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Bibliographie
La partie «textes choisis» comprend, quant à elle, des commentaires détaillés à propos de travaux
considérés comme particulièrement importants, articles élaborés par les membres de la Cour suprême
argentine. Ces derniers traitent, par exemple, d’une part, de la question de l’insolvabilité des Etats, et,
d’autre part, du problème des populations indigènes dans le monde abordé sous l’angle des droits fondamentaux, en particulier de l’accès à la justice et du droit à l’éducation.
De manière plus classique, Investigaciones s’achève par trois rubriques informatives. D’abord, une section consacrée aux «documents», qui indique une sélection de traités, conventions, et autres instruments normatifs adoptés dans l’année de par le monde. Puis, «les informations», section comprenant
de brefs articles permettant de faire le point sur l’adoption et le contenu d’une séries de textes provenant aussi bien des Nations Unies que de l’Union européenne ou du Mercosur. Enfin, Investigaciones
accorde une place importante aux «nouveautés bibliographiques», que ce soit des ouvrages ou des
périodiques pour lesquels est présenté un échantillon de la table des matières annuelle.
En définitive, Investigaciones est une publication très documentée, qui fourmille d’informations et de références sur de nombreux domaines juridiques susceptibles d’intéresser un très large public. Cependant, il
apparaît à sa lecture que la volonté de ses rédacteurs de fournir un panel diversifié de l’état du droit à la
fois constitutionnel et des droits de l’homme dans le monde sans se fixer de thématiques claires en dehors
de la rubrique consacrée aux «Etudes», complique quelque peu son utilisation, au moins à des fins de
recherches dans un domaine spécifique, ce qui rend cette publication surtout utile à un lecteur en quête
d’actualité. Dans ce sens, il y trouvera de bonnes synthèses et des informations intéressantes à propos de
problématiques pas toujours considérées comme majeures dans les publications européennes.
Aurélie BINET-GROSCLAUDE
BIBLIOGRAPHIE
9. Massimo DONINI et Michele PAPA (éd.), Diritto penale del nemico. Un dibattito internazionale
(Droit pénal de l’ennemi. Un débat international), Milano, Giuffrè, 2007, 387 pages
Au cours des deux dernières années, la doctrine italienne a contribué au débat sur le droit pénal de
l’ennemi. Après la publication de Delitto politico e diritto penale del nemico (Délit politique et droit pénal
de l’ennemi) en 2007, résultat de la Conférence organisée par l’Association «Franco Bricola» à Trento
en 2006, deux éminents professeurs de droit pénal ont édité un nouveau livre, qui regroupe les essais
les plus récents écrits par différents universitaires.
Comme l’éclaircissent les directeurs de la publication Massimo Donini et Michele Papa, dans leur introduction, le but principal de Diritto penale del nemico. Un dibattito internazionale est «d’opérer une sélection très pointue d’essais particulièrement pertinents» (p. viii) d’un certain nombre de savants internationaux. Le résultat est une anthologie regroupant des essais écrits pour la plupart par des Allemands
et des auteurs d’Amérique latine qui ont activement pris part au débat au cours de ces dernières
années. De plus, la dernière section du livre est entièrement dédiée aux essais provenant du contexte
nord-américain. Le choix de se concentrer sur des auteurs venant de trois continents différents nous
permet de comprendre les deux buts principaux du livre qui sont d’analyser les implications internationales du débat sur le droit pénal de l’ennemi et d’interpréter le sens de son accueil dans des
contextes différents.
Le livre commence par une partie théorique qui a pour but de clarifier les catégories conceptuelles
du débat. Le premier essai est de Gunther Jakobs, qui représente le point de départ indispensable à
toute discussion à propos du droit pénal de l’ennemi. Le juriste allemand proposa le paradigme d’un
droit pénal à deux volets, capable d’établir une différenciation entre ennemis et citoyens et ce pour la
première fois à la Conférence des pénalistes à Berlin en 1999. Son intervention provoqua un débat qui
a atteint son point culminant ces dernières années, tout particulièrement depuis l’expansion du terrorisme international et la réapparition de l’«ennemi interne» dans nos sociétés.
C’est Kai Ambos qui fournit au lecteur la réponse la plus importante à la proposition de Jakobs, en
instaurant un cadre pour une critique du paradigme du droit pénal de l’ennemi. Tout d’abord, un tel
droit est peu clair quant aux règles qui devraient être établies pour identifier les ennemis. L’idée en
soi de «sécurité cognitive» signifie que citoyens et ennemis ne se distinguent pas sur la base de l’ac-
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ceptation d’un cadre de règles constitutionnelles, mais sur la base d’un nombre de valeurs qui seraient
l’expression de la majorité dominante. Une peine dont le but principal serait d’«affirmer l’identité de
la culture dominante» (p. 48) favorisera très probablement des abus de la part du pouvoir public. Ce
qui est plus important encore c’est que la construction théorique de Jakobs se fissure puisqu’elle ne
prend pas en considération les conséquences qu’un tel droit pourrait avoir dans des contextes caractérisés par la présence de minorités. Un droit pénal de l’ennemi qui laisse l’Etat libre de décider à qui
donner les droits constitutionnels sur la base de l’acceptation des valeurs dominantes deviendrait un
prétexte et un instrument pour marginaliser et opprimer les minorités non désirées. C’est ce qu’Ambos veut dire quand il définit la proposition de Jakobs de «dogmatique sans conséquences». «Il semble
que l’aspect dont [Jakobs] se soucie le plus est la cohérence du système, sans prêter aucune attention
aux conséquences» (p. 54). Tandis que, selon Ambos, prendre en considération les conséquences pratiques d’une construction intellectuelle doit être la tâche essentielle de tout chercheur juridique.
La tentative d’étudier les implications internationales du droit pénal de l’ennemi est probablement
moins convaincante. Cette tâche a été accomplie par Daniel Pastor qui commence son essai avec une
forte critique du droit pénal de l’ennemi. Par la suite, cette critique est utilisée par l’auteur comme
instrument pour déclarer l’illégitimité du droit pénal international, qui est considéré comme l’exemple
le plus clair du droit pénal de l’ennemi. Basé sur l’idée de «justice à n’importe quel prix», le droit
pénal international présenterait les caractéristiques d’une guerre dans laquelle l’accusé est l’ennemi
qui a subi la défaite. Etant donné l’inexistence d’un cadre de valeurs universelles commun à toute l’humanité sur lesquelles un ordre juridique puisse être établi, l’activité des juridictions pénales internationales ne serait rien d’autre qu’un «système de justice auto désigné» (p. 233). Derrière la façade
d’une juridiction pénale réelle, il y aurait un désir de domination de la culture occidentale.
Ces critiques sont des mises en garde très utiles pour nous rappeler les dégénérescences possibles d’un
système de justice internationale parfois plus orienté vers une sanction des ennemis supposés de l’humanité plutôt que vers la constatation des responsabilités individuelles. Le droit pénal n’est pas une
philosophie de l’histoire: quand des criminels internationaux sont traduits en justice on ne peut pas
se comporter comme si l’histoire était de notre côté. Cependant, quand on a affaire à des dictateurs
qui violent les droits humains et qui commettent des génocides l’inaction ne peut pas non plus être la
réponse. Dans la lutte contre le terrorisme, la violation des droits humains et les crimes internationaux,
le relativisme n’est pas une solution valable. Le relativisme culturel de ceux qui pensent que les droits
humains sont l’expression de l’impérialisme occidental se révèle inadéquat, parce qu’il ne fournit pas
de réponses à la question du que faire de ceux qui perpétuent des abus. La recherche des standards
minimaux de la justice internationale n’est pas nécessairement un moyen de domination culturelle.
Même en droit l’universalité est un concept peu commode derrière lequel de nombreux méfaits peuvent se cacher. Toutefois, l’universalité peut aussi vouloir dire recherche d’un accord autour de principes qui puissent être reconnus par tous. C’est dans ce sens un moyen pour permettre aux personnes
de vivre ensemble.
En conclusion, la critique légitimée du droit pénal de l’ennemi ne doit pas devenir le prétexte de
l’abandon de la recherche par une communauté internationale capable de renforcer et de garantir le
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BIBLIOGRAPHIE
La présence de plusieurs essais de savants nord-américains est ce qui rend la seconde partie du livre
encore plus intéressante, compte tenu du fait que le thème a été l’objet d’un débat qui a subi surtout
l’influence de la doctrine allemande exercée sur l’Italie, l’Espagne et l’Amérique Latine. Quand on
parle de droit pénal de l’ennemi, les Etats-Unis représentent une étude de cas à la fois importante et
paradoxale. D’une part, aux Etats-Unis, un vrai débat sur le droit pénal de l’ennemi n’a pas encore été
réellement instauré, tout au moins pas dans les modalités observées en Europe ou en Amérique latine.
D’autre part, les Etats-Unis fournissent des exemples concrets sur la manière dont le terrorisme peut
porter à la politisation du droit, ce qui est reconnu comme la plus grande caractéristique du droit pénal
de l’ennemi. Comme le signalent Donini et Papa, dans l’introduction, «l’écho de la discussion qui a
lieu en Europe et en Amérique latine est assez faible dans le contexte américain par contre ce qui existe
très concrètement c’est le phénomène lui-même» (p. viii). Les universitaires et les experts juridiques,
comme David Cole et Markus Dubber, proposent des analyses sérieuses des effets que le Patriot Act et
la législation post «9/11» ont eu sur le cadre juridique. Une attention particulière est réservée à la
situation des immigrants après l’exécution du principe du enemy alien.
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respect aux droits humains. Le droit pénal de l’ennemi est un concept de défi pour les sciences juridiques contemporaines en raison de la confusion théorique dans laquelle nous nous trouvons. La définition même de terrorisme, par exemple, est la preuve de cette confusion. Le terrorisme international
est la question cruciale de notre époque. Cependant, nous ne sommes pas encore certains si nous
devons le considérer comme un crime ou bien comme un acte belliqueux. Comme le souligne George
Fletcher, c’est parce qu’il représente «une dimension différente et une version différente du crime:
plus grave et plus dangereux, une sorte de super crime qui englobe plusieurs caractéristiques de la
guerre» (p. 371). Le droit pénal de l’ennemi vise à offrir une solution à ce type de problème, en colmatant la brèche entre guerre et crime. C’est dans ce sens que l’on peut mieux comprendre que tout
le débat est le résultat des difficultés que la science juridique contemporaine rencontre dans la définition des concepts. Une critique judicieuse du droit pénal de l’ennemi est nécessaire mais requiert
également une tentative pour résoudre certains problèmes conceptuels fondamentaux de notre
époque. Le livre édité par Donini et Papa est un bon point de départ.
Andrea BETTI
10. Alessandro GAMBERINI et Renzo ORLANDI (éd.), Delitto politico e diritto penale del nemico.
(Délit politique et droit pénal de l’ennemi), Bologna, Monduzzi, 2007, 398 pages
BIBLIOGRAPHIE
Le problème du délit politique est un vieux problème dans le domaine des études juridiques. Ce type
de crime est basé sur l’identification d’un ennemi qui menace l’existence même d’une communauté
politique et qui doit être neutralisé. C’est dans ce sens que les délits sont caractérisés par une politisation du droit, où l’intervention de l’autorité publique a pour but d’éliminer un type spécifique d’auteur et non pas un acte criminel seulement.
Ce sont les récentes attaques terroristes à New York, Washington, Madrid et Londres qui ont refait surgir le problème du délit politique. Etant donné la dangerosité de la menace, les états sont tentés d’établir des législations d’urgence qui tendent à sous-estimer les principes constitutionnels, tel le nullum
crimen sine lege et la proportionnalité de la peine, pour favoriser un droit qui ressemble à un combat.
La difficulté de distinction conceptuelle entre guerre et crime, ennemis et criminels, combat et législation est l’une des caractéristiques de l’ère globale et constitue le défi le plus important pour le droit
pénal contemporain. Quel rôle le droit pénal peut-il jouer dans notre ère de terrorisme? Peut-on éviter une contamination entre droit et politique?
Delitto politico e diritto penale del nemico (Délit politique et droit pénal de l’ennemi) veut répondre à ces
questions très complexes. Ce livre est le produit d’une Conférence organisée à Trento en mars 2006 par
l’Association «Franco Bricola» des juristes pénalistes et internationaux. Il regroupe des essais de savants
italiens et internationaux dont la plupart sont des pénalistes mais où interviennent également des spécialistes de droit international, des sociologues et des théoriciens politiques 1. Le livre est construit
autour de la thèse du juriste allemand Gunther Jakobs, bien connu pour être le théoricien d’un droit
pénal de l’ennemi 2.
Selon Jakobs, l’apparence des crimes que l’on peut qualifier de menaces pour l’existence même de la
communauté politique demande l’institutionnalisation d’un droit pénal à deux volets qui se base sur
une différenciation entre citoyens et ennemis. Le droit pénal doit pouvoir différencier les citoyens qui
«offrent une garantie cognitive suffisante de comportement adéquat par rapport au système» (p. 22)
des ennemis qui décident d’aller explicitement contre les valeurs constitutives de la communauté politique. Citoyens et ennemis sont deux catégories susceptibles de commettre des délits. Toutefois ce qui
différencie ces deux catégories est la garantie offerte par le citoyen de respecter dans le futur la norme
qui a été violée alors que l’ennemi ne peut en faire autant. C’est pour ces raisons que les citoyens qui
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Les co-auteurs du volume sont : Alessandro Gamberini, Renzo Orlandi, Carlo Galli, Vincenzo Ruggiero, Tullio Padovani, Munoz Conde, Gonzalo Quintero-Olivares, Gunther Jakobs, Massimo Donini, Giovanni Fiandaca, Gonzales Cussac, Domenico Pulitanò, Gaetano Insolera, Giuseppe Losappio, Antonio Cavaliere,
Roberto Kostoris, Luis Salas, Berislav Pavisic, Emanuela Fronza, Federica Gioia.
Après la conceptualisation de Jakobs à la fin des années 1990, le débat a touché l’Italie, l’Espagne et l’Amérique latine en raison de l’influence que la doctrine allemande a toujours exercée sur ces pays.
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se comportent comme des criminels ordinaires doivent être traités en tant que «personnes dans la loi»
et à qui on doit accorder la protection des droits fondamentaux qui sont reconnus aux accusés dans
les systèmes libéraux. Par contre, les ennemis représentent un type particulier de criminels dont la dangerosité requiert une réduction de la protection légale que l’état de droit accorde aux accusés.
Ce qui rend le livre très intéressant est le fait que tous les auteurs ne s’engagent pas sur les mêmes prémisses dans le débat avec Jakobs. Certains sont plus conscients que d’autres de la nécessité pour le droit
pénal de faire face au phénomène tel que le terrorisme qui ne peut pas être traité comme un crime ordinaire, étant donné sa capacité à attaquer sur une large échelle et à détruire le tissu social qui tient les
sociétés entre elles. De ce point de vue, Massimo Donini met en relief que le droit pénal traditionnel face
à un danger absolu peut se révéler inadéquat. Cependant, la solution n’est pas à rechercher dans le droit
pénal de l’ennemi, que d’ailleurs l’auteur déclare illégitime. Mais, au contraire, la meilleure combinaison entre l’efficacité contre le crime et le respect pour les droits fondamentaux doit être recherchée dans
ce qu’on appelle le «droit pénal de lutte» (p. 131-178). D’une part, ce droit serait efficace puisqu’il permettrait à l’intérieur du cadre juridique l’application de mesures préalables, telles que les écoutes téléphoniques et la prison préventive. D’autre part, il serait légitimé puisque le droit constitutionnel et la protection contre l’utilisation arbitraire de la force seraient garantis au cours du procès.
L’idée d’un droit pénal entendu comme lutte contre des types particuliers de crimes n’est pas acceptée
par tous les auteurs. Par exemple, Antonio Cavaliere n’hésite pas à rejeter la proposition de Donini
qu’il trouve proche à celle de Jakobs. Selon Cavaliere, toutes deux se caractériseraient dans la tentative d’identification et d’élimination des types spécifiques d’auteurs au lieu des faits criminels et elles
partageraient la même «illusion répressive» (p. 240).
Ce ne sont que quelques exemples parmi les nombreux arguments que le lecteur trouvera dans ce livre.
Toutefois ils fournissent une bonne idée de la manière selon laquelle la communauté scientifique structure le débat sur le rôle du droit pénal en cette époque de terrorisme. Le principal refus du droit pénal
de l’ennemi s’accompagne de la tentative de résoudre, d’une manière constitutionnelle acceptable, la
contradiction entre deux nécessités apparemment opposées: une forte réaction contre le terrorisme
et le maintien de l’état de droit. Certains auteurs sont favorables à la possibilité de concevoir le droit
pénal comme instrument pour la défense de l’Etat. D’autres penchent plus vers les risques qui pourraient dériver pour le Staatrecht et attribuent au droit pénal le seul rôle d’être une magna carta de l’accusé, pensée comme protection contre les abus du pouvoir public. Cependant, ils se sentent tous
engagés pour trouver une solution à ce tragic choice qui, selon Gamberini, constitue le réel défi de notre
époque: comment l’état de droit peut-il être garanti quand la survie de notre communauté politique
est en danger?
Le livre ne fournit pas de réponses nettes à cette question, ni même de solutions pratiques. La plupart
des essais tendent à se focaliser sur les implications théoriques du débat. L’originalité du livre réside
ainsi dans le choix d’inclure des non juristes dans le débat, tels que des sociologues et des théoriciens
politiques. La décision de commencer la Section I du livre par un essai du philosophe politique Carlo
Galli doit être interprétée comme la reconnaissance qu’une collaboration entre différentes disciplines
est la seule voie possible pour trouver une solution aux impasses théoriques de notre époque.
Le défi particulier que pose le terrorisme est sa capacité à mener vers une politisation du droit. Dans
son essai, Galli démontre que politique et droit sont continuellement en équilibre précaire. Les contaJanvier / Mars 2008
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BIBLIOGRAPHIE
La plupart des essais contenus dans ce livre amorcent le débat sur le droit pénal de l’ennemi en commençant par une critique de la proposition de Jakobs. Tous les savants concernés refusent fondamentalement une telle proposition en s’appuyant sur deux arguments principaux qui sont bien résumés
dans l’introduction par les deux éditeurs. D’une part, Alessandro Gamberini met en évidence les
risques d’abus et d’arbitraire qui pourraient dériver d’une proposition qui met deux systèmes différents
de normes en juxtaposition et qui laissent à l’Etat la décision de donner ou de refuser la qualité de
citoyen. Comme le dit Gamberini «la distinction entre deux modèles finirait par suivre les lignes de la
désobéissance et de la loyauté» (p. 33). D’autre part, Renzo Orlandi démontre que la distinction entre
«personne dans la loi et non-personne» voudrait dire pour le système juridique occidental un abandon important de l’état de droit et l’adoption d’une forme gouvernementale despotique.
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Bibliographie
minations entre les deux domaines sont toujours possibles lorsque l’existence d’une communauté est
menacée. Toutefois, la politisation des criminels et leur transformation en ennemis n’est pas l’unique
solution. Même des législations contre le terrorisme peuvent être compatibles avec un régime constitutionnel, quand elles sont basées sur «des règles émanant d’institutions représentatives qui sont
capables d’obtenir la conformité à la loi en cas de violations à travers des procédures ritualisées basées
sur des garanties constitutionnelles» (p. 58). Gaetano Insolera reconnaît l’importance d’une approche
multidisciplinaire du problème, quand il nous rappelle, à la fin de son essai, que le droit pénal «ne
peut être pensé que dans une relation permanente, dialectique et parfois conflictuelle avec les organismes politiques qui sont encore les seules entités en mesure de garantir la sécurité des citoyens»
(p. 249). Il faut l’entendre comme une invitation pour la politique et le droit à réfléchir et à agir de
concert afin de fournir des solutions possibles aux dilemmes de nos systèmes juridiques et politiques.
Delitto politico e diritto penale del nemico est un livre précieux qui offre une excellente compréhension du
state of the art du débat sur le droit pénal de l’ennemi. Issue d’un contexte allemand, cette construction théorique n’a pas encore trouvé une telle conceptualisation dans des pays comme la France ou
les Etats-Unis. Cependant si l’on considère l’importance mondiale des phénomènes, comme le terrorisme international, ce débat intéressera même les pays où la catégorie du droit pénal de l’ennemi n’a
pas encore été prise en considération.
Andrea BETTI
◆ CRIMINOLOGIE ET VICTOMOLOGIE
BIBLIOGRAPHIE
11. Eric DEBARBIEUX, Violence a l’école : un défi mondial ?, préface d’Egide Royer, Paris, Armand
Colin, 2006, 315 pages
«Le défi mondial de la violence à l’école est aussi un défi de mettre un peu de raison et d’éthique
dans un débat piégé, qui ne se pose souvent que dans l’outrance d’un fait sanglant» écrit Eric Debarbieux, professeur en sciences de l’éducation de l’Université de Bordeaux qui est un des meilleurs spécialistes français de la violence en milieu scolaire et un des principaux artisans de la constitution d’une
communauté scientifique internationale sur ce sujet.
Esprit indépendant, réfractaire à la langue de bois, ancien instituteur auprès d’enfants et d’adolescents
en difficulté, docteur en philosophie, Eric Debarbieux dirige l’Observatoire international de la violence
à l’école qui a le statut d’ONG.
Cet ouvrage fondé sur des recherches internationales, financées par le conseil régional d’Aquitaine,
présente une vision critique de la violence à l’école et ouvre des pistes vers des solutions pragmatiques.
Ce livre, fruit d’une synthèse des travaux entrepris par son équipe bordelaise depuis plusieurs années,
dénonce «la violence manipulée» par une certaine presse qui entretient autour de ce thème un climat d’hystérie. L’auteur rappelle que l’importance des infractions commises en milieu scolaire est restreinte. La définition de la violence n’est pas tâche aisée: il y a la violence au quotidien, constituée de
«microviolences», la répétition des violences mineures étant importante; à cet égard, deux notions peuvent être utilisées: les incivilités — popularisées par Roché (1993) et Lagrange (1995) et le bullying interprété comme «harcèlement par les pairs»; et puis les évènements extraordinaires. La multiplicité des
points de vue et la variété des méthodologies utilisées conduisent à montrer la construction sociale de
la violence et, partant, sa prévisibilité.
Les enquêtes de victimation en Europe et dans le monde permettent d’appréhender les points de vue
de la victime considérée comme un informateur privilégié et ensuite de mesurer l’écart avec les chiffres
institutionnels. La qualité du climat scolaire permet de prévoir la réussite des programmes de prévention. L’auteur préconise une approche par facteurs de risque et souligne la priorité de traiter les violences dans les établissements des quartiers défavorisés. Il élargit ses réflexions grâce aux études réalisées en Amérique du Sud et en Afrique. Il ressort de son analyse que les programmes les plus efficaces
combinent les actions ciblant les risques individuels et les facteurs d’environnement. Ce sont par
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