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Théorie Générale du Droit Constitutionnel

Pr. Jamal Hattabi


Séance 8
Le citoyen

La notion du citoyen est d’apparition récente dans le langage juridico-


politique. Elle signifie la participation des individus à la gestion des affaires
publiques. Elle est le résultat d’un long processus historique durant lequel les
individus avaient acquis progressivement des droits qui limitaient leur dénouement
face au pouvoir. Considérés durant des siècles comme des sujets, c’est à dire des
individus soumis à la volonté et aux caprices des gouvernants, ils ont du attendre la
fin du XVIIIème siècle pour être reconnus comme des citoyens. En France par
exemple, ce n’est qu’en 1830 que le mot « sujet a disparu des documents officiels.
Quant au Maroc, il a fallu attendre la constitution de 1962 pour voir surgir la notion
du citoyen pour la première dans le dispositif juridique marocain.

Au niveau théorique, l’approche du citoyen s’est structurée autour


d’une question fondamentale : le citoyen est-il source ou objet du pouvoir ?
Toutefois, l’affirmation de la notion du citoyen s’est concrétisée par sa participation
à l’exercice du pouvoir et surtout par le rôle joué lors de la désignation des
gouvernants.

Section 1 : la participation du citoyen à l’exercice du pouvoir comme


fondement de la démocratie.

Par référence à l’expérience vécue durant l'antiquité dans la cité


grecque, la démocratie est souvent définie comme le pouvoir du plus grand nombre
ou le gouvernement du peuple par et pour le peuple. Si l’on se limite à son sens
étymologique, elle signifie le gouvernement du peuple. En réalité, on considère
comme démocratie tout régime qui assure la participation des gouvernés au pouvoir.
Cette participation diffère selon les pays et selon les idéologies qui les gouvernent.

Pour comprendre les mécanismes de cette participation on est obligé de


passer par une étude de la notion de la souveraineté. En effet, la notion de la
participation est intimement liée à celle de la souveraineté. Dans cette perspective,
les modes de participation diffèrent selon le fait que l’on attribue la souveraineté à
la nation ou au peuple. Cette distinction entre la souveraineté nationale et la
souveraineté populaire engendre des conséquences quant à la participation des
gouvernés aux pouvoirs. Elle soulève également la question du mode d’exercice de
cette participation. Cet exercice peut être direct ou indirect, ce qui correspond à la
distinction classique entre démocratie directe et démocratie indirecte.

§ . 1. La souveraineté

Qui détient la souveraineté ou qui est le titulaire de la souveraineté?


Cette question aussi banale qu’elle paraît, constitue le fondement de la démocratie.
Elle puise son origine dans la philosophie des lumières et a donné lieu à deux
interprétations: Une première interprétation qui attribue la souveraineté à la nation «
souveraineté nationale» et une deuxième qui l’attribue aux citoyens « souveraineté
populaire».

A. La souveraineté nationale

Dans cette première formule, la souveraineté appartient à la nation en


tant qu’entité, c’est à dire conçue comme un être collectif et indivisible distinct des
individus qui le composent et jouissant de la personnalité morale. C’est l’Abbé
Sieyès qui fut à l’origine de cette interprétation. Son principe a été posé comme un
principe essentiel de l’organisation moderne du pouvoir dès la déclaration de 1789
qui stipule dans son article 3 que « le principe de toute souveraineté réside
essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité
qui n’en émane pas expressément».

Ici la nation est conçue comme un ensemble indivisible et inaliénable


et disposant d’une volonté unique. Elle forme une entité distincte de ceux qui la
composent et aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer
l’exercice. Mais étant une personne morale privée de toute existence physique, la
nation ne peut s’exprimer elle-même. Elle doit nécessairement recourir à des
interprètes, des représentants légitimes qui seuls sont habilités à parler en son nom.
Ils ne s’approprient pas la souveraineté, ils l’exercent tout simplement. Ces
représentants sont souvent désignés à la suite d’élections organisées à cet effet et
selon les spécificités de l’Etat en place. Dans ce cas les électeurs exercent une
fonction dans la mesure ou ils agissent au nom de la nation. Leur choix n’est pas la
manifestation d’une souveraineté individuelle, mais l’accomplissement d’une
fonction conférée par la nation. Les élus représentent la nation entière et non pas
les électeurs. Ceci peut favoriser l’exclusion de quelques citoyens en ne leur
accordant pas le droit de vote. Ce qui revient à dire que la théorie de la souveraineté
nationale peut s’accommoder d’un suffrage restreint ou censitaire.

B. La souveraineté populaire
La théorie de la souveraineté populaire puise son origine dans l’oeuvre
de Jean Jacques Rousseau. Pour ce dernier, la souveraineté appartient au peuple qui
peut l’exercer soit directement soit indirectement. Contrairement à la souveraineté
nationale, la souveraineté populaire est divisible c’est à dire qu’elle est partageable
entre les différents individus qui la composent. Chaque citoyen est ainsi détenteur
d’une parcelle de souveraineté qu’il ne peut déléguer que personnellement. Ainsi,
lorsqu’un citoyen vote, il exerce un droit qui lui appartient en propre. Dans cette
perspective aucun individu ne peut être privé de ce droit. Ce qui veut dire que la
souveraineté populaire exige l’établissement du suffrage universel. Dans certains
cas elle favorise l’exercice de la démocratie directe.

§ . 2. La démocratie

Notre cours se limitera à l’analyse de la démocratie libérale. Ce choix


est dicté par des impératifs liés au temps ainsi que par la vétusté des approches
relatives à ce que l’on appelait il y a trente ans « les démocraties populaires». En
effet, depuis l’effondrement du bloc de l’Est (novembre 1989) et surtout depuis la
disparition de l’Union Soviétique (décembre 1990), l’étude de la conception
marxiste de la démocratie relève, à notre sens, plus de l’histoire du droit que de la
science politique. L’hégémonie du modèle occidental et l’engouement que le
modèle libéral suscite même chez les plus irréductibles de l’ex-modèle socialiste «
Cuba, Viêt-nam, Corée du Nord et la Chine populaire» nous invite à nous intéresser
uniquement au système pluraliste libéral. On est ainsi dans l’obligation de limiter la
notion de la démocratie à la seule version universellement reconnue à savoir « la
démocratie pluraliste libérale»

A. Les conditions de la démocratie

La démocratie libérale met l’accent sur la liberté sous toutes ses


formes. Elle considère la liberté comme une valeur initiale et primordiale. Elle
repose sur le suffrage universel et implique le pluralisme des formations politiques.
Elle met l’accent sur le droit du peuple de désigner et de révoquer les gouvernants.
Ce droit ne peut s’exercer que dans le cadre d'élections libres qui reflètent
réellement le choix du peuple. Les citoyens doivent jouir de certains droits
primordiaux qui leurs permettent de posséder et d’exprimer des opinions
différentes. Ce pluralisme idéologique doit être accompagné par un pluralisme
politique. Cela suppose l’existence d’une majorité détenant les rênes du pouvoir, et
d’une opposition jouissant de toutes les garanties pour accéder à son tour au
pouvoir. Sa fonction consiste à critiquer les divers aspects de l’action
gouvernementale. A cet égard, les moyens de communication doivent être
équitablement partagés entre la majorité et l’opposition.
B. Les différentes formes de démocratie

Communément définie comme le gouvernement du peuple par le


peuple et pour le peuple, la démocratie est tout simplement la forme du
gouvernement ou les gouvernés participent à la gestion des affaires de la cité. Cette
participation peut revêtir différentes formes. On en distingue trois : « la démocratie
directe, la démocratie semi-directe et la démocratie représentative»

B . 1 . La démocratie directe

Cette forme de démocratie représente un idéal vers lequel tend tout


régime qui se veut démocratique. Mais elle reste difficilement applicable dans la
mesure où il n’est pas possible de confier de nos jours à l’ensemble des citoyens la
gestion des affaires publiques. Un tel régime ne peut s’appliquer qu’à de très petites
unités. La référence historique de ce modèle reste l’expérience tentée à Athènes
pendant l’antiquité. L’assemblée du peuple ou l’Ecclésia se tenait chaque jour sur la
colline du «Pnyx» pour décider de la manière dont doivent être menées les affaires
de la cité. Cette expérience qui demeure une référence de réussite du modèle
démocratique, était rendue possible grâce à l’existence de certaines conditions
favorables. La première étant la préparation psychologique du peuple athéniens
pour ce genre d’expérience. En effet, les réformes menées par Clisthène et
développées par Pisistrate ont donné aux athéniens une certaine maturité et les ont
doté d’une sagesse qui leur a permis d’accepter l’idée démocratique et surtout de la
protéger. La deuxième condition est d’ordre matériel. Elle concerne l'exiguïté de
l’Etat concerné et également le nombre réduit de la population qui y vivait.

Ce sont ces deux caractéristiques qui ont permis à certains cantons


suisses de pratiquer cette forme de démocratie. Il s’agit des cantons Nidwald,
Appenzell Rhodes-extérieures, Appenzell Rhodes-intérieures et Glaris. Dans ces
cantons, la gestion des affaires publiques se fait directement par le peuple. Cela se
fait lors de la Landesgemeinde. La landesgemeinde est la réunion des citoyens sur la
place publique pour élire le chef de l’exécutif « le Landmann», le gouvernement
(sauf à Glaris) et les juges. Ils règlent également les difficultés constitutionnelles,
discutent et votent les lois et se prononcent sur les problèmes administratifs
majeurs. Le vote a lieu à main levée et sur la base d’une simple estimation. La
Landesgemeinde a lieu le dernier dimanche du mois d’avril et elle est présidée par
Le Landmann.

B .2 . La démocratie semi-directe
Ce modèle associe certains instruments de la démocratie directe aux
institutions représentatives. Il consiste à introduire des éléments de démocratie
directe dans le régime représentatif. Cette coexistence est tempérée par un certains
nombre de mécanismes qui permettent la consultation directe du peuple. Le peuple
n’intervient que pour décider, il ne participe ni aux débats ni à la préparation des
projets.

Ce modèle est en pleine expansion. Plusieurs pays ont recours à la


consultation populaire et ont même inscrit ce principe dans leurs constitutions. On
peut citer à titre d’exemple, le cas de la France, de l’Autriche, de la République
Fédérale d’Allemagne, de l’Italie, de la Suède et dans une certaine mesure la
Grande Bretagne. Cette intervention populaire change selon les pays et les régimes
en place. Ainsi on distingue entre trois modes d’interventions:

- le premier est le veto populaire : Cette technique permet au peuple de


s’opposer à la mise en application d’une loi votée par le parlement. Par
l’intermédiaire d’une pétition revêtue d’un certain nombre de signatures, les
citoyens peuvent bloquer la mise en vigueur d’une loi dont ils contestent la validité.
Cette procédure aboutit à une consultation référendaire.

- le deuxième mode d’intervention est celui de l’initiative populaire.


Cette technique permet au peuple de proposer l’adoption d’une disposition
constitutionnelle ou législative. La procédure débute également par une pétition
signée par un nombre précis de citoyens. Ce genre de procédé est très développé en
Suisse et au Etats-Unis d’Amérique. En Suisse, l’initiative peut être instituée au
niveau fédéral ou fédéré. Cette disposition est générale dans la mesure ou elle peut
être pratiquée dans tous les cantons Suisses. En effet, tous les cantons Suisses
reconnaissent à leurs citoyens le droit d’initiative constitutionnelle et législative.
Toutefois, pour qu’un projet soit soumis au peuple au niveau fédéral, il faut qu’il
récolte au moins 100 mille signatures.

Aux U.S.A, l’initiative n’existe pas au niveau fédéral. Elle est


également peu pratiquée au niveau des Etats fédérés. Ainsi seul 17 Etats pratiquent
l’initiative constitutionnelle et selon des conditions différentes. Le pourcentage
exigé pour son déclenchement varie selon les Etats. Il se situe entre 3% des
électeurs dans l’Etat du Massachusetts et 15% dans les Etats de l’Arizona et de
l’Oklahoma. En ce qui concerne l’initiative populaire législative, elle est pratiquée
dans vingt et un Etats. Sa procédure de déclenchement varie également selon les
Etats. Alors qu’il suffit de disposer d’un nombre de signatures de 2% des résidents
dans l’Etat du Dakota du nord, il faut au moins 15 % des électeurs dans l’Etat du
Wyoming.
- Le troisième mode est celui du référendum. Cette technique permet au
peuple de se prononcer sur une question ou un texte déterminé. Il existe plusieurs
types de référendums dont les plus connus sont : le référendum constituant et le
référendum législatif. Le référendum constituant concerne toujours les interventions
opérées sur la constitution soit lors de sa ratification soit lors de sa révision. Il peut
être obligatoire, comme c’est le cas au Maroc, en Suisse ou aux U.S.A. Dans ces
pays, toute modification de la constitution doit obligatoirement être soumise à
l’approbation du peuple. Le référendum peut aussi être facultatif. Cette situation se
produit lorsque le choix d’organiser le référendum est laissé à l’appréciation de
l’exécutif. On peut citer comme exemple le cas de la France ou le président de la
République peut utiliser la procédure du «congrès» pour réformer la constitution.

Il est à noter que cette forme de démocratie semi-directe peut s'avérer


très dangereuse si elle est détournée de son but initial. Quelques fois, le référendum
se transforme en plébiscite. Cela arrive quand l’auteur de la question soumise au
peuple exerce un chantage ou une pression sur les citoyens pour leur arracher un
oui. Ce fut la cas du Président français « le Général de Gaulle» qui a utilisé cette
technique plusieurs fois. Ce dernier faisait souvent de la réponse positive la
condition de son maintien à sa fonction.

B .3 . La démocratie représentative

C’est la réforme la plus répondue dans le monde. C’est un régime basé


sur l’élection. Ici la participation du citoyen se limite à élire des représentants qui
agiront en son nom. Dans ce type de démocratie le pouvoir est confié à des élus qui
décideront au nom de la nation ou de l’ensemble du peuple. La nation délègue ainsi
l’exercice de la souveraineté à ses représentants élus.

Il existe deux types de démocratie représentative. Dans le premier type,


les électeurs élisent uniquement les représentants à qui revient la charge de nommer
et de contrôler l’exécutif. Cette forme ultra représentative pose des problèmes au
niveau du fonctionnement de l’exécutif. Ce dernier est prisonnier des élus. Il ne
représente pas la nation toute entière, mais uniquement les intérêts contradictoires
des parlementaires. Un tel système médiatise le pouvoir exécutif en le faisant
procéder du législatif et en l’éloignant des sources populaires.

Dans le second type de démocratie représentative, les gouvernés élisent


non seulement les parlementaires, mais également le chef de l’Etat. C’est
notamment le cas aux U.S.A et en France depuis 1962. Dans ce cas le législatif est
contrebalancé par l’exécutif.

La démocratie représentative implique l’intervention du citoyen dans le


choix des ses représentants. Ce choix se fait par l’intermédiaire des élections. Outre
le choix des représentants ces élections impliquent également la désignation des
dirigeants. Les modes de désignation varient en fonction des systèmes électoraux et
des modes de scrutin.

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