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Jeunes des pavillons

2009, Agora débats/jeunesses

Distribution électronique Cairn.info pour Presses de Sciences Po. © Presses de Sciences Po. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

JEUNES DES PAVILLONS Entre-soi dans les lotissements et avenir social incertain Marie Cartier, Isabelle Coutant, Olivier Masclet, Yasmine Siblot Presses de Sciences Po | « Agora débats/jeunesses » 2009/3 N° 53 | pages 85 à 97 ISSN 1268-5666 ISBN 9782296103443 © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 20/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 207.241.231.83) Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) Distribution électronique Cairn.info pour Presses de Sciences Po. © Presses de Sciences Po. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 20/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 207.241.231.83) Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------https://www.cairn.info/revue-agora-debats-jeunesses-2009-3-page-85.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Dossier 85 Jeunes des pavillons Entre-soi dans les lotissements et avenir social incertain © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 20/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 207.241.231.83) Si de nombreux travaux analysent la sociabilité, les trajectoires de « jeunes des cités » ou les pratiques éducatives de leurs familles, peu se sont intéressés aux « jeunes des pavillons », comme si les quartiers pavillonnaires ne constituaient pas des espaces aussi structurants en termes de socialisation. Or le cadre du lotissement, tout comme l’habitat en maison individuelle, influe sur les pratiques d’encadrement de la sociabilité juvénile. Les quartiers pavillonnaires constituent en outre des espaces sociaux aux caractéristiques spécifiques : les familles qui y résident connaissent pour beaucoup des trajectoires de mobilité sociale ascendante qui modèlent leurs pratiques éducatives. Qu’est-ce que grandir en pavillon ? Dans le cadre d’une recherche collective1 menée à Gonesse, dans la banlieue nord de Paris, à partir de 2004, nous nous sommes intéressés aux habitants du quartier des Peupliers2. Relativement hétérogène en termes de logements3, celui-ci occupe une position intermédiaire dans la gamme des quartiers pavillonnaires : ni populaire, ni résidentiel, il regroupe des ménages aux positions professionnelles variées, allant des ouvriers aux cadres. Le cœur en est constitué de ménages que nous avons qualifiés de « petits-moyens », réunis moins par leurs positions socioprofessionnelles que par la pente de leurs trajectoires. Ils ont tous connu 1. Cette recherche a associé dans un premier temps des étudiants et des enseignantschercheurs (outre les auteurs de cet article : Jean-Pierre Hassoun, Nicolas Renahy, AnneCatherine Wagner, Florence Weber), avant d’être prolongée par les seuls auteurs de cet article. Elle a été financée par la mission à l’ethnologie du ministère de la Culture et par la Ville de Gonesse. Cet article reprend pour partie le chapitre IV de notre ouvrage (Cartier, Coutant, et al., 2008). 2. Si nous avons conservé le nom de la commune, ceux du quartier et des habitants ont été modifiés. 3. Quelques pavillons datent des années 1920 ; puis le quartier s’est développé autour de 650 pavillons construits au début des années 1960 (pavillons dits « en bande », car ils sont mitoyens et forment des bandes de maisons accolées) ; divers petits lotissements s’y sont ajoutés au cours des années 1970 et 1980 ; et enfin une série de villas d’un standing un peu plus élevé ont été construites au cours des années 1990 et 2000. AGOR A DÉBATS/JEUNESSE S N° 53, ANNÉE 2009 [3] © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 20/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 207.241.231.83) Marie Cartier, Isabelle Coutant, Olivier Masclet, Yasmine Siblot Dossier Jeunes des pavillons 86 de petites ascensions à partir des classes populaires, l’achat du pavillon matérialisant ce parcours4. © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 20/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 207.241.231.83) Ainsi, c’est à travers le point de vue de trois fratries que nous avons abordé la socialisation juvénile des « jeunes des pavillons ». Pour comprendre les processus de construction de leur identité sociale, nous avons tenté de saisir les perceptions que ces adolescents avaient d’eux-mêmes en comparaison avec d’autres groupes d’adolescents, en particulier avec ceux « des cités », côtoyés au moment du collège. Nous nous sommes aussi intéressés à l’incertitude de leur devenir social et professionnel et à l’importance des liens noués dans le quartier, du fait de leurs situations au moment de l’enquête : alors âgés de 20 à 25 ans, ils étaient tous en cours d’études ou en recherche d’emploi et résidaient encore dans le lotissement. GRANDIR DANS UN LOTISSEMENT PAVILLONNAIRE Des sociabilités juvéniles denses et encadrées par l’entre-soi de la « placette » Les trois fratries rencontrées, dont les parents ont emménagé dans les maisons neuves qu’ils ont achetées sur plan entre 1984 et 1986, sont 4. Il s’agissait de contribuer à une ethnographie des classes sociales contemporaines, en étudiant les transformations des classes populaires et moyennes. Olivier Schwartz remarque que l’on manque de termes pour désigner les ménages situés à la frontière de ces deux groupes (1998). Il nous a de ce fait semblé pertinent de reprendre la catégorie de « petits-moyens » par laquelle une enquêtée se situait socialement : ce terme désigne plus un type de trajectoire sociale qu’une position précise. 5. Deux étudiants ont participé à la première phase de l’enquête en octobre 2004, Emmanuel Comte et Fabien Brugière : ils ont réalisé cinq entretiens avec des jeunes voisins dont ils étaient très proches en âge. © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 20/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 207.241.231.83) Une partie de la recherche a porté sur un groupe de jeunes nés dans les années 1980, résidant autour d’une même placette, le Clos des Chevreuils. Les Clos se présentent comme des impasses regroupant dix à quinze maisons ; ils constituent au sein du quartier une zone intermédiaire en termes de standing et de prix entre les pavillons « en bande » des années 1960 et les pavillons des années 1990, plus imposants. Ce volet de l’enquête a commencé grâce à un heureux hasard, la rencontre d’un de nos anciens étudiants, Thomas Loiseau, dans une rue du quartier. Amusé et étonné de voir « des profs à Gonesse », il nous a accordé un long entretien, avant de mettre l’équipe en relation avec ses amis de la placette5. Les entretiens réalisés, qui sont en grande partie rétrospectifs, comportent nécessairement une part de reconstruction et de sélection. Néanmoins, la mise en relation des différents récits entre eux ainsi que l’observation du lotissement et des pavillons permettent de nuancer ou de conforter les propos. Dossier Jeunes des pavillons 87 © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 20/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 207.241.231.83) C’est autour de cette placette que se sont noués les liens entre ces « vieux potes » à travers des activités comme le football et le vélo. Cette forte proximité amicale au sein du lotissement, qui a perduré jusqu’à l’âge adulte, tient à la similarité des situations des familles à leur arrivée, ainsi qu’à la forme du lotissement. Situées autour de cet espace ouvert de la placette, les maisons sont très proches les unes des autres, avec des haies basses devant les entrées qui favorisent les relations. Les enfants se souviennent que « les parents » entretenaient ensemble la pelouse de la place, ainsi que les chemins de communication entre les placettes ; ils s’invitaient mutuellement et organisaient des petites fêtes dans les espaces communs. Le lotissement constituait également une ressource pour un contrôle parental collectif : les enfants n’avaient pas le droit de faire du vélo hors des placettes et il leur était interdit d’aller dans la « grande rue ». Cette sociabilité entre couples du lotissement durant les premières années d’installation reposait à la fois sur la proximité des situations familiales et sur l’affinité des trajectoires sociales de ces « petitsmoyens », au-delà d’une diversité de positions sociales. Sur la placette se côtoyaient des ouvriers (manutentionnaire, tailleur), un petit indépendant (fabricant de cartes de visite), des employés du privé (vendeur, secrétaire), des employés du public (hôpital, ministère de la Justice, bibliothèque municipale, police, Aéroports de Paris), des professions intermédiaires du privé (technicien de climatisation, préparateur en pharmacie, comptable) et du public (institutrice, brigadier chef), ainsi que des cadres (deux informaticiens, deux « cadres »). Mais ces voisins avaient en commun d’être issus des classes populaires et d’avoir connu une ascension sociale matérialisée par l’accès au lotissement. Ils avaient pour la plupart souvent vécu en HLM auparavant, et un nombre notable d’entre eux avait connu une migration géographique (en provenance des DOMTOM et du Maghreb notamment). Le Clos des Chevreuils a ainsi réuni au sein d’un même voisinage des familles ayant des traits communs en termes de trajectoire sociale, mais aussi de cycle de vie et de mode de vie. Au-delà de l’usage de la placette comme une ressource (sociale et physique) pour veiller à l’encadrement des enfants, les familles ont aussi exercé un contrôle actif sur leurs parcours scolaires et leurs loisirs. AGOR A DÉBATS/JEUNESSE S N° 53, ANNÉE 2009 [3] © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 20/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 207.241.231.83) étonnamment proches en âge : Marilyne et Thomas Loiseau sont nés en 1979 et 1981, leur sœur en 1988 ; Stéphanie, Agnès et Julien Bensoussan sont nés en 1979, 1981 et 1986 ; Delphine et Cédric Dumoulin sont nés en 1981 et 1985 et leur jeune frère en 1995. Ils ont tous grandi autour de la « placette » et évoquent avec plaisir les années de leur enfance et de leur adolescence. Dossier Jeunes des pavillons 88 Stratégies scolaires et loisirs encadrés © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 20/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 207.241.231.83) Le choix de cette option reflète aussi la place qu’occupe le sport dans leurs activités scolaires et extra-scolaires. En effet, au-delà du suivi scolaire des enfants, les parents de la placette ont poussé leurs enfants à pratiquer de multiples activités dans des cadres institutionnels. Tous ont ainsi fait un ou plusieurs sport(s) en club, avec des compétitions, depuis l’école primaire et jusqu’au lycée au moins : tennis, basket, danse, gymnastique, football et judo. Beaucoup ont également fait de la musique, à l’école de musique de Gonesse ou au conservatoire de la commune voisine : violon, piano, guitare. Les parents les ont donc orientés vers des loisirs encadrés, assez sélectifs socialement, très prenants en temps, qui impliquaient des formes de compétition et d’évaluation répétées. Ils se sont beaucoup investis pour permettre aux adolescents de poursuivre ces activités. On mesure la relative efficacité de cet encadrement des loisirs au fait que les fréquentations des adolescents puis des jeunes adultes sont restées fortement localisées dans les lotissements du quartier et des environs. Les lotissements apparaissent ainsi comme le cadre d’une sociabilité juvénile spécifique, très ancrée dans les maisons familiales. Sorties rares et ancrage dans le lotissement Les jeunes voisins du Clos évoquent le contrôle parental sur les sorties à partir de l’adolescence. Mais si les uns et les autres laissent entendre que ces limitations leur ont pesé, aucun n’est très virulent non plus. En fait, l’attraction de Paris ne semble pas avoir été très forte pour eux. Seul Thomas a fait ses études à Paris, les autres préférant les universités © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 20/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 207.241.231.83) Tous les enfants ont été scolarisés dans le secteur public jusqu’au lycée, et seuls les enfants Dumoulin ont alors bifurqué vers un établissement privé. En primaire, ils ont fréquenté une des écoles du quartier pavillonnaire. Mais au collège, un établissement commun aux enfants des quartiers pavillonnaires et des grands ensembles voisins, les parents ont utilisé une stratégie pour permettre à leurs enfants d’être dans de « bonnes » classes ; cette stratégie était originale et caractéristique de leur positionnement social, entre classes populaires et classes moyennes. En effet, ils n’ont pas adopté les stratégies les plus élitistes reposant sur le choix des langues (comme l’allemand première langue), car les enfants y étaient réticents et les parents n’étaient pas tous suffisamment dotés en capital scolaire pour l’envisager (les parents Loiseau se sont arrêtés en 4e et 3e par exemple). Mais ils ont trouvé un « truc » plus ajusté à leurs dispositions et ont inscrit leurs enfants dans la classe option sport, classe plus encadrée, à effectif réduit, où se sont suivis les frères et sœurs de la placette. Dossier Jeunes des pavillons 89 de banlieue, plus proches. Il a apprécié le quartier latin, mais toujours avec une certaine distance. En dehors de quelques occasions de faire des courses, les balades à la capitale et en particulier les sorties culturelles (musées, théâtres, concerts, etc.) ne font pas partie des loisirs les plus appréciés des jeunes du lotissement. © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 20/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 207.241.231.83) La distance par rapport à Paris et le goût pour le temps passé « les uns chez les autres » dans les lotissements ne signifient pas pour autant que les lycéens et les jeunes étudiants circonscrivent leurs déplacements à leur voisinage immédiat. En témoigne l’importance que tous accordent au permis de conduire, nécessaire pour avoir une mobilité autre que celle permise par les bus ou le RER. Après avoir contrôlé d’assez près leurs déplacements pendant l’adolescence, leurs parents les ont même poussés et aidés à obtenir le permis à leur majorité. Cela les décharge d’un certain nombre de déplacements pour accompagner les enfants, et la voiture est perçue comme plus rassurante que les transports en commun, en ce qu’elle évite notamment la confrontation avec les « jeunes des cités ». LES RELATIONS AMBIVALENTES AVEC LES « JEUNES DES CITÉS » Un voisinage proche mais des rapports très limités hors du collège Le quartier des Peupliers est limitrophe du principal grand ensemble de Gonesse, la cité du Nord, et la seconde grande zone d’habitat social, la cité du Sud, n’est qu’à dix minutes à pied. Mais les rapports avec les enfants et adolescents de ces quartiers sont demeurés longtemps très limités, les écoles primaires des différents quartiers étant distinctes. C’est le collège qui a constitué une période centrale dans la confrontation des jeunes du Clos des Chevreuils aux adolescents des cités, qu’ils n’avaient guère fréquentés de près jusque-là. Leurs modes de sociabilité et leurs loisirs leur ont en effet donné par ailleurs peu d’occasions de rencontrer des enfants des quartiers HLM : AGOR A DÉBATS/JEUNESSE S N° 53, ANNÉE 2009 [3] © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 20/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 207.241.231.83) C’est Gonesse et, plus précisément, ses lotissements qui ont constitué le cœur de leur sociabilité lycéenne et étudiante. Ils évoquent ainsi les soirées entre amis à Gonesse, en petit comité, ou les boums, même s’il « fallait batailler » sur l’heure de retour à la maison. Les jeunes femmes racontent aussi avoir toujours passé beaucoup de temps les unes chez les autres pour discuter, échanger les derniers « potins » du lycée ou du quartier. Plusieurs se décrivent comme assez casaniers, passant beaucoup de temps à regarder la télévision, à lire, ou à se retrouver entre amis. Quant aux garçons les plus jeunes, ils évoquent les après-midi et les soirées passés à jouer à la Playstation ou à regarder des matchs de football à la télévision. Dossier Jeunes des pavillons 90 les jeux dans la rue étaient circonscrits aux rues pavillonnaires, et les activités extra-scolaires les en éloignaient. Alors que le centre social de la cité du Nord toute proche propose de multiples activités culturelles, aucun voisin du Clos n’y est allé, privilégiant la pratique de la musique classique au conservatoire dans la commune voisine ou encore à l’école de musique du centre-ville. Même les pratiques sportives, localisées en centre-ville ou dans d’autres communes, ne favorisaient pas les rencontres avec les adolescents de ces quartiers voisins. Un cloisonnement net s’est donc opéré à l’égard des jeunes des cités et il a été renforcé par l’expérience au collège d’une forte distance sociale à leur égard, qui s’est exprimée à travers la crainte récurrente de la violence dans les relations. © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 20/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 207.241.231.83) « Corner boys » et « college boys6 » se retrouvent donc dans les mêmes classes pour quelques années, essentiellement au collège. Pendant les années de lycée, c’est plutôt aux abords du lycée, en bordure de la cité du Sud, qu’ils se croisent. Les récits de leur scolarité secondaire par les jeunes du Clos sont marqués par l’évocation des violences entre jeunes des cités, plus précisément entre garçons, et du comportement des plus durs d’entre eux. Le récit du « choc » éprouvé au collège revient dans tous les entretiens, surtout dans ceux des aînés qui ont connu le collège commun à l’ensemble des quartiers, collège où se côtoyaient, outre les jeunes des pavillons, des jeunes des différentes cités de la commune. Thomas exprime d’abord avec humour qu’il est tombé des nues : il s’est trouvé dans une classe d’élèves venant de BEP qui avaient « 17-18 ans » et c’était le « Far West », il était au « cinéma ». Il décrit le chahut permanent de sa classe de 3e, où il n’a « pas travaillé une seule fois », et les formes spectaculaires des « embrouilles entre quartiers » (bagarres, coups de couteau, etc.). Si certains s’en tiennent à ces évocations générales de l’ambiance et d’épisodes marquants pour la mémoire collective de leur génération (comme l’« attaque » d’un bus scolaire de la cité du Nord par des jeunes de la cité du Sud), c’est sur un mode plus personnel que d’autres évoquent des situations d’agression vécues, ainsi que le sentiment de peur éprouvé au quotidien dans des occasions plus ordinaires. Cédric et Delphine, qui ont terminé leur scolarité secondaire dans un lycée privé de Normandie, en internat, relient leur départ temporaire du quartier à cette peur. Si tous deux mettent d’abord en avant leurs difficultés scolaires pour 6. Selon les expressions de Whyte (2002). © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 20/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 207.241.231.83) La peur de la violence et les pratiques de mise à distance Dossier Jeunes des pavillons 91 expliquer cette décision de leurs parents, ils la renvoient ensuite immédiatement à la peur de la violence qui entourait le lycée. Outre le choc qu’a été pour Delphine la scène de l’attaque du bus scolaire qui visait de jeunes lycéens de la cité du Nord, c’est aussi la peur éprouvée sur le trajet à pied entre le lycée et la maison qui ressurgit lors de l’entretien : Cédric s’est ainsi fait une fois « dépouiller » brutalement de sa calculatrice et de son téléphone7. L’évocation de la peur des agressions et le récit des comportements violents des jeunes de cités observés au collège et au lycée montrent qu’après une enfance très cloisonnée et protégée, la confrontation est d’abord vécue comme une source de danger et renforce la distance envers eux. Mais les attitudes de ces « jeunes des pavillons » sont parfois plus nuancées et des formes de relativisation de cette image univoque laissent entrevoir d’autres types de rapports à l’égard des jeunes des cités. © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 20/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 207.241.231.83) Les récits qui rendent compte de la crainte éprouvée à l’égard des jeunes des cités sont en effet souvent tempérés dans un second temps. L’évocation des agressions, des vols et des bagarres est parfois suivie d’une relativisation des violences subies. Même les plus virulents précisent qu’ils n’ont pas été eux-mêmes directement agressés, ou alors de façon minime. L’une des personnes interviewées, qui exprime la peur des agressions ressentie lorsqu’elle était seule dans sa voiture, souligne le décalage entre son expérience et cette crainte : « Je sais pas si je suis parano ou pas, mais j’étouffais ici. Il m’est jamais rien arrivé mais j’avais toujours peur qu’il m’arrive quelque chose. » Outre ces formes de relativisation de récits dramatisant les épisodes les plus marquants de leur scolarité, certains de ces jeunes étudiants du quartier pavillonnaire manifestent une attitude plus compréhensive, exprimant une conscience rétrospective des inégalités sociales qui sont au fondement de leur confrontation aux jeunes des cités qu’ils n’ont côtoyés que pendant la durée du collège. Tous décrivent en effet les formes très nettes d’« écrémage social » qui se sont produites au fil des années et que l’allongement global de la scolarisation n’a pas fait disparaître. Julien raconte comment ses amis du primaire habitant les pavillons en bande ou la cité du Nord ont en grande partie arrêté leurs études, et Agnès explique que les jeunes les plus agressifs se sont « fait virer rapidement » du collège : pour elle, leurs attitudes provocatrices et 7. Ces épisodes ne sont pas rares. La rentée scolaire 2009 a été marquée par de nombreuses agressions aux abords du lycée, suscitant une pétition de la part de parents d’élèves et occasionnant plusieurs arrestations. AGOR A DÉBATS/JEUNESSE S N° 53, ANNÉE 2009 [3] © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 20/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 207.241.231.83) Une image sociale de « banlieusards » qui fait problème Dossier Jeunes des pavillons 92 parfois violentes sont ainsi « plus de la bêtise… de l’ennui quoi… » de « gens qu’ont rien d’autre à faire ». © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 20/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 207.241.231.83) Outre cette influence de goûts musicaux ou de façons de parler venus des cités, ce sont les relations qu’ils vont avoir avec des jeunes d’autres groupes sociaux en dehors du quartier et de la banlieue qui vont contribuer à redéfinir le positionnement de ces jeunes adultes pavillonOutre cette influence de goûts musicaux naires comme « banlieusards », ce qui atténue ou de façons de parler venus des cités, ce en partie symboliquement la distance aux sont les relations qu’ils vont avoir avec des jeunes des cités. À Paris ou en province, ils jeunes d’autres groupes sociaux en dehors découvrent ainsi qu’ils sont perçus comme du quartier et de la banlieue qui vont proches des jeunes des cités, alors même que contribuer à redéfinir le positionnement toute leur éducation les en a éloignés. de ces jeunes adultes pavillonnaires Pour Thomas, les séjours en colonie de vacances ont été l’occasion d’une découverte plus précoce du regard de « l’extérieur ». Quand il disait venir de Gonesse, les enfants d’autres communes lui rétorquaient : « Ah ! Garges-lès-Gonesse, la banlieue ! » Mais la prise de conscience de cette identification s’est pleinement opérée à l’occasion de l’année qu’il a passée en classe préparatoire (hypokhâgne) à Paris. Poussé par un enseignant du lycée de Gonesse, il s’y est rendu sans mesurer d’avance l’écart social qui le séparait des lycéens parisiens : « J’ai découvert un autre monde, c’était un monde de fils de profs d’université, de cadres supérieurs. » Si ces rencontres ont pu être intéressantes, il a ressenti durement l’écart scolaire avec eux car il ne parvenait pas à « tenir le rythme ». Ce jeune étudiant des pavillons qui a grandi dans la distance aux jeunes des cités s’est trouvé ici en position de banlieusard dans ce monde parisien. comme « banlieusards », ce qui atténue en partie symboliquement la distance aux jeunes des cités. Pour Delphine et Cédric, c’est dans le lycée privé catholique où leurs parents les ont envoyés lors de leur redoublement qu’a eu lieu cette © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 20/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 207.241.231.83) Pour Thomas, les règlements de compte n’étaient pas la seule raison de la présence des garçons des cités aux abords du lycée : pour beaucoup, scolarisés en LEP ou n’étant plus scolarisés, c’était aussi un lieu pour venir « draguer ». Thomas semble avoir éprouvé une certaine fascination pour ces garçons, avec qui il avait de bonnes relations au collège. Leurs goûts étaient souvent dominants au sein des établissements scolaires : « C’étaient les mecs de cités qui impulsaient les façons d’être. » Les jeunes du lotissement apprécient ainsi le rap, et en ont beaucoup écouté. Leur socialisation au collège a donc été en partie une acculturation à des goûts de « banlieusards » qui circulent des cités aux pavillons. Dossier Jeunes des pavillons 93 © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 20/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 207.241.231.83) Cette image ambivalente de « banlieusards » à laquelle ils sont renvoyés et la transformation dans le temps de leur perception des jeunes des cités sont révélatrices de la situation d’entre-deux social des « jeunes des pavillons ». Cette position se mesure enfin à l’indétermination de leurs destins sociaux, toujours ouverts, y compris pour ceux qui ont 25 ans ou plus : si leurs études leur permettent d’aspirer à des formes d’ascension qui prolongeraient celle de leurs parents, elles ne les mettent pas pour autant à l’abri du risque de déclassement social. Le prolongement de leur ancrage dans le quartier et dans les maisons parentales peut être analysé comme un indice de cette indétermination et de ces risques. RESTER DANS LE QUARTIER : LE LOTISSEMENT COMME REFUGE Des trajectoires professionnelles et sociales incertaines Suivis dans leur scolarité, encouragés par leurs parents, les lycéens des trois fratries rencontrées ont poursuivi des études supérieures, comme la plupart de leurs voisins. Mais leurs scolarités secondaires semblent avoir été très moyennes (plusieurs ont redoublé une fois), même s’ils ont quasiment tous obtenu des baccalauréats généraux. À l’issue du baccalauréat, leurs études sont très diverses, et souvent longues, ou plus précisément prolongées faute de projet professionnel précis. Marilyne, après son baccalauréat S option biologie, a fait des études de biologie à l’université la plus proche jusqu’au DEA, qu’elle a obtenu AGOR A DÉBATS/JEUNESSE S N° 53, ANNÉE 2009 [3] © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 20/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 207.241.231.83) confrontation avec un « autre monde ». Leurs goûts musicaux, vestimentaires, leur façon de parler… les distinguaient des lycéens de cette petite ville normande, et cette différence a débouché sur une mise à l’écart des banlieusards perçus comme des « racailles » par les provinciaux. Celleci se faisait parfois sur le mode de la moquerie, et pouvait être prise avec humour, mais c’est aussi à des réactions racistes qu’ils se sont trouvés brutalement confrontés (leur père est antillais) : ils ont découvert un univers où les « gens de couleur […] détonnent ». Cette confrontation leur a fait prendre conscience de la diversité culturelle dans laquelle ils ont grandi et à laquelle ils se montrent à présent très attachés. Cédric énumère avec fierté la diversité des origines nationales de ses amis : Vietnamien, Algérien, Marocain, « Israëlo-Algérien » (Juif d’Algérie), Cambodgien. Et il ajoute sans moins de fierté les siennes, antillaises. Pour ces jeunes adultes d’un lotissement de banlieue, cette diversité est ainsi familière et valorisée comme étant plus généralement celle de « la région parisienne», à la différence de la « province profonde ». Dossier Jeunes des pavillons © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 20/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 207.241.231.83) sans vraiment savoir quoi entreprendre ensuite. Elle s’est engagée dans une nouvelle formation pour travailler dans l’industrie pharmaceutique, choix qui s’est avéré fructueux puisqu’elle a été embauchée l’année suivante comme attachée de recherche clinique (poste technique). Thomas n’a pas trouvé de débouché aussi facilement que sa sœur. Il a commencé des études d’histoire après sa prépa, puis s’est réorienté en sciences politiques mais a été déçu par le caractère trop théorique de l’enseignement. Il est parti un an en Espagne avec Erasmus, et à son retour, s’est inscrit dans un magistère de relations internationales (bac + 5) à la Sorbonne. À l’issue de cette formation, en 2006, il a envoyé de nombreuses lettres de candidature à des institutions européennes et internationales, Si leurs études leur permettent d’aspirer à ainsi qu’à diverses associations et ONG, mais des formes d’ascension qui prolongeraient en vain, ce qui a provoqué son découragecelle de leurs parents, elles ne les mettent ment. Pour gagner de l’argent, il a alors trapas pour autant à l’abri du risque de vaillé comme intérimaire à Roissy, en tant déclassement social. qu’agent d’escale dans les boutiques de l’aéroport. Début 2007, il a décidé d’élargir le champ de ses recherches dans le domaine de la communication, mais aussi vers des emplois plus commerciaux : « Moi ce que je veux, c’est travailler », dit-il. Stéphanie a aussi rejoint la faculté après un an de classe préparatoire. Cela ne lui a pas plu, et comme elle « voulait faire prof » depuis longtemps (sa mère est institutrice), elle s’est orientée vers l’IUFM8 pour être enseignante. Agnès s’est engagée dans des études d’histoire et prépare un mémoire de maîtrise qu’elle n’est pas certaine de mener à bien. Julien a commencé un cursus arts et spectacles puis a rejoint un cursus de mathématiques appliquées mais sans idée précise des débouchés. Delphine s’est réorientée à l’issue d’un baccalauréat technique administration, et après trois ans de préparation, a été reçue à l’École nationale supérieure des arts décoratifs où elle suit une section de design textile. Même s’il s’agit d’une école renommée, elle se destine à une formation longue aux débouchés aléatoires. Son frère, Cédric, et la petite amie de celui-ci, Læticia, se sont inscrits en 2004 en première année de médecine. Ils ont échoué au concours d’entrée en deuxième année et Cédric s’est réorienté vers l’architecture. Leurs parcours scolaires et professionnels sont donc marqués par des résultats souvent moyens, et, à des degrés divers, par des formes d’irréalisme social, ou du moins, par un flou quant aux débouchés professionnels – à l’exception de Stéphanie qui travaille dans une école pri8. Institut universitaire de formation des maîtres. © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 20/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 207.241.231.83) 94 Dossier Jeunes des pavillons 95 © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 20/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 207.241.231.83) Cette incertitude quant à leur destin professionnel est renforcée par le fait que tous ont depuis le début de leurs études des « petits boulots » réguliers. Si leurs parents les logent et leur prêtent une voiture, ces « jobs » leur fournissent les ressources qui leur assurent une certaine autonomie. Thomas et sa sœur ont régulièrement travaillé à l’aéroport (vente de sandwichs), ainsi que dans des banques. Julien donne des cours particuliers de mathématiques pendant l’année scolaire, et est recruté l’été pour trier des chèques dans la banque qui emploie son père. Delphine, Cédric et Læticia, quant à eux, travaillent les samedis (et un jour en semaine pour Delphine) à la Société de traitement de presse où ils trient les revues et journaux à expédier aux abonnés. « C’est un travail d’usine », disent-ils. Ces petits boulots sont des emplois d’ouvriers ou d’employés non qualifiés, et l’occupation régulière de ce type d’emplois les fait naviguer entre des univers sociaux très différents : le monde de l’université, en médecine et Arts déco à Paris, et le monde de l’« usine » dans une zone industrielle de Gonesse. Ces jeunes adultes qui peuvent être perçus comme des « bourges » par les jeunes des cités font donc plutôt partie, à ce stade de leur vie, des fractions des classes moyennes dont les liens avec les classes populaires restent nombreux. Dans cette situation d’incertitude, le lotissement et les maisons parentales constituent un point d’ancrage et un lieu protecteur : leurs sociabilités et leurs relations amoureuses y sont encore très liées. Des séjours prolongés dans le pavillon : entre attachement et contrainte Lors de l’enquête, beaucoup d’enfants du Clos âgés de 20 à 30 ans vivaient toujours dans le lotissement. C’est le cas des trois fratries évoquées ici, à l’exception de Stéphanie, qui travaille dans une école de la cité du Nord et vit dans une commune périurbaine proche. C’est également le cas de la plupart des voisins de leur âge. Cela fait donc cinq fratries parmi les huit dont les aînés sont nés entre 1979 et 1985. Le fait qu’ils soient presque tous encore chez leurs parents n’est pas exceptionnel du point de vue statistique, en raison du retard progressif de la décohabitation. Ainsi, en 1997, l’âge médian de départ de chez les parents est de 20,5 ans pour les femmes et de 22 ans pour les hommes, et l’âge d’accès à l’indépendance résidentielle (logement qui n’est plus AGOR A DÉBATS/JEUNESSE S N° 53, ANNÉE 2009 [3] © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 20/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 207.241.231.83) maire. Si tous auront un bagage universitaire, et si certains peuvent espérer des emplois de cadres, les risques de déclassement professionnel par rapport à leur niveau de diplôme mais aussi par rapport à leurs parents sont réels. Dossier Jeunes des pavillons 96 © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 20/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 207.241.231.83) Mais au-delà de ce facteur économique, le quartier et la maison familiale jouent un rôle protecteur pour ces jeunes adultes, du fait des multiples attaches qu’ils y ont conservées. Beaucoup ont un ancrage familial dans les environs, au-delà de leurs parents (grands-parents, oncles et tantes, cousins…). Ils ont surtout un ancrage amical dans le quartier et les communes voisines : les Dans cette situation d’incertitude, réseaux de « potes » et de « copines » de l’enle lotissement et les maisons parentales fance et de l’adolescence, fondés sur l’interconstituent un point d’ancrage et un lieu connaissance des parents, leur proximité protecteur : leurs sociabilités et leurs sociale et un encadrement de leurs scolarités relations amoureuses y sont encore et sociabilités, perdurent en partie. Les voisins très liées. de la rue se fréquentent régulièrement, ils s’invitent pour des repas les uns chez les autres, assistent ensemble à des matchs, se retrouvent pour des sorties au restaurant, des barbecues. On mesure l’importance de cet attachement au quartier à travers la formation des couples : Agnès est en couple avec un garçon de la cité du Sud rencontré par l’intermédiaire d’un voisin. Sa sœur, Stéphanie, qui était partie en Savoie pour enseigner comme institutrice, est revenue à Gonesse où elle a rencontré un garçon lors d’une soirée entre amis du quartier. Cette relation l’a amenée à travailler à la cité du Nord, alors qu’elle avait justement quitté la région parisienne pour s’éloigner de ce type de quartier. Au-delà du quartier lui-même, beaucoup d’amis de ces jeunes pavillonnaires vivent dans des communes voisines et leurs sorties se déroulent dans un périmètre assez rapproché : sorties au cinéma dans un multiplex, sorties au « restau », parfois à Paris, ou au MacDonald’s, courses dans le centre commercial, soirées au bowling ou aux fêtes de l’école d’infirmières de Gonesse… Plusieurs ont conservé des activités culturelles et sportives à Gonesse ou non loin : Marilyne joue toujours avec l’orchestre du conservatoire, Agnès n’a arrêté que récemment le basket en club. Julien, Cédric et leurs amis des lotissements connus au 9. Villeneuve-Golkap, février 2001. Sur cette question, voir l’ensemble de la revue Économie et statistique, nos 337-338. © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 20/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 207.241.231.83) financé par les parents) est de 22 ans pour les femmes et de 24 ans pour les hommes9. Ces âges se sont légèrement élevés depuis, notamment en région parisienne. Le séjour prolongé chez les parents tient ainsi en grande partie pour les jeunes du Clos des Chevreuils, comme pour beaucoup de jeunes adultes, à des raisons financières : hormis un logement en cité universitaire, aucun autre type de logement n’était dans leurs moyens ni dans ceux de leurs parents. Dossier Jeunes des pavillons 97 lycée jouent au football régulièrement au stade du centre-ville. Thomas sort parfois à Paris avec ses amis de la faculté, mais passe toujours beaucoup de temps dans le quartier où il se sent « tranquille ». © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 20/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 207.241.231.83) n BIBLIOGRAPHIE CARTIER M., COUTANT I., MASCLET O., SIBLOT Y., La France des « petitsmoyens » : enquête sur la banlieue pavillonnaire, La Découverte, coll. « Textes à l’appui », Paris, 2008. SCHWARTZ O., La notion de « classes populaires », habilitation à diriger des recherches en sociologie, université de VersaillesSaint-Quentin-en-Yvelines, 1998. VILLENEUVE-GOLKAP C., « Les jeunes partent toujours au même âge de chez leurs parents », Économie et statistique, nos 337-338, février 2001, pp. 61-80. WHYTE W. F., Street Corner Society, La Découverte, Paris, 2002. AGOR A DÉBATS/JEUNESSE S N° 53, ANNÉE 2009 [3] © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 20/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 207.241.231.83) Les pavillons familiaux, le Clos des Chevreuils et Gonesse constituent ainsi un cadre « tranquille », selon le terme qui revient à plusieurs reprises, c’est-à-dire surtout sécurisant. Il permet à ces jeunes adultes de prolonger leurs études tout en mettant à distance l’incertitude de leur avenir professionnel. Ils ne s’y projettent pas pour autant durablement ni n’aspirent à y reproduire le mode de vie de leurs parents. L’entre-soi prolongé dans les maisons familiales et les lotissements pavillonnaires constitue un refuge pour des jeunes adultes qui se trouvent à la lisière d’un avenir professionnel encore très incertain et à la croisée de mondes sociaux divers : celui de leurs familles, d’origine populaire et pour beaucoup immigrées, celui des étudiants, notamment parisiens, et enfin, même si c’est de façon plus marginale, celui des cités et des « petits boulots » non qualifiés.