Des saints et des livres. Christianisme flamboyant et manuscrits hagiographiques du Nord à la fin du Moyen Âge (XIIIe-XVIe siècle), actes de colloque (Namur-Louvain, 21-22 mars 2019) éd. par Fernand Peloux, Brepols, Turnhout,, 2021
Le manuscrit ms. 795 de la bibliothèque de Lille, appelé familièrement la Grosse légende, est un ... more Le manuscrit ms. 795 de la bibliothèque de Lille, appelé familièrement la Grosse légende, est un recueil de Vies de saints et de commémorations en langue picarde1. Il reflète le contenu du calendrier chrétien universel et celui de certains calendriers locaux, propres au nord de la France (Flandre, Hai- naut et Artois), même si le déroulé ne suit pas l’année liturgique ni un ordre bien particulier2.
L’ouvrage tient une place à part dans le corpus des légendiers en langues vernaculaires de la fin du Moyen Âge, non seulement par son contenu tex- tuel, mais aussi et surtout par son illustration. En effet, plus de 150 miniatures et son ornementation secondaire tranchent avec la décoration traditionnelle de ce type de textes apparentés à la Légende dorée de Jacques de Voragine, dans la traduction à succès de Jean de Vignay. son cycle iconographique s’éloigne également de celui, riche de 155 miniatures, du Légendier de Metz de la première moitié du xve siècle3. En effet, dans ce dernier, l’ordre des Vies suit l’année liturgique et les miniatures, malgré leur exécution soignée, reprennent le modèle stéréotypé de la production du commerce de librairie des manuscrits liturgiques et dévotionnels, aussi bien dans l’illustration du sanctoral de certains missels courants que dans celle des livres d’heures.
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Books by Esther Dehoux
allégorique (Pèlerinage de vie humaine 1330-1355, Pèlerinage de l’âme 1355-1358, Pèlerinage de Jésus
Christ 1358), d’un texte allégorique, Le Roman de la Fleur de lis, et de poèmes latins.
Le Pèlerinage de l’âme décrit le jugement de l’âme de Guillaume, qui comparaît devant saint
Michel, au cours d’un procès où interviennent le diable, Syndérèse et les figures allégoriques de
Justice, Raison, Vérité et Miséricorde. Condamnée au purgatoire, l’âme de Guillaume découvre les
tourments infligés aux pécheurs, puis, en étant sortie, délivre des conseils de bon gouvernement
à l’intention des hommes et des princes. Le texte est singulier par bien des aspects. Il aborde des
thèmes d’une surprenante diversité et le fait avec une étonnante précision. Il s’intéresse ainsi, tout à
la fois, à la spiritualité, aux pratiques religieuses et à la procédure judiciaire réputée en vigueur dans
l’au-delà et clairement marquée par les modèles processuels coutumiers. Ce texte se révèle aussi
complexe sur le plan littéraire. Usant fréquemment de l’allégorie, il s’apparente à un traité édifiant,
mais peut également compter au rang des miroirs des princes. Le style se caractérise tout autant
par la précision du vocabulaire employé pour les questions techniques que par l’aisance d’écriture
dans les passages plus descriptifs, traduisant ainsi la maîtrise qu’a l’auteur des connaissances savantes
comme des réalités pratiques.
S’inscrivant dans la continuité des rencontres consacrées en 2006 et 2011 aux oeuvres
allégoriques de Guillaume de Digulleville et à la réception de celles-ci, ce colloque entend
approfondir des aspects parfois négligés dans l’étude des écrits du cistercien de Chaalis et, avant tout,
réunir des historiens des pratiques religieuses, du politique, du droit, de la littérature, des images et
des représentations pour croiser les approches spécialisées d’une même oeuvre, le Pèlerinage de l’âme.
Si les références aux autres textes, français et latins, de Guillaume de Digulleville sont utiles et
bienvenues, la connaissance qu’ont les intervenants de l’oeuvre retenue permet, en jouant la carte
de l’interdisciplinarité, de préciser l’étendue des connaissances de l’auteur, d’appréhender, à travers
les écrits que celui-ce nous a laissés, la culture et les croyances de son milieu comme les aspirations
des hommes du milieu du XIVe siècle.
Voilà bien un vrai défi que de s’intéresser aux saints guerriers ! L’expression est en soi un paradoxe : comment prétendre à la sainteté en portant les armes ? Serait-ce alors une concession au cliché « moyenâgeux » du bon chevalier défenseur de la veuve et de l’orphelin, se préparant à l’adoubement par une nuit d’oraison, avant d’affronter les ennemis de la Chrétienté ? L’ouvrage d’Esther Dehoux montre que ce n’est rien de tout cela. Cet objet d’étude, si étonnant puisse-t-il paraître de prime abord ou, pire, dont le sort serait entendu d’avance, se révèle au contraire un observatoire du plus haut intérêt pour saisir les évolutions, tensions et aspirations qui ont travaillé la société médiévale en un moment crucial de son histoire. Les représentations, au sens large, de quatre figures importantes, Georges, Guillaume, Maurice et Michel, retenus parmi ces saints guerriers dont on a pu dénombrer quantité d’émules, témoignent de la reconnaissance de la singularité du combattant et de la volonté des hommes d’Église de lui offrir une voie de salut spécifique. Le message est aussi parénétique que social. Il est également politique car la figure du saint guerrier peut autant servir la cause royale qu’encourager la réforme de l’Église et la mise en ordre(s) de la société que celle-ci implique.
Avec ce livre, « les jongleurs de mots, les faiseurs d’images », mais aussi les spécialistes des pratiques religieuses et les historiens du politique trouveront de nouvelles pistes à explorer, de nouveaux regards sur des sources qu’ils pensaient connaître.
Papers by Esther Dehoux
allégorique (Pèlerinage de vie humaine 1330-1355, Pèlerinage de l’âme 1355-1358, Pèlerinage de Jésus
Christ 1358), d’un texte allégorique, Le Roman de la Fleur de lis, et de poèmes latins.
Le Pèlerinage de l’âme décrit le jugement de l’âme de Guillaume, qui comparaît devant saint
Michel, au cours d’un procès où interviennent le diable, Syndérèse et les figures allégoriques de
Justice, Raison, Vérité et Miséricorde. Condamnée au purgatoire, l’âme de Guillaume découvre les
tourments infligés aux pécheurs, puis, en étant sortie, délivre des conseils de bon gouvernement
à l’intention des hommes et des princes. Le texte est singulier par bien des aspects. Il aborde des
thèmes d’une surprenante diversité et le fait avec une étonnante précision. Il s’intéresse ainsi, tout à
la fois, à la spiritualité, aux pratiques religieuses et à la procédure judiciaire réputée en vigueur dans
l’au-delà et clairement marquée par les modèles processuels coutumiers. Ce texte se révèle aussi
complexe sur le plan littéraire. Usant fréquemment de l’allégorie, il s’apparente à un traité édifiant,
mais peut également compter au rang des miroirs des princes. Le style se caractérise tout autant
par la précision du vocabulaire employé pour les questions techniques que par l’aisance d’écriture
dans les passages plus descriptifs, traduisant ainsi la maîtrise qu’a l’auteur des connaissances savantes
comme des réalités pratiques.
S’inscrivant dans la continuité des rencontres consacrées en 2006 et 2011 aux oeuvres
allégoriques de Guillaume de Digulleville et à la réception de celles-ci, ce colloque entend
approfondir des aspects parfois négligés dans l’étude des écrits du cistercien de Chaalis et, avant tout,
réunir des historiens des pratiques religieuses, du politique, du droit, de la littérature, des images et
des représentations pour croiser les approches spécialisées d’une même oeuvre, le Pèlerinage de l’âme.
Si les références aux autres textes, français et latins, de Guillaume de Digulleville sont utiles et
bienvenues, la connaissance qu’ont les intervenants de l’oeuvre retenue permet, en jouant la carte
de l’interdisciplinarité, de préciser l’étendue des connaissances de l’auteur, d’appréhender, à travers
les écrits que celui-ce nous a laissés, la culture et les croyances de son milieu comme les aspirations
des hommes du milieu du XIVe siècle.
Voilà bien un vrai défi que de s’intéresser aux saints guerriers ! L’expression est en soi un paradoxe : comment prétendre à la sainteté en portant les armes ? Serait-ce alors une concession au cliché « moyenâgeux » du bon chevalier défenseur de la veuve et de l’orphelin, se préparant à l’adoubement par une nuit d’oraison, avant d’affronter les ennemis de la Chrétienté ? L’ouvrage d’Esther Dehoux montre que ce n’est rien de tout cela. Cet objet d’étude, si étonnant puisse-t-il paraître de prime abord ou, pire, dont le sort serait entendu d’avance, se révèle au contraire un observatoire du plus haut intérêt pour saisir les évolutions, tensions et aspirations qui ont travaillé la société médiévale en un moment crucial de son histoire. Les représentations, au sens large, de quatre figures importantes, Georges, Guillaume, Maurice et Michel, retenus parmi ces saints guerriers dont on a pu dénombrer quantité d’émules, témoignent de la reconnaissance de la singularité du combattant et de la volonté des hommes d’Église de lui offrir une voie de salut spécifique. Le message est aussi parénétique que social. Il est également politique car la figure du saint guerrier peut autant servir la cause royale qu’encourager la réforme de l’Église et la mise en ordre(s) de la société que celle-ci implique.
Avec ce livre, « les jongleurs de mots, les faiseurs d’images », mais aussi les spécialistes des pratiques religieuses et les historiens du politique trouveront de nouvelles pistes à explorer, de nouveaux regards sur des sources qu’ils pensaient connaître.
Abstract – Beginning with a bibliographical status quaestionis, this study aims to do justice to the collegiate church of Mantes. Linked to the Capetian dynasty, that sanctuary has a history that is not well known, but observation of the architecture allows us to distinguish it from what has up to now been regarded as its model : Notre-Dame de Paris.
L’ouvrage tient une place à part dans le corpus des légendiers en langues vernaculaires de la fin du Moyen Âge, non seulement par son contenu tex- tuel, mais aussi et surtout par son illustration. En effet, plus de 150 miniatures et son ornementation secondaire tranchent avec la décoration traditionnelle de ce type de textes apparentés à la Légende dorée de Jacques de Voragine, dans la traduction à succès de Jean de Vignay. son cycle iconographique s’éloigne également de celui, riche de 155 miniatures, du Légendier de Metz de la première moitié du xve siècle3. En effet, dans ce dernier, l’ordre des Vies suit l’année liturgique et les miniatures, malgré leur exécution soignée, reprennent le modèle stéréotypé de la production du commerce de librairie des manuscrits liturgiques et dévotionnels, aussi bien dans l’illustration du sanctoral de certains missels courants que dans celle des livres d’heures.