La réquisition est le pouvoir d'imposer à des grévistes la reprise du travail. Il convient cependant de distinguer selon que ce pouvoir est exercé en qualité d'autorité de police ou en qualité de chef de service. Cette distinction entre...
moreLa réquisition est le pouvoir d'imposer à des grévistes la reprise du travail. Il convient cependant de distinguer selon que ce pouvoir est exercé en qualité d'autorité de police ou en qualité de chef de service. Cette distinction entre la réquisition de police administrative et la réquisition de service public, justifiée par leurs fondements juridiques distincts, ouvre la perspective d'une précision de leurs régimes respectifs. 1-La réquisition de grévistes est un phénomène juridique pertinent pour faire apparaître que la puissance publique connaît des pré-rogatives diverses qu'il convient de distinguer. La réquisition peut se définir comme « une opération par laquelle l'autorité administrative, en la forme unilatérale, contraint des particuliers – personnes physiques ou morales – à fournir,soit à elle-même, soit à des tiers, des prestations de service, l'usage des biens immobiliers ou la propriété ou l'usage de biens mobiliers, en vue de la satisfaction de besoins exceptionnels et tempo-raires reconnus d'intérêt général dans les conditions définies par la loi » 1. Ainsi que le relève Jacques-Henri Stahl, « notre droit ne connaît pas une procédure unique de réquisition mais juxtapose diverses procé-dures reposant sur des fondements différents et comportant des règles de mise en oeuvre différentes » 2. Il est possible cependant de proposer un premier principe de distinction en fonction des deux contextes juri-diques dans lesquels peut intervenir la réquisition : en cas de circons-tances exceptionnelles, et en cas de circonstances normales. Les premières ont, certes, donné lieu à la naissance du phénomène juridique 3 , mais elles ne peuvent plus constituer un fondement juridique 4 depuis la parution du Code de la défense 5. Subordonnée à l'intervention d'un décret en conseil des ministres 6 , la réquisition vise dans ce contexte à répondre à « une menace portant notamment sur une partie du territoire, sur un secteur de la vie nationale ou sur une fraction de la population ».Il s'agit donc,d'une manière générale,d'un pouvoir de réquisition de défense nationale, distinct des pouvoirs de réquisition d'ordre strictement civil. Cette étude se concentrera sur la réquisition de grévistes décidée dans des circonstances normales. Deux qualités pour agir peuvent alors être invoquées : soit la qualité d'autorité de police administrative , soit la qualité de chef de service au sens de la jurisprudence Jamart 7. 2-Pour Hélène Pauliat, « il est indispensable de clarifier les champs d'intervention respectifs de chacune (des autorités administratives compétentes pour décider une réquisition) pour éviter des conflits de compétences » 8 .L'enjeu de la démonstration est donc de permettre de circonscrire la police administrative au sein de la puissance publique et de ne pas y assimiler tout phénomène de puissance exercé par une autorité administrative 9. On a pu, en effet, considérer que la réquisi-1. R. Ducos-Ader, Le droit de réquisition, LGDJ, 1957, p. 83. 2. J.-H. Stahl, Juridiction compétente pour indemniser un médecin réquisitionné par un préfet, conclusions sur T. confl., 26 juin 2006, Rosset : AJDA 2006, p. 1891, n° 3. 3. Le décret du 23 août 1793 déterminant « le mode de réquisition des citoyens français contre les ennemis de la France », la « réquisition permanente » décrétée par la Convention étant synonyme de levée en masse. 4. Les textes longtemps invoqués étaient la loi du 11 juillet 1938 ainsi que la loi n° 50-244 du 28 février 1950, complétée et modifiée par l'ordonnance n° 59-63 du 6 janvier 1959 relative aux réquisitions de biens et de services, et ayant reçu un décret d'application n° 62-367 du 27 mars 1962. 5. L'ordonnance n° 2004-1374 du 20 décembre 2004 relative à la partie législative du Code de la défense a procédé à la codification des dispositions en cause et une abrogation partielle de textes précités. 6. C. défense, art. R. 2211-2. 7. CE, sect., 7 févr. 1936, Jamart : Rec. CE 1936, p. 172 ; GAJA n° 47. 8. Les dirigeants d'EDF peuvent-ils réquisitionner des salariés en cas de grève ? : JCP A 2013, 2308. 9. On peut considérer que la police n'est qu'une espèce de faculté au sein du genre que constitue la puissance. Cette dernière, faculté du sujet sur les personnes, pouvant être opposé à la propriété, faculté du sujet sur les choses. V. Félix Moreau, Manuel de droit administratif, Fontemoing, 1909, n° 51 p. 50 : « Quand l'État veut admettre une collectivité à la vie juridique, c'est-à-dire quand il met à sa disposition des facultés de ses intérêts, l'accom-plissement de sa destinée, l'acquittement de ses devoirs, l'État peut lui remettre deux sortes de facultés. Les unes utilisent la force économique ; elles consistent dans l'aptitude à être propriétaire, créancier, débiteur, plaideur, dans le pouvoir d'acquérir et d'aliéner à titre gratuit ou onéreux ; elles se résument dans la notion de patrimoine. Les autres utilisent la force politique ; elles consistent dans le pouvoir de commander avec ses formes multiples, dans le pouvoir d'émettre des ordres, des défenses, des permissions, auquel effet