Books by Louis-Thomas Leguerrier
Presses universitaires de Lièges, 2024
Ce livre aborde l'omniprésence du punk rock dans les romans de Virginie Despentes afin de montrer... more Ce livre aborde l'omniprésence du punk rock dans les romans de Virginie Despentes afin de montrer comment ceux-ci partent de la représentation du punk en tant que phénomène culturel et genre musical pour aboutir au punk en tant qu'expérience du langage, en tant que manifestation dans le langage de cette expérience que j'appelle la destruction de l'identité. Cette transposition d'une expérience musicale sur le langage et la production littéraire est analysée à partir de la figure du chantier littéraire, tirée du livre éponyme de Monique Wittig. Le chantier, cet espace où les choses existent à l'état de matériel pas encore formé, désigne ici une capacité à approcher le langage comme un matériel flexible, malléable, qui permet de déformer ce qui, dans tout discours, se présente comme déjà formé. C'est à partir de cette figure du chantier littéraire qu'est pensée, dans un premier temps, ce qui constitue le fond de la punk rock théorie, à savoir la conception du punk comme langage de la destruction. Le mot « punk », dans le chantier où travaille Despentes, se voit non seulement dépouillé de sa signification conventionnelle, il nomme aussi le projet consistant à envisager chaque chose à l'aune de la destruction du sens qu'on lui assigne habituellement. Le premier chapitre explore les affinités entre la production esthétique de Despentes et cette figure du chantier littéraire. Les trois chapitres suivants déclinent ensuite les modalités par lesquelles le punk, chez Despentes, se fait langage de la destruction: la fluidité, la dichotomie et la révélation. Si la modalité de la fluidité met en scène la pacification (toujours provisoire et à refaire) des conflits et le brouillage des catégories identitaires au sein de l'espace utopique et sans contours ouvert temporairement par le punk, la modalité de la dichotomie se réalise dans le déploiement d'une langue où résonnent les sonorités de la lutte de classe et de l'affrontement entre des oppositions tranchées. La modalité de la révélation, qui concerne la réception individuelle et collective du punk comme expérience extrême, manifeste quant à elle l'axe vertical et transhistorique qui permet de propulser les modalités de la dichotomie et de la fluidité sur l'axe horizontal de l'histoire. Dans l'éclair d'une révélation faisant table rase des identités, le punk rock manifeste une expérience qui, comme King Kong, conduit « au-delà de la femelle et au-delà du mâle, à la charnière entre l'homme et l'animal, l'adulte et l'enfant, le bon et le méchant, le primitif et le civilisé, le blanc et le noir ».
Hashtag Éditions , 2019
Cet ouvrage porte sur l'actualisation de la figure d'Ulysse au XXe siècle par James Joyce et le p... more Cet ouvrage porte sur l'actualisation de la figure d'Ulysse au XXe siècle par James Joyce et le poète juif roumain Benjamin Fondane. Dans son poème « Ulysse », d'abord paru en 1933 mais remanié en profondeur au cours de la Seconde Guerre mondiale, Fondane investit la figure fondatrice et universelle d'Ulysse en juxtaposant aux racines grecques de cette dernière sa propre condition de juif marqué comme ennemi de l'universel par l'État fasciste : «Juif, naturellement, tu étais juif, Ulysse ». En situant le geste de Fondane dans l'horizon ouvert en 1920 par Joyce avec son Ulysses, dans lequel le héros homérique devient le juif-grec ou grec-juif, la réflexion déployée dans cet ouvrage permet de considérer le roman canonique de Joyce sous un nouveau jour, c'est-à-dire à partir de l'actualisation de la figure d'Ulysse comme figure oscillant — dans les mots de Léon Chestov — entre Athènes et Jérusalem. Non seulement Joyce et Fondane ébranlent-ils l'adéquation de la figure d'Ulysse avec l'hellénisme conçu comme origine de la tradition occidentale, ils déstabilisent de surcroît la relation hiérarchique entre l'ancien et le nouveau, l'original et la copie, l'identité et la non-identité de façon à rendre inopérantes les notions d'essence et de fondement.
Papers by Louis-Thomas Leguerrier
This paper proposes a comparative reading, on the theme of the original sin, of the short story “... more This paper proposes a comparative reading, on the theme of the original sin, of the short story “All” by Ingeborg Bachmann and of The Dream of a Ridiculous Man by Dostoïevski. The original sin, understood as the fall of mankind in a spiral of affliction, is examined in light of its actualization by critical theories of reason (Shestov, Benjamin, Adorno), which were articulated against the backdrop of the triumph of rationalist modernity. In these stories by Bachmann and Dostoïevski, the discovery of the distinction between good and evil by the first humans is taught in continuity with the development of a language that inscribes in humans and in their social relations the separation between autonomous reason and nature, the latter being devoid of substance. This separation is defined as the basis of an eternal war between humans and nature as well as among humans themselves. Dans la nouvelle « Tout », Ingeborg Bachmann met en scène la folle entreprise d’un père voulant faire de son ...
MuseMedusa, 2021
This paper studies the role played by the figure of the Trojan horse in the work of Monique Witti... more This paper studies the role played by the figure of the Trojan horse in the work of Monique Wittig. I argue that if this particular figure is so important to Wittig, it is not only because it is a pillar of tradition that they want to overthrow, but also because, according to them, it is always from within that this overthrow can take place, just as it was from within that Odysseus was able to overthrow Troy. I also argue that the Trojan horse, through what Wittig calls the “universalization” of the lesbian standpoint, functions in their work as an anti-essentialist figure that dismantles notions such as identity and foundation.
Vies et fiction d'exil , 2021
Les cinq poèmes fleuve qui composent l'oeuvre poétique française de Benjamin Fondane, «Ulysse »,... more Les cinq poèmes fleuve qui composent l'oeuvre poétique française de Benjamin Fondane, «Ulysse », « Le mal des fantômes», « Titanic », « Au temps du poème » et «L'Exode », réunis par l'auteur peu avant sa mort sous le titre Le mal des fantômes, sont tous marqués par l'omniprésence de figures d'émigrant.e.s, voire d'exilé.e.s et de réfugié.e.s. Or, chez Fondane, la figure de l'émigrant.e est non seulement auto-biographique, figuration et transfiguration poétique d'éléments constitutifs de la vie et de l'époque de l'auteur, mais aussi mise en scène d'une pensée concernant le statut de l'humain face aux institutions matérielles et immatérielles - l'État, la police, le Savoir, la Raison - qui gouvernent l'histoire. Le « mal des fantômes » diagnostiqué par Fondane désigne la condition des émigrant.e.s qui ont perdu leur identité, leur ancrage historique, leur citoyenneté et leur sécurité sociale et économique, mais elle désigne aussi la révolte de l'existence individuelle contre sa déréalisation par les structures de la pensée rationnelle ainsi que le risque métaphysique par lequel il devient possible d'entrevoir une sortie, un exode hors du cercle magique formé par ces structures.
Revue Canadienne de Littérature comparée, 2020
Bien plus qu'une activité consistant à représenter des idées préconçues ou à consol-ider des iden... more Bien plus qu'une activité consistant à représenter des idées préconçues ou à consol-ider des identités individuelles et collectives en les insérant dans un récit historique en compétition avec d'autres récits sur le marché du savoir, la création littéraire permet la confrontation de l'esprit humain avec ce qui le dépasse, ce qui l'appelle tout en lui échappant. Si cette confrontation est mise en scène dans les textes littéraires selon des modalités qui dépendent des conditions historiques de leur production, elle est aussi réactivée, au-delà de ces conditions historiques, chaque fois que l'esprit d'un lecteur, chaque fois que l'esprit d'une lectrice y voit l'occasion d'une ouverture à ce qui l'excède et le fascine. Un des plus vieux récits de la tradition occidentale illustre de manière frap-pante cette confrontation de l'esprit avec l'inconnu. Il s'agit de l'Odyssée d'Homère, et notamment du célèbre épisode du chant XII, où Ulysse se ligote au mat de son navire pour pouvoir écouter le chant des Sirènes sans craindre d'y succomber. Grâce à ce stratagème, Ulysse fait l'expérience d'un abandon de l'esprit à ce qui l'affecte de l'extérieur, le fascinant et menaçant de lui faire perdre la raison. Mais en même temps, et dans un même mouvement, il fait l'expérience d'une maîtrise des affects par la force de la raison. À la fois stoïque et ouvert au débordement des affects, Ulysse incarne les extrêmes de l'esprit, le lieu où la tension entre affect et raison est portée à son comble. En prenant l'exemple de deux textes du XXe siècle qui actualisent la figure d'Ulysse, « Le silence des Sirènes » de Kafka et Un apprentissage ou le livre des plaisirs de Clarice Lispector, je voudrais montrer comment les mises en scène du littéraire donnent lieu à une pensée qui n'est épuisée par aucun moment historique particulier ni réductible à aucune discipline institutionnalisée.
MuseMedusa, 2020
Cet article analyse la représentation de la musique punk dans les romans de Virginie Despentes à ... more Cet article analyse la représentation de la musique punk dans les romans de Virginie Despentes à partir de la figure de Némésis. Conçue à la fois comme éclatement d’une violence excessive, démesurée, et comme châtiment venant punir la démesure, Némésis incarne la dialectique à l’œuvre dans la conception du punk développée par Despentes. De la cavale meurtrière de Nadine et Manu aux convergences de Vernon Subutex, l’expérience du punk, chez Despentes, est d’abord mise en scène comme explosion violente révélant les extrêmes du monde en un bref instant de lucidité, puis comme objet de nostalgie dans un monde qui en a balayé les dernières traces, et enfin comme surgissement d’un nouvel horizon utopique dont l’hubris appelle sur lui le châtiment de l’histoire.
Contemporary French and Francophone Studies, 2020
In this article, the notion of catastrophe is first treated as a metaphor for
what happens to lit... more In this article, the notion of catastrophe is first treated as a metaphor for
what happens to literary production when it is disrupted by twentieth century art innovations. I address this issue by looking at the exemplary case of Adorno’s reading of Samuel Beckett, whose writing renders traditional æsthetic processes obsolete, thus breaking the continuity between language and the meaning that it is supposed to convey. According to Adorno, the catastrophe operating in Beckett in terms of language is a response to the historical catastrophe of the Second World War and the way in which it broke the continuity between human suffering and the possibility to articulate it with language. By presenting the opposition between Adorno’s and Sartre’s approaches to literature, I will show that, while Sartre responds to the catastrophe of the Second World War with committed literature, Adorno, from his reading of Beckett, responds with what will be called the catastrophe of language.
Écritures de la contestation. La littérature des années 68., 2018
Dans cet article nous explorons l’idée que le roman Les guérillères de Monique Wittig, publié un ... more Dans cet article nous explorons l’idée que le roman Les guérillères de Monique Wittig, publié un an après mai 68, représente cet événement de manière indirecte, sinon implicite. C’est à travers la structure narrative de l’oeuvre, le montage romanesque, que s’opère la dialectisation de deux problématiques qui se cristallisent lorsque les ouvriers en grève se joignent aux étudiants au mois de mai 1968 : d’une part, celle de la fragmentation sociale, et, d’autre part, celle de l’autorité. La violence que l’écrivaine fait subir aux catégories langagières dans son oeuvre théorique comme fictionnelle se voit contrebalancée dans Les guérillères par la mise en scène (au sens brechtien du terme) des différents cycles d’une vie commune réellement libre. Plus largement, nous montrons que c’est la question du sujet qui est mise à l’honneur chez la féministe radicale : entre un structuralisme triomphant et un humanisme qui fait retour, entre le caractère actuel de la littérature engagée et le formalisme revendicateur du Nouveau roman, l’oeuvre de Wittig se positionne comme le troisième terme dialectique grâce auquel la réification d’une série d’oppositions est désignée comme « l’ennemi principal » du sujet humain collectif.
Revue Romanesque : "Lukács 2016 : cent ans de Théorie du roman", 2016
Nous inscrivant en faux contre l’idée qu’il existe une rupture entre les écrits des années dix et... more Nous inscrivant en faux contre l’idée qu’il existe une rupture entre les écrits des années dix et ceux des années trente, nous proposons une lecture de l’œuvre de Lukács mettant plutôt l’accent sur sa cohésion. Afin de corriger ce que nous considérons comme une opposition réductrice, nous nous servons d'une notion chère à Lukács s’il en est : celle de médiation. Dans cette optique, nous abordons Histoire et conscience de classe (1923) en tant que terme médiateur permettant de lier les écrits de jeunesse aux écrits plus tardifs. Cet ouvrage, rédigé après la conversion de Lukács au marxisme mais avant le développement de sa théorie du réalisme littéraire, tient lieu de moment charnière dans la trajectoire intellectuelle du philosophe. Bien qu'il n'y soit pas question de littérature, Histoire et conscience de classe permet de comprendre la vision du littéraire de Lukács comme une théorie de la contre réification, qui s'incarne à travers une analyse pénétrante du concept de seconde nature, auquel une partie de notre article s’attardera. Le concept de seconde nature, que Lukacs définit comme ce qui « fait s'opposer à l'homme sa propre activité, son propre travail comme quelque chose d'objectif, d'indépendant de lui et par des lois propres, étrangères à l'homme » (Lukács, 1923), se retrouve aussi bien dans La théorie du roman que dans les écrits sur le réalisme, notamment dans Raconter ou décrire (1936). En identifiant ce que nous considérons comme le pivot de la réflexion lukácsienne sur la littérature, à savoir la contre réification comme puissance épistémologique propre au littéraire, il nous est alors permis d'unir les écrits de Lukács des années dix et des années trente au sein d’une seule et même pensée.
Proust côté femmes, édité et présenté par Michel Pierssens, 2015
Contre les interprétations de l'oeuvre proustienne en vogue à son époque, Georges Bataille, dans ... more Contre les interprétations de l'oeuvre proustienne en vogue à son époque, Georges Bataille, dans La littérature et le mal, tente une lecture de la Recherche fondée presque exclusivement sur un personnage habituellement considéré comme secondaire par la critique. Il s'agit de Mlle Vinteuil, fille unique du musicien Vinteuil et figure emblématique de l'homosexualité féminine dans le roman. L'importance décisive que Bataille attribue à ce personnage dans la construction de la Recherche tient au fait qu'il nous conduit selon lui au lieu précis où se rencontrent, dans un douloureux et terrible enchevêtrement, le Bien et le Mal :
Revue Titanic. Bulletin international de l’association Benjamin Fondane, 2015
Benjamin Fondane est ce poète révolté qui, soucieux d'arracher l'expérience poétique à l'emprise ... more Benjamin Fondane est ce poète révolté qui, soucieux d'arracher l'expérience poétique à l'emprise d'un ordre rationnel auquel elle est étrangère, descendit lui-même dans l'arène philosophique afin de « provoquer le minotaure chez lui 1 ». Ses essais philosophiques sont des écrits de combat attaquant sans relâche la prétention des divers systèmes philosophiques à dissoudre dans leurs imposantes démonstrations le conflit au sein de l'être, cette déchirure -que la poésie permet d'exprimer -entre le vécu et la pensée. Or de cette lutte acharnée, il ressortit au final une oeuvre philosophique tout aussi riche et impressionnante que l'oeuvre poétique. Bien plus, les deux oeuvres ne peuvent tout simplement pas être séparées l'une de l'autre. Le poète, harassé sans relâche, sur son propre terrain, par les contraintes de la raison, contraintes auxquelles la plus petite réussite en poésie doit être arrachée de haute lutte, se fait philosophe pour envahir le domaine propre de la raison et pour la harceler à son tour. Ainsi les deux oeuvres sont le théâtre d'un seul et même conflit, un conflit entre la raison qui déclare avoir réponse à tout et une expérience vécue qui assure ne rien trouver dans les réponses fournies par la raison qui puisse la satisfaire et mettre fin à son malaise. C'est donc la trame conceptuelle, le thème du conflit en question qui permet, semble-t-il, de lier ensemble l'oeuvre poétique et les écrits philosophiques, et ce thème est la révolte contre l'absolutisme de la raison. Or nous montrerons que le thème opérant chez Fondane la liaison du poétique et du philosophique n'est pas seulement une pensée conceptuelle, mais qu'il s'incarne dans un personnage, un personnage qui, fictif ou non, n'en demeure pas moins une personne individuelle et concrète, un être singulier faisant face à l'Histoire, une figure.
Violence et culture populaire, 2014
Courteau, Clément et Leguerrier, Louis-Thomas. 2014. « Awake : la violence comme expérience du mo... more Courteau, Clément et Leguerrier, Louis-Thomas. 2014. « Awake : la violence comme expérience du monde dans Breaking Bad », Postures, Dossier « Violence et culture populaire », n°19, En ligne <http://revuepostures.com/fr/articles/leguerrier-clement-19> (Consulté le xx / xx / xxxx ). D'abord paru dans : Postures, « Violence et culture populaire », n°19, p. 93-103. Pour communiquer avec l'équipe de la revue Postures notamment au sujet des droits de reproduction de cet article : [email protected] ! S avoir c'est pouvoir. Tel est, selon Peter Sloterdijk, l'énoncé venant fonder le projet de l'épistémologie moderne. Ainsi explique-t-il, dans sa Critique de la raison cynique, que « Ce qu'est la vie, le chercheur ne le comprend pas dans l'attitude théorique, mais uniquement en s'engageant dans la vie même », et que « l'homme de science qui se cache à lui-même sa volonté de puissance et qui comprend l'expérience seulement comme savoir sur des objets, ne peut pas parvenir à ce savoir qu'acquiert celui qui apprend à connaître sous la forme d'un voyage vers les choses. » La télésérie Breaking Bad nous présente un protagoniste amené par son esprit scientifique à pousser cette logique jusque dans ses dernières implications. Ayant cessé de se cacher à lui-même sa volonté de puissance, il se lancera à la poursuite d'un savoir se présentant sous la forme d'un voyage vers le monde, un voyage au cours duquel savoir et pouvoir, connaître et dominer, apparaîtront comme une seule et même chose. la violence comme expérience du monde dans Breaking Bad Clément Courteau et Louis-Thomas Leguerrier Courteau, Clément et Leguerrier, Louis-Thomas. « Awake : la violence comme expérience du monde dans Breaking Bad », Violence et culture populaire, Postures, 2014, p. 93 à 104.
Talks by Louis-Thomas Leguerrier
Association canadienne de Littérature comparée, Université de Montréal, 2024
Colloque Pratiques et usages de l'autothéorie au Québec, Maison de la littérature, Québec, 2024
Dans Testo junkie, sexe drogue et biopolitique, Paul B. Preciado présente sa prise de testostéron... more Dans Testo junkie, sexe drogue et biopolitique, Paul B. Preciado présente sa prise de testostérone synthétique et le récit qu’il en fait comme une « autothéorie », se décrivant comme un « auto-cobaye » expérimentant sur son corps et sur le corps politique collectif pour contester l’intégration de l’un et de l’autre au régime de la différence sexuelle. Plus précisément, c’est par la caractérisation de cette expérience comme une « auto-intoxication » que s’articule chez Preciado la dimension théorique et la dimension auto-biographique, la subjectivité moderne étant décrite par le philosophe comme « la gestion de l’auto-intoxication dans un environnement chimiquement nocif ». Et ce n’est pas seulement ce que raconte Preciado, mais l’écriture elle-même qui serait une méthode « d’intoxication par les images et le langage ». Dans son plus récent livre, Dysphoria mundi, Preciado reprend cette démarche « autothéorique », mais cette fois à travers le récit de son expérience de la Covid — qu’il a contractée au début de la pandémie — et en prolongeant sa pensée de l’intoxication dans une pensée de la contamination. Ici aussi, le langage, décrit par Preciado comme un virus, est à la fois ce qui permet de raconter la contamination et le véhicule de celle-ci : « Comme le virus, l’écriture est une entité qui défie les frontières entre le vivant et le mort, entre l’organique et l’inorganique : ni bactérie, ni organisme pur, le langage pénètre dans le corps et usurpe les caractéristiques de la vie ». Dans cette communication, il s’agira de montrer comment les auto-théories de Preciado, plutôt que de concevoir le langage comme une expression de la différence intra-humaine — la différence sexuelle au premier chef —, insistent sur la différence entre l’humain et le langage, ouvrant ainsi la littérature et la fiction à une multiplicité d’usages posthumains et posthumanistes.
Popular Culture Association annual conference, Chicago, 2024
Built around the relationship between a bankrupt record store owner and a deceased punk singer, V... more Built around the relationship between a bankrupt record store owner and a deceased punk singer, Virginie Despentes' Vernon Subutex trilogy presents recorded music as an encounter between the living and the dead. Indeed, the search for cassette tapes recorded by the singer Alex Bleach just before his death forms the main plot of the story. However, when the tapes are finally found, everyone is forced to realize that the 'music' they contain is nothing more than noise, sound waves synchronized by Bleach to create a new form of music, but reflecting only the loss of the ability to write anything good. Everything changes when Vernon, the record store owner turned DJ, remixes Bleach's tapes to create the soundtrack for the 'convergences,' these musical events that bring together all the characters in the novel and seal their destinies. By remixing the tapes, Vernon unleashes the power recorded within them and becomes a conduit between the present and a vanished world, between the living and the dead. In this paper, I want to read Vernon's ability to decipher the code inscribed in the recordings as a metaphor of Despente's literary writting. By writting on punk music, Despentes does a lot more than representing a cultural phenomenon : she remixes the recordings that changed her life and unleashes the power enclosed in them, opening a bridge between our present and the vanished world of punk.
Colloque "Monique Wittig 20 years later/20 ans plus tard", Université Berkeley, 17 et 18 mars 2023
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Books by Louis-Thomas Leguerrier
Papers by Louis-Thomas Leguerrier
what happens to literary production when it is disrupted by twentieth century art innovations. I address this issue by looking at the exemplary case of Adorno’s reading of Samuel Beckett, whose writing renders traditional æsthetic processes obsolete, thus breaking the continuity between language and the meaning that it is supposed to convey. According to Adorno, the catastrophe operating in Beckett in terms of language is a response to the historical catastrophe of the Second World War and the way in which it broke the continuity between human suffering and the possibility to articulate it with language. By presenting the opposition between Adorno’s and Sartre’s approaches to literature, I will show that, while Sartre responds to the catastrophe of the Second World War with committed literature, Adorno, from his reading of Beckett, responds with what will be called the catastrophe of language.
Talks by Louis-Thomas Leguerrier
what happens to literary production when it is disrupted by twentieth century art innovations. I address this issue by looking at the exemplary case of Adorno’s reading of Samuel Beckett, whose writing renders traditional æsthetic processes obsolete, thus breaking the continuity between language and the meaning that it is supposed to convey. According to Adorno, the catastrophe operating in Beckett in terms of language is a response to the historical catastrophe of the Second World War and the way in which it broke the continuity between human suffering and the possibility to articulate it with language. By presenting the opposition between Adorno’s and Sartre’s approaches to literature, I will show that, while Sartre responds to the catastrophe of the Second World War with committed literature, Adorno, from his reading of Beckett, responds with what will be called the catastrophe of language.
Comment le motif de la constipation incorpore-t-il une rupture grotesque dans un récit autrement marqué par le tragique de l’expérience de prisonniers politiques injustement condamnés aux plus atroces privations? Notre hypothèse est que le déplacement de l’espace d’incarcération, qui passe de la cellule enfermant le corps au corps comme cellule enfermant les excréments du corps confiné au corps constipé entraîne un bouleversement dans la poétique du texte et permet l’irruption du grotesque et de l’humour. Pour développer cette hypothèse, nous comparerons le roman de Ben Jelloun à Féérie pour une autre fois (1952) de Louis-Ferdinand Céline, dans lequel la constipation du narrateur incarcéré au Danemark modifie les rapports de force avec ses geôliers. Chez Ben Jelloun comme chez Céline, le motif de la constipation déclenche une poétique de l’humour dans l’incarcération qui reconfigure l’espace de l’enfermement en réduisant ses frontières aux limites du corps souffrant.
This thesis examines the omnipresence of the Odysseus figure in twentieth century self-consciousness throughout its many literary and philosophical rewritings. Noting the unprecedented proliferation of the Odysseus figure in this period’s literature, the thesis seeks to convey the ways in which it embodies and sets in motion thinking at the core of the most important problems of the century. Odysseus’s literary and critical fortune in the twentieth century is explained by the modalities of thought which it conveys, modalities that are themselves clarified by the definition of Odysseus as a figure of the mediation between extremes. This thought of and between extremes embodied by Odysseus is defined as a manifestation of the mind proper to the literary, that is, as specifically literary thought, which is irreducible to conceptual thought. From the study of diverse literary texts of the twentieth century in which the Odysseus figure appears, I demonstrate that this particular form of thought concerns the balance of power between affect and reason within the mind, the way in which reason propels itself on the basis of affects only to become overwhelmed by them, in a perpetual movement that is exemplified by the peregrinations of Odysseus in his quest for an impossible return. This power struggle between affect and reason becomes a thematic element in the form of Odysseus’s depiction, or “mise en scène,” of the power struggle between the Hellenic and Judeo-Christian origins of Western civilization, between reason and revelation, knowledge and faith, Athens and Jerusalem.
(1994), Les chiennes savantes (1996) and Les jolies choses (1998), which feature marginalized characters (sex workers, punks, drug addicts) by exacerbating their anti-
social aspects as much as possible, Despentes, beginning with Teen Spirit, increasingly presents the world of the marginalized who reject society and are rejected by it as a space of mutual care that results in the creation of new social interactions. Hitherto associated by Despentes with an existential and political attitude that can be described as anti-social, punk rock, in Teen Spirit, is revealed as the source of a reconfiguration of social relations, and in particular, but not only, of father-daughter relations. This paper will question the paradox by virtue of which the marginalized people who inhabit Despentes’s fiction cure
themselves of social violence by inflicting on themselves concentrated doses of this violence which, in punk music, becomes aware of itself and transforms into an impulsion
toward a new social contract.