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Introduction

2024, Entre évitement et alliance. Formes mineures du divin

Il y a plus de choses dans le ciel et sur la terre, Horatio, que n'en rêve votre philosophie », William Shakespeare, Hamlet.

ENTRE ÉVITEMENT ET ALLIANCE © BREPOLS PUBLISHERS THIS DOCUMENT MAY BE PRINTED FOR PRIVATE USE ONLY. IT MAY NOT BE DISTRIBUTED WITHOUT PERMISSION OF THE PUBLISHER. BIBLIOTHÈQUE DE L’ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES SCIENCES RELIGIEUSES VOLUME 204 Illustration de couverture : Boli, Bamana, Mali, « Prof. Gianni Mantovani collection ». Photographie : G. Mantovani. © BREPOLS PUBLISHERS THIS DOCUMENT MAY BE PRINTED FOR PRIVATE USE ONLY. IT MAY NOT BE DISTRIBUTED WITHOUT PERMISSION OF THE PUBLISHER. ENTRE ÉVITEMENT ET ALLIANCE FORMES MINEURES DU DIVIN Sous la direction éditoriale de Jean-Pierre Albert et Agnieszka K edziersKA MAnzon © BREPOLS PUBLISHERS THIS DOCUMENT MAY BE PRINTED FOR PRIVATE USE ONLY. IT MAY NOT BE DISTRIBUTED WITHOUT PERMISSION OF THE PUBLISHER. INTRODUCTION Agnieszka KedziersKa Manzon, Jean-Pierre albert EPHE-PSL, EHESS There are more things on heaven and earth, Horatio, than are dreamt of in your philosophy 1. P ourquoi ne pas appliquer à notre étude cette sentence que Shakes- peare prête à Hamlet dans la scène qui suit sa rencontre avec le fantôme de son père ? La terre offre de toute évidence une infinité de réalités que les hommes sont loin de connaître. En va-t-il de même pour le Ciel des religions ? La « philosophie » envisage sans doute une conception moins pluraliste de l’ameublement ontologique de cet Autre Monde. Qu’il s’agisse d’un dieu unique ou d’un de ses avatars métaphysiques (le Bien de Platon, l’Un de Plotin, le Grand architecte, etc.), elle ne s’intéresse guère au tableau bigarré d’un « divin au pluriel » dont la dilution indéfinie semble à même de résister à toute définition univoque. Et cela d’autant plus qu’on ne sait trop si ces entités innombrables appartiennent au ciel, à la terre ou aux deux à la fois, si elles partagent le monde des humains ou en demeurent éloignées de façon passagère ou permanente. Et pour commencer, grandes ou petites, qui sont-elles ? Cette dernière question occupe Marcel Detienne dans « Qu’est-ce qu’un dieu ? », dont nous ne pouvons résister au plaisir de citer longuement l’ouverture : 1. « Il y a plus de choses dans le ciel et sur la terre, Horatio, que n’en rêve votre philosophie », William Shakespeare, Hamlet. 10.1484/M.BEHE-EB.5.138179 © BREPOLS PUBLISHERS THIS DOCUMENT MAY BE PRINTED FOR PRIVATE USE ONLY. IT MAY NOT BE DISTRIBUTED WITHOUT PERMISSION OF THE PUBLISHER. 5 Agnieszka Kedzierska Manzon, Jean-Pierre Albert Qu’est-ce un dieu ? L’empreinte d’un pied sur le sable ? un miroir de métal ? un trône vide ? une odeur ? un silence ? des jumeaux soudain ? l’inconnaissable dans son essence ? N’importe qui ? N’importe quoi (à la manière japonaise). […] Nos archives débordent, regorgent de puissances, de divinités, de dieux, des grands, des petits, des obèses, des obscènes, des terribles, des minables, de tout poil, de toutes couleurs, drôles, pitoyables, transcendants, ronds-de-cuir. Des dieux en pagaille, des populations en pleine expansion. On en fabrique partout, sans cesse, comme les enfants, autant que les morts. Les historiens, les ethnographes, les anthropologues, les théoriciens indigènes enrichissent continûment notre savoir sur les dieux, sur les différentes espèces et sous-espèces du genre « dieu ». Un genre majeur dans les sociétés si justement dites aux dieux multiples, polythéistes, dieu-pluriel, au sens où Eschyle (qui savait beaucoup de grec) parlait d’un sanctuaire rempli de dieux (poluthéos). Cinq, trois, sept, douze, trente-trois, trois mille trois cent trente-trois. De grands, de très grands dieux, certes, mais aussi des puissances anonymes (ce qui ne veut pas dire inconnues), des forces diffuses aux traits flous, des entités non-identifiées, des fétiches, des choses-dieux, des dieux-objets, et il y a ceux qui sont allergiques à la figuration, aniconique de stricte observance, ceux qui changent de forme à chaque occasion, se métamorphosent, font communiquer les plantes, les animaux, les pierres, comme d’autres multiplient les anges, les archanges, les archontes, les saints, les séraphins, à l’entour, en hiérarchies, à l’infini 2. « Des dieux en pagaille, des populations en pleine expansion… ». Voilà bien l’objet fuyant de notre propos si l’on n’en veut retenir que le monde des « petits dieux », très présents du reste dans la rhétorique du chaos, ou l’inventaire à la Prévert, que Marcel Detienne égraine avec humour, mais non sans une immense érudition. Et en effet, quel ethnologue ou historien des religions n’a jamais trouvé sur son chemin de ces êtres étranges ? Ne méritent-ils pas une étude spéciale ? L’invitation faite à une petite dizaine de collègues – historiens, anthropologues, philosophes – de participer à une journée d’étude sur les « petits dieux » ne prétendait évidemment pas à une dimension encyclopédique. Il nous semblait nécessaire de résister à une tentation classificatoire, de rompre avec une approche essentialiste, pour tourner le regard vers la multiplicité de ces manifestations divines miniatures, souvent ontologiquement fluides et indéterminées (voir aussi supra). Sans poser d’emblée une définition par nécessité trop 2. 6 M. Detienne, « Qu’est-ce un dieu ? », p. 339-344. © BREPOLS PUBLISHERS THIS DOCUMENT MAY BE PRINTED FOR PRIVATE USE ONLY. IT MAY NOT BE DISTRIBUTED WITHOUT PERMISSION OF THE PUBLISHER. Introduction rigide de nos « petits dieux », nous avons ainsi encouragé les auteurs, sur la base de leurs matériaux et à partir des entrées propres à leur discipline, à apporter leur pierre à une réflexion commune sur les problèmes théoriques que soulèvent ces entités. Les stratégies explicatives des anthropologues, procédant par l’analyse de pratiques précises et localisées afin d’en déduire les conceptualisations sous-jacentes, se sont avérées bien différentes de celles des historiens cherchant à saisir le phénomène via l’examen minutieux des sources anciennes ou encore de celles du philosophe repérant les transformations des paradigmes intellectuels dans lesquels nos formes mineures du divin s’inscrivaient. Mais un consensus s’est instauré quant à l’idée que la notion de « petit dieu » pose bien des questions indépendamment de l’angle d’approche qu’on choisit pour l’aborder et de la méthode adoptée. A-t-on nécessairement affaire à des entités transcendantes, surnaturelles, sont-elles toujours autogénérées ? Relèvent-elles toutes de la sphère du religieux dans les cas où certaines d’entre elles ne sont objet d’aucun culte ? Composent-elles une hiérarchie structurée permettant de considérer les unes plus petites que les autres ? Enfin, comment en parler, quels termes génériques choisir pour ne pas trahir leur statut et leurs modes d’existence spécifiques ? Nous tenterons, dans un premier temps, d’éclairer le sens à reconnaître à leur diversité, y compris dans un même contexte, avant de revenir comme mentionné, sur la base des communications réunies dans cet ouvrage, sur les régimes ontologiques dans lesquels elles s’inscrivent. Pour mieux saisir leur spécificité, nous terminerons par l’examen des formes que prennent leurs interactions avec les humains, ce qui nous conduira à interroger non seulement la catégorie de dieu – petit ou grand – mais aussi la notion de religion en lien avec celles de causalité et d’action ou d’agentivité. Le divin au pluriel Quel que soit le contexte religieux envisagé, il y a surpopulation dans les sphères parallèles de l’univers, qu’elles soient situées dans un au-delà lointain et transcendant, dans un espace sauvage, ou au sein même du monde d’humains incapables pourtant – les spécialistes mis à part – de voir des entités qu’ils côtoient pourtant de près 3. Posons une question naïve : pourquoi cette prolifération du divin ? Une cour 3. Cf. la contribution à ce volume d’Anne Fournier. © BREPOLS PUBLISHERS THIS DOCUMENT MAY BE PRINTED FOR PRIVATE USE ONLY. IT MAY NOT BE DISTRIBUTED WITHOUT PERMISSION OF THE PUBLISHER. 7 Agnieszka Kedzierska Manzon, Jean-Pierre Albert céleste de « grands dieux », et même celle d’un dieu unique, ne se conçoit pas, en effet, sans l’escorte innombrable d’entités de second rang – esprits, âmes des morts, démons ou génies – dont certaines travaillent parfois pour leur compte à côté des grands ou encore en représentent un aspect ou une fraction, s’inscrivant dans une logique du morcellement 4. Notons que les entités que l’on pourrait décrire comme secondaires ne sont en fait pas les seules, au moins dans l’Antiquité grecque ou latine, à subir les effets de ce qui pourrait apparaître comme une passion de la pluralité, voire de l’innombrable. Les grands dieux euxmêmes (par exemple les dieux panhelléniques) voient leur identité s’effriter dans le jeu de l’interpretatio graeca ou romana – il y a un Mercure latin, mais aussi un Mercure gaulois, etc. Autre facteur de pluralisation : les noms des dieux – et leur identité – se diffractent dans leurs épithètes, et plus encore leurs épiclèses qui renvoient souvent aux divers lieux de culte où la divinité est honorée. Il y a en somme dans l’Un du multiple et du multiple dans l’Un : difficile de savoir au juste qui est qui… En tout cas les « petits dieux », lorsqu’ils n’occupent pas tout le terrain, trouvent bien leur place dans des théologies variées, « polythéismes des grands dieux » ou monothéismes. Comme les monothéismes, les polythéismes grec et romain existent dans des sociétés possédant une culture savante qui thésaurisent, grâce à l’écriture, quantité de savoirs sur les dieux (naissance, généalogie, pouvoirs spécifiques, etc.). Une culture de ce genre peut être celle de spécialistes religieux – prêtres ou prophètes –, mais aussi, en Grèce ou à Rome justement, celle de poètes jouant le rôle de « maîtres de vérité ». Hésiode, Homère ou Ovide n’ont pas inventé les dieux dont leurs œuvres dressent l’inventaire, mais leurs œuvres, en Grèce au moins, s’apparentent à une révélation. Ces écrits, qui sont des sources précieuses pour le sujet qui nous occupe, ne sont pas les seules dans la mesure où l’archéologie et l’épigraphie nous livrent elles aussi des témoignages sur les pratiques. Nous en savons beaucoup grâce à elles sur les cultes rendus aux grands dieux, mais nous y trouvons aussi des références aux petits. Ainsi, Hésiode écrit, dans Les travaux et les jours : « Trente milliers d’immortels, sur la glèbe nourricière, sont, de par Zeus, les surveillants des mortels ; et ils surveillent leurs sentences, 4. 8 Cf. la contribution à ce volume de Francesca Prescendi et, d’une autre façon, de Perig Pitrou. © BREPOLS PUBLISHERS THIS DOCUMENT MAY BE PRINTED FOR PRIVATE USE ONLY. IT MAY NOT BE DISTRIBUTED WITHOUT PERMISSION OF THE PUBLISHER. Introduction leurs œuvres méchantes, vêtus de brume, visitant toute la terre » 5. La prolifération de ces entités, issues selon le poète des premières générations d’humains, se distingue du panthéon des « grands » dieux et déesses, dont la démographie se limite à une douzaine 6. C’est à Ovide que, pour sa part, Francesca Prescendi emprunte, dans sa contribution à notre ouvrage, la liste étonnante des seize divinités secondaires qui président à la culture du blé. Des cohortes aussi fournies ont en charge tous les aspects d’une réalité morcelée, chaque dieu incarnant peu ou prou un mode d’action spécifique sur des matériaux et des situations aux affordances définies. La collaboration de plusieurs figures divines est ainsi nécessaire à l’accomplissement d’un officium global, et cela multiplie à l’infini le nombre des acteurs impliqués. Une situation similaire est observée par Perig Pitrou chez les Mixe du Mexique, où les rites permettent, comme il le montre, d’établir un cadre commun dans lequel la collaboration entre les entités de la nature et les humains peut avoir lieu et où les changements constants d’échelles rendent possible le calibrage des engagements respectifs de tous et leur action conjointe efficace. Là encore, la réalité semble morcelée, les étapes de l’activité sont énumérées avec une minutie extrême, les gestes des humains reflètent en miroir ceux des non-humains ou même se fondent en eux pour qu’une tâche globale puisse être accomplie. Comme ceux rencontrés sous certains autres cieux, les « petits dieux » romains ou mexicains exemplifient, sur un mode pluriel, la logique des divinités fonctionnelles. Mais il y a, semble-t-il, des situations différentes. Ainsi, les kami, dieux renards présents parmi les innombrables divinités japonaises ne semblent pas avoir de rôles spécifiques 7. Ils n’accèdent à une existence reconnue qu’à travers le culte qui leur est rendu – culte qui peut lui-même donner lieu à une incroyable prolifération : Anne Bouchy mentionne ainsi les 10 000 autels érigés au cours des dernières décennies dans la montagne Inari, non loin d’Osaka. Vincent Goossaert – dans ce volume – rappelle pour sa part que des dieux secondaires, dont le rôle de serviteurs 5. 6. 7. Hésiode, Les travaux et les jours, p. 252-255. Le texte est cité par Gabriella Pironti dans sa contribution à l’ouvrage Puissances divines à l’épreuve du comparatisme, p. 95-96. Il s’agit des « douze dieux » en général cités, dont la liste recoupe largement celle des dieux panhelléniques, n’étant pas toujours exactement les mêmes. A. Bouchy, Les oracles de Shirataka. © BREPOLS PUBLISHERS THIS DOCUMENT MAY BE PRINTED FOR PRIVATE USE ONLY. IT MAY NOT BE DISTRIBUTED WITHOUT PERMISSION OF THE PUBLISHER. 9 Agnieszka Kedzierska Manzon, Jean-Pierre Albert est calqué, en Chine, sur la hiérarchie du pouvoir politique, peuvent se mettre à 100 000 pour assurer la puissance d’un prêtre taoïste. Un peu plus différenciés sont les génies des Sèmè, qu’étudie dans sa contribution Anne Fournier, tous semblables par leur origine mais impliqués dans des interactions individualisées avec les humains, ils s’organisent en fonction de l’ascendance de ces derniers et d’autres facteurs plus aléatoires, comme les sentiments qu’ils ressentent parfois à leur égard. Ce qu’il convient de souligner, c’est que, dans tous les cas étudiés, l’invisible grouille d’entités aux contours flous et mal définis. Qualifier certaines d’entre elles de « petites » implique une échelle et, ipso facto, l’existence d’un système au sein duquel on peut comparer les tailles, que ce système soit endogène, comme à Rome, ou résulte de la juxtaposition de conceptions extérieures : celles de conquérants venus d’ailleurs à celles d’un peuple établi dans une contrée donnée au Népal ou en Afrique, par exemple. On peut toutefois se demander dans quelle mesure l’expression « petits dieux », employée par les marchands, les missionnaires ou les administrateurs européens au sujet de nombreuses entités extra-européennes, jugées à l’aune des standards emportés, reflète une petitesse de telles entités aux yeux des populations concernées. Cette désignation, héritée des pères de l’Église fustigeant le polythéisme antique, ne manque pas, comme on le verra plus en détail dans ce qui suit, de soulever de multiples problèmes. Parler des dieux Parler de « petits dieux » comme nous le faisons dans cet ouvrage suppose d’envisager les êtres concernés comme relevant tous du divin. Est-ce une posture légitime ? Toutes les entités qui flottent entre ciel et terre relèvent-elles du divin ? Comme le suggèrent les contributions ici réunies, il en existe différents types qui ont des pouvoirs variés et inégaux, et surtout qui peuvent glisser d’une catégorie à une autre. Cela donne à penser que, dans la perspective locale, une distinction est parfois – mais pas toujours – établie entre des dieux (plus ou moins puissants et secourables) et des « non-dieux » dépourvus de ces attributs : des morts, des génies, des fantômes. Dans d’autres cas, on se retrouve dans des univers qu’on pourrait dire sans dieux ou avec des dieux seulement potentiels. En Amazonie, par exemple, chez les Indiens Yaminawa étudiés dans sa contribution par Oscar Calavia, une vision scalaire de l’univers tant humain que plus qu’humain n’opère pas, on n’y conçoit pas des esprits yoshi comme organisés en fonction de leurs tailles ou puissance, ces esprits ne composent aucune hiérarchie 10 © BREPOLS PUBLISHERS THIS DOCUMENT MAY BE PRINTED FOR PRIVATE USE ONLY. IT MAY NOT BE DISTRIBUTED WITHOUT PERMISSION OF THE PUBLISHER. Introduction supranaturelle. Ceci rend incertain l’usage du terme « dieu » pour les aborder. Notons que l’usage de ce terme pose également des problèmes ailleurs. En Afrique, par exemple, où les « fétiches » suscitent un vif débat 8. Considérés classiquement, selon la grille de lecture ancrée dans la métaphysique occidentale, comme de simples figurations 9 : des « objets-signes » 10, on leur refusa longtemps un statut pleinement divin, n’y voyant que les représentations ou les matérialisations plus ou moins sommaires de quelques principes invisibles. Les travaux plus récents convergent pourtant à les considérer comme dieux à part entière, en déclinant la formule à l’aide de plusieurs compléments et en les désignant tantôt comme des dieux-objets 11, tantôt chosesdieux 12 ou dieux-matière 13 ou encore comme les dieux en construction permanente 14 dont la fabrique ne s’arrête jamais et dont la puissance comme la taille ne cesse d’augmenter. Il n’en reste pas moins que certains continuent à réfuter leur lecture théologique et l’idée, que nous avons avancé ailleurs 15, qu’il s’agisse d’« objets-sujets » construits au travers des rituels. Un autre type de fabrique du divin est analysé par O. Calavia dans sa communication lorsqu’après avoir quitté les terrains amazoniens, il aborde un cas à la fois simple et paradigmatique de « promotion » d’entités dans l’Autre Monde : celui des « petits saints de cimetière 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. La littérature sur le « problème du fétiche » est énorme et nous ne prétendons pas la résumer ici, pour la synthèse : A. Kedzierska Manzon, « Fétiches : les chosesdieux et leurs humains en Afrique (et ailleurs) », p. 483-490. Le dossier des figurations du divin est un vaste dossier dans ce volume abordé par Perig Pitrou et que nous n’avons pas l’ambition de réouvrir ici de manière systématique. J.-P. Albert et A. Kedzierska Manzon, « Des objets-signes aux objets-sujets », p. 13-25. M. Augé, Le dieu objet. J. Bazin, « Retour aux choses-dieux » ; A. Kedzierska Manzon, « Humans and Things: Mande “Fetishes” as Subjects », p. 1115-1152. A. Kedzierska Manzon, « Dieux-matière (vivante) sans cesse reconfigurée : les fétiches en pays mandingue (Afrique de l’Ouest) », p. 124-140. A. Kedzierska Manzon, « Le sacrifice comme mode de construction : du sang versé sur les fétiches (mandingues) », p. 279-301 ; voir aussi : J. Bazin, « Des clous dans la Joconde » ; M. Coquet, « Une esthétique du fétiche », p. 111-139 ; D. Graeber, « Fetishism as Social Creativity: or, Fetishes are Gods in the Process of Construction », p. 407-438. J.-P. Albert et A. Kedzierska Manzon, « Des objets-signes aux objets-sujets », p. 13-25. © BREPOLS PUBLISHERS THIS DOCUMENT MAY BE PRINTED FOR PRIVATE USE ONLY. IT MAY NOT BE DISTRIBUTED WITHOUT PERMISSION OF THE PUBLISHER. 11 Agnieszka Kedzierska Manzon, Jean-Pierre Albert (santihos) » brésiliens dont les fidèles attendent des bienfaits. Si l’auteur leur dénie la qualité de « petits dieux » en conformité avec la théologie catholique de l’intercession (Dieu est le seul à faire des miracles), il explicite de façon limpide la construction de leur identité et de leur pouvoir : le mort doit bénéficier d’une offrande et, en retour, être considéré comme l’auteur d’un contre-don. Le « petit saint », ainsi nommé, doit ce qualificatif à la proximité qu’il maintient avec le cercle, souvent étroit, de ses dévots et à son caractère non officiel. Peut-être ne peut-il faire que de petits miracles… Il est possible qu’il devienne le saint privilégié d’un fidèle et passe ainsi pour lui avant de « grands saints ». Le même jeu sur les échelles se retrouve dans l’importance donnée localement à un saint officiel, mais peu connu ailleurs, honoré seulement dans un étroit territoire. Les formes orthodoxes ou hétérodoxes de la sainteté catholique ont ainsi en commun de promouvoir des morts et de les doter d’une puissance en général positive (mais les saints peuvent aussi être vindicatifs si on les néglige). Ces saints, comme on l’a dit, sont crédités dans les formes populaires de leur culte d’un pouvoir qui leur appartient en propre et qui découle de leur existence autonome, comme l’observe aussi dans sa contribution Christophe Grellard. À cela s’ajoutent d’autres vecteurs d’une identité personnelle : une hagiographie, des recueils de miracles, des formes de culte propres à un seul site, etc. Ce glissement d’un mort vers un destin plus glorieux se retrouve dans d’autres contextes culturels et religieux : en Chine, par exemple où, comme le montre Vincent Goossaert, un mort, qui n’a en tant que tel rien de divin, et qui en l’occurrence est même un « mauvais mort », peut devenir un dieu au terme d’un parcours d’individualisation et de subjectivation 16. Ce cas de figure se retrouve chez les Kulung du Népal présenté dans cet ouvrage par Grégoire Schlemmer et, dans une moindre mesure, chez les Sèmè ouest-africains, décrits par Anne Fournier. Dans ces deux derniers cas, comme de nombreuses autres déjà évoquées plus haut, la question se pose toutefois de l’adéquation du terme « dieu » pour traiter des entités portant diverses appellations spécifiques : G. Schlemmer et A. Fournier de même que O. Calavia semblent clairement réticents à son usage généralisé 17. Rappelons que la situation est, comme on a pu le voir, tout autre en Chine ainsi que 16. Pour le cas de figure similaire voir aussi : A. Bouchy, Les oracles de Shirataka. 17. Anne Fournier voit dans les génies davantage des composantes de la personne que des êtres suprahumains, Grégoire Schlemmer démontre l’impossibilité de lister de façon cohérente divers prétendants au terme dieu chez les Kulung. 12 © BREPOLS PUBLISHERS THIS DOCUMENT MAY BE PRINTED FOR PRIVATE USE ONLY. IT MAY NOT BE DISTRIBUTED WITHOUT PERMISSION OF THE PUBLISHER. Introduction dans la religion romaine : comme le note Francesca Prescendi, les Romains attribuaient le terme « dieu » – avec différents adjectifs – à toutes les entités, même celles dotées de pouvoirs très limités. Dans l’Europe chrétienne, comme le remarque Jean-Pierre Albert dans sa contribution, il est plus facile de voir du divin dans un ange (ou un saint) que dans un lutin ou une fée. Faut-il alors considérer ces derniers, et de nombreuses autres entités au statut problématique, comme des « petits dieux » malgré eux ou bien les exclure de la catégorie du divin ? La désignation de « (petits) dieux » se veut, sous notre plume, aussi inclusive et neutre que possible sans empêcher qu’il soit périlleux d’en user, tout comme des notions de surnaturel, spirituel, invisible ou encore d’Autre Monde, qui évoquent en général une forme de transcendance et demeurent, à juste titre, suspectes d’ethnocentrisme. On sait en effet depuis Auguste Comte, repris par Durkheim, qu’il ne saurait y avoir de surnaturel en l’absence d’une définition préalable de ce qu’est la nature, en tant qu’espace homogène où se déploie ce que la théologie appelle les « causes secondes ». Selon ces auteurs, ce n’est que tardivement, et en Occident, que cette distinction a été clairement accomplie. On doit par ailleurs à Emmanuel Kant une des manières les plus robustes de distinguer entre savoir et croyance, toute représentation excédant le champ de l’expérience possible entrant dans la seconde catégorie. Or les notions de surnaturel et de croyance sont parmi celles (avec la notion de dieu et de religion) qui ont suscité les remises en question les plus sévères en anthropologie au cours des cinquante dernières années. Une page s’est-elle tournée définitivement, ou bien, si nous en doutons, sommes-nous condamnés à reprendre ce dossier à son commencement chaque fois que nous parlons de puissances divines (grandes ou petites) ? Dans une perspective purement pragmatique, nous proposons de « neutraliser » les termes par lesquels nous les désignerons : entités spirituelles, êtres surnaturels, petits dieux, esprits, créatures invisibles, instances, puissances, seront considérés comme de simples index braqués vers les entités qui nous occupent, que l’on aurait aussi bien pu appeler de façon plus cavalière des machins. Une autre manière de procéder aurait été de s’en tenir aux désignations « emics » de ces êtres en s’obligeant à en énumérer un nombre suffisant pour donner l’impression qu’ils se ressemblent, des Oréades grecques aux korrigans bretons et aux kwɩ̂ l Sèmè… En fait, multiplier les références aux terrains ethnographiques permet d’esquiver les problèmes de catégorisation ontologique sans les régler, sauf à dire qu’il y a entre nos petits © BREPOLS PUBLISHERS THIS DOCUMENT MAY BE PRINTED FOR PRIVATE USE ONLY. IT MAY NOT BE DISTRIBUTED WITHOUT PERMISSION OF THE PUBLISHER. 13 Agnieszka Kedzierska Manzon, Jean-Pierre Albert dieux variés un « air de famille » (au sens wittgensteinien) qui suffit à les distinguer d’autres formes du divin ou des réalités plus ordinaires. Or, ce sont justement ces problèmes de catégorisation que nous tenons à élucider. Pour le faire, penchons-nous à présent sur les modalités des interactions de nos « petits dieux » avec les humains. Entre alliance et évitement : religion, expérience, action Nombre d’entités que nous avons rencontrées jusqu’ici ne reçoivent aucun culte, au contraire, elles font l’objet de l’évitement aussi systématique que possible. Dès lors, faut-il examiner de façon critique leur appartenance à la sphère de la religion ? Cette question nous oblige inévitablement à interroger la notion de religion, héritière d’une histoire longue et singulière. Peut-elle prétendre à l’universalité ? L’absence d’un terme équivalent dans la majorité des langues du monde pousse certains intellectuels s’inscrivant dans le courant décolonial – tant en Afrique 18 qu’en Asie 19 – à remettre en cause cette notion ou bien à se l’approprier. Le défi que plusieurs contributions à ce volume ainsi que ses coordinateurs tentent de relever consiste à ne pas l’abandonner mais à la redéfinir de manière consensuelle sans retomber pour autant tout simplement à ce qu’on pourrait qualifier de « théorie de l’engagement », telle qu’Alfred Gell la définit 20. Dans son étude de la construction de l’agentivité, cet auteur avance que placer un artefact ou un supposé partenaire invisible dans la position d’interlocuteur ou de « patient » permet de le constituer en « agent » censé répondre à 18. Voir l’interview au journal télévisé Pages Africaines de l’écrivain malien M. Doumbi Fakoly, dans laquelle il déclare : « Les Chrétiens viennent de juifs, ils ont adapté tout simplement. Les musulmans c’est pareil, ils adaptent seulement la tradition arabe. Ils parlent de la religion mais la religion n’existe pas. La Culture avec un grand C c’est égal à la Tradition avec un grand T. Ce sont des mots différents pour nommer la même réalité. Ce que je dis c’est que la religion n’existe pas. C’est un mot qui a été inventé récemment par les Romains ». Dans des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, Koredjo Missa Doumbia, un autre intellectuel malien, va dans le même sens. De tels propos doivent, bien évidemment, être analysés en tant que relevant d’un certain courant de pensée afrocentrée aux ramifications politiques et reflétant des enjeux identitaires forts. 19. Voir Grégoire Schlemmer dans ce volume. 20. A. Gell, Art and Agency: an Anthropological Theory ; pour l’exposé sommaire de cette théorie voir : A. Kedzierska Manzon, « Fétiches : les choses-dieux et leurs humains en Afrique (et ailleurs) », p. 483-490. 14 © BREPOLS PUBLISHERS THIS DOCUMENT MAY BE PRINTED FOR PRIVATE USE ONLY. IT MAY NOT BE DISTRIBUTED WITHOUT PERMISSION OF THE PUBLISHER. Introduction l’action de l’humain-agent primaire effectuée à son égard. Or, comme mentionné, ce schéma fort classique – do ut des, en somme – de la fabrique d’agentivité n’opère pas pour un bon nombre d’entités ici étudiées : aucun rapport entretenu de réciprocité ne les relie aux humains, elles ne jouissent d’aucun culte, on ne leur offre rien et on ne s’attend à aucun contre-don positif de leur part. Ambiguës au mieux, sinon dangereuses, dans quelle mesure peut-on les envisager comme des dieux sans culte (et, partant, imaginer une religion sans dieux à proprement parler) ? Pour apporter quelques éléments de réponse à ces questions, notons que l’absence du culte n’équivaut pas à l’absence de toute interaction, qu’il s’agisse d’une rencontre fortuite en marge de l’espace domestique, d’une crise de possession se manifestant en dehors de tout cadre rituel ou d’une vision fugace perçue dans le rêve. Arrêtons-nous un instant sur la singularité de telles expériences du divin pour remarquer qu’elles prennent souvent place à des moments particuliers – la nuit, le crépuscule, les changements de saison – et dans des lieux particuliers – la brousse, les grottes, les forêts, les sources, les endroits proches des habitations. En ce sens, les entités concernées préservent avec les humains des relations de proximité, s’inscrivent dans le même espace même si, en général, sur un plan séparé. Elles paraissent consubstantielles au territoire au sens large : terre, lieux, biotope, communautés animales et humaines. Souvent, elles relèvent d’un groupe humain particulier ou même d’un individu particulier, lorsqu’on songe, par exemple, aux entités connues parfois d’un seul medium, en Afrique, en Chine 21 ou au Japon 22. Leur inclusion dans une forme spatio-temporelle de l’existence met à mal l’hypothèse d’une pure transcendance, sans que pour autant il faille les situer dans une stricte immanence. Les « petits dieux » de ce type hantent les bordures de l’univers des hommes plus qu’ils partagent avec eux un même monde, ce qu’Anne Fournier (dans ce volume) illustre graphiquement à partir du cas Sèmè. L’interaction sensorielle avec ces dieux se caractérise la plupart du temps par l’incertitude, voire l’étrangeté. Force est de remarquer que plusieurs ont en commun de transgresser les modes d’existence de la réalité ordinaire : il peut y avoir des expériences prenant la forme 21. Voir la contribution à ce volume de Vincent Goossaert. 22. Une dieu-renard (kami) n’existe vraiment que nommé et révélé par l’activité divinatoire d’un medium, voir : A. Bouchy, Les oracles de Shirataka. © BREPOLS PUBLISHERS THIS DOCUMENT MAY BE PRINTED FOR PRIVATE USE ONLY. IT MAY NOT BE DISTRIBUTED WITHOUT PERMISSION OF THE PUBLISHER. 15 Agnieszka Kedzierska Manzon, Jean-Pierre Albert de rencontre surprise avec une présence difficile à identifier et peu désirée, d’apparition d’un être autrement invisible dotant un humain de propriétés inattendues (émission de parfum, indifférence à la douleur, absence durable de toute alimentation, richesse inexpliquée, etc.) ou d’une relation d’intimité individuelle durable bien que curieuse par bien des aspects, instaurée entre cet humain – un devin, un médium, un visionnaire – et un tel être. Dans tous les cas, ces phénomènes résistent à une complète objectivation : s’agissant de l’apparition ou de la rencontre fortuite d’une entité, la situation est en général qu’un témoin voit quelque chose et l’autre rien du tout (cas des apparitions mariales et celles de génies de brousse mandingues) ; que l’entité concernée est accessible à un seul sens, la vue ou l’ouïe (comme le sont les esprits en Sibérie 23 ou les fantômes en Europe) ; que ses rapports au temps et à l’espace ne sont pas ceux des êtres ordinaires (l’entité apparaît et disparaît en un éclair comme les djinns selon la tradition musulmane 24) ; que les expériences qu’un sujet peut en avoir passent par des canaux autres que la conscience à l’état de veille 25. Bref, le mode de présence des entités concernées et la manière dont les humains les éprouvent sont singuliers. Cette singularité peut conduire à l’idée qu’un grand nombre de « petits dieux » sont moins des unités discrètes et stables ontologiquement que des « potentialités » ou des « virtualités ». Même celles à qui un culte est adressé. C’est ce que soutient Martin Holbraad dans son étude de la divination Ife à Cuba 26. Il y avance que les figures éphémères apparaissant dans la poudre divinatoire sont les empreintes des divinités. La poudre ne symbolise pas la force de ces dernières ou leur agentivité, elle la contient, elle possède la capacité d’engendrer un saut ontologique des divinités passant par son biais de la transcendance à l’immanence ou de l’absence radicale à la présence 27. Il en découle que ces divinités s’apparentent moins à des entités au sens étymologique 23. C. Stépanoff, « Religions de l’Asie septentrionale et de l’Arctique », p. 23-28. 24. P. Lory, La dignité de l’homme face aux anges, aux animaux et aux djinns. 25. G. Schlemmer, « Jeux d’esprits. Ce que sont les esprits pour les Kulung », p. 93-108. 26. M. Holbraad, « The Power of Powder: Multiplicity and Motion in the Divinatory Cosmology of Cuban Ife (or mana, again) ». 27. Ibid., p. 207. En revenant plus loin sur ce qu’il appelle le « problème de la transcendance », il explique : « If the oddu of Orula, as well as the orishas more generally, just are motions or paths, then the apparent antinomy of giving the logical 16 © BREPOLS PUBLISHERS THIS DOCUMENT MAY BE PRINTED FOR PRIVATE USE ONLY. IT MAY NOT BE DISTRIBUTED WITHOUT PERMISSION OF THE PUBLISHER. Introduction du terme – qui renvoie à ce qui existe supposément de façon continue – et plus à des mouvements. Infiniment plus ancrés dans la matérialité mais tout autant ontologiquement instables paraissent aussi les « fétiches », dont les appellations dans de nombreuses langues renvoient à la fois aux poisons, aux couleurs, aux goûts et aux remèdes composés de plantes et même à l’action de soigner 28. N’étant ni des figurations des divinités ni leurs autels, les fétiches brouillent ainsi les frontières entre chose et être, organique et inorganique, action et agent. Ils mettent à mal l’idée qu’on se fait habituellement de dieux. Qu’il convient de remettre en cause cette idée, c’est ce que suggèrent les contributions à ce volume dont plusieurs résonnent avec les propositions récentes de Michael Lambek. Partant des données ethnographiques africaines, dans un texte intitulé « Provincilizing God? Provocations from an Anthropology of Religion » 29, cet auteur rappelle d’abord que la conceptualisation d’un dieu comme « genré » et « parental », typique des monothéismes, est le corollaire de la structure des langues indo-européennes et sémitiques. Il souligne ensuite que dans de nombreuses langues africaines, le terme « dieu », tel qu’on l’emploie dans les traductions de la Bible, dénote de facto une classe particulière d’êtres et demeure souvent – chez les Nuer, par exemple – grammaticalement indéterminé en ce qui concerne le nombre et/ou le genre. Notons au passage que dans plusieurs langues du monde – dans les langues mandingues parlées en Afrique de l’Ouest, par exemple, mais aussi en quechua 30 – ce terme est, ou a été, initialement indéterminé en ce qui concerne également sa fonction grammaticale, fonctionnant donc comme un nom, un verbe et un adjectif, selon le contexte. Pour revenir au cas nuer, le terme traduit par « dieu » est, nous dit Lambek, impossible à définir avec précision car il n’a pas de référent fixe : sémantiquement relationnel, il renvoie à une réalité différente pour chaque locuteur, comme les termes « père » priority to transcendence over relation or vice-versa is resolved. In a logical universe where motion is primitive, what looks like transcendence becomes distance and what looks like relation become proximity » (ibid., p. 209). 28. A. Kedzierska Manzon, « Dieux-matière (vivante) sans cesse reconfigurée : les fétiches en pays mandingue (Afrique de l’Ouest) », p. 124-140. 29. M. Lambek, « Provincilizing God? Provocations from an Antrhopology of Religion ». 30. Voir B. Mannheim et G. Salas Carreño : « Wak’as: Entification of the Andean Sacred », p. 47-74. © BREPOLS PUBLISHERS THIS DOCUMENT MAY BE PRINTED FOR PRIVATE USE ONLY. IT MAY NOT BE DISTRIBUTED WITHOUT PERMISSION OF THE PUBLISHER. 17 Agnieszka Kedzierska Manzon, Jean-Pierre Albert ou « parent ». Ce cas et d’autres présentés ici nous invitent à décentrer notre regard et à dés-ontologiser ou désessentialiser la notion de dieu, autrement dit à ne pas y projeter notre propre ontologie qui tend à voir le(s) dieu(x) comme des personnes en mieux ou, en tout cas, comme entité(s) close(s) et fixe(s). C’est l’apport des riches matériaux ethnographiques et historiques à disposition des auteurs contribuant à ce volume avec qui nous avons entamé – sans prétendre pouvoir la clore – l’interrogation des manières dont on pense et éprouve le divin, notamment dans ses formes mineures, tant sur les terrains exotiques qu’en Occident, par le passé et de nos jours. Il ressort de leurs communications que l’expérience de telles formes du divin est souvent à la fois conceptuellement déstabilisante et inscrite dans le registre du familier. Proches des humains qui les croisent sur leur chemin, les « petits dieux », notamment ceux auxquels aucun culte n’est adressé, inspirent fréquemment un sentiment de perplexité dont le concept freudien d’inquiétante étrangeté rend assez bien compte. Comme le suggère Grégory Delaplace 31, les expériences de leurs rencontres posent des problèmes de qualification et engendrent un effort – qui implique souvent le recours à un spécialiste rituel – visant à résoudre ce problème, pourtant insoluble. Pourquoi la même familiarité doublée d’étrangeté est-elle beaucoup plus rare quand l’entité concernée est un « grand Dieu » tel qu’il en existe dans une religion monothéiste ? Pourquoi un tel dieu perd en ambiguïté, se stabilise ontologiquement ? Prenons le cas du christianisme qui s’est cristallisé dans sa forme actuelle de culte – visant un salut post mortem – d’un dieu transcendant (genré, paternel, s’apparentant à une personne humaine, selon Lambek) assez tardivement à la fin du Moyen Âge, comme le montre Christophe Grellard dans ce volume. Or, bien évidemment, une religion ne peut échapper à des enjeux terrestres. Cela est vrai, à des degrés divers, de toutes les confessions chrétiennes, et pas seulement de la « religion populaire ». Dans le cas du christianisme latin, comme le montrent plusieurs des contributions à ce livre, il revient principalement aux saints d’assurer la prise en charge des heurs et malheurs du quotidien et plus précisément, les succès, échecs et incertitudes de l’activité des humains. Comme le note Christophe Grellard dans la contribution mentionnée, il faut combler le vide entre le monde des 31. G. Delaplace, « What the Invisible looks like. Ghosts, perceptual faith, and Mongolian Regimes of Communication », p. 52-68 ; G. Delaplace, Les intelligences particulières. Enquête dans les maisons hantées. 18 © BREPOLS PUBLISHERS THIS DOCUMENT MAY BE PRINTED FOR PRIVATE USE ONLY. IT MAY NOT BE DISTRIBUTED WITHOUT PERMISSION OF THE PUBLISHER. Introduction hommes et la transcendance divine. Outre les saints, d’innombrables entités : lutins, fées, démons, revenants, etc., remplissent cette fonction. Force est de reconnaître qu’une fonction similaire, pragmatique – au sens large – plutôt que sotériologique, revient à nombre de « petits dieux » rencontrés par des chercheurs travaillant sur les terrains extra-européens. Ces êtres sont crédités d’un pouvoir qui s’actualise souvent en fonction de la manière dont se déroule l’interaction entre eux et les humains. Cela suffit à montrer que les entités rencontrées sont inséparables d’un contexte d’attentes ou/et d’inquiétudes qu’elles contribuent à produire et au sein duquel s’envisage leur action. C’est justement le lien entre action ou agentivité et religion qui paraît en définitive mis en exergue par les contributions à ce volume. À leur lumière on pourrait définir les formes mineures du divin – ou le divin a minima – comme une forme de causalité qui nous semble étrangère à la nôtre, qui nous dépasse ou nous échappe en raison de sa spécificité, son ampleur, ses modalités particulières. Si les contours et mécanismes de telles formes de causalité ou agentivité varient de par le monde tout en demeurant souvent flous et indéterminés, si leurs configurations particulières – les « systèmes religieux » dans lesquels elles s’inscrivent – restent dynamiques, multiples et souvent hétérogènes, il paraît certain qu’on peut difficilement imaginer ces systèmes, et la religion tout court, sans dieu(x) défini(s) selon cette acception minimale en lien avec l’action. Que cette forme de causalité prenne souvent, même si ce n’est pas toujours le cas, la « forme sujet », notamment dans les monothéismes et polythéismes à « grands dieux », n’étonne guère étant donné la conceptualisation spontanée et largement partagée de l’action, en conformité avec la « Theory of Mind » 32, impliquant l’idée d’un acteur et associée à l’intention/l’intentionnalité. Dans un monde saturé d’intentionnalité, c’est plutôt une certaine instabilité ontologique des « petits dieux » non-inscrits dans des régimes de réciprocité qui pose un défi conceptuel. 32. Voir M. Tomassello, Origins of Human Communication. On pourrait toutefois remarquer que cette conceptualisation de l’action comme impliquant nécessairement l’agent est à juste titre remise en question par Judith Butler (dans J. Butler, Ces corps qui comptent. De la matérialité et des limites discursives du « sexe »), suivant le sillage de Bourdieu (dans P. Bourdieu, Le sens pratique), une action répétée peut être agentive elle-même : elle crée les habitus, les normes, les réalités. © BREPOLS PUBLISHERS THIS DOCUMENT MAY BE PRINTED FOR PRIVATE USE ONLY. IT MAY NOT BE DISTRIBUTED WITHOUT PERMISSION OF THE PUBLISHER. 19 Agnieszka Kedzierska Manzon, Jean-Pierre Albert Bibliographie albert, Jean-Pierre et KedziersKa Manzon, Agnieszka, « Des objets-signes aux objets-sujets », introduction au numéro thématique « La force des objets : matières à expérience », Archives de sciences sociales des religions 174-2 (2016), p. 13-25. DOI : https://doi.org/10.4000/assr.27699. augé, Marc, Le dieu objet, Flammarion, Paris 1988. bazin, Jean, « Retour aux choses-dieux », dans Le temps de la réflexion, Gallimard, Paris 1986. —, « Des clous dans la Joconde », dans Détours de l’objet, L’Harmattan, Paris 1996. bouchy, Anne, Les oracles de Shirataka. Ou La sibylle d’Ôsaka. Vie d’une femme spécialiste de la possession dans le Japon du XXe siècle, Picquier, Arles 1992 (réédition, texte augmenté, Toulouse 2005). bourdieu, Pierre, Le sens pratique, Les Éditions de Minuit, Paris 1980. butler, Judith, Ces corps qui comptent. 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Introduction —, « Dieux-matière (vivante) sans cesse reconfigurée : les fétiches en pays mandingue (Afrique de l’Ouest) », Cahiers d’anthropologie sociale 19-2 (2019), p. 124-140. DOI : https://doi.org/10.3917/cas.019.0124. —, « Fétiches : les choses-dieux et leurs humains en Afrique (et ailleurs) », Annuaire EPHE-SR 127 (2020), p. 483-490. DOI : https://doi. org/10.4000/asr.3496. laMbeK, Michael, « Provincilizing God? Provocations from an Anthropology of Religion », dans H. De Vries (dir.), Religion: beyond a concept, Fordham University Press, New York 2008. lory, Pierre, La dignité de l’homme face aux anges, aux animaux et aux djinns, Albin Michel, Paris 2018. MannheiM, Bruce et salas carreño, Guillermo, « Wak’as: Entification of the Andean Sacred », dans T. L. Bray (dir.), The Archaeology of Wak’as: Explorations of the Sacred in the pre-Columbian Andes, University Press of Colorado, Boulder 2015, p. 47-74. Pironti, Gabriella, « Schêmat’Olympou ? De la société des dieux aux configurations de puissances divines », dans C. Bonnet et al., Puissances divines à l’épreuve du comparatisme. Constructions, variations et réseaux relationnels, Brepols, Turnhout 2017 (Bibliothèque de l’École des hautes études. Sciences religieuses, 175), p. 89-105. schleMMer, Grégoire, « Jeux d’esprits. Ce que sont les esprits pour les Kulung », Archives de sciences sociales des religions 54-145 (2009), p. 93108. URL : https://www.jstor.org/stable/40386502. stéPanoff, Charles, « Religions de l’Asie septentrionale et de l’Arctique », Annuaire EPHE-SR 118 (2011), p. 23-28. DOI : https://doi. org/10.4000/asr.999. toMassello, Michael, Origins of Human Communication, The MIT Press, Cambridge (Ma) 2008. DOI : https://doi.org/10.7551/mitpress/ 7551.001.0001. © BREPOLS PUBLISHERS THIS DOCUMENT MAY BE PRINTED FOR PRIVATE USE ONLY. IT MAY NOT BE DISTRIBUTED WITHOUT PERMISSION OF THE PUBLISHER. 21 TABLE DES MATIÈRES Introduction Agnieszka KedziersKA MAnzon, Jean-Pierre Albert 5 Les petits dieux des Romains : définitions et agentivité Francesca Prescendi 23 Rapetisser, grandir, mettre à l’échelle. Perspectives sur la collaboration rituelle en Mésoamérique Perig Pitrou 41 Les génies de brousse chez les Sèmè du Burkina Faso. Puissances mineures ou grands organisateurs ? Anne Fournier 57 Petits dieux chinois Vincent GoossAert 77 De l’universalité des dieux et de la religion, vu d’une société himalayenne Grégoire schleMMer 93 Possibilité d’un petit dieu Oscar cAlAviA sáez 119 Des petits dieux sont-ils possibles en régime chrétien ? Considérations à partir du christianisme médiéval Christophe GrellArd 135 Des dieux dans la cuisine. Surnaturel diffus du quotidien et superstition Jean-Pierre Albert 153 © BREPOLS PUBLISHERS THIS DOCUMENT MAY BE PRINTED FOR PRIVATE USE ONLY. IT MAY NOT BE DISTRIBUTED WITHOUT PERMISSION OF THE PUBLISHER. © BREPOLS PUBLISHERS THIS DOCUMENT MAY BE PRINTED FOR PRIVATE USE ONLY. IT MAY NOT BE DISTRIBUTED WITHOUT PERMISSION OF THE PUBLISHER. BIBLIOTHÈQUE DE L’ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES, SCIENCES RELIGIEUSES * vol. 176 (Série “Histoire et prosopographie” no 13) L. Soares Santoprete, A. Van den Kerchove (éd.) Gnose et manichéisme. Entre les oasis d’Égypte et la Route de la Soie. Hommage à Jean-Daniel Dubois 970 p., 2016, ISBN 978-2-503-56763-1 vol. 177 M. A. Amir-Moezzi (éd.), L’ésotérisme shi’ite : ses racines et ses prolongements / Shi‛i Esotericism: Its Roots and Developments vi + 870 p., 2016, ISBN 978-2-503-56874-4 vol. 178 G. Toloni Jéroboam et la division du royaume Étude historico-philologique de 1 Rois 11, 26 – 12, 33 222 p., 2016, ISBN 978-2-503-57365-6 vol. 179 S. Marjanović-Dušanić L’écriture et la sainteté dans la Serbie médiévale. Étude hagiographique 298 p., 2017, ISBN 978-2-503-56978-9 vol. 180 G. Nahon Épigraphie et sotériologie. L’épitaphier des « Portugais » de Bordeaux (1728-1768) 430 p., 2018, ISBN 978-2-503-51195-5 vol. 181 G. Dahan, A. Noblesse-Rocher (éd.) La Bible de 1500 à 1535 366 p., 2018, ISBN 978-2-503-57998-6 * Tous les ouvrages peuvent être commandés sur le site de Brepols : https://www.brepols.net/series/behe © BREPOLS PUBLISHERS THIS DOCUMENT MAY BE PRINTED FOR PRIVATE USE ONLY. IT MAY NOT BE DISTRIBUTED WITHOUT PERMISSION OF THE PUBLISHER. vol. 182 T. Visi, T. Bibring, D. Soukup (éd.) Berechiah ben Natronai ha-Naqdan’s Works and their Reception L’œuvre de Berechiah ben Natronai ha-Naqdan et sa réception 254 p., 2019, ISBN 978-2-503-58365-5 vol. 183 J.-D. Dubois (éd.) Cinq parcours de recherche en sciences religieuses 132 p., 2019, ISBN 978-2-503-58445-4 vol. 184 C. Bernat, F. Gabriel (éd.) Émotions de Dieu. Attributions et appropriations chrétiennes (XVIe-XVIIIe siècles) 416 p., 2019, ISBN 978-2-503-58367-9 vol. 185 Ph. Hoffmann, A. Timotin (éd.) Théories et pratiques de la prière à la fin de l’Antiquité 398 p., 2020, ISBN 978-2-503-58903-9 vol. 186 G. Dahan, A. Noblesse-Rocher (éd.) La Vulgate au XVIe siècle. Les travaux sur la traduction latine de la Bible 282 p., 2020, ISBN 978-2-503-59279-4 vol. 187 N. Belayche, F. Massa, Ph. Hoffmann (éd.) Les « mystères » au IIe siècle de notre ère : un « tournant » ? 350 p., 2021, ISBN 978-2-503-59459-0 vol. 188 (Série “Histoire et prosopographie” no 14) M. A. Amir-Moezzi (éd.) Raison et quête de la sagesse. Hommage à Christian Jambet 568 p., 2021, ISBN 978-2-503-59353-1 vol. 189 P. Roszak, J. Vijgen (éd.) Reading the Church Fathers with St. Thomas Aquinas Historical and Systematical Perspectives 520 p., 2021, ISBN 978-2-503-59320-3 vol. 190 M. Bar-Asher, A. Kofsky The ‘Alawī Religion: An Anthology 221 p., 2021, ISBN 978-2-503-59781-2 vol. 191 V. Genin L’Éthique protestante de Max Weber et les historiens français (1905-1979) 283 p., 2022, ISBN 978-2-503-59783-6 © BREPOLS PUBLISHERS THIS DOCUMENT MAY BE PRINTED FOR PRIVATE USE ONLY. IT MAY NOT BE DISTRIBUTED WITHOUT PERMISSION OF THE PUBLISHER. vol. 192 V. Goossaert, M. Tsuchiya (éd.) Lieux saints et pèlerinages : la tradition taoïste vivante / Holy Sites and Pilgrimages: The Daoist Living Tradition 488 p., 49 ill. n/b + 26 ill. couleurs, 2022, ISBN 978-2-503-59916-8 vol. 193 (Série “Histoire et prosopographie” no 15) S. Azarnouche (éd.) À la recherche de la continuité iranienne. De la tradition zoroastrienne à la mystique islamique. Recueil de textes autour de l’œuvre de Marijan Molé (1924-1963) 338 p., 3 ill. n/b, 2022, ISBN 978-2-503-60022-2 vol. 194 (Série “Histoire et prosopographie” no 16) S. De Franceschi, D.-O. Hurel, B. Tambrun (éd.) Le Dieu un : problèmes et méthodes d’histoire des monothéismes Cinquante ans de recherches françaises (1970-2020) 916 p., 2022, ISBN 978-2-503-60112-0 vol. 195 A. Panaino Le collège sacerdotal avestique et ses dieux. Aux origines indo-iraniennes d’une tradition mimétique (Mythologica Indo-Iranica II) 332 p., 11 ill. couleurs, 2022, ISBN 978-2-503-60241-7 vol. 196 M.-H. Deroche Une quête tibétaine de la sagesse Prajñāraśmi (1518-1584) et l’attitude impartiale (ris med) 728 p., 33 ill. couleurs + 30 ill. n/b, 2023, ISBN 978-2-503-60337-7 vol. 197 A. Girard, B. Heyberger, V. Kontouma (éd.) Livres et confessions chrétiennes orientales. Une histoire connectée entre l’Empire ottoman, le monde slave et l’Occident (XVIe-XVIIIe siècles) 481 p., 17 ill. couleurs + 1 carte n/b, 2023, ISBN 978-2-503-60440-4 vol. 198 (Série “Sources et documents” no 3) M. Terrier Le guide du monde imaginal. Présentation, édition et traduction de la Risāla mithāliyya (Épître sur l’imaginal) de Quṭb al-Dīn Ashkevarī 546 p., 2023, ISBN 978-2-503-60643-9 vol. 199 (Série “Histoire et prosopographie” no 17) D. Pelletier, F. Michel (éd.) avec la collaboration de G. Cuchet, A. Guise-Castelnuovo, et I. Saint-Martin Pour une histoire sociale et culturelle de la théologie. Autour de Claude Langlois 407 p., 2023, ISBN 978-2-503-60628-6 © BREPOLS PUBLISHERS THIS DOCUMENT MAY BE PRINTED FOR PRIVATE USE ONLY. IT MAY NOT BE DISTRIBUTED WITHOUT PERMISSION OF THE PUBLISHER. vol. 200 S. Peperstraete À l’ombre de Quetzalcoatl. Les prêtres et l’organisation sacerdotale aztèques 780 p., 2023, ISBN 978-2-503-60663-7 vol. 201 H. Benkheira, S. de Franceschi (éd.) La dîme du corps. Doctrines et pratiques du jeûne Vol. 1 : Jeûnes anciens et orientaux. Jeûnes d’islam. Vol. 2 : Jeûnes chrétiens. Jeûnes d’aujourd’hui 2 vol., 1135 p., 2023, ISBN 978-2-503-60652-1 vol. 202 S. Destephen Du christianisme et des hommes dans l’Antiquité tardive. Essais de prosopographie 274 p., 2024, ISBN 978-2-503-61088-7 © BREPOLS PUBLISHERS THIS DOCUMENT MAY BE PRINTED FOR PRIVATE USE ONLY. IT MAY NOT BE DISTRIBUTED WITHOUT PERMISSION OF THE PUBLISHER.