Guadix et Gorafe, confidentiels & époustouflants

Dans Espagne, Voyages un billet écrit par Christine le 31 décembre 2024

L’Europe n’en finit pas de me surprendre et de m’émerveiller. Depuis que je la sillonne en camping car, je découvre l’immense variété de paysages dont elle est composée. Point n’est besoin de prendre l’avion pour être complétement dépaysé, notre vieux continent a tant à offrir.

Guadix

Autour de moi, des formations géologiques spectaculaires, des ravins, des gorges, alternance de terrains arides et de vallées plus verdoyantes. En arrière-plan, des sommets enneigés dessinent l’horizon. Ce paysage m’évoque un ailleurs dépaysant, un mélange de Kabylie et d’Anatolie orientale, la Cappadoce peut-être. Et pourtant, je ne suis ni en Afrique du Nord ni en Asie Mineure mais à une soixantaine de kilomètres de Grenade au sud de l’Espagne.

Du haut de la colline sur laquelle je me suis hissée, je laisse mon regard émerveillé s’égarer sur la ville inattendue qui s’étend en contrebas. Nichées dans les ondulations de la roche ocre, les habitations, la plupart blanchies à la chaux, tranchent avec l’aridité du paysage alentour. Un peu plus loin, j’observe une Alcazaba arabe, le clocher d’une cathédrale et plusieurs édifices de style mudéjar. Mais un détail surtout m’interpelle, partout cheminées et antennes de télévision émergent du sol telles des périscopes curieux, épiant le monde. Quel est donc cet étrange endroit ?

A Guadix, au cœur de cette terre qui fut le dernier bastion de l’Islam en Espagne, les maisons cachent un surprenant monde souterrain. Une population irréductible s’accroche à l’ombre de ses « cuevas ». En 1492, ces habitations troglodytes ont été façonnées dans l’argile des collines par les Maures qui ont fui Grenade investie par les Rois Catholiques. Aujourd’hui, avec une concentration de plus de 2000 habitations souterraines, Guadix est considérée comme la capitale européenne des grottes habitées. Ici, chaque pas résonne d’une présence autre ; c’est vraiment surprenant, où que l’on aille, c’est toujours sur le toit de quelqu’un que l’on marche.

Les maisons-grottes traditionnelles n’ont pas de portes. De simples pans de tissu laissent entrer la lumière andalouse et facilitent la ventilation. Bien que l’arrivée de l’eau et de l’électricité ait modernisé le paysage architectural, remplaçant les drapés par des murs en dur, ces habitations anciennes restent fidèles à leur essence. Ici, pas besoin de climatisation ni de chauffage : la température intérieure est stable tout au long de l’année, oscillant entre 18 et 22 °C. L’argile filtre l’air et fonctionne comme un caisson d’isolation. Il paraît qu’on y dort comme des bébés.

Ces demeures, résistantes aux tremblements de terre, rappellent une époque où l’homme vivait en harmonie avec son environnement. Aujourd’hui, près de 45 % des habitants de Guadix résident toujours dans ces Cuevas, preuve que le passé sait s’adapter, alliant confort et écologie. Ces refuges, entre tradition et modernité, incarnent un art de vivre en parfaite adéquation avec les rythmes de la nature.

Si bon nombre de cuevas ont été restaurées et adaptées à la vie contemporaine, le centre historique ne ressemble pas (encore) à Disneyland pour autant. Tout n’est pas « propre en ordre » comme on dit chez moi, certains endroits sont même un peu crados mais ont l’avantage d’être encore authentiques. Ici pas de boutique de souvenirs kitsch à tous les coins de rue, le tourisme de masse n’a pas encore fait son oeuvre. On sent ces quartiers habités, vivants et c’est tant mieux!

Voila un drôle de nom pour un petit musée qui satisfera tous ceux qui, comme moi, ont envie de de savoir à quoi ressemblait l’intérieur d’une de ces grottes il y a 40 ans. Sans eau ni électricité, les habitants partageaient leur lieu de vie avec leurs bêtes. Cette cueva occupée de 1928 jusqu’aux années 1980 a conservé son architecture et sa distribution d’origine. Elle contient une vaste collection d’ustensiles domestiques, du mobilier typique de l’époque, des costumes traditionnels, ainsi qu’une grande variété d’objets artisanaux de la ville de Guadix et de la région. Une immersion sensitive qui mêle sons, odeurs, sensations et personnages pour une visite très vivante.

Un mystérieux désert

En fin d’après-midi, nous quittons Guadix pour une destination qui m’enthousiasme tout particulièrement. A quelques tours de roues de là, à peine trente km, nous nous arrêtons à Gorafe. Ici aussi il y a des maisons-grottes. Du reste, le nom de Gorafe pourrait dériver de « Ghuraf » cavité ou grotte en arabe, mais ce n’est pas le but de notre passage ici.

Nous empruntons un petit chemin en béton assez escarpé qui nous conduit en dessus du village. Notre véhicule n’est pas un grand baroudeur, il peine à gravir la pente à tel point que nous n’osons pas aller jusqu’au sommet. Nous nous posons sur un terre-plein d’où nous jouissons d’une vue spectaculaire sur la vallée et profitons d’un coucher de soleil d’anthologie. Nos spots nocturnes ne sont pas souvent aussi somptueux!

L’aube nous tire du lit, impatients que nous sommes de découvrir ce qui nous attend. Il fait très chaud ici en été, mais au petit matin de ce début du mois de mai à près de 1000 m. d’altitude, le fond de l’air est bien frais . Nous nous équipons chaudement et nous apprêtons à découvrir l’un des plus grands secrets paysagers d’Espagne. Imaginer ce pays terre de désert en surprend plus d’un et pourtant, il en compte 5. Celui de Gorafe est l’un des plus petits d’Europe, mais avec ses 4’500 hectares de canyons et de ravins dessinés par l’érosion, il abrite des paysages d’une beauté saisissante, dignes des plus grands westerns.

La Ruta del Desierto, une boucle bien balisée de 28,5 km permet de découvrir tous les points forts du site. Avec un bon 4×4, il est possible de l’emprunter mais l’itinéraire n’est pas de tout repos et le terrain parfois bien défoncé. Pour notre part, c’est en VTT électrique que nous nous lançons sur la piste poussiéreuse.

En quelques coups de pédale, nous gagnons un vaste plateau planté d’amandiers d’où l’on ne tarde pas à apercevoir les fameux « badlands », ces spectaculaires terres argileuses érodées.

Au premier point de vue on reste sans mot! Tout autour de nous s’étendent des montagnes plissées, des falaises ocre rouge, des ravins. On est sur la planète Mars, dans un décor de cinéma… Par la suite, au fur et à mesure de notre avancée, on n’en finira pas de s’arrêter pour contempler l’immensité de ce territoire préservé et sauvage entré au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2020.

Après plus de 2h. et d’innombrables arrêts contemplatifs, on atteint la partie du désert profond, inhospitalier et reculé où se trouvent les grands canyons d’argile rouge et ocre, Los Coloraos. Une fois encore, la beauté du paysage, couplée au silence palpable du désert nous saisit au plus profond de nous-mêmes.

Mais où est Charlie?
Au fil des heures la lumière réinvente le paysage

Plus loin, la piste qui descend au fond du canyon révèle de majestueuses colonnes pourpres sculptées par des milliers d’années d’érosion et qui deviendront demain des cheminées de fée.

Certains passages de la piste sont très défoncés, je n’aimerais pas m’aventurer ici en véhicule mais en VTT, tout va bien. Et quel kif de rouler dans ces majestueux canyons! Amérique ? Jordanie? Sommes-nous vraiment en Espagne?

Après près de 5 heures, la boucle est bouclée (nous avons vraiment pris notre temps tant cet environnement est fascinant). De retour sur le plateau près des amandiers, nous apercevons à nouveau au loin un bâtiment repéré au début de notre balade.

Son architecture futuriste qui surplombe le désert intrigue et ajoute encore à l’étrangeté du lieu. La « Casa del Desierto » est apparue dans la série de science fiction Black Mirror mais à l’origine elle n’a pas été construite pour le cinéma. Elle est née de la collaboration entre une entreprise de verre américaine et un architecte slovène soucieux de démontrer les capacités de ce matériau en climat extrême. Entièrement réalisée en verre haute performance qui résiste à toutes les températures, elle est totalement autosuffisante et respectueuse de l’environnement. Lieu privé interdit d’accès, il est impossible de l’approcher à moins de 300 m. mais si l’expérience vous tente et que le prix ne vous rebute pas, elle est à louer (plus de 300€ /nuit).

Et puisqu’on parle de cinéma, l’Espagne est sans aucun doute un pays qui attire de nombreux producteurs de films et de séries du monde entier. Gorafe et ses saisissants paysages désertiques sont tout particulièrement appréciés par les cinéastes. Ils ont notamment servis de toile de fond à certaines scènes des films « Indiana Jones et la dernière croisade » (1989) et « Le bon, la brute et le truand » (1966).

Géologie

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7 Responses to “Guadix et Gorafe, confidentiels & époustouflants”

  1. Déborah dit :

    Après Benidorm, l’ambiance est diamétralement différente. Ces paysages sont tout simplement merveilleux. Ils m’ont fait pensé au Grand Canyon et certaines grandes plaines des USA. Surprenant de découvrir de tels endroits pas loin de chez nous. Merci pour le partage et tes textes. Je me réjouis d’en lire d’autres 😉

    • Christine dit :

      Je n’ai pas encore eu la chance de voir les grands paysages américains mais ceux-ci sont vraiment enthousiasmants et m’ont totalement comblée. Réjouis-toi, il y aura encore du grand dépaysement par ici, alors à bientôt 🙂

  2. C’est très inspirant tout ceci et les photos vraiment magiques, de quoi effectivement apporter un autre regard sur l’Espagne. Merci de nous faire découvrir ces pépites

    • Christine dit :

      L’Espagne n’en finit pas de nous surprendre et de nous émerveiller.Je suis contente de t’en avoir fait découvrir d’autres facettes.Merci pour ta visite et ta fidélité Françoise.

  3. C’est magnifique ! Et ces maisons souterraines avec leur petite « cheminée », c’est ingénieux ! Les paysages sont fous, quelle merveille ! 🙂

  4. Anne dit :

    Ce lieu semble complètement fou, et tes photos lui rendent un bel hommage!

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