm!ftufsfpujqp!jtmˆnjdp. Barcelona: Anthropos, 2002. 327 Nous faisons référence à des concepts déjà esquissés dans des travaux antérieurs. Lorsque nous parlons de la espjuf!ejwjof —, nous jouons sur le fait qu’il y eut une hbvdif! ejwjof. C’est-à-dire, une façon d’être— seulement en apparence— de gauche. Parce que la mode était la gauche, en termes politiques. De la même façon, aujourd’hui la mode est d’être vo!qfv!gbdip: dans quel sens? Non pas en terme politique, tusjdup!tfotp, mais comme une patine ironique lorsque l’on commente des questions relatives au Tiers-Monde, les Gays, l’Écologie, les Recyclés, l’Intégrité territoriale, l’Immigration, l’Islãm…. Il y a une infinité de matières dans lesquelles, en Espagne, celui qui est dans une réunion epoof!vo! dpvq!ef!qpjoh!tvs!mb!ubcmf pour dire: ça suffit! Protégé par l’opinion publique qui est sensible à ce que l’on gbttf!foufoesf!sbjtpo à certains qspßufvst!ef!mb! dpoeftdfoebodf. Nous sommes en train de préparer un travail de plus d’incision anthropologique sur ce sujet. Pour le moment, nous nous contenterons avec la dénomination de espjuf!ejwjof pour ce sjduvt!eÖvo!dibvggfvs!ef!ubyj! nßbou devant ce qui est qualifié d’fydt!ef!mbjttfs.gbjsf. 739! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou en tant qu’entité arabe de culture, ainsi qu’islamique de religion. Mais lorsque nous eßojttjpot!bm.Boebmvt opo dpnnf!qprvf! qbttf, mais dpnnf!vo!dpnqptbou, nous faisions référence précisément à cet aspect de notre parcours historiologique. Al-Andalus ne s’épuise pas, sans plus, dans les soulèvements probablement justes des Alpujarras. Il n’est pas non plus présentable de continuer à respecter le tqibsbejtnf!tzouiujt et spontané de ceux qui depuis le judaïsme contemporain, proposent des exclusivismes proto-sionistes; parce que le tqibsbejtnf fut fils de ce qui était andalusí. Nous parlions de rejeter maintenant les métonymies; les qbsujft! eÖvo! upvu. Il est un fait indéniable c’est que le morisque nous renvoie au passé duquel il émane, mais c’est seulement un des rvbusf!jotusvnfout!ef!ßmusbujpo!boebmvt“f dans l’Europe de la Renaissance. § 4. L’année 1492— avec la prise de Grenade— entraîna un fait essentiel pour l’Espagne dont elle fut initiatique. Non seulement se terminerait un projet national, ou l’attention péninsulaire se détournait vers la découverte de l’Amérique. Cette même année diminuerait également les traces de l’essence andalusíe à cause de l’expulsion des juifs. Bientôt— en 1502—, l’on émettrait un Décret Royal significatif qui obligeait les mudéjars de Castille à se baptiser. Nous voyions que les mudéjars étaient des Andalusís tolérés— tributaires— dans un environnement chrétien; et bien, plusieurs années après— c’est-à-dire en 1525—, le cadre d’application de ce Décret Royal s’étendait à tout l’Aragon et à Valence. Il est évident que quelque chose était en train de se transformer, mais avec trop d’accélération. Dans cette Espagne des années 1500, les vieux chrétiens— en apparence, sans aïeux musulmans ou juifs— et les morisques— ou Maures nouveaux chrétiens — devaient cohabiter maintenant dans une société diminuée après l’expulsion des juifs. Mais cela ne faisait que commencer: cette expulsion des juifs,— d’autre part— ne ferait qu’intensifier la usbotgvtjpo!boebmvt“f déjà fluide. Le nouveau sbwbmfnfou! tpdjpmphjrvf ne cadrait pas. L’on aurait dit que, de même que ce qui s’était passé à Grenade taifa avec le vizir juif, la querelle urbaine ayant comme conséquence la mort des juifs, se convertissait en une coutume. Ceux-ci passaient ainsi à représenter un contingent humain qui n’avait pas sa place et se convertissait par propre droit en cette antinaturelle Tgbsb. Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 73: ef/! S’jmt!of!qpvwbjfou!ek‰!qmvt!‘usf!bm.Boebmvt — depuis les Almoravides et les Almohades— et maintenant qbt!opo!qmvt!Ft. qbhof— expulsion finale en 1492— mÖbctfoujtnf!usbejujpoojtuf! ef!m֏mnfou!tpdjpmphjrvf!kvjg!ftu!dpnqmufnfou!fyqmjdbcmf. Un élément qui avait été gagné— et qui continuerait— comme droit propre à se situer avec al-Andalus à la cime culturelle de l’Europe. § 5. Déjà en 1355— et fixons-nous sur la date si précoce— plus de mille deux cents juifs étaient morts à Tolède, qui, supposément, était le siège de trois cultures, aux mains des partisans de celui qui serait Henry II— El Trastamara. Quarante ans après— le 6 juin 1391, pour être exact—, le massacre de six mille juifs à Séville marquait l’obligation de conversion pour le reste. Ne tombons pas dans les démons de l’Inquisition: c’est le voisin qui tue, non pas le Décret. À la longue, la conversion feinte ne suffira pas: en 1434 l’on découvrira un complot à Séville par lequel le Comte de Luna prit la ville, peuplée de convertis— ayant préalablement massacré tous ceux-ci. D’autre part, dix ans après— le 24 mai 1449— un certain Bachelier Marquillos— dont le nom était Marcos García de Mazarambroz— rédigeait une Sentence interdisant les postes publics aux convertis tolédans, avec leur expulsion subséquente. Telle sentence est considérée comme le premier projet des célèbres Statuts sur la pureté du sang ultérieurs. L’on considère également ce Bachelier Marquillos comme l’instigateur du massacre tolédan de cette même année— 1449. À nouveau: chaque bras qui en finit avec la vie d’un voisin fut la cause, non du rôle ou de l’esprit d’un Bachelier qui a mal tourné. L’Espagne ne se permettait pas un futur plus ouvert. À partir d’ici, se succèderont des épisodes connus comme la violence contre les convertis cordouans pendant la Semaine Sainte de 1474. Où voulons-nous en venir? Tout simplement à ne pas transformer en démon l’année 1492; mf!enpo!tf!qspnfobju!upvu!‰!gbju!‰!mÖbjtf! bousjfvsfnfou. En fait, l’Ordonnance de la gpoebujpo! ef! mÖJo. rvjtjujpo— le Santo Oficio du cardinal Mendoza, remonte à 1478. Nous en étions là lorsque nous disions que le 2 août 1492, sept mois après l’entrée des Castillans dans Grenade, était promulgué l’ordre d’expulsion des juifs d’Espagne. Seulement un an après se produirait un qsfnjfs!tpvmwfnfou!npsjtrvf dans les Alpujarras de Grenade— à la suite de quoi, Boabdil, établi là-bas, devra émigrer à 741! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Fès.328 Sept ans plus tard, le cardinal Cisneros détruisait l’esprit des Capitulations de Santa Fe. § 6. Ainsi, en 1499, le baptême devenait obligatoire à Grenade et l’on procédait à ce qui était habituel dans l’Hispanie: brûler les livres en convertissant la mosquée de l’Albaicín en Église du San Salvador, la débarrassant des manuscrits arabes anciens. Cette année-là, jusqu’en 1502, un soulèvement morisque, déjà en toute règle, s’étendait depuis les Alpujarras jusqu’au quartier de l’Albaicín de Grenade, et même jusqu’aux montagnes de Ronda. Il s’agissait d’une particulière joujgbeb!ef!mÖBmcbjd“o dont s’occupa profusément le roman Hsbobeb de Radwar Ashur. De cette époque date la lettre surréaliste— de même que la vie— envoyée par les habitants de Grenade au sultan de Turquie— à ce moment-là, Bajazet II— sollicitant son assistance en tant que musulman puissant. Le morisque commençait à générer son propre maquis corporatif alimenté idéologiquement par la seule chose qui pouvait servir de rejet complet de la part d’un État endurci et catholique: l’islãm. Nous nous sommes situés avant en 1502 l’année du Décret Royal de conversion des mudéjars: cette année-là était également promulguée l’Fyqvmtjpo!Qsbhnbujrvf! des musulmans qui ne s’étaient pas encore convertis. Il est intéressant d’observer que cette même année vit naître le Wpdbcvmbsjp!bsˆcjhp de Pedro de Alcalá, déjà cité, disciple de Nebrija. Ce dernier, Antonio de Nebrija, publia sa Hsbnˆujdb en 1492 élaguant gravement la langue des termes arabes, pendant que son disciple montrait la preuve évidente qu’il existait une usbotgvtjpo!ufsnjopmphjrvf!fu!dpodfquvfmmf de l’arabe à l’espagnol futur. Ces questions de pureté terminologique s’inséraient dans ce sfqfjoesf!mft!cmbtpot péninsulaire. § 7. À la longue, naîtra aussi une œuvre, de faible divulgation vu l’intérêt général qu’il y avait pour qu’il en soit ainsi: en 1560— l’année de sa mort— Francisco de Mendoza y Bobadilla (1508-1560) publiait son livre qui a pour titre Fm!uj{˜o!ef!mb!opcmf{b, dans lequel il pas328 Boabdil, le qmfvsfvs de l’imaginaire historique, tira un bon parti de la remise des clés. À Fès il construira un petit palais— l’on dit que semblable à l’Alhambra—, et il vivrait là-bas trente sept ans de plus. Son oncle et rival dans les Guerres Civiles fratricides, Fm![bhibm- s’établit commodément à Oran, dans l’actuelle Algérie. Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 742 sait en revue toutes les familles nobles espagnoles, sans en trouver une qui fût réellement vieille chrétienne. Quand nous faisions allusion à que df!tpou!upvkpvst!mft!n‘nf!rvj!tpvggsfou, même s’ils ne sont pas semblables, nous faisions allusion à cette intéressante et particulière tendance qu’ont certains secteurs sociaux d’être toujours à flot. Un fait qui se renversera légèrement à cause de ce que l’on appellera plus loin Dpnnfsdf!Hosbm, ce qui provoquera une rupture sociale révolutionnaire. Mais nous aurons le temps de nous approcher de cela. Pour le moment, ce qui nous intéresse de souligner c’est que déjà, avec la transition par gspuufnfou!tbot!hsbjttbhf d’al-Andalus vers l’Espagne— et de la juxtaposition mudéjare jusqu’à l’exclusion morisque—, nous nous trouvons dans la situation d’énumérer ces rvbusf!jotusvnfout! ef!ßmusbujpo!boebmvt“f, pour ne pas tomber dans la théorie de la disparition d’al-Andalus dpnnf!qbs!fodiboufnfou. Il est nécessaire de faire, avant tout une mise au point préliminaire: en 1492 s’éteignait al-Andalus en tant que territoire, et passait à un niveau d’existence différent; celui de composant culturel. Les quatre instruments de filtration de ce composant, disions-nous, sont les suivants: § 8. En premier lieu, il est juste de ne pas mépriser, en plus, à cet honni post-andalousisme auquel il n’était pas permis d’être mudéjar. Donc, le premier élément est l’évident et surdimensionné enkystement morisque direct et sauvage comme chapitre suivant aux soulèvements mudéjars. En second lieu, al-Andalus était présent dans le bagage culturel des juifs andalusís obligés à se disperser à travers l’Europe. En troisième lieu— et par là nous avancerons—, dans le composant inéluctable de la culture européenne de la Renaissance connu comme averroïsme, qui ne prospéra pas en Espagne. Et, enfin, il y eut une convergence dans la Uspjtjnf!Ftqbhof; celle qui voulait être sans renoncer à continuer à être. Celle qui n’était déjà plus morisque, ni pas encore wjfjmmf!disujfoof. Celle qui avait peur d’être citée dans un autodafé; celle qui était déjà chrétienne, espagnole, même américaniste, mais qui avait besoin d’une pause éthique à cause de tant d’imposition rituelle. § 9. Nous essaierons de poursuivre avec cette séquence des quatre aspects dans les sous-chapitres suivants, toujours en maintenant qu’al-Andalus ne se tarissait pas dans la localisation de ces quatre 743! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou courants de filtration. En réalité, les transcendantes toponymies, la gastronomie, la terminologie technique— vocabulaire arabe en général qui passa à l’espagnol—, ainsi que déterminés rituels ou manière d’affronter la vie au jour le jour, sont la façon éthérée— et surtout la plus citée— de proposer la filtration andalusíe dans l’Espagne ultérieure. Sachant que la culture n’est pas ce que nous savons— sagesse— ou la façon par laquelle nous nous approchons de l’absolu— religion—, mais plutôt le parapet collectif appris avec lequel nous affrontons les graves carrefours de la vie— ruptures, changements, et cetera—, il est inutile de souligner que nous sommes les fils d’une avalanche de passé où l’on ne peut pas réaliser des purges. Pour le dire d’une manière graphique: si le tailleur se nomme bm. gbzbuf pendant des siècles, c’est parce que le métier provenait de l’endroit qui porte ce nom. Si Don Juan Manuel s’habillait ‰!mb!npsjtrvf pour aller à une fauconnerie, c’est parce qu’il n’y avait pas de meilleur moyen de le faire. Ou bien: quand le Gran Capitan allégeait sa cavalerie pour avoir une plus grande mobilité dans les futurs Tercios, en réalité il était en train d’adopter les modes de la dbwbmfsjf! mhsf! boebmvt“f. Il s’agit des njmmft!fu!vof!ovbodft! tbot!fosfhjtusf. nfou!ef!mb!qspqsju que nous serions incapables de déplacer dans leur totalité, mais qui nous font tomber dans l’erreur lorsque nous affirmons: il n’y a pas de solution de continuité dans l’histoire, tout se base sur ce qui précède et toujours suivant le procédé infaillible de mÖfttbj!fu!mÖfssfvs. L’on n’adapte pas la cavalerie andalusíe par upm. sbodf ou à cause des soulèvements pour recevoir l’Bvusf; mais pour avoir une plus grande effectivité. C’est pour ces raisons que l’Europe adapta al-Andalus, et c’est aussi pour cela que nous devons distinguer ces quatre courants de filtration qui nous intéressent. :/2/!Mf!Dpnnfsdf!Hosbm Razón duerme, trayzión bela, justizia falta, malizia reina.329 329 La raison est endormie, / la trahison veille, / la justice manque, / la malice règne. (N.d.la.T) Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 744 § 1. Il y eut une époque péninsulaire —et insulaire, remarqua toujours Mikel de Epalza—330 dans laquelle les différents habitants contingents insultaient la propre Espagne, à sa fermeture, la qualifiant de dpousfwfobouf!‰!df!rvf!uv!bwbjt!qspnjt. Cela revient, évidemment à ne pas respecter les Capitulations de Santa Fe— liberté de culte, des coutumes; de diversité à hspttp!npep. Avec une aigreur moindre— mais pas une moindre subtilité—, certain morisque exclamait les vers avec lesquels nous ouvrions ce chapitre: Mb! sbjtpo!epsu-!mb!usbijtpo!ftu!wfjmmf-!mb!kvtujdf!nborvf-!mb!nbmjdf! shof- vers recueillis par Álvaro Galmés de Fuentes, autre de nos studieux célèbres de l’époque des morisques.331 La subtilité avec laquelle une Espagne incommode mastiquait ses insurrections, est beaucoup plus cohérente que la fureur conspiratrice car, ainsi, fut qualifié ce trouble de Maures tardifs qui se produisit après la fermeture d’Espagne, citée auparavant. Néanmoins, il y eut, bien sûr, des conspirations. Álvarez de Morales nous fait mention, incidemment, de certains noms et attitudes qui se distinguèrent dans ce que l’on a appelé les swpmuft! eft! npsjtrvft; noms et attitudes intensément soulignées dans les meilleures et les plus claires lectures que nous avons pu trouver sur le phénomène morisque,332 épitomé de la mauvaise cicatrisation d’une grande partie de l’histoire espagnole. Les experts de l’époque morisque coïncident sur le fait qu’il est impossible de traiter le phénomène morisque comme la déformation disparue d’al-Andalus.333 Se produisent également des rapprochements qui coïncident, depuis les travaux déjà nombreux de mjuusbuvsf! bmkbnjbeb : la littérature espagnole écrite avec des caractères arabes, très sou330 Car les Baléares furent al-Andalus et après morisques. Mikel de Epalza, Mpt!npsjtdpt-!bouft!z!eftqvt!ef!mb!fyqvmtj˜o. Madrid: Mapfre, 1992, page 45. 331 Entre autres: Álvaro Galmés de Fuentes, Fm!mjcsp!ef!mbt!cbubmmbt/!Obssb. djpoft!dbcbmmfsftdbt!bmkbnjbep.npsjtdbt. Oviedo, 1967. 332 Soledad Carrasco, Manuel Barrios, Luis Bernabé Pons, Bernard Vincent ou Domínguez Ortiz, Mikel de Epalza, García-arenal, et un et cetera de grande valeur. 333 Comme manuel, une œuvre particulièrement illustrative est celle de Domínguez Ortiz et Bernard Vincent, Ijtupsjb! ef! mpt! Npsjtdpt. Madrid: Allianza, 1993. Non moins importante est l’œuvre de ce dernier qui a pour titre Njops“bt!z!Nbshjobept!fo!mb!Ftqb—b!efm!tjhmp!YWJ. Granada: Diputación Provincial, 1987. 745! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou vent plus aliénée et avec plus d’exotisme que ce qu’elle implique en réalité: une simple translitération comme signe— carcasse— d’identité. § 2. Le fait de mentionner ce que cite Álvarez de Morales nous permet d’insister, grâce à une casuistique concrète, à une des trois pates— selon notre opinion— du problème morisque si intéressant. Ces trois pates sont les suivantes: conspiration, luttes des classes, et tentative d’assimilation. Ces trois faits existèrent et nous désirons montrer que dans le qspcmnf!npsjtrvf! il y eut beaucoup plus de coïncidence de facteurs qu’un simple rejet direct d’un islãm résiduel envers un christianisme d’ambiance. – Dpotqjsbujpo: nous verrons comment une série de notables de Grenade— version dbtujmmbojtf des Abencérages— feraient usage du problème morisque pour mfvst!qspqsft!jous‘ut/ – Mvuuft!eft!dmbttft. Nous avons déjà fait allusion au fait que le nbrvjt!npsjtrvf fut plutôt de qsjqisjf!dpousf!mf!dfo. usf — montagnes contre la ville— que de nuances religieuses. L’identité, au service de la prospérité possible. Dans ce sens— nous le voyions— ce qui ressemblerait le plus à un morisque insurgé dans les années 1500 serait un Omar Ben Hafsûn antiomeyyade ou un mozarabe contre Cordoue, ou un mudéjar de Valence contre Jaime II— ou un unitaire contre Byzance, dirait Olagüe avec raison. – En ce qui concerne les ufoubujwft! eÖbttjnjmbujpo, nous en différons son traitement parce que c’est celui qui nous intéresse le plus, vu la subtilité avec laquelle fut forgée la Troisième Espagne. Par contre, nous avancerons un autre aspect qui a une relation avec tout ceci: la supercherie émouvante de ce que l’on a appelé les mjcspt!qmncfpt et autres textes apocryphes avec lesquels certains chefs essayèrent dans leurs tentatives d’assimilation de canaliser un peuple désorienté. § 3. Et reprenons la conspiration, ainsi que les sources citées: après la dbtujmmbojtbujpo de Grenade, des notables appartenant à la vie publique se virent mêlés dans de graves trames de haute politique: leur rébellion fut telle, qu’ils terminèrent par proclamer roi un certain Fernando de Válor avec le nom d’Aben Humeya. L’on ne peut Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 746 pas entrer à fond dans la question, vu que notre objectif est celui d’une promenade historiologique et non pas historiographique— le sens, non le contenu. Mais l’idée d’une ville— Grenade— réticente au centralisme, nous paraît beaucoup plus vraisemblable face aux rébellions, que de profonds contenus théologiques qui ne convainquent déjà que les chasseurs de sorcières. Dans ce sens, il existe un témoignage sans équivoque que certaines familles de Grenade peuvent être qualifiées de dpmmbcpsbujpo. ojtuft depuis le début de la conquête castillane-1492, sans avoir besoin de le rappeler. Il est bien connu, par exemple, que les frères— de différente mère— de Boabdil passèrent à s’appeler Juan et Alonso de Granada après la prise castillane. En définitive, de telles familles, d’une certaine manière renégocièrent sans succès leurs conditions et finiraient par s’affronter au pouvoir qui ne les reconnut pas dans leur juste mesure— ou dans la mesure exigée. Il s’agissait de familles qui— en réalité— constituaient l’aristocratie rurale de la dernière Grenade nasride, et que l’ambition d’autres fera tomber en disgrâce avec leur npsjtrvjtbujpo forcée. C’est-àdire, rvboe!mft!gbnjmmft!qvjttbouft!dpmmbcpsbujpoojtuft!tf!wj. sfou!eqmbdft-!fmmft!efwjfoespou!npsjtrvft/ § 4. Il s’agit des Venegas, les Zegríes, Gaspar de Raya, Pedro Har- dón, Diego Hermez et— bien sûr—, Hernando de Mendoza de Fez Muley. Et c’est ici où nous ferons mention du texte dépoussiéré par Álvarez de Morales, parce que la famille de Fez Muley, pour sa relation avec la Cour, fut considéré comme représentative du groupe collaborationniste.334 De cette famille provenait Francisco Nuñez Muley, défenseur de la Uspjtjnf!Ftqbhof — nous reviendrons sur cette idée— face à trois rois et spécialement sous la forme d’un Nfnpsjbm qu’il rédigea en 1567. L’histoire est la suivante: une certaine pmjhbsdijf!nvekbsf! bttjnjmf, malgré sa collaboration initiale, souffrira la répression de l’État— entre confiscations des biens et occasionnelles expulsions— et deviendra morisque, exemplifiant le processus de toute 334 Camilo Álvarez de Morales, «Lorenzo el Chapiz y el Negocio General”. Rvsuvcb I (1996), II-38. Voir page 27. Cet article est celui dont nous avons fait allusion dans les paragraphes précédents. À l’heure de percevoir tout ce que peuvent avoir de terrestres les manières de l’Inquisition, l’œuvre collective de L. Cardaillac (Ed.) Mft!npsjtrvft!fu!mÖJorvjtjujpo. Paris: Publisud, 1990. 747! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou une époque. Cette situation contribua à énerver certaines postures et— comme il est habituel, mais ici dans le plein sens du mot— ce fut ce qui força à quelques uns de ses membres à qsfoesf!mf! nbrvjt!dans certains cas, ou à prendre parti définitivement pour la Couronne, dans d’autres. Cette dichotomie entre des collaborationnistes du début devenus morisques et d’autres définitivement alignés avec le projet centraliste nous amène à marquer une division claire entre les post-Andalusís. En réalité, telle division n’en est pas moins cohérente si l’on considère la situation socioéconomique après la conquête: les qbztbot morisques payaient un impôt spécial appelé mb! gbseb, et ceux qui se bénéficiaient de ces versements étaient ces familles de morisques de la wjmmf — les collaborationnistes. § 5. Comme donnée remarquable pour éclaircir la complication de l’affaire, existent— entre la documentation abondante du thème morisque de Grenade— des documents faisant référence à un Commerce Général, bien qu’il ne s’agisse que d’un clair— et évident— impôt révolutionnaire que les puissantes familles morisques de Grenade payaient au Saint Office pour que celui-ci relâchât la pression qu’il exerçait sur elles.335 Ce qui se passait seulement à Grenade s’étendit, se convertissant en une pratique habituelle dans déterminés processus ultérieurs que ce soit à Saragosse, Valladolid ou Valence. Si la partie négative de tels paiements est qu’elle servait les militaires et la sempiternelle et vile raison de beaucoup de choses, la partie positive ne tarda pas à mettre en évidence que, grâce à de tels paiements— au Commerce Général—, se limitèrent drastiquement les peines de mort dans les procès de l’Inquisition qui avaient un rapport avec ces familles. Le Commerce Général devait s’additionner aux impôts spéciaux d’un autre genre et condition que les morisques devaient payer. D’où l’on peut en déduire une évidence physique: après une pression permanente dans les lieux sans aucune possibilité d’échappée, cela provoque une explosion. Telle explosion morisque dérivera à 335 Dans une telle situation, il est difficile de maintenir des concepts comme le dipd!ef!djwjmjtbujpot ou même de solidarités de groupes. Voir, de Bernard Vincent, «Los elementos de solidaridad en el seno de la minoría morisca, siglo XVI”. Dans: Boebmvd“b!fo!mb!Febe!Npefsob, page 206. Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 748 la longue en ce que l’on a appelé le cboepmfsjtnp!npog“ (banditisme morisque)— de l’arabe nvoß; proscrit. Ce chef du Levant, Aben Humeya— en réalité, nous le voyions, né et baptisé comme Fernando de Válor—, se convertissait à un islãm déjà npsjtrvjt dans une recherche subsidiaire de légitimité omeyyade vu qu’il s’était octroyé le nom— Humeya. Selon Hurtado de Mendoza, ce sera finalement son oncle, Gfsoboep! Fm! [bhvfs, qui l’intronisa roi: dans l’intéressant discours du couronnement de son neveu, El Zaguer parle d’Ftqbhopmt! dpousf! Ftqbhopmt. Sans aucun doute, la Guerre des Alpujarras devait être vue, dans cette perspective comme un conflit civil avec un stimulant religieux— et non pas à l’envers, comme l’on a l’habitude de le faire. § 6. Dans le dernier acte d’Aben Humeya, celui-ci serait assas- siné par le chef suivant, de nom converti Aben Aboo. Pendant ce temps, de nombreux mudéjares étaient devenus morisques, comme c’est le cas du prestigieux Farach Aben Farach— de la célèbre lignée des Abencérages—, ou Gonzalo el Seniz. À la longue un certain Alonso del Castillo, morisque au service de Philippe II, écrirait encore en arabe aux insurgés et— en fait—, il aurait été impliqué— paraît-il — dans certaines manœuvres d’une importance spéciale dans la croissante question morisque: il pourrait être un de ceux qui rédigèrent les Libros Plúmbeos, que nous traiterons en bref. De cette façon, nous voyions que dans l’impossibilité d’être mudéjar— ce que nous exposions comme premier aspect de la npsjtrvjtbujpo — s’imposait en second lieu la conspiration citée auparavant, rétro-alimentée comme lutte des classes. Telles seraient les clés de l’interprétation de ces Guerres des Alpujarras— ou rébellion, car c’est ce qu’elles furent en réalité—, et la goute qui fit déborder le vase pour que le pouvoir coercitif décidât l’expulsion finale des morisques. En troisième et dernier lieu, il faut signaler les ufoubujwft!eÖbt. tjnjmbujpo d’une certaine Ftqbhof! joufsnejbjsf! —nous en ferons mention après comme Troisième Espagne—. Nous avons vu comment un personnage avec la culture et position d’un secrétaire et conseiller royal —Alonso del Castillo— se trouverait mêlé dans une trame qui rédigea des tpvsdft! gbvttft! qpvs! gbdjmjufs! mÖbttj. njmbujpo: il s’agit des Libros Plúmbeos de Grenade —ou du Tbdsp. npouf —, une dernière —et presque caricaturesque— tentative 749! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou grâce à laquelle, le morisque —celui qui ne veut pas s’en aller—336 pouvait démontrer avec des documents— faux, nous insistons— que l’on comptait avec lui comme intégrant la nouvelle Espagne depuis l’époque des prophètes. Mb!qmbjtboufsjf!bqqbsfouf en ce qui concerne la falsification des sources documentaires anciennes est proportionnelle à la tristesse de ceux qui s’efforcent à pvwsjs!mÖFt. qbhof. Ces morisques qui ne voulaient pas s’en aller, décocheraient depuis les Alpujarras un roi-empereur de lignée germanique— le sang morisque était plus de la vieille Espagne que celui de la propre monarchie régnante. § 7. Le chapitre romanesque des Libros Plúmbeos s’insert, ainsi, dans les tentatives de normaliser la diversité, ainsi que d’assimiler le morisque à la société majoritaire. Leur transcendance réside dans le fait suivant, qui résume ainsi le début de cette affaire: l’apparition de preuves— fausses— qui démontraient la proximité qui existait entre les musulmans et les chrétiens nous indiquait que c’était le chemin à suivre selon les bien intentionnés falsificateurs. En passant, il s’agissait aussi d’affirmer le mythe constitutif dont Grenade avait besoin: que la ville avait un passé glorieux chrétien, et ainsi l’habitant des années 1500 n’avait pas de raison de renier tant de choses à la fois. Il pouvait lui rester l’amour du terroir. Mais allons point par point. D’entre tous les réinventeurs du passé afin de médiatiser le futur l’on doit signaler en premier lieu, un certain Pedro del Corral.337 Déjà, au début des années 1400 il avait écrit la Ds˜ojdb!efm!Sfz!Sp. esjhp, connue comme Ds˜ojdb!Tbssbdjob, dans laquelle il inventait des sources pour avaliser ses théories étranges sur la prétendue et fulgurante conquête musulmane d’Espagne; théories, d’autre part, non moins étranges que celles admises communément. Un très ultérieur Njhvfm! ef!Mvob insisterait sur la question aux alentours de 1592 en publiant sa Wfsebefsb!Ijtupsjb!efm!Sfz!Epo!Spesjhp. Fils de morisques, et traducteur de l’arabe à la cour de Philippe II, Luna fit feinte d’avoir réussi sa chronique particulière en partant de 336 Voir: Miguel Ángel Bunes, Mpt!npsjtdpt!fo!fm!qfotbnjfoup!ijtu˜sjdp. Madrid: Cátedra, 1982. 337 Nous augmentons le matériel de «Falsifications». Dans notre Tbmwbdjp. oft!Psjfoubmft, page 156. Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 74: la traduction d’un manuscrit— recours qu’utilisa, d’autre part, Cervantes dans Don Quichotte. Le manuscrit cité par Luna serait d’un tel Bcvmdbtjn!Ubsjg!Bcfoubsjd, en réalité lui-même, comme l’on découvrit plus tard pour avoir utilisé trop de néologismes arabes dans un texte prétendument ancien. § 8. Nous nous arrêterons après avec ce qui nous intéresse, mais pour l’instant nous signalerons que le genre de falsifications de l’arabe ne s’épuiserait pas: plusieurs siècles après, un prétendu— et prétentieux— Faustino de Borbón— un pseudonyme, en réalité Faustino Muscat—, bibliothécaire de la Biblioteca Real, publia une annonce dans Mb!Hbdfub s’offrant comme traducteur de tout type d’inscriptions anciennes. Il arriva ce qui devait arriver: les amis de Faustino se consacrèrent à lui envoyer des inscriptions absurdes inventées, et le traducteur avec beaucoup d’effort devait se risquer à en donner des sens non moins absurdes et-non content de cela— il les incluait dans ses livres, comme c’est le cas de l’exemplaire, qui prouve que tout est valable— Dbsubt!qbsb!jmvtusbs!mb!Ijtupsjb! ef! Ftqb—b! èsbcf! ef! 28:7 — précédent singulier d’un autre manuel contemporain sur le même thème de Ftqb—b!gsfouf!bm!Jtmbn/ Mais— nous l’avons vu— la palme des falsifications est, sans aucun doute, pour ces fameux Libros Plúmbeos du Sacromonte. Grenade cent ans après la conquête castillane, essayait encore d’atterrir après son changement radical de direction. La fureur du néophyte de certains christianisés les amena à surévaluer n’importe quel talisman trouvé. Le ciel— de cette façon— s’ouvrit pour eux lorsque, pendant la construction de la Cathédrale de Grenade, apparut dans la tour appelée Turpiana une boîte avec des reliques, ainsi qu’un parchemin avec cinq croix, situées, en plus, pour former une croix plus grande. La découverte était seulement le début d’une très longue histoire d’une intéressante terre intermédiaire contrôlée. § 9. Jusqu’à 1599, l’on trouva beaucoup de livres gravés avec des triangles et des étoiles sur leur couverture de plomb; avec des pages également en plomb— de là le nom de Libro Plúmbeo— qui contenaient des signes qui— selon ce que l’on comprenait alors— nous renvoyaient au sceau même du roi Salomon. La chose venait de loin, et dans un contraste illustratif complémentaire avec des cartomancies stellaires similaires aux derniers Andalusís qui, dans 751! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou les nuits des Alpujarras, ne verraient d’autre moyen d’optimiser le futur. Il existe des documents indiquant que dans un synode célébré entre Guadix et Baza— en 1554—, l’on interdit définitivement les fêtes islamiques; interdiction que— cela ne fait pas de doute— l’on ne respectait pas, vu que les persécutions se poursuivirent jusqu’à la fin de l’année 1566 tristement célèbre. À partir de là, les morisques durent se plier au fataliste et millénariste enkystement social clandestin: à ce que l’on a appelé kpgpsjtne— à cause du mot kpgpr de l’arabe zvgvs/ Il s’agit de divinations et lecture de signes dans le ciel ou dans des objets, avec l’intension de pronostiquer aux morisques certains retours de califes, ou l’arrivée du Jugement Dernier favorable à l’islãm. Nous ne devons pas penser que ces kpgpsjtnft messianiques et différentes pratiques divinatoires ou apocalyptiques étaient si loin de l’orthodoxie de l’époque ou— au moins— des courants considérés aujourd’hui comme orthodoxes: il faut tenir compte qu’en 1582, Tbo!Kvbo!ef!mb!Dsv{ suivrait l’appel tjczmmjo d’une Nbvsftrvf!ef! ócfeb afin de connaître par elle la mystique soufie. En réalité, tout ceci nous éclaire plus que la façon commune par laquelle l’on a l’habitude d’extirper des blocs complets de culture définitive: ce que nous méconnaissons absolument, a l’habitude de se convertir en quelque chose de mystérieux. Ces prétendus tbhft!dszqup. nvtvmnbot!npsjtrvft— comme cette Mauresque de Úbeda ou le non moins célèbre Nbodfcp!ef!Bswbmp, marqueront ce que Luce López-Baralt nome la ehsbebujpo! ef! mb! mjuusbuvsf! bmkbnjbeb, comme preuve évidente d’une invétérée résistance à la perte du patrimoine, toujours vaincue par l’érosion du temps. § 10. Dans un autre ordre d’idées, mais qui a une relation avec tout cela, nous avons l’habitude de comparer le soufisme— {vie, justement avec le mysticisme-ascétisme chrétien de l’Espagne de la Renaissance. Mais il est encore plus intéressant de percevoir telle relation, non dans la mesure où l’un provient de l’antérieur, mais de la façon par laquelle les deux processus deviennent comme des réactifs à des situations d’ambiance similaires. En réalité, ce n’est pas un moyen de s’échapper exclusif aux chrétiens ou aux musulmans. Dans la déjà longue tradition d’application religieuse juive des savoirs arabes, Bahya Ibn Paquda (1040-1110), connu parfois comme El Zaragozano, écrira en arabe un traité d’unicité divine— Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 752 Mf!efwpjs!eft!dÐvst—, qu’un des célèbre traducteurs Ibn Tibbon versera à l’hébreu— coupant le lien avec ce qui est andalusí—, dans lequel l’on plaide pour un sentiment d’évasion religieux interne. Thème— d’autre part— très similaire à celui de son coreligionnaire, le Cordouan Yosef Ibn Saddiq (1080-1149), qui dans son Njdspdpt. npt— nous le voyions— avait déplacé l’aphorisme de Delphes à propos de que: si l’homme se connaît, il peut connaître Dieu. De cette même pression surgiront des forces similaires. Ainsi, mf! nbmljtnf! jepmphjrvf! eft! Bmnpsbwjeft! tfsb! tjnjmbjsf! ebot!upvuft!tft!nbojgftubujpot! fu!sbdujpot!‰!mb!dpousfs. gpsnf!ftqbhopmf. Ce mode de religiosité plus émotif qu’instaure le soufisme— disions-nous —, participera par ses sources et ses manifestations culturelles— à l’implacable fleurissement de ce que l’on appelé l’sbtnjtnf!ftqbhopm- et à tant d’autres formes d’wb. tjpo!ebot!mb!Uspjtjnf!Ftqbhof. Pour le moment, l’évasion serait plus ou moins hoptujrvf et nettement hérétique. En fait, mft!uspjt! hsboet!kpgpsft!npsjtrvft avant la rébellion des Alpujarras sont les suivants: en premier lieu, la prétendue arrivée d’une comète associée au retour messianique d’Ali— le neveu de Mahomet, le quatrième calife et mentor du chiisme. En second lieu, le vol d’une bande d’oiseaux qui symboliseraient le retour des tfjhofvst!eÖbm. Boebmvt— évidemment musulmans—, vol associé également aux pleurs d’Ali pour al-Andalus. § 11. En ce qui concerne les pleurs c’est un lieu commun à tout l’ensemble oral autour des morisques, incarné à la longue— en rétroactivité— par les larmes androgynes de Boabdil; en fait, vendeur de Grenade en échange de privilèges non dédaignables— nous avons vu la façon avec laquelle il termina par fermer sa seigneurie pactée pour se déplacer commodément à Fès, où, il finit ses jours. Le troisième kpgps s’associe à la découverte dans la grotte des Castares d’une documentation relative à une massive conversion: le supposé roi chrétien Dolarfe— pas encore révélé—, ferait un pèlerinage à la ville sainte de Fès— remémoration du voyage de Boabdil— se convertissant à l’islãm, et avec lui tout son royaume. C’est, ebot! df! dpoufyuf! ef! ejwjobujpo-! rvf! mÖpo! epju! mjsf! mÖijtupjsf!eft!Mjcspt!Qmncfpt!et l’apparition de reliques, telle qu’elle se passa. Ne pensons pas en une séquence d’évènements anecdotiques de transcendance dérisoire: en marge de questionne- 753! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou ments de véracité, à la suite des découvertes l’on érigeait l’Abbaye du Sacromonte, projet conçu comme tboduvbjsf!pž!mf!disjtujbojtnf! ijtqbop! uspvwf! tft! psjhjoft. L’abbaye formerait, ainsi, partie de la structure catholique hispane parmi lesquelles cette Bccbzf!ev! Tbdspnpouf complétait un triangle avec la Dbuiesbmf!ef!Tbjou. Kbdrvft!ef!DpnqptufmmfÒ!dont le pèlerinage était en déclin— ou le resplendissant Qjmbs!ef!Tbsbhpttf. Le contexte idéologique est probablement plus important: la tentative ßobmf de concilier l’islãm résiduel avec ce qui était catholique officiel. Quand, en 1588, l’on découvre une boîte de plomb— comme nous l’avons vu— dans des matériaux de démolition préalables à la construction de la cathédrale de Grenade, commencerait un gfvjmmfupo embrouillé en trois sfnjtft essentielles. § 12. En premier lieu, la tour Turpiana. Cachée dans les matériaux de démolition de la tour, la boîte en plomb, que nous avons citée, contenait un parchemin écrit en arabe, en latin et espagnol, avec des reliques. Le texte décrivait à San Cecilio— premier évêque supposé de Grenade— recommandant que l’on gardât le contenu de la boîte pour qu’elle ne tombât jamais au pouvoir des Maures. Elle contenait également une prophétie apocalyptique avec quelques reliques. Écrite en caractères arabes, l’on annonçait— rien de moins— que la venue de Mahomet et celle de Luther unis— ainsi— dans l’imaginaire hérétique de cette époque. En second lieu, plusieurs années après, la trouvaille de reliques continuaient dans une séquence de découvertes— jusqu’à cinq hj. tfnfout en dix ans— avec de nombreuses planches, pttfnfout! fu!dfoesft!ef!nbsuzst. Les dpmmfdufvst!ef!sfmjrvft— l’bsdifw‘. rvf!Dbtusp!fu!mf!mjdfodj!Boupm“of{Ò!trouveraient une infinité d’histoires disloquées écrites dans un latin nommé ijtqbop.cujdp dans lesquelles se distinguait— à nouveau— celle de San Cecilio, enveloppée par mille et un détails médiévaux qui rattachait la ville de Grenade aux premières vagues d’évangélisations européennes. Enfin, entre 1595 et 1599 apparurent les planches de plomb qui justifiaient le nom générique de Mjcspt!Qmncfpt. Sur ces planches l’on inventait des caractères— avec un grand composant arabe— qui durent être déchiffrés. En fait, deux des livres ne purent être traduits, d’où leurs noms de nvept!(muets). Dans la narration récupérée, se développait une intéressante thématique doctrinale, Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 754 générique sur Saint Jacques et sa présence en Espagne, ainsi que des révélations sur la Vierge, et d’autres dictées aux disciples arabes Cecilio et Tesifón. § 13. En marge de la brèche existante entre l’histoire et la supercherie, ce que les livres proclamaient c’était le difficile besoin d’un passé catholique pour Grenade, ainsi que la possibilité de conversion sans hérésie des nombreux musulmans résiduels. Parce que, finalement, les Libros Plúmbeos sont un énorme catéchisme pour les morisques, inséré dans un monde de divination, de mystère et clandestin de son temps et lieu. L’Église les considéra comme valables— même San Juan de la Cruz fit partie de la commission qui les jugeait—, se produisant une espérée— et désirée— rétro-alimentation de la foi hispane concernant les mythes de Saint Jacques, qui ainsi enlaçait la fermeture catholique d’Espagne avec Grenade— disujfoof!efqvjt!upvkpvst. Dans une lecture réaliste fo!ohbujg cela signifie tout le contraire: mf!ejgßdjmf!efwfojs!dbuipmjrvf!ef!Hsfobef, face à une complète absence de vie chrétienne préalable à son propre établissement— la ville romaine d’Elvira était autre chose. Les trois protagonistes théologiques des Libros Plúmbeos— la Vierge, Saint Jacques et San Cecilio— développent leur thèse de prosélytes tout au long d’explications théologiques très longues— et compliquées— essayant de minimiser les différences islamiques avec le credo catholique pour— de cette manière, comme nous le voyions—, lancer un pont chrétien aux morisques. § 14. Dans la même ligne qmpncf s’insert aussi l’intéressant Évangile de San Bernabé, de grave prédication dans la Grenade des années 1500, qui fomente le désir d’unifier les critères et faciliter les assimilations. Son contenu est ouvertement compatible avec les dogmes islamiques. En tant que mjcsp!qmncfp rédigé par des crypto-musulmans de Grenade, cet intéressant évangile apocryphe— authentique mais non classifiable— avait occupé intensément— jusqu’à il n’y a pas si longtemps— le dominicain Jomier, entre autres experts.338 L’idée apparaît dès le titre même de l’étude: 338 Ses clés furent révélées par un agrégé d’Alicante, Luis Fernando Bernabé Pons, Fm!Fwbohfmjp!ef!Tbo!Cfsobc/!Vo!fwbohfmjp!jtmˆnjdp!ftqb—pm. Univer- 755! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou jm!tÖbhju!eÖvo!wbohjmf!jtmbnjrvf!ftqbhopm, avec toute la parure des domaines sémantiques entrecroisés. Sans une possible attribution réelle au saint en question, cet évangile prétendait, dans l’ambiance des planches de plomb du Sacromonte, développer l’idée avancée auparavant c’est-à-dire de faciliter des ponts de conversion. Ces qpout nous intéressent beaucoup à l’heure d’identifier des théories semblables, en arrivant même— par exemple— au cas emblématique du succès inusité de ce que l’on appelle l’sbtnjtnf!ft. qbhopm dpnnf!jttvf!uijrvf!bv!esbnf!qfstpoofm!eÖvof!sfmj. hjpo!uspq!qvcmjrvf; thème!qui sera l’objet de notre attention d’ici peu. La remarque que fait le connaisseur du monde morisque qu’est Bernabé-Pons — au sujet de l’„wbohjmf!ef!Tbo Cfsobc— consiste précisément, à souligner le haut niveau de formation hispanique des membres de la communauté postislamique de Grenade; ceux qui s’occupaient de la rédaction transcendantale de ce— si intéressant— faux texte. Ces Alonso del Castillo ou Miguel de Luna; trait que l’on peut étendre à ce que l’on a nommé la dpnnvobvu!np. sjtrvf espagnole. Cette uspjtjnf!Ftqbhof rvj!tpvqjsbju!qpvs! eft!dpoeftdfoebodft; cette Espagne qui dut réfléchir beaucoup entre la perte dogmatique et la peur de l’Inquisition, serait— sans aucun doute— celle qui forgerait l’bncjbodf! qspqjujbupjsf! ef! m֏sbtnjtnf!ftqbhopm. § 15. Pourquoi— et en cela nous allons nous détenir— la pensée d’Érasme avait-elle tant d’influence pour en arriver à générer l’érasmisme? Bon, cela surprit même le propre Érasme. Et l’histoire d’Espagne a eut des tics similaires en d’autres occasions. Tel est le cas de ce que l’on a appelé le krausismo; l’adaptation d’un penseur pas très connu en Allemagne-Krause— dont l’interprétation s’utilise comme levier du fleurissement. En fait, l’invétéré réisme hispano, s’appellera plus tard regeneracionismo. Il y a deux réactions pavloviennes indéfectiblement associées au développement des idées en Espagne: l’idée bien connue de qu’un expert est vo!usbohfs!rvj! qbsmf!ef!oÖjnqpsuf!rvpj, et la conscience de que upvuf!bnmjpsb. ujpo!oÖftu!bvusf!rvÖvo!sfupvs!bvy!psjhjoft. Retournons à ce qui nous occupe: en définitive, l’implantation de cette nouvelle wbohmjtbujpo!ef!qmpnc est presque nulle. Elle sidad de Alicante, 1995. Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 756 finirait par servir à délaisser encore plus le morisque, entre les nouvelles ardeurs de vieille chrétienté qui entourait maintenant la ville historique nasride. De la tentative échouée d’assimilation de ces nouveaux convertis et de leurs fils, surgit le problème morisque devenu insoluble qui aura comme conclusion l’fyqvmtjpo!eßoj. ujwf de la péninsule de tous les descendants de musulmans fousf! 271:!fu!2725. Les textes sur lesquels se basent l’expulsion furent réunis peu à peu: Pedro de Valencia termina la rédaction du Usbubep!bdfsdb!ef! mpt!npsjtdpt!ef!Ftqb—b au mois de janvier 1606, trois ans avant de la edjtjpo!ßobmf, qui comme telle— et sachant les références intertextuelles collatérales qu’elle atteint— doit avoir sa qualification. Et puis Mb!Fyqvmtj˜o!kvtujßdbeb!ef!mpt!npsjtdpt!ftqb—pmft! z! tvnb! ef! mbt! fydfmfodjbt! disjtujbobt! ef! ovftusp! Sfz! E/! Gfmjqf! ufsdfsp!eftuf!opncsfÒ œuvre d’Aznar Cardona—, verrait le jour à Huesca en 1612. Dorénavant il n’y aura plus de morisques comme tels. Il n’y aura pas non plus de juifs ; Luis Girón a raison lorsqu’il affirme que mÖJorvjtjujpo! ftqbhopmf! of! kvhfb! bvdvo! kvjg. Ils ne pouvaient déjà plus se montrer comme tels. Arrivait l’qprvf!ev! dpowfsuj, du nouveau chrétien soupçonné. L’époque où sous une carcasse étanche, fleurirait une Uspjtjnf!Ftqbhof fertile. :/3/!MÖbvusf!ejbtqpsb § 1. L’on considère que les premières traductions d’œuvres andalusíes auraient été celles d’un juif converti appelé Petrus Alphonsi (mort en 1110), rien de moins qu’à Huesca en 1106. Alphonsi, juif d’origine et chrétien converti, non seulement traduisit des œuvres d’astronomie, mais il réunit également des documents d’une importance culturelle cruciale car il recueillait du matériel sur Mahomet et l’histoire de l’islãm. Alphonsi arriverait à être médecin d’Henry I d’Angleterre, participant donc dans la— à partir de là— biographie classique de frontière, vie changeante et courtisane du dernier alAndalus et premières renaissances européennes.339 Une des graves erreurs d’interprétation historiologique andalusí— avec le grossier et répandu rapt de 711 par la cavalerie islamique miraculeuse— est, 339 Maxime Rodinson, Mb!gbtdjobdj˜o!efm!Jtmbn. Madrid: Júcar, 1989, page 32. 757! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou précisément, la perception d’un baisser de rideau final. Délimiter al-Andalus c’est en limiter ses conséquences. Dans ce sens, il est faux de proposer cette cpvssbtrvf!dbuipmj. djtuf de 1492 comme l’inauguration spontanée d’une nouvelle Espagne: 1492 est seulement un chapitre de plus. L’Ftqbhof! {hsjf, à laquelle nous avons fait si souvent allusion, nous renvoie beaucoup plus à la progressive et étendue dbqjmmbsju! dvmuvsfmmf; la filtration progressive et diffusion— transfusion— de la culture andalusíe pour un territoire qui n’avait plus l’arabe comme langue de civilisation. Dans ce sens, si le tjhof!eÖjefouju!boebmvt“ fut l’arabe, il est évident que la perte de l’arabe provoqua celle de la propre identité andalusíe. Mais ne tombons pas dans l’erreur de réduire les réussites culturelles en les comparant avec des extensions territoriales: la perte de l’identité andalusíe, progressive et lente, amena à son tour la gfsujmjtbujpo!ef!mÖFvspqf!rvj!mÖisjub. Parce que l’enregistrement de la propriété se perd, mais pas le produit. Le labeur de traduction de ce Petrus Alphonsi s’insert dans le royaume d’Aragon, expansif— bientôt— sous le règne d’Alphonse le Batailleur. § 2. Cette application chrétienne et distribution des savoirs islamiques emmagasinés dans al-Andalus, avait été déjà mise en évidence par le censeur sévillan Ibn Abdún, chroniqueur de son époque almohade. Cet auteur de traités de normes d’urbanité craignant que le bagage culturel et scientifique d’al-Andalus s’étendît comme une tache d’huile à travers l’Europe jusqu’à ne plus pouvoir reconnaître le mérite de son auteur, de son autorité, écrivit: jm!of!gbvu!qbt! wfoesf! bvy! kvjgt! pv! bvy! disujfot! eft! mjwsft! ef! tdjfodf-! tbvg! dfvy!rvj!usbjufou!ef!mfvs!mpj-!dbs!fotvjuf!jmt!usbevjtfou!mft!mjwsft! tdjfoujßrvft!fu!jmt!mft!buusjcvfou!bvy!mfvst!fu!‰!mfvst!w‘rvft-! cjfo!rvÖjm!tÖbhjttf!eÖÐvwsft!ef!nvtvmnbot. Il est évident que si l’on prétendait arrêter la filtration, c’est parce qu’elle se produisait déjà. Dans cette perception— non pas précepte— d’al-Andalus comme composant— et non comme époque passée—, la correspondante prise en charge essentialiste d’une Espagne également andalusíe, passa par trouver des modes d’assimilation, vu qu’il n’est pas présentable maintenir la posture— plus que la théorie— d’une fyujs. qbujpo! eÖbm.Boebmvt. Dans ce sens, l’expression préalable d’une certaine nostalgie est en tout cas très valable. Non pour le célèbre Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 758 — df!rvÖjm!qvu!‘usf!fu!of!gvu!qbt; entre autre parce que nous ne le percevons pas ainsi. La permanente idée de salvation du regeneracionismo hispano (Voir note dans le chapitre 4.5.9-10); quelque soit la portion du passé que nous prétendons réinstaurer de façon anachronique— par une exposition taxidermiste —, dans notre projet de vie en commun. Donc, la nostalgie ne prétend pas réinstaurer, ou surévaluer les éléments du passé par rapport à d’autres. § 3. Précisément, il s’agit d’évaluer avec une certaine équivalence; vu que comparer est très difficile dans ces domaines et dans de nombreux autres. Mais l’étiquetage de Simonet de l’wbmvbujpo!eÖbm. Boebmvt! ftu! vof! jotvmuf! qpvs! mÖFtqbhof, est équivoque, et d’un sens historiologique peu scientifique: car cela va vers cet injurieux refuge du patriotisme sportif— celui qui doit se forger à base d’une opposition—, ou même d’une adolescence— qui situe sa personnalité à partir du rejet de ses aïeux, par manque d’une saine ouverture vers l’avenir. La nostalgie à laquelle nous faisons allusion nous renvoie à l’oubli institutionnalisé. Par exemple, la preuve de vie d’al-Andalus la plus substantielle dans l’Espagne ultérieure— nous l’avons vu d’une façon un peu voilée— c’est son remarquable apport au vocabulaire technique. Dans la perception de l’Ftqbhof!qbs!pqqptjujpo!bv!qbtt!s. dfou, alimentée par le national-catholicisme des années 1400, celui qui parle et sa vie rvpujejfoof pouvaient démontrer comme de fidèles notaires l’évidence d’un al-Andalus filtré, abouti. Sa propre langue était une preuve d’assimilation. Ceci dit, les grammairiens castillanistes, et spécialement Antonio de Nebrija, passeront par le tamis, au lieu de recueillir. L’on devrait dire que cet ultérieur mjnqjb-! ßkb! z! eb! ftqmfoeps!340 était déjà dans l’esprit de ceux qui recueillaient des mots; un linguiste devrait être plus policier que jardinier. Dans ce sens— comme nous le voyions—, le vocabulaire d’un disciple de Nebrija, Pedro de Alcalá, ramasse dans une grande mesure la qjfssf!rvj!b!u!sfkfuf!qbs!mft!tdvmqufvst. 340 Devise de la Real Academia Española (RAE). Qspqsf-!ßyf-!fu!rvj!epoof! ef!mb!tqmfoefvs. (N. T.). 759! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou § 4. Le livre de Pedro de Alcalá —Wpdbcvmbsjp!bsˆcjhp.ftqb—pm—341 est la dénonciation de ce qui était en train d’être élagué. Et de là la nostalgie dont nous faisons allusion: a-t-on réellement toujours cette peur envers l’avenir, la même méfiance envers ce qui se ressemble, comme pour en arriver à intervenir par un rejet à tout changement? En fait, l’idée de la espjuf!ejwjof espagnole— et occidentale en général— à propos de la reconstruction valorisante d’al-Andalus pour diminuer la valeur de l’Espagne, pourrait plutôt s’exposer en vice versa: Ftqbhof!tf!gpshfb!dpousf!bm.Boebmvt, il est évident que la fermeture de l’Espagne se réalisa par opposition. Vu qu’il en est ainsi, seule reste la nostalgie. Mais il y a une autre question: réellement l’on y réussit? Ne serait-ce pas plutôt certain— par exemple— que l’Espagne qui expulsait les morisques, dans une simple symbolisation immobile et lobotomisée, ne portait déjà plus al-Andalus dans son intérieur? Bien sûr que oui, de même que l’Europe qui naissait. Le Droit, par exemple, nous offre d’intéressants apports à la thèse de cet al-Andalus filtré, subrepticement incorporé comme une Uspjtjnf!Ftqbhof-!joufsnejbjsf— et tristement pas médiatrice, à cause de son manque de succès— fousf!mÖFtqbhof!pgßdjfmmf! obujpobm.dbuipmjrvf!fu!dfmmf!rvj!ubju!fyqvmtf— qu’elle soit juive ou morisque. Un déjà lointain, dans le temps, Rafael Ureña affirmait, par exemple, que la vie juridique espagnole participe à parts égales à deux grands courants d’inspiration et d’apport: le courant bsjfo et le sémitique. § 5. La défense du— comme nous l’avons dit— lointain et ancien Ureña, qui donne comme explication que vers 1906, lorsqu’il écrit, la perception de l’Fvspqf!cmpoef était alors si généralisée comme considérée scandaleuse, quarante ans après, face à une grande partie de ce qu’elle avait apporté. Pour le reste Ureña expropriait certaines provenances, vu que le grec et le romain étaient qualifié d’arien avec le celte, le suève, et le goth. Pendant que le cananéen, sidonéen, tyrien, carthaginois, juif et musulman passait à augmenter le sémitique. Quoi qu’il en soit, et sans revenir sur notre particulière perception du gréco-latin en grande mesure oriental, 341 Des différentes éditions, la plus intéressante est celle qui a été supervisée par la toujours minutieuse et tristement disparue Elena Pezzi. Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 75: maintenons au moins la plus importante: que la vie juridique d’Espagne, dans son lexique et ses institutions, est l’évident passage d’un al-Andalus comme percepteur d’un orientalisme fertile, postérieurement distribué. Il ne s’agit pas seulement de prêts ou institutions disparues; ni de régimes d’une certaine façon enkystés, comme le régime juridique des eaux— Valence et autres— ou d’organisations agricoles concrètes. Le Droit Commercial et celui de la famille, ainsi que toute l’histoire des fueros (lois particulières) hispanos, est en essence une dérivation d’al-Andalus. Et d’une façon générique, la distribution d’al-Andalus se fit à travers la Séfarade; car nous partageons la théorie —d’autre part gravement contestée—342 de que mft!kvjgt! ejtqfstt!‰!usbwfst!mÖFvspqf!qpsubjfou!bm.Boebmvt!ebot!mfvst! cftbdft. Et, cela va sans dire, des premières migrations péninsulaires des années 1100 et 1200; entre la forte émigration juive et np{b. sbcf — car les chrétiens ubjfou!ek‰ arabisés, non pas ceux de Cordoue des années 800. Ces mozarabes et juifs, déambulant à travers l’Espagne chrétienne, transféreraient des modes civilisateurs aptes et opportuns pour l’histoire bourgeonnante: la Renaissance. § 6. Et nous insistons sur le fait qu’ils étaient déjà mozarabes; parce que tels sont les chrétiens arabisés qui s’incorporent à la vie péninsulaire en dehors d’al-Andalus. N’étant pas mozarabes les antérieurs; les chrétiens ejnn“ft tributaires, latinisés— qui rejetaient l’arabisation et qui provoquèrent de sérieuses révoltes dans une Cordoue sous la progressive exclusivité des Omeyyades. Afin de résumer et trancher les questions de filtration juridique, il est indéniable qu’à partir du moment qu’Alphonse V octroyât la première loi municipale particulière en 1017— concrètement à la ville 342 C’est un terrain compliqué. Nous avons déjà fait allusion à tout ceci pour considérer Séfarade comme m֊hf!eÖps!ev!kveb–tnf, mais d’indubitable essence andalusíe. La controverse dont nous faisons allusion a eu un cadre juridique: comme exemple, à l’extrême, la considération de que la charge de Rabb Mayor (Rabbin Majeur) accordée aux juifs pour leur autogestion juridique dans l’Espagne chrétienne, est en réalité une version du Dbej!bm.Dvebu — juge des juges— andalusí. D’autre part, L’École Youssoufia du Droit nasride de Grenade passe pour avoir été la plus audace et influente en matière d’innovation juridique, jusqu’à tel point que certains experts la qualifient, sans ambages, comme le précurseur en Occident de la période de splendeur ou Obieb!commencée en Orient. 761! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou de Léon—, les traités consolidés et connus de ijtcb! andalusís— les ordonnances urbaines—, celles-ci serviront de source d’inspiration indéniable et continueraient à l’être à l’heure d’inspirer les innombrables lois urbaines qui suivront cette première loi de Léon. Si nous ajoutons à cela que les lois municipales seraient la partie la plus importante de la vie juridique hispane, nous pouvons observer très tôt d’importantes filtrations d’al-Andalus. Pour le reste, la même source andalusíe se transforme en catalyseur gsfvejfo de ce qui est originairement unique. Ce qui est juif finirait par se décanter, ainsi que ce qui est musulman et chrétien, s’établissant des normes progressivement différentes qui, indéfectiblement, s’ouvriront dans un rejet des hspvqft!eÖfydfqujpo. Dans ce sens, la progression dans les normes d’égalité juridique entre les chrétiens et autres— en essence, les juifs et les musulmans— suit un processus de mise à part en plusieurs phases: de la pleine égalité dans les lois entre les années 900 — 1000 — ceux de Léon et Castrogeriz—, aux graves et significatives nuances des années 1200— lois de Cuenca et Sepúlveda. A partir de là l’on continua jusqu’à la négation d’égalité patente dans les Leyes de Valladolid de 1412 ou ultérieures de Burgos en 1414.343 § 7. De toute façon, continuons: en ce qui concerne la vie cultu- relle, l’étiquetage n’est pas important. Nous avions déjà fait allusion à cela: ce juif de Barcelone Abraham bar Hiyya (1065-1136) serait connu— dans le Midi de la France où il s’établit— comme Savasorda. Cela pourrait paraître une simple dérivation d’un surnom, si ce n’est que parce que ce bar Hiyya était Tbijc!bm.Tvsub!Ò chef de la police dans une ville andalusíe. Donc, nous nous posons la question: étaitce le Droit Islamique le cadre juridique dans lequel un juif pouvait être chef de police? Nous disions alors qu’en Chine, la cuisine ne s’appelle pas dvjtjof! dijopjtf et pour la même raison l’Andalusí ou l’Arabe oriental— pouvait faire référence au monde juridique— fiqh— sans grandes balivernes théologiques. C’était le Droit; non pas le droit islamique. La coupole islamique était certaine, mais non dans le sens exclusif de la religion. Cependant, il n’est déjà plus si facile de parler d’une époque ara343 José Aguilera Pleguezuelo, Ftuvejpt!ef!mbt!opsnbt!f!jotujuvdjpoft!efm! Efsfdip!Jtmˆnjdp!fo!bm!èoebmvt. Sevilla: Guadalquivir, 2000, page 11. Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 762 be, et encore moins d’une qprvf!jtmbnjrvf en termes similaires à celle qui aujourd’hui est nettement occidentale; sans exclusivismes religieux ni— d’autre part— exclusions de ce qui est religieux. En tout cas— et sans revenir sur le sujet—, le bagage des livres scientifiques que put écrire, par exemple, ce bar Hiyya— qui fut astronome et studieux de l’optique, entres autres spécialités—, et qui purent se lire en Europe, probablement pouvait déjà classer celui.ci comme tgbsbef en tant que juif hispano. Mais son œuvre n’étaitelle pas andalusíe? C’est un fait d’une profonde transcendance que les juifs émigrés d’al-Andalus, ainsi que ceux qui, après, émigreront d’Espagne— à cause des décrets d’expulsion— ßmusbjfou le monde culturel duquel ils émanaient— al-Andalus —, et qu’ainsi ils fertilisaient celui qui les recevait. § 8. Mais il n’est pas moins évident que ce que vécurent ces contingents juifs déplacés fut une diaspora en toute règle, probablement plus radicale que celle gravée dans l’imaginaire collectif juif sous ce nom, la diaspora après la destruction du Temple. Ce qui se passe c’est que, à la longue, le retour à Jérusalem s’imposa sur le simplement et périmé culturellement— retour séfarade. Mais ne l’oublions pas: tel séfarade est un dérivé insubstituable de la culture andalusíe, et comme telle fleurit là où elle fut greffée. C’est le cas des Qimhí et des Tibbon auxquels nous feront allusion: des familles toutes deux établies en France, là-bas elles se convertirent en de véritables sagas de grammairiens et traducteurs. Effectivement, le coup de fléau almohade des environs de 1148, ainsi que ses séquelles— les dernières, déjà chrétiennes— distribueront al-Andalus à travers l’Europe. Cette particulière ejbtqpsb! ejtusjcvusjdf! eÖbm.Boebmvt ne commençait pas comme nous l’avons vu en 1492, et ceci est un détail important: il aurait été impossible verser al-Andalus en deux séquences— les juifs à la fin des années 1400, les morisques vers 1600. Si l’on admet que ebot!mÖijtupjsf!upvu!sfqstfouf!vo! dibohfnfou! rvbmjubujgÒ! qbs! mÖbddvnvmbujpo! eft! dibohfnfout! rvboujubujgt —, le début de la ßmusbujpo!qbs!mb!ejbtqpsb remonte aux années 1100. Ce Npt!Jco!F{sb de Grenade— connu par les Arabes comme Abu Harum (1055-1135)— qui était arrivé à être chef de la police dans la grenade zîride d’Abdala, fuirait en 1095 après l’avènement des Almohades et commencerait un doulou- 763! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou reux périple versé dans sa poésie mélancolique— et nous nous en rendons compte dans l’élégie qu’il dédia à son ami Yehuda HaLevi. Cet Ibn Ezra est connu pour avoir impulsé de façon incomparable la qpujrvf!icsb–rvf à partir du moment qu’il réalisa la version— pour l’étude de la langue— de l’essence du Bebc arabe classique; l’étude de la rhétorique et la poétique, généralisées ainsi, entre les juifs de toute la péninsule Ibérique et de l’Europe. Ils s’additionnaient ainsi, à l’élan que nous commentions de son coreligionnaire bar Hiyya; à ce Tbwbtpseb du Midi français, connu aussi comme Bcsbibn!mvebfvt/ § 9. Un exemple paradigmatique est celui d’Abraham Ibn Ezra (10921167) de Tudela; plateforme d’inégalée concentration juive préalable au saut vers l’Europe et avec eux— nous le voyons—, celui de la culture andalusíe enrichie à nouveau par les années de contact avec l’Espagne chrétienne. En 1140, cet Ibn Ezra était déjà à Rome et dans d’autres villes italiennes pour, huit ans plus tard, s’arrêter brièvement en France et préparer un saut peu usuel: vers Londres; ville dans laquelle il travailla comme traducteur et romancier. De ces travaux se signalerait également son homonyme Abraham Ben David (1110-1180), de Tolède et auteur de l’œuvre philosophique en arabe Bm.brvjeb!bm.sbßb — la foi suprême— dans laquelle il devance même Maïmonide— chronologiquement— dans son adaptation de l’aristotélisme. Mais, probablement, de cette première époque de diaspora doiton signaler l’infatigable voyageur connu comme Cfokbnjo!ef!Uv. efmb, dont les dates de naissance et mort sont trop changeantes, mais en tout cas l’on sait qu’il voyagea vers 1160-1173. Commençant par le Midi de la France, il traversa l’Europe, l’Égypte et le MoyenOrient d’où il écrivit des récits de voyages qui comprenaient des endroits connus seulement comme références. Tel est le cas de l’Inde, la Perse, la Chine et Ceylan. Ses voyages se réalisèrent vingt ans avant Marco polo et son œuvre Jujosbjsf — connue comme Mft!wpzbhft!ef!Cfokbnjo— serait divulguée grâce à plus de quinze éditions entre 1543 et 1735. Il faut souligner l’intérêt avec lequel elle fut reçue dans toute l’Europe, où l’on peut distinguer— par exemple— la riche édition avec des notes d’Aser— dans une traduction anglaise de 1840—, ou la version latine que l’hétérodoxe español Bsjbt!Npoubop réalisa en 1575. Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 764 § 10. Néanmoins, comme nous l’annoncions, l’on peut affirmer que la plus grande partie de la distribution andalusíe par la voie juive fut l’œuvre de deux authentiques sagas de traducteurs établies en France. Tant dans ce pays comme en Italie, était en train de se produire une pré-renaissance en hébreu par l’infatigable œuvre créatrice des communautés juives avec une indéniable réception et assimilation de la culture andalusíe comme preuve de l’accueil qu’avait eu Abraham Ibn Ezra, ou le commode établissement des traducteurs qui nous occupent: les Qimhí et les Tibbon. Les premiers proviennent de José Qimhí (1105-1170), connu en France comme Maestro Petit et qui avait fui la persécution almohade. La continuité culturelle andalusíe déplacée par ce premier Qimhí se convertirait en une question consanguine à travers son fils David Qimhí (1160-1235), qui se distingua aussi comme polémiste avec son œuvre apologétique juive Mft!hvfssft!ef!Ejfv. Dans leurs frénétiques traductions et recueils en hébreu, tant ceux-ci que les Tibbon étaient en train de garder le bagage andalusí, dont les versions en arabe finiraient par aviver les braises de l’Espagne national-catholique. La preuve évidente du fleurissement pré-renaissance juive par l’œuvre des Andalusís exilés se résume dans l’intéressante attitude de Yehuda al-Harizi (1170-1230). Al-Harizi était conscient de que l’arabe— sa langue maternelle— était, d’un côté, la clé culturelle d’une Europe déconnectée des savoirs classiques, ainsi que— d’autre part— le fondement théorique nécessaire pour un fleurissement hébreu. Nous l’avons fait ressortir suffisamment à partir de Filon d’Alexandrie, les sages juifs s’étaient toujours basés sur une seconde langue plus populaire, et providentiellement l’arabe offrait la proximité sémitique suffisante pour contaminer l’hébreu dans des illustrations poétiques et rhétoriques similaires. Telle était l’attitude propitiatoire de cet Al-Harizi qui se consacra à la version d’œuvres arabes en France qbsdf!rvf!m‰.cbt!mÖpo!qbzbju!cjfo!mft! Ðvwsft!bsbcft!eÖbvufvst!kvjgt.344 Dans de telles conditions on ne peut plus favorables pour un Andalusí bilingue, al-Harizi se consacra à la version du déjà prestigieux Maïmonide. Il est intéressant de constater qu’il réalisa un voyage aller et retour: en 1205, à Tolède il réalisait déjà la version en hébreu des picaresques NbrŒnŒut!de l’oriental al-Harîrî, lien suffisamment important d’où but également 344 Gonzalo Maeso, Mjufsbuvsb!ifcsfb…, page 535. 765! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Sem Tob pour ses fables et l’ultérieure éclosion du roman picaresque espagnol. § 11. En général, la diaspora andalusíe devint constante après les Almohades, et en grande mesure se situa dans les villes chrétiennes du nord— Tolède, Tudela et Gérone se distingueraient spécialement à ce sujet—, ainsi que, directement et de façon séquentielle le Midi de la France. Dans cette géographie— nous le voyions— s’établirait la saga du traducteur des traducteurs, Yehuda Ibn Tibbon. Les Tibbon remplissent en grande partie les trois douzaines de traducteurs juifs de l’arabe à l’hébreu toujours cités; parmi lesquels, certains faisaient également des versions latines. En tout cas, avec les versions hébraïques circulant à travers l’Europe, les éditions latines seraient seulement une question de temps accéléré et condensé par un élément essentiel que— nous le verrons— marqua l’agrandissement définitif de l’Europe: l’imprimerie. Zfiveb! Jco! Ujccpo (1120-1190) de Grenade, patriarche des traducteurs, mourait à Marseille après une vie partagée entre sa profession médicale— il ne pouvait en être autrement, s’agissant d’un sage andalusí— et son transcendantal labeur de traduction. Sans ce premier Ibn Tibbon, les recueils de la pensée juive, œuvres perdues en arabe, auraient été à jamais éliminés de la mémoire. Remarquons donc cette transmission culturelle cruciale: l’on a l’habitude de critiquer l’bqqspqsjbujpo! kveb–rvf d’auteurs juifs qui écrivait en arabe; qui étaient en fait— c’est évident— des intellectuels andalusís. Tel est le cas de Maïmonide, mais également des auteurs dont on a fait la version— par exemple— grâce à cet Ibn Tibbon: la comparaison théologique du Dv{bsz — de Yehuda Ha-Levi —, les œuvres D’Ibn Gabirol— le célèbre Avicébron— celles d’Ibn Paquda, et tant d’autres. D’accord: c’était des auteurs arabes, andalusís. Mais si cela n’eût été pour l’bqqspqsjbujpo!kvjwf rendue propice par les traductions précoces de ces œuvres à l’hébreu, elles auraient été perdues pour toujours. Car c’est un fait notoire que les versions arabes ont été perdues. Comme contre-argumentation, il faut dire aussi que ces traducteurs finirent par détruire eux-mêmes une grande partie des originaux arabes, pour qu’à l’avenir, il ne restât aucun soupçon sur la dpoejujpo!icsb–rvf!ef!mÖbvufvs. Mais ceci est une autre histoire; l’essentiel est que l’on ait conservé le contenu des œuvres. Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 766 § 12. D’entre ces ujccpojeftÒ!c’est ainsi que l’on connaît la saga des Tibbon—, normalement médecin et traducteurs à la fois, l’on distingue— par ordre séquentiel, de père à fils—, Samuel Ibn Tibbon (1150-1230), né déjà à Lunel —France—, significatif parce qu’en tant que contemporain de Maïmonide, entretenait une correspondance avec lui pour affiner les traductions à l’hébreu des œuvres arabes sans égal du Cordouan. Mosé Ibn Tibbon (Marseille, 1185-1250), Jacob Ibn Tibbon (1230-1312), doyen de la Faculté de Médecine de Marseille. Abraham Ibn Tibbon, dont nous ignorons les dates mais qui traduisit la version arabe de l’„dpopnjf d’Aristote— avec ceci nous sommes en pleine re-naissance des classiques. L’on considère également ujccpojef Jacob Ben Abba (1194-1258), beau-fils d’Ibn Tibbon, et pour cette raison faisant partie de la saga: son éminence est cruciale car il traduisit Averroès et Aristote. Il fut appelé par l’empereur germanique Frédérique II, mécène des traducteurs—, sous la protection duquel il traduisit tant d’œuvres arabes que le pont juif depuis al-Andalus à la Renaissance se justifiait de lui-même. D’autre part, la relevance de ce qpou réside non seulement dans son intellectualité; grande partie des juifs exilés d’al-Andalus aux zones chrétiennes péninsulaires, exerçaient des fonctions administratives importantes pendant les années 1200 et 1300, se terminant une époque fertile d’ouverture juive par les tristement célèbres nbttbdsft!ef!24:2 sur lesquels nous reviendrons. S’initiaient alors deux processus enchaînés qui aideraient à la fantasmagorique ejtqbsjujpo! eÖbm.Boebmvt, car c’est ainsi qu’elle était perçue: en premier lieu, les juifs nejbufvst des réussites andalusíes commençaient à être relégués, se préparant la dissimulation définitive ou l’exil de ces derniers, et en second lieu, la langue de la culture andalusíe qui était seulement maintenue entre eux dans une Espagne en puissance, disparaîtrait comme par enchantement. Le pont andalusí était représenté par les communautés mudéjares: juives et musulmanes principalement, mais aussi mozarabes chrétiennes qui souffraient une certaine incommodité dans le nouvel environnement chrétien— pour le nommer d’une manière appropriée. Bien qu’ils maintinrent jusqu’à leurs cérémonies de rite mozarabe, ce qui est certain c’est que l’on entrait dans vof!qsjpef!ebot!mbrvfmmf! oÖjnqpsuf!rvfmmf!ejwfstju!ubju!tvtqfduf/ 767! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou § 13. Un exemple vivant des débuts de l’issue de cette époque zégrie serait Nahmanide (1194-1270). Si Maïmonide était Rambam, ce Nahmanide était Ramban, dans la manière nominative juive— Sbcj! Npti!Cfo…; le maître Moïse fils de Maimon dans le cas de Maïmonide ou de Nahman dans le second cas. Nahmanide naquit dans la ville de Gérone, conciliant ses dons naturels andalusís de médecin avec ses fonctions de rabbin. Grand connaisseur du monde biblique, sa sagesse l’amena ‰!qfsesf!qpvs!bjotj!hbhofs dans une diatribe particulière. Les ejtqvubujp publiques étaient communes entre les sages des religions du Livre— alors seulement la Bible, car l’époque est au réductionnisme—, et à instances royales— Jaime I— Nahmanide soutint en 1263 une polémique avec le chrétien converti— néophyte furibond— Pablo Cristiano, pour être exact. La polémique s’engagerait face au— rien de moins— confesseur royal, Raimundo de Peñafort. Le fait est que Nahmanide dut ridiculiser ce Pablo Cristiano, tranchant ainsi la ejtqvubujp, mais se posait alors la question du problème publique c’est-à-dire qu’il y eût un juif qui connaissait mieux les rhétoriques des Écritures que le mieux préparé de la religion royale. L’évêque de Gérone, paraît-il, incita Nahmanide à mettre par écrit les points défendus dans sa polémique. Ainsi, avec un livre écrit dans lequel l’on jotvmubju!qvcmjrvfnfou! mb!wsbjf!sfmjhjpo, Nahmanide, fut condamné à un exil temporaire, et son livre brûlé— évidemment, car c’est le sfàfu!qzspnbof!qojo. tvmbjsf. Nahmanide vivait, ainsi, à la première personne, la façon avec laquelle une époque peut nous passer dessus. De même que Rabi Moshé— Maïmonide—, celui-ci choisit l’exil oriental et passa ses derniers jours fleurissant intellectuellement dans des lieux qui ne l’avaient pas vu naître. L’identité religieuse, est parfois, la seule permise. Il mourut en Terre Sainte, et les sages juifs le considérèrent comme l’esprit le plus éveillé de son temps. Sa sagesse tgbsbef aurait été même supérieure à un célèbre contemporain de centre d’Europe— btilob{f —, Meir Ben Ishaq de Rothenburg (1220-1293). La manière avec laquelle se patente mb!dpoofyjpo!qfs. nbofouf!ev!opse!fu!ev!tve!ef!mÖFvspqf!est intéressante, thème qui n’a pas été suffisamment traité et qui parle de lui-même en tant qu’élan post-andalusí ainsi que la wbmfvs!dvmuvsfmmf!ef!mb!mjbjtpo! ev!kveb–tnf!fo!Fvspqf. D’autre part, commençait la dispute entre séfarades et ashkénazes— occidentaux méditerranéens face aux européens-; dispute qui n’est pas encore finie. Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 768 § 14. Si nous faisons référence à un contemporain plus didactique, Ibn Falaquera, serait beaucoup plus connu dans le monde hispano comme Sem Tob ou par son nom castillan Santob. Le problème qu’il y a avec Sem Tob c’est que la critique ne s’est pas mise d’accord sur le fait qu’il s’agisse d’un seul homme ou— comme il paraîtrait beaucoup plus probable— plus d’un. Celui qui apparaît dans les sources post-andalusíes et de la littérature hébraïque serait né vers 1225 et mort en 1290. Il vécut dans le nord de l’Espagne et en France il fut notoire en différents genres, spécialement le philosophique, avec des commentaires sur Maïmonide et étant même un de ceux qui donnèrent un élan à la syntonie post-andalusíe pour avoir repris la pensée arabe orientale— spécialement al-Fãrãbî — et l’insérer dans le bagage des traductions et des études insufflées à tout l’Europe— nous l’avons vu— à travers les communautés juives du sud de la France. Le problème réside dans— précisément— le soupçon prudent qu’il pourrait s’agir du même auteur des célèbres Qspwfscjpt!np. sbmft en castillan. Contre cette idée l’on présente une chronologie très précise. Pour ceux qui sont pour, la capacité possible de l’auteur ainsi que la coïncidence thématique de son pqsb!qsjnb: effectivement, Sem Tob Jco!Gbmrvfsb composa un énorme Sefer hamibaqqés — livre des vérités—, développé dans diverses nbrŒnŒut hébraïques— connues comme les nbicbspu. Et nous disons que là réside le problème car le célèbre Sem Tob castillan pourrait avoir composé ses Qspwfscjpt! npsbmft avec une technique similaire et une thématique coïncidente. Ainsi, ce Sem Tob castillan fut un membre qui se distingua dans l’aljama— quartier juif— de Carrión de Céspedes, et dédia à Pierre I le Cruel son long poème écrit en alexandrins de rimes plates et dans un intéressant castillan de diverses empreintes. § 15. En fait, un Américo Castro enthousiaste le décrit comme le premier cas d’authentique expression lyrique en langue de Castille,345 345 Il est intéressant d’observer la manière avec laquelle apparaît ce Sem Tob comme dib•opo!qfsev— en réalité, pour n’avoir pas lu les manuels d’autres littératures— entre cette époque post-andalusíe et la littérature espagnole qui était déjà en langue castillane. Voir: J. L. Alborg, Ijtupsjb!ef!mb!mjufsbuvsb!ft. 769! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou également comme source évidente de la littérature picaresque. Pour le reste, nous n’entrerons pas en trop de considérations ultérieures, mais nous avons été toujours surpris de la façon avec laquelle les différentes Histoires de la littérature espagnole ont traité ces questions de précédents. L’on admet toujours un certain substrat préalable, entre judaïque et lengua bmkbnjbeb, sans le traiter comme source directe mais plutôt—, comme restes d’un naufrage de libre disposition chaotique. Il est indubitable que la véritable Histoire des littératures espagnoles, non autorisée— paraît-il — à cause de l’intégrisme castillaniste, n’a pas encore été écrite. Nous insisterons beaucoup plus sur l’affluent littéraire post-andalusí devenu hébreu, bien que l’on trouve des auteurs d’un certain poids presque contemporain de cet Ibn Falaquera, tels que le moraliste Upespt! Cfo! Zfiveb! (1247-1306), membre notable tolédan de la cour littéraire d’Alphonse X le Sage— jusqu’à ce qu’il tomba en disgrâce—, ou cet autre auteur de Medinaceli Zptfg!Jco!Dijdbufmmb (1248-1305), avec ses commentaires didactiques et même d’introspection mystique, comme son œuvre Mft!qpsuft!ef!mb!mvnjsf. À ce sujet, il faut détacher cette nbojsf!ef!t֏wbefs!ef!dft!kvjgt! dszqup.boebmvt“t, mudéjars en toute règle dont la trace se perdra dans les synagogues européennes, par manque d’intérêt dans les amphithéâtres espagnols. Sur la continuité de cette façon de s’évader dans l’esprit de l’Espagne de la Renaissance, nous nous en occuperons à l’heure de traiter l’éthéré sbtnjtnf!ef!mb!Uspjtjnf! Ftqbhof déjà cité. § 16. Pour le reste, nous ferons une simple référence sur ce qui se passait réellement: les façons de penser andalusíes passaient à l’Europe à mesure que se réduisait et disparaissait le territoire d’alAndalus, de même que postérieurement il deviendrait morisque et s’estomperait. Un auteur harcelé Hasday Crescas (1340-1410), dans sa triste Mfuusf! bvy! dpnnvobvut! eÖBwjhopo, raconte le massacre des juifs de 1391, et il se donna également beaucoup de peine à écrire— déjà en hébreu— une Sgvubujpo!eft!ephnft!disujfot. Effectivement l’Europe marchait déjà vers une identification religieuse au nom du saut olympique de la Renaissance: de la Toscane qb—pmb/!Vol. I.!Febe!Nfejb!z!Sfobdjnjfoup. Madrid: Gredos, 1981 (19661), page 308 et ss. Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 76: italienne à l’Olympe sans passer par le Moyen Âge. Impossible, peu crédible, et ce qui est plus grave: forgeur d’un faible mythe de fondement européen. Le précepteur que Hasday Crescas employa dans sa maison de Perpignan, Profiat Duran (1350-1415) suivrait le sentier polémique de son maître, rédigeant une dure Jhopnjojf!eft!disujfot. Il est indubitable que l’amertume de l’époque était en train de donner ses justes fruits. Duran exemplifie de lui-même tout ce que beaucoup d’Andalusís durent faire sans pouvoir le raconter: la manière avec laquelle l’po!qfvu!dpoujovfs!bwfd!tb!qspqsf!gpj!gfjhobou!vof! dpowfstjpo. L’exil, malgré tout, devait être l’option la plus facile pour être sauvé. Même dans les milieux islamiques nous trouvons la même décision: la ubrjzb— occultation des crypto-croyants dans une hostile ambiance joßemf — pouvait être une autre option, mais — pour combien de temps? § 17. À ce sujet, il faut se poser la question suivante: si les royaumes péninsulaires s’étaient un peu entrouverts, pour se forger un peu moins à base de Tbjou!Kbdrvft!fu!mb!gfsnfuvsf!eÖFtqbhof. Comment aurait réagi l’époque post-andalusíe? C’est une question épineuse, car personnellement nous sommes convaincus de la nécessité d’une telle ouverture; mais certains témoignages de la espjuf! ejwjof, déjà citée, ont en partie raison. Bernard Lewis, par exemple, fait mention du conseil du juge malékite al-Wansharishi: au cas où le gouvernement chrétien serait tolérant et leur permettrait de pratiquer leur religion, pouvait-il rester? Sa réponse— celle du juriste musulman cité— fut que, dans ce cas il était beaucoup plus important qu’ils s’en aillent, car sous un gouvernement tolérant, le danger d’apostasie était encore plus grand.346 Soit, l’on peut interpréter ceci comme un besoin d’admettre que les choses se passèrent comme elles devaient le faire. Mais aussi tout le contraire: même la espjuf!ejwjof devrait admettre que, si le danger d’apostasie— de négation de l’islãm et du judaïsme— était plus grand avec un régime tolérant, tout paraît indiquer que, dans tel cas, mf!obujpobm.dbuipmjdjtnf!dfousb!mf!qspcmnf!eÖvof!gb. Žpo! fsspof. Mais remarquons dans quel gouffre nous sommes tombés: comme l’Europe de son temps, comme la dibsmbubofsjf 346 Bernard Lewis, ÁRv!ib!gbmmbep@ Madrid: Siglo XXI, 2002, page 44. 771! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou contemporaine, comme les pmznqjrvft!de la Renaissance, et comme prophètes du dipd!eft!djwjmjtbujpot, nous avons fini par parler d’identités religieuses; celles des livres très inflammables et les sauvages kvhfnfout!ef!Ejfv. Comme disait ce morisque-là: Sb{˜o! evfsnf-!usbz{j˜o!cfmb-!kvtuj{jb!gbmub-!nbmj{jb!sfjob/ Pendant ce temps, cet al-Andalus dpnnf!dpnqptbou glissait; montant comme il pouvait vers les hauteurs de l’époque suivante. Il s’agit d’un bm.Boebmvt-!qfsev!fu!sfuspvw. Mais pas dans le temple. :/4/!Bwfssp–tnf!fu!bm.Boebmvt!fvspqfo § 1. Il y eut un temps de majuscules et dates, dans lequel l’histoire était la biographie des grands hommes, parée avec le vermillon des batailles.347 Sûrement il s’agissait d’une vision logique dans son contexte: le temps historique qui passait devenait biologique, l’on personnalisait la perception du passé. Mais il lui manquait les nuances intermédiaires— les zones grises—, comme bonne perception gothique car c’est ce qu’elle était. Ou des grands malheurs, ou des grands biens, ou la populace comme protagoniste. Donc, s’imposa l’histoire des processus et des mouvements: le monde changeait sous la pression des grandes instances populaires dirigées par de graves tendances idéologiques. Et, sans doute, c’était une grande interprétation complémentaire; mais l’anonymat de ce moyen d’écrire l’histoire aspirait les grands personnages. Il les enfonçait dans les marécages de manuels que l’on ne comprenait pas. De façon parallèle, la perception de comment devrait être les limites de l’objet de l’étude s’éloignait: il y eut une époque d’histoires de l’Humanité en cinquante pages, et une autre d’approximation partielle de cinq tomes— ces dernières, normalement allemandes. Entre les fentes de ces époques, de façons et modes, Unamuno parla de l’intra-histoire — d’autres l’appelleront les wjwjevsbt! (ce qui a été vécu)— comme quotidienneté sans les feux de la rampe, protagoniste— enfin— du devenir; regards en biais vers les coins décentrés de l’époque qui— cependant—, peuplaient le combustible de l’histoire motrice. Cela coïncidait avec l’excellence justifiée de ce que aujourd’hui nous connaissons comme tpdjut! djwjmft; 347 Comme ampliation voir la notice du livre Mbt!Dbufhps“bt!ef!mbt!Obdjp. oft dans la revue littéraire Nfsdvsjp. Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 772 excellence qui réside— sûrement— dans cette vision nécessaire d’ensemble des coupes transversales du temps qui suit son cours: sachant df!rvÖjm!tf!qbttb, et spéculant sur le pourquoi, rien n’est comparable— dans l’illustration du dpnnfou! dfmb! tf! qbttb— à l’histoire imperceptible des sociétés civiles changeantes; wjwjevsb intra-historique. Notre thème, déjà rebattu, du dibohfnfou!rvb. mjubujg! eft! ubut! eÖpqjojpo! hsŠdf! ‰! mb! tpnnf! eft! dibohfnfout! rvboujubujgt/ C’est-à-dire, partir du fait qu’jm!z!b!rvfmrvf!diptf!ef! ejggsfou!‰!df!rvj!qsdef-!nbjt!kf!of!tbjt!qbt!eÖpž!dfmb!wjfou: bienvenus à la recherche historiologique, étrangère à la jactance historiographique qui enterre les leaders portés aux nues, ou des peuples qui nous sont présentés sans sourire, assermentés dans leur révolution en attente. Étrangère à ce mode d’écrire l’histoire qui exige de la part du lecteur un parti pris: wjosfou!mft!Tbssbtjot! fu!jmt!opvt!spvsfou!ef!dpvqt/!Ejfv!bjef!mft!ndibout-!mpstrvÖjmt! tpou!qmvt!opncsfvy!rvf!mft!cpot. Et l’historien, sans s’émouvoir, muni de son tampon de caoutchouc catalogue les désastres. § 2. En 1492, quand l’Espagne se fermait, Nicolas Machiavel avait dix- sept ans, fils d’un notaire de Florence, ancien gibelin et à ce moment-là guelfe. A cette époque Érasme de Rotterdam avait vingt-cinq ans, et Léonard de Vinci quarante. Peu après l’auteur de Mf!Qsjodf — dédié à celui qui songeait à la Res-Publica chrétienne, Charles I d’Espagne (Charles Quint)—, publierait ses Ijtupjsft! Gmpsfoujoft, non exemptes de certaines réflexions historiologiques de grande valeur. Sceptique sur les changements radicaux dans l’histoire, il rédigea les lignes suivantes: mÖfggfu!mf!qmvt!dpnnvo!eft!swpmvujpot!rvf!tpvg. gsfou!mft!fnqjsft!ftu!ef!mft!gbjsf!qbttfs!ef!mÖpsesf!bv!etpsesf-! qpvs!mft!mbjttfs!fotvjuf!dpnnf!jmt!ubjfou. Il aurait pu faire sien le célèbre principe de Lampedusa: que tout change dans le temps, pour qu’ainsi tout puisse continuer comme avant. Oui: il paraîtrait que Machiavel croyait en cette chose éthérée appelée psesf. Une chose que l’on peut inculquer, implanter; que l’on peut maintenir— pensait-il. Oui, mais— jusqu’où et à quel prix? Les factures de Léviathan épuisent les devis de la vitalité populaire. Machiavel ne paraît pas partager notre perception de que, à la fin, mf!etpsesf!oÖftu!bvusf!rvÖvo!psesf!bmufsobujg-!jobuufoev. Il paraîtrait aussi qu’il croyait autant aux révolutions qu’à la façon de les arrêter; dans ce sens, l’on pourrait dire qu’il était beaucoup plus 773! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou spnboujrvf que ce que nous en disent les commentateurs, qui ont l’obsession si sensée de la sbjtpo!eքubu. Mais, lamentablement—, ni les révolutions, ni l’histoire des majuscules, ni celle des processus, ni les tentatives variées de sauver l’ordre, ont tenu compte d’une nuance essentielle: jm!oÖz!b!qbt!eÖijtupjsf!ipoo‘uf!tj!df!oÖftu! rvf!dfmmf!eft!jeft-!mft!svttjuft-!mft!sqpotft!tvsqsfobouft! ‰!df!rvj!tÖfousfdspjtf!bvupvs!ef!opvt. Le reste n’est autre que la coloration d’un seul processus. Le même feu brûle les livres d’alphabets différents; le même élan historique inspira leurs contenus. § 3. Lorsque nous faisions mention à l’idiosyncrasie linguistique d’al-Andalus, nous étions en train de préparer la double réflexion que maintenant nous proposons: si l’arabité était essentielle, si la langue changeait l’essence en était modifiée. Et, d’autre part, si l’on élimine le célèbre jmt!wjosfou-!fu!bqst!jmt!tÖfo!bmmsfou, nous restons tous étonnamment relégués dans le même sac territorial, si nous ne réinterprétons pas le opvt un peu moins à la légère. Un peu moins pesant, dans une contraction apparente. Ici ce qui est en plomb a une double acception: ce que pèse est la dalle identitaire de l’exclusivisme hispano, et la fin frauduleuse de toute essence exclusiviste, comme nous le susurrent les plombs géniaux du Sacromonte. Cette idiosyncrasie linguistique— cette fttfodf!eÖbsbcju—, à être présentée comme la clé d’al-Andalus, elle a tendance à disparaître en même temps que son territoire. Mais cette ijtupjsf!eft! jeft unique nous apprend quelque chose, intimement lié à notre manie du dibohfnfou!rvbmjubujg: dans certains cas— en réalité toujours, mais soyons prudents— l’po!epju!sfupvdifs!mÖfttfodf! qpvs! nbjoufojs! mÖfyjtufodf. Ce qui peut servir comme devise, mais également comme justification raisonnable est le fait de que nous pensions al-Andalus comme tvswjwbou! fvspqfo. Non, ce n’est pas— il ne faudrait pas en arriver là— à cause des tendances postmodernes et maniéristes vers un fvsp.jtmŒn basé sur un dialogue impossible: celui des religions. Souvent, quand nous nous voyons impliqués dans des congrès sur les transitions historiques, terres intermédiaires et autres processus de frontières, nous nous trouvons au milieu de rabbins, ulémas et évêques qui proposent un hypothétique ejbmphvf/ § 4. Partons d’une évidence: les religions ne dialoguent jamais. Nous Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 774 demandons pardon pour cette phrase toute faite, mais nous la lançons car ce qui nous intéresse est moins la fausse moralité que la première négation: que les religions ne dialoguent jamais. Un uléma ne s’assoit jamais avec un évêque pour dire: eÖbddpse-!kÖbddfquf!rvf! Ktvt! ubju! qsftrvf! ßmt! ef! Ejfv-! fo! dibohf! ef! rvf! uv! bddfq. uft!Nbipnfu!dpnnf!qspqiuf. Tout congrès dédié à des échanges entre identités religieuses, n’est ni plus ni moins qu’un combat de coqs; et ces combats— au moins— sont illégaux; comme devraient l’être ceux des ulémas, évêques et rabbins. Le monde serait un peu moins véhément si disparaissait le microphone de la Conférence Épiscopale ainsi que celui du Grand Mufti et le Rabbin Majeur, qui se plaignent tous de l’incontinence verbale. Non: l’on n’arrive jamais à l’essence du fait limitrophe à partir d’identités religieuses. Et en ce qui nous concerne: l’on ne pourra jamais comprendre al-Andalus comme croisement de religions. Absolument pas: sa coupole culturelle permettait un tel croisement, mais ce n’était pas son essence. Maillo écrit: cjpm˜hjdbnfouf-!mpt!boebmvt“ft!gvfspo!vob!sb{b! sftvmubep!ef!vo!dpnqpofouf!qsfepnjobouf!fvspqfp!nˆt!rvf! ˆsbcf — il est évident que cela fait référence à ce qui est racial, et non à ce qui est linguistique andalusíe essentiellement arabe. Et il poursuit— Tbcjep!ft!rvf!mpt!qspqjpt!dbmjgbt!pnfzzbeft!ef! D˜sepcb!gvfspo!dbtj!upept!svcjpt!p!qfmjsspkpt, z!rvf!uvwjfspo! pkpt! b{vmftÒ! sftvmubep! sbdjbm! jnqptjcmf! fo! tfnjubt! qvspt! ef! pkpt!ptdvspt!z!qfmp!ofhspÒ-!efcjep!b!tvt!nbesft-!wbtdbt!fo!tv! nbzps“b<!mp!dvbm!joejdb!fm!dpoujovp!bqpsuf!ef!tbohsf!fvspqfb!b! mpt!njfncspt!ef!mb!ejobtu“b!pnfzb!boebmvt“\Ê^/!Qfsp-!bm!tfs!fm! qbsfouftdp!bhoˆujdp!z!qbusjmjofbm!tf!uvwjfspo!qps!ˆsbcft/!Fu!mft! ipnnftÒ!dfmb!tf!tbjuÒ!tpou!df!rvÖjmt!dspjfou!‘usf-!fu!opo! qbt! df! rvÖjmt! tpou! fo! sbmju.348 Restons avec ce qui précède— les caractères gras sont nôtres. L’historien ne peut pas se plier aux 348 Felipe Maillo Salgado, Ef!mb!eftbqbsjdj˜o!ef!bm!èoebmvt… page 35. Ê cjpmphjrvfnfou-! mft! boebmvt“t! gvsfou! vof! sbdf! stvmubouf! eÖvo! dpnqptbou! qsepnjobou!fvspqfo!qmvt!rvÖbsbcf!\Ê^/!MÖpo!tbju!rvf!mft!qspqsft!dbmjgft! Pnfzzbeft!ef!Dpsepvf-!gvsfou!qsftrvf!upvt!cmpoet!pv!spvy-!fu!rvÖjmt!fvsfou! eft!zfvy!cmfvtÒ!stvmubu!sbdjbm!jnqpttjcmf!qpvs!eft!tnjuft!qvst!rvj!pou!eft! zfvy!gpodt!fu!eft!difwfvy!opjstÒ-!dfmb!ubju!eŸ!‰!mfvst!nsft-!fo!nbkpsju! Cbtrvft<!df!rvj!joejrvf!mÖbqqpsu!dpoujovfm!ef!tboh!fvspqfo!bvy!nfncsft! ef!mb!ezobtujf!pnfzzbef!boebmvt“f!\Ê^/!Nbjt-!mb!qbsfou!ubou!bhobujrvf!fu! qbusjmjobjsf-!jmt!ubjfou!dpotjest!dpnnf!Bsbcft/!(N. d. la T.).! 775! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou dspzbodft!e֑usf. Il doit être fier de sa recherche proverbiale des vérités. Dernièrement, nous optons pour le pluriel— vérités—, vu que l’on a tendance à mettre fo!nbkvtdvmf le singulier. t˜mp!dpo!mp!usbevdjep!qps!Hsbse!ef! Dsfnpob-!ibcs“b!dbncjbep!fm!dvstp!ef!mb!djfodjb!pddjefoubm.349 Le Lombard Gérard de Cremona (1114-1187) est l’épitomé de cet esprit de traducteurs de Tolède— qui n’étaient pas nécessairement tous dans Tolède—, ni dans la même école. L’on traduisait pour connaître, et en traduisant de l’arabe, l’on pouvait déjà faire abstraction de cette langue: les contenus passaient à une autre langue. Lorsque l’on fait également abstraction du territoire andalusí, la fusion par absorption d’al-Andalus sera un fait: fusion qui,— plutôt en tant que géniale confusion— imprégna la Renaissance européenne. C’est pour cette raison que l’on doit cesser de regarder al-Andalus avec le geste sévère des hommes gothiques— ou tout ou rien, chrétien ou Maure, Dieu ou le diable— pour démontrer que l’on est de la Renaissance. Dans cette Tolède— riche Taifa de la renaissance—, il y eut des Médicis: la dynastie des Banu Dim-l-Nun. Lorsque la ville tombe aux mains des chrétiens— 1085—, y trouvant une telle profusion de livres et de réussites culturelles, il s’ensuivit une des premières décharges d’al-Andalus à l’Europe. Qui ne cessera pas jusqu’à celles dont nous avons traitées au sujet des célèbres traducteurs juifs ou— ce dont nous nous occupons maintenant— ce qui dans l’esprit européen est nommé l’averroïsme. Mb!tqdjßdju!boebmvt“f-!fo!ubou!rvÖFvspqf!bsbcf!bttjnj. mf, provient en premier terme de son excentricité géographique par rapport au centre de la civilisation dans laquelle elle fleurit— l’Orient. Oui; il y eut beaucoup d’excentricité dans certaines latitudes géographiques et temporelles, quoique ce ne soit pas un monopole des Andalusís. Si ceux-ci se crurent génétiquement Arabes, les Asturiens pensaient qu’ils étaient Wisigoths, ou Charlemagne un latin héritant de Constantin. Mft!jnqmbout!ef!mb!nnpjsf!ijtup. sjrvf sont des pratiques très communes. Pour le reste, l’apparence des choses est essentielle— à cause de cette phrase mft! gpsnft! § 5. Et Maillo revient avec: 349 Felipe Maillo Salgado, Ef!mb!eftbqbsjdj˜o!ef!bm!èoebmvt… page 21. Ê! tfvmfnfou! bwfd! df! rvj! b! u! usbevju! qbs! Hsbse! ef! Dsfnpob-! dfmb! bvsbju! diboh!mf!dpvst!ef!mb!tdjfodf!pddjefoubmf/ (N. d. la T.). Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 776 dsfou!mf!dpoufov. Si les Andalusís ne s’étaient pas crus génétiquement Arabes— al-Andalus aurait-il pu fleurir? En ce qui concerne la nuance religieuse, nous dédaignons de si graves limitations; tout est plus— ou moins— pareil. La célèbre sentence eÖFsoftu!Sfobo— grand connaisseur de l’averroïsme, mais militant— dans Ijtupjsf! eft!psjhjoft!ev!disjtujbojtnf est très illustratif: mf!disjtujbojtnf! ftu!vof!ejujpo!ev!kveb–tnf!qbsf!bv!hpŸu!eft!Joepfvspqfot-! fu!mÖjtmŒn!ftu!vof!ejujpo!ev!kveb–tnf!bttbjtpoof!bv!hpŸu!eft! Bsbcft/ § 6. En ce qui concerne tout le bagage de lutte des contraires, l’affrontement séculaire entre les religions n’est que symbolique: l’ennemi serre ses propres rangs. Et la foi, lorsqu’elle n’est pas sentie à l’intérieur, est criée comme un dogme. Probablement, ce n’était pas un fait péninsulaire isolé: des années 1000 aux années 1500, autant la chrétienté que l’islãm assuma que la foi est question de discipline dogmatique, pendant ce temps beaucoup de fidèles pensaient qu’il s’agissait de parler avec Dieu. Probablement, il en fut ainsi avec le judaïsme, mais il n’eut pas l’opportunité de la corruption du pouvoir et c’est bien entré dans les années 1900 qu’il se posa la question. Dans ce sens, d’intéressants travaux se développèrent, recueillis en 1996 par l’Université de Cambridge350 dans lesquels nous nous impliquâmes à ce moment-là. Avec quelque nuance comme question: cette discipline dogmatique au lieu de la foi, des années 1000 aux années 1500, et cetera…; quand n’en fut-il pas ainsi? Parce que jusqu’à ce qu’atteint notre connaissance, la hiérarchie ecclésiastique a toujours essayé de s’imposer, traitant toute opinion divergente comme dissidence, et jetant sur celui qui l’avait émise tout le poids coercitif d’aberrations en rien célestielles. Ce fait peut se démontrer à partir du Concile de Nicée— en l’an 325, nous l’avons vu— jusqu’au moment où nous voulons arrêter la révision historiologique.351 C’est pour cette raison que dédaignant le sempiternel affrontement entre les religions— pour 350 Scott Waugh et Peter D. Diehl (Eds.), Disjtufoepn!boe!jut!ejtdpoufout/! Fydmvtjpo-!qfstfdvujpo!boe!sfcfmmjpo-!2111.2611. Cambridge University Press, 1996. 351 Compte tenu de la radicalisation anticléricale, il devient de plus en plus compliqué d’être religieux et clérical en même temps. 777! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou être un jeu un peu dangereux et qui qspwprvf!mf!sbdijujtnf: l’on tue beaucoup plus par le stimulant religieux que par la faim—, et le chemin d’al-Andalus vers l’Europe étant illuminé par mille et un bûcher convaincants, centrons à nouveau l’affaire sur un personnage concret: Bwfsspt<!vo!Boebmvt“!bwfd!vo!tjmmbhf!fvspqfo. § 7. Si nous détachions une certaine dénonce du déplacement européen en ce qui concerne al-Andalus, l’épitomé de cet inconnu et clair— opvt! oÖibcjupot! qbt! ebot! opusf! ijtupjsf!352 ne peut être autre que ce Cordouan que nous voyions dans l’époque almohade: Ibn Rushd connu comme Bwfsspt (1126-1198). Cette affirmation antérieure d’Américo Castro eut un sens dans une époque de l’histoire d’Espagne qui avait besoin d’alimenter une certaine amnésie collective. La question est si cela recommence; et si cela se produit à niveau européen, l’on ne devrait pas réaliser une destruction systématique de nos sources culturelles pour les nettoyer des mythes constitutifs épidermiques, qui dédaignent le Moyen Âge, et nous pourrions ainsi nous rapprocher de la vérité des faits. Ceci sera le thème central de nos sobres conclusions; sobriété justifiée par le fait que c’est un thème que nous avons déjà traité antérieurement: la façon avec laquelle al-Andalus, comme Occident oriental, est présent— comme première renaissance et comme composant— dans la forge de l’Europe, au niveau d’autres fertiles orientalisations comme celles qui purent se produire à partir de Venise, Byzance ou la Sicile. Que l’amnésie européenne soit arrivée au point de penser que ce qui est oriental dans son histoire est l’odeur de lfcbc. Et dans cet ordre de choses, c’est l’accusée représentativité symbolique d’un penseur comme Averroès qui justifie de telles réflexions. Parce que, s’il s’agit de réfuter la eztmfyjf!obssbujwf, déjà traitée, qui propose al-Andalus comme exception— pour le pire chez certains, pour le meilleur chez d’autres, mais également erronée—, nous nous trouvons devant le fait que df! rvf! mÖpo! b! bqqfm! bwfssp–tnf! ftu! vof! fttfoujfmmf! tpvsdf! dvmuvsfmmf! fvspqfoof. Nous avons déjà fait allusion en plusieurs occasions au fait certain de que tel averroïsme— comme courant d’interprétation dérivé des commentaires aristotéliques d’Averroès— fut interdit dans l’Université de 352 Américo Castro, Mb!sfbmjebe!ijtu˜sjdb!ef!Ftqb—b. México, 1954. Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 778 la Sorbonne des années 1200, comme composant inéluctable dans la diatribe entre scolastiques et les nouvelles tendances. Le sillage d’Averroès est— donc— occidental, et non oriental. § 8. Précisément, en marge de la tournure éminemment occidentale de sa pensée, il sera assumé par nous comme européen également à cause de son éloquente absence dans la pensée orientale jusqu’à sa tardive et hâtive récupération contemporaine. C’est pour cette raison que, la considération de l’averroïsme comme option rationaliste et son absence dans l’histoire de ce qui est la pensée islamique classique est quelque chose dont se lamentent des spécialistes comme Ábed Yabri ou Bassam Tibi. Et Averroès comme matière en suspens est le thème central du film bref de Yusuf Chahine, Mf!eft. ujo— 1997. Car dans la pensée arabe contemporaine, il existe une claire perception de la récupération nécessaire du rationalisme, avec toujours, la patine mélancolique de que, malgré tout, il arrive à contretemps. En matière d’averroïsme, il y a une série de noms inéluctables: le premier, Ernest Renan dont nous nous occuperons ultérieurement. Et comme second en importance, Ernst Bloch (1885-1977), parce qu’il nous sert d’orientation préalable pour être perspectiviste: il nous situe précisément Averroès dans la direction des potins sur les bvdupsjubt; la transmission du maître au disciple jusqu’à déboucher vers la pensée européenne. Dans ce sens, la ligne qui part d’Aristote ne débouche pas— d’après ce que Bloch observe— dans la scolastique chrétienne directement. Mf! uipnjtnf, le prétendu aristotélisme de Thomas d’Aquin—, avide lecteur des commentaires d’Averroès, d’autre part, comme il n’en pouvait être autrement— serait, en essence, une wfstjpo d’Aristote; nbjt!qbt nécessairement vof!dpoujovbujpo. § 9. Pour Bloch— nous continuons avec lui—, l’influence réelle et directe de l’aristotélisme en Europe serait celle qui aurait été exercée sur le penseur hétérodoxe Giordano Bruno à travers les penseurs islamiques, spécialement Averroès. Ce Giordano Bruno, d’autre part, nous sert de catalyseur intéressant de ce qui est andalusí comme tel: dans ses essais réussis sur le livre Mb!tpvsdf!ef! mb!wjf — du juif Ibn Gabirol—, Bruno parle de son auteur comme mf! Nbvsf!Bwjdcspo— car c’est ainsi qu’était connu Ibn Gabirol en Eu- 779! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou rope. C’est-à-dire: Bruno n’entre pas dans les distinguos religieux identitaires à l’heure de classifier un Andalusí. Il ne spécifie pas si étant juif il n’est pas andalusí et autres balivernes. Dans son— d’autre part absolument pas péjoratif— Nbvsf!Bwjdcspo, il nous offre la main ouverte tout ce que nous qualifions de pont entre al-Andalus et l’Europe de la Renaissance. Et en ce qui concerne ce grand bassin andalusí déjà européen— l’averroïsme—, Miguel Cruz Hernández sera expéditif: la renommée d’Averroès atteint seulement l’Occident islamique ou latin.353 Vu que telle renommée ne fut pas due à des éditions paternalistes et néocolonialistes de MÖBvusf — version contemporaine subventionnée du — bttfzf{!vo!qbvwsf!‰!wpusf!ub. cmf —, mais de la libre nécessité de trouver la sagesse là où elle se produit, nous pouvons déduire la valeur intrinsèque de son œuvre, d’autre part, en relation, en tout moment, avec les commentaires aristotéliques que l’Europe cherchait. Donc, récapitulons: Aristote arriva en Europe à travers Averroès. Non par le célèbre pont andalusí, mais plutôt par la propre nécessité andalusíe d’Aristote. À nouveau: le qbufsobmjtnf qui s’enorgueillit de cette insistance dans mb! gpodujpo! usbevdusjdf! eft! Bsbcft est insupportable, comme s’il s’agissait d’un automatisme plastifié; comme s’il ne restait rien pour les Arabes de leurs traductions. Cette ligne— d’Aristote à l’Europe— selon Bloch— serait suivant une corrélation chronologique— Aristote (384-322 a. J-C.) — Straton de Lampsaque (287-269 a. J-C.)— Alexandre d’Aphrodisie (vers l’an 200)— Avicenne (980-1037)— Avicébron (1020-1058)— Averroès (1126-1198)— et, enfin, Giordano Bruno (1548-1600). § 10. Nous disions qu’Averroès fut interdit à la Sorbonne des années 1200, et dans la pensée arabe classique il ne fut pas suivit, mais dans la pensée européenne, oui. Également Maïmonide— aristotélicien non moins andalusí que l’antérieur—, avait été condamné en France: mais dénoncé par les rabbins français qui n’étaient pas d’accord avec les appréciations les plus rationnelles du maître juif 353 Miguel Cruz Hernández, Ijtupsjb!efm!qfotbnjfoup!fo!Bm!èoebmvt. 2 Vol. Sevilla: Editoriales Andaluzas Reunidas, 1985, Vol. II, page 36. Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 77: andalusí. C’est-à-dire: il était en train de se produire le transvasement de certains courants de pensée— qui, d’une manière éthérée, seraient connus comme averroïsme-; courants associés à un certain rationalisme de libres-penseurs qui ne s’accordaient pas avec la scolastique européenne. Le relativisme méthodique d’Averroès— non exempt d’un certain nihilisme—, contribua à générer quelque chose similaire à la méthode scientifique— nous avons vu que tout était méthode chez Averroès-lorsqu’il écrivit: kf!dspjt!rvf!m֊nf!ftu! jnnpsufmmf-!nbjt!kf!of!qpvssbjt!qbt!mf!enpousfs, il s’éloignait du syllogisme aristotélicien pour entrer dans l’intéressant relativisme scientifique, proche de cette digression de Saint Augustin sur le temps— RvÖftu.df!mf!ufnqt@;!tj!uv!nf!mf!efnboeft-!kf!of!mf! tbjt!qbt/!Nbjt!tj!uv!of!nf!mf!efnboeft!qbt-!kf!mf!tbjt. Digression méthodique, bien sûr: division des savoirs et niveau de compréhension. Menéndez y Pelayo, dans son Ijtupsjb!ef!mpt!ifufspepypt!ft. qbhopmft, dédie une bonne partie de son àbv!eÖjoßemft à la liste d’auteurs placés devant le qpufbv! eÖfydvujpo par les bouj.bwfs. sp–tuft/ Et ici s’ouvre un courant— plutôt tendance— non moins intéressant de pensée européenne. Ainsi, l’bouj.bwfssp–tnf!dpousf. sgpsnbufvs, pour le nommer d’une certaine manière, donne foi de plusieurs choses: § 11. Qu’il exista une ambiance polémologique claire et illustrative dans l’Europe postmédiévale. Que celle-ci émana des propres sources culturelles médiévales. Que, par conséquent, la future perception de mÖbvdupsjubt!ef!mb! Sfobjttbodf!qpvwbju!bqqspgpoejs!tft!sbdjoft!ebot!mf!Npzfo! æhf, et non fo!gbjsf!bctusbdujpo, comme le prétendent ses chroniqueurs les plus expérimentés. Que la présence de la pensée arabe médiévale fut essentielle et pas du tout jepmphjtf!sfmjhjfvtfnfou dans cette qs.sfobjttbo. df médiévale. Et que— enfin— mb!qfotf!{hsjf!boebmvt“— de frontière— fait partie des sources culturelles de l’Europe. § 12. Quand Menéndez y Pelayo insulte avec sa verbosité paroissienne les averroïstes, il nous présente un ensemble de sauveurs de l’Europe et entre telles légions se distingue un nom très spécial: 781! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou le repenti Raymond Lulle (1270-1315); anti-averroïste de bien. Fm!jm. vtusf!tpmjubsjp!ef!Nbmmpsdb, comme l’appelle Canalejas, son commentateur de 1870.354 Il est un fait acquis que presque toute l’œuvre d’Averroès avait déjà été traduite— ou en latin, ou bien en hébreu et de là en latin ultérieurement-; donc déjà connue en Europe, vers la moitié des années 1200. Il s’agissait de le réfuter avec une grave âpreté à partir de toutes les instances culturelles, et très spécialement par Raymond Lulle; sur le travail duquel nous reviendrons en bref. Mais, pendant ce temps, se filtrait la méthode averroïste par, surtout, des intellectuels favorables à ce que l’on a appelé l’École franciscaine dont participeraient le Duns Scoto (1274-1308)— le Doctor Sutil écossais fustigateur du thomisme—, Roger Bacon 81214-1294)— Doctor Mirabilis—, ou même Guillaume de Ockham (1285-13499, avec son dpvufbv!dpopnjrvf. Également dans l’École de Paris— nous avons vu son accueil dans la Sorbonne—, et non moindre dans l’Université de Padoue, avec l’anti-luthérien Pietro d’Albano (1455-1532) et— longtemps après, au début des années 1500—, par l’antithomiste Cesare Cremonini (1550-1631). § 13. D’une façon paradigmatique, pendant que Thomas d’Aquin appelait Averroès Mf!Dpnnfoubufvs— par excellence d’Aristote—, les antithomistes mettraient Averroès dans le même sac en certaines occasions, et en d’autres ils feraient prévaloir celui-ci de celui-là; il est évident qu’Averroès était présent dans le débat intellectuel européen. Lulle, par exemple, parle des œuvres d’Averroès sur Aristote comme d’dsjut!qftujgst. Et très longtemps après, le crucial studieux de l’averroïsme Ernest Renan (1833-1892), se montrerait aussi enchanté de Lulle— pour son fléau anti-averroïste— que notre Menéndez y Pelayo. Renan fait référence dans son œuvre à Lulle, comme héros d’une croisade contre l’averroïsme.355 Il faut détacher la façon dont tÖbnvtf!Sfobo!ev!qiopnof!Bwfsspt en tant que libre-penseur délimité par le dogmatisme chrétien croissant. À effets pratiques, l’incorporation citée d’éléments et d’œuvres andalusíes dans le débat pré-Renaissance— et pleinement de la 354 Francisco Paula Canalejas, Mbt!epdusjobt!efm!Epdups!jmvnjobep!Sbz. npoe!Mvmmf. Madrid: Sociedad Española del Crédito Comercial, 1870. 355 Ernest Renan, Bwfsspft!z!fm!bwfssp“tnp. Madrid: Hiperión, 1992. Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 782 Renaissance— européenne, montre vof!qsfvwf!ef!wjf!boebmvt“f! fvspqfoof! sans égal. Ce Bruno incorporant au juif Avicébron comme Maure— c’est-à-dire comme Andalusí générique—, ou même Ifjosjdi!Ifjof comparant Yehuda Ha-Levi avec mf!qsf! Ipnsf ne font autre chose que corroborer les insistants appels d’intention du, sans égal, Ifosj!Dpscjo et de T/!Nvol— à propos du pont juif d’al-Andalus à l’Europe indispensable, ou en termes plus généraux— l’inclassable rôle andalusí dans la floraison européenne. Dpnnfoubjsft! tvs! mb! Siupsjrvf!fu!mb!Nubqiztjrvf, probablement il n’était même pas conscient qu’il était en train d’élever un pont entre le Moyen Âge et la Renaissance, Orient et Occident. Averroès fut le commentateur d’Aristote, ainsi le connut l’Europe jusqu’à mériter, même, la considération versifiée de Dante. Mais, nous insistons—: Averroès ne put avoir ni le moindre soupçon au sujet de la transcendance de son œuvre. En certaines occasions, nous prétendons que l’histoire fonctionne avec l’induction publicitaire; avec des signes dirigés à des objectifs concrets. Cependant, il n’en est pas ainsi; l’essai et l’erreur ne proviennent pas d’intelligences historiques— êtres surnaturels qui purent connaître la transcendance de leurs œuvres—, mais plutôt d’intelligences, sans plus. Des personnes convaincues de l’honnêteté difficilement classable de leurs inquiétudes intellectuelles qui— à la longue— sont connectées avec un avenir qu’ellesmêmes ont rendu propice. Classifiées, étiquetées; critiquées sans n’être même pas lues ou comprises. Homère écrivit que mft! ipnnft! qpvttfou! fu! qpvssjttfou! dpnnf! mf! cm! eÖijwfs. Il faut bien le dire: le Grec écrivait ceci, précisément, pour affirmer-par contraste— qu’il y a des hommes qui transcendent; et ils le font d’une manière prédéterminée par le gbt— même si les latins ne l’avaient pas encore délimité ainsi—, ou par Dieu— l’on dirait après, en sémitique, fshp! oriental, explication. Mais mb!usbotdfoebodf!oÖftu!qbt!qsbmbcmf, même si ici nous nous montrons un peu anti-averroïstes. Et, pour de telles raisons, nous continuons ancrés sur le fait que c’est mÖjef!mjcsf!fu! sfcfmmf, le vrai tvkfu!ef!mÖijtupjsf. L’jef!sfŽvf; c’est-à-dire, b!qpt. ufsjpsj. Asín Palacios, l’islamologue européen par excellence, fut obsédé par l’idée de disjtujbojtfs l’islãm, parce qu’il percevait que § 14. Lorsqu’Averroès concluait en 1174 ses 783! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou la transcendance de cette culture arabe insufflée depuis l’Orient était très présente dans opusf devenir comme civilisation. § 15. Le problème d’interprétation— dans une lecture contemporaine d’Asín Palacios— était ce opvt qui, en tant qu’identification religieuse chrétienne, nous égarait trop dans la— d’autre part— firme et irréfutable plaidoirie qu’Asín nous montra aussi: dans Dante; dans sa Divine Comédie, se trouvait le Mjwsf!ef!mքdifmmf!ef!Nb. ipnfu en tant que procédé littéraire de montée et descente aux cieux et aux enfers. L’illustre islamologue— maître de García Gómez et, ainsi, de tant d’autres— traça la ligne de notre acculturation: l’Orient— l’Islãm— l’Espagne— l’Occident chrétien.356 Bien entendu, là-bas il y avait aussi la descente aux enfers d’Orphée: nous dîmes que c’est l’idée le sujet de l’histoire, et bien sûr que l’histoire se filtre sans que de graves identités marquent leur territoire par quelque procédé canin. Mais l’apport d’Asín devait être actualisé: dÖftu!mÖFvspqf!rvj!sf. dfwbju!mÖPsjfou-!fu!opo!qbt!ubou!vof!Fvspqf!disujfoof!rvj! bddvfjmmbju!vo!jtmŒn!propitiatoire à être disjtujbojt. De ce point de vue, nous disions à un moment donné que l’invétérée— face à la galerie— jdpopqipcjf!jtmbnjrvf égarait comme telle: selon ce que l’on peut contempler aujourd’hui dans le Duomo de Florence, quand Njdifmjop immortalisa Dante avec un livre dans la main— Ebouf! jmmvnjobou! mb! wjmmf! ef! Gmpsfodf! bwfd! mb! Ejwjof! Dpnejf —, l’on peut apprécier subtilement que dans cette iconographie l’on représentait également le monde préalable qui avait permit le livre objet de telle vénération. Michelino représentait l’idée; et l’idée venait de son composant médiéval dans un alphabet différent. Bien que l’invétérée traduction éliminait les ponts reconnaissables. Nous disions que dans la fresque de Michelino il y a plus d’Islãm que dans certaines attitudes musulmanes contemporaines, mais ici ce n’est pas le lieu pour amplifier la digression. 356 Un livre à réviser inévitablement pour tout humaniste espagnol: Fernando Rodríguez Mediano, Qjebm-!H˜nf{.Npsfop!z!Bt“o;!Spnbodft-!Npovnfo. upt!z!Bsbcjtnp. Madrid: Nivola, 2002, page 127. La collection dans laquelle fut publié le travail est digne en soi de considération: il s’agit d’une leçon graphique et réflexive de ce que l’on nommait les novatores de Valence des années 16001700, avec Juan de Cabriada en tête; sfhfofsbdjpojtubt de bien et en avance sur une époque d’autocritique nécessaire. Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 784 § 16. Nous citions avant S. Munk à cause de la façon par laquelle Averroès et al-Andalus— en général— étaient arrivés à l’Europe latine du nord— celle du sud parla arabe très longtemps. Nous avons fait déjà allusion à ce que les contenus d’une grande partie des exemplaires arabes perdus furent récupérés par les versions hébraïques du Midi français ou Même de l’environnement connu comme École des Traducteurs de Tolède. En ce qui concerne l’averroïsme comme tel, l’on peut dater le début de son déplacement vers l’Europe avec une escale dans un autre pilier de l’orientalisation, de la pré-Renaissance: la Sicile de Frédérique II Hohenstaufen. La dynastie des Hohenstaufen s’était vue couronnée dans la Sicile normande de 1194. L’empereur Frédérique II (1194-1250) naquit déjà Sicilien— en cette même année d’instauration dynastique. En 1220 il fut couronné empereur de l’Empire Sacré Romain Germanique, et au moment de diriger la Sixième Croisade (1228-1229) il s’affronta durement au Vatican afin d’obtenir pour lui le contrôle de Jérusalem grâce à des relations commerciales avec la famille de Saladin. Frédérique II respecta les lieux saints islamiques, et dans sa longue relation favorable à l’islãm et défavorable à la Papauté, il se trouva excommunié jusqu’à trois fois sous l’accusation d’Boudisjtu-! jtmbnpqijmf!fu!gbwpsbcmf!‰!mÖbsbcf. Quoiqu’il en soit, Frédérique II en avait terminé pour toujours avec les Croisades sur Jérusalem. À part son échange épistolaire bien connu avec les Andalusís et les Nord-Africains afin de connaître le monde culturel islamique, Frédérique II parraina le mystique murcien Jco!Tbcj“o (1218-1269), ainsi que le juif tolédan Zfiveb!Jco!Tbmpnpo!Dpifo pour qu’il traduisît en hébreu son œuvre arabe Mb!sfdifsdif!ef!mb!tbhfttf/ Frédérique II observait que l’hébreu serait un pont irremplaçable pour la connaissance de tout ce qui était islamique, et d’une manière paradigmatique ce qui était andalusí.357 § 17. Dans cette cour sicilienne de Frédérique II au début des années 1200, un personnage de premier ordre, Miguel Escoto (11751236)— qui vécut longtemps à Tolède— travaillait comme astrologue de l’empereur et aurait commencé ses traductions d’Averroès sur Aristote, dans une claire continuité italienne grâce à la lecture avide que réalisa de celles-ci Thomas d’Aquin. Escoto avait com357 Ernest Renan, Averroes y el averroísmo. Madrid: Hiperión, 1992, page 200. 785! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou mencé son travail de traduction en Sicile avec l’œuvre andalusíe Tqisjrvf de l’Andalusí al-Bitrugi —c’est-à-dire celui des Pedroches, latinisé comme Alpetragius. Il faut détacher le rôle humaniste de cet empereur Frédérique II, fondateur de l’Université de Naples dans laquelle Escoto développa ses travaux. Signaler, également, le propre environnement de la terre intermédiaire que supposait la Sicile médiévale post-arabe— comme al-Andalus. Dans son souci pour comprendre le fait islamique, Frédérique II en arriva à écrire, nous le disions, à des sultans nord-africains de la péninsule Ibérique leur demandant des informations. Il était évident qu’à travers l’aristotélicien de l’époque almohade Averroès, sa perception de l’Islãm continuerait à être assez confuse. C’est le message que nous montrent les récits conservés dans le livre Opwfmmjop; une compilation de Florence des dernières années 1200 pendant lesquelles des personnages appartenant aux trois religions se promenaient dans la cour de Frédérique II comparant leurs modes et leurs manières, même les dogmatiques. Dans ce sens, telle dpoojwfodf ou— en tout cas— relation entre la Sicile qui fut islamique et al-Andalus qui l’était encore, permit à l’Europe de maintenir une source culturelle ouverte directement de l’Orient qui incita les ivnbojubt— Bebc — ce qui fut la monnaie d’échange dans les cours andalusíes et qui ne le serait pas moins dans la Renaissance européenne. § 18. La connaissance de l’islamique comme consistante acculturation méconnue reçut un élan significatif grâce à un personnage que l’on ne pouvait pas soupçonner de transversalité mais— bien au contraire—, engagé comme identitaire catholique incité par le: dpoobjt!upo!foof. nj. Il s’agit de Pierre le Vénérable (1094-1156), abbé de Cluny— contrepoids de ce qui était almohade, comme nous l’avons vu—, qui en 1143 commanda à Robert de Chester la première traduction du Coran en latin. Norman Daniel358 souligne la façon avec laquelle ce traducteur avait toujours tendance à forcer la dose pour que la militance puisse acquérir la force de rédaction du Coran, suivant la ligne des célèbres traductions djihãdistes actuelles du Coran, qu’en cela le traitre panorama des traducteurs n’a pas changé. 358 Norman Daniel, Jtmbn!boe!uif!Xftu-!uif!Nbljoh!pg!bo!Jnbhf. Edinburg: Edinburgh University Press, Edinburg, 1960. Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 786 Lorsque quatre siècles plus tard— 1543— Theodor Buchmann— successeur du réformateur protestant Zwinglio (1484-1531)— décida rééditer à Bâle la traduction de Cluny, il gagna un séjour dans les prisons suisses, récupérant sa liberté grâce à la médiation de Martin Luther (1483-1546) qui— à propos— ajouta une introduction personnelle à une nouvelle édition de cette traduction coranique. À partir de cette version latine, le Coran serait peu à peu traduit dans les différentes langues européennes. :/5/!Bouj.bwfssp–tnf!fvspqfo § 1. Mais l’averroïsme fut beaucoup plus qu’Averroès. Son récupérateur contemporain par excellence, déjà cité, Ernest Renan vers les années 1800 l’enferma dans des descriptions parfaitement valables pour son utilisation européenne ultérieure: pour Renan, Averroès serait un libre-penseur. Mais aussi le catalyseur d’une polémique médiévale intéressante, d’une certaine manière byzantine: en tant qu’adepte d’Aristote et continuateur adversaire d’Alexandre d’Aphrodisie— nous le voyions avec Bloch— Averroès entre pleinement dans l’actualisation théologique de la métaphysique aristotélicienne. Et détachons une idée lancée par Aristote. Par exemple: il y a une Intelligence qui est séparée du physique humain: Séparant le physique du métaphysique, Aristote était un combustible généreux pour les digressions théologiques dans lesquelles était entré Alexandre d’Aphrodisie; dans lesquelles entrerait Averroès, et desquelles boiraient tout le Moyen Âge scolastique européen. Or: en réalité Averroès défendait une intelligence étrangère au physique et au préexistant. Pendant qu’Alexandre d’Aphrodisie défendait l’intelligence étrangère, oui: mais qui existe seulement si nous sommes vivants. C’est-à-dire — et pour résumer avec mb! gpj! ev! dibscpo. ojfs—: en nous basant sur Aristote, nous pouvons croire que Dieu accorde l’intelligence à l’homme— Averroès— ou l’homme porte un qfuju!Ejfv!‰!mÖjousjfvs qui meurt avec lui— Alexandre d’Aphrodisie. Ce qui nous intéresse, arrivés à ce point, n’est pas tant la digression philosophique en soi — ici, trop simplifiée et presque caricaturée—, mais plutôt la présence réelle et active d’Averroès dans les courants de pensée européens. Non pas en tant que musulman, Arabe ou comme concession à l’Bvusf, mais comme combustible d’idées. 787! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou § 2. En ce qui concerne la séparation esquissée ci-dessus, les penseurs européens— scolastiques et anti-scolastiques — se divisèrent entre ceux qui suivaient Averroès et ceux qui suivaient Alexandre d’Aphrodisie. Le premier en fin de compte aristotélicien, était paradoxalement considéré comme platonique dans sa vision métaphysique qui pouvait être christianisée, et défendu par un académisme religieux européen— les franciscains. Cependant le deuxième— Alexandre d’Aphrodisie— était considéré comme incrédule, et défendu par ceux de la pré-renaissance. Que se passait-il? L’Europe non seulement avait adopté Averroès, mais que celui-ci passait à représenter l’académisme. Il est évident que la confusion régnante a toujours plus d’influence que les idées dépourvues de leurs polémiques. Cela arrive en tout temps et tout lieu: l’on attaque ou défend un livre ou un auteur sans le lire, en se basant sur la usjcv de ceux qui le prennent comme étendard. Averroès, le libre-penseur, prenait une attitude en accord avec la tradition chrétienne dans la forge européenne. Son ombre andalusíe entamait un curieux débat chez les académiciens du nord, pour de là— qualifier d’bwfssp–tnf non tant les idées d’Averroès en soi, que la foule d’affrontements théologiques qui découlaient de telles idées. Lorsque l’on interdit l’averroïsme, mÖpo!o֏ubju!qbt!fo!usbjo!eÖjoufs. ejsf!Bwfsspt-!nbjt!mft!ecbut!mjcsft— avec les nuances politiques que nous allons voir tout de suite. Bm.Boebmvt!fousbju!dpnnf! ubjgb! siupsjrvf!ef!sdvqsbujpo!wbsjf/ Ceux qui interdisaient auraient accepté les idées de l’Andalusí, mais celles-ci n’auraient pas été seulement lues: l’on poursuivrait l’averroïsme comme mode universitaire de questionner les bases culturelles. Pour ne pas partir du dogme inamovible, mais que toute idée est questionnable. De là que Renan qualifiât Averroès de mjcsf.qfotfvs. § 3. Il est intéressant d’observer la façon avec laquelle Henri Corbin relie deux milieux de distribution comparable: celle des averroïstes face aux adeptes d’Alexandre d’Aphrodisie en Europe, et— d’autre part— celle de l’averroïsme face à l’avicennisme dans le reste, résiduel— et encore fleurissant— Dar al-Islam. Ce monde civilisateur islamique n’était déjà plus homogène. Ce qui était arabe comme tel, s’était vu diminué territorialement et l’Islãm s’était transformé au point de vu linguistique d’une manière non suffisamment traitée. Pour chercher des dates proches, si en 1248 Séville tombait en mains castilla- Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 788 nes, dix ans après— 1258— tombait Bagdad aux mains des Mongoles. Ultérieurement, cet Ibn Khaldûn ambassadeur de Grenade dans la Séville chrétienne des années 1300 bien avancées, assisterait en 1400 à la tombée de Damas aux mains de Tamerlan. Après viendra l’autre grand composant périphérique oriental: le turc. L’époque arabe se pliait, comme nous en ferons bientôt allusion. La civilisation islamique en arabe se verserait en latin vers l’Europe, et dans l’Orient elle serait éclipsée par mb!àpsbjtpo!jovtjuf! eft!bvusft!mbohvft!ef!mÖjtmŒn;!tqdjbmfnfou!mf!qfstf— dans l’actuel Iran et aux alentours—, et le turc avec les conquêtes croissantes seldjoukides— après ottomanes— et une tvctujuvujpo!nup. oznjrvf — pourrions-nous dire— de l’Islãm. C’est, dans cet ordre de choses, là où trouve sa place la diatribe que nous évaluerons le moment venu— avec une certaine critique— du Marocain Ábed Yabri: l’on ne peut comprendre la pensée islamique comme la dispute entre le sbujpobmjtnf! bwfssp–tuf — par Averroès— et un supposé tvjwj! ev! usbejujpobmjtnf! bwjdfoojtuf — par l’oriental Avicenne. Mais l’on peut le comprendre d’une façon nuancée. C’est-à-dire: dans une qprvf!ef!dpoobjttbodf!siupsjrvf— dans laquelle l’Europe ne s’en verra pas exempte, bien qu’fmmf! bwbodf! dpousf! fmmf —, Averroès put surpasser Avicenne, mais seulement dans le sens de le cerner et le continuer. § 4. Dans ce sens, oui, l’on peut accepter de proposer une Europe averroïste face à un Orient avicenniste, tout deux comme milieu d’orientalisation fertile— et substitution de l’arabisation. Mais nous devons faire attention avec la manie permanente des luttes des contraires. Averroès ne fut pratiquement pas lu en Orient. C’est-àdire: l’avicennisme oriental n’était pas anti-averroïste, parce qu’il ne fut pas proposé comme rejet d’Averroès, car celui-ci ne fut pas connu jusqu’à ce point. Donc, maintenant, l’on peut caser à la perfection— dépourvue d’affrontement sportif— la distribution que faisait Henri Corbin:359 la culture arabe insuffla des courants de pensée en Europe comme l’averroïsme, et dans le relais islamique de la culture perse— majoritairement chiite— comme l’avicennisme. Il était donc patent que le pont méditerranéen— la culture arabe— s’était brisé. 359 Henri Corbin, Ijtupsjb! ef! mb! ßmptpg“b! jtmˆnjdb. Madrid: Trotta, 1998, pages 221— 229. 789! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Corbin est catégorique: l’bwjdfoojtnf circula brièvement en Occident; mais en Iran il a continué jusqu’à nos jours, quoique tendant à fructifier par la voie mystique. D’autre part, l’bwfssp–tnf!mbujo finirait par se convertir en l’bwfssp–tnf!qpmjujrvf du belge Kfbo! ef!Kboevo (1280-1328), ou en celui de Nbstjmf!ef!Qbepvf (12701342). Tous deux composèrent le traité averroïste! politique, Mf!e. gfotfvs!ef!mb!qbjy. Dans le traité, ces averroïstes défendaient avec ferveur la tqbsbujpo! eft! qpvwpjst et la suprématie de l’Empire face à l’Église en matière punitive: l’on ne doit pas poursuivre les péchés, mais les délits. C’est-à-dire et remarquons bien: si d’un côté l’on comprenait l’averroïsme comme libre diatribe théologique— partant du fait qu’Averroès était la qbsujf!dspzbouf face au sillage d’Alexandre d’Aphrodisie— l’on conçut d’autre part l’bwfssp–tnf! dpnnf! joijcjujpo! fddmtjbtujrvf! eft! bggbjsft! qpmjujrvft. Averroès servait autant qpvs! vof! edijsvsf! rvf! qpvs! vo! e. dpvtv, mais étant toujours présent dans le développement culturel européen, et toujours comme mb!npefsoju. § 5. Pour Renan, le monde des traductions de l’arabe divisa en deux le Moyen Âge. L’influence du livre de Renan à son époque— Bwfs. spt!fu!mÖbwfssp–tnf, sa Thèse Doctorale— est le reflet d’une époque longuement endormie, spécialement en Espagne. Entre nous, même Juan Valera (1824-1905)) écrivit des lignes illustrant ce fait: mb! qijmptpqijf! bsbcjrvfÒ! eju.jm! Ò! qsjodjqbmfnfou! mÖftqbhopmf-! fvu!vof!hsboef!joàvfodf!ebot!mb!qijmptpqijf!tdpmbtujrvf-!epou! mÖijtupjsf! of! qfvu! tf! dpnqsfoesf-! oj! cjfo! fu! dpnqmufnfou! t֏dsjsf!tbot!vof!dpoobjttbodf!qsbmbcmf!eft!qijmptpqift!bsb. cft/!Jm!fo!ftu!bjotj-!‰!m֏usbohfs!mÖpo!dpnnfodf!‰!epoofs!cfbv. dpvq!eÖjnqpsubodf!‰!dfuuf!uvef/!Jm!oÖz!b!qbt!fodpsf!efvy!bot-! rvf!m֏mhbou!dsjwbjo!Fsoftu!Sfobo!qvcmjb!fo!Gsbodf!vo!mjwsf! tvs!Bwfsspt!fu!mÖbwfssp–tnf/!Ebot!mf!opvwfbv!Ejdujpoobjsf!eft! Tdjfodft!Qijmptpqijrvft-!qvcmj!hbmfnfou!fo!Gsbodf!mÖpo!qbsmf! fu! mÖpo! gbju! ef! hsboet! mphft! ef! qmvtjfvst! qijmptpqift! bsbcft! ftqbhopmft/!DÖftu!tfvmfnfou!fo!Ftqbhof!rvf!opvt!sfhbsepot!dft! diptft!bwfd!uspq!eÖjoejggsfodf.360 360 Juan Valera, Cjcmjpufdb!Tfmfdub!ef!bvupsft!boujhvpt!ftqb—pmft-!rvf! ftdsjcjfspo! fo! mfohvb! mbujob! z! ˆsbcf! eftef! mb! epnjobdj˜o! spnbob! ibtub! fm! tjhmp! YJW! ef! ovftusb! fsb. Publié sous la direction de D. Luis García Sanz. Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 78: Vu ce qui précède, tenant compte du livre de Vossler largement cité et ses allusions aux nombreuses renaissances, pour nous, l’auteur français expert en averroïsme qfsdfwbju!ek‰!mb!qs.sf. objttbodf!boebmvt“f, émanant de son époque médiévale, comme il n’en pouvait être autrement. L’archevêque Sbznpoe!ef!Mb!Tbv. wfubu (1126-1151) commençait— avant même la edibshf!fvspqfo. of!ef!mÖbwfssp–tnf — l’esprit de ce que l’on a appelé l’„dpmf!eft! Usbevdufvst!ef!Upmef, génération d’activité frénétique dont les épitomés seraient des noms comme Scoto, Jean de Séville, Dominique Gundisalvi; les Anglais Daniel de Morley et Robert de Chester; Herman de Carinthie et le sans égal Gérard de Crémone.361 Ces traducteurs ouvraient un nouveau chemin d’assimilation d’al-Andalus pour l’Europe; un nouveau chemin complémentaire du pont juif déjà cité. § 6. Cet averroïsme et l’anti-averroïsme environnant arriva à prendre aussi dans les diatribes mondaines entre les ordres religieux, atteignant de tels extrêmes que— nous le voyions— elles surpassent de beaucoup le contenu des propres œuvres d’Averroès, tant en elles-mêmes qu’en tant que commentateur du premier maître de Stagire. Thomas d’Aquin et les dominicains se présentaient comme anti-averroïstes— malgré qu’ils aient eu l’œuvre d’Averroès traduite par Scoto—, pendant que— nous l’avons vu— les franciscains prenaient l’attitude contraire. Il y avait également des divisions universitaires intéressantes entre les écoles de Théologie et celle des Arts— dans lesquelles eut prise l’averroïsme à travers de, par exemple, Siger de Brabante (1240-1280). L’on comprend que lorsque Guillaume d’Ockham fait allusion à l’averroïsme latin— surtout à propos du sens de ce dernier— il le considère comme mb!epdusjof! ef!mb!epvcmf!wsju. De cette perspective de dispersion, syncrétisme, idéologisation et scolastique, nous pouvons déduire et justifier que Sbznpoe! Mvmmf ne comprit pas Averroès, ou il ne voulu pas le comprendre, Alicante: Biblioteca Virtual Miguel de Cervantes, 2003. Édition digitale à partir de Ftuvejpt!ds“ujdpt!tpcsf!mjufsbuvsb-!qpm“ujdb!z!dptuvncsft!ef!ovftuspt!e“bt. Tomo II. Madrid: Librerías de A. Duran, 1864, pages 49-56. 361 Francisco Márquez Villanueva, Dpodfqup!dvmuvsbm!bmgpot“. Madrid: Mapfre, 1992. 791! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou assermenté comme il l’était par l’idée de disjtujbojtfs!pctujonfou! mÖjtmŒn- jusqu’à tel point qu’il écrivit une allégation pseudo-œcuménique intitulée Fmt!dfou!opnt!ef!Efv: les cent noms de Dieu, faisant allusion au concept coranique de que Dieu a quatre-vingtdix-neuf noms éminents, et Lulle en vient au numéro cent; rien de moins que le Christ. Dans cette époque d’anathèmes et Andalusís réinterprétés, un synode célébré en 1305— présidé par le juif Salomon Ben Adraz— interdit l’étude de la philosophie avant d’avoir vingt ans, fu! mft! nbkfvst! bwfd! stfswft— s’il s’agissait d’étudier Maïmonide. Son œuvre était trop rationaliste pour les juifs académiciens qui étaient à leur aise dans le nord-est péninsulaire. C’était l’époque de tenir toutes les religions en bride. § 7. Pour ces raisons, l’intégrisme apologète et néophyte d’un Ray- mond Lulle— nous reviendrons sur lui— ne doit pas nous paraître étrange, lorsqu’il s’agit d’une époque caractérisée par l’embouchure d’al-Andalus en Europe dont nous avons déjà parlé. C’est pour ces raisons également que Menéndez y Pelayo n’aime pas ces années: ou plutôt le siècle— affirme-t-il en colère— à cause de la recrudescence de la barbarie, un saut en arrière dans la course de la civilisation. Les ténèbres palpables du Xème siècle n’inspirent pas plus d’horreur, ni peut-être autant. Partout règnent la cruauté et la luxure. […] Les hérésies et les schismes augmentent; jaillissent les pseudo-prophètes animés par une ferveur mensongère […]. À travers le brouillard orthodoxe et irrité de l’auteur, l’on peut percevoir un réveil hétérodoxe de la Renaissance. En réalité— pour la énième fois— postmédiévale. Dans la liste des!fssfvst!fu!bcfssbujpot!qbsujdvmjsft que Menéndez y Pelayo nous offre, l’hésitation du converti intellectuel est patente. Comme ce pauvre Sbjnvoep! ef! Uˆssfhb (mort en 1371) converti au christianisme étant enfant, mais encore réticent à certains dogmes. Dans le procès entamé contre lui, l’on perçoit un œcuménisme qui a peu d’affinités avec l’époque où il se déroule. La sixième preuve d’impiété de ce Raimundo consistait à croire que mf! vo!npnfou!bssjwfsbju!pž!mb!mpj!eft!kvjgt-!dfmmf!eft!disujfot!fu! dfmmf!eft!Tbssbtjot!tf!sevjsbju!fo!vof!tfvmf!mpj.362 La douzième n’en est pas moins intéressante: qpvs!mf!qbztbo!jm!tvgßu!ef!dspj. 362 Menéndez y Pelayo, Ijtupsjb!ef!mpt!ifufspepypt…, I., page 521. Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 792 sf!fo!hosbm<! fu!opo!qbt!bsujdmf!qbs!bsujdmf, df!rvf!mքhmjtf! dspju. Pour notre thèse d’bm.Boebmvt!mbsw!tbot!opse!ebot!mb!Uspj. tjnf! Ftqbhof, de tels témoignages eÖjnqju! qbs! bddbcmfnfou! ephnbujrvf seront le terrain propitiatoire à un futur érasmisme embrassé comme foi établie sur une éthique générique, exempte de la carcasse ecclésiastique. § 8. Les mêmes libre-pensées et rationalisme anathématisés en Europe comme averroïsme générique provoqueront des réactions similaires dans une Espagne qui devait cicatriser un territoire frontalier ouvert. Un vide andalusí converti en repeuplement dogmatique zégri qui ne sera pas exempt de problématique sociale. Ainsi, il est donc évident, que la prétendue reconquête ne pouvait se raconter simplement comme une séquence de dates. Entre les interstices des bannières et Tboujbhp!djfssb!Ftqb—b, la vieille et longue Espagne andalusíe continuerait à soupirer longtemps. Les esprits éclairés pouvaient seulement se monter averroïstes, se présentant avec une terminologie génialement œcuménique et ad hoc pour l’Espagne qui aurait pu s’ouvrir: ils disaient être mprvfouft! jo! usjcvt! mfhj. cvt— connaisseurs des trois lois—, comparant ainsi les juifs, avec les chrétiens et les musulmans. Ils faisaient également leur adaptation averroïste de: qu’une chose peut être vraie selon la foi, et non selon la raison. Le reflet italien ne se ferait pas attendre, les penseurs chrétiens dogmatiques se rétro-alimentant mutuellement dans les périodes suivantes et qui appartiendraient aux ordres religieux: les franciscains face au nombre croissant— et inquisitorial— des dominicains. Dans la chapelle de Santa María la Novella— où les Espagnols arrivés à Florence célébraient leurs messes—, la fresque peinte par Ubefp!Hbeej représentera le dominicain Thomas d’Aquin le pied sur le cou d’Averroès, Arius et Sabellius. Averroès était, ainsi, comparé aux hérétiques des plus séditieux ev!disjtujbojtnf. De cette époque date l’épisode romanesque d’un livre perdu et faisant allusion aux mystères du nom de Ef! usjcvt! jnqptupsjcvt — Tvs! mft! uspjt! nfoufvst-; satire de Borges— paraît-il — des épitomés prophétiques des trois religions révélées. À nouveau, un autre upvs! ef!wjt!tpdjbm se produisait: ev!eqmbdfnfou!eft!kvjgt!fu!eft!nv. tvmnbot!ebot!mb!opvwfmmf!Ftqbhof-!‰!mb!dpoubhjpo!ev!sftuf! ef!mÖFvspqf!iuspepyfÒ!rvj!ßojsb!qbs!tf!spnqsf!ebot!mb! 793! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Sgpsnf—, pour finalement en arriver au nihilisme vitupérateur de toute religion dogmatique. L’averroïsme servait pour toutes les contestations éthiques des religions trop politiques. § 9. Les importants chiens de Dieu— les domini canes, déjà cités; dominicains— servirent dans leur particulière croisade interne européenne comme un autre pont indirect de transmission andalusíe. Le général de l’Ordre— alors Jean de Wildeshausen—, envoya quatre studieux afin qu’ils apprissent les langues orientales et, de cette manière, réaliser un travail nécessaire de réfutation. La perception de tel besoin parle d’elle-même sur l’ampleur théologique que les dominicains pouvaient percevoir d’un islãm soupçonné à cause de l’œuvre d’Averroès. Un des quatre serait Ramón Martí (1230-1286), auteur d’un vocabulaire arabe offensif et militant, ainsi qu’une apologétique bouj.kveb–tbouf et bouj.nbipnubouf œuvre appelée Mb! mvuuf!qpvs!mb!gpj. Dans cette œuvre— jamais suffisamment valorisée—, Martí fait une synthèse géniale de toute l’œuvre d’Algazel, de l’avicennisme et l’averroïsme qui, dépourvue de son incitante apologétique militante chrétienne, nous offre une étude sans comparaison du niveau possible d’orientalisation européenne. Mais le champion anti-averroïste par excellence, dont nous avons déjà fait allusion, est l’inégalable et cinématographique Raymond Lulle (1270-1315). L’adjectif cinématographique est dû à la qbttjpo! sbhfvtf! ef! opqizuf qui fit que son œuvre fût si tendue. D’une jeunesse écervelée, cet originaire de Majorque passe pour être un militant de Miguel de Mañara converti à la piété chrétienne à cause de son attirance charnelle: obsédé par une femme, l’on raconte qu’il entra à cheval dans la cathédrale de Majorque dans le but de l’enlever, et elle— d’une beauté spectaculaire— se découvrit la poitrine cancéreuse pour, ainsi décourager ce prétentieux Epo!Kvbo. Lulle se rendrait compte avec frayeur de son impiété et frivolité et, comme Saint Paul, il tomberait du cheval, et de la fugacité de la vie passerait à être un assermenté contre les infidèles. Pour, l’on y arrive, découvrir Averroès et dédier sa vie intellectuelle à l’injurier comme étant la source de toute impiété européenne. § 10. Peu importe si de tels détails de la biographie de Lulle sont exagérés ou même inventés— il y en aura beaucoup plus. Nous en faisons mention car, sans cela, l’on ne peut pas comprendre la fu- Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 794 reur néophyte citée auparavant de ce Majorquin obsédé par l’évangélisation dans une Espagne découverte récemment comme vieille chrétienne. Et proclamer cela à partir de la vieille Taifa des Baléares, avec l’invétéré crypto-judaïsme qui la caractérisa dans toute son histoire, cela en dit beaucoup. Nous voyons, ainsi, que les auteurs antérieurs et l’esprit de l’époque peut déduire que la manœuvre des Livres de plomb du Sacromonte de Grenade n’étaient pas des extravagances, mais des obsessions naturelles d’un catholicisme exacerbé— nous le voyons — ayant un important précédent. Tout ce qui se produit dans les royaumes chrétiens péninsulaires dans les années 1300, se reflétera dans la Grenade chrétienne des années 1500, vu que le reflet identitaire religieux marchait déjà par ses propres et intouchables privilèges. Comme homme extrême d’une mémoire collective implantée, ce Lulle véritable àbv!ef!mÖbwfssp–tnf se déplaça à travers trois idées motrices: démontrer que la foi chrétienne est raisonnable et embrasse les autres— qui sont innocentes et erronées—, évangéliser les juifs et les musulmans, évidemment déviés, et en dernier lieu la Croisade à la Terre Sainte. De là que soit si intéressante la sdv. qsbujpo!nztujrvf de Raymond Lulle de la part des progressistes scientifiques-épidermiques hispanos des dernières décennies; un auteur des années 1300 s’occupe de ce qui est islamique, et l’on ne distingue plus entre croisade et O.N.G. Mais Lulle réalisa— en partie et une autre partie en rêve— ses pensées motrices: l’on raconte ses voyages dans le nord de l’Afrique et ses retours, échaudé pour essayer d’évangéliser à tout infidèle. § 11. Insufflé par l’esprit évangéliste, Lulle se chargea de créer deux écoles de langues orientales afin que les moines puissent dpoob•. usf!mÖfoofnj: celle de Miramar— Majorque, à pétition de Jaime II en 1275—, et une autre à Rome, où il se dirigeait souvent depuis Montpellier, son lieu de résidence, dans le but était de presser le Pape Nicolas V afin qu’il organisât de nouvelles croisades. La date qui peut nous intéresser le plus à ce sujet n’est autre que l’année 1309, quand il est autorisé à donner des cours à la Sorbonne avec la mission de résister au fléau averroïste— libre-penseur, séparateur des savoirs et des pouvoirs— là-bas l’on souffrait si l’on se dédiait corps et âme à polémiquer avec Scoto et le reste des averroïstes parisiens. Comme homme de la Renaissance, en tout cas, l’inquiétude et la 795! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou mobilité de Lulle nous laissent des œuvres de singulière relevance comme celle citée auparavant Mft!dfou!opnt!ef!Ejfv. D’autres œuvres correspondraient également avec cet ftqsju! ef! mb! Sfobjttbodf et plus strictement courtisan comme un manuel classique de formes intitulé Psesf! ef! mb! Difwbmfsjf, ou un curieux Bscsf! ef! mb! tdjfodf dont la thématique et structure capitulaire maniériste ressemblera à celui que rédigea le Grenadin Jco!bm.Kbujc, personnage auquel il se rapproche par de singuliers parallélismes..363 Si ce n’était pour sa militance réductionniste, Lulle aurait put être qualifié de ibo•g, monothéiste préalable à la division des trois religions. La nuance qui empêche un tel qualificatif est que le Majorquin ne conçoit pas d’autre fusion œcuménique que le résultat chrétien, comme Tvnnb des inquiétudes monothéistes et résumé des acculturations juives et musulmanes passées. § 12. Dans ce sens, l’on pourrait dire que Raymond Lulle est un préspenglérien convaincu, à cause de l’affirmation de Spengler— bien accueillie à ce moment-là — dans le sens que mf! npoef! bwbodf! wfst!mÖPddjefou.364 Mais— nous insistons— son œcuménisme n’est pas tel: sa proposition ferme avec le Concile de Vienne consista à demander l’interdiction des— déjà cités— dsjut!qftujgst!eÖBwfs. spt dans tous les hznobtft européens— académies. Écrits, d’autre part, qu’il dut bien connaître, vu qu’il présente jusqu’à trente titres différents de réfutations anti-averroïstes. Donc, nous pouvons arriver à percevoir la facilité relative avec laquelle un public formé pouvait accéder en Europe à la pensée averroïste. En définitive, ce qui nous intéresse est de souligner la manière avec laquelle l’Europe pouvait être en train de respirer intellectuellement avec un andalousisme souterrain comme base culturelle et conséquence de l’évidente orientalisation médiévale. D’autre part, ce qui nous intéresse également de souligner est l’idée avancée an363 Il serait intéressant à la manière de Plutarque de rédiger certaines Wjft! Qbsbmmmft de ces dernières périodes spéculaires en Europe. 364 Voir: Robert D. F. Pring-Mill, Jouspevdujpo!‰!Sbznpoe!Mvmmf/!Mf!njdsp. dptnf!mvmmjfo. Fribourg: Paulusverlag (Academic Press Fribourg). Col. Vestigia, vol. 20. 2005. Cette collection inclut une édition de la Wjub!dÐubo¿!cfbuj!Sbz. nvoep! Mvmmj— car à Majorque il fut vénéré comme béat—, une introduction éclaircissante d’Antony Bonner, et un épilogue adroit bien ancré de Ruedi Inbach et Iñigo Atucha. Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 796 térieurement dans le sens d’imiter les persécutions et impostures de Grenade des années 1500 à partir de celle du reste d’Espagne en 1300. Mais cette dernière date n’est pas celle du début, mais celle du point culminant de persécutions qui— nous le voyions— termineraient forçant le post-Andalusí — spécialement à de grands contingents juifs— à élire entre la conversion fictive ou l’exil. De ce dernier provient une grande partie du usbotwbtfnfou!boebmvt“ auquel nous avons déjà fait allusion, et de la première proviendra un non moins intéressant usbotwbtfnfou!jousjfvs;!mf!dpowfsuj— morisque ou juif—, auquel l’on interdit déjà de sortir ou d’opter pour une autre voie qui ne soit pas celle de l’immersion dans le monde dogmatique espagnol, tout ceci dsfsb!vof! Uspjtjnf!Ftqbhof plus préoccupée par le refuge éthique qui renouvelle des dogmes trop publiques. Ce sera ce terrain préparé qui explique le succès inusité de l’sbtnjtnf!ftqbhopm. :/6/!Mb!uspjtjnf!Ftqbhof § 1. Du Quichotte comme arme contre l’oubli. Même plus: comme arme contre le nnpsjdjef diagnostiqué par Juan Goytisolo.365 Également du Lazarillo de Tormes comme plaidoirie déplacée et finale d’un érasmisme convaincu,,366 Alfonso de Valdés (1490-1532). De cela nous nous occuperons maintenant, et telles sont les raisons de situer finalement al-Andalus dans l’époque et la géographie vers lesquelles il déboucha. Si nous ne pouvions pas percevoir avec clarté les débuts de l’histoire d’al-Andalus sans le voir comme le fils de son temps, nous pourrons difficilement fermer notre révision historiologique sans contempler l’époque de laquelle il fut le père; conscients— comme nous le sommes— de que les époques— comme le Lazarillo auquel nous faisions allusion— viennent toujours 365 María Rosa Menocal, “Del verdadero autor del Quijote, seguido de otras tragedias”. Dans Eduardo Subirats (Coord.), Bnsjdp!Dbtusp!z!mb!sfwjtj˜o!ef!mb! nfnpsjb/!Fm!Jtmbn!fo!Ftqb—b. Madrid: libertarias/Prodhufi, 2003, pages 201-212. 366 Nous partions, bien entendu, de l’évidence de que l’auteur du Lazarillo de Tormes est Alfonso de Valdés, selon ce qui figure dans l’œuvre irréfutable de Rosa Navarro Durán, Bmgpotp!ef!Wbmet-!bvups!efm!Mb{bsjmmp!ef!Upsnft. Madrid: Gredos, 2003. Rosa Navarro Durán écrit: Opvt!bwpot!upvkpvst!mv!ÈFm!Mb. {bsjmmpÉ!dpnnf!vof!Ðvwsf!bopoznf/!Df!oÖftu!qbt!vof!fogbou!bcboepoof-! nbjt!fmmf!bqqbsujfou!bv!nfjmmfvs!qsptbufvs!ef!mb!qsfnjsf!npjuj!ev!YWJnf! tjdmf-!mf!nfjmmfvs!qspufdufvs!eքsbtnf!fo!Ftqbhof;!Bmgpotp!ef!Wbmet-!tf. dsubjsf!eft!mfuusft!mbujoft!ef!mÖFnqfsfvs/ 797! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou conçues grâce à l’apport de plusieurs. L’allusion faite d’une troisième Espagne provient de références dans le même sens de la part de Ricardo García Cárcel, José Luis Abellán, José Luis Gómez— Martínez et tant d’autres intellectuels qui se sont dédiés à connaître le pourquoi des choses d’un point de vue bien au-delà de comme elles sont indéfectiblement étiquetées. Lorsque García Cárcel écrivit: mb!Ftqb—b!rvf!rvjtpÒ!z!op!qvepÒ-! fwjubs!mb!dpogspoubdj˜o!ef 1640; mb!Ftqb—b!dpoefobeb!b!tfs “La España que no pudo ser”, dpnp!uboubt!wfdft!b!mp!mbshp!ef!ovftusb! ijtupsjb,367 évoquait notre ferme conviction de l’existence de cette uspjtjnf!Ftqbhof. Notre perception à ce sujet est de partir d’ici, pour observer que l’un des npcjmft!dsbufvst d’une telle Espagne fut la fausse cicatrisation de cet al-Andalus comme composant. Il y a déjà un long moment que nous disions que l’histoire n’avance pas par magie; qu’il y n’y a pas de solution de continuité dans l’histoire, raison pour laquelle, nous devons récupérer l’allusion faite à l’existence de cette uspjtjnf!Ftqbhof-!hosf!qbs!mf!sfkfu! eÖbttjnjmbujpo!eÖbm.Boebmvt!dpnnf!vof!qbsujf!ef!opusf!n. npjsf!ijtupsjrvf!fu!dpotujuvujwf. Parce qu’une Espagne voulait oublier, une autre dut s’en aller ou mourir, et une troisième essayait de se souvenir sans être vue ni soupçonnée. Et de telles choses ne se résolvent pas ni durant des siècles, ni à coup de croix, ni grâce à des prescriptions médicales de l’oubli. § 2. La manière de projeter le national-catholicisme des rois Isabelle et Ferdinand, proposait la fermeture d’Espagne implantée par une re-conquête considérée comme telle a postériori. Sur cet esprit s’érigeront leurs héritiers, grandis par d’inespérées connexions européennes et américaines d’une Espagne qui avait seulement connu des liaisons orientales; jusqu’à présent, ici, il qmfvwbju!tfvmf. nfou!rvboe!mf!wfou!qspwfobju!ev!tve.ftu, comme l’on dit à Tarifa et avec quoi nous ouvrions ces pages. L’on aurait dit que l’Espagne avait été perdue pendant des siècles; et que par magie et de façon italique elle s’additionnait— nouveau-née —, à la Renaissance euro367 En fait, le sous-titre, nous le devons à García Cárcel. Voir son article incomparable « La tercera España de Cervantes». Journal ABC, 25-08-2006. MÖFt. qbhof!rvj!wpvmvÒ!nbjt!of!qvuÒ-!wjufs!mb!dpogspoubujpo ef 1640; mÖFtqbhof! dpoebnof!‰!‘usf «l’Espagne qui ne put être», dpnnf!ubou!ef!gpjt!upvu!bv! mpoh!ef!opusf!ijtupjsf. (N. d. la T.) Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 798 péenne. L’on aurait dit— cette Espagne officielle—, une restitution face à une perte; la perte de l’Hispanie en 711. Ce qui est certain c’est que la véritable perte des années 700 fut celle de la splendeur hispano-romaine à l’époque d’Isidore, récupérée seulement— ou au moins comparée— avec le chemin historique andalusí. Ce qui est également certain c’est que l’Espagne pressentait depuis des siècles la Renaissance, spécialement en arabe. Et il est certain— enfin— que la véritable forge de l’Espagne se fit en partant du bagage andalusí. Pour le reste, cette Espagne officielle, fermée, finit par s’asphyxier. Cette Espagne— la première, se ferma, reniant une autre Espagne— la deuxième—, pendant qu’une troisième prétendait suivre entre-ouverte. La uspjtjnf!Ftqbhof est celle qui confiait, selon Ortega y Gasset, en une wpmpou!ef!wjf!fo!dpnnvo pour créer un État. Il est évident que la tendance au conflit— inhérent au patriotisme plastifié comme nationalisme—, provient de la définition des choses par rapport au passé, et non par rapport au futur. Dans une projection future— cette phrase d’Ortega y Gasset!wpmpou!ef!wjf!fo!dpnnvo Òmême jusqu’à certains obujpobmjtnft!tusvduvsfmt- sont compatibles avec un patriotisme ayant des différences substantielles par rapport à ce qui est usuel c’est-à-dire du bras levé ou l’fgàvwf!tqps. ujwf sfhfofsbdjpojtub (Voir note dans le chapitre 4.5.9-10)chaque fois que la sélection espagnole de football perd. Ce patriotisme sans hymne, apparemment différent, ne serait pas né du passé, mais du fait d’assumer de manière compréhensive le passé; le passé fécond et véridique. Celui des faits tels qui se produisirent, non pas comme ils sont racontés sans nuances, par pure paresse de l’investigateur historiciste. § 3. L’on a l’habitude d’affirmer que l’œuvre d’Américo Castro, Ftqb. hof!ebot!tpo!Ijtupjsf,368 suppose l’acte de résurrection des autres Espagnols. Mais ils ne ressuscitèrent pas, ils s’additionnèrent à une mosaïque complexe faite de mémoire collective fractionnée. Les œuvres de Castro sont essentielles aujourd’hui, et furent nécessaires à un certain moment pour pallier certains ravages de la patrie. Non tant par ignorance— elle n’est pas dangereuse d’habitude, malgré 368 Ftqb—b!fo!tv!ijtupsjb. Buenos Aires, 1948. Révisé comme Mb!sfbmjebe! ijtu˜sjdb!ef!Ftqb—b. México D.F., 1954. 799! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou qu’elle soit considérée ainsi— par intelligence induite: celle de— par exemple— un germanophile Ortega y Gasset descendant— condescendant— dans le prologue du Dpmmjfs!ef!mb!dpmpncf — traduit par García Gómez—: comme dans une visite du patron de plantations coloniales de notre histoire. Que dire du croisé Menéndez y Pelayo appartenant au siècle antérieur à celui d’Ortega, ou de l’européisme de celui-ci qui présente —dans une séquelle continuée par Maravall—369 une Espagne ufssb!ovmmjvt, annulant un Moyen Âge qui se produisit— paraît-il — par accident et que nous devions oublier. José Antonio Maravall se dédia profusément à ce que l’on a appelé mÖijtupjsf!tpdjbmf!eft!nfoubmjut, d’où l’on peut déduire que sa créativité interprétative est beaucoup plus nocive en tant que mythe constitutif. L’auteur, collaborateur précoce du journal Bssj. cb— organe de la Gbmbohf!Usbejdjpobm!fu!eft!KPOT —, comprit que la place de l’Espagne pouvait être dans l’Allemagne de 1940— presque rien— comme répercussion naturelle à un wisigothisme latent. Et ce sera celle-ci la caractéristique essentielle de l’universitaire espagnol moyen: une supercherie monumentale peut passer comme interprétation historique si elle est avalisée par une bibliographie profuse; si possible, triée parmi les profondes archives protocolaires. Proposer le concept de dpnnvobvu!qpmjujrvf ne sert à rien, il eut du succès et s’étendit dans Castille et Léon dans les années 1200, il fit beaucoup plus pour un modèle d’État que le sempiternel mythe constitutif de la gfsnfuvsf!dbuipmjrvf. § 4. C’est pour de telles raisons que l’œuvre de nivelage d’Américo Castro était nécessaire, nageant à contre-courant entre les dénégateurs du passé et les interprètes d’un futur européiste de salon et— à la fin— épidermique. Plus ou moins l’Eurovision. Nageant aussi à contre-courant des critiques du traditionalisme hispano; opportuns, mais pataugeant sur le terrain sans avancer. Des antipodes de l’essai littéraire et émotionnel, pas tout à fait documenté comme c’est le cas méritoire et vain de Ganivet, Unamuno, et un long et cetera de sfhfofsbdjpojtubt/ Il est évident que l’histoire des idées nous rappelle Castro enveloppé dans le débat intellectuel dans lequel Sánchez Albornoz 369 José Antonio Maravall, Fm!dpodfqup!ef!Ftqb—b!fo!mb!Febe!Nfejb. Madrid: Instituto de Estudios Políticos, 1954. Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 79: essaya de le réfuter; débat auquel nous avons fait allusion à un certain moment et sur lequel il n’y aurait aucun sens de revenir. En ce qui concerne l’historiographie, Sánchez Albornoz offre une contribution précieuse à l’histoire d’al-Andalus— toujours comme Espagne musulmane occasionnelle; sans droits portugais sur le fait andalusí, ni naturalité islamique. Mais, en ce qui concerne l’historiologie, nous souvenir de Castro à cause du débat serait injuste: lui-même ne serait pas arrivé à moins de tout cela, ni son opposant à plus. Malgré tout, nous affirmions que la stvssfdujpo des Espagnols de Castro ne se réalisa pas. La pensée de Castro est essentielle pour observer une ijtupjsf! qfsnbcmf! fu! fo! ptnptf! dpoujovfmmf! —dira Goytisolo—,370 mais qui doit être nuancée par la répartition des Espagnols— déjà, au moins, ainsi naturalisés— dans des compartiments étanches d’empreintes variées, dont l’une fut l’invétérée nbojf! kveb–rvf. Naissait la célèbre et falsifiée Ftqbhof! eft! uspjt! dvmuvsft, d’indubitable explosion islamique contemporaine, ainsi comme subvention idéologique sioniste du fait qu’elle servirait— comme la récupération patrimoniale de l’Inquisition, ou l’Holocauste— à une exceptionnalité culturelle juive qui n’eut pas lieu comme telle, mais en tant qu’andalusíe. Parce que, précisément, ce qui manque dans Castro et continue à manquer aujourd’hui c’est la continuité, quotidienneté et bsbcju!eÖbm.Boebmvt. Sans révolutions préalables ou ultérieures, sans invasions ni expulsions— admises, c’est évident, les arrivées séquentielles et les déportations finales—, sans tolérances anachroniques et rances, ni essence religieuse de plus que celle de l’idéologie malékite; d’autre part qspup. epnjojdbjof. § 5. Lorsque l’on admet la maîtrise d’Américo Castro, et l’on procède à la critique naturelle du maître, le point sur lequel nous nous arrêtions avant— trop d’identité religieuse différenciable— a besoin d’une dérivation naturelle. Les experts israélites en Séfarade —voir 370 Juan Goytisolo, “Américo Castro en la España actual”. Dans: Eduardo Subirats (Coord.), Bnsjdp!Dbtusp!z!mb!sfwjtj˜o!ef!mb!nfnpsjb/!Fm!Jtmbn!fo! Ftqb—b. Madrid: Libertarias/Prodhufi, 2003, pages 23-37. 7:1! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou spécialement, Netanyahu père—371 étaient gênés par l’insinuation de Castro dans le sens que les manières inquisitoriales et dogmatiques en général étaient une influence judaïque dans le catholicisme socialisé. En réalité, le cas concret n’est pas aussi intéressant que l’idée générale— bien que l’affirmation de Castro ne nous paraisse pas trop admissible. Et cette idée générale est celle que nous avions signalée au sujet de brûler des livres de tout signe et alphabet, ainsi que l’anathémisation de celui qui peut contre celui qui ne compte déjà plus. C’est-à-dire: l’Inquisition, comme équivalant à la Mihna islamique de Bagdad— dont nous avons déjà fait allusion— ou certaines attitudes sionistes actuelles, ne nous parlent pas de religion; elles nous parlent du genre humain. En avançant par cette obuvsbmju!wtbojrvf nous pouvons déduire que l’attitude contraire devra être naturelle et générale— illustrations, floraisons culturelles, bonté essentielle, libre-pensée, et cetera. Malgré ce que nous a pu évoquer la lecture d’Unamuno— par exemple—, sa recherche d’un dbsbdusf! ftqbhopm est compliquée. Il prétendit edpvwsjs! mft! egbvut! dbsbdusjtujrvft! eft! Ftqbhopmt-!fu!tÖjmt!tpou!dbsbdusjtujrvft-!jmt!tpou!qfsnbofout.372 Dans ce sens, les recherches historiques sont toujours induites, car nous flairons dans le passé apparent les traits visibles du présent: comme lorsque nous regardons des photographies anciennes pour chercher notre air dans un aïeul. Et le reste des photographies? Il n’est pas juste de provenir seulement d’un aïeul. Pour Unamuno, le problème de l’Espagne a été— précisément—, de l’avoir traitée comme un problème. Et en ce qui concerne bm.Boebmvt l’on peut et l’on doit dire la même chose: on le traite comme un qspcmnf!s. tpmv à partir d’un edbefoujtnf!ijtupsjrvf, d’une part— pour eux, depuis les Taifas tout est déjà fo!edmjo— et à partir de la sociologie de la obuvsbmju!bmjobouf, d’autre part— personne ne parle déjà plus arabe, fshp!opvt!mft!n•nft!efipst/ § 6. Dans un al-Andalus comme problème, la dbtujmmbojtbujpo!fut la solution que tous cherchent et expliquent. Traité comme exception, nvfsup!fm!qfssp-!tf!bdbc˜!mb!sbcjb!)npsu!mb!c‘uf-!npsu!mf!wfojo*. 371 Benzión Netanyahu, Mpt! ps“hfoft! ef! mb! Jorvjtjdj˜o! Ftqb—pmb fo! fm! tjhmp!YW. Barcelona: Crítica, 1994. 372 Miguel de Unamuno, Fo!upsop!bm!dbtujdjtnp. Madrid: Alcalá, 1971, page 7. Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 7:2 Sánchez Albornoz dira à peu près: l’Islãm, lorsque mourut al-Andalus, avait fini d’empoisonner— sic— l’Espagne.373 Et bien non, monsieur; l’islãm continua à empoisonner l’Europe, mais pas comme une religion constituée, mais comme une ambiance culturelle distribuée par des mozarabes— chrétiens—, mudéjares— musulmans—, juifs, et après par des morisques convertis. La dissection permanente de territoires religieux— même chez Castro— n’est pas si intéressante; l’être humain ne prie pas tant; et si nous ne faisions pas allusion aux prières, ne parlons plus de religion. C’est pour cela que notre vision de filtration andalusíe est l’unique dégustation préalable au prétendu mystère de la disparition d’al-Andalus. Le reste est du pur théâtre; dans le sens le plus stricte: si Unamuno nous remuait entre les coulisses où causaient des Don Quichotte et Sigismond masqués, d’autres nous emmèneront voir l’œuvre d’Abenámar et Al-Mansûr. Jusqu’à ce que nous nous rendions compte que les masques ne sont pas le sujet de l’histoire. Mais plutôt— nous le voyions— les idées. En Espagne, nous avons appris que mÖpo! qfvu! ‘usf! gsbodjt! eÖbmmfs!fu!sfupvs-!nbjt!rvf!mÖpo!of!qŸu!‘usf! bsbcjt!‰!npjot! rvf! mÖpo! fo! gŸu! dpousbjou! par un cimeterre.! Et de là, retournons— maintenant, avec les bras ouverts— à Unamuno: mÖpo!qfvu! dsfs avec des éléments étranges, nbjt! mÖpo! of! qfvu! qbt! dsfs! m֏usbohf. Donc, bienvenus à l’étrange péninsule Ibérique qui fut arabe pendant un temps supérieur à celui de sa latinisation— non moins étrange. Étrange oui; un changement qualitatif par l’effet de l’addition de changements quantitatifs. Enfin, qu’est-ce apprendre, sinon assumer des étrangetés comme propres? Qu’est-ce croître, sinon assimiler des étrangetés protéiniques? L’hispanisation dut être également étrange, sans doute, aussi naturelle que ce qui s’était passé avant. § 7. Cette philosophie averroïste de libres-penseurs et rationalistes en Europe, ce mode littéraire en italique, cet érasmisme hispano qui surprit le propre Érasme, cette façon de se franciser ultérieurement, ce— plus près de nous— lsbvtjtnp (de Krause) et cetera: l’effet placébo de la greffe sfhfofsbdjpojtub cache— en réalité— un désir, le besoin et la possibilité d’un changement intérieur. Cette 373 Claudio Sánchez Albornoz, Ftqb—b! z! fm! jtmbn. Buenos Aires: Editorial Sudamericana, 1943, page 46. 7:3! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou définition de l’expert comme un étranger qui vient nous parler de n’importe quoi peut être également interprétée et appliquée à la lecture historiologique des contagions dans les états d’opinion. Dans toute cette importation sfhfofsbdjpojtub, le célèbre— et déjà cité— réisme permanent, cache un tellurique rétablissement de la continuité historique d’Espagne. C’est pourquoi, tout réisme est historiciste dans le sens négatif du devenir temporel; car l’on regarde l’histoire comme argument de narration, non comme elle est vraiment: un panorama à déchiffrer. Tous les sfwfojs!‰!‘usf, avec les dpoujovfs!‰!‘usf sont une atteinte portée à la marche naturelle de l’histoire. Et voici un apport intéressant de Fernández Turienzo: il n’est pas possible d’éviter les inquisitions. Ni les anciennes, ni les modernes, ni les contemporaines.374 Ni les futures— pourrions-nous dire-; car elles surprennent toujours en tant que wjop!wjfkp!fo!pesft!ovf. wpt! (les choses ne changent jamais). Et l’historiographe continue à recompter des outres maudites, au lieu de parler de vin. Les étiquetés exclusivistes, même les génériques de bons ou mauvais sont toujours inutiles car ils sont inépuisables, vu que l’on sait que— ebot!bvdvo!gbju!mÖfttfodf!eÖvo!‘usf!qfvu!‘usf!qvjtf. Et nous en arrivons là: lorsqu’il s’agit de parler des êtres, des idées, pour voir si ainsi nous pouvons contrecarrer mÖijtupjsf!vojwfstfmmf!ef! mÖbofdepuf et commencer à parler de l’ijtupjsf!vojwfstfmmf. § 8. Notre qbusjb!ef!dbnqbobsjp (esprit de clocher)— Unamuno— asphyxiait mb!uspjtjnf!Ftqbhof où vint échouer un monde culturel préalable avec une profonde orientalisation à cause d’un composant naturel majoritaire; l’ennemi, c’est l’antérieur. C’est un fait: Unamuno était un érasmiste: nj!gf!fo!fm!dbupmjdjtnp!“oujnp-!ps. hˆojdp-!ft!mp!rvf!nˆt!nf!ibdf!wpmwfsnf!dpousb!m-!dvboep!tf! dpodsfub! fo! g˜snvmbt! z! dpodfqupt.375 Cette troisième Espagne, cendre chaude andalusíe et patrie des déshérités, se fit érasmiste dû à la recherche de greffes— effet placébo— pour pouvoir nom374 Dans son prologue— il ne faut pas se le perdre— à l’œuvre déjà citée d’Unamuno, Fo!upsop!bm!dbtujdjtnp…, page 21. 375 Idem, page 26. Nb!gpj!fo!mf!dbuipmjdjtnf!joujnf-!pshbojrvf-!ftu!df!rvj! nf!gbju!mf!qmvt!nf!sfupvsofs!dpousf!mvj-!mpstrvÖjm!tf!dpodsuf!fo!gpsnvmft!fu! dpodfqut. (N. T.). Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 7:4 mer les asphyxies internes. Ce ne fut pas pour monter au premier coche qui passait, mais parce que ce que l’on a appelé l’éthique de l’érasmisme put écouter le converti— la troisième Espagne était la convertie— la voix qui parle à n’importe quel cœur, non pas celle qui crie sur les coreligionnaires. C’est pour cette raison que la sorcière de Cervantes dira dans le Dpmmprvjp!ef!mpt!qfsspt que sf{p! qpdp!z!fo!qcmjdp-!nvsnvsp!nvdip-!z!fo!qsjwbep (je prie peu et en public, je murmure beaucoup, et en privé). Parce que les murs peuvent entendre dans une Espagne idéologisée par des dogmes et des «je suis le plus fort». C’est pour cette raison que Castro dira de Cervantes que son christianisme rappelle plus à Érasme qu’à Trento.376 Dans ces coordonnées la vision d’ensemble de ce qu’impliquèrent les années 1500 en Espagne cadre parfaitement, avec des jeux de mots préalables: l’islãm arabe est oriental, mais al-Andalus est occidental; Averroès était arabe, mais l’averroïsme fut européen…, et Marcel Bataillon apostille: Érasme était hollandais; mais l’érasmisme fut espagnol. Et dfmvj!rvj!m֏uvejb-!GsboŽbjt!disait-on; jusqu’à ce que le livre de Kpt!Mvjt!Bcfmmˆo apparut.377 Cet érasmisme comme ubu! eÖpqjojpo espagnol des années 1500 reçut un tjhobm! eÖbmbs. nf — effet placébo, disions-nous —: la traduction espagnole (1526) du livre Fodijsjejpo, né de la plume-nous vîmes— hollandaise de Etjs!„sbtnf!ef!Spuufsebn (1467-1536). L’impact social fut tel, que l’œuvre se lisait dans les tavernes; et selon notre point de vue, c’est là que réside la transcendance du fait: ce qui est remarquable ce n’est pas le succès d’Érasme, mais que toute l’Espagne le lût. Celle-ci est l’Espagne impériale, et pas seulement celle des bateaux. § 9. Dans l’histoire transcendantale des idées, l’érasmisme signifie un appel éthique qui indique de lui-même le succès cohérent en Espagne: exigence d’intériorisation— dans le nord de l’Europe—, et possibilité d’intériorisation en Espagne; l’Espagne qui extériorise à travers des coups de croix sur la table et l’esprit de clocher, le bûcher et l’expulsion. La simonie ecclésiastique, le privilège des vieux chrétiens, et la peur de ne pas pouvoir démontrer la pureté 376 Américo Castro, Fm!qfotbnjfoup!ef!Dfswbouft…, page 256. 377 José Luis Abellán, Fm!fsbtnjtnp!ftqbhopm. Madrid: Austral, 2005 (19761). Marcel Bataillon, Fsbtnp!z!fm!fsbtnjtnp. Barcelona: Crítica, 2000. 7:5! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou du sang amènerait cette troisième Espagne, convertie, déplacée et lobotomisée, à s’adhérer à cet état d’opinion éthique: l’érasmisme, comme utopie de salvation d’une Espagne qui se perdait en joforismes, dissimulation, ou jugements. Autour du concept stellaire de l’érasmisme— le corps mythique du Christ—, la troisième Espagne sentira qu’elle a sa place. Ne nous perdons pas dans l’encens terminologique: dans les années 1500, la cause du corps mystique signifiait, précisément, que nous appartenons tous à un seul corps; le mystique du Christ. C’est-à-dire: tout le monde a sa place dans l’Espagne chrétienne murmurante; y incluant les déshérités dans l’autre Espagne dogmatique, socialement nationale-catholiciste. José Luis Gómez-Martínez établit un parallélisme intéressant et illustratif de l’évolution vers une Espagne qui avait besoin de l’érasmisme. Il s’agit de la comparaison entre l’épitaphe de Ferdinand III le Saint et celui des Rois Catholiques. Le premier écrit en latin, en langue castillane, arabe et hébreu, est celui du roi qui écrivit l’une de ses Cantigas: Ejfv!ftu!dfmvj!rvj!qfvu!qbsepoofs!bvy!dis. ujfot-!kvjgt!fu!Nbvsft-!tÖjmt!pou!fowfst!Mvj!mfvst!dpowjdujpot!cjfo! gfsnft.378 D’autre part l’épitaphe des Rois Catholiques dit que— Df! npovnfou! gvu! sjh! ‰! mb! nnpjsf! ef! Gfsejoboe! eÖBsbhpo! fu! Jtbcfmmf! ef! Dbtujmmf-! ipnnf! fu! gfnnf! hbvy-! efwbou! mftrvfmt! tÖbhfopvjmmb! mb! tfduf! eft! nbipnubot! fu! rvj! sbejrvsfou! mft! isujrvft!kvjgt. § 10. Le changement qualitatif entre les deux couronnes est bien évident, il est également explicable que l’intimiste érasmisme de salvation pût prospérer dans une Espagne que léguèrent les seconds. Dans cette métaphore du Corps Mythique il y avait une possibilité d’une Espagne ouverte que le propre Maravall— absolument pas suspect de velléités de conversion— reconnaît comme une conception authentique organiciste de la république séculaire (379). C’est-à-dire: l’érasmisme put avoir été adopté comme possibilité de sécularisation et d’ouverture d’une Espagne dans laquelle avait sa 378 Dans notre rapprochement, sont essentielles non seulement les œuvres de Bataillon et d’Abellán, mais le prologue de cette dernière, œuvre de José Luis Gómez-Martínez; gbdupuvn du projet Fotbzp! Ijtqˆojdp. Voir, ici, page 35 de l’introduction à Abellán, Fm!fsbtnjtnp…. 379 José Antonio Maravall, Ftuvejpt!ef!ijtupsjb!efm!qfotbnjfoup!ftqb—pm. Madrid: Ediciones de Cultura Hispánica, 1973, page 200. Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 7:6 place le limon d’al-Andalus; d’une époque aliénée et des sociétés déplacées. L’Espagne de la Contreréforme n’allait pas retenir à tant de conversion. Il est évident que nous rvjuupot!ef!mÖjnqpsubodf, car elle est absurde, à l’interprétation rachitique d’une sbejdbujpo! eÖbm.Boebmvt!qbs!mÖfyqvmtjpo des derniers et malheureux juifs et morisques qui reprochaient encore à leur roi— nous le voyions— la trop grande ftqbhopmju de ceux-là, face au sang allemand de celui-ci. Le composant andalusí, converti, troisième dans une Espagne dure, se trouvait dans l’enthousiasme de la Renaissance des écrivains érasmistes, pur dpsqt! nztujrvf qui dota d’un contenu l’Espagne que d’autres admirent seulement pour sa carcasse. Juifs, judéo-convertis, post-mudéjares, crypto-morisques, auxquels l’on peut ajouter une infinité de mitoyens hérétiques, éclairés, et même des luthériens récents ou réformistes de tout genre; c’est-à-dire, mf!dpnqptbou!boebmvt“!fousb•o!qbs!mft!qjfssft!ef!upvt!dft! difnjot!rvj!bqqbsbjttfou!ebot!mft!spvuft!eÖBmgpotp!Rvjkbop, de plus les nouveaux airs d’Europe— d’autre part, préalablement aérée à partir d’al-Andalus—, généra une sérieuse critique à la uz. sboojf!ef!mb!dpvuvnf, nommée ainsi par Érasme. § 11. Depuis Alcalá et Séville, pénétrant à travers la voie qui fit décoller l’Europe en l’élevant au-dessus de ses sources culturelles— l’imprimerie—, se produisit l’invasion érasmiste— Marcel Bataillon— de 1527 à 1532 après une Assemblée de Valladolid (1527) dans laquelle les proto-contreréformistes prétendirent freiner le nouvel état d’opinion vers l’ouverture qui— paradoxalement— ne fit autre chose que se renforcer et se consolider. À partir de là, ferait éclosion l’œuvre essentielle de tant d’érasmistes— de pureté de sang douteuse, inutile de le dire— comme les frères Valdés; spécialement Alfonso de Valdés (1490-1532) déjà cité, secrétaire des lettres en latin de l’Empereur Charles Quint, et auteur de deux œuvres érasmistes essentielles: le récit des Diptft!rvj!tf!tpou!qbttft!‰! Spnf — explication courtisane dans le style le plus pur de justification taifa sur le Saco de Roma (pillage de Rome)—, et le célèbre Mb{bsjmmp!ef!Upsnft. Il s’ensuivit, une liste innombrable des premières plumes du Siglo de Oro, qui verserait son enthousiasme érasmiste dans des œuvres qui ne disent rien de leur lointain composant -passé andalusí-; à 7:7! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou moins que nous sachions lire l’histoire des idées et la façon imperceptible par laquelle mÖbeejujpo!eft!dibohfnfout!rvboujubujgt!qsp. evju!ef!hsbwft!dibohfnfout!rvbmjubujgt/ Le cas de l’érasmisme par excellence, Alfonso de Valdés, ainsi que l’influence de l’érasmisme chez Cervantes sont essentiels pour comprendre, précisément, tout ce que nous sommes en train d’exposer sur la uspjtjnf! Ftqb. hof!eqmbdf!‰!dbvtf!eÖvof!joejhftujpo!eÖbm.Boebmvt. Dans ce sens, le Lazarillo —tel que nous le montre Rosa Navarro—,380 (publié —il faut bien le dire, en 1554—, se présente ouvertement comme une tbujsf! sbtnjfoof conforme à la grande connaissance que son auteur eût de l’œuvre et circonstances d’Érasme, ainsi qu’adéquate à un moment et situation d’importance cruciale dans le règne de Charles Quint. § 12. L’on aurait dit que le secrétaire de l’Empereur, courtisan fidèle et participant dans la politique de son souverain, essayait de promouvoir une certaine ambiance propice pour cette troisième Espagne majoritaire: de cette manière, non seulement se cicatrisait une société mais qu’elle servait de parapet incomparable— vaccin, pourrions-nous dire— face à la croissante Réforme contre laquelle toute l’Europe luttait. En un mot: l’érasmisme de Valdés se montrait comme l’option réaliste et adaptable face à celle qui sera ultérieure et triomphante: la Contreréforme. Et le fait de que le Mb{bsjmmp soit resté tant de temps dans l’anonymat serait, précisément, une preuve de plus de la persécution que pût souffrir un érasmien illustre dans une époque contreréformiste. En tant que satire, le Mb{bsjmmp s’enveloppe dans le genre qui pouvait arriver jusqu’à la dernière taverne d’Espagne sans en diminuer la profondeur intellectuelle. Rosa Navarro pénètre dans la capitulation du Mb{bsjmmp — avec comme circonstance son édition qptu.npsufn—, et arrive à la conclusion de que dans l’œuvre que nous connaissons il manque un feuillet, et que comme tel il s’imprima après. De cette manière bggbjcmjf et anonyme, l’œuvre se présente à nous déchargée d’une raison motrice. Le feuillet bssbdi corres380 Nous citions avant l’œuvre dans laquelle Rosa Navarro montre avec clarté la main d’Alfonso de Valdés comme étant l’auteur du Lazarillo. Voir, aussi, son introduction dans l’édition de ce livre: Alfonso de Valdés Mb!wjeb!ef!Mb{b. sjmmp! ef! Upsnft-! z! tvt! gpsuvobt! z! bewfstjebeft. (Intr. Rosa Navarro Durán. Édition et notes, Milagro Rodríguez Cáceres). Barcelona: Octaedro, 2003. Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 7:8 pondrait à l’entête de cette longue lettre qu’est le texte de l’œuvre: une missive de justification ou de disculpation à une ebnf — de cette façon, cachée à jamais— raison de plus pour forcer l’anonymat d’une œuvre qui a de grands parallélismes avec d’autres de ce même Alfonso de Valdés. Notre livre n’est pas— de toute façon— celui qui doit contenir une plus grande description détaillée de telles considérations. Pour le moment, il nous suffit d’en signaler l’existence, pendant que nous continuons à évaluer mf!ecbsrvfnfou! eÖvo! ubu! eÖpqjojpo! qptu.boebmvt“! ebot! mÖFvspqf! dpisfouf! ef!mb! Sfobjttbodf<! ebot!mÖFtqbhof!uspq! gfsnf! qbs!mft!fy. qvmtjpot!fu!mft!sfdibshft!joufsqsubujwft. Dans l’esprit des épitomés de cette troisième Espagne fertile qui embrassa l’érasmisme comme nbsf!fo!dbs‘nf; épitomés comme l’honorable courtisan Alfonso de Valdés, auteur du Mb{bsjmmp! ef! Upsnft- ou le déplacé par excellence Miguel de Cervantes, forgeur de cette arme contre l’oubli qu’est le Quichotte. Sans l’érasmisme— dira Bataillon— nous ne compterions pas avec de telles œuvres. :/6/2/!Hbmsjfot!eÖbmmfs!fu!sfupvs § 1. Dans la même ligne que celle dont nous faisions allusion pour la troisième Espagne, le relativisme invétéré de Cervantes arriverait à être le fruit de la fatigue du perdant historique. À nouveau: la fatigue de l’Espagne occulte: l’ombre allongée post-andalusíe; la convertie, la judaïque et la morisque; hérétique, ou bien érasmiste comme solution géniale et religieuse conciliatrice. D’autre part, l’Espagne du Quichotte c’est le territoire parcouru par les chemins;381 une Espagne qui se promène, beaucoup moins définie que décrite. Entre les deux coordonnées— relativisme de la troisième Espagne, et l’Espagne des chemins et des gens, non pas celle de la raison d’État— l’érasmisme s’écoula comme une qmbodif! ef! tbmvu pour une intellectualité située entre la jachère d’une culture établie mais enfouie, et l’oubli de ne pas pouvoir la retrouver. Il ne s’agissait pas des prédictions de la récupération d’al-Andalus; la troisième Espagne ne garde pas de manuscrits derrière une cloison— même si elle le fait parfois, dans certains cas— mais qu’elle sait qu’elle sût, et qu’elle l’a oublié. 381 García Cárcel, “La tercera España”…, page 3. 7:9! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Entre la réalité et la fiction, le monde eft! sfohbutÒ! mft! fm. dift!pv!vmvdi— colorent une époque et non seulement espagnole. N’oublions pas que, pendant que l’Europe avançait vers Mfqboup (1571), le Turc est l’ennemi; le Turc est musulman, et que le passé de l’Espagne était islamique. La confusion régnante, le mélange entre apostasie et trahison envers l’État, était à fleur de peau dans une Espagne difficile à définir. Nous voyions comment mÖFtqbhof!tfsb! njfvy!edsjuf!rvf!eßojf!ebot!mf!Rvjdipuuf. Les renégats, les convertis, les métis…: cet Othello, Nbvsf!ef!Wfojtf dans le drame de Shakespeare, défenseur prospère de la ville avec des troupes à sa charge que nous assumons comme chrétiennes, nous rappelle le personnage réel Vmvdi!Bmj— littéralement, Bmj!mf!sfohbu—, pour une seconde fois façonné— de cette manière— dans la lettre imprimée de même que le— indéfectiblement— sfohbu!dbqujg!Vdibmj! ev!Rvjdipuuf. Celui en chair et en os— car il exista réellement—, arriverait à contremaître de galère et même vice-roi d’Alger après la prise de Charles Quint.382 Une époque d’aller et retour commençait— ou de retour et aller, comme dans ce cas—, similaire à celle que put vivre le propre auteur du Quichotte. § 2. Le trafic de captifs était, d’une certaine manière, une voie d’échange en rien dédaignable dans une époque où ce qui était considéré courtois et conforme aux usages était de léguer dans les testaments quelque chose pour les captifs. Qbsdf!rvÖjmt!gvsfou! rvjo{f!njmmf!disujfot!df!kpvs.m‰!‰!pcufojs!mb!mjcfsu!ubou!etj. sf-!upvt!wfobjfou!ef!sbnfs!ebot!mÖbsnf!uvsrvf, nous raconte le chapitre 39 du Rvjdipuuf. Autre nuance intéressante dans la description de cette troisième Espagne intermédiaire: les quinze mille chrétiens qui ramaient dans les galères turques confisquées. C’està-dire: l’on atteignait la victoire sur la flotte turque, les galériens espagnoles exilés étaient libérés, mais comme il fallait ramener les bateaux de l’ennemi, le libéré retournait s’assoir dans les rangs des rames. Dfu!fyjm!eÖbmmfs!fu!sfupvs!ftu!mb!uspjtjnf!Ftqbhof. Et une autre nuance: le terme du Quichotte uvsrvftdb!bsnbeb— nous le voyons— se prend ici comme adjectif, suivant le schéma similaire 382 Núñez Iglesias, “Una realidad entre dos fantasías: Otelo-Luchalí-El Cautivo”. Sfwjtub!Hfofsbm!ef!mb!Nbsjob 181 (1971), 327. Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 7:: au mot npsjtrvf. Et nous y faisions allusion il y a peu: mÖpo!o֏ubju! qbt!npsjtrvf; mais l’on paraissait l’être. L’on ne pouvait déjà plus se présenter comme morisque, mais l’on pouvait feindre de l’être, et dans une telle attitude attirer l’ire rédemptrice de l’État. Donc, il est évident que l’on pouvait feindre de ne pas l’être; de même que l’on pouvait feindre de ne pas provenir d’une famille morisque ou à tendance judaïque— enfin, andalusíe. Par exemple— et vers là nous avançons— un homme— ou une femme, car tel est le cas— pouvait se mettre à saler des cochons devant la porte de sa maison, pour que personne ne puisse suspecter une qipcjf!qpsdjof!embusjdf. Et dans le Quichotte il y a quelqu’un rvj!tbmbju!mft!dpdipot!bwfd! hsboef!ibcjmju: Evmdjof!ev!Upcptp, ce qui fait rire le traducteur Maure qui apparait dans l’œuvre ayant découvert qu’il s’agit d’une famille convertie. § 3. Dans l’œuvre essentielle de la littérature espagnole, Cervantes se présente comme un beau-père du livre, à cause du prétendu auteur— un recours évident— d’un certain Cide Hamete Benengeli. Hamete est notre pseudo Turpin, l’historien supposé de Charlemagne et ses chevaliers Pairs dans une histoire— qui à la fin— est très proche de celle des chevaliers de Camelot et sa table ronde. Ceci dit, dans notre cas et grâce aux traductions ultérieures en arabe du Quichotte— dans un recueil significatif et patient—, nous pûmes contempler la façon avec laquelle un arabe lit et écoute le nom de l’auteur supposé. Ainsi, dans les versions en arabe du livre, d’après ce qui a été recueilli tout au long du texte connu, l’on note trois noms différents pour cet auteur interposé, prétendument morisque: Hámid— d’où Hamete— ben Najla; ou bien Hámid Ibn a-Yili, et aussi Ibn Inyili. L’on distingue celui de Sidi Hámid ben al-Inyíli, comme la forme la plus en accord afin de restituer à l’arabe le nom que Cervantes voulu qu’il se prononça: Cide Hamete Benengeli. Effectivement, telle serait la version arabe la plus conforme avec le nom choisi par Cervantes: Tjej!Iˆnje!cfo!bm.Joz“mj. Mais n’importe quel arabiste a pu déjà vérifier la curiosité de ce fait: Cfofo. hfmj— c’est-à-dire, Cfo! bm.Joz“mj —, signifie en arabe, ni plus ni moins que ßmt!ef!m֏wbohmjtuf. Nous nous anticipons pour rejeter toute forme de tvqfsdifsjf! ev! nztusf/! Nous ne voyons pas ici des assignations ésotériques, mais plutôt un jeu conforme à l’intelligence satirique de l’auteur; qui serait la version de cette troisième 811! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Espagne que Cervantes avait pu sentir bien à fond. L’auteur interposé, a un!opn!bsbcf!disjtujbojt, dans une relation probable avec l’ambiance des mjwsft!ef!qmpnc, supercheries de toute pièce, et Ðdvnojtnf!sbtnjfo éthéré qui peut se savourer dans tout le Quichotte. Car, si dans un certain sens, l’on aperçoit les larmes de l’auteur c’est, précisément, à cause de la qfjof!qpvs!mf!npsjtrvf/ Pour mÖFtqbhof!fyqvmtf. Et nous nous devançons-à nouveau— sur le fait que tel sentiment est parfaitement compatible avec la reconnaissance du uvsd! dpnnf! foofnj: Cervantes savait distinguer entre le Turc et le passé culturel de sa patrie; et nous voudrions bien l’avoir parmi nous pour ces qprvft! hpuijrvft! eÖjefoujut! sfmjhjfvtft. § 4. Dans le Rvjdipuuf se dégage la connaissance que Cervantes a de tout ce qui est arabe et islamique; il dit connaître— sans pouvoir les lire— les lettres bmkbnjbebt— graphie arabe pour un texte espagnol, nous l’avons vu—, et sait distinguer— dans la narration du captif d’Alger— entre Maures, Turcs, al Arabes— comme musulmans africains— et elches— renégats. De la même manière, il démontre connaître l’histoire des guerres entre l’Espagne et le Turc, par une allusion faite à des personnages turcs pas très célèbres. Tout cela, participant à l’ambiance de chevalerie européenne des croisades: depuis le début, le sens de Don Quichotte s’annonce dans le sonnet que lui dédie Orlando: tfsˆt!dpnp!zp!tj!fm!tpcfscjp!npsp!epnbt (tu seras comme moi si tu domptes le Maure hautain)— il le dit également au Scythe. Et à partir des œufs avec du lard que mangeait Alonso Quijano l’on nous suggère une Espagne riche en confusion: l’abstinence de la viande s’observerait en Castille— de cette manière— les samedis; dans une intéressante dissimulation du jour de fête du sabbat juif. À partir de là, l’on peut rattacher des allusions permanentes hors de contexte ou traduites comme wpmfs! mÖjepmf! ef! Nbipnfu— en réalité, méconnaissant ou montrant ne pas connaître l’iconoclasme islamique, pour, de cette manière, se démarquer comme étranger—, ainsi que d’autres allusions à des mensonges cités comme: df!oÖftu!qbt!qmvt!wsbj!rvf!mft!njsbdmft!ef!Nbipnfu; ou bien ce Pérez de Vargas appelé Nbdivda parce qu’il nbdibd˜ (écrasa) ubou! ef!Nbvsft. Il fait allusion aux soies de Murcie— conséquence de la prospérité du Ujsb{ andalusí— et il utilise de nombreuses tournures sémitiques comme bv!efttvt!eft!cfmmft!mb!cfmmf — Dulcinée— ou Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 812 l’imitation de Silva dans les galanteries de mb!sbjtpo!ev!opo.tfot! rvj!tÖfyqptf!‰!nb!sbjtpo…; qui est à la fin un recours arabe bien connu. § 5. Mais l’allusion à la troisième Espagne qu’il ressent le plus provient de la coupure cinématographique du chapitre 9— encore dans la première partie—: Don Quichotte et el Vizcaíno restent congelés, l’épée en l’air; comme la fin d’un comics préalable au: à suivre…. Le recours littéraire s’enrichit lorsque Cervantes feint d’être arrivé à la fin du manuscrit, et il résout la suite: le narrateur trouve à Alcalá de Tolède des chemises de notes et manuscrits fo!dbsbdusft!bsb. cjrvft!fu-!wv!rvf!cjfo!rvÖjm!mft!dpooŸu!jm!of!tbwbju!qbt!mft!mjsf-!jm! difsdib!tj!bqqbsbjttbju!qbs!m‰!rvfmrvf!npsjtrvf!dpoobjttfvs!ef! mb!mbohvf!bmkbnjbeb!rvj!qŸu!mft!mjsf. Et c’est ici qu’apparait la Ijt. upsjb!ef!Epo!Rvjkpuf!ef!mb!Nbodib, écrite par Cide Hamete Benengeli, historien arabique. Intéressé par le texte trouvé le prétendu et simple copiste le fait traduire, pour pouvoir ainsi continuer le récit avec l’illustration— maintenant décongelée— des deux chevaliers en lice. La scène n’est pas si simple à l’heure de tâter le pouls à cette Espagne réelle: dans les rues l’on vend des livres en arabe et— si l’on cherche un peu—, l’on trouve quelqu’un qui traduit. Continuant la lecture du texte sagace du Quichotte, dans le chapitre 37— 1ère partie—, celle que Cervantes appelle l’Jogbouf!Njdp. njdpob, apparaît dans une auberge vo! wpzbhfvs! […] rvj-! tfmpo! tpo!ibcju-!npousbju!‘usf!disujfo!bssjw!sdfnnfou!eft!ufssft! eft!Nbvsft/ Et là l’auteur décrit ses vêtements mauresques, y compris ce que l’on appelle une bmgbohf! nbvsftrvf et la femme qui l’accompagnait était vêtue d’une bmnbmbgb— espèce de djellãba. Arrivé d’Alger— car tel est le voyageur; captif échappé—, qui vient accompagné d’une Mauresque Mfmb Zoraida, qui insiste à être appelée Marie. En fait, lorsque quelqu’un l’appelle [psbjeb-! elle! refuse ce nom par un [psbjeb! nbdbohf, tournure dialectale de l’arabe nord-africain qui signifie Kf! of! tvjt! qmvt! [psbjeb— Zoraida nˆ. lfodi. Donc— comme le dit le captif—, celle qui l’accompagne ftu! Nbvsftrvf!ef!qbs!tpo!w‘ufnfou!fu!qbs!tpo!dpsqt-!nbjt! ebot! m֊nf!fmmf!ftu!vof!ust!hsboef!disujfoof-!dbs!fmmf!b!ef!ust! hsboet!etjst!ef!m֑usf. Vu que la pauvre Marie— ex Zoraida— of! qbsmf!qbt!disujfo- elle donne un sens au très riche passage qui explique son aventure. 813! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou § 6. Le captif de l’auberge, ayant capté l’attention du public— et encore plus celle du lecteur—, continue son histoire dans le chapitre 40: il parle de son maître, le Uchali Fartax— elche, renégat— et de la fille d’Agi Morato— en réalité, hach Murad, personnage historique que Cervantes reprendra dans Mpt!cb—pt!ef!Bmhfm/!Et il reproduit la lettre que lui envoya la telle Marie— nous insistons, la Mauresque qui ne veut plus être appelée Zoraida. Cette Lettre de Zoraida est, en toute règle une romance de frontière digne de Jarifas et Abencérages. Il s’agit de la fuite spectaculaire du captif avec la fille de celui qui l’avait capturé, mais avec d’intéressantes nuances religieuses: la Mauresque veut fuir avec le chrétien car— d’après la lettre que Cervantes nous fait connaître dans ce chapitre— la pauvre est, également, captive d’une foi qu’elle ne sent déjà plus. Zoraida veut être Marie, et la bonne Zoraida s’était convertie en crypto-chrétienne depuis son Alger natale. Embellissant l’histoire, s’entremêle un bagage lexique intéressant dans ces chapitres, pleins d’allusions à ce qui est arabe: «amexi, cristiano amexi»; disent les gens au captif— par l’impératif emchi: « vas-t-en». Apparaissent également des Nbvsft! cbhbsjopt— à cause de cbibsj, marin—, ou le mode local utilisé pour nommer le chrétien— ob{sboj; nazaréen. En définitive, dans ces chapitres, et autour de l’histoire de [psbjeb!dpowfsujf!fo!Nbsjf, Cervantes nous sert soigneusement toute une tbhb!npsjtrvf avec fuite d’Alger, y incluant des nouvelles véridiques sur la chute du port de La Goleta— Tunisie— ou le règne de Muley Hamet. Il introduit— nous l’avons vu— de nombreuses transcriptions de l’arabe— comme kv. nbˆ pour dire vendredi— et des nouvelles authentiques en détails sur les procédés de rachats, ainsi que le rôle des Maures ubhbsj. opt— d’Aragon. § 7. Mais, le point où nous voulons réellement arriver est celui de la troisième Espagne cachée dans la Mauresque convertie Zoraida; la jeune fille Mauresque qui voulait être chrétienne. L’Espagne de son époque lui permettrait-elle réellement de l’être? Non. Et cette possibilité d’être chrétien pour celui qui désirait réellement l’être est intéressante. La contreréforme qui expulse les deux autres— morisques et juifs—, n’allait pas permettre de respirer à la troisième, même dans le cas d’une conversion sincère. La précieuse romance de la Mauresque convertie et le silence sagace de ses interlocuteurs Mb!ßmusbujpo!eÖBm.Boebmvt 814 dans l’auberge du Quichotte, nous parle de l’Espagne immobile; et l’on peut sentir le frisson du public de l’auberge. Ils savent que la Mauresque sera toujours morisque. Ils savent que l’époque de pouvoir être était déjà passée, maintenant arrivait celle de paraître. Ils savent que l’on peut feindre d’être chrétien, mais l’on peut difficilement être chrétien feignant par ses vêtements être autre chose. Selon notre modeste opinion, la Lettre de Zoraida est un subtil catéchisme érasmien par lequel Cervantes ne laisse aucun doute sur ses inquiétudes et ses amertumes. Plus tard Sancho Panza s’affligera de l’expulsion de ses voisins morisques; viendront les histoires de l’honnête Npsjtdp! Sjdpuf, dont l’expulsion n’était comprise par personne, mais— évidemment — personne ne pouvait pas même bouger le petit doigt pour l’éviter. Viendront les ustpst métaphoriques cachés et gardés par un Maure-ou un lutin vêtu comme un Maure—: il s’agit du nbvsf!fodibou qui était en réalité valet d’écurie. Mais, revenant sur le même sujet— et sur la vision métaphorique déjà citée—, si l’on percevait populairement le kpgpsjtnf (enkystement social clandestin) morisque associé à une curiosité sur ce que laissaient, après l’expulsion, ceux qui s’en allaient, l’image de mfvs!gvjuf!mbjttbou!efssjsf!fvy!vo! ustps!dÖftu!mÖfosjdijttfnfou!pddvmuf!eÖvof!Ftqbhof!rvj!oÖb! ek‰! qmvt! qfstpoof! ‰! rvj! qpvwpjs! sfoesf! mft! ustpst! epou! fmmf!kpvju; ou qui ne sait même pas qu’ils sont enterrés. Les trésors filtrés d’une Espagne qui pût être beaucoup plus ouverte; beaucoup plus fyivnf. § 8. En fin de compte, Cervantes nous renvoie à un imaginaire kaléidoscopique entre des nostalgies éthiques et des illustrations orientalistes marquées, comme celles qu’inondent le livre depuis le chapitre 54— 2ème partie— avec ses allusions mythiques et prototypiques: le Maure enchanté et le baume, la fuite d’Alger citée, l’histoire de Ricote, le voyage à la chimérique Candaya avec Cavileño, et— supposément—, le règne oriental près de Taprobana— actuel Ceylan—, décorent le contenu dénonciateur du livre avec tout ce que l’on attend de telles romances de frontière suivies au-delà de la mer. À part cela, se distingue également l’emploi de la mjohvb!gsbo. db méditerranéenne— bien étudiée par Mikel de Epalza— préalable aux retrouvailles de Sancho avec Ricote, qui lui parlera du trésor déjà cité laissé après l’expulsion des morisques. 815! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Et c’est, en ce point, que se distingue le Quichotte comme rappel; comme frein au nnpsjdjef cité auparavant: autour de l’jmmvtusb. ujg!kf!tbjt!rvj!kf!tvjt du fou apparent— chapitre 5, 1ère partie. Dans un passage où il fait allusion à la romance du Maure Abencérage et la belle Jarifa— après une sévère raclée—, Don Quichotte débite sa particulière et orgueilleuse affirmation d’identité, comme un reproche à l’Espagne environnante. Marquant dans cet orgueilleux je sais qui je suis, un particulier et souligné npj-!pvj-!kf!tbjt!rvj! kf!tvjt. Don Quichotte était en train de se demander— à la fin—, si l’Espagne savait qui elle était. Avec le coffre trouvé et les manuscrits; les chemises de notes avec des textes en langue aljamiada et le reste, l’on distingue un kfv!qmncfp particulier dans la narration du Quichotte, qui nous renvoie à ce kpgpsjtnf converti, ainsi que la critique d’une Espagne officielle oublieuse de sa propre identité réelle. § 9. À ce particulier érasmisme de Cervantes, viennent s’ajouter— en plus— les allusions dans le prologue de npo! jotvgßtbodf! fu! qfv! ef! mfuusft, dans un moment où l’Espagne de ceux que l’on appelait les dmbjst faisait montre d’humilité intellectuelle. Une hétérodoxie renforcée non moindre est montrée— un peu plus loin— lorsqu’il parle de l’amitié et de l’amour que Dieu ordonne que l’on ait envers l’ennemi, dans cette particulière conscience éthique chrétienne, qui pour l’alimenter devra se rapprocher des Divines Écritures, chose que l’on peut faire— littéralement— bwfd!vo!qf. uju!qfv!ef!qsvefodf, faisant clairement allusion à un certain type de persécution, évidente pour n’importe qui ayant marché dans les rues du Siglo de Oro espagnol. L’érasmisme de Cervantes se renforce avec des allusions significatives au Usbubep!efm!bnps!ef!Ejpt de Fray Cristóbal de Fonseca, ses citations de León Hebreo, la coïncidence avec Juan de Valdés— en condamnant les livres de chevalerie avec certaines réserves—, et autres consignes érasmistes— hétérodoxes en général— d’une sfmjhjpo!disujfoof!ef!njojnft où cette troisième Espagne a sa place; celle qui emporte, cloués en elle, d’humbles bacheliers et curés qui ne savent pas comment affronter l’avenir dans brûler les livres du passé. L’Espagne qui— comme Don Quichotte: tbju!rvj!fmmf!ftu. Y/!„QJMPHVF § 1. Il y a un mudéjarisme espagnol, équidistant des africanismes impériaux et d’exhumations anachroniques. Dans l’année déjà lointaine de 1953, eut lieu la signature du nommé Nbojßftup!ef!mb! Bmibncsb, dans lequel Chueca Goitia et d’autres architectes réaffirmèrent leur pleine conviction de l’existence d’un authentique fractal architectonique dans notre territoire. Un fractal est un objet poreux et irrégulier, symbole— sans doute— de ce qu’offre la propre idiosyncrasie des peuples qui ont été essentiellement limitrophes; à cause de cela poreux et perméables. Un auteur toujours nécessaire González Alcantud décrivait le fractal mudéjar de Chueca Goitia et son Manifiesto comme quelque chose qui était composé de quatre carcasses esthétiques: les types de coutumes orientalistes, l’identité politique espagnole, les objets et mobilier coutumiers— dans le cas de l’Alhambra—, et les expressions théâtrales— comme les représentations appartenant à l’Alhambra: les saynètes et les chansons. En définitive, l’Alhambra réinterprétée, le mudéjar, représenterait la propre esthétique hispane et— sans doute— celle-ci serait le symbole de sa propre essence; entre vérité et carcasse de cliché. Pour cet investigateur —l’interprète le plus illustre en ce qui concerne la période post-andalusíe, José Antonio González Alcantud—,383 et se basant sur ce qui précède, il en ressort que l’islãm et l’Europe ne sont pas des éléments en discorde hégélienne, mais constitutives toutes deux d’un gsbdubm! djwjmjtbufvs. Une frontière. Reprenant ici cette idée du gsbdubm!qptu.boebmvt“, ce nvekbsjtnf! ijtqboo se fixerait aussi— intellectuellement— en un certain afri383 Voir ici, spécialement, José Antonio González Alcantud, Mp!npsp/!Mbt! m˜hjdbt! ef! mb! efsspub! z! mb! gpsnbdj˜o! efm! ftufsfpujqp! jtmˆnjdp. Barcelona: Anthropos, 2002. 817! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou canisme qsp! cpop, similaire à celui des pages de Gil Benumeya, défenseur de ce qu’il nomma wfsuv!dpotpmbusjdf!fu!dvsbujwf!ef!mb! nubqipsf au début du XXème siècle. Cette nubqipsf!rvj!wjubmjtf serait la spécificité hispane, basée sur l’incorporation d’un— pour nous— mnfou!tpmvcmf!boebmvt“. L’auteur effectue une— typique et banale— lecture poétique des villes andalouses à travers une clé andalusíe et méridionale, jusqu’au point d’appeler Grenade le midi, par contraste avec les villes du nord de l’Europe. Ce midi dmjnbuj. rvf!fu!djwjmjtbufvs apporterait tout ce que Gil Benumeya nomme en certaines occasions bmibncsjtnf;384 probablement annonçant notre nvekbsjtnf!ftqbhopm comme clé identitaire. § 2. Ce cliché de zambra andalusíe, supporte— à son tour— un problème non moindre de la façon d’envisager les choses due aux anachronismes de l’invétérée manie identitaire religieuse. Si al-Andalus se dépoussière, seulement pour marquer la nécessaire coopération méditerranéenne future, nous voilà bien si la culture arabe termine par se réduire en coïncidences gastronomiques actuelles. Non; cet al— Andalus-là était la preuve de vie d’une époque marquée par le niveau civilisateur de l’arabe, et constitue une des sources culturelles européennes. Il est compliqué de marquer tels territoires religieux convertis aujourd’hui en folkloriques, survolant une époque poreuse que nous voyions s’estomper comme limitrophe: en plein 1500, une faction pro-turque de la curie romaine prétendit introniser Soliman le Magnifique comme héritier d’Alexandre le Grand. Un anonyme vénitien le représente avec une tiare papale dans une gravure de l’époque, et nous aurons l’occasion de souligner certaines orientalisations tardives en Europe comme— à nouveau— source culturelle de celle-ci. Donc, ufsnjopot! vof! gpjt! qpvs! upvuft! bwfd! dfu! bm.Boeb. mvt!dpnnf!cbtf!eÖvo!gpmlmpsf/!Mf!tsjfvy!ef!m֏qprvf!bsbcf! bjotj!mf!sdmbnf. Pour le moment, il suffit d’une sommaire récupération de ce que nous disions sur ce courtisan Ibn al-Jatib dans l’bwbou.efsojsf Grenade: qu’il n’y eut pas tfvmfnfou!vof Renaissance européenne; et que celle-ci — celles-ci, pour nous démentir— naquirent dans le Moyen Âge, et non pour remplir un prétendu 384 Rodolfo Gil Benumeya, Ftqb—b! efousp! ef! mp! ˆsbcf. Madrid: Editora Nacional, 1964. „qjmphvf 818 vide. Que ce Moyen Âge fût en grande mesure arabe, et d’une manière privilégiée arabo-européenne dans al-Andalus. Que le sfupvs! gfjou!bvy!dmbttjrvft pendant la Renaissance renfermait— dans la pratique— une indéniable orientalisation. Que telle orientalisation provînt du rôle oriental direct de Venise, la byzantinisation de l’Italie après la prise de Constantinople par les Turcs en 1453, ainsi que l’arabisation andalusíe complétée par la sicilienne. Que la filtration andalusíe se patenterait grâce à la transfusion mudéjare, ainsi que la diffusion des savoirs andalusís à travers la langue hébraïque en Europe, par l’action des juifs expulsés. § 3. Nous voyions également que, après la disparition territoriale d’al-Andalus, la langue arabe se mésestima comme langue culturelle européenne. Vu que la féconde production en arabe pouvait être consultée grâce aux traductions hébraïques et latines, l’on pouvait en faire abstraction. Après l’aliénation culturelle du patrimoine arabe d’al-Andalus — de la part de l’Espagne et l’Europe ultérieures à sa disparition territoriale—, l’on prétendit que celuici —al-Andalus — devenait rachitique dans les révoltes morisques compréhensibles. Enfin, nous voyions que, en dés-arabisant ce qui est andalusí pour le disséquer comme identité exogène, imposée et enfin éradiquée, l’on patentait une lobotomisation non seulement de l’Espagne mais de l’Europe. Nous proposions comme voies de la filtration andalusíe le travail des juifs fvspqjtt, ce que l’on a appelé l’averroïsme également européen, et le trépignement érasmien d’une troisième Espagne qui— comme Don Quichotte—, savait qui elle était. Mais, quelle fut la réaction de l’Europe face aux filtrations, transvasements, pré-renaissances? Avec la perception— narcissiste, cela ne fait aucun doute— de que les années 1500 n’étaient ni plus— ni moins— qu’un recommencement de l’Europe; une Renaissance spontanée qui d’une manière prétentieuse paraissait pouvoir se passer du fractal médiéval. Mais il n’y a pas de culpabilités telluriques, si l’on ne vit pas ce qui est andalusí comme européen c’est parce que, à un certain moment, se produisit la qboof!ef!dpvsbou!bsbcf. Lorsque nous montrions la façon avec laquelle Averroès qbttb à l’Europe, nous disions que n’importe quel studieux fondé le considérait un penseur occidental. Cependant, pourquoi par exemple, le Tunisien Jco!LibmeŸo ne passa-t-il pas jusqu’à il y a relativement peu de 819! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou temps? Pour deux raisons essentielles: l’accumulation andalusíe s’était freinée— un— et, ultérieurement— deux—, un énorme tort comparatif entre ce qui est européen et ce qui est arabe comme tel commencerait à se produire. Mais, un moment: Averroès circulait encore à travers une Espagne poreuse qui put le traduire, le verser à l’hébreu et le transférer. Il arrivait en Europe prêt pour l’accumulation ultérieure du savoir qui s’étendrait— le moment venu— avec l’imprimerie. Pendant ce temps, en ce qui concerne Ibn Khaldûn— nous le proposions comme exemple—, se produisit quelque chose d’intéressant: sa chronologie est celle d’une déconnexion patente. Dans le début des années 1400, Grenade est un al-Andalus réduit, moins connecté et entouré de murailles et qui— en tout cas— regarde déjà vers le Sud. Ce qui est arabe s’épuise dans une Espagne qui est déjà castillane; une Europe qui est déjà en train de recevoir la décharge andalusíe. C’est— comme tout— un problème de ufnqt! fu!ef!ejtusjcvujpo. § 4. Si nous suivons un point au-delà d’Ibn Khaldûn, en tant qu’un épitomé du savoir arabe de tout temps et lieu, il faut souligner quelque chose de plus en comparaison avec le sort que put avoir Averroès, étant celui-ci très antérieur. L’œuvre centrale d’Ibn Khaldûn, dans laquelle l’on inclut le très célèbre commentaire historiologique des Qspmhpnoft, put circuler dans tous les forums intellectuels arabes de son époque, sous une réserve: la diffusion réelle fut minimale. Les écrivains courtisans nécessiteux de la Renaissance européenne accueilleront chaleureusement— un siècle après— les différentes cours obtenant appui et subvention: Érasme, Machiavel, Thomas More— et un long et cetera—, y promèneront leurs œuvres. Même— dans certains cas, nous le verrons— sans faire de distinguo entre ce qui est oriental ou occidental. De la même manière Ibn Khaldûn avait agit longtemps avant avec des procédés similaires; dans une fameuse attitude courtisane de la Renaissance. Effectivement, aux alentours de 1382— date à laquelle l’auteur laissa Tunis vers son établissement au Caire—, Ibn Khaldûn avait envoyé un exemplaire manuscrit de son œuvre centrale au sultan hafside de Tunis, un autre au sultan mérinide de Fès, et un troisième au sultan mamelouk d’Egypte. Uspjt!dpqjft!ef!tpo!Ðvwsf!dfousbmf. L’on signale également différents permis— jzbtb— pour consulter un autre exemplaire que „qjmphvf 81: le propre auteur offrait à des disciples et habitués des réunions. Bien entendu, le niveau de distribution diffère quelque peu de celui que purent jouir ultérieurement mft! qbmbejot! ef! mb! qfotf! fvspqfoof! hsŠdf! bvy! mfuusft! npcjmft! ef! Hvufocfsh. Si le penseur anti-scolastique Martin Luther eût dépendu du public qui s’approcha à la porte de la cathédrale de Wittenberg pour lire ses propositions, cela aurait été une autre paire de manches pour la Réforme. Mais non: la production intellectuelle, les inquiétudes religieuses de ce moine augustin désenchanté par le tqvmdsf!spnbjo! cmbodij, pouvaient se lire dans toute l’Europe, maison par maison, une génération après l’autre, hsŠdf!‰!mÖjnqsjnfsjf. Ses idées pouvaient être débattues, être emportées dans l’intimité d’une étude personnelle pour mft!tpvmjhofs, pour le dire clairement. Par contre, nous avons l’impression qu’il est exaspérant que l’on puisse établir la sfmbujpo!dpnqmuf!eft!ejtdjqmft!eÖJco!LibmeŸo qui avait l’jzbtb— permis de lecture et d’étude. L’expert en la matière, Ahmed Abdesselem, en signale uspjt.385 § 5. Dans cet ordre de choses, celui qui a été considéré comme un démon Bassam Tibi386 suggère que l’averroïsme est l’opportunité perdue du rationalisme dans la pensée arabe. Sa récupération— presque vers les années 1900— prouverait que la pensée arabe était tombée dans un long assoupissement. Pourquoi y a-t-il eu un averroïsme en Europe et non en Orient? La digression initiale d’Henri Corbin sur l’avicennisme oriental reste valable, mais il y eut quelque chose de plus: le post-averroïsme européen aurait pu— bientôt— se distribuer grâce à l’imprimerie. À ce propos, Averroès avait en Orient un— di385 Ahmed Abdesselem, Jco!Libmevo!fu!tft!mfdufvst/ Paris: Puf, 1983, page 14 et ss. Nous aurions dû traduire le titre— ainsi, avec amertume—, comme Jco! LibmeŸo! fu! tft trois mfdufvst. Heureusement, Abdesselem signale beaucoup plus, mais— et c’est là le problème—, bien après. 386 Voir, Bassam Tibi, Mb!dpotqjsbdj˜o!Bm.nvÖbnbsb/!Fm!Usbvnb!ef!mb!qp. m“ujdb!ˆsbcf. Barcelona: Herder, 1996. Le fait qu’il soit considéré comme un démon provient du mode avec lequel il critique indéfectiblement les sociétés militaires arabes contemporaines. Selon l’auteur, c’est la dictature qui est la cause du retard des masses arabes, et non pas la prétendue conspiration anti-arabe qu’ont l’habitude de propager les propres régimes pour justifier leur étroitesse d’esprit, la qualifiant ainsi de défensive. L’auteur Syrien d’origine, vit et donne des classes en Allemagne. 821! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou sons— problème de continuité réduite. Quand Bassam Tibi parle d’opportunité perdue, il devrait l’envisager à partir d’un autre point de vue, non pas à partir d’incompatibilités de religion. La comparaison entre ces deux personnages indiscutables de la pensée arabe occidentale nous a toujours parue étrange: Averroès et Ibn Khaldûn; concrètement, la comparaison centrée sur les modes de connaissance de leur œuvre, Averroès passe pour être le commentateur par excellence d’Aristote— nous le voyions-; non seulement dans l’Islãm, mais en général— en Europe. Par contre, la découverte des thèses cycliques historiques— pratiquement hégéliennes— d’Ibn Khaldûn, est une surprise pour Ortega y Gasset qui écrivit Bcfokbmeo!opt!eftwfmb!fm!tfdsfup! (Abenjaldún nous dévoile le secret). Contrairement à Averroès il ne figurait pas comme tel dans le bagage culturel européen. Dans un autre ordre de choses, la raison du déphasage doit se chercher aussi dans ce que nous affirmions sur les procédés de distribution, aggravé par un détail très significatif: mb!ejtqbsjujpo!eÖbm.Boebmvt. Dans quel sens? § 6. Bien: lorsque le propre Abdesselem nous présente ceux qui purent avoir accès à l’œuvre du célèbre historiologue, cite un commentaire essentiel; une continuation naturelle d’Ibn Khaldûn suivant le vieux système de l’bvdupsjubt classique arabe— du maître au disciple, qui un jour sera maître. Le commentateur continuateur du Tunisien, avec une manière si précaire— nous le voyons— et comme copiste d’une transmission, serait précisément l’andalusí Ibn al-Azraq. C’est-à-dire que l’on commente le sage Tunisien dans al-Andalus. Dans cet al-Andalus qui respire encore: le royaume de Grenade. Cet originaire de Malaga, Ibn al-Azraq fut cadi dans la capitale nasride, et envoyé à Tunis et au Caire en mission diplomatique par Boabdil; concrètement, pour solliciter de l’aide contre les Castillans— nous sommes dans l’année prémonitoire de 1488. À cause de la durée des missions à cette époque, embellie par un pèlerinage à La Mecque, Ibn al-Azraq retournerait au Caire en 1491, et il n’était plus présentable de revenir alors à Grenade. Il mourrait comme juge à Jérusalem la même année. Son œuvre sur la vigueur et la continuité de l’analyse historiologique d’Ibn Khaldûn b!ek‰!sbu!mf!dpdif!eÖbm.Boebmvt. Son œuvre ne sera déjà plus traduite ni ßmusf!‰!mÖFvspqf. Sans ce dpdif, elle se retrouva sans imprimerie un siècle après. Sans un al-Andalus arabe en Eu- „qjmphvf 822 rope, la connexion arabe s’était désactivée. La qboof!ef!dpvsbou! bsbcf!fo!Pddjefou!sera patente. Et si nous effectuons un grand saut chronologique, nous considérons intéressante la façon avec laquelle— précisément—, l’on considère comme Sfobjttbodf!bsb. cf le processus de désenchantement après le csbomf.cbt!dvmuvsfm annoncé par l’établissement de l’imprimerie arabe de Bulaq, à côté du Caire, établie— précisément— par l’expédition napoléonienne: wfst!mf!mjuupsbm de l’an 1798. § 7. Non moins significatif est le fait que l’on associe la modernité arabe à ces réveil de l’imprimerie— dans les années 1800— avec l’édition systématique d’Ibn Khaldûn, ainsi que son inclusion dans les plans d’études. À propos, le commentaire d’Ibn al-Azraq déjà cité fut édité simultanément à Bagdad et Tunis, finalement, rien de moins qu’en 1977. La tradition du concept de nbieb arabe comme re-naissance est, bien entendu, bien fondée. Ce qui était arabe se réveillait. Un peu à contretemps, il est vrai; mais au moins il le fit. Le problème— invétéré— de percevoir les masses arabes dans lesquelles la modernité est le fait des autres, est autre chose; rvf! df!tpju!mft!bvusft!rvj!jowfoufou! Dans la pratique, quelque chose fit descendre l’Arabe ev! dpdif de la modernité, et beaucoup de contemporains ne se sentent pas dignes d’y monter maintenant. Parce qu’ils ne connaissent pas leurs bases culturelles, et se croient héritiers du désert, de la norme, du voile et autres balivernes. Avec mf!ufnqt!fvspqfo!fo!nbsdif-!mb!qboof!ef!dpvsbou!bsb. cf coïncidait avec, ce que d’une manière similaire, se produisait la perte d’intérêt pour certains thèmes. Quand Jiménez de la Espada éditait en 1874 les oubliées BoeboŽbt! f! wjbkft! ef! Qfsp! Ubgvs, il était en train de rendre justice à un voyageur précurseur d’Ali Bey— le tel Pero Tafur— qui visita la cour de Tamerlan, se fit passer pour musulman pour accéder à des coins réservés de l’Orient, et arriva à pouvoir contempler avec ses propres yeux la bibliothèque de Babylone. Ce qui se passe c’est que Pero Tafur avait voyagé en 1439; et son livre tarda tant à sortir que, vers la fin du siècle, l’Orient avait déjà perdu son intérêt. MÖFtqbhof! qbttb! e֑usf! cfsdf! qbs! mb! Nejufssbof-!‰!m֑usf!qbs!mÖBumboujrvf.387 L’Amérique était déjà l’aventure, la source littéraire des rêveries. 387 Emilio González Ferrín, Tbmwbdjpoft!Psjfoubmft…, page 178. 823! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou 21/2/!Obujwju Mb! Sfobjttbodf! bvsbju! wpvmv! gbjsf! vof! ejujpo! dsjujrvf! ef! mÖVojwfst, nous offre un Américo Castro enthousiasmé face au panorama de lumière européenne.388 Dans l’idée de Castro il y a beaucoup plus de commencements que de sfhfofsbdjpojtnpt (Voir note dans le chapitre 4.5.9-10): édition critique pour l’intérêt philologique rénové, et de l’Univers pour le désir d’un début absolu. L’on dirait que cet Alphonse X blasphème pourrait se qualifier comme étant de l’époque de la Renaissance, à cause de la façon— anthropocentrique— avec laquelle il pensa, que s’il eût été à côté du Créateur au moment du tout début, certaines choses auraient été meilleures que ce qu’elles n’étaient. Ceci est la démonstration d’un auteur— et non un artisan— qui imprégna l’Europe des années 1500. Dans ce sens, Luis Jiménez Martos affirme389 —dans une bonne édition de la poésie de Garcilaso—, que ftf! qsfdjtp! b—p! ef!2611!tvqvtp!vo!hp{of!efm!ujfnqpÒ!pusp!tjhmpÒ-!z!vo!hp{of! ef!mb!Ijtupsjb;!fm!dpnqmfup!eftqmjfhvf!sfobdfoujtub-!Bnsjdb-!fm! Dtbs!Dbsmpt! … Naître alors pourrait se considérer comme naître beaucoup plus— les caractères gras sont nôtres. L’impératif poétique que saisit l’introducteur, transmet un état d’opinion— en lignes très brèves—, beaucoup plus clairement que de nombreux manuels sévères qui fnnvsfou des époques trop humaines— réalisés par des anthropocentriques, c’est ce qui aggrave tout— pour avoir tant de prétention à cause des frontières inamovibles. L’on dirait que la grande querelle de la Renaissance se déplaça aussi aux actuels auteurs de récits; à savoir si la chose— la sft— se définit seulement par la raison— sbujp—, comme paradigme de la toujours vieille Scolastique, ou bien si la parole faible et melliflue— le célèbre wfscvn— à beaucoup plus de pouvoir que celle d’une enveloppe significative simple et déjà fixée. C’est-à-dire: y a-t-il une vérité poétique pour les choses, ou— au contraire— tout est déjà ejhjubmjt? Il est § 1. 388 Américo Castro, Mb! Ftqb—b! ef! Dfswbouft. Barcelona: Noguer, 1980, page 300. 389 Garcilaso de la Vega, Qpft“b!Dpnqmfub. Ed. Luis Jiménez Martos. Madrid: N. y C., 1979, page 7. Qsdjtnfou!dÖftu!dfuuf!boof!2611!rvj!tvqqptb! vof!dibsojsf!ef!m֏qprvfÒ!bvusf!tjdmfÒ-!fu!vof!dibsojsf!ef!mÖIjtupjsf;!mf! eqmpjfnfou!dpnqmfu!ef!mb!Sfobjttbodf-!Bnsjrvf-!mf!Dtbs!Dbsmpt!)mÖFnqf. sfvs!Dibsmft!Rvjou*Ê/!(N. T.) „qjmphvf 824 possible que l’on ne perçoive pas le parallélisme avec nos actuelles et opvwfmmft!qsjpeft!hpuijrvft, mais les traductions automatiques sont— en fin de compte— une réédition de la posture scolastique, directe, inamovible. Parce que la Renaissance, le véritable sens de df! rvj!bqqbsujfou!‰!mb!Sfobjttbodf-!dpotjtub!qsdjtnfou!fo!mb! npmmfttf!tnboujrvf!epou!mb!qptjf!ftu!ߐsf. § 2. Un académicien critique, absolument pas suspect de velléités bohèmes, choisit un titre poétique pour son apport enrichisseur aux études de la Renaissance: Mf! s‘wf! ef! mÖivnbojtnf.390 Parce que, enfin, qui ose nier l’enrichissement onirique des renaissances européennes; l’existence de cette clarté sonore ineffable, éclaircissement anti-scolastique? Oui; l’on comprend cela étant né dans les années 1500 perçu comme naître encore plus. Mais non pas pour la naissance réelle de dates si rondes, mais plutôt pour la manière avec laquelle nous détournons notre regard vers les époques cherchant la mère absolue des choses. Quelque chose inoculé efqvjt! mÖjousjfvs; depuis lors. Comme Cpuujdfmmj! rvj! qfjho•u! fo! 2612! tb! qbsujdvmjsf! fu! jojujbujrvf! Obujwju: le cas de Botticelli est paradigmatique, avec sa triple ob. ujwju de la Renaissance. La naissance de Vénus, celle du Printemps, et cette dernière peinture: une nativité mystique. Et nous disons que c’est paradigmatique, car l’on nous le présente toujours comme l’épitomé d’une unique et originelle Renaissance quand— dans la pratique—, cela fut beaucoup plus complexe: tant cette peinture que l’époque de la Renaissance, ils émanèrent du classicisme traditionnellement accepté— vu comme une revitalisation de tout ce qui est grec-; mais il n’en est pas moins certain que, comme homme de la Sfobjttbodf, Botticelli, sa peinture et l’époque qui l’enveloppe, partagent une filiation plus similaire à celle du Lazarillo de Tormes, que nous voyions— comme la troisième Espagne— fohfoesf!qbs! upvt. Parce que tout naît de ce qui existe longtemps avant, et la Renaissance— comme la propre palette de Botticelli— émanait des époques antérieures: le célèbre et renié Npzfo!Šhf. § 3. Il en est ainsi: Botticelli— homme de la Renaissance évolua vers un déséquilibre final marqué par son intérêt religieux soudain, sans 390 Il s’agit de Francisco Rico, Fm!tvf—p!efm!ivnbojtnp/ 825! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou doute inoculé par les célèbres prédications de Savonarole. Ce prédicateur dominicain expéditif, promu— dans la pratique— à dictateur législatif par un inespéré Lorenzo de Médicis, fit siens les chiens de Dieu— epnjoj!dboft; dominicains; nous l’avons déjà vu— et proclama un millénarisme de la Renaissance déclassé; une réforme de la laxité morale de son époque postmédiévale à laquelle il voulait déposséder du post pour la transformer en strictement médiévale. Et là nous trouvons Botticelli pictural incontinent, homme illustre néo-païen, qui à la fin de ses jours se consacre à obscurcir des toiles avec des vêtements mystiques christianisés. Dans une époque, d’indubitable complexité inspiratrice, vu que l’épicentre de la nouveauté se déplaçait déjà à la peinture flamande, dont l’influence dans la dernière phase de Botticelli est indéniable. Ce qui vaut pour l’homme-Botticelli, dans ce cas; ou le célèbre Savonarole—, vaut pour les époques. Oui; ce Tbwpobspmf couronna ses jours— intégriste en excès— excommunié et brûlé sur un bûcher justicier. Ainsi, l’on aurait dit que le Moyen âge n’était pas parti tout à fait quand la Renaissance brûlait ce qui est païen avec ce qui est intégriste, ce qui est flamand avec ce qui est grec. Et il en est ainsi: tpzf{!mft!cjfowfovt!bv!npoef!fvspqfo!dpnqmfyf!fu!jojujbuj. rvf!eft!nvmujqmft!sfobjttbodft. Personne ne peut, de nos jours, se présenter plus obujwjtuf en la matière; non plus comme exclusiviste sur l’origine des choses: vraiment la Renaissance fut-elle seulement la naissance soudaine du sourire toscan; seulement un retour à la vérité classique des choses? Pourquoi dit-on que l’Europe revint au grec, quand l’Europe avait-elle parlé grec; quelle Europe, et quel grec? Comment peut-on dire que le grec est strictement occidental? § 4. Nous craignons que, au niveau de la pagination dans laquelle nous continuons imperturbables avec notre— également— incontinence alphabétique, nous devons être déjà marqués par cette pensée durcie du discours pesant— jm!b!mf!epo!ev!wfscjbhf. Mais nous ne pouvons pas nous soustraire à ressasser les idées qui nous sont propres exprimées magistralement par la recherche permanente des vérités que des auteurs comme Bravo García nous inculquent:391 391 Antonio Pedro Bravo García prononça une leçon magistrale à l’occasion de la remise du Premio del Legado José Vallejo (Faculté de Philologie de Séville) en mars 2006. Elle avait pour titre «Byzance dans l’Humanisme Italien, inter- „qjmphvf 826 d’après ce prétendu renouveau du grec en Europe, quel est le rôle que chacun d’eux pût jouer— Venise, Byzance, l’imperceptible filtration andalusíe à travers les traductions médiévales? Pour commencer avec quelque chose de concret; y a-t-il eut une Renaissance à Byzance, et l’émigration massive des Byzantins vers l’Europe après la prise turque de 1453 fut-elle la cause de la propre Renaissance italienne? Non, mais oui en partie, considère Bravo García. Cette phrase— en partie—, est la clé de l’interprétation des différentes renaissances européennes, et de l’éclaircissement générique de l’épilogue de Luciano Rubio : pour des problèmes similaires, solutions similaires. Nous en arrivons là, quand le moment est venu de rattacher les trois sources culturelles des renaissances européennes, avec des chemins dont les trajectoires sont convergentes en un point initial éthéré: l’Orient. Ces sources sont celles dont nous avons déjà fait allusion: bm.Boebmvt filtré, une Cz{bodf comme bastion de la Rome orientale, et l’Fyus‘nf! Psjfou distillé commercialement. Il n’y a rien en exclusivité, il n’y a rien qui puisse tout expliquer, et tout est questionnable. Mais, par le difnjo!btqjsbufvs à travers duquel se construisait l’Europe de la Renaissance, ces trois éléments représentent le combustible de l’bouispqpdfousjtnf!qpujrvf!fvsp. qfo. D’un côté, la culture grecque classique n’avait pas disparu tout à fait de Byzance, mais en Europe, oui. Mais il faut être prudents: il est certain que les langues sont des patries, et que le grec byzantin était— évidemment— grec. Mais, entre Aristote et la chute de Constantinople en 1453 s’étaient produits d’énormes collapses et débuts culturels autour de Byzance; depuis ce célèbre et intégriste Concile de Nicée au début des années 300 jusqu’à l’étranglement culturel d’un empire dans une ville— nous insistons, conquête turque de 1453— qui pratiquement, coïncide avec le transcendantal Concile de Florence (1431-1445), qptutdsjquvn définitif dans l’bduf! ef!tqbsbujpo!fousf!mft!hmjtft!psjfoubmft fu!Spnf. prétations d’un problème débattu». Il fit mention d’innombrables références collatérales d’un intérêt transcendantal pour notre étude. Il continuait, dans notre ligne d’investigation, par certains travaux de l’également spécialiste sur Byzance qu’est Evangelos Chryssos, de l’Université d’Athènes, avec lequel nous eûmes l’occasion d’échanger des opinions grâce à l’hospitalité de l’Université de La Laguna (Ténériffe) au printemps 2005. 827! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou § 5. Mais les choses ne s’éteignent pas, sans plus; et l’heure est venue d’admettre ce dont nous nous souvenons: pour commencer avec les débuts, ces discussions byzantines— en grec ou en latin—, depuis les années 300 jusqu’aux années 800, passèrent à être le lbmbn en arabe. Les mêmes thèmes, les mêmes conclusions, mais dans une autre langue et dans un univers culturel qui— imperceptiblement— passa à s’appeler Islãm. Un Islãm— comme univers culturel— qui émanait de Byzance enrichi par la géniale symbiose avec le monde indo-perse obtenue à Bagdad. Il est indubitable— nous y revenons— que la dernière Byzance était grecque: mais, était-elle réellement platonique, aristotélique, académique, sophiste, péripatéticienne…? Dans cette dernière Byzance se traduisirent en grec les Nubnpsqiptfs latines d’Ovide, qui à leur tour étaient une version des primitives grecques. Dfuuf!Cz{bodf!oÖbwbju.fmmf!qbt!qfsev!tb!dpoofyjpo!hsfd. rvf!dmbttjrvf, et dans son sjtnf — dans un retour susp.bmjnfo. ubjsf de proto-renaissance — pourrions-nous dire que c’était toute l’Europe qui revenait? Parce que, dans certaines parties de l’Europe— al-Andalus — l’on n’avait pas abandonné les maîtres grecs; ces mprvfouft!jo!mfhf!nbvspsvn avaient continué— c’est ainsi que les appelleront les Européens: tbhft!tvs!mft!mpjt!eft!Nbvsfs— la recherche de la quintessence des choses, en se protégeant parce qu’ils la nommèrent la tdjfodf!eft!bodjfot; celle des Grecs. Mais ils le disaient en arabe— jmn!bm.bxˆjm/ Et ils le feraient après dans l’occident andalusí, avec l’inévitable référence arabe orientale: ce Yahiz qui écrivit Mb!rvbesbuvsf!ev!dfsdmf,392 ou ces Mutazilites avec la dictature de la raison… Étaient-ils réellement si éloignés des philosophes vojwfstfmt européens? Non. L’heure est venue d’encadrer l’JtmŒn!dvmuvsfm: jm!obrvju!‰!Ebnbt, en grec, contre une Byzance qui se raréfiait théologiquement. Il se peut que le Coran descendît en Arabie, mais cet Islãm héritait le bagage gréco-latin. L’étrangeté soudaine de sa langue en Europe— l’arabe— a dérouté pendant trop de temps ceux qui recueillent les sources culturelles européennes. 392 Al-Yahiz, Mjcsp!ef!mb!dvbesbuvsb!efm!d“sdvmp, (Tr. Pedro Buendía). Madrid: Gredos: 1998. Le livre est une grosse raillerie sur le vide scolastique de l’époque, esquissé par un intellectuel à la cime du monde connu depuis Bagdad. En repassant les thèmes compliqués de son époque, al-Yahiz esquisse une carte très complète des inquiétudes intellectuelles qui frappaient les esprits avisés de l’Islãm abbãsside. „qjmphvf 828 § 6. Effectivement, la philosophie grecque était la science des anciens pour les Arabes médiévaux. Pétrarque, à la fin, attaque la philosophie grecque: il affirme que Platon ne pouvait arriver beaucoup plus loin, vu sa condition d’humain et qu’il niait l’inspiration divine. Mais, malgré cela— insistait Pétrarque—, il était plus près du christianisme qu’Aristote. D’où sortait tout cela un Pétrarque qui ne savait pas le grec? Évidemment, il se faisait l’écho de son époque, de l’interdiction d’Aristote à la Sorbonne; non pour lui-même, mais pour le courant intellectuel duquel s’érigea son commentateur: l’Andalusí Averroès. Effectivement, l’averroïsme serait mésestimé comme courant intellectuel européen, défendu— malgré son rôle indispensable dans la pensée de Thomas d’Aquin, champion du christianisme à la mode. Parce que m֏qprvf! gvzbju! mb! Tdpmbtujrvf! fu! dfmmf.dj! tÖbmj. nfoubju! eft! svttjuft! boebmvt“ft/! Nb–npojef! tfsbju! bvttj! egfoev!fo!Fvspqf, et non pas par le futur antisémitisme, mais précisément par certains rabbins français. Il était facile qu’une fois l’arbre tombé, chacun accourût aux branches; il était facile de défendre, quand l’idée circulait déjà sans aucun sfhjtusf!ef!mb!qsp. qsju: il était facile de lobotomiser la société européenne du sud en expulsant les morisques et les juifs, quand l’univers culturel d’où ils provenaient— al-Andalus — avait été assimilé par une Europe qui disait provenir directement de la Grèce. § 7. Et nous continuons à rapprocher des conclusions: l’élément byzantin— oriental géographiquement, grec dans son expression— et l’élément andalusí— oriental culturellement, arabe dans sa première expression et latine dans sa filtration européenne— furent deux sources inépuisables des renaissances européennes, et de la Renaissance italienne telle qu’elle est admise en tant que primitive et provocatrice de la renaissance européenne. Et pour en revenir à l’élément byzantin: très longtemps avant l’an 1453, date de la chute de Constantinople au pouvoir turc— jamais arabe, bien sûr—, Manuel de Soloras donnait déjà des classes de grec à Florence. À des classes similaires— celles de Barlaam de Seminara— assista Pétrarque, comme le ferait également Giovanni Boccaccio (1313-1375), cette fois à celles de Leoncio Pilato. Et à propos— nous insinuions avant—, l’histoire nous présente à un François Pétrarque (1304-1373) découragé qui en 1354 écrit à son ami Siggiero pour le remercier du 829! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou cadeau qu’il lui avait fait: un manuscrit d’Homère. Et nous disons découragé à cause de ce qu’il exprime: dfu!Ipnsf!rvf!uv!nÖfo. wpjft-!ftu!nvfu!qpvs!npj. Parce que Pétrarque n’eut jamais un niveau acceptable en grec. Donc, le grec ne paraît pas avoir été en soi son inspiration de la renaissance, mais probablement mb! dbsfodf! ev! hsfd/ C’est-à-dire: mb!Sfobjttbodf393 fvspqfoof!tvshjsbju!qmvušu!eft!dbsfodft!fu! rvftujpot!eft!opvwfbvy!ipnnft!jorvjfut, que des affluences et réponses trouvées supposément dans les vieux classiques. Des hommes inquiets qui questionnèrent l’inamovibilité des sources inspiratrices; qui dénoncèrent mb! nbvwbjtf! qprvf! qpvs! mb! mzsjrvf construite par ceux qui firent leur la phrase de Leoncio Pilato: opo! ibfd!ufnqvt!Djdfspojt: df!oÖftu!qbt!m֏qprvf!ef!Djdspo/ Faisant référence au Cicéron de la Egfotf!ev!qpuf Bsrvjbt, où il fait le toast universel le plus fleuri pour la qptjf!odfttbjsf. Où l’Europe apprit le nom latin de l’invocation de l’âme: tuvejb!ivnbojubujt, les études humanistiques. Et nous disons le opn!mbujo, car l’univers civilisateur arabe le connaissait avec un autre nom: bebc. Ejwjof!Dpnejf, montant et descendant— les cieux et les enfers—, ou de la main de Virgile; de qui est-il plus proche; du Mjwsf!ef!mքdifmmf!ef!Nbipnfu— tel que le démontre Asín Palacios—, ou de la descente d’Orphée chez Hadès? Doit-on élire une seule source inspiratrice? La gpmjf!ev!qpuf de Cicéron— comme une partie des quatre folies célèbres avec l’amour, vaticination et mystères-; l’affirmation de Pétrarque— qui émane de Cicéron— sur le fait que la poésie occulte la vérité; n’est-ce pas la même condamnation coranique des poètes, vu que— l’on peut lire dans le Coran, littéralement— zbrvmob!nb.mb.zbgbbmob!Ò!ejtfou.jmt!df! rvÖjmt!of!gpou!qbt@ Bien sûr: seule est perceptible la parenté coranique dans la culture universelle, dans ses mêmes thèmes, si nous sortons du cliché de chamelier: parce que le Coran fleurit dans un Moyen-Orient à l’époque byzantine; il ne s’insert pas dans un mon§ 8. Ce Dante dans la 393 Nous maintenons le terme— SfobjttbodfÒ, pour ne pas tomber dans la fièvre pseudo-scientifique de ceux qui croient changer les optiques grâce à un simple élagage sémantique. Ce— déjà dénoncé— réisme; faire voir que tout est ré-quelque chose — redressement, reconquête, restauration…—, c’est un des grands pièges contre l’historiologue, qui doit voir en tout un nouveau commencement, non pas les ré-éditions. „qjmphvf 82: de exclusivement bédouin qui a été contraint à une analyse réitérée faite avec partialité. Et de là, nous étions passés à l’évolution naturelle d’une époque orientale-européenne en arabe: al-Andalus. Par contre Boccace décoche que la poésie vient du tfjo!n‘nf! ef!Ejfv. Et il y a ici un tournant dans l’état d’opinion. Face à cette thaumaturgie de npufvs!jnnpcjmf, jm!stvmuf!rvf!mb!qptjf!ftu! mf! wsbj! npufvs! npcjmf! ef! mb! Sfobjttbodf-! dpousf! mb! qijmp. tpqijf! tdpmbtujrvf. Et tout cet univers scolastique avait bu des traductions littérales latines des originaux arabes. Ils ne sont déjà plus à la mode; al-Andalus a déjà perdu le coche; il ne reste plus que le dpvq!ef!hsŠdf que la proto-renaissance andalusíe— et arabe en général, dans un territoire, al-Andalus, qui était déjà mort— va lui asséner avec un autre élément mobile: mft!mfuusft!npcjmft!ef! mÖjnqsjnfsjf!ef!Hvufocfsh, véritable auteur du déphasage culturel universel. Ainsi, l’humanisme européen— qui se veut de la Renaissance— surgit comme réaction à l’exil des belles lettres; un exil ordonné par le dernier Moyen Âge en traduisant be!wfscvn; mot à mot. Et il s’étendra grâce à l’imprimerie; un coche dans lequel ne saura se monter la civilisation arabe, provoquant ainsi un énorme déphasage. La culture arabe s’était étendue d’une manière inusitée grâce à l’utilisation du papier, et il verra impassible comment le font les nouvelles langues européennes grâce à l’utilisation de l’imprimerie, réacteur contre la scolastique. § 9. Coluccio Salutati (1331-1406) avait déjà dénoncé que la Scolastique était obsédée par la raison. C’est vrai: longtemps après, avec le regeneracionismo scolastique (Voir note dans le chapitre 4.5.9-10) consumé par l’intégrisme cartésien, la raison passerait à être l’unique instance de la vérité. Tel fondamentalisme rationaliste avait été autrefois l’élément inquisitorial du courant de la pensée islamique: les Mutazilites déjà cités. Obsédée par le déphasage face à ce qui est européen, la pensée arabe contemporaine repeindra les blasons de cet intégrisme rationaliste nvub{jmjuf pour faire sienne également l’instance certaine de la raison. Mais en réalité, ils étaient en train de ressusciter l’inamovible Scolastique, faisant la sourde oreille à mb! wsju! tvtvssbouf! ef! mb!Sfobjttbodf, qui coïncidait sans doute avec certaines tqbsb. ujpot!eft!tbwpjst!bwfssp–tuft: c’est la vocation poétique qui est l’insufflation de la vérité comme peut l’être occasionnellement la 831! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou raison. Parce que les mondes, sensible et rationnel, ne s’abordent pas avec les mêmes armes. La découverte ingénieuse d’insoupçonnées similitudes— la pensée invective, non rationaliste—, en réalité pensée analogique— malgré le mépris de tout ceci de la part de l’époque postmédiévale—, avait fait de mb! nubqipsf! mb! gpsnf! qsjnjujwf!ev!tbwpjs. Comme ces camions de déménagement qui, aujourd’hui, avancent chargés de métaphores dans les rues d’Athènes.394 § 10. Il y eut un moment stellaire dans le deuil entre le vieille Eu- rope— avec la culture que lui proportionnaient les traductions andalusíes— et la nouvelle; entre cette saveur andalusíe dans les traductions de Tolède et l’époque qui culminerait avec les caractères mobiles de l’imprimerie et ses métaphores: la controverse entre Leonardo Bruni (1370-1444) et Alfonso de Cartagena (1385-1440)), évêque de Burgos. Celui-ci avait émis un opuscule contre celui-là et sa furieuse défense toscane de la vérité métaphorique— interprétable— des sources grecques. L’évêque critiquait la traduction libre que Bruni avait fait de l’„uijrvf!‰!Ojdpnbrvf, argumentant qu’il inventait. Bruni lui répondit que les mots ne sont pas inflexibles, et que— qui était Cartagena pour parler du grec, s’il ne savait pas le grec? À quoi Cartagena répondit: nbjt!kf!tbjt!mf!mbujo/ Et tout ce qu’il avait lu des Grecs, considéré par lui inamovible, il l’avait fait à travers les traductions latines d’originales arabes. Et il en est ainsi: dans la polémique de Leonardo Bruni et Alfonso de Cartagena, ce dernier argumentait qu’il n’avait pas besoin du grec pour les études classiques, parce qu’après l’arabe l’on a le latin. La question est, précisément, cette dernière affirmation. Car, d’où avait sorti l’évêque la traduction latine d’Aristote? Des commentaires averroïstes. Mais tels commentaires ne devaient pas élire d’une manière gppucbmmjtujrvf entre Aristote et Platon. En fait, précisément Averroès, dans son commentaire à la Sqvcmjrvf de Platon, nous renvoie indistinctement tant à l’„uijrvf!‰!Ojdpnbrvf qu’à la 394 Il s’agit d’un jeu de mots: sur les camions de déménagement grecs, est écrit nfubgpsbj, parce que— en grec actuel—, métaphore signifie— d’une manière poétique et aventureuse—, déménagements. „qjmphvf 832 Wjmmf!jebmf d’al-Fãrãbî.395 La chose n’en restait pas là; le texte averroïste fut connu en Europe grâce à la traduction hébraïque, dont la précision terminologique— entre autre— nous pousse probablement à la fixation de tels termes comme inamovibles. Mb!qfvs!tdp. mbtujrvf!‰!dibohfs!mft!usbevdujpot!opvt!sfowpjf!‰!mb!qfsuf! ef!mb!dpoofyjpo!bwfd!mft!psjhjobvy-!usbevjut!ef!mÖbsbcf. C’està-dire bm.Boebmvt!Ò!mÖbsbcf!fu!mÖicsfv!esjwÒ!qbsujdjqb!‰! mb! ejbusjcf! ef! mb! Sfobjttbodf. Mais l’époque des scolastiques alimentés par l’effort scientifique andalusí s’épuisait, entre les traductions ef!Upmef et celles réalisées par les juifs européens; postandalusís. Une époque approchait pendant laquelle les auteurs de la Renaissance seraient conscients de leur propre création, mais ils boiraient du Moyen Âge comme d’une source apocryphe. § 11. La corrélation de ces faits avec une erreur occasionnelle est intéressante: ce Leonardo Bruni— nous insistons, 1370-1444 —, auteur d’une célèbre Wjf!ef!Ebouf!fu!Qusbsrvf, a été confondu quelques fois avec le très ultérieur Giordano Bruno (1548-1600), et la coïncidence est providentielle, pour mentionner de nouveaux éléments post-andalusís; d’insoupçonnée filtration andalusíe. Ce Bruno ultérieur, dominicain accusé d’hérésie et brûlé sur le preste bûcher européen— car les anglais pensent que l’Inquisition fut seule espagnole—, souffrit une persécution pour son néoplatonisme insufflé par les lectures du Malloquin Raymond Lulle, dont nous nous sommes déjà détenus en temps utile à propos des fondements andalusís. Mais c’est que ce tel Bruno était le dernier chaînon de l’aristotélisme— à travers Averroès— pour ce Bloch auquel nous faisions allusion dans la séquence averroïste. Conclusion: la boucle des sources médiévales de laquelle émane la Renaissance, en certaines occasions ne distingue pas les possibles pairs qui s’opposent, et le plus souvent contribue à son acculturation accélérée vers un mélange génial dans laquelle est pleinement présent al-Andalus, mais jamais avec un tel nom. Mais nous étions en train d’essayer de freiner la Renaissance européenne de la part du scolastique évêque de Burgos, Bgpotp! ef!Dbsubhfob. Il est indubitable que, à la moitié des années 1400, 395 Averroès, Fyqptjdj˜o!ef!mb!Sfqcmjdb!ef!Qmbu˜o. (Tr. Miguel Cruz Hernández). Madrid: Tecnos, 1986, page XII de l’étude. 833! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou était en train de se produire dans la péninsule Ibérique une sfobjt. tbodf!qijmpmphjrvf en opposition ouverte avec l’italienne; une renaissance qu’Ullmann appela ivnbojtnf!tpdjpqpmjujrvf396 et qui coïncide exactement avec ce que nous avions défini sur le dernier al-Andalus en tant que dvssjdvmvn!ev!dpvsujtbo!boebmvt“. Il est intéressant d’observer qu’Alfonso de Cartagena fût nommé évêque de Burgos, car c’est la charge qu’avait remplie son père. Et l’intérêt ne réside pas exclusivement en ces temps d’évêques avec fils mais plutôt pour le nom avec lequel le père d’Alfonso vint au monde: Salomon Ha-Levi, réputé rabbin majeur de la juiverie de Burgos qui, après sa conversion en 1390, s’appela Pablo García de Santamaría et monter les échelons dans cette nouvelle époque jusqu’à en arriver à être évêque. § 12. Dans cet intéressant Burgos, charnière des temps, Alfonso de Cartagena alternait les traductions de Sénèque ou Cicéron avec la défense des intérêts stratégiques de Castille— en tant que membre du Conseil Royal. En une génération, la philosophie hébraïque et l’arrière goût culturel andalusí avait laissé place à la philosophie latine avec projection européenne. Et d’ici à entamer avec l’Italie une compétence culturelle toujours fertile: la raison face à la poésie, le latin face au grec. Lorsque l’on commence à respirer en Espagne la brise de la Renaissance, car comme telle elle apparaît dans les livres d’histoire, les airs de l’Alhambra ne seront plus andalusís, mais ceux de Garcilaso et Boscán cheminant à la manière italique. Tout paraîtra déjà comme une nouvelle naissance. Ce sera naître en 1500, naître encore plus. Bruni boira déjà les vents des Grecs comme début absolu de la mère des choses, les derniers Byzantins décidaient déjà s’ils devaient se greffer en Italie ou en Turquie; car il y eut un peu de tout, bien que l’histoire s’apparente toujours à une affaire classée. C’est-à-dire; dans l’Europe— l’Italie pour être exact— de la moitié des années 1400, pendant qu’bm.Boebmvt!tf!w‘ujttbju!ef!Dbtujmmf, commençait l’époque des Byzantins— après 1453, nous insistons, 396 W. Ullmann, «The medieval origins of Renaissance». Dans: A. Chastel, The Renaissance. Essays on Interpretation. Londres: 1982, pages 33-83. La façon avec laquelle il nous expose les renaissances européennes comme évolution logique du Moyen Âge, nous résulte spécialement illustrative. „qjmphvf 834 chute de Constantinople— fo! wfoebou! eft! nbovtdsjut! hsfdt! ‰! epnjdjmf.397 Il se peut qu’al-Andalus fût, aussi, métaphorique. Mais il restait— il reste— contraint à des traductions fixes. Et la saveur arabe s’était perdue par les traductions latines. Et ce qui est islamique— déjà plus arabe, et jamais plus jusqu’aux années 1900— était le menaçant pouvoir turc. Strabon, Plutarque, Hérodote…; la plateforme grecque initiale était déjà en arabe, mais ils apparaissaient à nouveau dans leurs sources originales dans toute l’Europe à cause de ceux qui avaient fui de Constantinople. § 13. Cet Érasme de Rotterdam traduisant la Bible grecque au latin et à l’allemand ne fait déjà plus allusion au fait que ceux qui firent la version en grec avaient été des juifs d’Alexandrie. L’Europe était en train de rompre ses liens avec la Méditerranée orientale, faisant fi de ses sources culturelles. Ce maître byzantin transcendantal apparu dans l’Italie de la Renaissance, Manuel Crisoloras déjà cité, esquissa une théorie de l’Art insoupçonnée cherchant la beauté dans les rues de Rome. Comparant celle qu’il voit avec celle qu’il laissa derrière lui dans une Constantinople encore moderne. L’on ne voit déjà aucun autre pont; la chute de Constantinople de 1453, insuffle un prétendu sfwjwbm! fvspqfo— occidental— d’une ville culturellement orientale. La prise de Constantinople, d’une part, et celle de Grenade de 1492 d’autre part, fermaient l’Europe moderne qui, disions-nous, faisait fi de ses indubitables sources orientales.398 Il ne manquait plus que le coup de grâce commercial: en 1498 les Portugais faisaient le tour de l’Afrique, coïncidant— comme on le sait— avec l’intérêt atlantique européen dérivé de la découverte de l’Amérique. Se consumait ainsi l’dmjqtf!dvmuvsfmmf!bsbcf: ce qui est turc représentera le concept éthéré de ce qui est islamique, et le signe des avant-gardes culturelles changea de main. Et nous insistons en ce que mÖijtupjsf!ftu!vof!trvfodf!qfsnbofouf!ef!dpnnfodf. nfout: il n’y a pas d’erreur pour celui qui ne progresse pas, mais 397 Exprimé d’une manière ingénieuse par le grand studieux de Byzance Antonio Bravo. 398 À ce sujet, l’essai de Jerry Brotton est indispensable: Fm!cb{bs!efm!Sfob. djnjfoup/!Tpcsf!mb!joàvfodjb!ef!Psjfouf!fo!mb!dvmuvsb!pddjefoubm. Barcelona: Paidós, 2002. 835! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou plutôt un avantage pour celui qui le fait. Arrivés à ce point nous allons reparler de l’imprimerie. Ainsi, parmi les difficultés du monde déjà mésestimé, continuait al-Andalus, dans une Espagne mpcp. upnjtf — selon la terminologie de Juan Goytisolo. Mais ici, nous avons dû penser qu’al-Andalus s’invoque seulement en chantant bm. Nvubn“!z!Svnbzrjjzb! Dans une galanterie du flamenco de Lole et Manuel, et que, fo!df!rvj!dpodfsof!mb!nbujsf!fu!mb!tvctubodf! dif{!Bwfsspt-!jm!epju!tÖbhjs!eÖvo!qmbu!npsjtrvf. Parce que nous assumons qu’al-Andalus est le populaire, l’artisanal, le gastronomique, pendant que les idées lumineuses ou les dsfvtft.dfswfbvy proviennent des bustes sévères des gens du nord en veste de uxffe. Et la contamination de tels stéréotypes atteint des régions insoupçonnées: Fernando Savater a l’habitude de raconter qu’il posa la question en Allemagne s’ils étudiaient quelque chose de la Philosophie espagnole, et ces penseurs— très contents de se connaître entre eux, et pensant être les héritiers directs de l’ADN académique athénien— lui ripostèrent: jsjf{.wpvt!wpjs!vo!up. sbeps!bmmfnboe? 21/3/!Mf!ui!bv!ibsfn!eÖBsdijnef § 1. Nous appelions tout ceci l’éclipse arabe, ou bien panne de courant arabe, et même fin de l’époque arabe. Mais la culture est caduque.399 On la dégurgite. Kaléidoscopique comme la vision de l’obscurité dans le demi-sommeil de la prétention intellectuelle. La culture naît, elle est reproduite sans permis, et elle meurt. Elle est produite, elle est distribuée, et ses feuilles se dispersent dans une morale impitoyable pour essayer d’expliquer la quadrature du cercle. C’est pour cette raison, pour la propre légèreté de la véritable culture, que le destin joue toujours avec l’arrogance du créateur. Celui qui croit sublimer la beauté éternelle obtient comme résultat des fleurs en plastique. Celui qui cherche le poids et le combustible d’un argument obtient des bombonnes de butane. Il n’y a aucun moyen de se protéger: chaque génération recommence à se poser les mêmes questions. Il faut essayer à nouveau la fuite de la prison 399 Nous nous occupons de récupérer ce matériel qui fut versé à l’occasion de l’exposition du livre Bmgpotp!Y dans la revue d’information littéraire Nfsdv. sjp!(2005). „qjmphvf 836 de Cernuda où habite l’oubli; car tout l’envahi: le débarquement de tant d’oubli hivernal nous laisse au découvert, sans la verdeur vasodilatatrice du mot dans le temps. Et de cette guise, orphelins de livres effeuillés, nous devons nous cacher avec du papier journal, incisif comme le coup de poignard d’un voyou, mais éphémère face à la propre culture dont il prétend être l’épiderme. Il parut étrange à Luis Borges qu’il n’apparût pas de chameaux dans le Coran. Inséré dans l’imaginaire collectif déjà frappé— et imprimé—, il conclut que si une chose est évidente, il n’est pas nécessaire qu’elle apparaisse. Mais il est difficile de fermer ainsi une question: et si c’était le contraire? ; Et si le monde chamelier coranique ne fût pas si évident? De toute façon, ce n’est pas exact. Il y a des chameaux dans le Coran. Borges kpvbju!ef!u‘uf-! quoiqu’il créât une musique intéressante: car pour l’intellectuel— avant tout— bwpjs!ef!mÖjouvjujpo est ce qui lui incombe, et l’intuition de Borges résulte— en certaines occasions— de la sorcellerie. Car il est certain qu’il n’y a pas tant de chameaux dans le Coran comme nous pourrions nous y attendre. § 2. Nombreux sont les ports par lesquels nous sommes passés lorsque nous faisions une relation des origines de l’islãm avec celles d’al-Andalus, pour déboucher après d’une façon naturelle sur les côtes européennes. Dans ces premières terres aperçues, nous mettions en relation la révélation coranique avec certains théologiens universels héritiers de cette époque. Si le Concile de Nicée stipulait que Jésus Christ était engendré, non crée, et si quelqu’un lit dans le Coran, faisant référence à Dieu, que mbn!zvmje!xb.mbn!zvmbe—Il n’a ni engendré et Il n’est pas né—, un esprit scientifique peut-il faire une relation entre les deux extrêmes, ou doit-on les empaqueter séparément pour ne pas mélanger les compartiments étanches des identités religieuses? Il est évident que l’Islãm naquit à Damas. De même que le christianisme naquit à Antioche et Alexandrie. Le premier renvoie à une personnalité sublime née dans le désert arabe— Mahomet— et le deuxième à une autre née à Belém— Jésus, fils de Marie. Serait-ce fruit d’une impiété affirmer— presqu’avec Borges qu’il n’y a pas— par exemple— de références sur un charpentier dans l’Évangile? L’affirmation de que l’islãm théologique, de même que l’univers culturel de l’Islãm, naquirent tous deux à Damas et furent codifiés 837! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou après à l’époque de Bagdad, n’enlève en rien la vérité révélée d’un Coran qui s’insert dans une époque arabe et descendu pour rejeter un paganisme qui menaçait de laisser l’Arabie dans le fossé de l’histoire. § 3. Donc, la théologie, le droit, la littérature arabe naissaient par contraste avec le monde que les Arabes pouvaient affronter. Le lb. mbn, comme philosophie spéculative, naîtra des diatribes byzantines, la grammaire comme instrument forcé de compréhension et d’expression, le droit sera l’élément byzantin avec les éléments sassanides et mosaïques, et cetera. L’heure est déjà venue de mettre en valeur l’universalisme initial arabe: il hérita de la Rome orientale et il la fondit à Bagdad avec l’élément sassanide, de rétro-alimentation indoeuropéenne pour venir s’ajouter à l’évidente tradition sémitique— par religion et langue. Pour le reste, nous avons dédié assez de pages au sujet de la normalité civilisatrice arabe jusqu’à la fin territoriale d’al-Andalus et la filtration de celui-ci en Europe. Et le temps passa. Aujourd’hui, l’on dirait que proposer qu’il faille réviser le rôle de ce qui est arabe dans la culture universelle est offenser la réalité historique. L’on ne sait pas qui peut être plus intéressé à ne pas laisser descendre l’Arabe du chameau, si à la crasse ignorance que beaucoup d’Arabes montrent à l’égard du vrai rôle de leur culture dans le monde, ou à la non moins crasse stupidité de tant d’occidentaux proclamant ce nouveau ufnqt!hpuijrvf où il paraît y avoir une anatomie qui inclue rationalité et développement, et une autre qui inclue la barbe et la prière. § 4. En 1984, le directeur franco-algérien Mehdi Charef, dirigeait le film Mf!ui!bv!ibsfn!eÖBsdijnef. Dans ce film, un jeune émigrant arabe doit écrire au tableau le théorème d’Archimède, et le mot uipsnf lui fait penser à ui!bv!ibsfn/! D’où la confusion, au lieu d’écrire le théorème d’Archimède, il écrivit au tableau Ui! bv!ibsfn!eÖBsdijnef; celui-ci étant qui que ce soit. Le déphasage culturel— d’autre part réel— fait penser au spectateur que cela répond à un manque de fondement historique; que l’actuel déphasage entre le nord et le sud nous renvoie à une distribution de mondes exclusifs: un de théorème, et un autre de thé et harems. Il est intéressant de voir comment le jeune arabe perçoit Ar- „qjmphvf 838 chimède comme quelque chose appartenant à la réalité culturelle française; étrangère en tout cas. Parce que— par exemple—, dans le monumental compendium traducteur ef! Upmef de Gérard de Crémone, était inclus le Mjcfs!Dbsbtupojt d’un certain UiŒcju!Jco! Rvssb— personnage appartenant à la même culture linguistique et à la même religion que le jeune Arabe du tableau, le thé et le harem. Le livre d’Ibn Qurra était basé tvs!ejggsfouft!Ðvwsft!eÖBsdij. nef. En fait, telle œuvre avait constitué— note Vernet— le début des études de statique classique dans la Ebs!bm.Jtmbn400 qui— traduite de cette manière—, passerait à l’Europe. Nous voyons donc, qu’à part l’indéfectible intérêt esthétique, épidermique et partial que nous avons pour ce qui est arabe, nous trouverons probablement un non moindre intérêt tubujrvf justifié. § 5. Le même de Crémone traduisit le Mjwsf!eft!njspjst de Alhazen— Ibn al-Haytham —, basé à son tour sur la version latine de l’œuvre attribuée à Archimède, Ef!tqfdvmp!dpncvsfouf. Alhazen s’était déjà occupé des notions des isopérimètres grâce à l’œuvre du Grec Mb!tqisf!fu!mf!dzmjoesf. La méthode des isopérimètres est un chapitre de la géométrie qui étudie les différentes figures ayant un même périmètre; cette notion offre un titre incomparable qui— probablement— puisse servir de métaphore illustrative appliquée à ce dont nous faisions allusion dans ces pages.401 Vernet note également que ces références d’Alhazen passeraient par Gérard de Crémone à la science européenne de Leonardo de Pise, Bradwardine, Albert de Saxe et Regiomontanus. En réalité, la source grecque avait été éditée comme bm.lvsb! xb.m.vtubxbob — car c’est ainsi que l’on dit en arabe mb! tqisf! fu! mf! dzmjoesf — par Nasir al-Din Túsi, de l’école de UiŒcju! Jco! Rvssb. Ce critère d’auctoritas dans le milieu des lettrés courtisans, est applicable à cent pour cent dans la transmission scientifique: la chaîne du maître-scientifique finissait par renvoyer, indéfectiblement, à la source primitive grecque. À l’jmn!bm.bx‰jm, le savoir des 400 Juan Vernet y A. Catalá «Arquímedes árabe”. Al Ándalus 33 (1968), pages 53-93. 401 Et il en est ainsi. Ce qui se passe c’est que, si nous eussions titré le chapitre Jtpqfsjnfus“b!ef!Jtmbn!z!Pddjefouf — dans une allégorie compliquée sur des différences formelles, quoique dans une équivalence d’intérêt et extension culturels—, on nous aurait jeté le livre à la tête. 839! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou anciens. Sur celles-ci et les allusions suivantes à Archimède dans al-Andalus — ainsi que les traductions d’Ibn Hayyan—, la source essentielle est un ensemble de références tout au long de l’œuvre de Juan Vernet, Mp!rvf!Fvspqb!efcf!bm!Jtmbn!ef!Ftqb—b (Ce que l’Europe doit à l’Islãm d’Espagne).402 Dans l’index onomastique final, l’auteur offre jusqu’à douze citations d’Archimède dans les sources arabes connues et/ou traduites dans al-Andalus. § 6. Même dans les références indirectes du sage grec, comme les études de calcul géométrique des Banû Mûsa et Thãbit Ibn Qurra cités auparavant, qui indiquent que l’bsdijnejtne— en marge des propres livres d’Archimède— avait imprégné complètement le monde scientifique oriental versé en arabe et de là traduit par le — nous le vîmes— très européen al-Andalus. D’autre part, lorsque nous citions le planétarium que le Léonard cordouan, Abbas Firnás, avait construit, nous faisions également allusion à la machine njorˆob— ce mot signifiant précisément machine, engin. Il s’agissait, selon Ibn Hayyan, d’une machine qui marquait le temps— horloge préalable à l’invention de l’horloge proprement dite—, basée sur des prototypes d’Archimède dont faisait référence Cicéron et Anticythère. L’application avait aussi son intérêt pour savoir les heures d’oraison d’après les vers avec lesquels l’auteur avait dédié l’invention à son mécène, c’est-à-dire Muhammad I: kÖbj!dpotusvju!mb!nfjmmfvsf! eft! nbdijoft! qpvs! mft! kpvst! pž! mÖpo! of! qfvu! qbt! eufsnjofs! mft!ifvsft!eÖpsbjtpo;!tÖjm!z!b!vo!kpvs!pž!mÖpo!of!ejtujohvf!qbt!mf! tpmfjm-!pv!tj!mb!ovju!dpvwfsuf!of!qfsnfu!qbt!ef!wpjs!mft!upjmft-! bwfd! dfu! fohjo! m֏njs! Nvibnnbe! nbsrvfsb! mf! ufnqt! bwfd! tb! nbjo espjuf. Après cela— le grade d’bqqbsufobodf! ‰! mÖvojwfst! djwjmjtbufvs!bsbcf!ev! uipsnf!eÖBsdijnef, résulte évident. Le jeune Arabe qui le confond avec le thé au harem, a un problème de connaissance: le même que montre celui qui pense que ce qui est arabe et Archimède étaient incompatibles. § 7. Dans les traductions médiévales de l’arabe au latin, les théo- logiens arabes cités— évidemment, sans distinction de leur provenance c’est-à-dire d’Orient ou d’Occident andalusí— on les appelait— nous l’avons vu— mprvfouft!jo!mfhf!nbvspsvn; connaisseurs 402 Madrid: Círculo de Lectores, 2001. „qjmphvf 83: des lois maures. Telles idées, quoique prises en bloc comme étrangères culturellement, étaient connues par les scolastiques chrétiens de la fin des années 1200; cent ans après, personne ne se souviendrait d’où elles venaient. La question que pose Luciano Rubio est la suivante: la connaissance de cette mfy!nbvspsvn générique, provoqua-t-elle — par exemple— l’occasionalisme de Guillaume d’Ockham et indirectement la pensée de David Hume? De revenir sur Ockham, ne nous intéresse pas maintenant, ni de reprendre des questions philosophiques. Estampiller un sceau arabe ou islamique à chaque idée européennene nous a pas intéressé non plus au long de tant de pages; notre intention était de signaler dans les vieilles photos de l’Europe la grande quantité de personnages qui avaient des idées qui— avant— avaient été exprimées en arabe et dans un territoire européen concret: al-Andalus. Pour le reste, la réponse qu’offre Rubio à sa propre question est singulière et sentencieuse— d’une nbojsf!qpujrvf — b!qspcmf. nbt!tjnjmbsft-!bvorvf!tvshjept!fo!mvhbsft!z!qps!sb{poft!ejtujo. ubt-!tpmvdjpoft!tjnjmbsft/!Fo!bncpt!dbtpt-!mb!tpmvdj˜o!dpotjtuj˜! fo!bàpkbs!mbt qjf{bt!ef!rvf!tf!dpnqpof!fm!nvoep/!Ftub!fyqmj. dbdj˜o!ft-!qbsb!optpuspt-!nˆt!pcwjb!rvf!mb!ef!mb!tvqvftub!jo. àvfodjb.403 Et nous en sommes là: pour des problèmes similaires, solutions similaires. Que cela se traduise après en permanent eft. tfssfs!mft!qjdft!ev!npoef; labeur que doit réaliser chaque génération nouvelle, quoiqu’elle prétende ‘usf!fo!usbjo!eÖfogboufs!vo! opvwfbv!npoef. § 8. Ce livre ne prétendait pas exclure, mais— précisément tout le contraire. Aussi prétentieux que nous puissions être dans la conviction d’un certain caractère exclusif— non pour être, mais plutôt pour avoir été—, il n’est pas scientifique ni humainement gratifiant de le gaspiller dans une exclusivité peureuse. Nous sommes dans une grande mesure, ce que nous lisons. Et ce qui a été rédigé par les autres ne peut pas être si mauvais, tout ce qui peut nous plaire de ce que nous écrivons maintenant est à l’avenant; car il en provient. 403 Fray Luciano Rubio, Fm!Pdbtjpobmjtnp!ef!mpt!uf˜mphpt!ftqfdvmbujwpt! efm!Jtmbn. Salamanca: Ediciones Escurialenses, 1987, page 524. Qpvs!eft!qsp. cmnft!tjnjmbjsft-!n‘nf!tÖjmt!tvshjttfou!ef!mjfvy!ejggsfout!pv!qpvs!eft!sbj. tpot!ejggsfouft-!mft!tpmvujpot!tpou!tjnjmbjsft/!Ebot!mft!efvy!dbt-!mb!tpmvujpo! gvu!ef!efttfssfs!mft!qjdft!rvj!dpnqptfou!mf!npoef/!!!(N. d. la T.) 841! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou En cela, il faut avancer avec une certaine retenue: la joie d’avoir réussi à dire ce que nous nous proposions, se justifie et acquière sa propre physionomie dans le souvenir d’avoir souvent tourné et retourné les choses des autres. Cela ne signifie pas les mettre sens dessus dessous mais, dans une grande mesure, tout le contraire: faire que les choses se casent, qu’elles se sertissent, qu’il n’y ait pas de distorsion. À partir de là, tous ceux qui se laissent emporter par la longue phrase d’un livre qui commence, sait de science certaine que les paragraphes ont leur propre vie. Et que, probablement, un auteur peut seul s’accrocher à la table des matières pour que les idées aillent par où elles doivent aller. En ce qui concerne les objectifs, la promenade historiologique, mb! wjtjuf! hvjef! eÖvof! qprvf! rvj! gvu! ošusf, a été déjà suffisamment traitée. Et pour ce qui est du procédé, il a consisté en un élagage systématique: les techniques historiographiques élevées au niveau de la science ne nous intéressent pas, ni la méthodologie à l’usage en matière de citation en bas de page, transcriptions, confrontation des chroniques. Car, dans le cas qui nous occupe, nous sommes conscients d’une claire intention d’effets: ce qui nous intéresse le plus c’est la sensation finale plutôt que ce qui est souligné. Et cette sensation doit être celle que nous avons déjà traitée: l’histoire est une trvfodf!qfsnbofouf!ef!dpnnfodfnfout. Il se peut que la nostalgie décadentiste soit très poétique, mais elle résulte angoissante pour l’historiologie. Une brillante autrice Jean Lagoudis Pinchin disait de la ville d’Alexandrie: tpo!ijtupjsf! dpodmvu! ef! nbojsf! bopejof<! fmmf! tf! wpju! qpvttf-! nbjouft! fu! nbjouft!gpjt-!wfst!mb!espvuf!nvfuuf!fu!jnnvbcmf.404 Ceci dit; ce n’est pas exactement l’opinion que nous nous sommes faite après nous être promenés à travers la brillante, ensoleillée et toujours naissante corniche alexandrine. En certaines occasions, l’histoire devrait sortir pour s’exposer au soleil. § 9. Lorsque nous marchions avec Carlos Ginzburg délimitant le cadre d’agissement du juge et de l’historien, nous partagions sa claire répartition: que le juge ne se voit pas poussé par certains déterminismes historiques— qu’il ne connaît peut-être pas tout à fait—, et 404 Jean Lagoudis Pinchin, Bmfkboes“b-!Dbwbßt-!Gpstufs!z!Evssfmm. Granada: Almed, 2004, page 177. „qjmphvf 842 de la même manière, que l’historien ne juge pas les branches dont il fait mention. Si l’on insiste sur le fait que nous avons probablement droit aussi à une tutelle historique saine; que l’on ne nous vende pas l’étranger comme étant nôtre et vice versa. Dans le récurrent roman andalusí, il se passe la même chose que dans ce film singulier que nous citions de l’Argentin Alessandro Agresti: Fm!wjfoup!tf! mmfw˜!mp!rvf… L’ingénieux scénariste propose une histoire de dyslexie narrative; comme si le film eût été en train de se projeter avec les bobines changées, provoquant grâce à cela une décomposition psychologique particulière dans le public qui n’a pas d’autre moyen de s’approcher des faits. Dans l’histoire que l’on nous raconte d’al-Andalus, il y a eu tant de faits exceptionnels— parfois— et de dispute— le plus souvent— toujours par vagues de dpmpsbujpo!qpmjujrvf, que de notre imaginaire historique— tel qu’on le nomme— il n’en ressort rien d’autre que ceci, une eztmfyjf!obssbujwf. Et revenons sur l’évaluation des débuts— en tant que commencements—: dans cette— déjà lointaine— batterie initiale que nous proposions, propitiatoire à un parapet historiologique, il manquait un rempart bien nécessaire évidemment. Il s’agit d’un auteur dont nous avions fait mention, peut-être dans son pire côté publique: Gustav Edmund von Grunebaum, cité à l’occasion du rejet qu’il a envers sa nbusjdf!jtmbnjrvf, alimentatrice d’identités religieuses; inexistantes— dans la pratique— pour la science historiologique sérieuse. Mais— disons-le —, sans doute il manquait certaines entre-lignes de son introduction à l’encyclopédique œuvre collective qui a pour titre: MÖFnqjsf!jt. mbnjrvf! efqvjt! mb! divuf! ef! Dpotuboujopqmf.405 De celle-ci nous sauverons une référence de salvation au milieu de ce panorama de 405 En réalité le titre de la traduction espagnole est: MÖJtmbn! efqvjt! mb! divuf!ef!Dpotuboujopqmf!kvtrv։!opt!kpvst. La traduction exacte de l’original allemand est celle qui apparaît dans le texte. L’addition de kvtrv։!opt!kpvst devient si obsolète qu’elle aurait eut du mal à rentrer dans le pesant esprit viennois de Grunebaum. Ce sont là des choses du marketing éditorial. La référence finale est: Fm! Jtmbn! eftef! mb! db“eb! ef! Dpotuboujopqmb! ibtub! ovftuspt! e“bt. Madrid-México D.F.; Siglo XXI, 1992 (19711). Depuis 1971, jusqu’à trente cinq ans après— date à laquelle nous écrivons— il n’a pas mal plu— et ne pas prendre ceci littéralement— dans l’espace islamique. L’on pourrait peut-être éliminer kvtrv։!opt!kpvst de la prochaine édition, et se rapprocher ainsi— enfin— du titre original de 1971, qui est encore valable. 843! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Gibbon que nous dénoncions: l’histoire comme séquence permanente de décadences. § 10. Non; Grunebaum nous jette un sauve-optimismes d’un auteur disparu il y a déjà un certain temps— en 394, pour être exact. Il s’agit de Grégoire de Nicée qui définit l’histoire comme une série interminable de commencements. Il commentait le Dboujrvf! eft! Dboujrvft! biblique— de tels penchants valurent la prison à notre Fray Luis de León longtemps après—, et il résumait ainsi: l’histoire chemine de commencements en commencements, à travers de commencements qui n’ont pas de fin.406 Nous pourrions paraphraser le style de ces récurrentes phrases chinoises, apocryphes de calendrier, et dire que lorsque quelqu’un veut s’en aller, il est déjà loin. Appliqué à l’histoire: jm!oÖz!b!qbt!ef!edbefodft-!df!rvj!tf! qbttf!dÖftu!rvf!opvt!tpnnft!ek‰!fo!usbjo!ef!qbsmfs!eÖbvusf! diptf. Assurément, c’est l’unique optique d’éclaircissement possible. Car le contraire serait tomber dans l’erreur du qjhf!ev!nup. spmphvf. Combien il est facile de prédire aujourd’hui le temps d’hier; combien il est peu scientifique, d’exposer que ce qui est aujourd’hui déchu, montrait hier signes de décadence. Cette histoire ne nous sert pas. Non: il est beaucoup plus intéressant proposer que, à chaque pas, s’ouvrent des possibilités de futur; qui se compliquent au-delà de chaque pas. Et mb! wjtjpo! joufmmjhfouf! ef! mÖijtupjsf! tsjfvtf!tfsbju-!opo!qbt!ef!dpnqufs!mft!npsut-!nbjt!eÖfyqmj. rvfs!mft!objttbodft. § 11. Lorsque nous citions le décadentisme nostalgique et poétique de Pinchin, à propos du phénomène Alexandrie, nous nous souvenions de sentences similaires à l’égard d’autres paradis perdu, de ceux qui finissent par créer une congélation de périodes et lieux dans l’imaginaire collectif— dspopupqpt— comme dirait González Alcantud. Et nous nous souvenons de certains vers— bien sûr— nostalgiques d’un Wordsworth amoureux de la décadence vénitienne. Mais— contrairement à Pinchin avec Alexandrie—, le poète faisait 406 Grunebaum, Fm! Jtmbn…, 432, dans une citation de l’éminent historien Jean Daniélou et son Fttbj!tvs!mf!nztusf!ef!mÖijtupjsf!ef!2:64. „qjmphvf 844 une version des fins comme assimilations. Son Pef!‰!mÖfyujodujpo! ef!mb!Sqvcmjrvf!ef!Wfojtf dit ainsi: Un jour, elle reçut le splendide Orient comme paiement Et ce fut la sauvegarde de l’Occident; Le courage de Venise ne diminua pas à partir de sa naissance. Venise, fille aînée de la Liberté. Fut une ville pucelle, lumineuse et gaie; Ni séduite par astuce, ni prise de force. Lorsque, finalement, elle décida prendre un époux, Elle dut se marier avec la mer éternelle.407 Cette image— celle de ses qpvtbjmmft! bwfd! mb! ner—, qui est, à propos, une partie du cérémonial des célébrations vénitiennes dans ses cpooft! qprvft! qs.obqpmpojfooft.408 Mais, comme objectif ef!opusf!qjmphvf, nous pensons que les jdšoft!hphsb. qijrvft!fu!ijtupsjrvft!of!nfvsfou!kbnbjt!pv!ejtqbsbjttfou. Ils se filtrent, se transforment ou commencent à un autre endroit sous une apparence différente. Les uns se marient avec la mer, et les autres— simplement— terminent par s’additionner aux aubes de la Renaissance. 407 Paul de Reul, Xjmmjbn!Xpsetxpsui. Madrid: Júcar, 1982. 408 John Julius Norwick, Ijtupsjb!ef!Wfofdjb…, planche 40: mf!Ephf!ebot! tpo!Cvdfoubvsf — embarcation— dmcsf!mft!qpvtbjmmft!boovfmmft!ef!Wfojtf! bwfd!mb!nfs. CJCMJPHSBQIJF!DPMMBU„SBMF! )QBS!PSESF!BMQIBC„UJRVF* Tpib!Bccpve!Ibhhbs-!ÓJco!bm.Kbujc-!ftqfkp!ef!wjtjsft!z!mfusbeptÔ/!Ijtupsjb!27-! 366!)2::8*-!47.52/ Binfe!Bcefttfmfn-!Jco!Libmevo!fu!tft!mfdufvst/!Qbsjt;!Qvg-!2:94/ Npibnfe!Bcfe!Zbcsj-!Fm!mfhbep!ßmpt˜ßdp!ˆsbcf;!Bmgbsbcj-!Bwjdfob-!Bwfnqb. df-!Bwfssspft-!Bcfokbmeo/!Mfduvsbt!dpoufnqpsˆofbt/! Us/!Nbovfm!D/! Gfsjb!Hbsd“b/!Nbesje;!Uspuub-!3112/! Kpt!Mvjt!Bcfmmˆo-!Fm!fsbtnjtnp!ftqb—pm/!Nbesje;!Bvtusbm-!3116!)2:872*/ Dbnjmmb!Beboh-!Jtmbn!gsfouf!b!kveb“tnp;!mb!qpmnjdb!ef!Jco!Ib{n!ef!D˜sep. cb/!Nbesje;!Bcfo!F{sb-!2::5/ E/B/! Bhjvt! z! S/! Ijudidpdl! )Fet/*-! Uif! Bsbc! Joàvfodf! jo! Nfejfwbm! Fvspqf/! Cfsltijsf;!Juibdb!Qsftt-!2::7/ Kpt!Bhvjmfsb!Qmfhvf{vfmp-!Ftuvejpt!ef!mbt!opsnbt!f!jotujuvdjpoft!efm!Efsf. dip!Jtmˆnjdp!fo!bm.Boebmvt/!Tfwjmmb;!Hvbebmrvjwjs-!3111/ Tbo!Bhvtu“o-!Dpogftjpoft/!Nbesje;!Bmjbo{b-!2::1/ K/M/!Bmcpsh-! Ijtupsjb!ef!mb!mjufsbuvsb!ftqb—pmb/!Wpm/!J/! Febe!Nfejb!z!Sfobdj. njfoup/!Nbesje;!Hsfept-!2:92!)2:772*/ Bmhb{fm-!Dpogftjpoft/!)Us/!Fnjmjp!Upsofsp*/!Nbesje;!Bmjbo{b-!2:9:/ Dbnjmp!èmwbsf{!ef!Npsbmft-!ÓMpsfo{p!fm!Dibqj{!z!fm!Ofhpdjp!HfofsbmÔ/! Rvs. uvcb!2!)2::7*-!22.49/ Sbdifm!Bsj-!Ftqb—b!Nvtvmnbob!)tjhmpt!WJJJ.YW*/!Cbsdfmpob;!Mbcps-!2:95/ Nvibnnbe!Bslpvo-!MÖIvnbojtnf!bsbcf!bv!Yf!tjdmf/!Qbsjt;!Wsjo-!2:93/ 847! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Sphfs!Bsobmef{-! Hsbnnbjsf!fu!uipmphjf!dif{!Jco!Ib{n!ef!Dpsepvf/!Fttbj! tvs! mb! tusvduvsf! fu! mft! dpoejujpot! ef! mb! qfotf! nvtvmnbof/! Qbsjt-! 2:67/ Njhvfm!Bt“o!Qbmbdjpt-!Mb!joejgfsfodjb!sfmjhjptb!fo!mb!Ftqb—b!nvtvmnbob!tf. ho! Bcfoib{bn-! ijtupsjbeps! ef! mbt! sfmjhjpoft! z! mbt! tfdubt/! Nbesje;! Dvmuvsb!Ftqb—pmb-!2:18/ Njhvfm! Bt“o! Qbmbdjpt-! Bcfonbtbssb! z! tv! ftdvfmb-! Ps“hfoft! ef! mb! ßmptpg“b! ijtqbopnvtvmnbob/!Nbesje-!2:25/ Tbnbs!Buubs-!ÓUif!nbo!pg!sfbtpo;!Ibzz!jco!Zbr{bo!boe!ijt!jnqbdu!po!npe. fso!fvspqfbo!uipvhiuÔ/! Rvsuvcb! 3!)2::8*-!2:.58/!„hbmfnfou!tpo!bvusf! bsujdmf!ÓTfswjoh!Hpe-!ps!Nbnnpo@/!Fdipft!gspn!Ibzz!Jco!Zbr{bo!boe! Tjoecbe!uif!Tbjmps!jo!Spcjotpo!DsvtpfÔ/!Fo;!M/!Tqbbt!z!C/!Tujnqtpo! )Fet/*-! Spcjotpo! Dsvtpf-! Nzuit! boe! Nfubnpsqiptft/! Mpoesft.Ofx. Zpsl;!NbdNjmmbo!'!Tu/!Nbsujo!Qsftt-!89.:8/ Kpbrv“o!Bvsjpmft!Nbsu“o-!Fmfob!Nbo{bofsb!E“b{-! Fdpopn“b!z!Tpdjfebe!bo. ebmv{b/!Boˆmjtjt!bwbo{bep!ef!mbt!dbvtbt!efm!eftbsspmmp!sfmbujwp/!Tfwjm. mb;!Dpnbsft-!3115/ Bwfsspft-!Fyqptjdj˜o!ef!mb!Sfqcmjdb!ef!Qmbu˜o/!)Us/!Njhvfm!Dsv{!Ifsoˆoef{*/! Nbesje;!Ufdopt-!2:97/ Bwfsspt-! Ejtdpvst!edjtjg/!Us/!Efm! Gbtm!bm.Nbrbm! qps!Nbsd!Hfpggspz/!Qbsjt;! H/G/Ò!Gmbnnbsjpo-!2::7/ Njhvfm! Bwjmt! Gfsoˆoef{! )z! puspt*-! Mpt! Sfjopt! dsjtujbopt! fo! mb! Bmub! Febe! Nfejb/!Nbesje;!Febg-!2::5/ Q/!Cˆefobt!ef!mb!Qf—b-!ÓFm!jtmbn!dpnp!ifsfk“b!fo!mb!pcsb!ef!Kvbo!Ebnbtdf. opÔ/!Ebot;!Njrvfm!Cbsdfm˜!fu!K/!Nbsu“of{!Hˆ{rvft!)Fet/*-!Nvtvmnboft!z! dsjtujbopt!fo!Ijtqbojb!evsbouf!mbt!dporvjtubt!ef!mpt!tjhmpt!YJJ!z!YJJJ/! 3116/ Bcv!Vcbze!bm.Cblsj-! Ljubc!bm.nbtbmjl!xb.m.nbnbmjl-!Hfphsbg“b!ef!Ftqb—b/! Us/!Fmjtfp!Wjebm!Cfmusˆo-!Ufyupt!nfejfwbmft-![bsbhp{b-!2:93/ Bcjmjp!Cbscfs˜!z!Nbsdfmp!Wjhjm-!Mb!gpsnbdj˜o!efm!gfvebmjtnp!fo!mb!Qfo“otvmb! Jcsjdb/!Cbsdfmpob-!2:89/ Mbvsb! Cbsjboj-! ÓEf! mbt! sfmbdjpoft! fousf! Tvci! z! Nvibnnbe! Jco! Bcj! Bnjs! Bm.Nbotvs-!dpo!ftqfdjbm!sfgfsfodjb!b!tv!svquvsb!ÒxbitibÒ!fo!497. 4990::7.::9Ô/!Rvsuvcb!2!)2::7*-!4:.68/ Mbvsb!Cbsjboj-!ÓVo!qbtbkf!jhopsbep!fo!fm!Obru!bm.bsvt!ef!Jco!Ib{n!ef!D˜s. epcbÔ!)sjnqsfttjpo*/!Rvsuvcb!2!)2::7*-!3:6.3:9/ Cjcmjphsbqijf!dpmmbusbmf 848 Spo!Cbslbj-!Fm!fofnjhp!fo!fm!ftqfkp/!Dsjtujbopt!z!nvtvmnboft!fo!mb!Ftqb—b! Nfejfwbm/!Nbesje;!Sjbmq-!2:95/ Nbsdfm!Cbubjmmpo-!Fsbtnp!z!fm!fsbtnjtnp/!Cbsdfmpob;!Ds“ujdb-!3111/ N/!Cfmusˆo-!ÓMpt!busjcvupt!ejwjopt!fo!Kvbo!ef!Ebnbtdp!z!tv!joàvfodjb!fo!fm! jtmbnÔ/!Ebot!Dpmmfdubofb!Dsjtujbob!Psjfoubmjb!3!)3116*/ Xbmufs!Cfokbnjo-!ÓPo!uif!Dpodfqu!pg!IjtupszÔ!)2:51*/!Jo! Tfmfdufe!Xsjujoht-! Wpm/! 5/! Fe/Ipxbse! Fjmboe! boe! Njdibfm! X/! Kfoojoht/! Usbot/! Fenvoe! Kfqidpuu!fu!bm/!Dbncsjehf;!Ibswbse!Vojwfstjuz!Qsftt-!3114/ Nbmjl!Cfoobccj-!Wpdbujpo!ef!mÖJtmbn-!2:65/ Qjfssf!Cfopju-!Mb!Bumˆoujeb/!Nbesje;!Hsfept-!2:95!)2:3:2*/ Q/!Cfop•u!z!G/!Njdifbv-!ÓMÖjoufsnejbjsf!bsbcfÔ/!Ebot;!N/!Tfssft!)fe/*-! „m. nfout!eÖijtupjsf!eft!tdjfodft/!Qbsjt;!Cpsebt-!2:9:-!262.286/ Mvjt! Gfsoboep! Cfsobc! Qpot-! Fm! Fwbohfmjp! ef! Tbo! Cfsobc/! Vo! fwbohfmjp! jtmˆnjdp!ftqb—pm/!Vojwfstjebe!ef!Bmjdbouf-!2::6/ Cfsuipmpo!z!Dibousf-!Sfdifsdift!bouispqpmphjrvft!ebot!mb!Cfscsjf!psjfo. ubmf/!Mzpo;!t/j/-!2:23/ Ivhi!Cjdifop-!Mb!cbubmmb!ef!Mfqboup-!2682/!Nbesje;!Bsjfm-!3116/ Bncsptf!Cjfsdf-!Qspgbobdjpoft/!Nbesje;!Bobzb!'!Nbsjp!Nvdiojl-!2::6/ GsboŽpjt! ef! Cmpjt-! ÓSfwjfx! pg! ÕDisjtupqi! Mvyfocfsh-! Ejf! tzsp.bsbn‹jtdif! Mftbsu!eft!Lpsbo///Ô/!Kpvsobm!pg!RvsÖbojd!Tuvejft!6-!2!)3114*-!:3.:8/ Ifjosjdi! C›mm-! Fm! ipops! qfsejep! ef! Lbuibsjof! Cmvn/! Cbsdfmpob;! Ophvfs! z! Dbsbmu-!2:::/ N/!Cpoofs!)Fe/*-!Bsbc.Cz{boujof!Sfmbujpot!jo!Fbsmz!Jtmbnjd!Ujnft/!3115/ Kbdjoup!Cptdi!Wjmˆ-!Mpt!bmnpsˆwjeft/!Hsbobeb;!Bsdijwvn-!2::1/ N/!N/!Csbwnbo-! Uif!Tqjsjuvbm!Cbdlhspvoe!pg!Fbsmz!Jtmbn/!Mfjefo;!F/K/!Csjmm-! 2:83/ Hosbm!Csfnpoe-!Cfscsft!fu!Bsbcft/!Qbsjt;!Qbzpu-!2:61/ Kfssz!Cspuupo-!Fm!cb{bs!efm!Sfobdjnjfoup/!Tpcsf!mb!joàvfodjb!ef!Psjfouf!fo! mb!dvmuvsb!pddjefoubm/!Cbsdfmpob;!Qbje˜t-!3114/ K/! Csvotdiwjh-! ÈDpotjefsbdjpoft! tpdjpm˜hjdbt! tpcsf! fm! efsfdip! nvtvmnˆo! boujhvpÉ/!„uveft!eÖJtmbnpmphjf!JJ/!Qbsjt-!2:87/ Njhvfm!èohfm!Cvoft-!Mpt!npsjtdpt!fo!fm!qfotbnjfoup!ijtu˜sjdp/!Nbesje;!Dˆu. fesb-!2:93/ 849! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Disjtupqi!Cvshnfs-!Tusfju!vn!efo!Lpsbo/!Wfsmbh!Ibot!Tdijmfs-!3116/ Dmbvef!Dbifo-!Fm!Jtmbn/!J/Ò!Eftef!mpt!ps“hfoft!ibtub!fm!dpnjfo{p!efm!jnqf. sjp!pupnbop/!Nbesje.Nyjdp!E/G/;!Tjhmp!YYJ-!2::9!)2:792*/ Gsbodjtdp!ef!Qbvmb!Dbobmfkbt-!Mbt!epdusjobt!efm!Epdups!Jmvnjobep!Sbjnvoep! Mvmjp/!Nbesje;!Tpdjfebe!Ftqb—pmb!efm!Dsejup!Dpnfsdjbm-!2981/ M/!Dbsebjmmbd!)Fe/*-!Mft!npsjtrvft!fu!mÖJorvjtjujpo/!Qbsjt;!Qvcmjtve-!2::1/ Uipnbt!Dbsmzmf-!Mpt!ispft/!Nbesje;!Tbsqf-!2:96/ Vncfsup! Dbttvup-! Tupsjb! efmmb! mfuufsbuvsb! fcsbjdb! qptucjcmjdb/! Gmpsfodjb;! Dbtb!Fejusjdf!Jtsbfm-!2:49/ D/!Dbtuˆo!z!K/S/!Dbz˜o-! Mbt!npofebt!ijtqbop!nvtvmnbobt!z!dsjtujbobt-!822. 2:92/!Nbesje;!mpt!bvupsft-!2:91/ Bnsjdp!Dbtusp-! Fotbzp!ef!ijtupsjpmph“b/!Bobmph“bt!z!ejgfsfodjbt!fousf!ij. tqbopt!z!nvtvmnboft/!Ovfwb!Zpsl;!Gsbo{!D/!Gfhfs-!2:61/ Bnsjdp!Dbtusp-!Mb!sfbmjebe!ijtu˜sjdb!ef!Ftqb—b/!Nyjdp!E/G/-!2:65/ Bnsjdp! Dbtusp-! Psjhfo-! tfs! z! fyjtujs! ef! mpt! ftqb—pmft/! Nbesje;! Ubvsvt-! 2:6:/ Bnsjdp!Dbtusp-!Fm!qfotbnjfoup!ef!Dfswbouft/!Cbsdfmpob;!Ophvfs-!2:91/ Kfbo.Qbvm!Dibsobz-!Tpdjpmphjf!sfmjhjfvtf!ef!mÖJtmbn/!Qbsjt;!Ibdifuuf.Qmvsjfm-! 2::6/! GsboŽpjt!Dmnfou-!Qpvwpjs!fu!mhjujnju!fo!Ftqbhof!‰!m֏qprvf!eft!ubjgbt!)Wf0 YJf*;!mÖjnbn!ßdujg/!Qbsjt;!MÖIbsnbuubo-!2::8/ Ifosj!Dpscjo-!Ijtupsjb!ef!mb!ßmptpg“b!jtmˆnjdb/!Nbesje;!Uspuub-!2::9/ Gfefsjdp!Dpssjfouf-!ÓFtqfdjßdjebeft!jejpnˆujdbt!ef!mpt!boebmvt“ft/!Fyqbo. tj˜o!z!ßkbdj˜o/Ô!=fo!bsbcf?! Sfwjtub!efm!Jotujuvup!Fhjqdjp!ef!Ftuvejpt! Jtmˆnjdpt-!34!)2:96.97*-!qˆht/!6:.79/ Gfefsjdp!Dpssjfouf-!Ejddjpobsjp!ef!bsbcjtnpt!z!wpdft!bßoft!fo!jcfspssp. nbodf/!Nbesje;!Hsfept-!2::2/ Gfefsjdp!Dpssjfouf-!ÓFm!jejpmfdup!spnbodf!boebmvt“!sfàfkbep!qps!mbt!ybsb. kŒuÔ/!Sfwjtub!ef!Gjmpmph“b!Ftqb—pmb!86!)2::6*!2.3-!qq/!6.44/ Qbusjdjb! Dspof! boe! Njdibfm! Dppl-! Ibhbsjtn;! Uif! Nbljoh! pg! uif! Jtmbnjd! Xpsme! Njhvfm! Dsv{! Ifsoˆoef{-! Ijtupsjb! efm! qfotbnjfoup! fo! bm.Boebmvt/! 3! wpmt/! Tfwjmmb;!Fejupsjbmft!Boebmv{bt!Sfvojebt-!2:96/ Cjcmjphsbqijf!dpmmbusbmf 84: Njhvfm!Dsv{!Ifsoˆoef{-!Fm!Jtmbn!ef!bm.Boebmvt/!Ijtupsjb!z!ftusvduvsb!ef!tv! sfbmjebe!tpdjbm/!Nbesje;!BFDJ-!2::3/ Njhvfm! Dsv{! Ifsoˆoef{-! Fm! qfotbnjfoup! ˆsbcf! dpoufnqpsˆofp/! Nbesje;! Bmjbo{b-!3111/ Opsnbo! Ebojfm-! Jtmbn! boe! uif! Xftu-! uif! Nbljoh! pg! bo! Jnbhf/! Fejocvsh;! Fejocvshi!Vojwfstjuz!Qsftt-!Fejocvsh-!2:71/ Kfbo!Ebojmpv-!Fttbj!tvs!mf!nztusf!ef!mÖijtupjsf!ef!2:64/ Disjtupqifs!Ebxtpo-!Uif!nbljoh!pg!Fvspqf/!Bo!Jouspevdujpo!up!uif!Ijtupsz! pg!Fvspqfbo!Vojuz/!Ofx.Zpsl;!Dbuipmjd!Vojwfstjuz!pg!Bnfsjdb!Qsftt-! 3113/!)2:432*/ Gfmjdjbop!Efmhbep!Mf˜o-!èmwbsp!ef!D˜sepcb!z!mb!qpmnjdb!dpousb!fm!Jtmbn/!Fm! Joejdvmvt!mvnjoptvt/!D˜sepcb;!Dbkbtvs-!2::7/ EÖFnjmjb-!ÓFm!Efsfdip!Nvtvmnˆo!dpnqbsbep!dpo!fm!cj{boujopÔ/! Tuvejb!Jtmb. njdb!5!)2:76*/ Spepmgp!eÖFsmbohfs-!Mb!nvtjrvf!bsbcf!)7!wpmt*/!Qbsjt;!Qbvm!Hfvuiofs-!3112/ Boupojp!Epn“ohvf{!Psuj{!z!Cfsobse!Wjodfou-! Ijtupsjb!ef!mpt!Npsjtdpt/!Nb. esje;!Bmjbo{b-!2::4/ Q/!H/!Epojoj-!Bsbc!usbwfmfst!boe!hfphsbqift/!Mpoesft;!Jnnfm-!2::2/ Gsfe! N/! Epoofs-! Obssbujwft! pg! Jtmbnjd! Psjhjot;! Uif! Cfhjoojoht! pg! Jtmbnjd! Ijtupsjdbm!Xsjujoh/ Fvhfojp!eÖPst-!Njt!djvebeft/!Nbesje;!Mjcfsubsjbt-!2::1/! Sfjoibsu! Ep{z-! Ijtupsjb! ef! mpt! nvtvmnboft! ef! Ftqb—b/! )5! wpmt/*! Nbesje;! Uvsofs-!2:99/ Hfpshft!Evcz-!Hvjmmfsnp!fm!nbsjtdbm/!Nbesje;!Bmjbo{b-!2:96/ Dibsmft.Fnnbovfm! Evgpvsr-! Mb! wjf! rvpujejfoof! ebot! mÖFvspqf! Nejwbmf! tpvt!epnjobujpo!bsbcf/!Qbsjt;!Ibdifuuf-!2:89/ Gmjy!Evrvf-!Mpt!cvfopt!fvspqfpt/!Pwjfep;!Opcfm-!3114/ Kpt!Gsbodjtdp!Evsˆo!Wfmbtdp-!Mpt!dmjnbt!tfyup!z!tqujnp!fo!mb!Hfphsbg“b!ef! Bm.Rb{xjoj/!Uitf!Epdupsbmf;!Vojwfstjebe!ef!Tfwjmmb-!3116/ Ebmf!G/!Fjdlfmnboo-! Bouspqpmph“b!efm!nvoep!jtmˆnjdp/!Cbsdfmpob;!Cfmmbuf. ssb-!3113/ Vncfsup!Fdp-!Mb!jtmb!efm!e“b!ef!bouft/!Nbesje;!Mvnnfo-!3116/ 851! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Vncfsup!Fdp-!D˜np!tf!ibdf!vob!Uftjt!Epdupsbm/!Cbsdfmpob;!Hfejtb-!3112/ Njlfm! ef! Fqbm{b-! Mpt! npsjtdpt-! bouft! z! eftqvt! ef! mb! fyqvmtj˜o/! Nbesje;! Nbqgsf-!2::3/ Njlfm!ef!Fqbm{b-!Gsbz!Botfmn!Uvsnfeb!)Bcebmmbi!bm.Ubszvnˆo!z!tv!qpmnjdb! jtmbnp.dsjtujbob/!)Fe/!z!ftuvejp!ef!mb!Uvigb*/!Nbesje;!Ijqfsj˜o-!2::5/! Psjbob!Gbmmbdj-!Mb!sbcjb!z!fm!pshvmmp/!Cvfopt!Bjsft;!Bufofp-!3113/ Kvbo!K/!Gfsoˆoef{!Usfwjkbop-!ÓMb!epcmf!njsbeb!tpcsf!Boebmvd“bÔ/!Dpnvojdbs! 23!)2:::*/ Jhobdjp! Gfssboep-! Jouspevddj˜o! b! mb! Ijtupsjb! ef! mb! Mfohvb! èsbcf/! Ovfwbt! Qfstqfdujwbt/![bsbhp{b;!MÖbvufvs-!3112/ Nbsjcfm!Gjfssp-!ÈGbnjmjbt!fo!fm!UbÖsjk!jgujubi!bm.Boebmvt!ef!Jco!bm.RvujzzbÉ/! Ebot;!Mvjt!Npmjob!)Fe/*-! Ftuvejpt!Popnˆtujdp.Cjphsˆßdpt!ef!bm.Boeb. mvt-!JW/!Hsbobeb;!DTJD-!2::1-!qˆht/!52.81/ Ifosj!Gpdjmmpo-!Fm!b—p!Njm/!Nbesje;!Bmjbo{b-!2:77/ èmwbsp!Hbmnt!ef!Gvfouft-!Fm!mjcsp!ef!mbt!cbubmmbt/!Obssbdjpoft!dbcbmmfsft. dbt!bmkbnjbep.npsjtdbt/!Pwjfep-!2:78/ Fnjmjp!Hbsd“b!H˜nf{-!Boebmvd“b!dpousb!Cfscfs“b/!Vojwfstjebe!ef!Cbsdfmpob-! 2:87/ Fnjmjp! Hbsd“b! H˜nf{! )us/*-! Fm! tjhmp! YJ! fo! 2¼! qfstpob;! mbt! Nfnpsjbt! ef! Bce! Bmmbi-!mujnp!sfz!{js“!ef!Hsbobeb/!Nbesje;!Bmjbo{b-!2:93/ Mpvjt! Hbsefu-! Mb! dju! nvtvmnbof/! Wjf! tpdjbmf! fu! qpmjujrvf/! Qbsjt;! K/! Wsjo-! 2:65/ Mpvjt!Hbsefu-! Mft!ipnnft!ef!mÖJtmbn/!Bqqspdif!eft!nfoubmjut/!Csvyfmmft;! Dpnqmfyf-!2:95/ Ufsftb!Hbsvmp-!Mb!mjufsbuvsb!ˆsbcf!ef!bm.Boebmvt!evsbouf!fm!tjhmp!YJ/!Nbesje;! Ijqfsj˜o-!2::9/ Bohfmp!Hijsfmmj-! Fm!qb“t!cfsfcfsf/!Dpousjcvdj˜o!bm!ftuvejp!ef!mpt!ps“hfoft-! gpsnbdj˜o! z! fwpmvdj˜o! ef! mbt! qpcmbdjpoft! efm! ègsjdb! tfqufousjpobm/! Nbesje;!Fejupsb!Obdjpobm-!2:53/ Fexbse!Hjccpo-! Uif!Ijtupsz!pg!uif!Efdmjof!boe!Gbmm!pg!uif!Spnbo!Fnqjsf/! Fe/!Efsp!B/!Tbvoefst-!Mpoesft;!Qfohvjo!Dmbttjdt-!2:94/!)Us/!Ftqb—pmb;! Ijtupsjb!ef!mb!efdbefodjb!z!svjob!efm!Jnqfsjp!Spnbop-!qps!Kpt!Nps! ef!Gvfouft-!Cbsdfmpob;!Jnqsfoub!ef!epo!Boupojp!Cfshoft!ef!mbt!Db. tbt-!2953*/ Cjcmjphsbqijf!dpmmbusbmf 852 Spepmgp!Hjm!Cfovnfzb-! Ftqb—b!efousp!ef!mp!ˆsbcf/!Nbesje;!Fejupsb!Obdjp. obm-!2:75/ Bsuivs!Hjmnbo-!Uif!tbsbdfot/!Gspn!uif!Fbsmjftu!Ujnft!up!uif!Gbmm!pg!Cbhiebe/! Mpoesft;!U/!Gjtifs!Voxjo-!299:/ Dbsmp! Hjo{cvsh-! Fm! kvf{! z! fm! ijtupsjbeps/! Bopubdjpoft! bm! nbshfo! efm! dbtp! Tpgsj/!Nbesje;!Bobzb!'!Nbsjp!Nvdiojl-!2::2/ Dbsmp! Hjo{cvsh-! Pkb{pt! ef! nbefsb/! Ovfwf! sfàfyjpoft! tpcsf! mb! ejtubodjb/! Cbsdfmpob;!Qfo“otvmb-!3111/ Fosjrvf! H˜nf{! Dbssjmmp-! Gf{-! mb! boebmv{b/! )Fe/! K/! B/! Hpo{ˆmf{! Bmdbouve*/! Hsbobeb;!Bsdijwvn-!3116/ Kpt!Boupojp!Hpo{ˆmf{!Bmdbouve-!Mp!npsp/!Mbt!m˜hjdbt!ef!mb!efsspub!z!mb!gps. nbdj˜o!efm!ftufsfpujqp!jtmˆnjdp/!Cbsdfmpob;!Bouispqpt-!3113/ Kpt!Boupojp!Hpo{ˆmf{!Bmdbouve-! ÓFm!dspopupqp!ef!upept!mpt!wjfouptÔ! Fo;! K/B/!Hpo{ˆmf{!Bmdbouve!z!Boupojp!Nbmqjdb!Dvfmmp-!Qfotbs!mb!Bmibncsb/! Hsbobeb;!Bouispqpt-!3112/ Fnjmjp!Hpo{ˆmf{!Gfss“o-!ÓFm!qfotbnjfoup!bmfnˆo!z!fm!jtmbn;!vob!mfduvsb!ef! Ijdifn!Ekb–uÔ/!BxsŠr!YJY!)2::9*-!396.3:7/ Fnjmjp!Hpo{ˆmf{!Gfss“o-!Tbmwbdjpoft!Psjfoubmft/!Tfwjmmb;!Hvbebmrvjwjs-!2:::/ Fnjmjp!Hpo{ˆmf{!Gfss“o-! Mb!qbmbcsb!eftdfoejeb/!Vo!bdfsdbnjfoup!bm!Dpsˆo/! Pwjfep;!Opcfm-!3113/ Fnjmjp!Hpo{ˆmf{!Gfss“o-!ÓMb!qbmbcsb!eftdfoejeb!z!mb!hvfssbÔ-!fo! Dvbefsopt! efm!DFNZS!)Dfousp!ef!Ftuvejpt!Nfejfwbmft!z!Sfobdfoujtubt*/!Vojwfstj. ebe!ef!Mb!Mbhvob-!3116/ Ebwje!Hpo{bmp!Nbftp-! Nbovbm!ef!Ijtupsjb!ef!mb!mjufsbuvsb!ifcsfb/!C“cmjdb-! Sbc“ojdb-!Ofpkvebjdb/!Nbesje;!Hsfept-!2:71/ Tzmwbjo!Hpvhvfoifjn-! Bsjtupuf!bv!Npou!Tbjou!Njdifm/!Mft!sbdjoft!hsfdrvft! ef!mÖFvspqf!disujfoof/!Qbsjt;!Tfvjm-!3119/ Kvbo!Hpzujtpmp-!ÓBnsjdp!Dbtusp!fo!mb!Ftqb—b!bduvbmÔ/!Ebot;!Fevbsep!Tvcj. sbut!)Dppse/*-!Bnsjdp!Dbtusp!z!mb!sfwjtj˜o!ef!mb!nfnpsjb/!Fm!Jtmbn!fo! Ftqb—b/!Nbesje;!Mjcfsubsjbt0Qspeivß-!3114/ Gfsoboep!ef!mb!Hsbokb-!Nbrbnbt!z!Sjtbmbt!boebmv{bt/!Nbesje;!JIBD-!2:87/ Hvtubw!F/!wpo!Hsvofcbvn-! MÖjefouju!dvmuvsfmmf!ef!mÖJtmbn/!Us/!Sphfs!Tuvw. sbt/!Qbsjt;!Hbmmjnbse-!2:8:/ Hvtubw!F/!wpo!Hsvofcbvn-!Fm!Jtmbn!eftef!mb!db“eb!ef!Dpotuboujopqmb!ibtub! ovftuspt!e“bt/!Nbesje.Nyjdp!E/G/;!tjhmp!YYJ-!2::3!)2:822*/ 853! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Sfo!Hvfsebo-!Wjf-!hsboefvst!fu!njtsft!ef!Cz{bodf/!Qbsjt;!Qmpo-!2:67/! Qjfssf!Hvjdibse!z!Csvob!Tpsbwjb-!Mpt!sfjopt!ef!ubjgbt/!Gsbhnfoubdj˜o!qpm“uj. db!z!ftqmfoeps!dvmuvsbm/!Nˆmbhb;!Tbssjˆ-!3116/ Jco! Ib{n! ef! D˜sepcb-! Fm! dpmmbs! ef! mb! qbmpnb! )Us/! Fnjmjp! Hbsd“b! H˜nf{*/! Nbesje;!Bmjbo{b-!3112!)2:822*/ I/!Sjefs!Ibhhbse-!Mft!njoft!ev!spj!Tbmpnpo-!)29962*/ I/!Sjefs!Ibhhbse-!Fmmf-!)29982*/ Mpvjt!Ibmqifo-!Mft!Cbscbsft/!Eft!hsboeft!jowbtjpot!bvy!dporv‘uft!uvsrvft! ev!YJf!tjdmf/!Qbsjt;!Gfmjy!Bmdbo-!2:41/ Kvmjb!Ifsoˆoef{!Kvcfs“bt-! Mb!Qfo“otvmb!Jnbhjobsjb/!Njupt!z!mfzfoebt!tpcsf! bm.Boebmvt/!Nbesje;!DTJD-!2::7/ !!!Qfesp!Q/!Ifssfsb!Spmeˆo-! Dvmuvsb!z!mfohvb!mbujobt!fousf!mpt!np{ˆsbcft! dpsepcftft!efm!tjhmp!JY/!Vojwfstjebe!ef!D˜sepcb-!2::6/ Qijmjq!L/!Ijuuj-!Fm!jtmbn-!npep!ef!wjeb/!Nbesje;!Hsfept-!2:96/ Tbnvfm!Q/!Ivoujohupo-!Fm!diprvf!ef!djwjmj{bdjpoft/!Cbsdfmpob;!Qbje˜t-!2::8/ Tbnvfm!Q/!Ivoujohupo-! Rvjoft!tpnpt@!Mpt!eftbg“pt!b!mb!jefoujebe!ftubep. vojefotf/!Us/!Bmcjop!Tboupt!Nptrvfsb/!Cbsdfmpob;!Qbje˜t-!3115/ Nvibnnbe!bm.Jesjtj-! Ov{ibu!bm.Nvtubr-!fe/!z!us/!S/!Ep{z!z!N/K/!ef!Hpfkf-! Eftdsjqujpo!ef!mÖBgsjrvf!fu!ef!mÖFtqbhof/!Bntufsebn-!2:79/!Us/!qbsdjbm! ef!K/!B/!Dpoef!dpnnf!Eftdsjqdj˜o!ef!Ftqb—b!ef!Yfsjg!Bmfesjt!dpopdj. ep!qps!fm!Ovcjfotf/!Nbesje-!2:91/ Kfopgpouf-!Boˆcbtjt/!Nbesje;!Hsfept-!3111/! Spesjhp!Kjnof{!ef!Sbeb-! Ef!sfcvt!Ijtqbojbf-!dibq/!YYJJ-!qbhf!48/!Jco!bm. B{js-!bm.Lbnjm!ß.m.ubsjk-!WJ/!Cfzspvui/ Bm.Kvtiboj-!Ijtupsjb!ef!mpt!kvfdft!ef!D˜sepcb/!Hsbobeb;!Fejupsjbmft!Boebmv. {bt!Sfvojebt-!2:96/ Fmjf!Lbmmbt-!Rvj!ftu!bsbcpqipof!@/!Hpsj{jb;!Jtujuvup!ej!Tpdjpmphjb!Joufsob{jp. obmf-!2:::/ Ifosj!Mbpvtu-!Mb!qspgfttjpo!ef!gpj!eÖJco!Cbuub/!Ebnbt;!Jotujuvu!GsboŽbjt!eft! „uveft!Bsbcft-!2:69/ Bcebmmbi!Mbspvj-! Mb!dsjtjt!ef!mpt!joufmfduvbmft!ˆsbcft!;!Áusbejdjpobmjtnp!p/! ijtupsjdjtnp@/!Us/!Kbwjfs!Tˆodif{!Qsjfup/!Nbesje;!Mjcfsubsjbt0Qspeivß-! 2::2/ Cjcmjphsbqijf!dpmmbusbmf 854 Ifosj.Njdifm! Mbwpjy-! Dbubmphvf! eft! npoobjft! nvtvmnboft! ef! mb! Cjcmjp. uirvf! obujpobmf/! 4! Wpmt/! Wpm/! JJ-! Ftqbhof! fu! Bgsjrvf/! Qbsjt! ;! Cjcmjp. uirvf!Obujpobmf-!29:2/ F/!Mwj.QspwfoŽbm-! Ijtupjsf!eft!nvtvmnbot!eÖFtqbhof/!Qbsjt;!Nbjtpoofvwf-! 2:61/ F/!Mwj.QspwfoŽbm-!t/w/!ÓBcv!Vcbze!bm.CblsjÔ-!Fodjdmpqfez!pg!Jtmbn-!wpm/!2-!qq/! 26:.272/ F/!Mwj.QspwfoŽbm-!F/!Ftqb—b!nvtvmnbob!)822.2142*/!Mb!dporvjtub/!Fm!Fnjsbup/! Fm!Dbmjgbup/!Fo;!Kpwfs![bnpsb-!Kptf!N¼/!)Fe/*-!Ijtupsjb!ef!Ftqb—b/!Nfoo. ef{!Qjebm/!Nbesje;!Ftqbtb.Dbmqf-!3111/!Upnp!5/ F/! Mwj.QspwfoŽbm-! F/-! z! Upssft! Cbmcˆt-! Mfpqpmep-! Ftqb—b! nvtvmnbob! )822. 2142*/!Jotujuvdjpoft/!Tpdjfebe/!Dvmuvsb/!Fo;!Kpwfs![bnpsb-!Kptf!N¼/!)Fe/*-! Ijtupsjb! ef! Ftqb—b/! Nfooef{! Qjebm/! Nbesje;! Ftqbtb.Dbmqf-! 3111/! Upnp!6/ Cfsobse! Mfxjt-! Fm! Psjfouf! Qs˜yjnp;! ept! njm! b—pt! ef! ijtupsjb/! Cbsdfmpob;! Ds“ujdb-!2::7/ Cfsobse!Mfxjt-!ÁRv!ib!gbmmbep@/!Nbesje;!Tjhmp!YYJ-!3113/ Bmbjo!ef!Mjcfsb-!Qfotfs!bv!Npzfo!æhf/!Qbsjt;!Tfvjm-!2:::/! Kpshf!Mjspmb!Efmhbep-!Fm!qpefs!obwbm!ef!bm.Boebmvt!fo!mb!qpdb!efm!Dbmjgbup! Pnfzb/! Vojwfstjebe! ef! Hsbobeb.Jotujuvup! ef! Ftuvejpt! Bmnfsjfotft-! 2::4/ M˜qf{! Hbsd“b-! Cfsobc-! ÓGsbodjtdp! Kbwjfs! Tjnpofu! bouf! fm! dpmpojbmjtnp-! 2967.2974/!Vo!bsu“dvmp!fo!Mb!BnsjdbÔ/! Dvbefsopt!ef!Ijtupsjb!efm!Jt. mbn!4!)2:82*-!26:.289/ S/!M˜qf{!Psuj{-!ÈMb!kvsjtqsvefodjb!z!fm!ftujmp!ef!mpt!usjcvobmft!nvtvmnboft! fo!Ftqb—bÉ/!Bovbsjp!efm!Efsfdip!Ftqb—pm!JY-!)2:43*/ Disjtupqi!Mvyfocfsh-!Ejf!Tzsp.Bsbn‹jtdif!Mftbsu!eft!Lpsbo/!Fjo!Cfjusbh!{vs! Foutdim ttfmvoh!efs!Lpsbotqsbdif/!Cfsm“o;!Wfsmbh!Ibot!Tdijmfs-!3113/ Gsbo{! Hfpshf! Nbjfs-! Mbt! usbotgpsnbdjpoft! efm! nvoep! nfejufssˆofp/! Nb. esje;!Tjhmp!YYJ-!2::5/ Gfmjqf! Nbjmmp! Tbmhbep-! Ef! mb! eftbqbsjdj˜o! ef! bm.Boebmvt/! Nbesje;! Bcbeb-! 3115/! Nb–npojef-! Usbju! ef! Mphjrvf/! )Us/! Ef! mÖbsbcf! psjhjobm! qbs! Sfnj! Csbhvf*/! Qbsjt;!Eftdmf!ef!Cspvxfs-!2::7/ 855! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Kpt!Boupojp!Nbsbwbmm-! Fm!dpodfqup!ef!Ftqb—b!fo!mb!Febe!Nfejb/!Nbesje;! Jotujuvup!ef!Ftuvejpt!Qpm“ujdpt-!2:65/ Kpt!Boupojp!Nbsbwbmm-! Ftuvejpt!ef!ijtupsjb!efm!qfotbnjfoup!ftqb—pm/!Nb. esje;!Fejdjpoft!ef!Dvmuvsb!Ijtqˆojdb-!2:84/ Hfpshft!NbsŽbjt-! Mb!Cfscsjf!nvtvmnbof!fu!mÖPsjfou!bv!Npzfo!Bhf/!Qbsjt;! Bvcjfs-!2:57/ Hfpshft!NbsŽbjt-!Fm!bsuf!nvtvmnˆo-!Nbesje/!Dˆufesb-!2::2/ Gsbodjtdp!Nˆsrvf{!Wjmmbovfwb-! Dpodfqup!dvmuvsbm!bmgpot“/!Nbesje;!Nbqgsf-! 2::3/ Wjshjmjp! Nbsu“of{! Fobnpsbep-! Nˆmbhb! jtmˆnjdb/! Vojwfstjebe! ef! Nˆmbhb-! 3115/ Wjshjmjp! Nbsu“of{! Fobnpsbep-! È! Cpcbtusp! )Bsebmft-! Nbmbhb*;! Vob! Nbejob! qbsb!vo!sfcfmefÉ/!Rvsuvcb!3!)2::8*/ Boest! Nbsu“oft! Mpsdb-! Nbftuspt! ef! Pddjefouf;! ftuvejpt! tpcsf! fm! qfotb. njfoup!boebmvt“/!Nbesje;!Uspuub-!3118/ Qfesp!Nbsu“of{!Npouˆwf{-!Bm.Boebmvt-!Ftqb—b-!fo!mb!mjufsbuvsb!ˆsbcf!dpo. ufnqpsˆofb/!Nbesje;!Nbqgsf-!2::3/ Qfesp!Nbsu“of{!Npouˆwf{-!Nvoep!èsbcf!z!dbncjp!ef!tjhmp/!Vojwfstjebe!ef! Hsbobeb-!3116/ Boupojp!Nfejob!H˜nf{-!Npofebt!ijtqbop.nvtvmnbobt;!nbovbm!ef!mfduvsb! z!dmbtjßdbdj˜o/!Upmfep;!Jotujuvup!Qspwjodjbm!ef!Jowftujhbdjpoft!z!Ftuv. ejpt!Upmfebopt!)Ejqvubdj˜o!Qspwjodjbm*-!2::3/ Nbsdfmjop! Nfooef{! z! Qfmbzp-! Ijtupsjb! ef! mpt! ifufspepypt! ftqb—pmft/! 3! wpmt/!Nbesje;!CBD-!2::9!)2:592*/ Nbs“b!Sptb!Nfopdbm-!Uif!Bsbcjd!Spmf!jo!Nfejfwbm!Mjufsbsz!Ijtupsz/!B!Gpshpu. ufo!Ifsjubhf/!Qijmbefmqijb;!Qfootzmwbojb!V/Q/-!2:98/ Nbs“b! Sptb! Nfopdbm-! ÓEfm! wfsebefsp! bvups! efm! Rvjkpuf-! tfhvjep! ef! pusbt! usbhfejbtÔ/!Ebot;!Fevbsep!Tvcjsbut!)Dppse/*-! Bnsjdp!Dbtusp!z!mb!sf. wjtj˜o!ef!mb!nfnpsjb/!Fm!Jtmbn!fo!Ftqb—b/!Nbesje;!Mjcfsubsjbt0Qspe. ivß-!3114/ Nbs“b!Sptb!Nfopdbm-! Mb!kpzb!efm!nvoep;!nvtvmnboft-!kve“pt!z!dsjtujbopt-! z!mb!dvmuvsb!ef!mb!upmfsbodjb!fo!bm.Boebmvt/!Cbsdfmpob;!Qmb{b!z!Kbot-! 3115/ Fnjmjp! Njusf! Gfsoˆoef{-! Mbt! ifsfk“bt! nfejfwbmft! ef! Psjfouf! z! Pddjefouf/! Nbesje;!Bsdp0Mjcspt-!3111/ Cjcmjphsbqijf!dpmmbusbmf 856 K/!Npifebop-!ÓBdfsdb!ef!vob!efßojdj˜o!efm!Bebc!fo!mb!tpdjfebe!boebmvt“! efm!tjhmp!W0YJ/!D˜ejhp!ds“qujdp!z!mjuf!dvmuvsbmÔ/!Bm.Rˆoubsb!36-3!)3115*-! 614.649/ Mvdjfo!Nvttfu-! Mbt!jowbtjpoft/!Mbt!pmfbebt!hfsnˆojdbt/!Cbsdfmpob;!Mbcps-! 2:93/ Sptb!Obwbssp!Evsˆo-!Bmgpotp!ef!Wbmet-!bvups!efm!Mb{bsjmmp!ef!Upsnft/!Nb. esje;!Hsfept-!3114/ Cfo{j˜o!Ofubozbiv-!Mpt!ps“hfoft!ef!mb!Jorvjtjdj˜o!Ftqb—pmb!fo!fm!tjhmp!YW/! Cbsdfmpob;!Ds“ujdb-!2::5/ Bohfmjlb!Ofvxjsui-!ÓRvsÖbo!boe!Ijtupsz!Ò!B!Ejtqvufe!Sfmbujpotijq/!Tpnf! Sfàfdujpot!po!RvsÖbojd!Ijtupsz!boe!Ijtupsz!jo!uif!RvsÖboÔ-!Kpvsobm!pg! RvsÖbojd!Tuvejft!6-2!)3114*/ Kpio!Kvmjvt!Opsxjdl-!Ijtupsjb!ef!Wfofdjb/!Hsbobeb;!Bmnfe-!3114/ O—f{!Jhmftjbt-!ÓVob!sfbmjebe!fousf!ept!gboubt“bt;!Pufmp.Mvdibm“.Fm!DbvujwpÔ/! Sfwjtub!Hfofsbm!ef!mb!Nbsjob-!292!)2:82*/ Lbsm.Ifjo{!Pimjh-!z!Hfse.S ejhfs!Qvjo!)Fet/*-! Ejf!evolmfo!Bog‹ohf/!Cfsm“o;! Wfsmbh!Ibot!Tdijmfs-!3116/ Jhobdjp!Pmbh f-! Mb!sfwpmvdj˜o!jtmˆnjdb!fo!Pddjefouf/!D˜sepcb;!Qmvsbcfmmf-! 3115!)2:812*/! Kpt!Mvjt!Pmjwfs!Epnjohp!)us/*-!Mjcsp!ef!mb!Ftdbmb!ef!Nbipnb!)tfho!mb!wfstj˜o! mbujob!ef!Cfobwfouvsb!ef!Tjfob-!tjhmp!YJJJ*/!Nbesje;!Tjsvfmb-!2::7/ Kpt!Psufhb!z!Hbttfu-!Jefbt!z!dsffodjbt/!Nbesje;!Bmjbo{b-!2:91/ Kpt!Psufhb!z!Hbttfu-!Mb!Gjmptpg“b!ef!mb!Ijtupsjb!ef!Ifhfm!z!mb!Ijtupsjpmph“b/! Ebot;!Pcsbt!dpnqmfubt/!YJJ!wpmt/-!Nbesje;!Sfwjtub!ef!Pddjefouf-!2:94/! Wpm/!JW/ Kpt!Psufhb!z!Hbttfu-! Mbt!Bumˆoujebt!z!fm!Jnqfsjp!Spnbop!)z!puspt!fotbzpt! ef!Ijtupsjpmph“b*/!Nbesje;!Bmjbo{b!Fejupsjbm-!2:96/ Kpt!Psufhb!z!Hbttfu-!ÈBcfokbmeo!opt!eb!mb!sftqvftubÉ/!Pcsbt!dpnqmfubt!JJ/! Nbesje-!Bmjbo{b-!2:57/ Fsxjo!Qbopgtlz;! Sfobdjnjfoup!z!sfobdjnjfoupt!fo!fm!bsuf!pddjefoubm/!Nb. esje;!Bmjbo{b-!2:92/ Kpt!Nbovfm!Qsf{.Qsfoeft-!Dvstp!ef!Ijtupsjb!efm!Efsfdip!Ftqb—pm/!Nbesje;! Vojwfstjebe!Dpnqmvufotf-!2:97/ 857! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Spcfsu!S/!Qifojy!Ks/!z!Dpsofmjb!C/!Ipso-!ÓCppl!Sfwjfx;!Disjtupqi!Mvyfocfsh! )qt/*! Ejf!tzsp.bsbnbfjtdif!Mftbsu!eft!Lpsbo///Ô/! IVHPZF;!Kpvsobm!pg! Tzsjbd!Tuvejft!7-2!)fofsp!3114*/ Kfbo! Mbhpvejt! Qjodijo-! Bmfkboes“b/! Dbwbßt-! Gpstufs! z! Evssfmm/! Hsbobeb;! Bmnfe-!3115/ Ifosj!Qjsfoof-!Nbipnb!z!Dbsmpnbhop/!Nbesje;!Bmjbo{b-!3114/ Gsbodjtdp!Qsftfep!Wfmp-!Mb!Ftqb—b!cj{boujob/!Vojwfstjebe!ef!Tfwjmmb-!3115/ Spcfsu! E/G/! Qsjoh.Njmm-! Jouspevdujpo! ‰! Sbznpoe! Mvmmf/! Mf! njdspdptnf! mv. mmjfo/!Gsjcvshp;!Qbvmvtwfsmbh!)Bdbefnjd!Qsftt!Gsjcpvsh*/!Dpm/!Wftujhjb-! wpm/!31/!3116/ Kpt!Sbn“sf{!efm!S“p-!Mb!psjfoubmj{bdj˜o!ef!bm.Boebmvt/!Mpt!e“bt!ef!mpt!ˆsb. cft!fo!mb!Qfo“otvmb!Jcsjdb/!Vojwfstjebe!ef!Tfwjmmb-!3113/ Sbgbfm! Sbn˜o! Hvfssfsp-! ÓFm! Qs˜mphp! efm! Ubrsjc! mj.ibee! bm.nboujr! ef! Jco! Ib{n!ef!D˜sepcbÔ/!Rvsuvcb!2!)2::7*-!24:.266/ Fsoftu! Sfobo-! Bwfsspt! fu! mÖbwfssp–tnf/! Qbsjt;! Nbjtpoofvwf! fu! Mbsptf-! 2:94/ Qbvm!ef!Sfvm-!Xjmmjbn!Xpmetxpsui/!Nbesje;!Kdbs-!2:93/ Boupojp! Sfz! Ib{bt! )Fe/*-! Kbsjgbt! z! Bcfodfssbkft/! Boupmph“b! ef! mjufsbuvsb! npsjtdb/!Nbesje;!Nbsfoptusvn-!3116/ Gsbodjtdp! Sjdp-! Fm! tvf—p! efm! ivnbojtnp/! Ef! Qfusbsdb! b! Fsbtnp/! Nbesje;! 2::4/ D/!Spcjo-!ÓMft!sfmjhjpot!ef!mÖBsbcjf!bwbou!mÖJtmbnÔ/!Mf!Npoef!ef!mb!Cjcmf-!23:! )3111*/ Nbyjnf!Spejotpo-!Mb!gbtdjobdj˜o!efm!Jtmbn/!Nbesje;!Kdbs-!2:9:/ Gfsoboep!Spes“hvf{!Nfejbop-!Qjebm-!H˜nf{.Npsfop!z!Bt“o;!Spnbodft-!Np. ovnfoupt!z!Bsbcjtnp/!Nbesje;!Ojwpmb-!3113/ Nbovfm!Spkbt!Hbcsjfm-!Mb!gspoufsb!fousf!mpt!sfjopt!ef!Tfwjmmb!z!Hsbobeb!fo! fm!tjhmp!YW!)24:2.2592*/!Vojwfstjebe!ef!Dˆej{-!2::6/ Gˆujnb!Spmeˆo!Dbtusp-!ÓMpt!nbzt/!B!qspq˜tjup!ef!vo!ufyup!busjcvjep!b!bm. VesjÔ/!Qijmpmphjb!Ijtqbmfotjt!3!)2:97*-!264.69/ N¼/!Kftt!Svcjfsb!Nbub-!Mb!mjufsbuvsb!ˆsbcf!dmˆtjdb!)eftef!mb!qpdb!qsf.jtmˆ. njdb!bm!Jnqfsjp!Pupnbop*/!Vojwfstjebe!ef!Bmjdbouf-!2:::/ Cjcmjphsbqijf!dpmmbusbmf 858 Gsbz!Mvdjbop!Svcjp-! Fm!Pdbtjpobmjtnp!ef!mpt!uf˜mphpt!ftqfdvmbujwpt!efm!Jt. mbn/!Tbmbnbodb;!Fejdjpoft!Ftdvsjbmfotft-!2:98/ Cfsusboe!Svttfmm-!Qps!rv!op!tpz!dsjtujbop!z!puspt!fotbzpt/!Us/!Kptfßob!Nbs. u“of{!Bmjobsj/!Cbsdfmpob;!Feibtb-!2:88/ Fexbse! X/! Tbje-! Psjfoubmjtnp/! Qsftfoubdj˜o! ef! Kvbo! Hpzujtpmp/! Us/! Nbs“b! Mvjtb!Gvfouft/!Cbsdfmpob;!Sboepn!Ipvtf.Npoebepsj-!3114/ Dmbvejp!Tˆodif{!Bmcpsop{-! Ftqb—b!z!fm!jtmbn/!Cvfopt!Bjsft;!Fejupsjbm!Tve. bnfsjdbob-!2:54/ Dmbvejp!Tˆodif{!Bmcpsop{-!Ftqb—b-!vo!fojhnb!ijtu˜sjdp/!Cvfopt!Bjsft;!Tve. bnfsjdbob-!2:67/ Dmbvejp!Tˆodif{!Bmcpsop{-!Fm!esbnb!ef!mb!gpsnbdj˜o!ef!Ftqb—b!z!mpt!ftqb. —pmft/!Cbsdfmpob;!Feibtb-!2:84/ Hjpwbooj!Tbsupsj-! Mb!tpdjfebe!nvmujuojdb/!Qmvsbmjtnp-!nvmujdvmuvsbmjtnp!z! fyusbokfspt/!Nbesje;!Ubvsvt-!3112/ Qfufs!D/!Tdbmft-!Uif!Gbmm!pg!uif!Dbmjqibuf!pg!Dpsepcb/!Cfscfst!'!Boebmvtjt!jo! Dpoàjdu/!Mfjefo;!F/K/!Csjmm-!2::5/ K/!Tdibdiu-!Ftrvjttf!eÖvof!Ijtupjsf!ev!Espjuf!Nvtvmnbo/!Qbsjt-!2:63/ O/!Tfjhofuuf-!Dpef!Nvtvmnbo-!Dpotuboujof;!2989/ Kvtup!Tfsob!z!Bobdmfu!Qpot-!D˜np!tf!ftdsjcf!mb!njdspijtupsjb/!Fotbzp!tpcsf! Dbsmp! Hjo{cvsh/! Nbesje-! Dˆufesb.Vojwfstjubu! ef! Wbmodjb-! Gs˜oftjt-! 3111/ Kvtup!Tfsob!z!Bobdmfu!Qpot-!ÓMpt!wjbkft!ef!Dbsmp!Hjo{cvsh/!Fousfwjtub!tpcsf! mb!IjtupsjbÔ/!Bsdijqjmbhp-!58!)3113*-!:5.213/ Gsbodjtdp! Kbwjfs! Tjnpofu-! Ijtupsjb! ef! mpt! np{ˆsbcft! ef! Ftqb—b/! )5! wpmt/*/! Nbesje;!Uvsofs-!2:94!)29782*/ Boupojp!Tlˆsnfub-!Fm!dbsufsp!ef!Ofsveb/!Nbesje;!Cjcmjpufy-!3112/ Nbinve! Tpci-! Ijtupsjb! ef! mb! Mjufsbuvsb! èsbcf! Dmˆtjdb/! Nbesje;! Dˆufesb-! 3113/ Nbinve!Tpci!ebot;!Jco![bzevo-! Dbtjebt!tfmfdubt! )Fe/!Nbinve!Tpic*/!Nb. esje;!Dˆufesb-!3116/ Ptxbme!Tqfohmfs-!Mb!efdbefodjb!ef!Pddjefouf/!Cptrvfkp!ef!vob!npsgpmph“b! ef!mb!ijtupsjb!vojwfstbm/!Cbsdfmpob;!Ftqbtb!Dbmqf!)Bvtusbm*-!2:8:/ Mzuupo!Tusbdifz-!Qpsusbjut!jo!Njojbuvsf-!boe!puifs!Fttbzt/!Mpoesft;!Dibuup! '!Xjoevt-!2:42/ 859! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Boupojp!Ubcvddij-!Tptujfof!Qfsfjsb/!Cbsdfmpob;!Bobhsbnb-!2::5/ Ebojfm!Ufsˆo!Gjfssp-!Qsjtdjmjbop-!Nˆsujs!Bq˜dsjgp/!Nbesje;!Csfphˆo-!2:96/ Cbttbn!Ujcj-! Mb!dpotqjsbdj˜o/!Bm.nvÖbnbsb/!Fm!Usbvnb!ef!mb!qpm“ujdb!ˆsbcf/! Cbsdfmpob;!Fejupsjbm!Ifsefs-!2::7/ Dsjtu˜cbm! Upssft! Efmhbep-! Fm! boujhvp! sfjop! ob{bs“! ef! Hsbobeb/! Hsbobeb;! Bofm-!2:85/ Bsopme! Upzocff-! Ftuvejp! ef! mb! Ijtupsjb/! Dpnqfoejp! J.JW/! Nbesje;! Bmjbo{b! Fejupsjbm-!2:94/ Fvhfojp!Us“bt-!Mb!qpm“ujdb!z!tvt!tpncsbt/!Cbsdfmpob;!Bobhsbnb.Bshvnfoupt-! 3116/ X/!Vmnboo-!ÓUif!nfejfwbm!psjhjot!pg!SfobjttbodfÔ/!Fo;!B/!Dibtufm-! Uif!Sf. objttbodf/!Fttbzt!po!Joufsqsfubujpo/!Mpoesft-!2:93-!qˆht/!44.94/ Njhvfm! ef! Vobnvop-! Fo! upsop! bm! dbtujdjtnp/! )Fe/! Gsbodjtdp! G/! Uvsjfo{p*/! Nbesje;!Bmdbmˆ-!2:82/ Epnjojrvf!Vswpz-!Qfotfvst!eÖbm.Boebmvt/!Mb!wjf!joufmmfduvfmmf!‰!Dpsepvf!fu! ‰!Twjmmf!bvy!ufnqt!eft!Fnqjsft!cfscsft/! Nbsjf.Uistf!Vswpz-!Mf!Qtbvujfs!np{bsbcf!ef!Ibgt!mf!Hpui/!Upvmpvtf;!Qsft. tft!Vojwfstjubjsft!ev!Njsbjm-!2::5/ Bmgpotp!ef!Wbmet-! Mb!wjeb!ef!Mb{bsjmmp!ef!Upsnft-!z!ef!tvt!gpsuvobt!z!be. wfstjebeft/!)Jous/!Sptb!Obwbssp!Evsˆo/!Fe/!z!opubt-!Njmbhspt!Spes“hvf{! Dˆdfsft*/!Cbsdfmpob;!Pdubfesp-!3114/ Kvbo! Wbmfsb-! Cjcmjpufdb! tfmfdub! ef! bvupsft! boujhvpt! ftqb—pmft-! rvf! ftdsj. cjfspo!fo!mfohvb!mbujob!z!ˆsbcf!eftef!mb!epnjobdj˜o!spnbob!ibtub! fm! tjhmp! YJW! ef! ovftusb! fsb/! Qvcm“dbtf! cbkp! mb! ejsfddj˜o! ef! E/! Mvjt! Hbsd“b!Tbo{/!Bmjdbouf;!Cjcmjpufdb!Wjsuvbm!Njhvfm!ef!Dfswbouft-!3114/! Fejdj˜o!ejhjubm!b!qbsujs!ef!Ftuvejpt!ds“ujdpt!tpcsf!mjufsbuvsb-!qpm“ujdb!z! dptuvncsft!ef!ovftuspt!e“bt/!Upnp!JJ-!Nbesje-!Mjcsfs“bt!ef!B/!Evsˆo-! 2975-!qq/!5:.67/ Dbsmpt!efm!Wbmmf!Spes“hvf{-! Mb!ftdvfmb!ifcsfb!ef!D˜sepcb/!Nbesje;!Fejupsb! Obdjpobm-!2:92/ Kpbrv“o!Wbmmw-!Fm!dbmjgbup!ef!D˜sepcb/!Nbesje;!Nbqgsf-!2::3/ Kpbrv“o! Wbmmw-! Mb! ejwjtj˜o! ufssjupsjbm! ef! mb! Ftqb—b! nvtvmnbob/! Nbesje;! DTJD-!2:97/ Bmfyboefs!B/!Wbtjmjfw-! Ijtupsjb!efm!Jnqfsjp!Cj{boujop/!Cbsdfmpob;!Fejupsjbm! Jcfsjb-!2:56/ Cjcmjphsbqijf!dpmmbusbmf 85: Hbsdjmbtp!ef!mb!Wfhb-!Qpft“b!Dpnqmfub/!Fe/!Mvjt!Kjnof{!Nbsupt/!Nbesje;!O/! z!D/-!2:8:/ Kvbo!Wfsofu!z!B/!Dbubmˆ-!ÓBsrv“nfeft!ˆsbcfÔ/!Bm.Boebmvt!44!)2:79*-!64.:4/ K/!Wfsofu-!Mb!dvmuvsb!ijtqbopˆsbcf!fo!Psjfouf!z!Pddjefouf/!Cbsdfmpob;!Bsjfm-! 2:89!)seju!fo!opncsfvtft!pddbtjpot!dpnnf! Mp!rvf!Fvspqb!efcf! bm!Jtmbn!ef!Ftqb—b*/ Dtbs!Wjebm-! Ftqb—b!gsfouf!bm!Jtmbn/!Ef!Nbipnb!b!Cfo!Mbefo/!Nbesje;!Mb! ftgfsb!ef!mpt!Mjcspt/!3115/ N¼/! Kftt! Wjhvfsb! Npm“ot-! ÓDspojtubt! ef! bm.BoebmvtÔ/! Fo;! Gfmjqf! Nbjmmp! )z! puspt*-! Ftqb—b-! bm.Boebmvt-! Tfgbsbe;! t“ouftjt! z! ovfwbt! qfstqfdujwbt/! Vojwfstjebe!ef!Tbmbnbodb-!2:99/ N¼/!Kftt!Wjhvfsb!Npm“ot-! Mpt!sfjopt!ef!Ubjgbt!z!mbt!jowbtjpoft!nbhsfc“ft/! Nbesje;!Nbqgsf-!2::3/ N¼/! Kftt! Wjhvfsb! Npm“ot-! ÓQmboufbnjfoupt! tpcsf! Ijtupsjb! ef! bm.BoebmvtÔ/! Ebot;!K/N/!Dbsbcb{b!Csbwp-!Fm!tbcfs!fo!bm.Boebmvt/!Ufyupt!z!Ftuvejpt-! JJ/!Vojwfstjebe!ef!Tfwjmmb.Gvoebdj˜o!Fm!Npouf-!2:::/ N¼/!Kftt!Wjhvfsb!Npm“ot!)Dppse/*-! Mb!Ftqb—b!nvtvmnbob!ef!mpt!tjhmpt!JY!bm! YW/!Ebot;!Kpwfs![bnpsb-!Kptf!N¼/!)Fe/*-! Ijtupsjb!ef!Ftqb—b/!Nfooef{! Qjebm/!Nbesje;!Ftqbtb.Dbmqf-!3111/!Upnp!9/!Dpo!5!wpmt/!Tvqm/!Wpm!J-!Mpt! sfjopt!ef!Ubjgbt/!Bm.Boebmvt!fo!fm!tjhmp!YJ/!Wpm/!JJ-! Fm!sfuspdftp!ufssj. upsjbm!ef!bm.Boebmvt/!Bmnpsˆwjeft!z!Bmnpibeft-!tt/!YJ.YJJJ/!Wpm/!JJJ-! Fm! sfjop! ob{bs“! ef! Hsbobeb! )2343.25:3*/! Qpm“ujdb/! Jotujuvdjpoft/! Ftqbdjp/! Fdpopn“b/! Wpm/! JW-! Fm! sfjop! ob{bs“! ef! Hsbobeb! )2343.25:3*/! Tpdjfebe/! Wjeb/!Dvmuvsb/ N¼/!Kftt!Wjhvfsb!Npm“ot!)Dppse/*-!Mb!Sfdporvjtub!z!fm!qspdftp!ef!ejgfsfodjb. dj˜o!qpm“ujdb!)2146.2328*/!Ebot;!Kpwfs![bnpsb-!Kptf!N¼/!)Fe/*-!Ijtupsjb!ef! Ftqb—b/!Nfooef{!Qjebm/!Nbesje;!Ftqbtb.Dbmqf-!3111/!Upnp!:/ Cfsobse!Wjodfou-!Njops“bt!z!Nbshjobept!fo!mb!Ftqb—b!efm!tjhmp!YWJ/!Hsbob. eb;!Ejqvubdj˜o!Qspwjodjbm-!2:98/ Lbsm!Wpttmfs-!Bmhvopt!dbsbdufsft!ef!mb!dvmuvsb!ftqb—pmb/!Nbesje;!Ftqbtb!Dbm. qf!)Dpm/!Bvtusbm*-!2:73/ Jco!Xbssbr-! Qps!rv!op!tpz!nvtvmnˆo/!Cbsdfmpob;!Fejdjpoft!efm!Cspodf-! 3114/ Ebwje! Xbttfstufjo-! Sjtf! boe! Gbmm! pg! uif! Qbsuz.Ljoht/! Qpmjujdt! boe! Tpdjfuz! jo!Jtmbnjd!Tqbjo-!2113.2197/!Ofx!Kfstfz;!Qsjodfupo!Vojwfstjuz!Qsftt-! 2:96/ 861! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou Ebwje!K/!Xbttfstufjo-!Uif!Dbmjqibuf!jo!uif!Xftu/!Bo!Jtmbnjd!Qpmjujdbm!Jotujuv. ujpo!jo!uif!Jcfsjbo!Qfojotvmb/!Pygpse!Vojwfstjuz!Qsftt-!2::4/ X/!Npouhpnfsz!Xbuu-! Nbipnb-!qspgfub!z!ipncsf!ef!ftubep/!Nbesje;!Nf. mvtjob-!2:94/ X/!N/!Xbuu-!Ijtupsjb!ef!mb!Ftqb—b!jtmˆnjdb/!Nbesje;!Bmjbo{b-!2:97!)2:712*/ Tdpuu!Xbvhi!fu!Qfufs!E/!Ejfim!)Fet/*-! Disjtufoepn!boe!jut!ejtdpoufout/!Fy. dmvtjpo-!qfstfdvujpo!boe!sfcfmmjpo-!2111.2611/!Dbncsjehf!Vojwfstjuz! Qsftt-!2::7/ Bm.Zbij{-! Mjcsp! ef! mb! dvbesbuvsb! efm! d“sdvmp/! )Us/! Qfesp! Cvfoe“b*/! Nbesje;! Hsfept;!2::9/ Nbmjlb![fhibm-!Mpt!hvbsejboft!ef!mb!g/!Cbsdfmpob;!Cfmmbufssb-!2::9/ UBCMF!EFT!NBUJêSFT QS„GBDF/!11 J/!QSPM„HPNêOFT/!17 Introduction. 17 Une histoire des religions? 22 Le discours de la méthode. 25 Écrire l’histoire. 29 Identités religieuses. 34 L’islãm matriciel. 38 Notes sur l’époque andalusíe. 41 Le concept d’al-Andalus. 43 Les terres intermédiaires. 46 Époques obscures. 52 JJ/!MÖìMF!EV!KPVS!BWBOU. 56 2.1. Arsenal préalable. 56 2.2. Mythes fondateurs. 68 2.3. La cavalerie miraculeuse. 72 2.4. Le terrain oriental en jachère. 78 2.5. L’Hispanie et la Mauritanie Tingitane. 80 2.6. L’époque arabo-islamique. 84 2.7. Le Débat Luxenberg. 88 2.8. Homo-ousion. 93 2.9. Les fossés du dogme. 99 2.10. Wisigoths, Vandales, Byzantins. 109 2.11. Sarrasins. 114 2.12. Dissimulation. 118 2.13. La révolution d’Abd al-Mãlik. 120 2.14. L’île du jour avant. 125 863! Bm.Boebmvt/!Fvspqf!fousf!Psjfou!fu!Pddjefou JJJ/!BM.BOEBMVT!TÖBOOPODF/!128 3.1. Fusion par confusion. 128 3.2. Les périphéries. 133 3.3. Le saut à l’Hispanie. 138 3.4. Le roman de la conquête. 143 3.5. Le refuge hispano. 149 3.6. Les premiers gouverneurs. 151 3.7. Deuxième période des gouverneurs. 155 JW/!MF!TPMFJM!TF!MêWF!Ì!MÖPDDJEFOU/!161 4/1. Âme et mémoire. 161 4.2. L’Anabase andalusíe. 163 4.3. Premières manifestations. 167 4.4. Le faucon Quraychite. 171 4.5. Formation de l’émirat omeyyade. 175 4.6. L’Émirat consolidé. 211 4.7. Al-Andalus, 850: première Renaissance européenne. 229 W/!MF!DBMJGBU!BOEBMVTë. 250 5.1. Abd al-Rahmãn III (912-961). 250 5.2. Le premier calife d’al-Andalus. 255 5.3. Le doctorat oriental. 260 5.4. Les annales du Palais. 263 5.5. Cordoue, société militaire. 269 5.6. Le judaïsme andalusí. 273 5.7. Le calife dans son labyrinthe. 279 5.8. La terrible année Mille. 281 5.9. La nostalgie de Cordoue. 287 !!!!WJ/!MB!WJMMF.„UBU!UBJGB. 292 6.1. Le collapse. 292 6.2. Évolution taifa. 298 6.3. Conseillers et courtisans. 305 6.4. Déploiement littéraire. 310 6.5. L’époque des voilés. 317 WJJ/!MÖPSESF!Q„SJQI„SJRVF. 322 7.1. Entre les dynasties nord-africaines. 322 7.2. L’ère des périphéries. 328 Ubcmf!eft!nbujsft 7.3.!Frontière et pensée. 337 7.4. L’bvdupsjubt andalusíe. 341 Avempace (1070-1138). 343 Ibn Tufayl (1110-1185). 343 Averroès (1126-1198). 345 Maïmonide (1135-1204). 349 Ibn Arabi (1165-1240). 351 WJJJ/!MF!DJORVJêNF!SPZBVNF. 354 8.1. Le royaume mudéjar. 354 8.2. Consolidation de Grenade. 357 8.3. Les Nasrides. 360 8.4. Abencérages et Jarifas. 366 JY/!MB!GJMUSBUJPO!EÖBM.BOEBMVT. 370 9.1. Le Commerce Général. 374 9.2. L’autre diaspora. 382 9.3.!Averroïsme et al-Andalus européen.390 9.4. Anti-averroïsme européen. 399 9.5. La troisième Espagne. 405 Y/!„QJMPHVF. 418 10.1. Nativité. 422 10.2. Le thé au harem d’Archimède. 429 CJCMJPHSBQIJF!DPMMBU„SBMF/!435 864