Affichage des articles dont le libellé est culpabilité. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est culpabilité. Afficher tous les articles

lundi 16 décembre 2024

Éliminer les faux problèmes

Nous avons tous des problèmes, chroniques ou ponctuels, et pour peu qu’on ne les règle pas ou qu’on ne puisse pas les régler, ils peuvent ruiner notre bonne humeur. De fait, ce ne sont pas les problèmes en soi qui polluent notre moral, mais le souci qu’on s’en fait. D’où l’intérêt de distinguer comme les stoïciens ce qui dépend de soi et ce qui n’en dépend pas (voir chapitre 1).

Bien sûr, c’est embêtant d’avoir du travail ou des factures en retard, des doutes sur son couple, un patron et un banquier pas très patients ou un conjoint assez absent. Mais ce qui mine vraiment, ce sont les soucis. On culpabilise parce qu’on ne peut rien y faire dans l’immédiat (il n’y a pas de solution miracle) ou qu’on ne sait pas quoi faire, par exemple décider si on veut ou non faire une croix sur une relation.

Nos problèmes réels sont d’autant plus pesants qu’ils se doublent presque toujours d’un faux problème : on s’autopersuade qu’on peut les résoudre, et on le laisse croire aux autres, alors qu’on ne le peut pas.

Reconnaissons que certains de nos problèmes ne sont pas réglables dans l’immédiat, ou même dans l’absolu : on n’en a pas les moyens, le temps, on ne sait pas vraiment ce qu’on veut. En annonçant clairement la couleur : « pour le moment, je ne peux pas », on allège la pression. On ne règle peut-être pas le problème réel, le travail et les factures en retard ou le couple qui bat de l’aile, mais au moins, on évacue la partie « faux problème ». Et en y gagnant plus de tranquillité d’esprit, on est plus à même de trouver des solutions.

"Allez bien dans un monde qui va mal" de Gilles Azzopardi

--------------------


samedi 1 avril 2023

Face à la peur

 Q : Ce serait quoi par exemple perdre le contrôle ?

Éric Baret : C'est de se trouver sans dynamisme pour faire ou ne pas faire. Plus la moindre prétention à ma propre capacité. L'ego ne peut pas supporter un tel moment. J'ai passé ma vie à développer mes facultés, à créer un monde où je suis relativement compétent, à prétendre être indépendant, à pouvoir survivre et me sortir de situations complexes et là, en un seul instant, je m'aperçois que j'ai rêvé ma vie. Toutes les compétences que j'ai acquises par mon ascèse, grâce à mes capacités intellectuelles ou affectives, étaient un rêve... 


Quand je me réveille, la fortune, les châteaux, les titres que je possédais, les œuvres que j'ai accomplies en rêve : qu'en reste-t-il...?

Ce moment est une émotion profonde. 

J'ai rêvé ma vie. J'ai tout inventé. Rien de tout cela existe, sauf ma peur, la codification de ma peur. Ma vie est la représentation de cette peur. Quand un psychiatre compétent – si cela existe – me demande de dessiner un arbre, il y voit les ramifications de ma peur. Si je lui montre la photo de ma femme, de mes enfants, de mon chien, de ma maison, de ma voiture et de mon corps, il ne voit que ma peur. La peur qui m'a fait acheter une femme, une maîtresse, un chien de cette race, qui m'a fait fabriquer ces enfants, qui m'a fait travailler pour être riche ou pauvre, qui me fait m'habiller, me tenir, respirer, parler, me présenter de telle manière, qui m'attache à telle idée politique ou sociale, à tel goût littéraire ou cinématographique. Tout cela est ma peur qui joue dans sa splendeur. 

Pas de critique : je constate cela en moi. Je ne peux pas faire autrement. Ce n'est pas comme si je pouvais fonctionner sans peur. Je me rends compte que la vie que je me suis créée, les capacités que j'ai cherché à développer – la force, le courage, l'intelligence, la spiritualité, la méditation, la sagesse ou autres balivernes – tous ces éléments je les ai développés pour ne pas faire face à l'émotion qui m'habite constamment. 

Pour fuir cette évidence qui me montre ma totale inadéquation, j'ai créé un monde où je me prétends une capacité. Alors je deviens un bon mari, un bon citoyen, un bon amant, un bon père, un bon bouddhiste... tout ça pour prétendre exister. D'un coup, je me réveille, je me rends compte qu'il n'y avait là que prétention, que je ne suis rien de tout cela...

Cette émotion, on la connaît tous, quand on est dépassé, submergé par quelque chose. Par mauvaise habitude, quand ça arrive, on dit : "c'est une émotion, je perds le contrôle, je vais essayer de me calmer, prendre un tranquillisant, faire quelque chose pour chasser l'émotion"...

Au contraire, ce moment d'humilité, de non-savoir, cette abdication, est le vrai savoir, la vraie sécurité. 

Voir sa non-qualification est l'émotion essentielle. Tant que l'on prétend à une qualité, cet imaginaire étouffe la vie en soi. 

C'est profondément une reconnaissance. 

~ Éric Baret

De l'abandon 

-----------