© Pierre-Georges Despierre
« Un travail de mise au jour d’une chaîne de souvenirs ou d’idées permettra
au vécu traumatique de prendre corps dans l’histoire pulsionnelle du sujet et
de trouver place dans la configuration singulière de ses signifiants fondamentaux. »
Traumatisme et signifiant
Trauma and meaning
Monique Maynadier
«N’
est-il pas remarquable que, à l’origine de l’expérience
analytique, le réel se soit présenté sous la forme de ce qu’il y
a en lui de plus inassimilable – sous la forme du trauma,
déterminant toute sa suite, et lui imposant une origine en
apparence accidentelle 1 ? » nous dit J. Lacan dans Les quatre
concepts fondamentaux de la psychanalyse. Il nous rappelle par là
que nous ne devons pas nous laisser duper, que ce soit pour
l’origine même de la psychanalyse ou pour celle des troubles
psychiques, par d’apparentes causalités accidentelles ou
contingentes.
Cependant, pour des personnes ayant vécu des événements
violents ou choquants que l’on nomme traumatiques, l’angoisse et d’autres manifestations de souffrance psychique et
physique apparaissent comme directement liées à ces événements. Il semble qu’il y ait un avant et un après par rapport à
l’événement traumatique, une rupture dans la temporalité.
Dans l’abord thérapeutique de ces sujets, il est inévitable que
le travail de parole soit focalisé, dans un premier temps tout
du moins, sur l’expression du vécu traumatique.
Dans Au-delà du principe de plaisir, abordant la question de la
névrose traumatique, S. freud attribue le trauma psychique à
des excitations venant de l’extérieur, assez fortes pour faire
43
Monique
Maynadier,
psychologue
clinicienne,
psychanalyste à
la Clepsydre,
33, rue Bouret
75019 Paris,
association
regroupant des
psychanalystes
recevant
des publics
en précarité.
1. J. Lacan,
Le Séminaire,
Livre XI (19631964), Les quatre
concepts
fondamentaux de
la psychanalyse,
Paris, Le Seuil,
1973, p. 65.
Cliniques 5
effraction dans le pare-stimuli, le principe de plaisir étant mis
hors jeu : « La submersion de l’appareil animique par de
grandes quantités de stimuli ne peut plus être empêchée ;
c’est bien plutôt une autre tâche qui se présente, celle de
maîtriser le stimulus, de lier psychiquement les quantités de
stimuli qui ont fait irruption pour les amener ensuite à la
liquidation 2. »
« Maîtriser le stimulus », « lier psychiquement les quantités de
stimuli » demandera du temps. Un temps thérapeutique, s’appuyant sur le transfert et permettant que chemine une parole,
sera indispensable. Mais la question reste de savoir par quelles
voies nous pouvons aider un sujet aux prises avec un traumatisme à intégrer le vécu traumatique et les symptômes qui lui
sont attachés, dans la continuité de son histoire psychique.
Un travail de mise au jour d’une chaîne de souvenirs ou d’idées
pouvant dévoiler d’autres traumatismes, d’autres souffrances,
pourrait-il permettre au vécu traumatique de prendre corps
dans l’histoire pulsionnelle du sujet, et de trouver place dans la
configuration singulière de ses signifiants fondamentaux ?
HISTOIRE CLINIQUE
2. S. freud,
« Au-delà
du principe
de plaisir » dans
Œuvres complètes
XV, Paris, Puf,
1996, p. 301.
Je vais donner une illustration clinique de ce cheminement
signifiant effectué dans un travail de parole par un sujet
confronté à une expérience qualifiée par lui-même de
« traumatique ».
Il s’agit d’un jeune homme de 20 ans, né dans un pays d’Afrique
dont ses parents sont originaires, mais vivant en france avec
eux depuis sa toute petite enfance. Il a obtenu récemment un
« contrat jeune majeur » dans un service de l’enfance, qui doit
l’aider dans un projet professionnel de formation en alternance. C’est dans le cadre d’une consultation psychologique,
dans cette même institution, où je travaille alors comme
psychologue clinicienne, que je vais être amenée à le recevoir.
Dans ce lieu, la psychologue travaille en lien avec l’équipe
éducative, participant aux réunions d’équipe et recevant individuellement certains jeunes pris en charge, soit directement
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Traumatisme et signifiant
à leur demande, soit accompagnés, dans un premier entretien,
par leur éducateur. C’est dans cette dernière configuration
que je rencontre M. D. pour la première fois.
Il m’explique qu’il se sent handicapé par une timidité extrême,
une angoisse et une gêne sociale qui l’empêchent de mener à
bien son insertion professionnelle. Il ne supporte pas le regard
des autres, notamment celui de son employeur, craignant que
son angoisse ne se lise sur son visage. Il ne parvient pas à
assurer ses temps de travail en entreprise, multiplie les
absences, mettant en péril toute sa formation.
Au terme de ce premier entretien, M. D. accepte de venir ensuite
me voir seul pour un travail de parole régulier que je lui propose
pour l’aider à comprendre et à dépasser ses blocages.
Mais un aspect de sa situation, qui ne sera pas sans effet sur
la suite du travail, est d’emblée souligné par son éducateur :
M. D. est dans sa vingt-et-unième année et donc, dans moins
d’une année, quand il aura atteint ses 21 ans, le « contrat jeune
majeur » prendra fin et, avec lui, l’aide financière, ainsi que,
théoriquement, l’aide éducative et psychologique. Cette
« contingence » ne sera pas sans résonance dans la relation de
transfert et de contre-transfert qui s’établira entre M. D. et moi.
J’y reviendrai.
M. D. parle de ses troubles : « Dès que je suis avec des
personnes que je ne connais pas, je ne m’exprime pas, je ne dis
pas les mots qu’il faut, j’ai des blocages. »
Il situe lui-même la cause de ses problèmes psychologiques dans
une suite d’événements qu’il qualifie de « traumatisants » : le
décès de sa mère quand il avait 12 ans, le remariage de son père
et une accumulation de dettes ayant entraîné l’expulsion du
logement et la dispersion de la famille. Séparé de ses frères et
sœurs et de son père, hébergés chez différents membres de la
famille, il dit ne plus s’être senti à l’aise depuis ce moment-là.
Il vivait douloureusement le fait de ne plus avoir de « chez lui »,
avait toujours peur de gêner les personnes chez qui il vivait, se
sentait mal à l’aise, ne pouvait rien demander, n’osait pas se
servir dans le frigo, etc.
45
Cliniques 5
3. M. C. et
Éd. Orthigues,
Œdipe Africain,
Paris, Plon, 1973,
p. 56.
Au fil des entretiens, le terme « expulsion » reviendra de
manière récurrente. Cette expulsion est pour lui la cause de
toutes ses difficultés : après cet événement il ne pouvait plus
regarder les autres en face, avait peur qu’on ne lise dans ses yeux
ou sur son visage la réalité de sa situation qu’il voulait à tout
prix cacher. La honte de cette expulsion l’isolait de ses camarades de classe qui, eux, avaient un foyer et vis-à-vis desquels
il se sentait différent. Ne pouvant pas parler de lui, de sa famille,
comme les autres, il finissait par ne plus parler du tout.
Pour lui, le décès de sa mère et l’expulsion étaient indissociablement liés : « Avant le décès de ma mère et l’expulsion, je
commençais à m’épanouir, après je me suis renfermé. » C’est
dans le temps de nos échanges qu’une temporalité a pu s’établir dans son histoire : alors qu’il avait 12 ans au moment du
décès de sa mère, il était en bac pro et avait donc 17 ou 18 ans
quand a eu lieu l’expulsion du logement.
Il a pu raconter comment il apprit le décès de sa mère : rentrant
de l’école, il voit les pompiers chez lui. Son père et d’autres
adultes ne font pas attention à lui, ne lui disent rien. Puis, un
voisin l’informe que sa mère est morte. De ce qu’il entend à ce
moment-là, il retient qu’elle s’est coupée avec un couteau en
faisant la cuisine et que, n’étant pas vaccinée contre le tétanos,
elle en est morte. Plus tard, sans qu’il puisse situer exactement
quand, il tombera sur un certificat d’un médecin mentionnant
qu’elle est décédée de « mort naturelle ». Il restera troublé par
ce terme, pensant qu’un accident ne peut être qualifié de
« mort naturelle ».
Il ne posera pas de questions à son père qui, de son côté,
n’évoquera jamais avec lui cet événement.
Il est difficile de dire ce qui relève du désarroi des adultes et
ce qui tient au contexte culturel dans la manière dont M. D.
apprend le décès de sa mère. Selon M.-C. et É. Ortigues,
parlant de l’attitude des pères africains avec leurs enfants,
« il est traditionnel que le père n’ait pas de conversation avec
ses enfants : ceux-ci doivent écouter ordres et conseils et
répondre seulement si on les interroge ; ils doivent discrètement quitter la pièce où des adultes parlent entre eux 3 ».
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Traumatisme et signifiant
Mais pour M. D., résidant en france, le décalage entre ce qu’il
vivait dans sa famille et le vécu habituel de ses camarades de
classe a pu être un facteur supplémentaire de trouble.
Durant les cinq ou six années qui suivent, son père se remarie
et a deux autres enfants. Ce n’est qu’au terme de ces cinq ou
six années que l’expulsion a lieu à la suite d’une accumulation
de dettes.
L’événement de l’expulsion semble avoir ravivé dans l’aprèscoup le choc du décès de la mère. La dispersion de la famille,
après l’expulsion, redonnait de l’actualité à la disparition de la
mère. La mère « remplacée » par une belle-mère, la famille
continuant à vivre dans le même appartement, l’absence
n’étant pas parlée, l’élaboration de la perte ne pouvait se faire
et le deuil se trouvait toujours différé.
Il n’y a pas eu de mots pour dire la mort de la mère dont les
circonstances restent floues.
La dispersion de la famille au contraire porte un nom : « expulsion ». La disparition de la mère vient prendre place sous ce
signifiant : « Avant le décès de ma mère et l’expulsion, je
commençais à m’épanouir » dit-il, liant ainsi les deux événements. M. D. exprime bien là, dans cette contraction du temps,
la violence de la « commotion psychique » subie, selon le
terme de S. ferenczi.
Pour S. ferenczi, « la commotion psychique survient toujours
sans préparation, elle a dû être précédée par le sentiment d’être
sûr de soi, dans lequel par la suite des événements, on s’est senti
déçu : avant, on avait trop confiance en soi et dans le monde
environnant ; après, trop peu ou pas du tout 4 » .
Mais le mot même « expulsion », que M. D. prononce
toujours avec une expression physique de souffrance, semble
l’avoir touché dans son corps. Il dit que l’expulsion le
« coupe » des autres, le rend différent. Il pense que sa situation est comme inscrite sur son visage, dans son regard, le
mettant en position de vulnérabilité et d’étrangeté par
rapport aux autres et à lui-même.
Le traumatisme provoque un « clivage » dans la personnalité,
note S. ferenczi dans Journal clinique. Il dit que le fait d’être
47
4. S. ferenczi,
Le traumatisme,
Paris, Payot,
2006, p. 33.
Cliniques 5
clivé peut rendre la remémoration impossible « mais ne peut
empêcher que l’affect qui lui est rattaché ne se fraye un
chemin sous forme d’humeurs, d’explosions affectives, de
susceptibilités, souvent sous forme de dépression généralisée ou d’une gaieté compensatoire immotivée, ou encore,
plus souvent, par différentes sensations corporelles et divers
troubles fonctionnels 5 » .
Les affects liés au vécu de perte, de manque, faisant partie de
l’histoire pulsionnelle du sujet, antérieure même au décès de
la mère, s’étaient trouvés isolés des processus de pensée. Il
appartenait à M. D. de pouvoir les replacer dans cette histoire
par un travail de remémoration. Et le signifiant « expulsion »,
sorte de concentré, de nœud de toutes les pertes, allait jouer un
rôle dans cette remémoration.
5. S. ferenczi,
Journal clinique,
Paris, Payot,
1985, p. 249.
M. D. me parle de l’une de ses préoccupations : étant né à
l’étranger et son père n’ayant pas fait certaines démarches, il
peine à obtenir la nationalité française que possèdent pourtant
tous les autres membres de sa famille. Il en veut à son père
pour cela, comme il lui en veut de n’avoir pu éviter l’expulsion
du logement.
Par ailleurs, il déplore de ne pas bien parler la langue de son
pays d’origine : il me dit que lorsqu’il avait sa grand-mère au
téléphone (grand-mère décédée depuis), il ne pouvait que
très peu communiquer avec elle car « je ne maîtrise pas bien
ma langue ». Oserai-je dire qu’il se sent « expulsé » de sa
propre langue, « langue maternelle » inatteignable, perdue ?
Le traumatisme trace sa route, creuse son sillon et peut s’insinuer jusqu’aux douleurs anciennes, connues ou inconnues,
chez le sujet lui-même ou chez ceux qui ont présidé à sa venue
au monde, créant ainsi chez lui de l’« indicible » ou de
l’« impensable » (Tisseron, 1992).
M. D. m’avait simplement dit qu’il était né en Afrique mais
qu’il avait grandi en france. Ce n’est que dans l’un de nos
derniers entretiens qu’il m’a raconté ce qu’il savait des circonstances de sa naissance : ses parents vivaient en france où
étaient nés leurs autres enfants. Quand sa mère a dû accoucher
de lui, les médecins ont décidé qu’il naîtrait par césarienne.
48
Traumatisme et signifiant
Son père, refusant cette décision, a emmené sa femme dans son
pays d’origine où elle a pu accoucher naturellement. M. D.
savait seulement que ses parents étaient ensuite rentrés en
france avec lui. Quel fut le coût (dans tous les sens du terme)
de cette naissance « naturelle », quelles furent l’importance et
la nature des risques encourus ?
Le coût pour lui, en tout cas, en aura été la difficulté à obtenir
la nationalité française.
Quand je dis à M. D. que le moment de la naissance est désigné
par le terme d’« expulsion », il me répond qu’il l’ignorait.
Il ne s’agit évidemment pas de faire remonter l’expérience
traumatique jusqu’à un mythique « traumatisme de la naissance », mais plutôt de voir que c’est en suivant le fil de ses
associations, à la suite d’une signification donnée par moi, que
le sujet a pu parler d’une autre angoisse d’expulsion, celle du
territoire cette fois, liée à sa naissance à l’étranger, expulsion
de lui-même puisqu’il avait toujours vécu en france et n’était
jamais allé dans le pays d’origine de sa famille, hors le moment
de sa naissance, et n’en maîtrisait pas les codes.
Il se souvient alors que pendant son enfance, son père le
menaçait en lui disant que s’il ne se comportait pas bien, il
n’obtiendrait pas sa nationalité et tout son avenir serait
compromis. Il se souvient de sa terreur et de l’« efficacité » de
cette menace paternelle pour le contraindre à ne pas manquer
l’école, réussir ses études, ne pas commettre d’actes répréhensibles : « Si je n’avais pas eu cette épée de Damoclès, j’aurais
déconné », dit-il.
Ainsi, paradoxalement, c’est de manière positive qu’il a pu
parler de l’attitude de son père, vu par ailleurs comme défaillant (père ne disant rien du décès de la mère, père ne pouvant
empêcher l’expulsion du logement, père n’ayant pas fait les
démarches nécessaires pour sa nationalité). Il reconnaissait
que, malgré ses insuffisances, ce père avait pu le préserver en
lui évitant de faire des « conneries ».
Les signifiants isolés, détachés, comme tombés du traumatisme : l’expulsion, les symptômes d’angoisse sociale, parvenaient à s’intégrer dans le circuit personnel du sujet. Ce dernier
49
Cliniques 5
pouvait ainsi se les réapproprier en en faisant même un
support possible de la fonction phallique.
L’IMPACT DU TRAUMATISME DANS LA RELATION DE TRANSfERT
6. J. Lacan,
Les complexes
familiaux, Paris,
Navarin, 1984,
p. 27.
J’ai dit plus haut que le temps institutionnel avait été évoqué au
départ comme pouvant constituer une limite à notre travail et
avait eu de ce fait une résonance dans la relation de transfert.
En effet, M. D. a abordé son suivi avec un sentiment d’urgence,
se soumettant peut-être à une pression rappelant la pression
paternelle subie dans l’enfance. Moi-même, bien qu’ayant
toujours défendu l’idée que le temps institutionnel et le temps
psychique n’étaient pas superposables, et qu’une fin de prise
en charge par le service ne devait pas obligatoirement signifier
la fin d’un travail de parole engagé, il me semblait que la
nouvelle situation de M. D. était à prendre en compte comme
reconnaissance d’un principe de réalité.
Je lui avais donc parlé de la possibilité d’une orientation vers
un lieu thérapeutique extérieur à plus ou moins long terme.
Cela ne se fit pas et M. D. continua à venir me voir pendant un
certain temps après sa sortie du service.
Les mouvements transférentiels et contre-transférentiels qui
traversèrent ce travail peuvent se résumer ainsi :
– le désir et le non-désir de séparation ;
– la crainte d’une répétition du traumatisme de l’« expulsion » ;
– la croyance en la possibilité d’opérer une séparation non
traumatique.
N’ai-je pas été prise dans l’illusion qu’une séparation pourrait
ne pas être « critique » pour un sujet ?
J. Lacan étudie dans Les complexes familiaux le « complexe du
sevrage », qu’il considère comme le plus primitif du développement psychique. « Traumatisant ou non, le sevrage laisse
dans le psychisme humain la trace permanente de la relation
biologique qu’il interrompt. Cette crise vitale se double en
effet, d’une crise du psychisme, la première sans doute dont
la solution ait une structure dialectique 6. »
50
Traumatisme et signifiant
C’est finalement à la suite de circonstances « extérieures » –
qu’il serait hors de notre propos de développer ici – que nos
entretiens prirent fin. Le fait que M. D. et moi-même ayons
saisi ces circonstances permet d’en relativiser le caractère
« accidentel ».
Ce travail de parole a, certes, aidé M. D. à mieux maîtriser ses
angoisses et à poursuivre son insertion professionnelle. Il reste
que des signifiants amenés au cours de nos échanges dans des
chaînes d’association à partir de la problématique de l’expulsion demanderaient un plus grand travail d’élaboration et de
perlaboration, comme la notion de coupure, recouvrant des
significations diverses allant de la naissance (par césarienne ou
non) à la mort énigmatique de la mère provoquée par un
couteau, et jusqu’à l’épée de Damoclès brandie par le père ;
comme celle de mort naturelle ou de naissance naturelle, en
lien d’opposition obscure, tantôt avec l’accidentel, tantôt avec
le médical (et avec quels prolongements dans la culture ou les
traditions portées par la famille ?) ; ou encore comme le
rapport à la dette.
CONCLUSION
Nous avons vu que, dans le cas évoqué, le vécu traumatique
en contractant le temps avait pu absorber des éléments de
l’histoire du sujet.
Le travail psychique reposant sur la relation de transfert a
consisté à séparer les plans, à rétablir la temporalité dans l’histoire et le vécu du sujet.
freud nous disait déjà dans Études sur l’hystérie : « On ne doit pas
s’attendre à trouver un souvenir traumatique unique et, comme
noyau de celui-ci, une représentation pathogène unique mais il
faut être préparé à des séries de traumas partiels et à des enchaînements de cheminements de pensées pathogènes 7. »
C’est en suivant ces cheminements de pensées que nous avons
pu percevoir que c’est tout le vécu pulsionnel du sujet qui se
trouvait convoqué dans ses symptômes psychiques et corporels.
51
7. S. freud,
Études sur
l’hystérie, Œuvres
complètes II, Paris,
Puf, 2009, p. 314.
Cliniques 5
8. J. Lacan,
Les quatre
concepts
fondamentaux
de la psychanalyse,
op. cit., p. 82.
Ce pulsionnel, J. Lacan l’introduit en nommant “schize” les
effets, sur le sujet, du traumatisme qu’il assimile à une
« rencontre avec le réel ». Il dit – et je terminerai sur cette citation : « Cette schize constitue la dimension caractéristique de la
découverte et de l’expérience analytique, qui nous fait appréhender le réel dans son incidence dialectique, comme originellement malvenu. C’est par là, précisément, que le réel se trouve
chez le sujet, le plus complice de la pulsion – à laquelle nous
n’arrivons qu’en dernier, parce que seul ce chemin parcouru
pourra nous faire concevoir de quoi il retourne 8. »
BIBLIOGRAPHIE
fERENCZI, S. 1985. Journal clinique, Paris, Payot.
fERENCZI, S. 2006. Le traumatisme, Paris, Petite bibliothèque Payot.
fREUD, S. 1996. Au-delà du principe de plaisir, Œuvres complètes xV, Paris, Puf.
fREUD, S. 2009. Études sur l’hystérie, Œuvres complètes II, Paris, Puf.
LACAN, J. 1973. Le Séminaire, Livre XI (1963-1964), Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Paris, Le Seuil.
LACAN, J. 1984. Les complexes familiaux, Paris, Navarin/diffusion Seuil.
ORTIGUES, M.-C. et É. 1973. Œdipe africain, Paris, Plon.
TISSERON, S. 1992. Tintin et les secrets de famille, Paris, Aubier.
Résumé
Un événement traumatique est donné par un sujet comme l’origine unique
de ses symptômes. Un travail de parole prenant appui sur les signifiants
amenés par le sujet dans le cadre du transfert, peut l’aider à réintégrer dans
la continuité de son histoire psychique des éléments que l’expérience traumatique avait pu isoler sur le mode du clivage.
mots-clés
Traumatisme, signifiant, clivage, réel, processus analytique, transfert.
abstract
A single traumatic event is cited by a patient as the sole origin of their symptoms.
Talk therapy based on the signifiers offered by the patient during transference may
help them to reintegrate into their long-term psychological history those elements that
the traumatic experience had isolated through splitting.
Keywords
Trauma, meaning, splitting, real, analytic process, transference.
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