Avec ce roman, je retrouve le Laurent Gaudé de "Ouragan". Peut-être un peu trop. Il utilise la même trame : après avoir posé ses personnages principaux dans un lieu bien précis, il les soumet à une catastrophe naturelle et raconte comment ils y font face.
Mais, qu'à cela ne tienne, j'ai à nouveau pris un énorme plaisir à le lire. Cet auteur sait magnifiquement transmettre l'atmosphère, la mentalité et les démons des habitants d'un lieu.
Lucine qui revient après plusieurs années à Port au Prince trouve refuge chez "Fessou" (un bordel désaffecté dont la couleur était "verte" !) Elle est rapidement admise dans la petite communauté qui s'y retrouve pour jouer au dominos et savourer le bonheur de vivre. Elle y rencontre Saul et sait qu'elle ne le quittera plus. Et puis, il y a Matrak, l'ancien tonton macoute, que la petite équipe nargue parce que "la peur a changé de camp".
Mais soudain la terre se met à trembler et non contente d'anéantir la ville et de tuer les êtres qui vous sont chers, elle libère les morts.
"Je le dis : il est temps de fermer le monde. Suffit les morts. Vous voulez les garder près de vous parce que vous avez peur du deuil. Mais les morts ne peuvent rester ici simplement pour éviter aux vivants de pleurer. Ils vont attendre. Errer. Devenir fous. Je le dis, moi qui ne parle jamais, il n'y pas de vie sans désir et les morts n'en ont plus. Ni projet, ni impatience Ils seront là comme des arbres morts, contemplant la vie qu'ils n'ont pas. Suffit les morts ! Que ceux qui veulent les retrouver cessent de vivre ! Pour les autres, il est temps de les raccompagner. Que Prophète Coicou prenne la tête de la marche avec moi. Nous allons danser les ombres. Et le monde se refermera."
Lucine et Saul qui participent à cette longue marche pour "semer" les morts ne savent plus très bien si l'un ou l'autre arrivera jusqu'au bout de ce long processus.
On retrouve dans ce roman l'humanisme de Gaudé, son sens de la fraternité et de l'amitié. Des bons sentiments peut-être, mais des sentiments vrais et forts.