Boissonneault, Julie et Ali Reguigui (dir.), Langue et territoire. Études en sociolinguistique urbaine / Language and Territory. Studies in Urban Sociolinguistics, Sudbury, Université Laurentienne, Série monographique en sciences humaines / Human Sciences Monographic Series, vol. 15, 2014., 2014
This paper deals with a group rarely studied, that of « good students » of schools considered as ... more This paper deals with a group rarely studied, that of « good students » of schools considered as difficult, in working-class suburbs of Paris ; our presentation focuses on students admitted to the competition for admission in « Sciences Po », a prestigious high school in Paris, according to a special procedure created as an affirmative action, in order to promote the diversification of students’ profiles.
We show, through examples, how successful candidates are firstly required to form a project to go outside the territory (from suburbs to the high school in Paris) and to have a social ambition. This encourages them to bring it in line their ideology and language resources (including the "suburb" accent). The jury seems to validate this linguistic and discursive progress by deciding whether or not each candidate is admitted to a new geographical and social territory.
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Cet article traite d’un public peu étudié, celui des « bons élèves » d’un lycée considéré comme difficile, situé en périphérie parisienne ; notre présentation se focalise sur les élèves admis au concours de Sciences Po, grande école parisienne, selon une procédure spéciale d’admission mise en place comme action positive, pour favoriser la diversification du public.
Nous montrerons, par des exemples, comment les candidats et candidates qui réussissent sont amenés à former tout d’abord un projet de sortie du territoire (du lycée de périphérie ZEP vers la grande école parisienne) et une ambition sociale. Ceci les incite à mettre en conformité leur idéologie et leurs ressources langagières (notamment l’accent « de banlieue ») avec ce projet. Le jury semble surtout valider ce mouvement langagier et discursif en décidant d’accorder ou non l’admission dans un nouveau territoire géographique et social.
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Books by Maria Candea
Mais qu’est-ce donc qu’aimer la langue française ? C’est passer du temps à lire, parler, écrire et surtout s’interroger : sur la langue, mais aussi sur les discours qui la concernent et sur ceux qui sont tenus en son nom. Le français n’est pas figé, il a une histoire, qui continue à s’écrire. Si la langue est un dispositif de maintien de l’ordre social, elle est aussi une construction politique qu’il est possible de se réapproprier.
Entrons ensemble dans l’histoire sociopolitique du français et dans les débats citoyens qui y ont trait ! Ce sera l’occasion de découvrir les liens subtils entre langue, politique et société. De voir qu’on peut à la fois aimer le français, sa richesse, sa complexité et son histoire, et avoir confiance dans sa vitalité, sans se complaire dans la nostalgie d’un passé mythique. Avoir l’ambition de se saisir de la langue française est une démarche exigeante, mais c’est une exigence joyeuse. Alors n’ayons pas peur de le proclamer : le français est à nous !
En trois siècles et demi d’existence, l’Académie a beaucoup travaillé à masculiniser le français. Porte-bannière des partisans du « genre le plus noble », ce vestige de la monarchie absolue mène depuis le milieu des années 1980 une croisade contre la « féminisation », en dépit des besoins langagiers d’une société où l’égalité des sexes progresse – en dépit, surtout, des logiques de la langue française et des évolutions à l’oeuvre dans les autres pays francophones. Sans se soucier de remplir le rôle pour lequel l’entretiennent les contribuables, les Immortel·les en habit vert campent sur des positions purement idéologiques, en proférant des sentences qui se veulent paroles d’Évangile alors qu’elles vont à rebours des dynamiques du français. Les « Quarante », il est vrai, ne sont ni grammairiens, ni linguistes, ni philologues – et pas toujours écrivains.
Ce livre retrace cette guerre de trente ans, menée à coup de déclarations
aussi péremptoires qu’infondées, réactionnaires et sexistes, face auxquelles les protestations n’ont pas manqué. Il permet également de faire le point sur les objets de ces controverses, et de comprendre pourquoi la France a fini par entamer sa « révolution langagière »… envers et contre les avis des Messieurs-Dames du Quai Conti.
17 € – 224 pages – 15,5 x 20 cm – ISBN: 979-10-900-62-3-37 www.editions-ixe.fr
La diversité des approches rejoint la diversité des corpus étudiés (entretiens, dialogues en contexte d'acquisition, enregistrements oraux ou vidéo, presse, littérature, sous-titres de films, définitions de dictionnaires...) pour contribuer à mieux cerner les spécificités de cette opération linguistique et discursive.
Cet ouvrage est issu d'une journée d'étude organisée en hommage à Mary-Annick Morel.
Papers by Maria Candea
Après une synthèse de la littérature et des hypothèses disponibles à ce sujet, les données d’un large corpus médiatique sont décrites et discutées. Le son est analysé selon des critères distributionnels et acoustiques. Ses réalisations sont comparées avec celles du /ʃ/ français et du /ç/ allemand. L'hypothèse défendue ici est celle d’un fonctionnement de marqueur phatique et/ou stylistique, car il joue un rôle dans l'interaction : il renforce la clôture d'une séquence et suggère une posture d'autorité. Les données actuelles montrent que l’épithèse fricative est soumise à des contraintes phonotactiques encore assez strictes, mais avec une tendance à l’assouplissement, ce qui suggère un processus de stabilisation en cours.
C’est à partir de l’expérience partagée de nombreux épisodes de violence ordinaire dont nous avions été témoins, violence subie par celles et ceux dont l’accent était objet de préjugés, que nous avons souhaité déconstruire et objectiver, ensemble, de manière plus systématique les mécanismes sociaux qui sous-tendent ces processus de catégorisation et, potentiellement, de discrimination. Cette perspective nous a incité·es à associer la catégorie « accents », trop souvent tenue pour évidente et mobilisée sans grande distance critique, à deux autres notions qui rendent les accents opérationnels : les idéologies et les discriminations.
Maria Candea : Le terme peut avoir un sens très large et peut recouvrir une grande diversité de techniques, plus ou moins stabilisées, utilisées pour construire un langage non discriminant par rapport aux personnes de genre féminin ou plus largement, par rapport aux personnes non binaires. Dans ce sens large, le même ensemble de pratiques a aussi été appelé langage non discriminant, épicène, égalitaire, non sexiste, dégenré, français démasculinisé, ou même féminisation…
Julie Abbou : Cela peut recouvrir des emplois très différents, d’une
tournure syntaxique impersonnelle (penser au lectorat, par exemple) à un choix lexical (droits humains au lieu de droits de l’Homme) en passant par des jeux de flexion (auteure, auteur) ou des dispositifs typographiques (certain·e).
[...]
This study questions the validity of experimental methods traditionally used in phonetics. We wanted to investigate the influence of gender and race stereotypes on the perception of attitudes and emotions through voice. Thus we used a method combining priming and matched guise technique to test how two independent groups of 55 subjects responded to evaluative sentences that were presented while they listened to short sound excerpts. Each sentence contained a feminine or masculine, french or maghrebian first name in order to prime the categories "woman", "men", "French", "Arabic". Interestingly, our results don't match those of previous studies and lead us to think that the reactions of the subjects towards gender stereotypes are less controlled than the reactions towards race stereotypes. We conclude that (1) closer attention must be paid to the interaction between researcher and subjects during experimental studies and that (2) cautiousness should be exercised in the interpretation of results produced through solely quantitative research methods.
Résumé
Cette étude interroge les méthodes expérimentales traditionnellement utilisées en phonétique pour étudier la perception des attitudes/émotions par la voix. Nous avons voulu étudier l’effet des stéréotypes de genre et de race sur la perception, à travers un protocole basé sur les techniques d’amorçage et du locuteur masqué. Nous avons ainsi testé l'approbation de phrases évaluatives appariées à de courts extraits sonores par deux groupes indépendants de 55 personnes chacun. Chaque phrase contenait un prénom féminin ou masculin, français ou maghrébin pour amorcer les catégories identitaires « femme », « homme », « Français de souche », «d’origine arabe». Les résultats obtenus ne sont pas toujours conformes à ceux des études antérieures menées surtout aux Etats-Unis et laissent penser que les réactions des auditrices/eurs face aux stéréotypes de genre sont moins réfléchies que les réactions face aux stéréotypes raciaux. Les conclusions incitent à mieux prendre en compte l’interaction entre chercheurs et enquêtés lors d’expériences perceptives, et à interpréter avec plus de prudence les résultats produits par des méthodes expérimentales purement quantitatives.
It appears that sociophoneticians generally deconstruct more than “ordinary people” the stereotypes about lower-class speakers, but their approach still remains incomplete. However, experts use much fewer categories than our listeners to characterize the phono-style of speakers with high social prestige. The conclusion argues for a renewal of the research through a diversification of the descriptors used for characterize the phono-stylistic variation and a more clear focus on the agency of individuals, regardless of their social profile.
**************
Cet article propose une réflexion sur les relations entre les discours épilinguistiques profanes et ceux des spécialistes en sociophonétique au sujet des prononciations du français. Les résultats obtenus grâce à une enquête socioperceptive menée auprès de 68 auditeurs francophones de France, de tous âges, sont d’abord résumés et ensuite confrontés aux tendances qui se dégagent des publications scientifiques contemporaines sur la variation phonostylistique.
Il apparait que, si globalement les sociophonéticiens déconstruisent plus que les « profanes » les stéréotypes stigmatisants pesant sur les locuteurs socialement minorés, leur démarche reste encore inachevée. En revanche, ils utilisent des catégories beaucoup moins sophistiquées que les auditeurs ordinaires pour caractériser les styles de ceux qui bénéficient d’un grand prestige social. L’article plaide pour un renouvèlement des recherches dans le sens de la diversification des descripteurs de la variation phonostylistique et d’une focalisation plus rigoureuse sur l’agentivité des individus, quel que soit leur profil social.
Mais qu’est-ce donc qu’aimer la langue française ? C’est passer du temps à lire, parler, écrire et surtout s’interroger : sur la langue, mais aussi sur les discours qui la concernent et sur ceux qui sont tenus en son nom. Le français n’est pas figé, il a une histoire, qui continue à s’écrire. Si la langue est un dispositif de maintien de l’ordre social, elle est aussi une construction politique qu’il est possible de se réapproprier.
Entrons ensemble dans l’histoire sociopolitique du français et dans les débats citoyens qui y ont trait ! Ce sera l’occasion de découvrir les liens subtils entre langue, politique et société. De voir qu’on peut à la fois aimer le français, sa richesse, sa complexité et son histoire, et avoir confiance dans sa vitalité, sans se complaire dans la nostalgie d’un passé mythique. Avoir l’ambition de se saisir de la langue française est une démarche exigeante, mais c’est une exigence joyeuse. Alors n’ayons pas peur de le proclamer : le français est à nous !
En trois siècles et demi d’existence, l’Académie a beaucoup travaillé à masculiniser le français. Porte-bannière des partisans du « genre le plus noble », ce vestige de la monarchie absolue mène depuis le milieu des années 1980 une croisade contre la « féminisation », en dépit des besoins langagiers d’une société où l’égalité des sexes progresse – en dépit, surtout, des logiques de la langue française et des évolutions à l’oeuvre dans les autres pays francophones. Sans se soucier de remplir le rôle pour lequel l’entretiennent les contribuables, les Immortel·les en habit vert campent sur des positions purement idéologiques, en proférant des sentences qui se veulent paroles d’Évangile alors qu’elles vont à rebours des dynamiques du français. Les « Quarante », il est vrai, ne sont ni grammairiens, ni linguistes, ni philologues – et pas toujours écrivains.
Ce livre retrace cette guerre de trente ans, menée à coup de déclarations
aussi péremptoires qu’infondées, réactionnaires et sexistes, face auxquelles les protestations n’ont pas manqué. Il permet également de faire le point sur les objets de ces controverses, et de comprendre pourquoi la France a fini par entamer sa « révolution langagière »… envers et contre les avis des Messieurs-Dames du Quai Conti.
17 € – 224 pages – 15,5 x 20 cm – ISBN: 979-10-900-62-3-37 www.editions-ixe.fr
La diversité des approches rejoint la diversité des corpus étudiés (entretiens, dialogues en contexte d'acquisition, enregistrements oraux ou vidéo, presse, littérature, sous-titres de films, définitions de dictionnaires...) pour contribuer à mieux cerner les spécificités de cette opération linguistique et discursive.
Cet ouvrage est issu d'une journée d'étude organisée en hommage à Mary-Annick Morel.
Après une synthèse de la littérature et des hypothèses disponibles à ce sujet, les données d’un large corpus médiatique sont décrites et discutées. Le son est analysé selon des critères distributionnels et acoustiques. Ses réalisations sont comparées avec celles du /ʃ/ français et du /ç/ allemand. L'hypothèse défendue ici est celle d’un fonctionnement de marqueur phatique et/ou stylistique, car il joue un rôle dans l'interaction : il renforce la clôture d'une séquence et suggère une posture d'autorité. Les données actuelles montrent que l’épithèse fricative est soumise à des contraintes phonotactiques encore assez strictes, mais avec une tendance à l’assouplissement, ce qui suggère un processus de stabilisation en cours.
C’est à partir de l’expérience partagée de nombreux épisodes de violence ordinaire dont nous avions été témoins, violence subie par celles et ceux dont l’accent était objet de préjugés, que nous avons souhaité déconstruire et objectiver, ensemble, de manière plus systématique les mécanismes sociaux qui sous-tendent ces processus de catégorisation et, potentiellement, de discrimination. Cette perspective nous a incité·es à associer la catégorie « accents », trop souvent tenue pour évidente et mobilisée sans grande distance critique, à deux autres notions qui rendent les accents opérationnels : les idéologies et les discriminations.
Maria Candea : Le terme peut avoir un sens très large et peut recouvrir une grande diversité de techniques, plus ou moins stabilisées, utilisées pour construire un langage non discriminant par rapport aux personnes de genre féminin ou plus largement, par rapport aux personnes non binaires. Dans ce sens large, le même ensemble de pratiques a aussi été appelé langage non discriminant, épicène, égalitaire, non sexiste, dégenré, français démasculinisé, ou même féminisation…
Julie Abbou : Cela peut recouvrir des emplois très différents, d’une
tournure syntaxique impersonnelle (penser au lectorat, par exemple) à un choix lexical (droits humains au lieu de droits de l’Homme) en passant par des jeux de flexion (auteure, auteur) ou des dispositifs typographiques (certain·e).
[...]
This study questions the validity of experimental methods traditionally used in phonetics. We wanted to investigate the influence of gender and race stereotypes on the perception of attitudes and emotions through voice. Thus we used a method combining priming and matched guise technique to test how two independent groups of 55 subjects responded to evaluative sentences that were presented while they listened to short sound excerpts. Each sentence contained a feminine or masculine, french or maghrebian first name in order to prime the categories "woman", "men", "French", "Arabic". Interestingly, our results don't match those of previous studies and lead us to think that the reactions of the subjects towards gender stereotypes are less controlled than the reactions towards race stereotypes. We conclude that (1) closer attention must be paid to the interaction between researcher and subjects during experimental studies and that (2) cautiousness should be exercised in the interpretation of results produced through solely quantitative research methods.
Résumé
Cette étude interroge les méthodes expérimentales traditionnellement utilisées en phonétique pour étudier la perception des attitudes/émotions par la voix. Nous avons voulu étudier l’effet des stéréotypes de genre et de race sur la perception, à travers un protocole basé sur les techniques d’amorçage et du locuteur masqué. Nous avons ainsi testé l'approbation de phrases évaluatives appariées à de courts extraits sonores par deux groupes indépendants de 55 personnes chacun. Chaque phrase contenait un prénom féminin ou masculin, français ou maghrébin pour amorcer les catégories identitaires « femme », « homme », « Français de souche », «d’origine arabe». Les résultats obtenus ne sont pas toujours conformes à ceux des études antérieures menées surtout aux Etats-Unis et laissent penser que les réactions des auditrices/eurs face aux stéréotypes de genre sont moins réfléchies que les réactions face aux stéréotypes raciaux. Les conclusions incitent à mieux prendre en compte l’interaction entre chercheurs et enquêtés lors d’expériences perceptives, et à interpréter avec plus de prudence les résultats produits par des méthodes expérimentales purement quantitatives.
It appears that sociophoneticians generally deconstruct more than “ordinary people” the stereotypes about lower-class speakers, but their approach still remains incomplete. However, experts use much fewer categories than our listeners to characterize the phono-style of speakers with high social prestige. The conclusion argues for a renewal of the research through a diversification of the descriptors used for characterize the phono-stylistic variation and a more clear focus on the agency of individuals, regardless of their social profile.
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Cet article propose une réflexion sur les relations entre les discours épilinguistiques profanes et ceux des spécialistes en sociophonétique au sujet des prononciations du français. Les résultats obtenus grâce à une enquête socioperceptive menée auprès de 68 auditeurs francophones de France, de tous âges, sont d’abord résumés et ensuite confrontés aux tendances qui se dégagent des publications scientifiques contemporaines sur la variation phonostylistique.
Il apparait que, si globalement les sociophonéticiens déconstruisent plus que les « profanes » les stéréotypes stigmatisants pesant sur les locuteurs socialement minorés, leur démarche reste encore inachevée. En revanche, ils utilisent des catégories beaucoup moins sophistiquées que les auditeurs ordinaires pour caractériser les styles de ceux qui bénéficient d’un grand prestige social. L’article plaide pour un renouvèlement des recherches dans le sens de la diversification des descripteurs de la variation phonostylistique et d’une focalisation plus rigoureuse sur l’agentivité des individus, quel que soit leur profil social.
We show, through examples, how successful candidates are firstly required to form a project to go outside the territory (from suburbs to the high school in Paris) and to have a social ambition. This encourages them to bring it in line their ideology and language resources (including the "suburb" accent). The jury seems to validate this linguistic and discursive progress by deciding whether or not each candidate is admitted to a new geographical and social territory.
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Cet article traite d’un public peu étudié, celui des « bons élèves » d’un lycée considéré comme difficile, situé en périphérie parisienne ; notre présentation se focalise sur les élèves admis au concours de Sciences Po, grande école parisienne, selon une procédure spéciale d’admission mise en place comme action positive, pour favoriser la diversification du public.
Nous montrerons, par des exemples, comment les candidats et candidates qui réussissent sont amenés à former tout d’abord un projet de sortie du territoire (du lycée de périphérie ZEP vers la grande école parisienne) et une ambition sociale. Ceci les incite à mettre en conformité leur idéologie et leurs ressources langagières (notamment l’accent « de banlieue ») avec ce projet. Le jury semble surtout valider ce mouvement langagier et discursif en décidant d’accorder ou non l’admission dans un nouveau territoire géographique et social.
Dans mon parcours de recherche j’ai commencé par des travaux de description de micro-phénomènes de la prononciation en français de France assez peu étudiés : ‘euh’ dits d’hésitation, palatalisations de consonnes alvéo-dentales, épithèses vocaliques ou consonantiques… Afin d’éviter la simplification artificielle des questionnements, j’ai diversifié les méthodes de fouille de données et de fabrication de corpus, avec le souci d’effectuer constamment des va-et-vient entre l’étude de la production et celle de la perception de la parole, ainsi que la perception des personnes à partir de leur parole. Ces démarches m’ont permis d’obtenir des résultats originaux sur les phénomènes étudiés (régularités acoustiques, distributionnelles et perceptives, tendances, indexicalité) et m’ont conduite à théoriser l’avantage des méthodes mixtes de recherche en sociophonétique. Mon champ d’analyse s’est progressivement élargi vers des questionnements plus macroscopiques : théories sur la variation langagière et sur le style, consistance de la notion d’accent social, apports des théories sur le genre et la race à la construction des problématiques en sociophonétique – avec une attention particulière pour la notion d’accent dit « de banlieue », rôle des idéologies dans la production du savoir sur le langage – tout particulièrement en phonétique où les recherches sur le caractère situé du savoir produit n’en sont qu’à leurs débuts.
Le projet de recherche que je défends a comme ambition d’une part d’enrichir l’héritage variationniste labovien – qui privilégiait les démarches expérimentales – par les apports de la linguistique de corpus et les méthodes de fouille de grandes bases de données et, d’autre part, de construire des dialogues entre les apports du variationnisme et ceux des approches ethnographiques (faisant une large place à l’agentivité et à l’étude des interactions) ainsi que des approches performatives du style. A une époque qui voit émerger la sociophonétique comme discipline de plus en plus autonome, je plaide pour la constitution d’un champ d’études (« studies ») pluridisciplinaire autour des pratiques de prononciation. Une telle démarche, collective, pourrait donner une impulsion centripète aux recherches menées afin d’agréger autour de cet objet non seulement les approches déjà citées mais également des travaux en sciences de l’éducation, sociocognition, acquisition du langage, philosophie, anthropologie ou psychologie sociale, selon un postulat de complémentarité, source de fertilisations croisées.
Dans les recommandations du « bon usage » on retrouve souvent cette interdiction : ne dites pas « au coiffeur » (c'est très laid !) dites « aller chez le coiffeur ». Dire « aller au coiffeur » plutôt que « chez le coiffeur » est devenu l'exemple type d'une tournure a priori incorrecte. Un groupe ouvert sur le réseau Facebook s'intitule ainsi « Je ne dis jamais : "des fois je vais au coiffeur". » Un message posté sur le réseau Twitter, le 12 mars 2019, contenait le texte suivant : « Je commence à être persuadée que les gens qui disent "aller au coiffeur" le font exprès pour emmerder les autres ». Or, certaines personnes découvrent bien tard que cette tournure fait réagir. Quelques-unes se corrigent honteusement, d'autres se révoltent, comme dans le message suivant posté sur Twitter le 27 décembre 2017 : « Y a toujours un connard pour te dire "On dit pas je vais au coiffeur mais chez le coiffeur". » Dire « au coiffeur » : grossière erreur. Dire « chez le coiffeur » : marque de distinction. Mais… pourquoi ? S'est-on déjà posé la question ? La suite en libre accès ici :
https://theconversation.com/aller-chez-le-coiffeur-mais-aller-aux-putes-ce-que-revele-lusage-des-prepositions-114557
(spoiler : à rien du tout... mais pourquoi se pose-t-on encore la question ?)