Religions et société
Religions et société
Religions et société
2024 09:36
URI : https://id.erudit.org/iderudit/1002406ar
DOI : https://doi.org/10.7202/1002406ar
Éditeur(s)
Département de sociologie - Université du Québec à Montréal
ISSN
0831-1048 (imprimé)
1923-5771 (numérique)
Découvrir la revue
Citer ce document
Milot, M. (2000). Religions et sociétés… après le désenchantement du monde.
Cahiers de recherche sociologique, (33), 5–17. https://doi.org/10.7202/1002406ar
Copyright © Cahiers de recherche sociologique, 1999 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des
services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique
d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne.
https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/
Présentation
Religions et sociétés...
après le désenchantement du monde
Micheline MILOT
1
II faut souligner, toutefois, que ce processus qui a cours dans toutes les sociétés
occidentales et qui touche toutes les traditions religieuses qui y sont présentes diffère
passablement de celui qu'on observe dans les autres parties du monde. Un prosélytisme
très actif a permis aux traditions chrétiennes et musulmanes de se redéployer en dehors
des frontières où s'effritait leur hégémonie sociale et politique. Cette nouvelle offensive
prend le plus souvent place dans des conjonctures économiques ou sociopolitiques
difficiles, dans lesquelles se trouvent des populations désenchantées du point de vue
idéologique ou matériel. Ainsi, malgré l'effondrement vertigineux du christianisme dans
les populations occidentales, celui-ci demeure en tête de liste des religions mondiales
par son implantation dans les pays qui enregistrent un taux élevé de natalité: le Brésil,
le Mexique et les Philippines sont considérés comme les trois premiers pays catholiques
d'un point de vue numérique. Du côté protestant, le Nigeria est devenu le deuxième pays
après les États-Unis. L'islam, pour sa part, n'est plus synonyme d'«arabité», puisque
l'Indonésie, le Pakistan, le Bangladesh et l'Inde sont désormais les quatre premiers pays
du monde musulman.
8 Religions et sociétés... après le désenchantement du monde
2
Plusieurs théoriciens ont fourni des analyses permettant de reconsidérer les
rapports entre sécularisation et modernité ou postmodernité, dont J. K. Hadden et
A. Shupe, D. Martin et D. Hervieu-Léger.
3
L'expression est empruntée à D. Hervieu-Léger qui a proposé une excellente mise
en perspective des rapports entre la religion et les sociétés modernes, notamment dans
La religion pour mémoire, Paris, Cerf, 1993, et dans «Productions religieuses de la
modernité: les phénomènes du croire dans les sociétés modernes», dans B. Caulier (dir.),
Religion, sécularisation, modernité, Sainte-Foy, Presses de l'Université Laval, 1996,
p. 37-58.
Présentation 9
4
L'emploi du verbe «croire» comme substantif est devenu très répandu dans les
travaux sociologiques sur la religion, notamment dans la foulée des réflexions de M. de
Certeau, dont «L'institution du croire», notes de travail, n.d., et La faiblesse de croire,
Paris, Seuil, 1985.
5
P. Bourdieu, Le sens pratique, Paris, Minuit, 1980.
10 Religions et sociétés... après le désenchantement du monde
6
T. S. Kuhn, La structure des révolutions scientifiques, Paris, Flammarion, 1972.
7
Y. Ledure explique de façon plus élaborée ce renversement de perspective dans son
article « De l'athéisme à l'indifférence religieuse: nouveau statut du religieux »,
Encyclopédie des religions, t. 2, Paris, Bayard, 1997, p. 2353-2362.
Présentation 1 1
8
Un postulat, inspiré par l'analyse de Weber concernant la rationalité et la
modernité, sous-tend cette assertion: la rationalité n'est pas une caractéristique de
12 Religions et sociétés... après le désenchantement du monde
l'objet, mais de la recherche des moyens qui semblent les plus adaptés aux fins
poursuivies. En ce sens, selon Weber, l'organisation de la vie monacale au Moyen Âge
était très rationnelle. Ainsi, même les recherches de sens en apparence les plus farfelues
sont des entreprises rationnelles. Weber disait ajuste titre qu'est irrationnel ce qui est
perçu tel du point de vue d'une autre rationalité, généralement dominante culturellement.
Ce qui vient d'être dit n'excuse en rien les dérives parfois monstrueuses des fanatismes
sectaires, mais rappelle que les jugements de valeur ne tiennent pas lieu d'analyse.
9
L'analyse distingue ici, comme il se doit, la signification sociale du phénomène
de ses effets sur tel ou tel individu (effets qui peuvent être parfois néfastes) et de
l'efficacité (toute relative) de ses pratiques.
10
D. Hervieu-Léger, art. cité.
11
Ces valeurs associées à la modernité sont véhiculées même par les mouvements ou
les groupes de type fondamentaliste ou intégriste qui les rejettent pourtant explicite-
ment, dans la mesure où leur interprétation du donné de la tradition se fait précisément en
dehors des cadres fixés par celle-ci.
Présentation 13
14
Spinoza avait développé cette perspective dans son Traité théologico-politique
paru en 1610. L'argument sera aussi repris par Hume dans L'histoire naturelle de la
religion et autres essais sur la religion, datant de 1741.
16 Religions et sociétés... après le désenchantement du monde
* *
Présentation 17
Micheline MILOT
Département de sociologie
Université du Québec à Montréal