3. LE TUMULUS 2 DE MESHALÄ MARYAM
(MÄNZ)
Bertrand Poissonnier, Bertrand Hirsch
Le site de Meshalä Maryam est situé à une dizaine de kilomètres à l’ouest de la localité de
Mähal Meda dans le Mänz (Fig. 1.2). Se développant sur plusieurs kilomètres carrés, essentiellement sur la rive gauche de la rivière Šay, il est réputé localement comme ayant été le
camp du roi Bä’ǝdä Maryam (r. 1468-1478) et des vestiges médiévaux y ont en effet été
signalés par Francis Anfray1. Une campagne de prospections (1997) et trois campagnes de
fouilles (1998-2000) nous ont permis de mettre au jour un ensemble de structures médiévales ou post-médiévales (vastes cercles de pierres, habitat, église)2. Une église médiévale
à plan basilical (église de Gabriel) accompagnée d’une nécropole chrétienne a fait l’objet
d’une fouille minutieuse3.
Francis Anfray avait relevé la présence dans cette région de monuments mégalithiques
de type tumulaire4. Sur le site de Meshalä Maryam à proprement parler, les travaux des
années 1997-1999 ont révélé de tels monuments au nombre d’une vingtaine, généralement
sur les points topographiques remarquables de part et d’autre de la rivière Šay. Quelques
tumulus à couloir ont été repérés, comme celui de Tätär Gur dont nous parlerons dans le
prochain chapitre5. Des prospections étendues à l’ensemble du Mänz en 2000 et complétées en 2007 ont permis d’établir un inventaire de près d’une centaine de tumulus (Fig. 1.2)6.
Le tumulus 2 de Meshalä Maryam est situé sur un éperon d’axe SO-NE, sur son arête
nord-ouest dominant la vallée de la Šay de près de 200 m. En 1999, ce monument se présentait comme un monticule de pierres hémisphérique de 10 m de diamètre, au sommet
duquel se trouvait à notre arrivée un cratère béant laissant deviner une couverture initiale1. F. a nFray 1983.
2. Pour une présentation des résultats après les deux premières campagnes, voir B. H irscH & B. P oissonnier 2000.
3. Voir localisation de cette église située sur un amba rocheux dans B. H irscH & B. P oissonnier 2000 : 74. Pour une monographie sur
la fouille de cet ensemble, voir M.-L. D erat & A.-M. J ouquanD 2012.
4. F. a nFray 1983.
5. Voir carte de localisation dans B. H irscH & B. P oissonnier 2000 : 72-73.
6. F.-X. F auvelle -a yMar et al. 2007-2008.
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ment encorbellée assurément formée de grands prismes basaltiques, comme il en existe à
l’état naturel à proximité. Certains autres tumulus du secteur permettent du reste d’observer une couverture de ce type, comme celui de Qum Dǝngay7. L’ouverture laissait paraître
une chambre circulaire en partie comblée par des pierres et de la terre (Fig. 3.1 & 3.2).
Fig. 3.1 — Tumulus 2 de Meshalä Maryam. Vue du tumulus immédiatement avant
la fouille, en direction du SO. L’église de Meshalä Maryam se situe en arrière-plan,
à gauche, dans son bois de genévriers géants. La vallée de la Šay est en contrebas
du cliché, du côté droit
Nous avons rencontré sur le site un habitant des environs qui avait tenté de piller ce
tumulus vingt-six ans plus tôt dans l’espoir de découvrir de l’or et des monnaies. Il n’avait
rien découvert de ce type et n’avait pas porté attention à d’éventuels autres vestiges, tels
que des poteries ou des ossements. De fait, la fouille montra qu’il n’avait pas atteint les
niveaux profonds du remplissage de la tombe. De ce fait, nous avions la possibilité de réaliser la première fouille méthodique8 d’un tumulus de cette région.
7. F.-X. F auvelle -a yMar et al. 2007-2008 : 193, Ill.3.
8. Par opposition aux fouilles sauvages pratiquées par les habitants ; voir le chap. 2 du présent ouvrage pour un cas éclairant ; voir
également F.-X. F auvelle -a yMar et al. 2007-2008 : passim.
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0
5m
NO
SE
0
50m
Fig. 3.2 — Plan et profil NO-SE du tumulus 2 de Meshalä Maryam, en situation topographique ; éch. : 1/500
(profil) et 1/200 (plan)
La fouille de la chambre
L’architecture externe du tumulus a été partiellement étudiée9. Le monument est ceinturé
à la base par une couronne de pierres, qui ne paraît pas avoir possédé plus d’une assise.
Des éléments semi-circulaires appareillés sont visibles à différents niveaux au sein de la
masse tumulaire, sans que l’on ait noté de véritable mur. Seuls des secteurs partiels présentent quelques assises de pierres superposées (Fig. 3.3), qui correspondent à quelques
petites terrasses qui ne faisaient pas le tour complet du monument. Sur l’une d’elles, nous
avons retrouvé plusieurs céramiques écrasées sur place, similaires à celles rencontrés à l’intérieur de la chambre. Elles étaient accompagnées de charbons de bois et de pierres rubéfiées par le contact avec un feu vif, alors qu’aucune des pierres rencontrées à l’intérieur de
la chambre ne présentait de semblables stigmates. Une boucle d’oreille en pierre rouge
9. La description qui suit précise celle publiée par B. H irscH & B. P oissonnier (2000 : 82-85). L’équipe de fouille était constituée
alternativement de c. c orMiEr , d ErESSE a yEnachEw , k alaMwa a raya , n. M ohauPt , B. P oiSSonniEr et n. r odriGuEz . r. B Ernard a fait la
topographie. En ce qui concerne le mobilier, par un concours de circonstances indépendantes de notre volonté, il n’a pas été possible de présenter ici une étude aboutie du mobilier déposé au Musée national d’Addis Abeba. Les dessins effectués en 1999 par
J.-M. B ryanD (Inrap) avaient été égarés, mais par chance une version papier de ceux-ci, malheureusement sans mention formelle
d’échelle, a été retrouvée par hasard au cours du bouclage de cet ouvrage. Nous les avons inclus dans ce chapitre, sans pouvoir les
confronter de nouveau avec les pièces originelles. Les descriptifs du mobilier ont été perdus. De ce fait, certaines erreurs ou imprécisions ont pu se glisser dans ces planches, que nous nous efforcerons de corriger dès que la chose sera possible.
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identique à deux autres rencontrées à l’intérieur confirme la parfaite contemporanéité des
dépôts à l’intérieur et à l’extérieur du tumulus. Il faut donc sérieusement considérer la possibilité d’un rituel localisé sur le tumulus.
Fig. 3.3 — Tumulus 2 de Meshalä Maryam. Secteur appareillé à l’intérieur du tumulus
Nous avons fouillé progressivement la chambre circulaire depuis les niveaux supérieurs.
Le sédiment a été tamisé à l’aide de tamis très fins, ce qui nous a permis de découvrir
plusieurs centaines de perles de très faible module. Le niveau supérieur, très humique et
très poudreux, contenait de nombreux objets archéologiques (tessons de poterie, épingle
en fer, perles, os…) (Fig. 3.4). Ce niveau poudreux était moins humique et plus limoneux
dans sa partie inférieure, et parallèlement contenait de très nombreux os, tessons et objets
de parure, ainsi que de l’industrie lithique. L’origine de ce sédiment poudreux, que nous
avons pu enlever assez facilement à l’aide d’un aspirateur, pourrait être d’origine volcanique, et correspondre à une ou plusieurs retombée(s) de poussières qui auraient colmaté
la tombe par infiltration, à une époque postérieure. La très mauvaise conservation des
ossements pourrait du reste s’expliquer par la nature acide de ces cendres.
Sous ce niveau à os se développait sur une puissance variable d’environ 30 cm un
second niveau non perturbé qui reposait directement sur le substrat rocheux décapé par
les constructeurs, et sur lequel repose le tumulus. De nombreuses céramiques souvent
entières (Fig. 3.5 à 3.12) reposaient soit directement sur le rocher, soit sur des pierres posées
sur celui-ci. Au centre de la chambre était déposée une coupe à socle ajouré, d’un type
proche des brûle-parfum actuels (Fig. 3.12).
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0
1m
Légende
poterie
os
30
métal
pierre
5
Limite de la chambre
Fig. 3.4 — Tumulus 2 de Meshalä Maryam : relevé de l’intérieur de la chambre (niveau supérieur) ; éch. : 1/20
Les céramiques étaient prises dans une couche mixte où l’on rencontrait un sédiment
limoneux brun clair, très fin et très homogène, extrêmement léger, qui voisinait avec des
poches de cendre blanchâtre pure. La démarcation entre ces poches de cendre et le sédiment brun clair était parfaitement nette et souvent rectiligne, ce qui implique la présence
originelle de contenants ou de structures en matériau périssable. On songe à une partition
de l’espace funéraire, soit originelle, soit produite par une succession de dépôts. L’utilisation du bois vient spontanément à l’esprit, mais n’oublions pas que la plupart du mobilier
présent actuellement dans les maisons des environs est fabriqué à l’aide d’un mélange de
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Fig. 3.5 — Tumulus 2 de Meshalä Maryam :
céramiques de la chambre
Fig. 3.6 — Tumulus 2 de
Meshalä Maryam : céramiques
de la chambre
Fig. 3.7 — Tumulus 2 de Meshalä Maryam.
Vue générale de la fouille de la chambre.
Noter les prismes basaltiques à droite,
restes de la couverture en encorbellement
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Fig. 3.8 — Tumulus 2 de
Meshalä Maryam : vue
générale de la fouille de la
chambre
Fig. 3.9 — Tumulus 2 de Meshalä Maryam :
céramiques de la chambre
Fig. 3.10 — Tumulus 2 de
Meshalä Maryam : cruchon à
décor de croisillons et restes
du brûle-parfum à droite
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Fig. 3.11 — Tumulus 2 de Meshalä Maryam : céramiques de la chambre
terre et de bouse de vache. Un semblable aménagement peut très bien avoir été mis en
place dans la chambre. La décomposition de ce matériau pourrait expliquer le caractère
léger du sédiment brun-clair rencontré à la fouille.
Ce niveau inférieur était très pauvre en mobilier autre que céramique ; seules quelques
perles et fragments de bracelets en fer y ont été découverts, et encore peuvent-ils provenir
du niveau sus-jacent. Les os étaient absents, à l’exclusion d’un dépôt manifeste de deux
os longs.
Nous avons compilé sur une même illustration les éléments rencontrés lors de la fouille
de la chambre (Fig. 3.13 cc). Une certaine organisation des dépôts apparaît, même si son
état correspond au moment de l’abandon d’une tombe au fonctionnement très vraisemblablement étagé dans le temps. Ainsi, dans la partie nord de la chambre se rassemble la plupart des pierres de grande taille (fragments de prismes), déposés manifestement à dessein
sur le substrat. Les céramiques sont plus abondantes dans le tiers nord, mais s’organisent
aussi selon deux lignes orientées sensiblement NE-SO, laissant des zones vides pouvant
correspondre à un espace de circulation ou de dépôt de corps. Elles occupent aussi le pied
des parois. Une demie poterie, en position isolée, contenait une pierre.
Un énigmatique rassemblement de deux os longs a déjà été noté dans le niveau inférieur.
De manière générale, les os humains sont très fragmentés, en particulier dans la partie centrale de la chambre. En revanche, le long des parois, quelques ossements épargnés par les
piétinements ou mieux protégés des cendres en provenance du sommet étaient demeurés
dans des positions relatives évoquant l’existence de connexions anatomiques. Malheureusement, la disparition des éléments pour les raisons évoquées plus haut nous interdit de
reconstituer le fonctionnement funéraire autrement que par le décompte minimum d’individus effectué par J.-R. Boisserie (Annexe A), qui a déterminé sur les restes osseux et les
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Légende
poterie
os
métal
pierre
brûle-parfum
Limite de la chambre
0
1m
Fig. 3.12 — Tumulus 2 de Meshalä Maryam : relevé de l’intérieur de la chambre (niveau inférieur) ; éch. : 1/20
dents la présence d’au minimum 19 personnes au sein de la sépulture. S’il n’a pas été possible de déterminer les sexes, on remarque toutefois plusieurs classes d’âge : il existe cinq
préadolescents de moins de sept ans, douze individus adultes ou pré-adultes et au moins
deux individus séniles. Une composition que l’on qualifierait volontiers de familiale.
La disparition des éléments complémentaires des squelettes peut s’expliquer tant par
des raisons taphonomiques (mauvaise conservation) que par des manipulations (déplacements ou retraits d’éléments de corps). La plus grande fragmentation osseuse dans la partie centrale de la chambre peut s’expliquer par le piétinement lié à l’accès depuis le sommet
du monument.
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Légende
poterie
os
métal
pierre
Limite de la chambre
(niveau supérieur)
Limite de la chambre
(niveau inférieur)
0
1m
Fig. 3.13 — Tumulus 2 de Meshalä Maryam : relevé de l’intérieur de la chambre (vues cumulées) ; éch. : 1/20
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Quelques restes de faune (bœuf et mouton) ont été déposés dans la tombe, peut-être
à l’état déjà décharné, selon J.-R. Boisserie. D’autres os sont vraisemblablement intrusifs
dans la sépulture (rongeurs, porcs-épics, petits carnivores).
Un aperçu du mobilier
Au sein de la céramique, nous pouvons discerner plusieurs catégories10.
Trois formes carénées montrent un traitement de surface poussé, parfaitement régulier
et poli, allié à une teinte grise très foncée. L’exemplaire fermé ultra-caréné no 30 (Fig. 3.4),
à fond rond et col tubulaire, possède un diamètre compris entre une fois et demie et deux
fois la hauteur. Cette forme très élégante, que nous avons baptisée soucoupe volante, est
très spécifique de la culture Shay. De façon graduelle, quand les proportions se modifient
quelque peu, quand la poterie est moins comprimée sur elle-même, on passe à la catégorie des bouteilles carénées dont un exemplaire a été retrouvé dans le tumulus (Fig. 3.4, no 5).
Elle est munie d’un col tubulaire et présente un décor gravé de lignes brisées, organisé de
façon ternaire sur le haut de la panse ainsi qu’au-dessus de la ligne de la carène. Une anse
retroussée, à perforation sub-horizontale, est insérée sur la carène. Le troisième récipient
caréné, malheureusement incomplet (Fig. 3.14, no 37), possède une anse formée d’un premier élément de section sub-quadrangulaire surmonté d’un second nettement plus petit.
Un décor gravé est présent sur le haut de panse.
Cinq cruches constituent un ensemble de formes à panse globulaire munies d’une anse
boudinée ou un peu aplatie (Fig. 3.15 & 3.16). Les fonds sont soit ronds (trois cas), soit plats
(deux cas). Trois exemplaires (no 29, 33 & 38) portent un décor de rayures verticales obtenues à l’aide d’un brunissoir sur une pâte raffermie ou sèche. La cruche no 29 possède un
décor formé de trois petits éléments plastiques juxtaposés, opposés à l’anse. La quatrième
cruche (no 3) montre trois arceaux en relief disposés au-dessus du diamètre maximum,
depuis lesquels se développent en dessous des arceaux inversés obtenus par impression, et
formant guirlande. La cinquième cruche (Fig. 3.16) est plus ramassée que les précédentes.
Elle montre un décor ternaire formé de trois pointes de flèche en relief, au-dessus du diamètre maximum.
La série des formes que nous regroupons sous l’appellation de cruchons est la plus
abondante du site (Fig. 3.17 & 3.18). Ces petits récipients fermés à panse globulaire à fond
rond ou rarement plat, avec un col court, vertical ou éversé, sont munis d’une anse perforée par un trou (rarement deux). Une série remarquablement homogène de six cruchons
est décorée au niveau du registre supérieur de la panse par des croisillons serrés obtenus
au brunissoir sur une pâte raffermie ou sèche (Fig. 3.17). L’un d’eux (no 35) porte un décor
d’arceau en opposition à l’anse, et un autre (no 34) un double bouton en situation similaire. Rappelons que nous avons déjà rencontré, au chapitre précédent, un décor de croisillons fait au brunissoir sur le registre d’un récipient, mais c’était sur un récipient ouvert,
10. Notre descriptif typologique s’inspire de B alFet et al. 1983
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à Qopros. Parmi les autres cruchons (Fig. 3.18), on note une série homogène de sept petits
exemplaires sans décors, de forme semblable (no 2, 9, 11, 12, 13, 36 & 44). Un cruchon
est décoré de rayures sub-verticales obtenues au brunissoir, et qui rappellent les cruches
précédemment décrites (no 14). Un autre (no 18) est décoré de deux couples de lignes horizontales imprimées, avec un décor d’arceau en relief opposé à l’anse. Enfin, une paire de
cruchons identiques (no 1 & 4) possède des fonds plats et une couronne de boutons audessus du diamètre maximum.
Nous avons regroupé sur deux figures (Fig. 3.14 & 3.19) des formes diverses dont les
types sont bien moins fréquents. Parmi les formes fermées, notons un probable cruchon
incomplet (no 46) au décor plastique ternaire formé de couples de boutons au niveau du
diamètre maximum. Un petit pot (no 8) montre deux anses opposées, et un autre (no 10),
une toute petite anse aplatie. Parmi les formes ouvertes ou faiblement fermées, des sortes
de bols profonds, hémisphériques ou plus globulaires (no 15, 16, 17 & 40), ont un fond
rond, plat ou aplati, avec ou sans anse. Les décors, quand ils sont présents, peuvent être
incisés (no 16) ou imprimés et plastiques (no 17 ; no 40). Deux sortes de grands gobelets
profonds (no 39 & 42) ne sont pas décorés. Des éléments de possibles plats (no 23 & 24)
possèdent des sillons internes. La lèvre aplatie de l’exemplaire no 24 est incisée en forme de
ligne brisée. On note aussi la présence d’un couvercle au décor imprimé rayonnant (no 22),
un fragment de passoire (no 21), et quelques tessons décorés, dont des décors digités
remarquables (no 41 & 45). Enfin, une coupe à socle (Fig. 3.20) avait été déposée au centre
du monument (Fig. 3.12 & 3.10). Découverte en plusieurs morceaux, avec des manques,
elle montre sur sa base un décor de rayures verticales faites au brunissoir, ainsi que des
lignes d’impressions. L’intérieur est décoré de bandes rayonnantes au brunissoir. Ce type
de brûle-parfum est très proche d’un exemplaire découvert dans la fosse F1 de l’église de
l’Amba Gabriel11. Le contexte est postérieur, mais la nature des éléments découverts dans
cette fosse permet d’avancer l’hypothèse que des éléments anciens y ont été conservés, dont
possiblement des objets shay. L’autre élément de comparaison est fourni par l’exemplaire
de Qopros, dont nous avons parlé au chapitre précédent.
Outre la céramique, le tumulus a livré une dizaine de bracelets complets formés d’un
jonc replié sur lui-même (Fig. 3.21). Les autres objets métalliques (fer, métal cuivreux et
argent) (Fig. 3.22) comprenaient deux tiges (no 11 & 13), un poinçon à la base enroulée
(no 12), une lame à soie (no 14), des tortillons (no 15, 16, 17, 18, 21), deux boucles (no 19
& 27) et un élément plat à trois perforations (no 20).
Parmi les parures non métalliques, de nombreuses petites perles en verre n’ont pu être
relocalisées au musée national, mais elles comportaient de nombreux exemplaires monochromes étirés d’origine indo-pacifique. Enfin quatre parures en roche rouge à l’aspect
de bauxite (Fig. 3.22, no 22, 23, 25 & 26) ont été découvertes soit dans le remplissage de la
chambre, soit sur une terrasse du tumulus.
11. M.-l. d Erat & a.-M. J ouquand 2012.
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Fig. 3.14 — Céramiques diverses du tumulus 2 de Meshalä Maryam ; éch. : 1/5
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Fig. 3.15 — Cruches du tumulus 2 de Meshalä Maryam ; éch. : 1/5
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Fig. 3.16 — Cruche du tumulus 2 de Meshalä Maryam ; éch. : 1/5
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Fig. 3.17 — Cruchons à croisillons du tumulus 2 de Meshalä Maryam ; éch. : 1/5
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Fig. 3.18 — Cruchons du tumulus 2 de Meshalä Maryam ; éch. : 1/5
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Fig. 3.19 — Céramiques diverses du tumulus 2 de Meshalä Maryam ; éch. : 1/5
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Fig. 3.20 — Brûle-parfum découvert au centre
de la chambre ; éch. : 1/5
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Fig. 3.21 — Série de bracelets du tumulus 2 de Meshalä Maryam
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Fig. 3.22 — Objets divers du tumulus 2 de Meshalä Maryam ; éch. : 1/5
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Fonctionnement du monument
D’un point de vue stratigraphique, il ne nous a pas été possible de saisir une succession
d’événements bien nets qui auraient permis d’identifier une chronologie des gestes funéraires. Nous avions envisagé dans un premier temps la possibilité d’un dépôt unique,
organisé et clos au sein d’un tumulus fermé, avec éventuellement des perturbations ou
remaniements ponctuels ultérieurs. Mais tant l’abondance des dépôts que le nombre des
inhumés et leur diversité en termes d’âge, l’organisation générale avec un piétinement
visible au centre de la chambre, et enfin la puissance de la stratification, nous indiquent
un fonctionnement étagé dans le temps, avec des dépôts successifs effectués depuis le haut
de la couverture.
Cependant, à l’intérieur de ce cadre interprétatif, l’existence de deux niveaux fortement
différenciés au sein de cette chambre funéraire nous fait envisager la possibilité de deux
moments particuliers. Dans un premier temps, un nombre très restreint d’individus, voire
un seul privilégié, est déposé avec de très abondants dépôts matérialisés par des céramiques. Dans un second temps, d’autres personnes, peut-être liées par la parenté, sont
déposées au-dessus, au fur et à mesure de leur décès.
Nous proposons ainsi la reconstitution des événements suivante :
• Construction d’un tumulus circulaire en pierres sèches de 10 m de diamètre, directement sur le rocher décapé. Il est limité par une couronne formée apparemment d’une seule
assise de pierres. En arrière de cette couronne, sur la masse même du tumulus, des secteurs disjoints présentent de petits parements semi-circulaires limitant des aires terrassées
ponctuelles possiblement utilisées à des fins rituelles (dépôts d’objets et combustions).
Ces sortes de gradins devaient aussi faciliter les accès successifs au sommet du monument,
d’où l’on pénétrait dans la tombe.
• Aménagement au centre du tumulus, directement sur le substrat décapé, d’une
chambre construite en encorbellement, de plan ovalaire, mesurant 2,60 × 3 m. Ses parois
parementées montrent un dévers progressif, démarrant dès la base, tandis que pour leur
part les blocs s’inclinent progressivement vers l’extérieur au fur et à mesure de l’élévation.
La couverture est formée de longs prismes volcaniques, formant une fermeture amovible
depuis le haut (Fig. 3.23).
• Dépôt d’un premier corps (entier ou représenté par quelques os), voire d’un nombre
très limité de corps, avec des dépôts abondants matérialisés par des céramiques entières au
contenu inconnu. L’espace funéraire est aménagé, probablement compartimenté avec des
éléments en matériaux périssables.
• Dépôts successifs de corps (voire d’ossements) dans la chambre, au fur et au mesure
des décès, accompagnés de parures et de restes animaux, au-dessus du niveau inférieur
compartimenté. La dispersion des âges attestés soutient l’hypothèse de liens d’ordre familial avec le premier défunt.
• Infiltration de sédiments au travers des pierres sèches du tumulus, notamment depuis
la couverture, avec d’abondantes cendres (volcaniques ?) qui se trouvent piégées au centre de
la chambre (elles sont lessivées en dehors) et dissolvent avec leur acidité la plupart des os.
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Conclusion
L’absence d’éléments organiques préservés dans le remplissage a interdit la réalisation de
datations radiocarbone. Néanmoins, la fouille minutieuse a montré que ce tumulus était
en fait une sépulture multiple, accessible depuis l’extérieur, et dont le fonctionnement
funéraire s’était étalé dans le temps.
Les éléments recueillis nous ont permis d’asseoir l’hypothèse d’une tombe réalisée à
l’occasion du décès d’une personne privilégiée (voire d’un nombre restreint de personnes).
La vie de la sépulture s’est prolongée avec les apports successifs d’autres individus (corps
entiers ou non) vraisemblablement liés au précédent par des liens familiaux.
Fig. 3.23 — Tumulus 2 de Meshalä Maryam. Détail
de la construction de la chambre en encorbellement.
Les pierres reposent sur le substrat décapé ; l’échelle
mesure 50 cm
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