Présentation L’histoire religieuse a longtemps constitué un chapitre à part dans l’historiographie des sociétés modernes et contemporaines, souvent réservé aux spécialistes du fait religieux, des croyances ou des pratiques, et des...
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L’histoire religieuse a longtemps constitué un chapitre à part dans l’historiographie des sociétés modernes et contemporaines, souvent réservé aux spécialistes du fait religieux, des croyances ou des pratiques, et des institutions. La question des appartenances religieuses demeure pourtant un élément déterminant en histoire sociale et politique, qu’il convient de reconsidérer à la lumière des déplacements historiographiques les plus récents. Il s’agit de réfléchir à la façon dont les sciences sociales permettent de penser les appartenances religieuses, de la fin du Moyen Âge à nos jours, en comparant des espaces géographiques parfois très éloignés.
Il convient pour cela d’interroger l’association trop souvent immédiate entre religion et identité qui fait du lien confessionnel le ferment du lien social. Ainsi, les identités religieuses sont souvent analysées comme l’expression de liens primordiaux, constitutifs des collectifs parce que profondément ancrés dans la culture, les mentalités et les croyances. Elles auraient été particulièrement prégnantes dans les sociétés traditionnelles et dans les sociétés anciennes marquées par le localisme, la ruralité et les structures patriarcales. Les sociétés occidentales et modernes, en revanche, se seraient caractérisées par la compétition entre les États royaux et le pouvoir pontifical sur le contrôle et l’encadrement de la pratique religieuse. En distinguant le spirituel du temporel, en forgeant l’unité politique par l’uniformisation religieuse, les pouvoirs monarchiques auraient jeté les bases d’un long processus de sécularisation qui aurait permis à l’Europe de « sortir » du religieux alors que d’autres régions du monde y seraient restées enfermées.
Cette École thématique entend interroger ce récit de la modernité occidentale qui a participé de la réification du fait religieux comme une dimension spécifique du monde social. En privilégiant des approches localisées et des contextualisations denses, il s’agit au contraire de réinscrire les activités religieuses au sein des configurations sociales et économiques dans lesquels elles trouvent leur origine. Ainsi il convient d’interroger des notions aussi centrales que le rituel ou le sacré dans le rapport aux collectifs, non pas comme des moyens de perpétuation d’une identité immuable, mais comme des manières d’actualiser constamment les frontières fragiles des groupes sociaux. Cela invite dès lors à revisiter les situations de contacts ou de circulations interreligieux, non pas comme des moments exceptionnels de passage, d’affrontement ou de médiation entre des entités culturelles monolithiques, mais comme des modalités ordinaires de cohabitation ou bien de réaffiliation des acteurs sociaux dans des configurations sociales localisées.
En somme, en choisissant d’adopter une approche pragmatique du fait religieux, cette École thématique invite à s’interroger sur ce que les acteurs font quand ils parlent de leur appartenance religieuse, et en quoi ces actions façonnent les appartenances sociales. Tels sont les enjeux d’une histoire sociale qui se saisit des appartenances religieuses, en les ancrant dans les pratiques situées des acteurs sociaux, et en tenant à distance critique le double prisme des sources étatiques et ecclésiastiques.
Objectif et organisation
L’École thématique réunira des spécialistes du monde méditerranéen, américain et asiatique, et mettra en perspective les défis méthodologiques de sciences sociales écrites à l’échelle du monde. Privilégiant une réflexion méthodologique et épistémologique, il s’adresse à un public de doctorants et post-doctorants dont les travaux portent sur les enjeux de l’appartenance sociale et/ou religieuse.
L’objectif est de faire travailler des doctorants et des chercheurs de disciplines différentes qui partagent une perspective historique et une démarche empirique. Pour les étudiants issus des sciences sociales, il s’agira d’enrichir leur questionnaire en leur permettant d’historiciser leurs problèmes, tandis que pour les étudiants en histoire, l’enjeu consistera à acquérir de nouvelles méthodes et de nouveaux concepts pour densifier leur analyse des sources historiques. C’est de la diversité des terrains empiriques que naîtra le dialogue entre des disciplines, des périodes et des objets différents. Il s’agira précisément de tisser les fils et de trouver les correspondances entre la manière dont l’histoire aborde ces questions et la façon dont le font les autres sciences sociales.
L’objectif est également de dresser un état des lieux critique des propositions les plus récentes sur la manière de penser l’appartenance. Nous offrirons ainsi aux participants des repères historiographiques et méthodologiques, tout en leur permettant de présenter leurs propres terrains d’enquête, leurs sources, et leur démarche. Les séances s’organiseront autour de conférences, de séminaires de travail et de séances de présentation des travaux des étudiants. Il s’agira de faire dialoguer des historiographies parfois éloignées afin de faire émerger une réflexion commune sur les enjeux de l’appartenance religieuse dans une perspective globale.
Conférenciers invités
- Angela Barreto Xavier (Instituto de Ciências Sociais da Universidade de Lisboa)
- Ismail Warscheid (CNRS – IRHT, Institut de recherche et d'histoire des textes)
- Jérémie Foa (Aix-Marseille Université)
- Federico Palomo (Universidad Complutense de Madrid)
- Natalia Muchnik (École des hautes études en sciences sociales, Paris)
- Oscar Mazin (Colegio de México)