Faculte des sciences economiques, juridiques et sociales de settat
Droit de l’espace et des activités spatiales
[Sous-titre du document]
Hamza Hamouich
HAMZA HAMOUICH DOES NOT GIVE ANY GUARANTEE EXPRESS OR IMPLIED WITH RESPECT TO THE ACCURACY, CORRECTNESS OR COMPLETENESS OF THE CONTENT ON THE PAPER.
TABLE DES MATIERES:
INTRODUCTION……………………………………………………………4
L'ESPACE EXTRA-ATMOSPHERIQUE DANS LE DROIT INTERNATIONAL………………………………………………………6
Le droit de l'espace extra-atmosphérique et des corps célestes…….…7
le statut de l'espace extra-atmosphérique, la lune et les corps célestes…………………………………………………………………..7
L'immatriculation des objets spatiaux et la responsabilité………..9
Le mécanisme de coopération internationale…………………......11
Le régime des télécommunications………………………………………12
Le régime traditionnel des télécommunications……………….....13
Le régime juridique des télécommunications par satellite……...14
MISSIONS PUBLIQUES ET CADRE JURIDIQUE DES ACTIVITES SPATIALES (cas de France)…………………………………………...17
Le Traité de l’espace de 1967…………………………………………….17
La Convention sur la responsabilité de 1972…………………………..18
Cadre général …………………………………………………...........18
La problématique spécifique aux débris La Convention sur l'immatriculation des objets spatiaux de 1975………………….…21
MODALITÉS DU « CADRE NATIONAL D'EXERCICE » DES ACTIVITÉS SPATIALES (cas de France)……………………………21
Définition des activités spatiales et du champ d’application.......…...22
Les indications dérivées du droit de l’espace …………………….22
Champ d’application en fonction des activités et des acteurs…...23
Conditions générales d'attribution d’un « droit d’exercer » et d’immatriculation…………………………………………………………..26
Qualités propres au demandeur……………………………………..26
Conditions relatives à l’activité envisagée…………………….......27
CONCLUSION……………………………………………………………...34
BIBLIOGRAPHIE………………………………………………………….35
INTRODUCTION
Le droit et l’astronomie apparaissent au premier abord contradictoire. En effet, réconcilier science humaine et science exacte semble tenir de la gageure. Cette entreprise est néanmoins réalisable. Heureusement, car à l’impossible, nul n’est tenu. Le droit en tant que discours et comme pratique, est une réalité inhérente à toute activité sociale. Il s’imbrique ainsi dans les activités scientifiques et notamment dans l’astronomie. Leur commun dénominateur se révèle être le droit de l’espace. Celui-ci est relativement récent et ne trouve véritablement son origine que le 4 octobre 1957 avec le lancement par l’ancienne URSS du premier satellite artificiel, Spoutnik 1. Précédemment les droits étatiques ne considéraient bien souvent que l’espace aérien et l’espace sous-jacent, négligeant ainsi l’espace extra atmosphérique. A partir de 1957, de nombreux acteurs vont essayer de réglementer l’Espace, immensité qui n’était jusqu’alors connue que par la seule observation terrestre. En 1958, une question se posa: “Qui disposait d'un droit de souveraineté?” Les différents intervenants comprirent bien vite qu’il était inconcevable de prolonger verticalement les frontières des Etats. Comme le dit G. Lafferranderie, on serait arrivé à: “une situation ressemblant à celle de spaghettis que vous essayez d'extraire de votre assiette: tout se mélange”. La conclusion fut que l’Espace ne pouvait faire l’objet d’aucune appropriation nationale, quelle qu’en fut le moyen. La réflexion se dirigea dès lors vers les activités effectuées dans l’Espace. Nous savons que son exploration et son utilisation sont permises, par tout Etat sans aucune discrimination, quel que soit son niveau de développement, à condition qu’il ait des ressources économiques suffisantes. Une autre question concerna l'utilisation militaire, pacifique et non agressive des satellites, cela concernait bien évidemment les satellites espions, les satellites antisatellites, … . D’autres sujets furent soulevés: quelle loi appliquer, quel est le tribunal compétent pour les dommages causés par des objets spatiaux sur Terre, sur mer, dans l'espace aérien et dans l'espace, dommages entre deux satellites, un satellite et un aéronef? Toutes ces questions poussèrent l’assemblée générale de l'ONU à voter plusieurs résolutions en ce sens: en 1958, et 1961 et surtout la résolution du 12 décembre 1963 déclarant "les principes juridiques régissant les activités des Etats" dans l'espace extra-atmosphérique. Ces résolutions servirent de base au Traité de l'Espace. Généralement, le droit suit les progrès de la science avec un trop grand retard. Le droit de l'espace n'y déroge pas. En effet, plus de 10 années se sont écoulées entre le lancement de Spoutnik 1 et le Traité de l'Espace (cadre juridique international de l'exploration et de l'utilisation de l'espace).
L'ESPACE EXTRA-ATMOSPHERIQUE DANS LE DROIT INTERNATIONAL
L'espace extra-atmosphérique représente la catégorie d'étendue la plus récente à laquelle s'est intéressé le droit positif. Le lancement de Spoutnik I, le 4 octobre 1957, a ouvert une nouvelle ère
DJ MUANDA NKOLE, Op.cit., P 10 dans l'ordre juridique de l'espace extra atmosphérique. La délimitation physique et partante juridique de l'espace extra atmosphérique par rapport aux limites horizontales de l'espace aérien a fait l'objet de controverses. Pour les tenants des critères géophysiques, le critère le plus simple serait l'altitude. Ainsi la ligne « Von Karman » est proposée, elle serait constituée par la limite extrême du déplacement aérodynamique, c'est-à-dire aux environs de 100 km au-dessus du niveau de la mer ; mais compte tenu de l'évolution technologique, cette limite ferait l'objet d'un recul permanent ; aussi a-t-on suggéré soit le point limite de l'effet de la gravitation terrestre, soit le point périgée des satellites artificiels. Par-delà les discussions d'ordre technique et scientifique, la limite physique n'est pas satisfaisante dans la mesure où elle ne présente pas un intérêt juridique évident en ce qui concerne l'effectivité du régime juridique applicable aux engins et aux activités concernés. Aussi a-t-on préféré privilégier une approche fonctionnelle du droit applicable en fonction du domaine d'application ; dans ces conditions une meilleure adéquation entre la norme et les problèmes à résoudre peut être acquise plus facilement. En effet, l'espace extra-atmosphérique est le centre de plusieurs activités dont les principales sont les activités de navigation dans l'espace extra-atmosphérique et interstellaire et de télécommunication. On examinera successivement :
Section I : Le droit de l'espace extra-atmosphérique et des corps célestes
Section II : Le régime des télécommunications
Le droit de l'espace extra-atmosphérique et des corps célestes
Raymond RANJEVA - Charles CADOUX, « DROIT INTERNATIONAL PUBLIC ». EDICEF. Vanves [France] : EDICEF, 1992. P 191.
L'espace extra-atmosphérique a fait l'objet de deux déclarations de l'Assemblée générale des Nations Unies : la première déclare le principe de la liberté de l'espace (résolution 1721 (XVI) du 20 novembre 1961) ; la seconde est constituée par la Déclaration des principes juridiques régissant les activités des États en matière d'exploration et d'utilisation de l'espace extra-atmosphérique (résolution 1962 (XVIII) du 13 décembre 1963). Acceptés par les premières Puissances qui se sont lancées dans la navigation spatiale, ces deux textes ont guidé l'Assemblée générale pour l'adoption, le 19 décembre 1966, du traité sur les principes régissant les activités des Etats en matière d'exploration et d'utilisation de l'espace extra-atmosphérique, y compris la lune et les autres corps célestes, entré en vigueur le 10 octobre 1967. Cet instrument juridique a été complété par quatre autres conventions sur le sauvetage, le retour des astronautes et la restitution des objets (1968), la responsabilité internationale pour les dommages causés par les objets spatiaux (1972) ; l'immatriculation des objets lancés dans l'espace extra-atmosphérique (1975) ; les activités sur la lune et les autres corps célestes (1979).
Le régime juridique de l'espace extra-atmosphérique est marqué par la solution de trois questions principales : le statut (1.), l'immatriculation des objets (2.) et le mécanisme de la coopération internationale (3.).
Le statut de l'espace extra-atmosphérique, la lune et les corps célestes
ibid, 192 - 193.
Le statut de l'espace extra-atmosphérique et des corps célestes qui s'y trouvent est caractérisé par le principe de la liberté, transposé directement du régime de la haute mer. Cette liberté implique une double dimension négative (A) et positive (B) avec des particularités pour le statut de la lune (C).
La dimension négative de la liberté de l'espace : la non-appropriation
Le droit positif reconnaît, de façon non équivoque, que l'espace et les corps célestes ne sont pas susceptibles d'appropriation privative. Il en résulte qu'aucun acte, ni aucune activité afférent à ces espaces ne peuvent créer un droit quelconque à leur auteur, ni constituer un titre de souveraineté. Mais la mise en œuvre de ce principe paraît être source de problèmes compte tenu de la position géographique des États sur le globe. Il en était ainsi des satellites géostationnaires équatoriaux ou polaires. Ce sont des satellites géostationnaires qui tournent à la même vitesse que la terre et apparaissent comme stationnaires aux yeux d'un observateur situé à l'équateur. En effet, les coordonnées géographiques de certains États situés le long de l'équateur leur conféraient une situation privilégiée en leur offrant une « ressource naturelle rare » en matière de maîtrise des télécommunications par satellites, tandis que d'autres placés dans les aires de chute des satellites (cf. Madagascar) s'estimaient exposés à des risques graves et anormaux. En 1976, huit États situés le long de la ligne de l'équateur ont proclamé leur souveraineté sur l'orbite géostationnaire équatoriale (Brésil, Colombie, Congo. Equateur, Indonésie, Kenya, Ouganda et Zaïre) en contradiction avec le droit positif. Toutefois, l'Assemblée générale en 1983 s'est préoccupée de l'utilisation rationnelle et équitable de l'orbite géostationnaire qui est une ressource naturelle limitée qui risque d'être surchargée (résolution 30/80 du 15 décembre 1983).
La dimension positive de la liberté de l'espace : la liberté d'utilisation
La liberté d'utilisation de l'espace extra-atmosphérique implique tout d'abord la liberté de l'initiative pour mener des activités spatiales. Aucune autorisation d'un État survolé ou sous-jacent ou d'une institution internationale n'est requise. En outre, cette liberté signifie la prohibition de toute discrimination. L'utilisation de l'espace extra-atmosphérique est reconnue à tous les États sans distinction et sur une base de stricte égalité. Des limites à l'exercice de cette liberté ont toutefois été envisagées ; la conformité des activités spatiales au droit international y compris la Charte des Nations Unies ; l'utilisation pacifique de l'espace aux fins de maintenir la paix et la sécurité internationales avec interdiction de mise sur orbite d'engins porteurs d'arme nucléaire ou de destruction massive et, enfin, la finalisation des activités spatiales pour le bien ou l'intérêt de tous les pays sans distinction.
Le statut particulier de la Lune et des autres corps célestes
Les principes régissant l'espace sont aussi valables pour la lune et les autres corps célestes solides du système solaire. Échappent à cette définition les matières extra-terrestres qui atteignent la surface de la terre comme les météorites en chute. Mais c'est en matière de démilitarisation que le statut de la lune et des corps célestes se distingue du droit de l'espace interstellaire. En effet, l'interdiction des armements y est absolue et totale. L'établissement de bases, les essais et les manœuvres militaires sont prohibés et la règle frappe aussi bien les armes nucléaires et de destruction massive que les armes dites classiques. Mais les activités mixtes, pacifiques mais non dénuées d'intérêt militaire, menées par des militaires, ne sont pas en soi interdites bien que sources d'ambiguïtés. Par ailleurs, par transposition dans le domaine de l'espace, du principe du patrimoine commun de l'humanité, la lune et les autres corps célestes sont « l'apanage de l'humanité tout entière » et leurs ressources naturelles constituent le patrimoine commun de l'humanité. Il en résulte des obligations d'information et de coopération en matière de recherche scientifique et d'environnement, ainsi que l'ébauche d'un régime international pour l'exploitation. Mais l'idée d'affectation d'une partie des produits au profit des États et des peuples les plus démunis, inhérente au concept de patrimoine commun de l'humanité, explique, sans la justifier, l'hostilité des Puissances spatiales à l'accord du 18 décembre 1979 régissant les activités sur la lune et les autres corps célestes. Ainsi, contrairement aux ambitions de l'Assemblée générale, le droit de l'espace n'assure pas encore l'égalité des États.
L'immatriculation des objets spatiaux et la responsabilité
ibid, 193 - 195.
Par analogie avec les navires et les aéronefs, les engins spatiaux sont immatriculés par un État. La compétence d'un État pour assurer l'immatriculation des engins spatiaux fait l'objet d'un régime juridique particulier et l'exercice de cette compé- tence comme celui des activités spatiales est sanctionné par un régime spécial de responsabilité.
Régime juridique de l'immatriculation
Les engins spatiaux sont soumis à la formalité de l'immatriculation dont la responsabilité relève de la compétence de l'État lanceur. Les organisations internationales peuvent aussi jouir du droit de faire immatriculer des objets spatiaux. L'originalité du mécanisme tient au système du double registre. Un premier registre est tenu par l'État de lancement et un second par le Secrétaire général des Nations Unies. À l'examen, le double registre ne se situe pas au même niveau d'obligation juridique. L'immatriculation nationale découle directement de la pratique en matière de nationalité des navires et des aéronefs. En revanche, l'immatriculation auprès du Secrétariat général des Nations Unies est la consécration de la pratique de l'enregistrement volontaire, initialement observée par les Puissances spatiales. L'origine historique de l'enregistrement volontaire explique la disposition selon laquelle la déclaration d'enregistrement auprès des Nations Unies devait se faire le plus tôt possible.
Compétence et responsabilité de l'État d'immatriculation
L'immatriculation des engins spatiaux confère à l'État de lancement des compétences particulières dont l'exercice est sanctionné par la responsabilité internationale. Cet État exerce sur l'engin une compétence personnelle et continue de juridiction pendant toute l'opération de navigation spatiale : depuis le lancement jusqu'à la récupération de l'engin sans considération particulière du statut de l'espace touché ou survolé : espace interstellaire, corps célestes, terre. Une obligation de surveillance, sinon de direction des activités menées par les personnes tant publiques que privées dans le domaine spatial pèse ainsi sur les États concernés. Des mécanismes particuliers pour la restitution des objets lancés et atterrissant sur un espace, national ou international, de la terre ont été aménagés par les traités de 1967 et de 1979.
Le système international de responsabilité pour les activités spatiales est sui generis, en droit international, non seulement en raison de la dimension des risques encourus mais aussi du caractère spécifique des règles qui sont établies et distinctes du droit commun de la responsabilité internationale des États. La responsabilité peut être imputée à un État pour ses activités spatiales nationales et les activités spatiales menées à partir de son territoire. La responsabilité est absolue, fondée sur le risque en dehors de toute faute, pour les dommages causés à la surface de la terre ou sur les aéronefs en vol. En revanche la responsabilité pour faute peut être engagée pour les dommages causés ailleurs qu'à la surface de la terre à un autre objet spatial soit par la faute de l'État de lancement, soit par celle de toute personne dont ledit État doit répondre. Par ailleurs et à titre d'innovation en droit international, la responsabilité peut être solidaire entre l'État de lancement et l'État ayant mis son territoire ou ses installations à la disposition du premier. Toutes ces règles s'appliquent également pour les organisations internationales qui procèdent à des activités spatiales. La mise en oeuvre de ce mécanisme de responsabilité résulte de l'initiative de l'action de l'État victime du dommage, soit directement sur son territoire, soit par la personne d'un de ses résidents permanents. L'inapplication de la règle de l'épuisement préalable des recours juridictionnels internes explique l'intervention de la Commission de règlement des demandes, véritable organe juridictionnel, statuant sur la base du droit international, de manière définitive avec l'assentiment des parties ; sinon elle peut proposer une recommandation qualifiée de sentence définitive.
Le mécanisme de coopération internationale
ibid, 195 - 196.
Dans le domaine de l'espace, la coopération internationale présente deux dimensions complémentaires : normative (A) et institutionnelle (B).
Règles de la coopération
Deux principes d'inégale importance régissent la coopération internationale spatiale. En premier lieu, l'obligation d'assistance des astronautes en détresse pèse sur tous les Etats parties au traité de 1967 et du traité spécial de 1968. Le caractère impératif de cette prescription se fonde sur l'idée selon laquelle les astronautes sont les envoyés de l'humanité tout entière, ils doivent alors pouvoir compter sur la solidarité internationale en cas de détresse. Sur la lune et les autres corps célestes, les États doivent prendre les dispositions nécessaires pour sauvegarder la vie et la santé de l'homme, tandis que les États parties au traité de 1968 ne peuvent refuser de répondre aux demandes d'information ou de restituer les corps ou objets tombant sur leur territoire. En second lieu, une obligation optative portant sur la communication des informations sur la conduite et la nature des activités menées dans l'espace est contractée par les Puissances spatiales. Dans la mesure, en effet, où la diffusion des informations ne peut s'effectuer automatiquement, l'État de lancement dispose d'un large pouvoir discrétionnaire pour apprécier l'opportunité de la publication des résultats, le régime de la liberté quasi absolue atténue la coopération internationale en matière de recherche et d'application de ses résultats.
Les institutions de la coopération internationale
Le Comité des utilisations pacifiques de l'espace extra-atmosphérique de l'Assemblée générale des Nations Unies, avec un sous-comité juridique et un sous-comité scientifique et technique est, sur le plan universel, le principal organisme de coopération internationale. Il a une vocation essentiellement normative et s'intéresse aux applications pratiques de la technique spatiale, avec le souhait de favoriser l'utilisation rationnelle de l'espace et de ses ressources. Des groupes de travail peuvent être constitués pour l'examen de questions particulières. Mais c'est en matière de télécommunications que la coopération est la plus poussée {cf. Section II). La coopération régionale est assurée grâce à des organisations régionales, plus nombreuses et plus actives. Elles se sont constituées principalement autour des systèmes de télécommunications : Intelsat (accords de Washington du 21 août 1964 réformés par un nouvel accord du 20 août 1971) et Interspoutnik (accord de Moscou du 15 novembre 1971), dominées respectivement par les USA et l'URSS.
L'Europe, de son côté, a paru atteindre le rythme de croisière de la coopération spatiale avec la constitution de l'Agence spatiale européenne (convention du 30 mai 1975) issue de la fusion du Centre européen de recherche spatiale (CERS - sigle anglais ELDO) et du Centre européen sur la construction de lanceurs d'engins spatiaux (CECLES - sigle anglais ELDO). Par la suite est née l'Organisation européenne pour l'exploitation de satellites météorologiques (EUMETSAT) (convention du 24 mai 1983. Dans le tiers monde, l'heure de la coopération internationale en matière spatiale n'a pas encore sonné, ces activités sont exclusivement nationales : le Brésil dispose de l'Institut de Recherches spatiales (INPE) et d'un Centre technique aérospatial (CTA) et l'Inde de l'Indian Space Research Organisation (ISRO) et d'une base de lancement, le SHAR Centre.
Le régime des télécommunications
Raymond RANJEVA - Charles CADOUX, « DROIT INTERNATIONAL PUBLIC ». EDICEF. Vanves [France] : EDICEF, 1992. P 196.
Les télécommunications définies comme « toute transmission, émission ou réception de signaux, écrits, images ou sons, concernant des nouvelles de toute nature par fil, par radio, signal ou tout autre moyen électro-magnétique » sont le domaine par excellence de la révolution technologique et économique ; en un laps de temps très court, voire en temps réel, tout message peut être acheminé en tout lieu du globe et même de l'espace. Les télécommunications par satellite représentent actuellement un produit culturel courant, objet de compétitions politiques et économiques très vives. Aussi y a-t-il lieu d'envisager le régime juridique des télécommunications dans un cadre unitaire en examinant successivement le régime traditionnel des télé- communications (1.) et le régime des télécommunications par satellites (2.).
Le régime traditionnel des télécommunications
ibid, 196 - 197.
Le régime traditionnel des télécommunications recouvre ce que l'appellation courante administrative désigne par les Postes et Télécommunications. Sur le plan international les relations entre les États en la matière ont fait l'objet de conventions distinctes qui ont permis l'institution de deux organisations distinctes : l'Union postale universelle (UPU), l'ancêtre même des organisations internationales intergouvernementales et l'Union internationale des Télécommunications (UIT).
L'Union postale universelle, instituée en 1978 après avoir succédé à l'Union générale des Postes (créée en 1863), est structurée comme les différentes institutions spécialisées avec un congrès postal universel siégeant tous les cinq ans, un conseil exécutif de quarante membres élus par le congrès, un directeur général et un conseil consultatif des études postales. Il a pour objectifs d'assurer, d'organiser et de perfectionner les services postaux ; de développer la collaboration postale internationale et d'apporter une assistance technique. L'UPU, comme système international, ne remet pas en cause les problèmes juridiques classiques, bien qu'elle comporte des particularités sur les arbitrages postaux, la révision des règlements d'exécution ; les nouvelles dispositions se substituent immédiatement aux réglementations anciennes lorsque les modifications fendent celles-ci inapplicables même pour les États hostiles à la révision ; mais la mesure issue de la révision ne lie que les États parties au nouvel instrument.
L'allocation de fréquence, dans le spectre radioélectrique, représente, dans une certaine mesure, la réminiscence du régime traditionnel des télécommunications. Faute de répartition entre les différents États, l'anarchie se caractérisait par des troubles de l'émission et l'impossibilité de communiquer par la voie radioélectrique ou électromagnétique. Initialement, la répartition était établie sur la base des droits acquis. Mais, avec le développement du nombre des utilisateurs et le progrès technique, le régime de l'allocation des fréquences s'est orienté vers un assouplissement de la rigidité initiale tenant compte des besoins des pays et du souci d'équité dans le cadre d'un contrôle international. Le Comité international d'enregistrement des fréquences (IFRB), organe de l'UIT, est responsable de cette mission. Il enregistre la notification faite par un État d'une fréquence affectée à une émission, l'enregistrement confère le caractère définitif à l'acte y afférent lorsqu'il est établi que la fréquence utilisée « en attente » et demandée est conforme aux normes applicables et ne cause aucune interférence avec les autres fréquences déjà officiellement enregistrées. Grâce à une meilleure maîtrise technique de la précision des fréquences et une meilleure gestion des plages horaires d'utilisation, les créneaux disponibles se sont développés et une répartition plus équitable des fréquences mieux assurée.
Le régime juridique des télécommunications par satellite
ibid, 197 - 198.
Le positionnement des satellites géostationnaires de télécommunication dans l'orbite équatoriale a révolutionné le monde des communications dans les relations internationales contemporaines. Sur le plan juridique, les télécommunications par satellite amènent les États et la communauté internationale à redéfinir des concepts aussi importants que le monopole national de l'émission et de la réception des télé- communications internationales, la compétence nationale résultant de l'exclusivité de la compétence territoriale à l'intérieur des frontières. En pratique, les télécommunications internationales par satellite soulèvent des problèmes particuliers liés à la télécommunication directe par satellite (A), la télédétection (B) et la liberté de l'information (C).
La télécommunication directe par satellites
II s'agit de la possibilité pour un récepteur particulier de recevoir directement par satellite toutes les émissions radiodiffusées, télévisées, par téléphone, télex ou télé- copie. Sur le plan technique et juridique, il s'agit de communications qui ne nécessitent pas la médiation de stations-relais au sol dont les statuts font l'objet d'accords internationaux, aussi y retrouve-t-on les règles applicables en matière d'allocation de fréquences. Mais ce type de télécommunication pose des problèmes politiques quasi insurmontables, dans la mesure où le caractère nécessaire de 1 ' accord préalable de l'État récepteur, consacré par la résolution portant sur « les principes régissant l'utilisation par les États de satellites artificiels de la terre aux fins de la télévision directe internationale » (résolution 37/92 du l0 décembre 1982) a été contesté par les États occidentaux, principaux producteurs d'émission, au nom de la liberté et du droit d'accès à l'émission ; cette question a été parfois considérée comme sans objet : la seule condition requise étant la possession d'une antenne parabolique. Le problème reste encore en suspens.
La télédétection par satellite
La télédétection constitue la principale innovation liée aux activités spatiales, dans la mesure où elle permet l'observation par les satellites artificiels des phénomènes géophysiques, des activités humaines et aussi le recensement statistique des personnes, des biens et des ressources naturelles. En un mot, la télédétection permet, au sens exact du terme, le télé-espionnage. En raison de la libre utilisation de l'espace interstellaire, le problème de l'accord entre l'État observateur et l'État observé ne saurait être formulé en termes de droit, aussi les dispositions relatives à la télédétection ne traitent-elles pas du droit d'exercer cette activité, ce droit n'a été ni reconnu ni exclu. En revanche, le problème de l'accès aux informations recueillies apparaît plus important ; il s'agit de la désignation des parties susceptibles de bénéficier des résultats de la télédétection. La règle d'une diffusion générale, aussi généreuse soit-elle, se heurte à un principe non moins essentiel des relations juridiques internationales : la souveraineté permanente des États sur leurs ressources naturelles. Ce conflit d'intérêts explique les lenteurs observées pour la mise en forme définitive de la coopération internationale en la matière. La problématique juridique se situe, pour le moment, au niveau de la formulation de principes relatifs à la télédétection spéciale : interdiction de l'exploitation des résultats au détriment politique et économique de l'État observé ; conformité des activités du droit international, y compris la Charte des Nations Unies et les traités concernant l'espace ; développement de la coopération internationale : multiplication des occasions de participation, multiplication des stations de réception et d'archivage ; constitution du secrétariat général des Nations Unies en centre de ressources ; accès sans discrimination aux informations traitées.
La liberté de l'information
Par-delà les dispositions techniques et juridiques nouvelles liées au développement des activités spatiales, le problème fondamental reste celui de la liberté de l'information, sur le plan international, avec quelques-uns de ses corollaires tels que la puissance impériale des médias des pays technologiquement équipés, le droit à la différence et à l'identité culturelle. Face à cette menace, dès 1972, les délégués gouvernementaux ont réaffirmé leur attachement au strict respect des droits souverains des États. Mais on ne saurait oublier la crise provoquée à l'Unesco par la poursuite des débats sur le nouvel ordre mondial de l'information et de la communication (NOMIC), polémiques portant sur la libre circulation des informations et l'engagement partisan et/ou idéologique des organes de presse ou des mass média : une épreuve de vérité pour la coopération internationale dans l'examen des relations entre le droit et les rapports de puissance.
MISSIONS PUBLIQUES ET CADRE JURIDIQUE DES ACTIVITES SPATIALES
IMPORTANCE DES RESPONSABILITÉS INTERNATIONALES DE LA FRANCE EN TANT QU’ÉTAT DE LANCEMENT
Le Traité de l’espace de 1967
Traité sur les principes régissant les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, signé le 27 janvier 1967
L’article VI pose le principe d’une responsabilité internationale des États parties au Traité pour les activités nationales conduites dans l’espace extra-atmosphérique, qu’elles soient entreprises par des organismes gouvernementaux ou par des entités purement privées. Cette responsabilité s’entend au sens anglais de responsibility ce qui signifie que les États sont tenus à un devoir d’autorisation et de surveillance continue pour les activités relevant de leur juridiction.
Depuis 1961
Année de création du CNES - Loi n° 61-1382 du 19 décembre 1961 instituant un Centre national d’études spatiales. Pour une étude plus détaillée sur les statuts et le fonctionnement du CNES, cf. Clerc Philippe, « Le cadre institutionnel des activités spatiales en France : le Centre national d’études spatiales », in « Le cadre institutionnel des activités spatiales des États », étude comparative publiée sous la direction de Simone Courteix, Pédone, 1997, la France assume cette responsabilité via des organismes publics, selon les cas nationaux (tels0 le CNES ou le CNET à l’origine
) ou internationaux (tels Eutelsat, Intelsat, Eumetsat ou l’ESA), intervenant soit directement en tant qu’opérateurs de systèmes spatiaux placés sous leur responsabilité, soit en confiant cette gestion à des exploitants industriels et commerciaux sur lesquels ils exercent leur autorité (pouvoir administratif, liens contractuels ou prises de participation majoritaires). La plupart de ces opérateurs ou exploitants sont aujourd’hui en voie de privatisation, soit par sortie du secteur public
CNET : Centre national d’études des télécommunications, intégré aujourd’hui à France Télécom. Parmi les opérateurs ou exploitants ainsi sortis du secteur public, on retiendra en particulier : - France Télécom, entreprise publique créée en 1988, devenue exploitant autonome de droit public le 1er janvier 1991, avant une transformation en société anonyme le 31 décembre 1996 (l’État en est actuellement le principal actionnaire, avec 55 % du capital au 21/12/2001, mais il s’en désengage progressivement) ; - Eutelsat, organisation intergouvernementale qui a adopté en 2001 une structure dualiste avec, d’une part, une société anonyme domiciliée en France, régie par le droit français, à laquelle seront transférés tous les actifs et toutes les activités d’Eutelsat et, d’autre part, une organisation intergouvernementale qui veillera au respect par la société des quatre principes de base suivants : couverture paneuropéenne, service universel, non-discrimination et concurrence loyale ; - Arianespace, société anonyme de droit français, créée le 26 mars 1980, dont la privatisation est devenue effective le 12 juin 1999, date à laquelle le secteur public a perdu la majorité détenue jusque-là dans son capital, soit par transformation en société commerciale détenue majoritairement par des intérêts privés alors que, dans le même temps, de nouvelles initiatives voient le jour sous l’impulsion du secteur privé.
La libéralisation du secteur spatial nous amène à repenser la nature du lien juridique existant entre ces nouveaux opérateurs et l’État français en posant la question de la mise en place d’un système public pour autoriser et surveiller ces activités.
La Convention sur la responsabilité de 1972
Convention sur la responsabilité internationale pour les dommages causés par les objets spatiaux, signée le 29 mars 1972
Cadre général
Ce texte pose le principe d’une responsabilité internationale de l’État pour les dommages causés par les objets spatiaux qui relèvent de sa juridiction (au sens anglais de liability), le régime de responsabilité variant en fonction du lieu de réalisation du dommage.
La responsabilité est ainsi objective ou absolue en cas de dommage causé par un objet spatial à la surface de la Terre ou aux « aéronefs en vol ». Dans cette hypothèse, il n’est pas nécessaire de prouver la faute de l’État de lancement (article II de la Convention de 1972). On notera qu’il n’existe pas, en droit international, d’autres systèmes de responsabilité aussi contraignants pour les États. En effet, il apparaît que dans les domaines nucléaire, maritime et aérien étudiés, cette responsabilité est généralement plafonnée et/ou juridiquement reportée aux exploitants concernés, voire dans certains cas mutualisée dans le cadre de fonds internationaux d’indemnisation.
Il appartient donc à l’État de prendre la mesure de toutes les conséquences qu’implique pour lui cette responsabilité internationale absolue dans le domaine spatial. Cette responsabilité supportée par l’État du fait d’autrui peut justifier à elle seule un encadrement juridique spécifique des activités concernées.
La Convention ne précise pas si le dommage doit être direct ou indirect
A cet égard, se pose également la question de la responsabilité en cas de rupture intempestive du signal, autre qu’un brouillage, résultant de la défaillance d’un satellite ou d’une erreur dans le maintien à poste (cf. problématique Galileo) : ce point entre-t-il dans le cadre de la Convention de 1972 ? L’hypothèse d’un brouillage, quant à elle, n’est pas spécifique aux télécommunications spatiales ; il faut, là, rechercher une solution dans le droit commun et les règles usuelles de responsabilité dans le domaine des télécommunications et des fréquences.. Cette problématique n’est pas tranchée par la Convention de 1972, la doctrine considérant néanmoins dans son ensemble que ce texte ne doit trouver à s’appliquer qu’en cas de collision (dommage direct).
Par opposition, nous nous trouverons en présence d’une responsabilité pour faute en cas de dommage survenu dans l’espace extra-atmosphérique lors d’une collision entre deux objets spatiaux. Dans cette hypothèse, l’opérateur victime devra prouver la faute de l’autre (article III de la Convention de 1972).
La problématique spécifique aux débris
Depuis les débuts de la conquête spatiale, l’activité humaine a entraîné la production dans l’espace d’un très grand nombre d’objets de toutes tailles. La pollution créée par l’homme est maintenant devenue supérieure à celle due aux météorites
Ces débris sont de nature diverse : satellites en fin de vie, objets mis en orbite en même temps que les satellites (derniers étages des lanceurs, dispositifs de séparation…), résultats d’explosions ayant eu lieu dans l’espace… Leur concentration est néanmoins plus élevée sur les orbites « utiles » et celles où l’activité humaine est la plus importante. L’orbite géostationnaire, les orbites basses entre 600 et 1 500 km, les orbites très basses (400 km) utilisées pour les missions habitées..
A l’heure actuelle, il n’existe pas de solution technique permettant d’enlever de manière notable les débris situés en orbite, lesquels font par conséquent courir un risque important aux biens et aux personnes, que ces derniers se trouvent dans l’espace ou au sol. Aussi est-il impératif pour l’ensemble des États menant des activités spatiales, et pour la France en particulier, de se préoccuper des conséquences qui pourraient en résulter au niveau de leur responsabilité.
De telles mesures sont notamment discutées dans le cadre de l’IADC (InterAgency Space Debris Coordination Committee), comité technique créé en 1993 à l’instigation des États-Unis et regroupant aujourd’hui les dix principales agences spatiales, dont le CNES depuis 1996.
Cette entité, qui n’engage que la bonne volonté des agences, ne dispose cependant pas des compétences nécessaires à la mise en place d’une réglementation internationale contraignante pour l’ensemble des États. Ce n’est donc que dans un cadre intergouvernemental formel que le problème des débris spatiaux pourra être traité, et en particulier au sein de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Les travaux y ont déjà commencé, l’organisme compétent pour instruire ces questions est le Comité pour l’utilisation pacifique de l’espace extra atmosphérique
Acronyme : CUPEEA (ou COPUOS en anglais). qui fonctionne selon la règle du consensus. Le dossier devrait être, selon nous, transféré vers son sous-comité juridique afin d’élaborer les bases d’une réglementation spécifique.
Parmi les difficultés que cette réglementation aura à résoudre, il faut notamment citer le suivi des débris en orbite et la preuve de leur rattachement à un État responsable. En effet, quel que soit le lieu de réalisation d’un dommage, il est toujours nécessaire de prouver le lien juridique existant entre l’objet spatial à l’origine du préjudice et son État de lancement ou d’immatriculation. A l’heure actuelle, seul un organisme militaire nord-américain, le NORAD
NORAD : North American Aerospace Defense Command. Organisation militaire binationale, créée par les États-Unis et le Canada, en charge du contrôle des airs et de l’espace, ainsi que des procédures d’alerte en cas de danger spatial ou aérien inopiné., dispose des moyens nécessaires pour garantir cette traçabilité. Indépendamment des adaptations du dispositif national évoquées précédemment, la mise en place d’une organisation internationale de l’espace notamment chargée de cette mission de contrôle, pourrait à terme résoudre ce problème de dépendance vis-à-vis des États-Unis.
Il peut enfin s’avérer impossible de connaître avec une certitude suffisante la nature exacte d’un débris ainsi que son État de rattachement, cette difficulté rendant le régime de responsabilité inapplicable faute d’auteur du dommage clairement identifié. Dans ce cas, un système de mutualisation des risques par un fonds international d’indemnisation est une solution à étudier. Il faudrait cependant veiller à ce que sa mise en place ne conduise pas à favoriser une irresponsabilité de certains intervenants, comme c’est le cas aujourd’hui pour les pollutions marines par les hydrocarbures. De même se pose la question du financement de ce fonds : qui devrait y souscrire et selon quelle clé de répartition ?
Au regard de ces nombreux enjeux liés aux débris, il apparaît souhaitable de maintenir les interventions de la France au niveau international, en particulier au sein du CUPEEA
La délégation française au CUPPEA (COPUOS) est actuellement conduite par un représentant du ministère des Affaires étrangères assisté du CNES. Le ministère de la Recherche en charge de l’espace est associé depuis fin 2000 aux réunions préparatoires du sous-comité juridique du CUPPEA., afin de soutenir le débat sur les débris spatiaux et faire en sorte que certaines règles minimales soient largement acceptées par la communauté spatiale et viennent compléter les codes de bonne conduite déjà mis en place par les agences.
La Convention sur l’immatriculation des objets spatiaux de 1975
Convention sur l’immatriculation des objets lancés dans l’Espace extra-atmosphérique, signée le 14 janvier 1975
Ce texte prévoit l’obligation pour les États de lancement d’immatriculer les objets spatiaux mis en orbite et placés sous leur juridiction au moyen d’une inscription sur un registre approprié dont ils assurent la tenue (article II). L’inscription sur le registre de l’État d’immatriculation est destinée à conserver la trace des lancements effectués et à identifier les objets circulant dans l’espace extra-atmosphérique. Les mentions insérées sur le registre
Selon l’article IV de la Convention, les renseignements à fournir lors de l’inscription sont les suivants : nom de l’État ou des États de lancement, indicatif approprié ou numéro d’immatriculation de l’objet spatial, date et territoire ou lieu de lancement, principaux paramètres de l’orbite (y compris la période nodale, l’inclinaison, l’apogée, le périgée et la fonction générale de l’objet spatial). permettent de rattacher un objet spatial donné à l’État qui exercera sur lui et son personnel les droits de juridiction et de surveillance pendant toute la durée du vol spatial. Cette inscription confère à son titulaire la qualité d’«État de lancement » au sens de la Convention de 1972 sur la responsabilité, étant entendu qu’il ne peut y avoir qu’un État d’immatriculation par objet spatial, alors qu’il peut y avoir plusieurs États de lancements.
La Convention de 1975 ne prévoit pas de sanction particulière en cas de non immatriculation
Ce qui est fréquemment le cas pour les satellites militaires. : l’objet spatial peut alors être comparé aux navires et aux aéronefs sans nationalité et ne peut bénéficier d’aucune disposition du droit de l’espace (assistance, sauvetage, restitution en cas d’avarie…)
Cf. Léopold Peyrefitte, « Droit de l’espace », Dalloz, p. 152 et suivantes.. En revanche, notons que l’absence d’immatriculation ne saurait exonérer l’État de lancement de sa responsabilité aux termes de la Convention de 1972.
MODALITÉS DU « CADRE NATIONAL D'EXERCICE » DES ACTIVITÉS SPATIALES
Définition des activités spatiales et champ d’application
Définir un cadre national d’exercice des activités spatiales suppose que l’on s’entende au préalable sur la matière concernée. A cet effet, le présent rapport s’est intéressé : aux dispositions pertinentes du droit international et aux activités et aux acteurs concernés, en se référant notamment aux législations nationales existantes à l’étranger.
Les indications dérivées du droit de l’espace
Les règles relatives au droit de l’espace ne doivent être, par définition, applicables qu’aux seules activités spatiales.
Ainsi, alors que le droit international de l’espace a émergé grâce à la formation d’une coutume internationale basée sur le principe de liberté d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, ce dernier n’a jamais été clairement défini. Compte tenu de l’état actuel des connaissances technologiques, il débuterait aux alentours de 100-110 km au-dessus du niveau de la mer, limite en deçà de laquelle un objet spatial ne pourrait aujourd’hui être placé durablement en orbite.
Cette tentative de définition de l’espace extra-atmosphérique (EEA) fondée sur des critères dits scientifiques, loin d’être rigoureux ou précis du fait qu’il n’existe pas de frontière naturelle entre l’EEA et l’espace aérien, constitue l’approche « spatialiste »
Cette approche est retenue notamment par la loi australienne qui s’applique à partir de l’altitude de 100 km.
Cette dernière s’est peu à peu vue opposer une théorie « fonctionnaliste » reposant sur la nature et le type d’activité en cause
Qui se réfère à la finalité « d’objet spatial » conçu pour circuler et être exploité en orbite, autour de la Terre ou de tout autre corps céleste, pour voyager dans le système solaire et au-delà, ou pour explorer un quelconque corps céleste. Un avion, un ballon stratosphérique ou un missile par exemple ne sauraient répondre à une telle définition fonctionnelle.. Les partisans de cette approche estiment qu’un accord formel de délimitation serait inutile dans la mesure où il n’appréhende pas la nature même des activités spatiales, lesquelles nécessitent une réglementation propre mais ne posent en revanche aucun problème de zone d’utilisation.
Cela étant, de nouvelles interrogations ne manqueront pas de se poser avec les évolutions technologiques, et notamment le développement prévisible de lanceurs réutilisables ayant la particularité d’évoluer en mode autonome dans l’espace aérien.
Enfin, en l’absence de dispositions internationales précises en matière d’exploitation de ressources minières et autres provenant de corps célestes, il reviendra à la France, au moment opportun, de se forger une doctrine propre en la matière
Sur cette question de l’exploitation extra-planétaire, le Comité de rédaction a relevé avec curiosité le modèle juridique et financier institué par la Compagnie des Indes il y a plus de 300 ans pour conduire et valoriser ses explorations extra-continentales. Cette question très sensible fait l’objet d’un débat animé aux États-Unis, pays traditionnellement opposé à tout régime international à cet égard, et en particulier au principe de non appropriation de la Lune et de ses ressources naturelles prévu à l’article 11 de l’accord régissant les activités des États sur la Lune et les autres corps célestes
Adopté par l’AG des Nations Unies, le 5 décembre 1979, mais signé et ratifié par aucune grande puissance spatiale. Parmi ces dernières, seule la France a signé l’accord mais elle ne l’a jamais ratifié. L’article 11 de l’accord stipule en particulier : « 11 §1 La Lune et ses ressources naturelles constituent le patrimoine commun de l’humanité, qui trouve son expression dans les dispositions du présent accord, en particulier au § 5 du présent article (ci-après). 11 §2 La Lune ne peut faire l’objet d’aucune appropriation nationale par voie de souveraineté, ni par voie d’utilisation ou d’occupation, ni par aucun autre moyen. §3 Ni la surface ni le sous-sol de la Lune ni une partie quelconque de celle-ci, ni les ressources naturelles qui s’y trouvent ne peuvent devenir la propriété d’États, d’organisations internationales, d’entités intergouvernementales ou non… de personnes physiques…11 §5 Les États parties au présent accord s’engagent à établir un régime international, y compris les procédures appropriées, régissant l’exploitation des ressources naturelles de la Lune lorsque cette exploitation sera sur le point de devenir possible… »..
Champ d’application en fonction des activités et des acteurs
■ Les activités concernées
Les différentes législations étrangères étudiées
A cet égard on citera en particulier : - l’étude de l’ADDEF commanditée par le CNES sur « L’étendue de la responsabilité du CNES en matière de lancements spatiaux et l’opportunité d’une réglementation spécifique aux activités spatiales en France à l’instar de ce qui peut exister dans d’autres puissances spatiales », réalisée en 1998 sous la direction du Professeur Rapp (par ailleurs président du groupe de travail n° 3 dans la présente étude) par des étudiants de l’Institut d’études internationales et de développement (IEID) de l’Université de Toulouse, en collaboration avec des étudiants de l’Université de Sceaux placés sous la responsabilité de Monsieur Philippe Achilléas. Ce rapport présente une étude des régimes suédois (Isabelle Dufeu), allemand (Amandine Large), anglais (David Koubi), français (Catherine d’Artigue), russe (Brune de Rivals-Mazeres) et américain (Bruno Moal) ; - les travaux des groupes d’experts sur les législations nationales menés dans le cadre du « Projet 2001 » conduit par l’Institut de Droit aérien et spatial de Cologne, en particulier lors du Workshop des 5 et 6 décembre 2000 comprenant des présentations sur la France (Philippe Clerc), l’Allemagne (Karl-Friedrich Nagel), le Brésil (Maria Helena Fonseca de Souza Rolim), l’Italie (Nicoletta Bini), la Belgique (Jean-François Mayence), les Pays-Bas (Frans G. von der Dunk), les États-Unis (Ray A. Williamson), la Suède (Niklas Hedman), le Royaume Uni (Roger Close) et l’Australie (Michael Davis) ; - l’étude comparative « Le cadre institutionnel des activités spatiales des États » menée sous la direction de Simone Courteix et préfacée par le ministre Hubert Curien, éditions Pedone, 1997. Pour la France, Philippe Clerc (pages 63 à 86) (britannique, suédoise, australienne et américaine) convergent toutes vers une même conception de l’étendue de leur champ d’application pour ce qui est des activités spatiales.
La définition suivante pourrait ainsi être proposée dans le cadre juridique interne : « une activité spatiale consiste en toute activité visant à procéder ou à faire procéder au lancement d’un objet spatial
L’objet spatial, pour sa part, peut se définir comme tout engin spatial destiné à l’emport de charges utiles ou de spationautes dans l’espace., en toute opération nécessaire au fonctionnement de tels objets (à savoir : les activités de télémesure, de suivi et de contrôle des objets spatiaux, les activités de mise et maintien à poste de satellites) ainsi qu’en toute autre activité conduite dans l’espace extra-atmosphérique » ou sur un corps céleste (Lune et autres planètes).
En revanche, devraient être exclues de cette définition les applications spatiales liées à l’exploitation des charges utiles de satellites et en particulier l’émission et la réception par les stations terrestres des données correspondantes. De même, ne devraient pas être concernées les opérations de location ou de sous-location portant sur ces charges utiles, lesquelles ne sont pas exclusivement rattachables au domaine spatial et relèvent déjà d’autres sources de droit telles que le droit des télécommunications, le droit de l’audiovisuel, voire le droit commun civil ou commercial.
Enfin, les questions concernant l’obtention des fréquences relèvent plus globalement du cadre de l’UIT et font l’objet d’une procédure spécifique de notification par la France conduite sous la responsabilité de l’ANFR, procédure en cours d’élaboration dans le cadre d’un projet de Loi sur la Société de l’Information (LSI)
Cf. le chapitre 2e du projet de loi relatif au développement des systèmes satellitaires qui prévoit de compléter le Code des postes et télécommunications (P&T) par un titre VIII intitulé : « Assignations de fréquences à des systèmes satellites ».. Il ne nous paraît donc pas opportun d’ajouter cette problématique connexe dans nos réflexions limitées strictement aux activités spatiales. La question des passerelles sera toutefois posée dans cette étude.
■ Les acteurs impliqués
Le droit de l’espace a vocation à s’appliquer à une multitude d’acteurs intervenant directement dans ce secteur à savoir : l’État et ses démembrements, les agences spatiales (CNES, ESA), l’industrie spatiale impliquée dans le développement et la production des objets spatiaux, ainsi que les opérateurs de services de lancement (Arianespace) ou de satellites (CNES, Eutelsat), les établissements financiers et assureurs concernés.
Il convient en effet de préciser qu’en vertu d’une application combinée des articles VI et VIII
Article VI : « Les États parties au Traité ont la responsabilité internationale des activités nationales dans l’espace extraatmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, qu’elles soient entreprises par des organismes gouvernementaux ou par des entités non gouvernementales, et de veiller à ce que les activités nationales soient poursuivies conformément aux dispositions énoncées dans le présent Traité. Les activités des entités non gouvernementales dans l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, doivent faire l’objet d’une surveillance continue de la part de l’État approprié partie au Traité. En cas d’activités poursuivies par une organisation internationale dans l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, la responsabilité du respect des dispositions du présent Traité incombera à cette organisation internationale et aux États parties au Traité qui font partie de ladite organisation ». Article VIII : « L’État partie au Traité sur le registre duquel est inscrit un objet lancé dans l’espace extra-atmosphérique conservera sous sa juridiction et son contrôle ledit objet et tout le personnel dudit objet, alors qu’ils se trouvent dans l’espace extra-atmosphé- rique ou sur un corps céleste. Les droits de propriété sur les objets lancés dans l’espace extra-atmosphérique, y compris les objets amenés ou construits sur un corps céleste, ainsi que sur leurs éléments constitutifs, demeurent entiers lorsque ces objets ou éléments se trouvent dans l’espace extra-atmosphérique ou sur un corps céleste, et lorsqu’ils reviennent sur la Terre. Les objets ou éléments constitutifs d’objets trouvés au-delà des limites de l’État partie au Traité sur le registre duquel ils sont inscrits doivent être restitués à cet État partie au Traité, celui-ci étant tenu de fournir, sur demande, des données d’identification avant la restitution. » du Traité de 1967 sur l’espace, notre droit interne a vocation à étendre son influence, voire son application, bien au-delà de la sphère nationale, notamment vis-à-vis d’entités européennes publiques ou privées ayant élu leur siège d’activités en France (ESA à Paris et au CSG, Arianespace SA
. A cet égard, on rappellera pour les lancements que des « accords de siège » lient ces entités européennes (ESA, Arianespace) avec l’État français, le cas échéant représenté par le CNES., la nouvelle société Eutelsat) ou de sociétés de droit français exerçant leurs activités à l’étranger telle Starsem
STARSEM, société russo-européenne créée le 17 juillet 1996, a pour principaux actionnaires, d’une part, l’Agence spatiale de Russie (RKA) et le centre spatial de Samara et, d’autre part, Arianespace et le groupe EADS-LV. Cette société est principalement en charge de l’adaptation du lanceur Soyuz et de ses dérivés aux normes occidentales en vue d’assurer l’exploitation opérationnelle et commerciale de Soyuz sur le marché commercial international.. L’application d’un tel droit interne extraterritorial doit toutefois rester « compatible » avec celle des autres droits souverains impliqués, notamment dès que l’on se place au niveau des services.
On notera aussi la mixité au sens public-privé de certains acteurs qui, comme le CNES, peuvent combiner des activités de nature régalienne
La sécurité et la sauvegarde au CSG, la tenue du registre national d’immatriculation des objets spatiaux, la maîtrise d’ouvrage déléguée de la composante spatiale du satellite militaire Helios… avec des fonctions opérationnelles, voire commerciales, dans le cadre de sociétés filiales.
C’est à l’égard du secteur privé que l’attente d’une législation spatiale est la plus forte. Aucune doctrine globale n’a été définie à ce jour au nom de la France dans ce domaine, notamment dans le sillage des grandes vagues de privatisation de l’industrie spatiale à la fin des années 1990. A l’égard des organismes publics, l’urgence est moins ressentie, tout du moins en regard des enjeux économiques en cause, une régulation pouvant là intervenir à tout moment par la voie réglementaire et administrative ou via les prérogatives des autorités de tutelles. La question essentielle consistera essentiellement à repréciser la mission des organismes publics vis-à-vis du secteur industriel et commercial, notamment en matière d’autorisation et de surveillance, tout en veillant à s’assurer du bon respect des règles de libre concurrence nationales ou européennes. Le critère de nationalité qui conditionne principalement l’application de la juridiction interne mérite d’être précisé dans le futur, notamment vis-à-vis des groupes européens transnationaux (EADS, Astrium, Alcatel)
Voir également Chapitre 2, page 53 « Fiscalité des activités spatiales » qui évoque aussi la Société anonyme Européenne (SE)., ou des organismes publics internationaux récemment privatisés comme Eutelsat.
Conditions générales d’octroi du « droit d’exercer
A savoir le droit d’exercer une activité spatiale au sens défini en page 31 (encadré), sans préjuger de la qualification administrative qui pourrait être retenue in fine : autorisation, convention, licence, permis, agrément…» et de l’immatriculation
Autoriser une activité spatiale implique, d’une part, d’analyser les qualités propres au demandeur (son statut, sa solvabilité, ses garanties, ses antécédents éventuels…) et, d’autre part d’examiner les critères relatifs à la nature de l’activité envisagée. Les développements suivants se proposent d’énumérer de manière exhaustive les éléments à prendre en considération lors de l’instruction de toute demande d’autorisation en exposant, le cas échéant, les différentes options possibles.
Qualités propres au demandeur
Une autorisation ne saurait être accordée in abstracto pour une activité donnée sans avoir au préalable pris en considération les qualités propres à son demandeur. A cet égard, la plupart des systèmes juridiques en vigueur à l’étranger (aux États-Unis et en Australie notamment) ont mis en place un ensemble de critères particulièrement ciblés. Parmi les qualités qui peuvent être prises en considération chez le demandeur, le présent rapport relève :
■ Sa nationalité, celle de ses dirigeants et de ses actionnaires principaux, sous réserve des règles de non-discrimination mais en tenant compte d’une part, des obligations communautaires de liberté d’établissement et de prestations de services, d’autre part, des conditions de réciprocité accordées à leurs ressortissants par des législations étrangères, des éventuels impératifs de défense nationale et autres considérations de politique étrangère, ainsi que du niveau de couverture en dernier ressort supporté par l’État au titre des dommages causés par l’activité considérée. Il faut par ailleurs définir une doctrine à l’égard des organisations internationales et de leurs entités commerciales qui ont en France l’implantation de leur siège social ou l’immatriculation et/ou la notification des fréquences de leurs satellites (ESA, Eutelsat, …).
■ Ses garanties propres à savoir sa solvabilité, ses cautions et garanties externes, sa surface financière, son statut juridique, ses équipements, sa maîtrise technologique et industrielle, son ancienneté, voire des éléments plus subjectifs liés à sa notoriété ou sa réputation sur les marchés, afin de s’assurer que le demandeur aura, en toutes circonstances, les moyens financiers, techniques et humains d’honorer ses engagements durant toute la durée du projet spatial.
■ Ses antécédents : il peut en effet s’avérer opportun de pouvoir refuser ou exclure la demande d’un opérateur qui n’aurait pas respecté ses obligations techniques ou financières ou réglementaires au titre d’une autorisation antérieure (fausse déclaration, défaut d’immatriculation, non-paiement des droits et taxes, conditions d’utilisation non conformes, désorbitation non respectée, concurrence déloyale…).
Conditions relatives à l’activité envisagée
Au centre du processus d’autorisation de toute activité spatiale, ces conditions peuvent se résumer comme suit.
■ Critères techniques
Les activités spatiales demeurent des activités de technicité complexe, coûteuses et potentiellement risquées pour les biens et les personnes à l’instar des domaines nucléaire et aérien. Comme nous l’avons évoqué précédemment, elles peuvent en outre engager une responsabilité absolue de l’État de lancement. Elles doivent ainsi justifier, selon nous, la nécessité d’un agrément technique préalable, à délivrer sous le contrôle des pouvoirs publics, afin d’en apprécier les risques et les prévenir autant que possible.
Cette nécessité n’apparaît cependant pas dans toutes les législations. La version anglaise se décrit en particulier comme un régime de licence fondé sur l’assurance impliquant le minimum de vérification technique afin de ne pas augmenter les dépenses publiques, notamment les dépenses en personnel
Cf. La présentation de Roger Close, Manager, Regulatory Affairs, British National Space Centre, sur le thème « UK Outer Space Act 1986 : scope and implementation » réalisée lors du Workshop précité « Project 2001 » de Munich des 5 et 6 décembre 2000..
Cela étant, l’activité spatiale anglaise est essentiellement tournée vers l’industrie des satellites et des opérateurs, à l’exclusion des services de lancement, le secteur des assurances y jouant par ailleurs un poids économique important. La législation australienne, qui vise principalement les services de lancement, se limite à préserver les intérêts de l’État, par voie contractuelle dans le cadre des licences consenties, en imposant aux opérateurs au cas par cas des clauses d’indemnisation ou d’assurance les couvrant jusqu’à la perte probable maximum (Maximum Probable Loss)
Cf. La présentation de Michael Davis, Avocat, Ward & Partners Lawyers, Australie, sur le thème « Space Legislation : the Australian Experience » réalisée lors du Workshop précité. Cette intervention présente notamment avec précision les règles de calcul des Maximum Probable Loss..
A titre d’exemple, à ce jour, les programmes conduits par la France via le CNES ou l’ESA font l’objet de mesures de contrôle qualité, d’assurance produit, de certification, de sécurité et de sauvegarde très rigoureuse. Ces agences ont ainsi mis sur pied un arsenal cohérent d’usages et de normes couvrant l’ensemble des secteurs spatiaux (lanceurs, satellites, segments sol…) à tous les stades de leur développement, de leur conception à leur fin d’exploitation. Ces règles imposées par les agences à l’industrie pour la réalisation des programmes qui lui sont confiés sont aujourd’hui largement reprises par cette dernière pour ses propres programmes commerciaux. Parmi ces standards et normes, nous citerons, de façon non exhaustive :
■ la doctrine et le règlement de sauvegarde du CNES applicables aux lancements effectués depuis le Centre spatial guyanais de Kourou (CSG) ;
■ la série des normes ECSS (Coopération européenne pour la normalisation spatiale) destinées à être appliquées à la gestion, l’ingénierie et l’assurance produits dans les projets spatiaux et leur application ;
■ les standards de l’IADC (Inter-Agency Space Debris Coordination Committee) en matière de prévention de la prolifération des débris spatiaux.
Aucun de ces textes ne peut cependant se prévaloir d’une valeur impérative de portée générale, alors même qu’ils seraient repris au cas par cas et de façon systématique dans les instruments contractuels qui lient les différents acteurs de l’opération de lancement. Ils n’ont en effet qu’un impact relatif (vis-à-vis des tiers). Ils ne garantissent pas non plus ex ante l’égalité des conditions d’exercice à l’égard de nouveaux entrants potentiels. Une telle situation peut donc appeler une intervention du « régulateur »
Sans préjuger ici de la forme que prendrait une telle « intervention », notamment au regard de la hiérarchie des normes (loi, règlement…)..
Le régulateur pourrait s’appuyer sur les normes ci-dessus en vue d’en étendre et d’en renforcer l’application. Cet exercice pourrait, à notre sens, se limiter pour l’essentiel à une codification à caractère didactique ou à une simple adaptation et mise en cohérence des éléments existants ci-dessus.
La question consiste alors à distinguer entre ce qui doit relever d’une norme contraignante ou d’une norme facultative. En cela, deux sensibilités se sont dégagées lors de nos consultations. Il y a, d’une part, ceux qui souhaitent (l’industrie spatiale a priori) un système de normalisation souple permettant une meilleure attraction des investisseurs étrangers et ne pénalisant pas les exportations par rapport à une concurrence internationale moins réglementée, et d’autre part, ceux qui, comme les agences spatiales, défendent un contrôle technique rigoureux afin de prévenir et de limiter les risques en général.
Le débat n’est cependant pas aussi figé qu’il le semble entre les différents acteurs en présence. La seconde voie peut en effet être soutenue par le secteur bancaire, le marché financier et les assureurs soucieux de sécuriser durablement le développement des investissements privés dans le spatial
D’autant que ces derniers pourront examiner la rentabilité de leurs investissements au regard d’autres systèmes terrestres équivalents pour lesquels les risques techniques sont moindres ou mieux maîtrisés (câble, systèmes hertziens…).. Par ailleurs, la position même des ministères n’est pas univoque. Ainsi le ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie doit arbitrer entre un système peu contraignant pour l’industrie et un niveau de responsabilité acceptable par l’État français dans ce domaine.
Quant aux industriels spatiaux européens, ils reconnaissent que l’imposition de standards techniques élevés peut aussi concourir à une meilleure compétitivité en terme de notoriété sur les marchés internationaux face à la concurrence de nouveaux entrants, certes moins discutants mais aussi moins fiables et moins performants.
Le débat se transpose dans les mêmes termes dans les discussions internationales en cours pour réglementer le marché des services de lancement et la prolifération des débris spatiaux.
En tout état de cause, le principe d’un contrôle technique des activités spatiales, conduit sous l’autorité publique, ne semble contesté par aucun des acteurs consultés. Certains acteurs privés le jugent même nécessaire pour préserver la bonne sécurité du système de non recours solidaire entre les différents industriels impliqués dans un programme spatial.
■ Conditions liées à la sécurité et à la défense nationale
L’autorisation et le contrôle des installations, systèmes et services spatiaux civils intéressent les autorités de sécurité et de défense nationale et ce, pour plusieurs raisons :
■ par l’enjeu stratégique que représentent l’autonomie de lancement européenne et la protection des moyens qui y concourent ;
■ pour garantir un accès indépendant et sécurisé aux infrastructures spatiales qui participent à la société de l’information dans sa globalité (télécommunications, télédiffusion, observation, navigation à l’échelle mondiale) ;
■ par le caractère dual des technologies lanceurs et satellitales qui justifie qu’elles soient couvertes par la réglementation à l’exportation.
■ Risques et responsabilité de l’État
C’est cette question qui justifie principalement la mise en place d’un cadre juridique interne précis et transparent d’autorisation et de contrôle des activités spatiales. Comme cité précédemment, la responsabilité de l’État peut être engagée au sens des traités internationaux non seulement pour ses activités propres mais aussi pour celles menées par des entités publiques ou privées placées sous sa juridiction.
Dispositif juridique actuel dans le domaine des lancements : les opérations de développement, de production et de lancement Ariane ainsi que l’exploitation du Centre spatial guyanais (CSG) sont couvertes par des accords bilatéraux conclus notamment entre le CNES, Arianespace, l’ESA et les gouvernements des États concernés
Pour une présentation détaillée de ces différents accords, voir la contribution européenne préparée par l’Agence spatiale européenne avec le concours du CNES en 2001, lors de la 40e session du sous-comité juridique du Comité des Nations Unies sur l’utilisation pacifique de l’espace extra-atmosphérique, relative à « La notion d’État de lancement au regard des Accords conclus entre le gouvernement de la France et l’Agence spatiale européenne, le CNES et cette dernière sur l’utilisation du Centre spatial guyanais (CSG) ».. Ces accords, soumis à des révisions périodiques, ont fait l’objet d’une refonte générale en 2001, dans la perspective notamment d’une ouverture du Centre à d’autres lanceurs qu’Ariane.
Dispositif juridique actuel dans le domaine des satellites : nous sommes aussi en présence d’un schéma contractuel (et/ou filial) liant la puissance publique aux opérateurs concernés (ex : accord entre le CNES et Spot Image). On notera néanmoins que les principaux engagements passés avec ces opérateurs l’ont été alors qu’ils relevaient encore du secteur public dans un contexte de programme probatoire (SPOT en 1987, Télécom ou TDF 1 et 2…). Les risques de dommages ne sont pas de même nature selon qu’il s’agit de lanceurs ou de satellites.
Le risque de lancement, limité dans le temps (quelques dizaines de minutes au plus), vise avec une plus grande probabilité les biens et personnes au sol ou dans l’espace aérien qui sont alors exposés à des dommages considérables engageant aussi la responsabilité absolue de l’État au titre de l’article II de la convention de 1972. Les risques causés par les satellites placés en orbite concernent principalement les autres engins spatiaux, qu’ils soient habités ou non. La probabilité d’une collision dans l’espace demeure assez faible et seule une responsabilité pour faute peut y être engagée au sens de l’article III de la Convention de 1972. La charge de la preuve incombe alors à l’opérateur victime, mais elle reste difficile à rapporter. Cependant, notons que le risque peut intervenir sur une très longue période de façon indéterminée, au-delà de la durée de vie opérationnelle du satellite (de 5 à 15 ans en moyenne), en tant que débris, ou lors de sa retombée sur Terre (qui peut se dérouler plusieurs dizaines, voire centaines d’années après). De telles durées s’accommodent mal avec le cycle de vie des polices d’assurance, qui ne dépassent généralement pas un an après le lancement (ou tout au plus quelques années après le lancement, dans le meilleur des cas, lorsque le marché de l’assurance des risques de responsabilité spatiale est au plus haut de son offre), voire avec la durée de vie des sociétés commerciales (notamment des compagnies d’assurance) concernées.
Il apparaît donc a priori que seuls les États ont la capacité de s’engager valablement sur de telles périodes. On notera cependant que le Royaume-Uni oblige les opérateurs à assurer leur satellite pendant toute leur durée de vie en responsabilité civile et contre tout recours éventuel contre l’État anglais. Selon le repré- sentant du British National Space Centre (BNSC), la prime correspondante serait assez faible, de l’ordre de la centaine de milliers d’Euros.
En conséquence de ces risques, plusieurs critères nous paraissent devoir être pris en compte dans notre système en ce qui concerne le seuil de responsabilité de l’État, c’est-à-dire le seuil à partir duquel ce dernier prend le relais de l’opérateur pour l’indemnisation des sinistres. Ce seuil a été fixé en 1980 à 60 M€ pour la société Arianespace au titre des premières versions Ariane et a été maintenu depuis avec Ariane 5.
CONCLUSION
Le droit en tant que discours et comme pratique, est une réalité inhérente à toute activité sociale. Il s'imbrique ainsi dans les activités scientifiques et notamment dans l'astronomie. Leur commun dénominateur se révèle être le droit de l'espace.
La conclusion fut que l'Espace ne pouvait faire l'objet d'aucune appropriation nationale, quelle qu'en fut le moyen. La réflexion se dirigea dès lors vers les activités effectuées dans l'Espace. Nous savons que son exploration et son utilisation sont permises, par tout Etat sans aucune discrimination, quel que soit son niveau de développement, à condition qu'il ait des ressources économiques suffisantes.
Remarquons la difficulté à pratiquer et donc à enseigner le droit de l’espace. Le juriste de droit spatial doit avoir des connaissances très vastes. La plupart des domaines du droit ont des implications dans l’espace. Il faut donc au spécialiste de droit spatial des connaissances dans tous ces domaines. Cette difficulté est augmentée par le fait que le juriste de droit spatial doit également être ouvert aux spécificités du milieu et donc avoir une solide culture générale technique. Il doit pouvoir comprendre les problèmes des ingénieurs et des scientifiques qui conduisent leurs activités dans l’espace.
Nous disposons pour l’instant en droit de l’espace de règles beaucoup plus efficaces. L’espace extra-atmosphérique n’est pas anarchique comme la haute mer. La responsabilité des Etats y joue un rôle central. Ayons la sagesse de la préserver afin que les activités spatiales soient en effet conduites pour le bien et dans l'intérêt de tous les pays, quel que soit le stade de leur développement économique ou scientifique; comme le prévoit l’article premier de notre traité fondateur de 1967 dont les règles sont encore aujourd’hui l’honneur des Etats qui l’ont proposé et de ceux qui l’ont accepté.
BIBLIOGRAPHIE
Liens Importants :
I. United Nations Office for Outer Space Affairs
http://www.unoosa.org/oosa/index.html
II. European Space Agency (ESA)
http://www.esa.int
III. European Centre for Space Law (ECSL)
http://www.esa.int/SPECIALS/ECSL/index.html
IV. Institut für Weltraumforschung der Österreichischen
Akademie der Wissenschaften
http://www.iwf.oeaw.ac.at/german/welcome1024_d.html
V. Österreichisches Weltraum Forum (ÖWF)
http://www.oewf.org
VI. UN Treaties and Principles on Outer Space
http://www.unoosa.org/pdf/publications/STSPACE11E.pdf
VII. National Point of Contact Austria
http://www.spacelaw.at
VIII. http://www.earth.google.com/moon/ocean
Littérature :
Alexander Soucek : Space Law Essentials Vol. 1 Textbook (Buch kartoniert), Werner Hauser (Hrsg.), Linde Praktikerskripten, 1. Auflage 2015 | 144 Seiten | Linde Verlag ISBN: 9783707331936
Anita Rinner / Hannes Mayer / Yvonne Karimi-Schmidt / Christian Brünner : Space Law Essentials Vol. 2 Casebook (Buch kartoniert), Werner Hauser (Hrsg.), Linde Praktikerskripten, 1. Auflage 2015 | 96 Seiten | Linde Verlag ISBN: 9783707331943
Az.-Prof. Dr. Yvonne Schmidt, „International Space Law and Developing Countries”, in: Outer Space. Legal, Political and Social Aspects. Brünner, Christian; Soucek, Alexander (Eds.), 1st Edition, 2011, Springer Verlag, Chapter 4.8.
Rapport officiel :
Alain Costes, « L'évolution du droit de l'espace en France », Paris, Ministère de la recherche et des nouvelles technologies, 2003, 155p.
Livres :
Philippe Achilleas, De Spoutnik au Tourisme Spatial 50 Ans de Droit de l'Espace, Éditions Larcier, coll. Droits technologiques, 2009, (ISBN 2804428923).
Philippe Kahn (biographie officielle), L'exploitation commerciale de l'espace : droit positif, droit prospectif, Litec, coll. Travaux du credimi, 1992, (ISBN 2711121232).
Monographies :
Mireille Couston, « Chronique de droit spatial. Éditorial : L'indétermination quantique des politiques spatiales. », Revue française de droit aérien, 2006, N°1, p.4-5.
Laurence Ravillon, « Droits des contrats spatiaux: Quelques thèmes récurrents », Revue française de droit aérien, 1998, N°1, p.35-62.
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