Cours S Politiques

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Semestre 3/ Tronc commun

Module : Systèmes politiques contemporaines

Pr. Abdelali BOUZOUBAÂ

Document n° : 1

Année universitaire : 2021/2022

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Introduction

Un système politique est formé d'un ensemble d'institutions « pouvoirs publics, partis
politiques, groupes d’intérêts », de règles et de comportements politiques des acteurs, qui
agissent en interaction pour accéder et exercer le pouvoir politique. Un système est un
ensemble d’éléments interdépendants, c’est-à-dire liés entre eux par des relations telles que
si l’une d’elle est modifiée, les autres le sont aussi et par conséquent, tout l’ensemble est
modifié. Un système politique est donc une combinaison variable d’autorité légitime « recours
au consensus » et de puissance publique « recours à la coercition » qui rend certaines
personnes capables de décider pour la société globale et de se faire obéir. Il est en relation
avec la structure économique et l’organisation sociale et comprend un régime politique. Un
régime politique correspond à un mode d’organisation et de gouvernement d’un Etat.
Lorsqu’on analyse un régime politique, on s’intéresse : aux fondements du pouvoir : de qui
émane l'autorité des gouvernants « principe de la légitimité » ? Au choix des gouvernants :
comment ont-ils été sélectionnés « principe de la représentativité » ? A la répartition des
pouvoirs : quels sont les rapports entre les trois pouvoirs « l'indépendance » ? Au contrôle des
pouvoirs : quelles sont les limites imposées aux gouvernants ? Les régimes politiques sont le
fruit du jeu des forces politiques dans le cadre institutionnel défini par la constitution ou par la
coutume. S’ajoutent d’autres facteurs, historiques, idéologiques, culturels, qui déterminent la
nature des régimes politiques. Le régime politique est souvent codifié dans une Constitution
qui est la loi fondamentale d'une nation. De ce fait, on peut distinguer régime constitutionnel
et régime politique. Le premier se déduit uniquement de la Constitution ou des textes qui la
remplacent « il n’y a pas de Constitution à proprement parler au Royaume-Uni » ; le second
se fonde aussi sur des usages politiques. Par exemple l’Angleterre a pour régime
constitutionnel une monarchie traditionnelle et pour régime politique une monarchie
parlementaire. Au cours de l’histoire, on peut distinguer plusieurs régimes politiques : Le
monarchisme : forme de gouvernement dans laquelle l'État est dirigé par une seule personne
qui représente ou exerce l'ensemble des pouvoirs .Le mode de désignation du monarque n'est
pas nécessairement héréditaire : il peut aussi être élu, comme c'était le cas pour les empereurs
du Saint Empire Romain Germanique ou les doges de la République de Venise. Dans la
monarchie de droit divin, le monarque est le représentant de Dieu sur terre « Egypte ». Dieu
lui a donné le pouvoir. Dans la monarchie absolue, le roi détient tous les pouvoirs sans réels
contre-pouvoirs. Dans la monarchie constitutionnelle, les pouvoirs du roi sont encadrés par la
constitution. L’oligarchie : forme de gouvernement dans laquelle l'État est dirigé par un petit

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nombre de personnes uni par des liens familiaux, des liens claniques ou des intérêts communs
« exemple : caste militaire, oligarchie terrienne » Ces personnes forment une classe
dominante. L’oligarchie peut être constituée des meilleurs « aristocratie » au sens
étymologique, des plus riches « ploutocratie », des scientifiques et techniciens «
technocratie », des Anciens « gérontocratie », de ceux qui bénéficient de la force ou de tout
autre pouvoir de fait. L’existence d’élections régulières ne suffit pas à interdire une tendance
au régime oligarchique. Les sociétés contemporaines du monde occidental sont elles aussi
concernées par une dynamique oligarchique. Ainsi, Hervé Kempf, met en avant la
concentration croissante du pouvoir décisionnel par une élite restreinte de dirigeants
politiques, de grands chefs d'entreprises, d'acteurs financiers, de journalistes influents, Ceci a
favorisé une collusion croissante entre les représentants politiques et les élites économiques
ou financières afin de satisfaire des intérêts de plus en plus convergents, au détriment du «
bien commun ». La démocratie est le régime politique par lequel le pouvoir est détenu ou
contrôlé par le peuple souverain. Selon Périclès repris par Abraham Lincoln, « le
gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ». Cette définition simple pose une
série de questions complexes : Qui est le peuple ? Toute la population ? Une catégorie de la
population ? Les citoyens ? Qui a droit à la citoyenneté ? Selon quels critères ? Ainsi, dans la
démocratie Athénienne, les femmes, les esclaves et les métèques ne sont pas considérés
comme des citoyens ce qui réserve la citoyenneté à une minorité de la population. De même,
dans la démocratie française et dans la démocratie américaine, il aura fallu plus d’un siècle
pour que les femmes et les noirs accèdent à la citoyenneté. A quel âge devient-on un citoyen?
Enfin, de nos jours, la question de la participation, à certaines élections « régionale,
parlementaire ». Comment le peuple exerce-t-il son pouvoir ? Doit-il participer directement
aux prises de décision ? Doit-il se faire représenter ? Comment peut-il contrôler les décisions
de ses représentants ? Quelles formes peuvent prendre sa participation à la politique ? De nos
jours, le peuple élit des représentants qu’il contrôle en les interpellant de façon quotidienne et
en leur renouvelant ou non leur mandat au moment des élections . Ainsi le traité européen de
Lisbonne a été adopté en 2008 alors que les peuples français, néerlandais et irlandais s'étaient
prononcés contre celui-ci, lors de référendums censés incarner une souveraineté populaire. En
France, il aura fallu attendre 1974 pour que la majorité soit abaissée de 21 à 18 ans. Mais, la
démocratie peut-elle se limiter à la démocratie représentative ? N’existe-t-il pas d’autres
formes de participation du peuple aux prises de décisions politiques ? Comment savoir ce que
veulent les citoyens ? Le peuple est-il capable d’exprimer ce qu’il veut ? N’est-il pas
influençable ? Doit-on toujours faire ce que le peuple veut ? Les dirigeants politiques

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peuvent-ils avoir raison contre le peuple ? L’intérêt supérieur de l’Etat correspond-t-il à
l’intérêt général ? Ainsi, l’existence formelle d’un vote démocratique ne saurait garantir pour
autant le caractère réel de la démocratie, dans la mesure où tout pouvoir peut s’affranchir par
la force ou par des pratiques plus discrètes des limites qui lui sont fixées, dès lors que
l’opinion publique ne parvient plus à faire entendre sa voix. Ainsi la démocratie semble
toujours enfermée dans le dilemme qu’a souligné au XIXe siècle l’un de ses plus éminents
analystes, Tocqueville : « favorisant l’égalité de tous plutôt que la liberté de chacun ».

Chapitre I : Le système politique

On ne peut comprendre la relation de pouvoir qu'en étudiant les rapports entre ceux qui le
détiennent et l'ensemble de l'environnement social où il s'exerce. Tel est l'objet de l'étude du
système politique.
La notion de système:

La notion de système est très générale. Elle a été utilisée aussi bien en physique ou en
biologie qu'en sciences sociales. Dans cette acceptation très large, on peut la définir comme
"un ensemble d'éléments interdépendants, c'est-à-dire liés entre eux par des relations telle que,
si une est modifiée, les autres le sont aussi et que, par conséquent, tout l'ensemble est
transformé", selon la formule de Ludwig Von BERTALANFFY. La notion ainsi spécifiée a
une portée très vaste. En sociologie, on distingue deux cas qui répondent à cette définition
mais n'en sont pas moins nettement différenciés. Les uns sont des phénomènes d'interaction et
les autres des phénomènes d'interdépendance.
La première hypothèse correspond à une situation où les acteurs se trouvent directement en
rapport avec des rôles bien définis. Une modification de l'un des éléments transforme
l'ensemble du système. Par exemple si, dans une équipe de direction, le directeur acquiert une
expérience directe de production, l'ensemble des rapports avec les ingénieurs qui possèdent
une faible formation théorique mais une supériorité sur le plan pratique se trouvera modifié.
Dans un système d'interdépendance, les relations ne sont pas directes, et l'action de chaque
individu sur les autres est à la fois involontaire et négligeable en elle-même; mais, par un effet
d'agrégation, l'action de nombreux individus modifie l'ensemble du système. Par exemple, si
un certain nombre de personnes choisissent de faire des études de droit plutôt que de

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physique, il s'ensuivra que la concurrence sera plus vive parmi les juristes, leur revenu moyen
diminuera, tandis que les physiciens trouveront plus facilement à s'employer, etc.
Une autre distinction est celle des systèmes ouverts et des systèmes clos. Les systèmes, en
effet, n'existent pas dans le vide, mais dans un environnement. Si celui-ci n'influe pas sur leur
fonctionnement, on parlera de système clos, et de système ouvert dans le cas contraire. Les
systèmes clos sont rares, car ils supposent un cloisonnement étanche avec l'extérieur: ainsi les
systèmes démographique, social, politique de l'île de Pâques étaient-ils clos du fait de
l'isolement complet de la population jusqu'à l'arrivée des Européens. Cela dit, les échanges
avec l'environnement peuvent fonctionner de telle manière que le système conserve son
équilibre interne ou le rétablisse automatiquement en cas de perturbations. C'est le propre des
systèmes cybernétiques, c'est-à-dire autorégulés. Le thermostat en fournit un exemple
classique: quand la température baisse, la chaudière se met en marche et rétablit l'équilibre.
Mais ce cas, qui jouit d'une grande célébrité en tant que modèle, procède d'une intention
consciente: le système a été construit volontairement pour produite cet effet. Dans la pratique
sociale, il est plus courant que les relations avec l'environnement provoquent des effet de
rétroaction de celui-ci sur le système qui aboutissent à modifier son fonctionnement et sa
structure.
Le système politique selon David Easton

Le point de départ de son analyse consiste à considérer le système politique comme un


système ouvert. Le système politique existe dans un environnement et vit en symbiose avec
lui. Mais ce qui constitue l'originalité de la démarche d'Easton, c'est qu'il ignore délibérément
le système lui-même, pour s'intéresser exclusivement aux relations qu'il entretient avec son
environnement. Pour Easton le système politique est une "boîte noire" dans laquelle, par choix
méthodologique, il refuse de pénétrer. Le système politique a été en effet selon lui
suffisamment étudié par la science politique traditionnelle qui s'y est exclusivement
intéressée. Qui habite la boîte noire, comment y entre-t-on, qu'y fait-on, comment les
décisions y sont-elles prises, voilà les questions auxquelles on réserve d'ordinaire le nom de
science politique. Easton ne les considère pas comme dépourvues de sens, mais son objectif
est différent: ce qui l'intéresse, c'est d'expliquer les rapports entre cette boîte noire et
l'ensemble de la société. Il traite donc du système politique de manière essentiellement
négative en considérant ses relations avec ce qui n'est pas lui et s'efforce de rendre compte de
celles-ci à l'aide d'un schéma d'interactions.

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Quels sont les grands traits de cette analyse? Elle repose d'abord, sur la distinction entre la
boite noire et l'environnement. Les deux sont liés par des systèmes d'échanges. La boîte noire
reçoit des impulsions de l'environnement. Ce sont les entrées (inputs). Elle restitue d'autre
part des réponses. Ce sont les sorties (outputs). Les entrées se distinguent en deux catégories.
Certaines sont des exigences (demande) adressées au système. D'autres constituent au
contraire des soutiens (supports) apportés à celui-ci. Les premières contribuent à déséquilibrer
le système. Les seconds au contraire le renforcent. Les sorties sont d'un seul type: ce sont des
décisions prises par le système en fonction des revendications et des soutiens qu'il reçoit. Ces
sorties vont à leur tour produire de nouvelles entrées, par un mécanisme de rétroaction
(feedback). Enfin, l'environnement se distingue en deux aspects: l'environnement intrasociétal
est constitué par l'ensemble des autres systèmes qui composent la société globale à l'échelle
nationale (systèmes économique, démographique, psychologique, etc). L'environnement
extrasociétal au contraire regroupe les divers systèmes internationaux, politique, économique,
etc1. Le circuit ainsi décrit peut être dit cybernétique, d'abord parce qu'il est clos par
définition: l'environnement incluant tout, il ne saurait lui-même exister dans quelque chose
qui en formerait l'extérieur. Ensuite parce qu'il est constamment en mouvement: les sorties
produisent par rétroaction, des entrées qui produisent d'autres sorties et ainsi à l'infini. Enfin,
parce qu'il est autorégulé: selon Easton en effet, le modèle n'est pas seulement descriptif. Il
explique comment le système peut se maintenir en équilibre malgré les pressions qui
s'exercent sur lui et devraient, apparemment, le faire s'effondrer. De même que les systèmes
vivants préservent leur organisation à travers un flux constant d'échanges avec
l'environnement, de même le système politique se distingue par sa persistance. L'analyse
d'Easton prétend rendre compte de ce fait.
Telle est l'architecture générale de la conception d'Easton. Mais pour en situer l'exacte portée,
il convient de revenir sur les principaux concepts qu'elle implique.

Les exigences
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- Nous renonçons à illustrer, comme on le fait d'ordinaire, ces diverses notions par un schéma. Les
schémas paraissent marquer l'analyse du sceau de la scientificité, mais ils sont en réalité trompeurs. La
représentation graphique, quelle qu'elle soit, introduit des équivoques implicites pour peu qu'on prenne
le schéma au pied de l'image. La représentation traditionnelle avec entrées à gauche et sorties à droite
donne l'impression qu'exigences et soutiens "vont dans le même sens", alors que les premières sont des
facteurs de déséquilibre et les seconds d'équilibre. Comment visualiser les relations de l'environnement
intra sociétal et de l'environnement extra sociétal? Le premier est en un sens égards, le système
politique est directement en contact avec l'environnement extra sociétal. Il faut en prendre son parti: la
notion de système est une notion abstraite et toute représentation intuitive est inadéquate. Exactement
comme il est inadéquat d'illustrer la notion d'ensemble par l'idée d'un tas car dans un tas les objets sont
rangés dans un ordre donné alors que dans l'idée abstraite d'ensemble il n'y a pas d'ordre privilégié.
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Les exigences sont l'ensemble des demandes adressées au système politique. Elles se
caractérisent par le fait que, pour exister, elles doivent être formulées. Un mécontentement
diffus dans le corps social n'est pas une exigence. Inversement, une exigence n'a pas besoin de
s'exprimer en termes précis, ni a fortiori d'être réalisable. La "justice" peut être une exigence
adressée au système politique, bien que ce concept soit par lui-même éminemment équivoque.
D'autres exigences, ay contraire, sont exprimées de manière parfaitement définie: tel est le cas
lorsque les salariés réclament une augmentation de salaire ou manifestent contre une réforme
de la protection sociale.
Puisque les exigences supposent une formulation, la question se pose de savoir comment cette
formulation est réalisée. Ceci conduit à dégager l'idée d'une régulation des exigences. Selon
Easton la régulation se manifeste sous deux formes: la régulation structurelle et la régulation
culturelle. En considérant la première, on découvre qui formule les exigences. La seconde au
contraire établit quelques exigences sont formulables.
La régulation structurelle est effectuée par des individus ou des groupes auxquels cette
fonction est explicitement ou implicitement confiée, autrement dit, les individus ou les
groupes dont le rôle sociologique est de sélectionner les exigences qui entrent dans le système
politique. Autrement dit, ils doivent repérer les attentes du corps social, leur donner une
formulation cohérente, les dépouiller de leur dimension utopique ou choquante. Qui remplit
donc des rôles? Il existe des "portiers" individuels: ce sont les notables qui ont des relations
aux divers niveaux de l'échelle sociale, les représentants du peuple (députés "de base").
D'autres portiers sont collectifs: il s'agit des partis politiques et des groupes de pression qui
recueillent et filtrent les revendications exprimées ou transmises par leurs adhérents et
décident ou non de les introduire dans la boîte noire. Enfin, Easton admet l'idée d'une auto
alimentation du système politique: les autorités politiques prennent parfois l'initiative de
formuler et de satisfaire des exigences afin d'accroître leur popularité.
Naturellement, l'ensemble de ces processus ne fonctionnent pas toujours sans difficultés. Des
crises se manifestent. Elles peuvent procéder, selon Easton, de deux causes différentes. Il
existe d'abord des crises de surcharge (stress), qu'Easton distingue en surcharges quantitatives
et qualitatives. La notion de surcharge quantitative apparaît problématique. Elle est censée
s'appliquer à des situations où les exigences sont tellement nombreuses que le système
politique ne sait plus, pour ainsi dire, où donner de la tête.

Les soutiens

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Considérons maintenant le second type d'entrées dans le système politique, c'est-à-dire les
soutiens. Les soutiens sont les forces qui apportent leur appui au système et lui permettent
ainsi de se maintenir malgré la poussée des exigences. Les soutiens revêtent des formes
diverses: manifestations de loyalisme, volonté d'agir contre les individus ou les groupes qui
remettent en cause le système politique, croyance en la légitimité des gouvernants ou du
régime existant, capacité d'accepter des mesures impopulaires qui paraissent nécessaires au
salut de la collectivité. Le soutien est également passif: l'intériorisation des valeurs, le
conformisme, la peur du gendarme et tout simplement l'inertie devant l'appel au changement
constituent de puissants soutiens. Dans tous les cas, l'élément déterminant pour le devenir du
système est la relation entre le niveau des exigences et celui des soutiens: même si les seconds
sont faibles, le système n'est pas en péril si les premières le sont aussi.
Easton distingue trois types de soutiens selon leur point d'application: le soutien à la
communauté politique, le soutien au régime politique et le soutien aux autorités politiques. La
notion de communauté politique est la plus vaste en ce qu'elle constitue le cadre global où se
déploie le système politique et, corollairement, celui qui définit le consensus minimum
nécessaire au maintien de l'entité politique. Elle ne se confond pas avec la notion de
communauté sociale, en raison de l'existence d'Etats multinationaux où les communautés ne
sont pas unifiées et où elles forment cependant une communauté politique marquée par un
vouloir-vivre collectif: tel est par exemple le cas de la Suisse. Les soutiens à la communauté
politique sont précisément l'ensemble des idées, des valeurs, des mythes, des intérêts qui
alimentent ce vouloir-vivre en commun et qui rendent inconcevable l'idée d'une disjonction
des éléments. Les facteurs culturels jouent dans une telle situation un rôle prépondérant, mais
non exclusif; les liens économiques peuvent également inciter au maintien de la communauté.
Le soutien au régime politique se définit, selon Easton, comme l'appui apporté aux "règles du
jeu" politique. Il ne s'agit donc pas ici du cadre où fonctionne le système politique, mais de
ses normes de fonctionnement. Par "normes" il ne faut pas seulement entendre les normes du
régime, définit ses organes, délimite leurs compétences et organise leurs rapports. Certes, ces
règles font partie de ce qu'Easton nomme régime politique, mais la notion qu'il vise est plus
large. Il envisage l'ensemble de valeurs, ou de normes non écrites qui structurent la vie
politique et fixent des limites à ses transformations. Ainsi par exemple, aux Etats-Unis, le
principe du gouvernement démocratique et la liberté d'expression ont certes des bases
constitutionnelles, mais transcendent évidemment celles-ci. S'il en était autrement, il suffirait
de modifier la Constitution pour abolir ces principes. Or nul ne peut douter qu'une telle

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démarche serait elle-même impossible, en raison précisément du soutien apporté au régime
par l'immense majorité des citoyens.
Le dernier type de soutien envisagé par Easton est le soutien aux autorités politiques. Il ne
s'adresse plus cette fois à des principes abstraits mais à ceux qui les incarnent. On peut
observer que ce soutien est à la fois le plus fragile -ou change plus aisément d'avis sur la
politique des gouvernants que sur le régime politique- mais aussi celui qui possède le plus de
contenu psychologique. Easton nomme légitimité le substrat sur lequel reposent ces
sentiments changeants. C'est elle qui rend possible le commandement de certains individus et
l'obéissance des autres. Selon Easton, la légitimité peut se décrire de deux manières: comme
un système de valeurs, qui justifient de manières diverses l'ordre existant: idéologie
démocratique, intérêt supérieur de la partie, nécessités objectives de l'organisation sociale;
comme un système de structures, qui définissent des rôles sociologiques hiérarchiquement
organisés. Autrement dit, on accepte les chefs et d'autre part parce qu'il est le chef.

Les sorties et la rétroaction

Jusqu'ici nous avons exclusivement considéré les entrées dans le système politique. Mais le
but de celui-ci est de produire des sorties qui, en satisfaisant les exigences et en provoquant
des soutiens, vont lui permettre de se maintenir. Par exemple, le système va modifier une
législation qui s'avère inadéquate. Il va donner à telle ou telle catégorie sociale des
satisfactions symboliques (lutte contre le racisme) ou matérielles (augmentation des salaires).
Easton distingue les décisions, qui sont d'ordre juridique, et les actions, qui ne prennent pas
cette forme et concernent la politique étrangère ou la politique économique.
Easton insiste sur les mécanismes de rétroaction qui confèrent au circuit cybernétique son
caractère ininterrompu. Les réponses données aux exigences ne constituent en effet pas un
terme même provisoire. Les décisions vont engendrer de nouvelles exigences et de nouveaux
soutiens. Nouveaux soutiens; les groupes qui ont obtenu satisfaction vont se comporter en
partisans du système et défendre la communauté, le régime et les autorités politiques.
Nouvelles exigences: les groupes insatisfaits vont réitérer leurs demandes avec une insistance
accrue. Ou bien, ayant contrait le système à céder à leurs revendications, ils vont en formuler
de nouvelles. Ou bien encore, d'autres groupes, dont la situation est proche, vont réclamer les
mêmes avantages: en France les agriculteurs victimes de la sécheresse de 1976 furent
indemnisés grâce à un emprunt forcé; les fabricants de parapluies qui avaient fait de
mauvaises affaires pour les mêmes raisons, réclamèrent la même faveur, mais sans succès. Ce

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mécanisme de rétroaction est capital, car il permet à l'analyse d'Easton de rendre compte de la
dynamique de l'univers politique, cercles sans fin om les réponses engendrent perpétuellement
de nouvelles questions.

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