COLARD MANSION,
PASSEUR DE TEXTES ?
Depuis les années 1420-1430, Bruges occupe une place éminente dans
l’art de la miniature des anciens Pays-Bas. Cette situation perdure tout
au long du règne de Philippe le Bon et se poursuivra jusqu’à l’entame du
xvie siècle. La production ainsi que la difusion de manuscrits, notamment de luxe, ont largement profité du statut de métropole commerciale
européenne de la ville ainsi que de la présence de la cour des ducs de
Bourgogne1. Le positionnement de la Venise du Nord sur le marché du
livre n’a pas échappé à la vigilance des premiers imprimeurs en quête
de débouchés commerciaux. Des livres imprimés y étaient d’ailleurs en
circulation des années avant l’ouverture d’une oicine typographique.
La trace la plus ancienne remonte au 17 avril 1467, quand John Russell
(† 1494), alors archidiacre de Berkshire en mission diplomatique pour
le compte du roi d’Angleterre, y fait l’acquisition d’un De oiciis de
Cicéron imprimé par Peter Schoefer et Johann Fust l’année précédente2.
La présence de livres reproduits à l’aide de caractères mobiles n’aura
certainement pas manqué d’attirer l’attention des diférents acteurs
du milieu du livre brugeois. Parmi ceux-ci se dégage une personnalité
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Nous ne renverrons ici qu’à quelques grandes synthèses relatives à la place de Bruges
dans l’histoire de l’enluminure : Georges Dogaer, Flemish Miniature Painting in the 15th
and 16th Centuries, Amsterdam, B. M. Israël, 1987 ; Maurits Smeyers, L’art de la miniature
flamande du VIIIe au XVIe siècle, Tournai, La Renaissance du livre, 1998 ; Illuminating the
Renaissance. The Triumph of Flemish Manuscript Painting in Europe, éd. Thomas Kren &
Scott McKendrick, Los Angeles, The J. Paul Getty Museum – Londres, Royal Academy
of Arts, 2003 ; Miniatures flamandes, 1404-1482, éd. Thierry Delcourt et al., Bruxelles,
Bibliothèque royale de Belgique – Paris, Bibliothèque nationale de France, 2011.
John C. T. Oates, A Catalogue of the Fifteenth-Century printed Books in the University Library,
Cambridge, Cambridge, The University Press, 1954, no 28. Diplomate anglais en charge des
relations avec la cour de Bourgogne et détenteur de nombreuses prébendes, John Russell
obtiendra l’évêché de Lincoln en 1471 avant d’être nommé chancelier d’Angleterre en
1483 (John A. F. Thomson, « Russell, John », Oxford Dictionary of National Biography,
t. 48, éd. Henri C. G. Matthew & Brian Harrison, Oxford, 2004, p. 276-277).