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Le tumulus 2 de Meshalä Maryam (Mänz)

2012, Fauvelle-Aymar (F.-X.) & Poissonnier (B.) (ed.) "La Culture Shay d'Ethiopie (Xe-XIVe siècles). Recherches archéologiques et historiques sur une élite païenne". De Boccard/CFEE.

"Tumulus 2 of Meshalä Maryam (Mänz) Around twenty tumuli-like monuments were identified in 1997-1999 on the site of Meshalä Maryam, known as having been an important site of the Christian kingdom during the XVth century. One of these monuments, the tumulus 2, has proved to be a funeral monument. It has the aspect of a stone heap which bore at its summit, before the archaeological excavation, a crater that lets one imagine an initially corbelled roof above a round chamber. This chamber had been plundered before the excavation, but this had not disturbed deep archaeological levels. The archaeological excavation of this tumulus revealed the existence of two well distinguished levels inside the funeral chamber. The higher level contained many human bones, certain of which, found alongside the walls, seemed to have retained their anatomic connexions. Many animal bones were also present. The sifted sediments delivered several hundred beads. The bottom level, about 30 cm thick, undisturbed, contained around thirty whole ceramics which were set in a bed of alternating ash and sediments. We were able to reconstitute the different phases of the monument’s use: they enable us to imagine the existence, associated to the original monument, of a first stage corresponding to the burial of an individual (or of a small number of individuals) together with an important storing of ceramics ; followed by successive burials, as deaths occurred, of individuals making up a group whose composition evokes family like ties. The minimum number of individuals buried in this monument is 19. "

3. LE TUMULUS 2 DE MESHALÄ MARYAM (MÄNZ) Bertrand Poissonnier, Bertrand Hirsch Le site de Meshalä Maryam est situé à une dizaine de kilomètres à l’ouest de la localité de Mähal Meda dans le Mänz (Fig. 1.2). Se développant sur plusieurs kilomètres carrés, essentiellement sur la rive gauche de la rivière Šay, il est réputé localement comme ayant été le camp du roi Bä’ǝdä Maryam (r. 1468-1478) et des vestiges médiévaux y ont en effet été signalés par Francis Anfray1. Une campagne de prospections (1997) et trois campagnes de fouilles (1998-2000) nous ont permis de mettre au jour un ensemble de structures médiévales ou post-médiévales (vastes cercles de pierres, habitat, église)2. Une église médiévale à plan basilical (église de Gabriel) accompagnée d’une nécropole chrétienne a fait l’objet d’une fouille minutieuse3. Francis Anfray avait relevé la présence dans cette région de monuments mégalithiques de type tumulaire4. Sur le site de Meshalä Maryam à proprement parler, les travaux des années 1997-1999 ont révélé de tels monuments au nombre d’une vingtaine, généralement sur les points topographiques remarquables de part et d’autre de la rivière Šay. Quelques tumulus à couloir ont été repérés, comme celui de Tätär Gur dont nous parlerons dans le prochain chapitre5. Des prospections étendues à l’ensemble du Mänz en 2000 et complétées en 2007 ont permis d’établir un inventaire de près d’une centaine de tumulus (Fig. 1.2)6. Le tumulus 2 de Meshalä Maryam est situé sur un éperon d’axe SO-NE, sur son arête nord-ouest dominant la vallée de la Šay de près de 200 m. En 1999, ce monument se présentait comme un monticule de pierres hémisphérique de 10 m de diamètre, au sommet duquel se trouvait à notre arrivée un cratère béant laissant deviner une couverture initiale1. F. a nFray 1983. 2. Pour une présentation des résultats après les deux premières campagnes, voir B. H irscH & B. P oissonnier 2000. 3. Voir localisation de cette église située sur un amba rocheux dans B. H irscH & B. P oissonnier 2000 : 74. Pour une monographie sur la fouille de cet ensemble, voir M.-L. D erat & A.-M. J ouquanD 2012. 4. F. a nFray 1983. 5. Voir carte de localisation dans B. H irscH & B. P oissonnier 2000 : 72-73. 6. F.-X. F auvelle -a yMar et al. 2007-2008. Livre_Shay_02.indb 45 29/08/12 12:14 46 b. poissonnier, b. hirsch ment encorbellée assurément formée de grands prismes basaltiques, comme il en existe à l’état naturel à proximité. Certains autres tumulus du secteur permettent du reste d’observer une couverture de ce type, comme celui de Qum Dǝngay7. L’ouverture laissait paraître une chambre circulaire en partie comblée par des pierres et de la terre (Fig. 3.1 & 3.2). Fig. 3.1 — Tumulus 2 de Meshalä Maryam. Vue du tumulus immédiatement avant la fouille, en direction du SO. L’église de Meshalä Maryam se situe en arrière-plan, à gauche, dans son bois de genévriers géants. La vallée de la Šay est en contrebas du cliché, du côté droit Nous avons rencontré sur le site un habitant des environs qui avait tenté de piller ce tumulus vingt-six ans plus tôt dans l’espoir de découvrir de l’or et des monnaies. Il n’avait rien découvert de ce type et n’avait pas porté attention à d’éventuels autres vestiges, tels que des poteries ou des ossements. De fait, la fouille montra qu’il n’avait pas atteint les niveaux profonds du remplissage de la tombe. De ce fait, nous avions la possibilité de réaliser la première fouille méthodique8 d’un tumulus de cette région. 7. F.-X. F auvelle -a yMar et al. 2007-2008 : 193, Ill.3. 8. Par opposition aux fouilles sauvages pratiquées par les habitants ; voir le chap. 2 du présent ouvrage pour un cas éclairant ; voir également F.-X. F auvelle -a yMar et al. 2007-2008 : passim. Livre_Shay_02.indb 46 29/08/12 12:14 47 l e t u m u lu s 2 d e m e s h a l ä m a rya m 0 5m NO SE 0 50m Fig. 3.2 — Plan et profil NO-SE du tumulus 2 de Meshalä Maryam, en situation topographique ; éch. : 1/500 (profil) et 1/200 (plan) La fouille de la chambre L’architecture externe du tumulus a été partiellement étudiée9. Le monument est ceinturé à la base par une couronne de pierres, qui ne paraît pas avoir possédé plus d’une assise. Des éléments semi-circulaires appareillés sont visibles à différents niveaux au sein de la masse tumulaire, sans que l’on ait noté de véritable mur. Seuls des secteurs partiels présentent quelques assises de pierres superposées (Fig. 3.3), qui correspondent à quelques petites terrasses qui ne faisaient pas le tour complet du monument. Sur l’une d’elles, nous avons retrouvé plusieurs céramiques écrasées sur place, similaires à celles rencontrés à l’intérieur de la chambre. Elles étaient accompagnées de charbons de bois et de pierres rubéfiées par le contact avec un feu vif, alors qu’aucune des pierres rencontrées à l’intérieur de la chambre ne présentait de semblables stigmates. Une boucle d’oreille en pierre rouge 9. La description qui suit précise celle publiée par B. H irscH & B. P oissonnier (2000 : 82-85). L’équipe de fouille était constituée alternativement de c. c orMiEr , d ErESSE a yEnachEw , k alaMwa a raya , n. M ohauPt , B. P oiSSonniEr et n. r odriGuEz . r. B Ernard a fait la topographie. En ce qui concerne le mobilier, par un concours de circonstances indépendantes de notre volonté, il n’a pas été possible de présenter ici une étude aboutie du mobilier déposé au Musée national d’Addis Abeba. Les dessins effectués en 1999 par J.-M. B ryanD (Inrap) avaient été égarés, mais par chance une version papier de ceux-ci, malheureusement sans mention formelle d’échelle, a été retrouvée par hasard au cours du bouclage de cet ouvrage. Nous les avons inclus dans ce chapitre, sans pouvoir les confronter de nouveau avec les pièces originelles. Les descriptifs du mobilier ont été perdus. De ce fait, certaines erreurs ou imprécisions ont pu se glisser dans ces planches, que nous nous efforcerons de corriger dès que la chose sera possible. Livre_Shay_02.indb 47 29/08/12 12:14 48 b. poissonnier, b. hirsch identique à deux autres rencontrées à l’intérieur confirme la parfaite contemporanéité des dépôts à l’intérieur et à l’extérieur du tumulus. Il faut donc sérieusement considérer la possibilité d’un rituel localisé sur le tumulus. Fig. 3.3 — Tumulus 2 de Meshalä Maryam. Secteur appareillé à l’intérieur du tumulus Nous avons fouillé progressivement la chambre circulaire depuis les niveaux supérieurs. Le sédiment a été tamisé à l’aide de tamis très fins, ce qui nous a permis de découvrir plusieurs centaines de perles de très faible module. Le niveau supérieur, très humique et très poudreux, contenait de nombreux objets archéologiques (tessons de poterie, épingle en fer, perles, os…) (Fig. 3.4). Ce niveau poudreux était moins humique et plus limoneux dans sa partie inférieure, et parallèlement contenait de très nombreux os, tessons et objets de parure, ainsi que de l’industrie lithique. L’origine de ce sédiment poudreux, que nous avons pu enlever assez facilement à l’aide d’un aspirateur, pourrait être d’origine volcanique, et correspondre à une ou plusieurs retombée(s) de poussières qui auraient colmaté la tombe par infiltration, à une époque postérieure. La très mauvaise conservation des ossements pourrait du reste s’expliquer par la nature acide de ces cendres. Sous ce niveau à os se développait sur une puissance variable d’environ 30 cm un second niveau non perturbé qui reposait directement sur le substrat rocheux décapé par les constructeurs, et sur lequel repose le tumulus. De nombreuses céramiques souvent entières (Fig. 3.5 à 3.12) reposaient soit directement sur le rocher, soit sur des pierres posées sur celui-ci. Au centre de la chambre était déposée une coupe à socle ajouré, d’un type proche des brûle-parfum actuels (Fig. 3.12). Livre_Shay_02.indb 48 29/08/12 12:14 49 l e t u m u lu s 2 d e m e s h a l ä m a rya m 0 1m Légende poterie os 30 métal pierre 5 Limite de la chambre Fig. 3.4 — Tumulus 2 de Meshalä Maryam : relevé de l’intérieur de la chambre (niveau supérieur) ; éch. : 1/20 Les céramiques étaient prises dans une couche mixte où l’on rencontrait un sédiment limoneux brun clair, très fin et très homogène, extrêmement léger, qui voisinait avec des poches de cendre blanchâtre pure. La démarcation entre ces poches de cendre et le sédiment brun clair était parfaitement nette et souvent rectiligne, ce qui implique la présence originelle de contenants ou de structures en matériau périssable. On songe à une partition de l’espace funéraire, soit originelle, soit produite par une succession de dépôts. L’utilisation du bois vient spontanément à l’esprit, mais n’oublions pas que la plupart du mobilier présent actuellement dans les maisons des environs est fabriqué à l’aide d’un mélange de Livre_Shay_02.indb 49 29/08/12 12:14 50 b. poissonnier, b. hirsch Fig. 3.5 — Tumulus 2 de Meshalä Maryam : céramiques de la chambre Fig. 3.6 — Tumulus 2 de Meshalä Maryam : céramiques de la chambre Fig. 3.7 — Tumulus 2 de Meshalä Maryam. Vue générale de la fouille de la chambre. Noter les prismes basaltiques à droite, restes de la couverture en encorbellement Livre_Shay_02.indb 50 29/08/12 12:14 l e t u m u lu s 2 d e m e s h a l ä m a rya m 51 Fig. 3.8 — Tumulus 2 de Meshalä Maryam : vue générale de la fouille de la chambre Fig. 3.9 — Tumulus 2 de Meshalä Maryam : céramiques de la chambre Fig. 3.10 — Tumulus 2 de Meshalä Maryam : cruchon à décor de croisillons et restes du brûle-parfum à droite Livre_Shay_02.indb 51 29/08/12 12:14 52 b. poissonnier, b. hirsch Fig. 3.11 — Tumulus 2 de Meshalä Maryam : céramiques de la chambre terre et de bouse de vache. Un semblable aménagement peut très bien avoir été mis en place dans la chambre. La décomposition de ce matériau pourrait expliquer le caractère léger du sédiment brun-clair rencontré à la fouille. Ce niveau inférieur était très pauvre en mobilier autre que céramique ; seules quelques perles et fragments de bracelets en fer y ont été découverts, et encore peuvent-ils provenir du niveau sus-jacent. Les os étaient absents, à l’exclusion d’un dépôt manifeste de deux os longs. Nous avons compilé sur une même illustration les éléments rencontrés lors de la fouille de la chambre (Fig. 3.13 cc). Une certaine organisation des dépôts apparaît, même si son état correspond au moment de l’abandon d’une tombe au fonctionnement très vraisemblablement étagé dans le temps. Ainsi, dans la partie nord de la chambre se rassemble la plupart des pierres de grande taille (fragments de prismes), déposés manifestement à dessein sur le substrat. Les céramiques sont plus abondantes dans le tiers nord, mais s’organisent aussi selon deux lignes orientées sensiblement NE-SO, laissant des zones vides pouvant correspondre à un espace de circulation ou de dépôt de corps. Elles occupent aussi le pied des parois. Une demie poterie, en position isolée, contenait une pierre. Un énigmatique rassemblement de deux os longs a déjà été noté dans le niveau inférieur. De manière générale, les os humains sont très fragmentés, en particulier dans la partie centrale de la chambre. En revanche, le long des parois, quelques ossements épargnés par les piétinements ou mieux protégés des cendres en provenance du sommet étaient demeurés dans des positions relatives évoquant l’existence de connexions anatomiques. Malheureusement, la disparition des éléments pour les raisons évoquées plus haut nous interdit de reconstituer le fonctionnement funéraire autrement que par le décompte minimum d’individus effectué par J.-R. Boisserie (Annexe A), qui a déterminé sur les restes osseux et les Livre_Shay_02.indb 52 29/08/12 12:14 53 l e t u m u lu s 2 d e m e s h a l ä m a rya m Légende poterie os métal pierre brûle-parfum Limite de la chambre 0 1m Fig. 3.12 — Tumulus 2 de Meshalä Maryam : relevé de l’intérieur de la chambre (niveau inférieur) ; éch. : 1/20 dents la présence d’au minimum 19 personnes au sein de la sépulture. S’il n’a pas été possible de déterminer les sexes, on remarque toutefois plusieurs classes d’âge : il existe cinq préadolescents de moins de sept ans, douze individus adultes ou pré-adultes et au moins deux individus séniles. Une composition que l’on qualifierait volontiers de familiale. La disparition des éléments complémentaires des squelettes peut s’expliquer tant par des raisons taphonomiques (mauvaise conservation) que par des manipulations (déplacements ou retraits d’éléments de corps). La plus grande fragmentation osseuse dans la partie centrale de la chambre peut s’expliquer par le piétinement lié à l’accès depuis le sommet du monument. Livre_Shay_02.indb 53 29/08/12 12:14 Légende poterie os métal pierre Limite de la chambre (niveau supérieur) Limite de la chambre (niveau inférieur) 0 1m Fig. 3.13 — Tumulus 2 de Meshalä Maryam : relevé de l’intérieur de la chambre (vues cumulées) ; éch. : 1/20 Livre_Shay_02.indb 258 03/08/12 10:53 54 b. poissonnier, b. hirsch Quelques restes de faune (bœuf et mouton) ont été déposés dans la tombe, peut-être à l’état déjà décharné, selon J.-R. Boisserie. D’autres os sont vraisemblablement intrusifs dans la sépulture (rongeurs, porcs-épics, petits carnivores). Un aperçu du mobilier Au sein de la céramique, nous pouvons discerner plusieurs catégories10. Trois formes carénées montrent un traitement de surface poussé, parfaitement régulier et poli, allié à une teinte grise très foncée. L’exemplaire fermé ultra-caréné no 30 (Fig. 3.4), à fond rond et col tubulaire, possède un diamètre compris entre une fois et demie et deux fois la hauteur. Cette forme très élégante, que nous avons baptisée soucoupe volante, est très spécifique de la culture Shay. De façon graduelle, quand les proportions se modifient quelque peu, quand la poterie est moins comprimée sur elle-même, on passe à la catégorie des bouteilles carénées dont un exemplaire a été retrouvé dans le tumulus (Fig. 3.4, no 5). Elle est munie d’un col tubulaire et présente un décor gravé de lignes brisées, organisé de façon ternaire sur le haut de la panse ainsi qu’au-dessus de la ligne de la carène. Une anse retroussée, à perforation sub-horizontale, est insérée sur la carène. Le troisième récipient caréné, malheureusement incomplet (Fig. 3.14, no 37), possède une anse formée d’un premier élément de section sub-quadrangulaire surmonté d’un second nettement plus petit. Un décor gravé est présent sur le haut de panse. Cinq cruches constituent un ensemble de formes à panse globulaire munies d’une anse boudinée ou un peu aplatie (Fig. 3.15 & 3.16). Les fonds sont soit ronds (trois cas), soit plats (deux cas). Trois exemplaires (no 29, 33 & 38) portent un décor de rayures verticales obtenues à l’aide d’un brunissoir sur une pâte raffermie ou sèche. La cruche no 29 possède un décor formé de trois petits éléments plastiques juxtaposés, opposés à l’anse. La quatrième cruche (no 3) montre trois arceaux en relief disposés au-dessus du diamètre maximum, depuis lesquels se développent en dessous des arceaux inversés obtenus par impression, et formant guirlande. La cinquième cruche (Fig. 3.16) est plus ramassée que les précédentes. Elle montre un décor ternaire formé de trois pointes de flèche en relief, au-dessus du diamètre maximum. La série des formes que nous regroupons sous l’appellation de cruchons est la plus abondante du site (Fig. 3.17 & 3.18). Ces petits récipients fermés à panse globulaire à fond rond ou rarement plat, avec un col court, vertical ou éversé, sont munis d’une anse perforée par un trou (rarement deux). Une série remarquablement homogène de six cruchons est décorée au niveau du registre supérieur de la panse par des croisillons serrés obtenus au brunissoir sur une pâte raffermie ou sèche (Fig. 3.17). L’un d’eux (no 35) porte un décor d’arceau en opposition à l’anse, et un autre (no 34) un double bouton en situation similaire. Rappelons que nous avons déjà rencontré, au chapitre précédent, un décor de croisillons fait au brunissoir sur le registre d’un récipient, mais c’était sur un récipient ouvert, 10. Notre descriptif typologique s’inspire de B alFet et al. 1983 Livre_Shay_02.indb 54 29/08/12 12:14 l e t u m u lu s 2 d e m e s h a l ä m a rya m 55 à Qopros. Parmi les autres cruchons (Fig. 3.18), on note une série homogène de sept petits exemplaires sans décors, de forme semblable (no 2, 9, 11, 12, 13, 36 & 44). Un cruchon est décoré de rayures sub-verticales obtenues au brunissoir, et qui rappellent les cruches précédemment décrites (no 14). Un autre (no 18) est décoré de deux couples de lignes horizontales imprimées, avec un décor d’arceau en relief opposé à l’anse. Enfin, une paire de cruchons identiques (no 1 & 4) possède des fonds plats et une couronne de boutons audessus du diamètre maximum. Nous avons regroupé sur deux figures (Fig. 3.14 & 3.19) des formes diverses dont les types sont bien moins fréquents. Parmi les formes fermées, notons un probable cruchon incomplet (no 46) au décor plastique ternaire formé de couples de boutons au niveau du diamètre maximum. Un petit pot (no 8) montre deux anses opposées, et un autre (no 10), une toute petite anse aplatie. Parmi les formes ouvertes ou faiblement fermées, des sortes de bols profonds, hémisphériques ou plus globulaires (no 15, 16, 17 & 40), ont un fond rond, plat ou aplati, avec ou sans anse. Les décors, quand ils sont présents, peuvent être incisés (no 16) ou imprimés et plastiques (no 17 ; no 40). Deux sortes de grands gobelets profonds (no 39 & 42) ne sont pas décorés. Des éléments de possibles plats (no 23 & 24) possèdent des sillons internes. La lèvre aplatie de l’exemplaire no 24 est incisée en forme de ligne brisée. On note aussi la présence d’un couvercle au décor imprimé rayonnant (no 22), un fragment de passoire (no 21), et quelques tessons décorés, dont des décors digités remarquables (no 41 & 45). Enfin, une coupe à socle (Fig. 3.20) avait été déposée au centre du monument (Fig. 3.12 & 3.10). Découverte en plusieurs morceaux, avec des manques, elle montre sur sa base un décor de rayures verticales faites au brunissoir, ainsi que des lignes d’impressions. L’intérieur est décoré de bandes rayonnantes au brunissoir. Ce type de brûle-parfum est très proche d’un exemplaire découvert dans la fosse F1 de l’église de l’Amba Gabriel11. Le contexte est postérieur, mais la nature des éléments découverts dans cette fosse permet d’avancer l’hypothèse que des éléments anciens y ont été conservés, dont possiblement des objets shay. L’autre élément de comparaison est fourni par l’exemplaire de Qopros, dont nous avons parlé au chapitre précédent. Outre la céramique, le tumulus a livré une dizaine de bracelets complets formés d’un jonc replié sur lui-même (Fig. 3.21). Les autres objets métalliques (fer, métal cuivreux et argent) (Fig. 3.22) comprenaient deux tiges (no 11 & 13), un poinçon à la base enroulée (no 12), une lame à soie (no 14), des tortillons (no 15, 16, 17, 18, 21), deux boucles (no 19 & 27) et un élément plat à trois perforations (no 20). Parmi les parures non métalliques, de nombreuses petites perles en verre n’ont pu être relocalisées au musée national, mais elles comportaient de nombreux exemplaires monochromes étirés d’origine indo-pacifique. Enfin quatre parures en roche rouge à l’aspect de bauxite (Fig. 3.22, no 22, 23, 25 & 26) ont été découvertes soit dans le remplissage de la chambre, soit sur une terrasse du tumulus. 11. M.-l. d Erat & a.-M. J ouquand 2012. Livre_Shay_02.indb 55 29/08/12 12:14 56 b. poissonnier, b. hirsch 17 16 15 26 37 22 46 0 25cm Fig. 3.14 — Céramiques diverses du tumulus 2 de Meshalä Maryam ; éch. : 1/5 Livre_Shay_02.indb 56 29/08/12 12:14 l e t u m u lu s 2 d e m e s h a l ä m a rya m 57 29 33 3 38 0 25cm Fig. 3.15 — Cruches du tumulus 2 de Meshalä Maryam ; éch. : 1/5 Livre_Shay_02.indb 57 29/08/12 12:14 58 b. poissonnier, b. hirsch 6 0 25cm Fig. 3.16 — Cruche du tumulus 2 de Meshalä Maryam ; éch. : 1/5 31 32 28 34 7 35 0 25cm Fig. 3.17 — Cruchons à croisillons du tumulus 2 de Meshalä Maryam ; éch. : 1/5 Livre_Shay_02.indb 58 29/08/12 12:14 l e t u m u lu s 2 d e m e s h a l ä m a rya m 36 2 9 4 44 13 11 59 1 12 18 0 14 25cm Fig. 3.18 — Cruchons du tumulus 2 de Meshalä Maryam ; éch. : 1/5 Livre_Shay_02.indb 59 29/08/12 12:14 60 b. poissonnier, b. hirsch 23 39 42 24 21 10 8 40 25 45 43 41 20 0 25cm Fig. 3.19 — Céramiques diverses du tumulus 2 de Meshalä Maryam ; éch. : 1/5 Livre_Shay_02.indb 60 29/08/12 12:14 l e t u m u lu s 2 d e m e s h a l ä m a rya m 61 19 0 25cm Fig. 3.20 — Brûle-parfum découvert au centre de la chambre ; éch. : 1/5 Livre_Shay_02.indb 61 29/08/12 12:14 62 b. poissonnier, b. hirsch 1 5 4 3 2 6 7 9 8 0 1 0 10cm Fig. 3.21 — Série de bracelets du tumulus 2 de Meshalä Maryam Livre_Shay_02.indb 62 29/08/12 12:14 l e t u m u lu s 2 d e m e s h a l ä m a rya m 13 14 12 11 15 63 18 17 16 19 21 20 27 25 24 23 22 0 26 10cm Fig. 3.22 — Objets divers du tumulus 2 de Meshalä Maryam ; éch. : 1/5 Livre_Shay_02.indb 63 29/08/12 12:14 64 b. poissonnier, b. hirsch Fonctionnement du monument D’un point de vue stratigraphique, il ne nous a pas été possible de saisir une succession d’événements bien nets qui auraient permis d’identifier une chronologie des gestes funéraires. Nous avions envisagé dans un premier temps la possibilité d’un dépôt unique, organisé et clos au sein d’un tumulus fermé, avec éventuellement des perturbations ou remaniements ponctuels ultérieurs. Mais tant l’abondance des dépôts que le nombre des inhumés et leur diversité en termes d’âge, l’organisation générale avec un piétinement visible au centre de la chambre, et enfin la puissance de la stratification, nous indiquent un fonctionnement étagé dans le temps, avec des dépôts successifs effectués depuis le haut de la couverture. Cependant, à l’intérieur de ce cadre interprétatif, l’existence de deux niveaux fortement différenciés au sein de cette chambre funéraire nous fait envisager la possibilité de deux moments particuliers. Dans un premier temps, un nombre très restreint d’individus, voire un seul privilégié, est déposé avec de très abondants dépôts matérialisés par des céramiques. Dans un second temps, d’autres personnes, peut-être liées par la parenté, sont déposées au-dessus, au fur et à mesure de leur décès. Nous proposons ainsi la reconstitution des événements suivante : • Construction d’un tumulus circulaire en pierres sèches de 10 m de diamètre, directement sur le rocher décapé. Il est limité par une couronne formée apparemment d’une seule assise de pierres. En arrière de cette couronne, sur la masse même du tumulus, des secteurs disjoints présentent de petits parements semi-circulaires limitant des aires terrassées ponctuelles possiblement utilisées à des fins rituelles (dépôts d’objets et combustions). Ces sortes de gradins devaient aussi faciliter les accès successifs au sommet du monument, d’où l’on pénétrait dans la tombe. • Aménagement au centre du tumulus, directement sur le substrat décapé, d’une chambre construite en encorbellement, de plan ovalaire, mesurant 2,60 × 3 m. Ses parois parementées montrent un dévers progressif, démarrant dès la base, tandis que pour leur part les blocs s’inclinent progressivement vers l’extérieur au fur et à mesure de l’élévation. La couverture est formée de longs prismes volcaniques, formant une fermeture amovible depuis le haut (Fig. 3.23). • Dépôt d’un premier corps (entier ou représenté par quelques os), voire d’un nombre très limité de corps, avec des dépôts abondants matérialisés par des céramiques entières au contenu inconnu. L’espace funéraire est aménagé, probablement compartimenté avec des éléments en matériaux périssables. • Dépôts successifs de corps (voire d’ossements) dans la chambre, au fur et au mesure des décès, accompagnés de parures et de restes animaux, au-dessus du niveau inférieur compartimenté. La dispersion des âges attestés soutient l’hypothèse de liens d’ordre familial avec le premier défunt. • Infiltration de sédiments au travers des pierres sèches du tumulus, notamment depuis la couverture, avec d’abondantes cendres (volcaniques ?) qui se trouvent piégées au centre de la chambre (elles sont lessivées en dehors) et dissolvent avec leur acidité la plupart des os. Livre_Shay_02.indb 64 29/08/12 12:14 l e t u m u lu s 2 d e m e s h a l ä m a rya m 65 Conclusion L’absence d’éléments organiques préservés dans le remplissage a interdit la réalisation de datations radiocarbone. Néanmoins, la fouille minutieuse a montré que ce tumulus était en fait une sépulture multiple, accessible depuis l’extérieur, et dont le fonctionnement funéraire s’était étalé dans le temps. Les éléments recueillis nous ont permis d’asseoir l’hypothèse d’une tombe réalisée à l’occasion du décès d’une personne privilégiée (voire d’un nombre restreint de personnes). La vie de la sépulture s’est prolongée avec les apports successifs d’autres individus (corps entiers ou non) vraisemblablement liés au précédent par des liens familiaux. Fig. 3.23 — Tumulus 2 de Meshalä Maryam. Détail de la construction de la chambre en encorbellement. Les pierres reposent sur le substrat décapé ; l’échelle mesure 50 cm Livre_Shay_02.indb 65 29/08/12 12:14 Livre_Shay_02.indb 66 29/08/12 12:14