Cours de Développement Durable 2

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Cours de Développement Durable


Pr Dr Blaise Sary Ngoy,

Les préoccupations sur le couple économie et environnement propre occupent une place
importante dans la formation universitaire. Ce cours destiné aux futurs experts en
développement a pour objectif de leur fournir une somme des données sur la question et sur
les mesures de développement durable.
Deux approches s’affrontent : la durabilité forte et la durabilité faible (développement
désirable). Les expériences fournies en ce qui concerne les mesures (indicateurs) sont puisées
dans les pratiques européennes. Les pays africains semblent marquer un net retard en la
matière. Bien que participant faiblement à la détérioration du capital physique, ils n’ont pas
encore intériorisé la notion de responsabilité partagée.
L’enjeu pour eux est de concilier retard de développement industriel et nécessité de
renouveler le capital naturel. L’espoir attendu pour nous est de voir les experts prendre
conscience et imaginer les formules qui puissent déboucher à des équilibres entre processus
de l’industrialisation, équité sociale et environnement sain à trois niveaux : local, provincial et
national, avant de penser global.
Chapitre 1. Définition et discussions sur le thème de développement durable
Le développement durable se veut un processus de développement qui concilie l'écologique,
l'économique et le social et établit un cercle vertueux entre ces trois pôles : c'est un
développement, économiquement efficace, socialement équitable et écologiquement
soutenable.
Il est respectueux des ressources naturelles et des écosystèmes, support de vie sur Terre, qui
garantit l'efficacité économique, sans perdre de vue les finalités sociales du développement
que sont la lutte contre la pauvreté, contre les inégalités, contre l'exclusion et la recherche de
l'équité.

Une stratégie de développement durable doit être gagnante de ce triple point de vue,
économique, social et écologique. Le développement durable suppose que les décisions et
comportements humains parviennent à concilier ce qui semble pour beaucoup inconciliable,
parviennent à élargir leur vision : il impose d’ouvrir notre horizon temporel sur le long terme,
celui des générations futures, et notre horizon spatial, en prenant en compte le bien-être de
chacun, qu'il soit habitant d'un pays du Sud ou du Nord, d'une région proche, de la ville ou du
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quartier voisins. Le développement durable se fonde sur la recherche d’intégration et de mise


en cohérence des politiques sectorielles et impose un traitement conjoint des effets
économiques, sociaux et environnementaux de toute politique ou action humaine.
Une telle approche d’intégration impose des démarches multi partenariales et
interdisciplinaires. Son succès repose sur le partenariat et la coopération entre acteurs de
disciplines différentes (économie, sociologie, écologie, etc.), de secteurs différents (transport,
eau, déchets, milieu naturel, développement social, etc.), de milieux différents
(entrepreunarial, associatif, institutionnel, administratif, commercial, syndical, etc.), agissant à
des échelons territoriaux différents, du niveau international au niveau local.

Le développement durable repose en fait sur une nouvelle forme de gouvernance, où la


mobilisation et la participation de tous les acteurs de la société civile aux processus de
décision doit prendre le pas sur le simple échange d’informations. Le développement durable
entend promouvoir la démocratie participative et rénover l'approche citoyenne. L'accès à
l'information, et la transparence en sont les pré-requis.

Le monde prend conscience de la menace d'un réchauffement climatique qui serait dû à la


croissance des émissions de gaz à effet de serre. À mesure que nous bâtissons un groupe
mondial, nous développons à la fois notre responsabilité face à ce problème planétaire et nos
moyens d'apporter des solutions pour concilier croissance économique, respect de
l'environnement et progrès social.

Si l’on en croit les données démographiques, il y a de fortes chances pour que la Terre soit
peuplée de 10 milliards d’êtres humains avant le milieu du siècle.
Quatre milliards de bouches supplémentaires à nourrir, dont la plupart se trouveront sans
doute dans les mégalopoles du tiers-monde.
Quatre milliards d’hommes qu’il faudra loger, chauffer, éclairer alors que 800 millions de
personnes souffrent toujours de faim à l’heure actuelle, qu’un milliard et demi n’ont pas accès
à l’eau potable et deux milliards ne sont pas raccordés aux réseaux d’électricité !
Or, en 2050, si chaque habitant des pays en développement consomment autant d’énergie
qu’un Japonais en 1973, la consommation mondiale d’énergie sera multipliée par quatre !
Certes, en l’espace de seulement un demi-siècle, le niveau de vie d’une partie de l’humanité a
plus évolué que pendant deux millénaires. Mais en contrepartie, les catastrophes industrielles
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n’ont cessé de se multiplier : Tchernobyl, Seveso, Bhopal, Exxon Valdez pour ne citer que les
plus graves. Sans oublier les dégâts écologiques inquiétants : pollution de l’air et de l’eau,
disparitions des espèces animales et végétales, déforestation massive, désertification….
D’où ces questions fondamentales :
 Comment concilier progrès économique et social sans mettre en péril l’équilibre
naturel de la planète ?
 Comment répartir les richesses entre les pays riches et ceux moins développés ?
 Comment donner un minimum de richesses à ces millions d’hommes, de femmes et
d’enfants encore démunies à l’heure où la planète semble déjà asphyxiée par le
prélèvement effréné de ses ressources naturelles ?
 Comment faire en sorte de léguer une terre en bonne santé à nos enfants ?

C’est pour apporter des réponses concrètes à ces questions qu’est né le concept de
développement durable ; un concept que l’on résume aujourd’hui d’une simple phrase :
"un développement qui répond au besoin du présent sans compromettre la capacité des
générations futures à répondre aux leurs".
Le développement durable est une expression dont la définition la plus explicite demeure
notre capacité à satisfaire nos besoins présents sans compromettre ceux des générations
futures, ceci à l'échelle mondiale bien évidemment.
Pour y parvenir, les entreprises, les pouvoirs publics et la société civile devront travailler main
dans la main afin de réconcilier trois mondes qui se sont longtemps ignorés : l’économie,
l’écologie et le social. À long terme, il n’y aura pas de développement possible s’il n’est pas
économiquement efficace, socialement équitable et écologiquement tolérable.
Comment est née la notion Développement Durable ?
Le développement durable est une notion qui vient de l’extérieur, de l’international.
Tout commence véritablement dans les années 1960 avec les premières critiques du mode de
croissance productiviste. Le Club de Rome, club d’industriels fondés en 1968, est à la tête de
ce mouvement.

En 1971, les 24 pays membres de l’OCDE (Organisation de Coopération et de


Développement Economique) proclament le principe de pollueur-payeur.

En 1972, ils commandent une étude à une équipe du M.I.T. (Massachusetts Institute of
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Technologie) dirigée par Dennis Meadows. Ces chercheurs publient alors un ouvrage
désormais célèbre qui a pour titre « Halte à la croissance ».
Face à la surexploitation des ressources naturelles liée à la croissance économique et
démographique, cette association, prône la croissance zéro : seule croissance capable de
concilier évolution démographique exponentielle et quantité limitée de ressources naturelles.

En clair, le développement économique est alors présenté comme incompatible avec la


protection de la planète à long terme. En parallèle, face à la montée des mouvements sociaux
qui intègrent largement les préoccupations environnementales, les premiers ministères de
l’environnement sont créés au sein de différents gouvernements nationaux (1969 pour les
Etats-Unis; 1971, pour la France).

C’est dans ce climat de confrontation et non de conciliation entre l’écologie et l’économie que
se tient la Conférence des Nations Unies sur l'environnement de 1972, à Stockholm, en
Suède. Les thèmes centraux de la Conférence étaient :
 L'interdépendance entre les êtres humains et l'environnement naturel
 Les liens entre le développement économique et social et la protection de
l'environnement
 La nécessité d'une vision mondiale et de principes communs
Des personnalités comme Maurice Strong, organisateur de la Conférence, puis le professeur
René Dubois, Barbara Ward et Ignacy Sachs, insistent sur la nécessité d’intégrer l’équité
sociale et la prudence écologique dans les modèles de développement économique du Nord et
du Sud. Il en découlera la création du Programme des Nations Unies pour
l’Environnement (PNUE) ainsi que le Programme des Nations Unies pour le
Développement (PNUD).
Le concept d’écodéveloppement est alors mis en avant.

Mais plus le temps passe, plus la société civile prend conscience de l’urgence de mettre en
place une solidarité planétaire pour faire face aux grands bouleversements des équilibres
naturels. Ainsi, au cours des années 1980, le grand public découvre les pluies acides, le trou
dans la couche d’ozone, l’effet de serre, la déforestation et la catastrophe de Tchernobyl !
L’ensemble de l’opinion publique a été sensibilisé au « problème du climat » en particulier
par le risque de destruction de la couche d’ozone. Ce mouvement a été lancé à la conférence
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de Montréal en bannissant les CFCS. Ce fut une victoire symbolique majeure. Le problème de
la couche d’ozone est présenté comme un mythe fondateur. Même si la preuve totale n’a
jamais été faite, l’ensemble de la population mondiale y croit.
D’autres phénomènes se développent comme
-la biodiversité,
-le principe de précaution
– la charge de la preuve n’appartient pas à l’accusation,
-la gestion des risques.

Dès 1980, l’UICN parle pour la première fois de Sustainable Development (traduit à
l’époque par développement soutenable). Mais le terme passe presque inaperçu.

En 1983, l’ONU demande à Mme Gro Harlem BRUNDTLAND (ex-chef du gouvernement


de Norvège) de présider une commission indépendante chargée d’enquêter sur la question de
l’environnement global et le développement.

En 1987, cette commission remet le rapport dit « rapport Brundtland », qui a pour titre « Our
common future » (« Notre avenir à tous »). Ce rapport introduit une rupture fondatrice dans la
conception des gouvernements sur les relations entre l’environnement et les politiques
publiques et prône le concept de « sustainable development », développement durable ou
soutenable.

Reprenant ces thèmes, la Commission mondiale sur l'environnement et le développement (la


Commission Brundtland) a rendu public, en 1987, un rapport demandant un développement
qui permet de : ''répondre aux besoins du présent sans compromettre la possibilité pour les
générations futures de satisfaire les leurs''. La définition fait partie des modifications
apportées à la Loi sur le vérificateur général qui ont permis de faire créer le poste de
commissaire. La Commission Brundtland a poursuivi en déclarant que ''... Le développement
durable n'est pas un état fixe de l'harmonie, mais plutôt un processus d'évolution durant
lequel l'exploitation des ressources, l'orientation des investissements, l'avancement du
développement technologique et les transformations institutionnelles sont conformes à
nos besoins aussi bien futurs que présents''.
Depuis cette date, le concept de développement durable a été adopté dans le monde entier.
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C'est en juin 1992, au premier ''Sommet de la Terre'' organisé par les Nations Unies qu'est
consacré le terme de ''développement durable''. 170 chefs d'états et de gouvernements signent
un programme d'actions pour le XXIème siècle : l'Agenda 21 qui en dresse les objectifs.

Les enjeux du Développement Durable


Suite à la conférence de Rio, la plupart des Etats se sont engagés à élaborer une stratégie
nationale de développement durable. Sa mise en œuvre sera complexe car elle devra faire face
aux enjeux du développement durable. En effet, le développement durable impose des
changements structurels en profondeur.
 Il faut rééquilibrer les pouvoirs entre les priorités économiques et les impératifs
sociaux et écologiques. Comment ? En intégrant des obligations de respect de
l’environnement et des normes sociales dans le mécanisme des marchés financiers. Et
en substituant aux spéculations boursières rapides des projets économiques viables et
équitables à long terme. Remettre l’homme au cœur de l’économie est une priorité.
 Il faut instaurer une nouvelle pratique des décisions gouvernementales. Les décisions
politiques sont encore trop souvent calculées à court terme, pour répondre à des
intérêts économiques particuliers sans tenir compte de l’impact à long terme pour
l’ensemble de la population.
 L’Etat n’est pas le seul responsable du développement durable. Il faut une implication
de tous les groupes socio-économiques. La réalisation effective des objectifs du
développement durable, ne peut aboutir que si l’ensemble des acteurs de la société agit
en commun : les entreprises privées, publiques, les associations, les ONG, les
syndicats et les citoyens.
 Il faut rééquilibrer les forces économiques entre les pays du Sud et du Nord. Les pays
en voie de développement sont trop endettés et freinés dans leurs échanges
commerciaux pour consacrer l’énergie et les moyens suffisants à l’éducation, la santé
et la protection de l’environnement. Il faut annuler la dette extérieure publique du
Tiers-Monde, appliquer une taxe de type Tobin en affectant les recettes à des
projets de développement durable, et enfin abandonner les politiques
d’ajustement structurels.
 Pour mettre en œuvre toutes les conventions et les accords multilatéraux sur
l’environnement, il faut créer une institution internationale chargée de faire respecter
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les obligations souscrites par les Etats. À l’instar de l’Organisation Mondiale du


Commerce (OMC) qui gère les échanges commerciaux, il faudrait une Organisation
Mondiale de l’Environnement pour gérer les problèmes écologiques.
La conférence de Rio : un tournant décisif
Pourquoi la Conférence des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement (aussi
appelé Sommet de la Terre / CNUED) qui se déroula en juin 1992 à Rio de Janeiro, marqua
un tournant décisif dans l’histoire de la planète ? Pourquoi Rio davantage que Stockholm
vingt ans plus tôt ?
La conférence de Rio instaura une nouvelle dynamique pour au moins trois raisons :
 Elle fut pour la première fois le théâtre d’une rencontre entre un aussi grand nombre
d’Etats (182) pour débattre de l’avenir de la planète.
 Elle donna un sens à la notion de développement durable jusqu’à présent vague.
 Et surtout elle donna naissance à de nouveaux types d’accords multilatéraux sur
l’environnement.
La préoccupation suscitée par la pollution de l’environnement et l’épuisement des ressources
naturelles a conduit, dès les années 60, à l’apparition d’instruments contraignants comme les
Accords Multilatéraux sur l’Environnement (AME). La première génération d’AME est
essentiellement sectorielle : elle concerne des accords portant sur une question unique, sur la
préservation de telle ou telle ressource (la faune, la flore, les oiseaux, l’environnement marin,
l’air). Par exemple se sont tenues :
 La convention relative aux zones humides d’importance internationale, Ramsar, 1971
 La convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel,
1972
 La convention sur le commerce international des espèces de faunes et de flore
sauvages menacées d’extinction, Washington, 1973
 La convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune
sauvage, Bonn, 1979
 La convention des Nations Unies sur le droit de la mer, Montego Bay, 1982
 La convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets
dangereux et de leur élimination, Bâle, 1989
 La convention de Vienne pour la protection de la couche d’ozone et le protocole de
Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone, 1987
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La Conférence des Nations Unies sur l'Environnement et le Développement (CNUED)


marque une réelle consolidation des AME de la seconde génération, au travers de l’adoption
de deux conventions qui confirment l’engagement "commun mais différencié" des Etats à
affronter des enjeux environnementaux planétaires :
 La convention - cadre sur le changement climatique a pour objet la "stabilisation
des concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère à un niveau qui empêche
toute perturbation anthropique du système climatique". Les pays de l'OCDE se sont
engagés à stabiliser en 2000 leurs émissions de gaz à effet de serre au même niveau
qu'en 1990.
 Le protocole de Kyoto (1997) fixe des objectifs de réduction pour les pays
industrialisés au-delà de l’an 2000 : 5,2% sur la période 2008-2012 par rapport à 1990
pour les pays industrialisés, 8% pour l'Union européenne, Au fil des conférences des
parties : Buenos Aires (1998), Bonn (1999), La Haye (2000), l’application du
Protocole de Kyoto se heurte à des difficultés croissantes, notamment sur la mise en
œuvre pratique des mécanismes de flexibilité ("permis à polluer, développement
propre").
 La convention sur la diversité biologique reconnaît pour la première fois que la
conservation de la diversité biologique est "une préoccupation commune à l'humanité"
et qu'elle fait partie intégrante du processus de développement. Elle fixe trois
objectifs : la conservation de la diversité biologique, l'utilisation durable de ses
éléments et le partage équitable des avantages découlant de l'exploitation de ses
ressources génétiques. Elle s'étend au domaine de la biotechnologie. Depuis 1995 des
travaux spécifiques relatifs à la biosécurité ont permis l’adoption du protocole de
Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques. Il instaure le
consentement préalable informé (CPI) qui impose l’information des Etats importateurs
et leur permet de manifester leur volonté d'accepter ou non les importations de
produits agricoles contenant des OGM. Pour la première fois, une expression
juridiquement contraignante du principe de précaution pour protéger le bien commun
et les intérêts à long terme de la société est formulée à l’échelle internationale,
notamment par l’obligation d’étiquetage des produits susceptibles de contenir des
OGM lors de leur exportation.
 La convention sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés
pas la sécheresse et/ou la désertification, en particulier en Afrique sera adoptée en
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1994 dans la dynamique de Rio. Elle constitue un document juridique faiblement


contraignant, qui engage à long terme la communauté internationale à faire face à
l’enjeu de la désertification, ceci avec des stratégies différenciées selon la région
concernée (Afrique, Asie, Amérique Latine et Caraïbes, Méditerranée septentrionale),
en affirmant néanmoins le caractère prioritaire des pays africains touchés. La
conférence de Rio a également facilité la mise en place d’autres AME mondiaux,
notamment ceux qui sont relatifs aux stocks de poissons chevauchants et grands
migrateurs (1995), l’Accord sur la procédure d’information et consentements
préalables (PIC) relatif aux produits chimiques dangereux (1998), la Convention sur
les Polluants Organiques Persistants (POP) (2001), et divers AME régionaux.
 La Déclaration de principes relatifs aux forêts et la Déclaration de Rio sur
l’Environnement et le Développement. Ces textes juridiquement non contraignants
affirment des finalités d’actions et des principes auxquels se réfèrent d’autres
engagements internationaux et nombre de politiques nationales. Finalités du
développement durable, il s’agit de replacer les êtres humains au centre des
préoccupations relatives au développement durable, car ils ont droit à une vie saine et
productive en harmonie avec la nature (principe 1), notamment par la lutte contre la
pauvreté (principe 5) dans le respect des générations présentes et futures (principe 3).
Il s’agit également de préserver les équilibres planétaires et les ressources
environnementales pour un développement à long terme, en infléchissant les modes de
développement et en éliminant les modes de production et de consommation non-
durables (principe 8) au profit de ceux qui seraient durables dont la diffusion doit être
favorisée (principe 9).

L'adoption d'Action21 ou Agenda21 de Rio


Les Etats présents à Rio ont également adopté Action21 (communément appelé l’Agenda21
de Rio). Il s’agit d’un programme global d’action à mettre en œuvre par les gouvernements,
les institutions du développement, les organismes des Nations Unies et les groupes des
secteurs indépendants dans tous les domaines où l’activité humaine affecte l’environnement.
Ses 40 chapitres analysent la situation, exposent des stratégies et formulent près de 2500
recommandations et solutions à mettre en œuvre. Ils décrivent les moyens nécessaires,
notamment financiers et institutionnels, pour agir sur quatre champs :
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 Le champ économique et social du développement : lutte contre la pauvreté, évolution


des modes de consommation, dynamiques démographiques, promotion et protection
de la santé, promotion d’un modèle viable d’habitat humain, intégration du processus
de décision sur l’environnement et le développement.
 La conservation et la préservation des ressources aux fins de développement :
l’atmosphère, les terres, les forêts face au déboisement, les écosystèmes fragiles, les
espaces agricoles et ruraux, la diversité biologique, les océans et les mers, les eaux
douces, en s’appuyant sur une gestion écologiquement rationnelle des biotechniques,
des substances chimiques toxiques, des déchets solides et liquides, dangereux et
radioactifs.

 La participation des groupes majeurs à l’élaboration et la mise en œuvre du


développement, dans une dynamique de partenariats, de coopération, de mise en
réseaux et d’implication de tous (femmes, enfants et jeunes, populations autochtones,
organisations non gouvernementales, collectivités locales, travailleurs et syndicats,
industrie et commerce, scientifiques, et agriculteurs).
 La mise en œuvre de moyens d’actions transversales permettant une inflexion du
développement vers plus de durabilité : moyens de financement, transferts de
technologies et création de capacités humaines et institutionnelles, développement de
la science au service du développement durable, promotion de l’éducation,
sensibilisation du public et de la formation ; arrangements institutionnels
internationaux, mécanismes juridiques internationaux et information pour la prise de
décision.

Les conférences qui ont suivi celle de Rio


Après la CNUED, c'est-à-dire le sommet de la Terre de Rio, diverses conférences
internationales ont approfondi et développé l’Agenda 21 de Rio.
La Conférence mondiale sur les droits de l’homme qui s'est tenue à Vienne en 1993 insista sur
le droit des populations à un environnement sain et le droit au développement, deux exigences
sujettes à controverse et auxquelles certains Etats Membres s’étaient opposés jusqu’au
Sommet de Rio.
 La Conférence Internationale sur la Population et le Développement du Caire
(CIPD,1994) innove en affirmant que le développement doit se baser sur les besoins
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des individus et non plus sur l’atteinte d’objectifs démographiques. Les objectifs fixés
sont : l’accès universel à la planification familiale d’ici 2015, l’intégration des
problèmes de développement dans les politiques visant un développement durable, le
renforcement de l’autonomie des femmes, la prise en compte des facteurs
sociodémographiques dans les politiques environnementales.
 Le Sommet mondial pour le Développement Social de Copenhague (1995) a vu
l’adoption par 128 chefs d’Etats et de gouvernements de la Déclaration sur le
Développement Social, qui vise à faire face aux trois fléaux se développant dans tous
les pays du monde : la pauvreté, le chômage et la désintégration sociale. Les Etats
s’engagent "à faire de la lutte contre la pauvreté, de la réalisation du plein-emploi et de
l’instauration d’une société où régneront la stabilité, la sécurité et la justice, leur
objectif suprême".
 La Quatrième Conférence mondiale sur les femmes de Beijing (1995) engage la
communauté internationale au service de la promotion de la femme.
L’interdépendance entre la promotion de la femme et les progrès de la société y est
réaffirmée, de même que la nécessité d’aborder tous les problèmes de société sous un
angle sexo-spécifique. La participation des femmes est une condition essentielle à
l'élimination de la pauvreté, d’une croissance économique soutenue, du
développement social, de la protection de l'environnement et de la justice sociale.
 La Deuxième Conférence sur les établissements humains à Istanbul (Habitat II, ou
Sommet des Villes, 1996) constitue un tournant dans les efforts internationaux en
faveur de la durabilité sociale et environnementale des villes. Il y est reconnu que des
politiques, des stratégies et des actions plus intégrées et participatives sont nécessaires
pour rendre les villes et les communautés du monde entier plus sûres, plus saines et
plus justes. Par la Déclaration d’Istanbul, le droit au logement est reconnu comme
partie intégrante des droits de l’homme, ainsi que l’absolue nécessité d’un accès de
tous aux systèmes nécessaires à une vie saine (eau potable, assainissement, évacuation
des déchets, éducation, transports et autres infrastructures urbaines). Les Etats
s’engagent à deux objectifs : un logement convenable pour tous et le développement
d’établissements humains viables en ce qui concerne l’environnement, les droits de
l’homme, le développement social, les femmes et la population dans le contexte
spécifique de l’urbanisation. Habitat II constitue un précédent historique en intégrant à
ses délibérations des représentants des autorités locales, des organisations non
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gouvernementales, du secteur privé, des universités, et en s’appuyant sur la


présentation de bonnes expériences réussies pour lancer un message d’espérance face
aux défis de l’urbanisation.
 Le Sommet Mondial de l’alimentation de Rome (1996) réaffirme le droit de chaque
être humain à une nourriture adéquate et à être à l’abri de la faim. Les Etats s’y
engagent à éradiquer la faim dans le monde, et à échéance de 2015, à réduire de moitié
le nombre de personnes en sous-alimentation chronique, notamment grâce à
l’accroissement durable de la production alimentaire, une meilleure gestion du
commerce pour la sécurité alimentaire, et à l’investissement dans les capacités de
production durable.
 Le Sommet Planète Terre + 5 de New York (1997) puis le Sommet du
Millénaire(New York 2000) font le point sur l’avancement des travaux engagés à
Copenhague et adoptent la Déclaration du Millénaire dans laquelle sont réaffirmés les
objectifs internationaux pour le développement (OID) issus des principales
conférences des années 1990.
 La Troisième conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés
(Bruxelles 2001), et la Conférence mondiale contre le racisme la discrimination
raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée (Durban 2001).
 La Conférence sur le financement du développement (Monterrey, 2002) a permis
d’aboutir à un consensus sur la question du financement du développement à l’échelon
intergouvernemental.
Au fil du temps, le concept a évolué et aujourd'hui le développement durable est compris
comme la réconciliation de trois grands axes : développement économique, préservation de
l'environnement, équité sociale, réconciliation facilitée par le dialogue entre les différents
acteurs.

Le sommet de Johannesburg
Dix ans après Rio, s'est tenu le 4 septembre 2002 le Sommet mondial pour le développement
durable à Johannesburg (Afrique du Sud). Initialement, il était question de faire le point sur la
concrétisation des engagements pris à Rio mais il apparaît que les conventions sur le
changement climatique et la biodiversité n’ont pas été à la hauteur des enjeux.

Les observateurs s’accordent pour reconnaître la faiblesse des résultats et l’absence de


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nouveaux engagements chiffrés de la part des gouvernements en matière de protection de


l’environnement. Par exemple, le Protocole de Kyoto visant à réduire les gaz à effet de serre
n’a toujours pas été ratifié par les Etats-Unis, pourtant considérés comme le pays le plus
concerné.

La déclaration finale du sommet ne fait que reprendre les déclarations internationales


précédentes. Le plan d’action qui en ressort ne comprend que des engagements chiffrés assez
flous.

Cependant, malgré ces premiers échecs, les conventions signées à Rio ont été le point de
départ de nombreuses actions dans la plupart des pays signataires. Les industriels ont investi
rapidement dans les technologies propres, les organisations non gouvernementales se sont
étoffées, les budgets gouvernementaux liés à l’environnement ont augmenté, le principe de
précaution est devenu une priorité qui a notamment permis un moratoire européen sur les
organismes génétiquement modifiés… Partout dans le monde, les citoyens s’expriment de
plus en plus en faveur d’une nouvelle solidarité, du progrès social, du commerce équitable et
du respect de l’environnement.
Accord de Cancùn : des réactions nuancées.
Parmi les ''avancées'' saluées par les politiques et les ONG figurent l'adoption d'un Fonds vert
de 100 milliards de dollars par an dès 2020 pour aider les pays en développement et d' un
mécanisme de lutte contre la déforestation tropicale (REDD+), ''qui prend en compte la
préservation de la biodiversité et les droits des populations forestières''.
Vers l'abandon du protocole de Kyoto ?
Autre bémol : si l'objectif, déjà acté à Copenhague, de limiter à 2° l'augmentation de la
température moyenne du globe est réaffirmé, aucun engagement, pays par pays, n'a été pris de
réduction d'émission de gaz à effet de serre. Aucun calendrier n'a été fixé pour renouveler les
objectifs de réduction des pays industrialisés alors que le premier cycle d'engagements prend
fin en 2012''.
Rien ne semble obliger les pays industrialisés à poursuivre le processus, sinon un engagement
formel à Durban en 2011. Car le Japon et la Russie refusent de reconduire Kyoto qui arrive à
terme en 2012 si tous les grands émetteurs, Chine autant qu'Etats-Unis, ne s'y rallient pas.
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Chapitre 2 :Economie et environnement :


Dans la théorie économique classique, les concepts de " croissance " et d' " environnement "
sont considérés comme étrangers l'un à l'autre. Pourtant, à partir du début des années 1970, les
excès d'une exploitation irraisonnée des ressources, la crainte de pénuries (énergies, eau), la
peur des séquelles d'une utilisation inconsidérée de produits conduisent à une tardive prise de
conscience des dangers que les sociétés industrielles font peser sur l'avenir de la planète
Problématique
La Conférence de Stockholm (1972), manifestation internationale de ces préoccupations,
ambitionne pour la première fois une politique volontariste d'anticipation de ces excès,
redoutables pour l'avenir de l'humanité. La relation économie-environnement demeure alors
intimement liée à l'idée de développement. Les Conférences de Rio (1992) et de Kyoto (1997)
dans le même souci tendent à affirmer la primauté du " développement durable " et à mieux
appréhender les relations entre environnement et croissance économique.
1.Des initiatives se font jour : naissance d'une analyse économique financière ou fiscale,
ouverte sur la notion de comptabilité patrimoniale et de développement durable ;
2.Amorces de coopérations inter régionales. Ces conférences sont également marquées par la
participation des industriels, présents en nombre à Rio (forum des industries), ce qui traduit
un changement des comportements et l'introduction de préoccupations environnementales
dans le commerce international. Car, si la gestion de l'environnement a un coût, elle est une
nécessité pour l'humanité et, de l'avis de nombreux experts, un gisement d'activité.
S'il n'est apparu que tardivement que le modèle de croissance industrielle portait atteinte à
l'environnement (I), la préservation de l'environnement est aujourd'hui admise comme l'une
des conditions d'une croissance durable (II)
I. Il n'est apparu que tardivement que le modèle de croissance industriel est un modèle
qui porte atteinte à l'environnement
Atteintes accélérées à l'environnement par utilisation non contrôlée des ressources naturelles,
destruction des richesses patrimoniales et risques pour l'humanité.... La relation entre
croissance économique et environnement s'est brutalement modifiée avec l'essor de la société
industrielle, l'expansion des hommes à travers le monde, l'intensité des échanges et la brutalité
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de la mise en ¦œuvre des modèles d'exploitation des ressources naturelles ou des besoins des
sociétés de plus en plus consommatrices. Dresser un bilan des " consommations " passées,
présentes ou à venir et de leurs répercussions sur la croissance économique devient en enjeu
nouveau des politiques économiques
A. Une croissance économique attentatoire à l'environnement
1. Les causes d'une croissance économique accélérée
o L'explosion démographique a contribué à accroître les besoins de l'humanité et l'exploitation
des ressources naturelles. La demande nutritionnelle ou économique a tendance à s'accroître
non seulement en fonction du nombre, mais aussi par la nécessité du développement social, de
l'élévation du niveau de vie ou de l'urbanisation.
o La croissance de la population mondiale s'accompagne d'une concentration des hommes et
d'importantes mutations spatiales. Les phénomènes d'urbanisation massive s'accompagnent de
problème de gestion et d'allocation des ressources. Ces poussées urbaines sont aussi des
facteurs importants de pollution.
2. Les conséquences de la croissance démographique et économique sur l'environnement
o Au fur et à mesure que la population s'accroît ou se concentre, l'essor productif et la
diversité des besoins (agricoles, industriels, énergétiques, hydrauliques, technologiques)
pèsent de plus en plus sur l'exploitation des ressources naturelles. Les modes de production et
de consommation de la société industrielle portent atteinte non seulement aux patrimoines
collectifs, mais encore menacent les conditions mêmes de la vie, d'autant plus qu'ils génèrent
des comportements inconscients ou s'accompagnent de gaspillages.
o La question de gestion et de la consommation de ressources dont les potentialités sont
finies, se pose avec force. Cela est vrai des combustibles fossiles (pétrole en particulier),
comme de l'eau. La gestion des eaux continentales pose aussi bien des problèmes de pénurie
que de sécurité et de santé. . La ressource a été longtemps considérée comme gratuite et
inépuisable, ce qui est loin d'être la réalité. De même, la disparition de la forêt s'est
accompagnée d'une déstructuration des sols (latéralisation) et d'une régression agricole et
sociale.

3. Ces atteintes aux patrimoines risquent de s'amplifier


16

o L'accès aux ressources et les tensions démographiques sont appelés à s'accroître rapidement
avec l'augmentation de la demande liée à la croissance des populations et à leur accès au
développement.
Si l'on se réfère aux projections démographiques établies par l'ONU, à l'horizon 2025, la
population mondiale atteindrait environ 8 milliards d'individus. L'augmentation des demandes
ne peut que s'accompagner d'une exploitation accélérée de l'environnement et des ressources
naturelles, avec les moyens techniques souvent peu adaptés à une saine gestion des
prélèvements ou des mises en valeur.
o La couverture des besoins de base devra s'accompagner d'une diversification des régimes
alimentaires et d'une amélioration de leur qualité. Cela implique une intensification des
productions, voire une extension, avec des risques ou des contraintes particulières comme
l'approvisionnement en eau où se profilent des pénuries sans rationalisation des
consommations et régulation des différentes utilisations en concurrence.
o L'inégalité dans la répartition des ressources et dans les niveaux de développement rend plus
aiguës les disparités d'accès aux ressources. Un milliard d'hommes utilisent une grande partie
des richesses de la planète, et participent massivement à l'exploitation de l'énergie, des forêts,
des minerais, des produits de l'agriculture..., y compris des richesses qui sont dans les pays en
développement. De ce fait, ils contribuent, pour une grande part, aux atteintes qui menacent
les équilibres vitaux.
On ne peut donc que redouter la diffusion du modèle de croissance dans l'ensemble des pays
qui aspirent à des conditions de vie comparables à celles des pays industrialisés.
B. Une prise de conscience récente des risques liés à la poursuite d'un tel modèle de
croissance
1. L'émergence de la notion d'économie et de politique économique de l'environnement
o Pendant longtemps, les économistes classiques ont considéré la terre et les ressources
naturelles comme un don gratuit. Ce sont des facteurs productifs inépuisables (Jean-Baptiste
Say), non reproductibles avec une offre déterminée et des rendements décroissants (T. R.
Malthus) à l'origine de rentes différentielles (propriété de la terre). C'est ainsi que Jean-
Baptiste Say écrivait en 1829 : " Les richesses naturelles sont inépuisables, car, sans cela,
nous ne les obtiendrions pas gratuitement. Ne pouvant pas être multipliées ou épuisées,
elles ne font pas l'objet des sciences économiques ". L'économie a eu tendance à être
considérée comme dissociée de l'environnement : " L'économie débouche sur la simple
17

contemplation des équilibres internes, abstraction explicitement faite de tout ce qui concerne
le vivant. La rupture est totale ".

2. Les bases d'une approche écologique de la croissance


Le changement d'attitude résulte de l'appréhension des " externalités ". La production est
perçue comme élaboration de produits et de déchets, en consommant des ressources
naturelles.
1. La prise de conscience écologique de la finitude de ressources naturelles mondiales et de la
fragilité des liens entre croissance économique et environnement, est d'abord le fait de B. de
Jouvenel. Dès les années 1960, il met l'accent sur la nécessaire conciliation entre le progrès
de la production et la responsabilité face à l'exploitation des ressources de la nature car " nos
prélèvements ne peuvent croître à l'infini " et nos sociétés " par leur nombre et leur puissance
sont des agents de transformation sans précédent ". Il préconise d'autres modes de
consommation et de gestion économes.
D'autres économistes, comme Beckermann, ont, dans les années 1970, ramené la question de
l'environnement à une question " de correction d'un léger défaut d'allocation des
ressources au moyen de redevances de pollution ".
3. Croissance zéro ou développement durable ? Le débat entre économistes
Intitulé " The limits to growth ", le rapport du Club de Rome part d'un a priori qui est
l'épuisement de ressources limitées ou le caractère ponctuel de certaines atteintes. Les
mesures à prendre sont donc localisées et la logique de la préservation des ressources est de
tendre vers une croissance zéro.
Les conclusions de ce rapport ont été très largement diffusées chez les économistes et ont
contribué largement au renouveau de la pensée et de la recherche économique.
1.Ces dernières s'inscrivent dans le courant inspiré par Hotelling qui, dès 1930, avait établi
que la croissance du prix de la ressource doit être égal au taux d'actualisation (ou au
taux d'intérêt réel), et qui sont l'objet des études de R. Solow, ou
2.celles de Nordhaus dont le point de vue est différent. Il estime, en effet, que le prix
actuel d'une ressource énergétique non renouvelable n'est pas une limite à la croissance
car le prix actuel d'un produit énergétique dépend du coût d'un produit de substitution,
du coût des ressources ultime et du coût actuel d'exploitation.
18

Il introduit donc la notion de substitution entre les sources d'énergie et celle de l'avancée
technologique capable de produire une énergie inépuisable à un coût élevé mais
constant.
3.La vision qui découle des théories récentes est celle de la " destruction créatrice " dont
Prigogine est un des premiers propagateurs et qui s'apparente à la théorie du " chaos ".
La notion de développement durable a d'abord été popularisée par le rapport de la
4.Commission Bruntland, intitulé " Our Common Future " (Notre avenir à tous) publié en
1987 et diffusé par la Commission mondiale sur l'Environnement et le Développement.
L'auteur identifie les problèmes économiques les plus importants qui menacent ou
entravent les développements des pays du sud :
a)croissance démographique,
b)surexploitation des sols et des pâturages,
c)déforestation,
d)désertification,
e)changements dans les paramètres qui assurent la stabilité du climat ou introduisent
des modifications.
Mais, dans le même temps, comme l'idée que la croissance économique puisse participer à la
protection de l'environnement est de plus en plus admise, ne convient-il pas, plutôt que de
réduire la croissance, de répondre aux besoins sans obérer la demande à venir en mettant les
mécanismes de l'économie au service de l'environnement ?
Il s'agit d'une approche écologique du développement (ressources renouvelables). Dans tous
les cas, le développement durable repose sur de nouvelles règles de gestion et sur une
dimension politique internationale. L'OCDE, par exemple, le considère comme " la mise en
¦œuvre de l'ensemble des moyens économiques permettant d'assurer aux générations futures et
présentes leur bien-être
4o Certains modèles, comme celui de Pareto, visent à définir une optimisation de
l'interaction entre croissance et pollution. Le débat est à l'origine d'un foisonnement
théorique, mais tout autant dans la recherche des impacts et d'une approche coût-avantage.
II. Relations entre économie et environnement : perspective historique
Les économistes classiques, dont Smith, Malthus et Ricardo, avaient quasiment tous, dans
leurs écrits, fait allusion à un état stationnaire inéluctable à long terme. La croissance
économique ne leur semblait donc pas possible dans un long terme.
19

La rareté absolue (Malthus) ou relative (Ricardo) de la terre, le fait que le terre soit un input
essentiel à la production et la croissance de la population, ne pouvaient qu’engendrer des
rendements décroissants en agriculture, forcer le salaire au niveau de subsistance, réduire les
profits et l’accumulation de capital, et donc, mener à un état stationnaire à long terme.
Au vingtième siècle, les néo-classiques n’ont plus considéré la terre comme un input
nécessaire à la production, mais, dès les années trente, deux personnes ont contribué à créer ce
qui sera appelé plus tard, vers les années soixante-dix, l’économie des ressources naturelles
(Hotelling, via l’analyse de l’exploitation des ressources épuisables) et l’économie de
l’environnement (Pigou, via l’économie du bien-être et l’analyse des externalités).
Avec le développement de l’analyse économique des problèmes environnementaux, à côté de
chercheurs assez modérés, se sont opposés deux courants de penseurs qu’on pourra baptiser
d’optimistes et de pessimistes. Ces derniers, regroupés au sein du Club de Rome, ont publié
en 1972 le livre « Limits to Growth » et vingt ans plus tard, sa suite : « Beyond the Limits ».
Ils y affirment que si les tendances actuelles (économiques et environnementales) se
perpétuent, beaucoup de ressources naturelles seront épuisées, ce qui limitera, voire
empêchera toute croissance future. Comme les classiques, il y a, pour les pessimistes, un
mouvement inéluctable vers l’état stationnaire. Ces chercheurs parlaient donc déjà de
développement ou de croissance économique non soutenable, sans utiliser ces termes. Au
contraire de ce courant de pensée, des optimistes, comme Julian Simon (« the Ultimate
Resource ») ou Lomborg (« The Skeptical Environmentalist ») notent que les problèmes
environnementaux actuels sont moindres qu’avant et que ce qui est généralement décrit, que
la rareté des ressources va s’inverser grâce aux ressources alternatives qui pourront
économiquement se développer et que la croissance économique favorise la qualité de
l’environnement au delà d’un certain niveau de développement (courbe de Kuznets).
Les deux courants de pensée peuvent facilement être critiqués mais ils gardent un mérite
important, celui d’amener le débat du rapport entre les ressources naturelles et la croissance et
donc du développement durable ou soutenable.
Economie environnementale et développement durable

En plus des deux branches de l’économie environnementale au sens large que sont l’économie
des ressources naturelles et l’économie de l’environnement, et qui appliquent toutes deux les
méthodes d’analyse économique néo-classique à des problèmes d’environnement, une
troisième branche, l’économie écologique, a vu le jour à la fin des années quatre-vingt.
20

Cette discipline part du principe que l’environnement ne peut qu’être étudié de manière
interdisciplinaire entre l’économie et les sciences naturelles (essentiellement l’écologie et la
thermodynamique). Le cadre d’analyse dépasse celui de l’économie néo-classique puisque le
système économique est maintenant perçu comme faisant partie d’un système plus large, la
terre. Cela ne remet pas en cause toute l’économie de l’environnement et l’économie des
ressources naturelles mais seulement sa mise en perspective.
Cela signifie donc que le développement durable peut être analysé – économiquement – de
manière plus économique ou plus écologique en fonction de son appartenance à l’une ou
l’autre des deux grandes écoles.
Les deux visions du développement durable ou soutenable

Il n’est pas utile de revenir sur la multiplicité des définitions du développement durable ni de
les critiquer une à une. Les critiques montrent simplement que le développement durable
reste une notion très floue (Solow, 1991). L’analyse économique proposée ici peut se baser
sur la définition la plus utilisée et la plus citée, celle du Rapport Bruntland (WCED, 1987,
p.43) : « sustainable development is development that meets the needs of the present without
compromising the ability of future generations to meet their own needs ».
Les interprétations et recherches économiques qui suivirent donnèrent naissance à deux
concepts de soutenabilité : la soutenabilité faible et la soutenabilité forte, qui semblent
étroitement liés à d’une part l’économie de l’environnement et des ressources naturelles et
d’autre part, l’économie écologique.
La soutenabilité faible
Le rapport Bruntland peut être vu comme ayant proposé une définition assez économique,
acceptant la croissance à condition de gérer les ressources pour maintenir une capacité de
production, et donc un bien-être (ou un niveau de consommation ou une utilité en vocabulaire
économique) au moins équivalent dans le futur. Comme le capital donne la possibilité de
générer du bien-être économique par la création de biens et services, la soutenabilité faible
exige que le stock de capital ne diminue pas dans le temps.
Ce stock de capital comprend à la fois le capital physique, construit (écoles, routes, bâtiments,
…) et le capital naturel, englobant les actifs naturels fournissant des services économiques et
écologiques dans le temps.
La soutenabilité faible, fréquemment baptisée règle de Hartwick (voir Hartwick, 1977) ou
parfois règle de Solow, grâce aux études de ces deux économistes à ce sujet, rend possible la
21

substitution entre le capital naturel et le capital physique. L’un peut diminuer à condition que
l’autre augmente au moins d’autant afin de maintenir l’agrégat constant ou en croissance.
Autrement dit, la réduction de capital naturel – utilisation d’une ressource épuisable par
exemple – peut être compensée par un accroissement du capital physique de la même valeur,
ce qui permettra de garder le stock de capital constant et partant, la possibilité de créer dans le
futur au moins autant de biens et services.
Vu autrement, la soutenabilité faible propose de maintenir la dotation en capital et de vivre
avec le flux de revenus. L’analogie avec un héritage ou un placement bancaire est
immédiate : un million d’Euros (assimilé à l’agrégat en capital), placé à cinq pour cent donne
un intérêt de cinquante milles Euros par an. Une dépense annuelle équivalente à ce montant
permet de vivre de manière soutenable, avec le flux de revenu, sans entamer le capital et donc
sans nuire aux générations futures.
Cela dit, quelques problèmes restent en suspens : comment valoriser ce capital naturel,
comment valoriser le futur, comment savoir si le bien-être est correctement mesuré par le
PIB ? Ces questions seront abordées au point suivant. Par ailleurs, d’aucuns estiment qu’il
existe des limites à la substitution entre le capital naturel et physique. C’est dans ce domaine
que se situe la différence essentielle entre la soutenabilité faible et la soutenabilité forte.

La soutenabilité forte
Si la soutenabilité faible préconise une non décroissance du bien-être, de la consommation ou
de l’utilité dans le temps, via une non décroissance du stock de capital (capital physique et
capital naturel), la soutenabilité forte, elle, part du principe que le capital naturel détermine le
bien-être de l’homme et devient un facteur limitant de la croissance. Elle nécessite donc une
non décroissance dans le temps du stock de capital naturel et partant, elle met en avant le
caractère écologique de la soutenabilité en opposition avec la dominante économique de la
soutenabilité faible.
La non décroissance du capital naturel se justifie, pour les adeptes de la soutenabilité forte,
par les limites aux possibilités de substitution entre capital naturel et capital physique et par le
risque non négligeable d’irréversibilités et d’incertitude (préconisant alors une politique liée
au principe de précaution) en cas d’exploitation intense des ressources naturelles.
Le maintien du stock de capital naturel permet de diminuer certains de ses composants si
d’autres augmentent de manière proportionnelle. Mais ici encore, comme pour la
soutenabilité faible, viennent les problèmes de la mesure (valorisation) d’une réduction d’un
22

composant du capital naturel par rapport à une augmentation d’un autre de ses composants et
de la valorisation de ce capital naturel (ou de sa perte) dans le PIB.
Par ailleurs, les notions écologiques et d’équité étant privilégiées par rapport aux notions
économiques, en soutenabilité forte, l’argument de non décroissance du capital naturel global
empêche toute pollution nette, donc, in fine, toute croissance économique (vu que le capital
naturel est un input pour la production de biens et services). De même, les générations futures
ont autant de valeur que les générations présentes ; le futur n’est donc pas valorisé de manière
économique. On rejoint donc ici des propos semblables à ceux défendus il y a plus de trente
ans déjà par les chercheurs du Club de Rome.
Exemple de la soutenabilité forte
Environnement et la courbe de Kuznets
La courbe de Kuznets décrit la relation entre le niveau de développement d'un pays (mesuré
en PIB/hab) et son niveau d'inégalité. Elle s'inspire des travaux de Simon Kuznets parus en
19551 sur le développement économique des années 1950.
Présentation générale

courbe de Kuznets : niveau d'inégalité en ordonnée, revenu en abscisse


La courbe de Kuznets (en anglais Kuznets curve) représente l'inégalité économique dans un
pays en fonction de son niveau de développement, supposé croissant dans le temps :
 Dans les premiers stades de développement, lorsque l'investissement dans le capital
infrastructurel et dans le capital naturel est le principal mécanisme de croissance, les
inégalités encouragent la croissance en partageant les ressources en faveur de ceux qui
épargnent et investissent le plus. Ce phénomène économique est appelé « malédiction de
Kuznets ».
 À l'inverse, dans les économies plus avancées, l'accroissement du capital
humain prend la place de l'accroissement du capital physique comme source de la
croissance. Les inégalités ralentissent dès lors la croissance économique en limitant le
23

niveau général de l'éducation, parce que tous ne peuvent directement financer leur
formation.
La courbe de Kuznets montre un graphique en U inversé : l'axe des ordonnées représente les
inégalités ou le coefficient de Gini généralement confondus ; l'axe des abscisses représente le
temps ou le revenu par tête.
Le ratio de Kuznets mesure la proportion du revenu perçu par les 20 % gagnant le plus, divisé
par la proportion du revenu perçu par les 20 % les plus pauvres d'une société. Une valeur de 1
signifierait une parfaite égalité.
Kuznets proposait deux raisons pour expliquer ce phénomène historique :
 les travailleurs se sont déplacés de l'agriculture vers l'industrie
 les travailleurs ruraux sont devenus urbains
Dans ces deux explications, les inégalités décroissent après que 50 % de la main d'œuvre a été
employée dans un secteur à plus hauts revenus. Les économistes, des économistes
classiques jusqu’à Marx ont utilisé les théories du différentiel de qualification et de
l’agglomération du capital dans les jeunes économies pour d’autres explications de la courbe
de Kuznets.
Critique de la courbe de Kuznets
La courbe de Kuznets, apparue dans les années 1950, selon laquelle les inégalités se
réduiraient « mécaniquement » avec le développement économique d'un pays sont aujourd'hui
largement discutées tant du point de vue empirique que théorique.
Critique méthodologique
 Kuznets utilise des données croisées provenant de pays différents mais sur une même
période. Ceci empêche d’utiliser des données dans le temps pour observer une progression
individuelle du développement économique du pays.
 Ses données portaient surtout sur des pays à revenu intermédiaire d'Amérique latine où
les inégalités sont grandes depuis longtemps. Si on contrôle cette variable, la forme en U
inversé disparaît.
 Enfin, la forme en U inversé de sa courbe ne semble pas tant tenir à la progression du
développement économique de chaque pays que de différences historiques entre ces pays
("sentiers de croissance").
Critique théorique
D'un point de vue théorique, Thomas Piketty (2005)2 remet en cause la stricte causalité
supposée par la courbe de Kuznets entre le niveau de développement et les inégalités de
24

revenu. On pourrait croire, au vu de cette relation, que l'accroissement dans le temps des
inégalités d'un pays est un phénomène "naturel" qui se résout de lui-même dans le temps, de
façon endogène.
Or T. Piketty montre, sur des données françaises et américaines, que la réduction des
inégalités n'est pas mécaniquement associée à la croissance du PIB par habitant.
Historiquement, elle a surtout été liée à des événements inattendus affectant le capital (guerre,
inflation, catastrophes) et par l'impôt (sur le revenu notamment).
Il est probable que, fondant son intuition dans les années 1950 à un moment où les gains de
productivité étaient encore très importants, Kuznets ait succombé à l'optimisme des Trente
Glorieuses.
L'enjeu est pourtant de savoir s'il est nécessaire de mettre en place des mécanismes de
redistribution (par l'impôt) pour réduire les inégalités de revenus, ou si on peut attendre
qu'elles se résorbent d'elles-mêmes avec le développement.
La courbe environnementale de Kuznets
Origine

courbe environnementale de Kuznets


Selon Grossman et Krueger (1994)3, la courbe de Kuznets peut être observée dans le domaine
de l’environnement. Cette courbe, malgré son nom, ne dérive pas des travaux de cet
économiste. Il est dit que beaucoup d’indicateurs de santé comme l’eau ou la pollution de
l'air montrent une courbe en U inversé au début du développement économique : on se soucie
peu de l’environnement et de la hausse de la pollution qui vont de pair avec l’industrialisation.
Lorsque les besoins primaires sont pourvus, on atteint un seuil où le souci pour
l'environnement s'accroît et où la tendance s'inverse. La société a alors les moyens et la
volonté de réduire le niveau de pollution et l’utilisation de ressources pour créer une unité de
PIB (de richesse) tend à diminuer.
25

Validité empirique]
Cependant, d'après une récente étude de Meunié (2004), « non seulement cette courbe n’est
décelée que pour quelques polluants aux effets localisés, mais même dans ce cas, de
nombreuses critiques méthodologiques fragilisent [sa] portée »4. Cette relation se révèle vraie
pour certains polluants localisés (comme le dioxyde de soufre ou le dioxyde d'azote), mais on
dispose de moins de preuves pour d’autres polluants aux effets plus globaux sur
l’environnement.
Par exemple, la consommation d’énergie, l'occupation ou l'exploitation de la terre ainsi que
l’usage des ressources naturelles (ce que l’on appelle l’empreinte écologique) ne se réduisent
pas avec l’augmentation du revenu. Alors que le ratio énergie par PIB net baisse, l’énergie
consommée totale continue d’augmenter dans la plupart des pays développés. De plus,
beaucoup de services naturels produits par les écosystèmes comme la fourniture et la
régulation de l’eau douce, la fertilité des sols et de la pêche continue de décroître dans les
pays développés. On objectera également que le modèle ne tient pas compte du caractère
global des écosystèmes vivants : d'un point de vue environnemental, il est fallacieux de
déclarer une baisse de la pollution dans un pays si celle-ci n'est qu'exportée au-delà des
frontières géographiques des données recueillies, par exemple en sous-traitant, pour des biens
assemblés en France, la fabrication de composés toxiques en Chine.
En général, les courbes de Kuznets peuvent être mises en évidence dans quelques données
concernant certains questions environnementales locales (comme la pollution de l’air) mais ce
n’est pas le cas d’autres (comme le renouvellement des sols ou la biodiversité). On doit aussi
ajouter que les effets de changement climatique comme la disparition d’espèces et la perte de
biodiversité est irréversible.5
Valorisation du futur, du bien-être et des biens environnementaux
Valorisation du futur : actualisation
L’actualisation est un calcul économique permettant de déterminer la valeur d’un ou plusieurs
montants futurs en date d’aujourd’hui. Ce principe économique répandu et conforme aux
comportements des agents économiques est en adéquation avec la soutenabilité faible mais
pas avec la soutenabilité forte.

L’actualisation est par exemple utilisée lorsqu’on compare des coûts à supporter de suite et
dont l’investissement va rapporter des bénéfices dans le futur. Afin de savoir si
l’investissement est rentable, on compare les données en valeurs actuelles. Le problème qui
26

nous concerne plus particulièrement tient dans la différence d’horizon temporel entre les
investissements économiques et écologiques. En effet, si un horizon économique standard se
mesure en plusieurs années (5 à 10 généralement), un horizon écologique peut s’étendre sur
plusieurs centaines d’années. Par conséquent, le processus d’actualisation présente un biais
évident contre le futur pour des problèmes environnementaux de long terme tels les
changements climatiques ou la protection des forêts.
Dans ces circonstances, on peut alors se demander pourquoi il convient néanmoins de
procéder à une actualisation. La réponse tient dans la nécessité d’une utilisation efficiente du
capital. Les ressources disponibles étant rares, économiquement, il est souhaitable d’investir
l’argent public là où cela procure le gain de bien être le plus grand pour la société.
Le taux d’actualisation peut néanmoins être révisé dans le cas de problèmes
environnementaux sur un très long terme (en fonction, par exemple, du taux de rendement des
bons d’Etat à long terme) et il peut même, dans certains cas, spécifiques et rares, avoir une
valeur négative (Portney et Weyant, 1999). Les critiques (nombreuses) sur le taux
d’actualisation ne sont pas des éléments probants pour réfuter, dans la globalité, cette
technique économique de calcul, qui doit néanmoins être adaptée et corrigée en fonction des
spécificités de certains problèmes environnementaux.
Valorisation des biens environnementaux : le capital naturel

Comment évaluer la perte d’une forêt (réduction de capital naturel) si on la compare à


l’augmentation de capital physique ou à une activité de reboisement dans un autre endroit
(augmentation de capital naturel) ? Pour que les éléments du capital naturel soient
commensurables, il faudrait qu’ils soient commercialisés et que le prix du marché reflète leur
valeur sociale. Or, de nombreux services échappent aux marchés et doivent donc être
monétisés en fonction d’une technique existante.
Certains chercheurs refusent l’idée d’une évaluation des actifs environnementaux. Le but
n’est pas ici de déterminer qui a raison (des arguments intéressants existant dans les deux cas)
mais, de manière pragmatique, la monnaie est le dénominateur commun le plus simple entre
tous les actifs et donc aussi entre les différents actifs environnementaux et elle permet de
valoriser les évolutions du stock de capital.
D’autres chercheurs mettent en avant la difficulté de monétiser un actif environnemental de
manière réaliste. Des techniques de plus en plus développées existent depuis un certain
nombre d’années, mais il est évident que les méthodes de calcul ne relèvent pas d’une science
27

exacte et sont donc imparfaites. De plus, certains actifs environnementaux à priori sans
valeur peuvent néanmoins en avoir une (Heal, 2000, donne l’exemple d’une variété de riz non
commercialisé qui a permis de lutter contre un virus décimant le riz commercialisé récolté en
Asie).
Valorisation du bien-être et de la croissance économique – le PIB

Le PIB est une mesure générale de la santé de l’économie et du bien-être de la population,


mais il ne comprend pas, entre autres, les services environnementaux. Autrement dit, une
mauvaise intégration du capital naturel fausse le bien-être obtenu et la soutenabilité peut donc
ne pas être mesurée correctement.
On peut distinguer, grosso modo, trois éléments à prendre en compte pour modifier le calcul
du PIB et/ou pour obtenir une mesure plus correcte du bien-être social. Premièrement, il
semble logique d’intégrer la dépréciation du capital naturel dans le calcul du bien-être puisque
la dépréciation du capital physique est comptabilisée (dans le calcul du PIB vers le PIN).
Deuxièmement, le PIB ne tient pas compte de la dégradation de l’environnement suite à la
production et à la consommation des biens et services. Troisièmement, les dépenses
défensives consacrées à la défense ou la restauration de l’environnement sont assimilées à une
augmentation du PIB alors qu’elles n’existent que par mesure de protection du capital naturel.
Ces différentes remarques laissent penser que le PIB – et donc le bien-être social – est
généralement surestimé. Prendre ces éléments en compte permettrait de mieux déterminer la
vraie croissance.
Tendre vers la soutenabilité

La soutenabilité faible impose à l’objectif économique de maximisation du bien-être dans le


temps sous contrainte de maintien du stock de capital. Cela permet de déterminer que
certaines pratiques, telles les utilisations intensives de ressources non-renouvelables, une
augmentation rapide de la population ou un taux d’actualisation élevé, ne sont pas
soutenables. De même, certaines politiques favorisant l’exploitation des ressources, telles le
libre accès, et l’existence d’externalités vont également à l’encontre de la soutenabilité.
Les principes classiques venant de l’économie du bien-être ou de l’environnement, tels
l’internalisation des externalités, l’établissement, lorsque c’est possible, de droits de propriété
et la réduction de certains subsides acquis par les lobbies industriels ; et ceux venant de la
gestion des ressources naturelles, tels la gestion des ressources en fonction du rendement
28

maximum soutenable et la nécessité d’un prix pour la ressource, vont dans la bonne direction.
Mais cela ne signifie pas que ces corrections sont suffisantes. Encore convient-il de gérer
correctement le problème de l’actualisation et des autres valorisations environnementales et
les modifications de calcul du PIB.
Ces techniques restent bien évidemment économiques. Elles ne prétendent donc pas
déterminer ce qui est soutenable ou pas dans sa globalité mais simplement ce qui est
soutenable dans la perspective d’une allocation efficiente des ressources rares.

En se démarquant d’une analyse économique pure, la soutenabilité forte accepte le principe de


maximisation du bien-être dans le temps en imposant la contrainte de maintien du stock de
capital naturel et la mise en équivalence des générations actuelles et futures (refusant donc
l’idée d’actualisation).
Cela ne signifie pas que la correction des déficiences de marché ou le rejet du taux
d’actualisation rend les politiques automatiquement soutenables. Encore faut-il que le capital
naturel et le PIB soient correctement mesurés. Cela ne signifie pas non plus qu’une politique
soutenable au sens fort est économiquement défendable puisque la croissance est alors
impossible. Et cela ne signifie pas non plus qu’une politique optimale au niveau économique,
après correction des externalités et valorisation correcte des variables environnementales, est
nécessairement soutenable – elle peut l’être au sens faible mais ne le sera certainement pas au
sens fort.
L’économie de marché et l’analyse néo-classique vont-elles à l’encontre la soutenabilité ?

C’est une assertion fréquente de nombreux critiques de l’économie et de ses méthodes


d’analyse. On a vu précédemment que ce n’était pas le cas si on se place dans la perspective
de la soutenabilité faible, adoptée par de nombreux économistes néo-classiques (représentant
la toute grosse majorité des économistes). Heal (2000) montre encore, au moyen de différents
exemples, que l’analyse économique peut en fait aider à la soutenabilité. Deux critiques de
l’économie sont reprises ci-dessous et mises en parallèle avec des exemples de Heal.
Par rapport à la valorisation des biens environnementaux, refusée par certains ; l’Académie
Nationale des sciences aux USA estime qu’un tiers de la valeur des produits pharmaceutiques
américains (plus de 60 milliards de dollars) provient des plantes et insectes venant
essentiellement des forêts équatoriales. La valorisation de ces services rentre dans le calcul
29

du bénéfice de l’existence de la forêt équatoriale, rendant par conséquent le déboisement


moins intéressant du point de vue de l’économie du bien-être.
Par rapport à l’analyse coûts-bénéfices refusée par certains ; la destruction de micro-
organismes purifiant l’eau dans l’état de New York risque de nécessiter des coûts de
construction et de maintien d’usines d’épuration d’eau à comparer avec le bénéfice engendré
par l’assainissement des sites en question. Dans ce cas précis, une analyse coûts-bénéfices a
permis opter pour l’assainissement des sites pour un montant bien moindre que ce qui était
prévu à l’origine avec la construction d’usines d’épuration.

Le Costa Rica et Merck (groupe pharmaceutique) ont un accord de versement d’un montant
brut pour la collection de spécimens locaux et de royalties en cas de commercialisation de
médicaments par le groupe pharmaceutique. Cela permet au Costa Rica de négocier en cash,
le cas échéant, sur le marché financier un paiement hypothétique futur avec transfert de
risque. Cet accord est donc réalisé au bénéfice des deux parties et du bien-être social
III. La préservation de l'environnement est aujourd'hui admise comme l'un des moteurs
de la croissance
Le débat, même s'il a rapidement évolué, demeure conflictuel, mais inéluctable. Économie et
écologie sont-elles compatibles ? Gestion de l'environnement et développement économique
ne sont-ils pas un des grands enjeux de notre époque ? Quelles sont les implications des
politiques de l'environnement sur l'emploi ?
Il ne s'agit plus uniquement " d'internaliser " les effets externes, mais d'intégrer de
nouveaux concepts comme les modèles de la croissance endogène et du développement
durable, c'est-à-dire une gestion plus rationnelle des ressources renouvelables, la satisfaction
de la demande sociale, sans compromettre la capacité des générations à venir à assurer leurs
besoins en intégrant le capital naturel au capital productif et en permettant l'accès au progrès
de l'ensemble des populations mondiales
A. La définition de nouveaux rapports entre croissance et environnement
1. Théorie de la croissance endogène :
o Les modèles théoriques de la croissance endogène s'inscrivent dans ce courant. Ils prennent
en compte
-les rendements d'échelle constants ou croissants et traitent le progrès technique de
façon endogène .
30

-Les processus d'externalisation sont fortement pris en compte (économies externes


engendrées par les infrastructures, effets d'apprentissage, trajectoire d'innovation
résultant des agents investissant dans la recherche-développement).
Ces théories tendent à élargir les liens entre croissance et environnement, voire à déterminer
des situations dans lesquelles les contraintes d'environnement peuvent produire des effets
bénéfiques sur la croissance. Ainsi, l'objectif est de régler la croissance pour la rendre
durable ou supportable, et donc de prendre des options incitatives allant dans ce sens ; la
question des orientations de la croissance dans ses liens avec le progrès des techniques du
point de vue de l'environnement et des dégradations pose le problème des instruments les plus
adaptés.
La "direction" du progrès technique est, pour, d'aucuns, de nature à découpler le lien entre
croissance et environnement, d'autant plus que les nouvelles théories se situent dans la
perspective d'un rendement croissant. Enfin, une large part est faite aux innovations de "
produits propres ", de process " industrie propre ", ce qui doit créer des situations
concurrentielles, et donc accélérer les mutations. On peut ainsi imaginer que la position
concurrentielle de certains pays ou de certaines branches soit renforcée, y compris au plan
international.
L'environnement s'impose donc comme une stratégie de croissance et d'investissement à long
terme.
2. La notion d' " éco-développement "
a) La notion d'éco-développement, apparu au sommet de Kyoto, se veut " un outil de
prospective et d'exploration d'options de développement remettant en question les tendances
lourdes qui prédominent actuellement ". Le but est de trouver une forme de compatibilité
entre progrès économique et social et gestion saine des ressources et des milieux
b) L'objectif est de montrer qu'il n'y a pas opposition entre environnement et développement
économique et social, mais conciliation.
C'est la stratégie des trois E, stratégie à " somme positive ". Partant des besoins humains et
répondant à un principe d'équité sociale, elle doit éviter toute ségrégation sociale de la prise
en compte de l'environnement. Elle tend ainsi vers une efficacité économique pour
minimiser le coût des mesures environnementales et préserver et améliorer
l'environnement et les ressources pour le long terme.
c) La régulation et les acteurs, en particulier les entreprises.
31

D'autres recherches sont menées pour rapprocher compétitivité et environnement qui


concernent les entreprises dépendant des marchés liés à la gestion des ressources naturelles ou
au développement de nouvelles normes juridiques, techniques ou sociales à caractère
écologique, susceptibles de modifier les conditions de concurrence entre firmes. Les
industriels sont incités à entreprendre des programmes volontaires d'internalisation
dans leurs activités préventives des risques et des coûts environnementaux.
d) De même, les mesures agri-environnementales ont pour objet de susciter des méthodes
de production agricole compatibles avec les exigences de la protection de
l'environnement et de l'entretien des espaces naturels
B. De la maîtrise économique au droit de l'environnement et aux mesures réglementaires
Les instruments dont disposent les États pour mettre en œuvre un politique éco-
environnementale sont importants et variés.
1. Les normes environnementales
Des normes environnementales peuvent être mises en ¦œuvre afin d'imposer un mode de
croissance industrielle (c'est à dire des modes de production, d'exploitation, de
consommation) respectueux de l'environnement. Ces normes peuvent avoir un caractère
national ou international. C'est l'objet des conventions internationales relatives à la
préservation de l'environnement, même s'il faut bien avouer que la plupart d'entre elles ne sont
que des déclarations d'intention sans force obligatoire pour les États.
o On s'était déjà interrogé sur l'impact éventuel des mesures de protection de l'environnement
sur les échanges et l'investissement, en termes de barrières non tarifaires aux échanges, de
distorsions possibles ou de délocalisation d'entreprises. Le débat a été relancé avec vigueur
lorsque se sont fait jour de nouvelles approches de gestion de l'environnement, la signature
d'accords multilatéraux, et même des mesures commerciales de rétorsion (restrictions aux
importations) pour atteindre des objectifs environnementaux qui pourraient apparaître comme
des dispositifs protectionnistes. À la question du dumping environnemental continue de
répondre celle du protectionnisme déguisé
2. La comptabilité environnementale
o L'intégration de l'environnement dans les politiques économiques est lente car son apport est
difficile à évaluer et l'on manque d'outils statistiques ou comptables qui permettent d'en
préciser l'impact sur la croissance. De même, les phénomènes d'externalité sont malaisés à
appréhender. Des initiatives ont cependant été prises pour affiner une approche
32

méthodologique et se doter d'indicateurs d'environnement. Les méthodes d'approche de la


relation environnement-croissance sont triples :
- analyse coût-avantage. Les coûts et les avantages sont évalués en termes monétaires et
comparés entre eux ;
- suivi quantitatif de l'environnement dans ses relations avec les principales variables
économiques (analyse coût-efficacité) ;
- élaboration d'un cadre comptable permettant de saisir l'évolution qualitative et quantitative
de l'environnement et des ressources naturelles.
3. Des instruments incitatifs (instruments financiers & éco-fiscalité)
o Des subventions sont parfois accordées aux pollueurs pour faciliter la recherche, la
reconversion, l'exploitation de technologies de dépollution.
o Redevances et taxes. Comme les subventions elles permettent de modifier le système des
prix afin d'appréhender le coût réel de la ressource et le coût de l'effet externe que les agents
font supporter à d'autres agents. Elles devraient rétablir " une allocation optimale des
ressources par le marché ". La taxation a pour but d'inciter chaque agent à réduire les atteintes
à l'environnement. La taxe respecte aussi le principe pollueur-payeur en considérant que les
responsables d'une pollution doivent indemniser la collectivité.
o D'autres mesures ont été élaborées comme les marchés de droit à polluer, les permis à
polluer ou négociables, qui consistent à répartir la pollution entre les utilisations à partir
d'objectifs prédéterminés.
Les politiques économiques intégrant la gestion environnementale ont pris une dimension
nouvelle depuis quelques années. Elles se caractérisent par un foisonnement extraordinaire de
théories, d'initiatives ou de mesures financières et fiscales qui souffrent toutefois de ne
pouvoir s'appuyer sur un modèle opératoire global d'aide à la décision publique.
33

Chapitre 3 :Les indicateurs de développement durable

Face aux interrogations sur les voies du développement durable (économiquement efficace,
socialement équitable et écologiquement soutenable), le besoin d’une stratégie et
d’un arsenal statistique appropriés se fait sentir. De nombreux pays et organisations
internationales ont privilégié une approche pragmatique fondée sur un corpus d’indicateurs
statistiques, censés refléter les diverses dimensions du développement durable.

Les indicateurs composites, obtenus par agrégation d’indicateurs élémentaires hétérogènes,


s’efforcent d’en donner une vision synthétique au moyen d’un indicateur unique, mais posent
le problème de l’importance relative des différentes dimensions. S’inscrivant au contraire
dans un cadre de valorisation unifiée, des indicateurs globaux de développement durable
ont vu le jour. L’épargne nette ajustée publiée par la Banque mondiale met ainsi en évidence
le surplus de ressources économiques, humaines et naturelles dont dispose l’économie
pour compenser la dépréciation du capital matériel, humain et naturel.

L’empreinte écologique recourt quant à elle à des facteurs d’équivalence en hectares globaux
pour mesurer la surface biologique nécessaire à la survie d’une population donnée.
Même si ces indicateurs peuvent éclairer utilement telle ou telle facette du développement
durable, aucun n’a encore réussi à s’imposer comme référence internationale univoque
en la matière, ne serait-ce qu’en raison des choix normatifs qu’ils recouvrent. À moyen terme,
il paraît difficile de s’affranchir d’une démarche comptable renouvelée intégrant
l’environnement. Élaborée dans un cadre international harmonisé, elle devrait permettre de
mieux décrire les interactions entre l’économie et l’environnement. Sa généralisation reste
conditionnée à la mise en place d’outils statistiques adéquats.
34

Une décennie de travaux sur les indicateurs de développement durable...

L’émergence de la notion de développement durable

La question du développement durable qui pose le problème de la conciliation entre la


croissance économique, la cohésion sociale et la préservation des ressources naturelles
n’est pas nouvelle. En 1970 déjà, les experts du club de Rome, chargés de dresser un
inventaire des difficultés auxquelles font face les sociétés, publiaient un rapport intitulé «
Halte à la croissance », qui a connu un certain retentissement. Face à la surexploitation des
ressources naturelles due à la croissance économique et démographique, ce rapport prônait la
croissance zéro. C’est dans ce contexte que se tient la Conférence des Nations Unies sur
l’environnement humain en 1972, qui s’interroge sur les conditions d’un modèle de
développement compatible avec l’équité sociale et la protection de l’environnement. En 1987,
le rapport Brundtland (du nom de son instigatrice, Premier ministre norvégien) propose une
définition du développement durable, qui fait encore référence : « un type de développement
qui permet de satisfaire les besoins du présent sans compromettre la possibilité pour
les générations futures de satisfaire les leurs ».

La mise en place d’indicateurs de développement durable

En 1992, le sommet de Rio, tenu sous l’égide des Nations Unies, officialise la notion de
développement durable et celle des trois piliers (économie/écologie/social) :
un développement économiquement efficace, socialement équitable et écologiquement
soutenable.

Il affirme par ailleurs la nécessité de disposer d’une information quantitative pour mesurer les
progrès vers la voie de la durabilité. Dans son chapitre 40, l’Agenda 21 invite les pays à
élaborer de tels indicateurs nécessaires à la prise de décision. Afin de répondre à cette
demande, la Commission du développement durable des Nations Unies lance en 1995 un
programme de travail visant à élaborer des indicateurs de développement durable : 134
propositions d’indicateurs sont ainsi testées par une vingtaine de pays volontaires.
35

Les indicateurs proposés apparaissent alors souvent trop généraux pour cerner de manière
pertinente la problématique du développement durable. En outre, il s’agit davantage d’une
juxtaposition d’indicateurs que d’une intégration des trois dimensions du développement
durable. Ce constat sert de point de départ aux travaux engagés alors par l’Ifen pour élaborer
des indicateurs plus satisfaisants, travaux qui aboutissent à la sélection et au chiffrage de 45
indicateurs originaux en 2003.

Les stratégies de développement durable

En 2001, l’Union européenne inscrit le développement durable à son agenda politique et


adopte une stratégie de développement (Conseil européen de Göteborg). Cette stratégie
décline des objectifs et instaure un dispositif de suivi et d’évaluation biennale fondé sur un
ensemble d’indicateurs élaborés par Eurostat en concertation avec les États membres. En
décembre 2007, la Commission européenne a ainsi rapporté au Conseil européen sur l’état
d’avancement de la stratégie de développement durable sur la base de 116 indicateurs,
dont 11 indicateurs « clés ».

En France, les travaux de l’Ifen et ceux menés au sein d’Eurostat viennent enrichir les outils
de suivi élaborés dans le cadre de la stratégie nationale adoptée en 2003 par le Comité
interministériel pour le développement durable. Le plan d’action sur 2003-2008 prévoit
notamment l’élaboration d’un rapport triennal présentant les indicateurs nationaux du
développement durable : « ceux-ci devront traduire l’état de l’environnement, de l’économie,
de la santé, de la qualité de la vie, de la cohésion sociale dans une perspective de
développement durable et permettront à la France de se situer par rapport à ses partenaires
au niveau international. Ils mesureront, au niveau du pays, les effets de la mise en oeuvre de
la stratégie ». Une première version de ce rapport périodique, privilégiant l’approche
classique en trois piliers, aboutit en 2004 au chiffrage de 45 indicateurs. Les travaux
reprennent en 2005 mais s’interrompent car l’Union européenne révise sa stratégie en juin
2006. À cette occasion, une sélection de 12 indicateurs « phares» est adoptée, dans un souci
de cohérence avec les 12 indicateurs clés européens.

La déclinaison d’indicateurs à l’échelle infranationale est tout aussi importante. D’une part,
la traduction des objectifs de développement durable peut différer selon les caractéristiques
36

des territoires. D’autre part, les enjeux du développement territorial définissent des
problématiques spécifiques à cette échelle. Enfin, la prise en compte de l’interdépendance des
territoires est déterminante car les phénomènes qui les influencent (notamment les pollutions)
peuvent être localisés hors du territoire d’observation et d’action. En la matière, plusieurs
initiatives ont déjà été prises à l’échelle régionale et l’observatoire des territoires
de la Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires
(DIACT) a été chargé de décliner territorialement les indicateurs nationaux de la stratégie
nationale en les adaptant aux problématiques locales ( cas de la France).
Dans la plupart des autres pays européens, les enjeux du développement durable ont
également été formulés politiquement dans le cadre d’une stratégie nationale, dont le suivi et
l’évaluation reposent sur un ensemble d’indicateurs. Le cadre européen a offert un schéma
fédérateur aux stratégies nationales, structurées autour de plusieurs thèmes communs

Il a également favorisé l’harmonisation des pratiques nationales en termes d’indicateurs.


Certains pays ont choisi d’utiliser explicitement des indicateurs de développement durable
pour orienter, suivre et évaluer l’action publique, au niveau national, régional ou local.
Symboliquement, la Norvège, dont le Premier ministre n’était autre que G. H. Brundtland
jusqu’en 1996, insère une batterie d’indicateurs de développement durable dans sa loi de
finances.

La Suisse s’est pour sa part dotée d’un système d’indicateurs pour orienter et évaluer
l’action politique. Les « indicateurs de conduite » pour le Conseil fédéral et le Parlement se
composent d’une centaine d’indicateurs détaillés et de 15 indicateurs » de l’échelon supérieur
» (taux de croissance, taux de chômage, dépenses d’éducation, émissions de CO2,
etc.). Dans le cadre de son rapport annuel de gestion, le Conseil fédéral suisse se sert de ces
indicateurs pour évaluer les actions politiques conduites. Un débat annuel analogue a lieu
également devant le Parlement en Finlande. En Australie, L’État de Tasmanie a organisé
deux consultations auprès de ses habitants en 2000 et 2005 à partir desquelles un plan de
développement économique, social et environnemental à 20 ans a été élaboré (Tasmanian
Together) : ce plan se décline en un ensemble de 12 objectifs (éducation, santé, etc.) décrits
par une série de 143 indicateurs détaillés. Le suivi de ces objectifs a été explicitement confié
à une instance de contrôle par le Tasmania Together Progress Board Act 2001, qui rapporte
37

directement devant le Parlement sur l’état d’avancement de ce plan. Enfin, en Nouvelle-


Zélande,

Le Local Government Act de 2002 a imposé aux municipalités l’élaboration d’un


« plan de long terme pour la communauté » en matière de développement économique, social,
environnemental et culturel. Cette législation a renforcé et impulsé un projet conjoint
de suivi d’indicateurs (Quality of Life project) au niveau des aires urbaines, adopté par les
grandes agglomérations du pays pour suivre et évaluer les actions politiques locales.
En France, le Grenelle de l’environnement a débouché sur des recommandations inspirées
de ces exemples : créer une commission parlementaire « développement durable », faire
adopter la stratégie nationale par le Parlement et instaurer un rapport annuel auprès de ce
dernier, intégrer le développement durable dans les indicateurs de la LOLF. La poursuite de
la réflexion et du diagnostic sur les indicateurs de développement durable et de croissance a
également été fortement souhaitée.

Les indicateurs « phares » de développement durable

La stratégie de l’Union européenne, révisée en 2006 met en exergue une sélection de 11


indicateurs « clés », présentés ci-dessous :
1. Taux de croissance du PIB par habitant
2. Émissions totales de gaz à effet de serre
3. Part des énergies renouvelables dans la consommation intérieure brute d’énergie
4. Consommation d’énergie des transports et PIB
5. Productivité des ressources
6. Indice d’abondance des populations d’oiseaux communs
7. Prises de poissons en dehors des limites biologiques de sécurité
8. Espérance de vie en bonne santé
9. Taux de risque de pauvreté après transferts sociaux
10. Taux d’emploi des travailleurs âgés (55-64 ans)
11. Aide publique au développement

Le taux de croissance du PIB réel par habitant


38

La prospérité économique constitue un pilier important du développement durable. Rejoignant


en cela les termes du traité de Lisbonne, la stratégie de l’Union européenne en faveur
du développement durable réaffirme la nécessité d’une économie dynamique comme moteur
du développement et de la croissance. De ce point de vue, la croissance du produit intérieur
brut (PIB) par habitant, à prix constant (ou PIB en volume), reste l’agrégat synthétique
le plus communément admis, même si ses limites sont bien connues. Il rend compte de
l’activité économique et de la création de valeur (monétaire) qui en résulte. L’accent est
délibérément mis sur la dynamique de croissance du PIB comme capacité d’une
économie à accroître ses ressources et, partant, sa capacité à répondre aux besoins sociaux
et environnementaux, présents et futurs.

En complément de la croissance du PIB, les moyens consacrés à la recherche et au


développement (R&D) constituent également un indicateur pertinent. Ils sont nécessaires à la
croissance de demain et fondés sur la connaissance et l’innovation. Entre 2000 et 2006, la part
des dépenses de R&D dans le PIB reste stable pour l’UE-27 (1,9 %) et pour la France
(2,2 %), soit nettement en deçà de l’objectif affiché de 3 % à l’horizon 2010. Seules la
Suède et la Finlande ont d’ores et déjà atteint cet objectif en 2006.

Le changement climatique

Dans le cadre de la lutte contre le changement climatique, la réduction des émissions de


gaz à effet de serre constitue un enjeu majeur. Exemple : en France, les émissions agrégées
des six gaz à effet de serre étaient en 2006 inférieures de 4 % à leur niveau de 1990. Les
transports et le « résidentiel tertiaire » enregistrent une forte hausse sur la période
(respectivement + 20 % et + 13,5 %) alors que les émissions des autres secteurs sont en
baisse. Le secteur du transport représente encore à lui seul le quart des émissions totales de la
France. La mise en oeuvre du Plan Climat, adopté en 2004, doit permettre à la France de
respecter les objectifs de Kyoto à l’horizon 2008-2012 d’une stabilisation de ses émissions par
rapport à 1990.

Les émissions de gaz à effet de serre de l’UE-27 ont pour leur part diminué de 7,9 % entre
1990 et 2005. Tous les secteurs ont contribué à cette réduction, excepté celui des transports
en augmentation sensible. Les émissions des nouveaux États ont fortement baissé entre
39

1990 et 2000 mais depuis leur tendance est semblable à celle de l’UE-15. Avec une baisse
de 2 %entre 1990 et 2005, l’Europe des 15 reste encore assez éloignée de son objectif, à
savoir une réduction de ses émissions de 8 % d’ici 2012. En attendant la conclusion d’un ac-

L’accord international global sur la période post-2012, l’Union européenne s’est engagée en
2007 à réduire ses émissions d’au moins 20 % d’ici 2020 par rapport à 1990. Cette réduction
pourrait être portée à 30 % si les autres pays développés consentent des efforts comparables.

Les énergies renouvelables

La maîtrise de la demande énergétique et la diversification du bouquet énergétique constituent


également deux axes importants de la lutte contre le changement climatique. En 2006,
la France était, en valeur absolue, le second producteur européen d’énergies renouvelables
(juste derrière l’Allemagne), grâce principalement au bois et à l’hydroélectricité. En termes
relatifs, s’agissant de la part des énergies renouvelables dans la consommation totale, la
France se situe dans la moyenne européenne. Malgré le fort développement de la production
d’électricité éolienne, il lui reste encore du chemin à parcourir pour atteindre les objectifs
ambitieux qu’elle s’est fixés à l’horizon 2010 : assurer 10 % de ses besoins énergétiques
et 21 % de sa consommation en électricité à partir des sources d’énergies renouvelables,
alors qu’en 2007 ces ordres de grandeur n’étaient respectivement que de 7 % et 13 %. On
observe une situation assez similaire pour l’Union européenne, avec cependant des écarts
importants entre États membres. En 2005, les énergies renouvelables couvraient 7 %des
besoins énergétiques de l’UE-27 et 14 % de ses besoins en électricité. Les objectifs à
l’horizon 2010 (respectivement 12 % et 21 %) ne seront probablement pas atteints ainsi que le
suggère la Commission européenne.

La consommation d’énergie des transports

La stratégie de l’Union européenne en faveur du développement durable met en exergue la


nécessité de parvenir à un découplage entre la croissance économique et la demande de
transports afin de minimiser les atteintes à l'environnement. Cela implique notamment le
choix de modes de transports plus économes en énergie et respectueux de l’environnement.
En France, jusqu’en 1999 la consommation d’énergie dans le secteur des transports (route,
40

rail, transports maritimes et aériens, navigation intérieure et oléoducs) évolue de concert


avec le PIB comme en témoigne le développement des transports aérien et routier. On
constate en revanche depuis 2000 une stagnation de la consommation de produits pétroliers
(en tonnes équivalent pétrole), avec une baisse notable en 2003. Parmi les facteurs qui
expliquent cette tendance : l’augmentation des prix des carburants, le ralentissement de la
circulation routière et l’accentuation de la baisse de la consommation moyenne des véhicules
par kilomètre parcouru. À cela s’ajoute également un meilleur respect des limitations de
vitesse par les conducteurs. En France, 84 % du trafic intérieur de passagers est effectué en
voiture mais cette proportion a cessé d’augmenter ces dernières années. Par contre, le
transport des marchandises par route continue de progresser. Il représente plus de 80 % du
trafic mesuré en tonnes-km. L’objectif fixé par l’Union européenne est de stabiliser cette part
à l’horizon 2010.

Au plan européen, la consommation d’énergie des transports évolue à peu près au même
rythme que le PIB sur la période 1995-1999. Depuis, elle progresse un peu plus lentement
(+ 1,3 % par an en moyenne annuelle, contre + 1,7 % pour le PIB).

La productivité des ressources

Le volet « production et consommation durables » de la stratégie de développement durable


vise le découplage entre croissance économique et utilisation des ressources naturelles
et des matières premières. Les progrès dans le découplage peuvent être approchés par le
biais d’indicateurs de productivité des ressources. Le calcul de la productivité des ressources
fait intervenir un certain nombre d’indicateurs élémentaires. La consommation intérieure de
matières agrège par exemple les tonnages de combustibles fossiles et de produits minéraux et
agricoles, consommés sur le territoire national ou importés, qu’il s’agisse de matières
premières ou de produits finis. Elle mesure la quantité totale de matières physiquement
utilisées par l’économie nationale, afin de satisfaire aux besoins de la population. La
productivité des ressources rapporte le PIB à la consommation intérieure de matières. Elle
donne un aperçu de l’efficacité matérielle d’une économie et du découplage entre utilisation
des ressources naturelles et croissance économique.

Par contre, elle ne renseigne que partiellement sur l’impact de nos modes de production
41

et de consommation et sur les risques d’épuisement des ressources. La productivité des


ressources en France a augmenté de près de 50 % en 30 ans. Cette évolution s’explique
notamment par le développement des activités de service et la substitution partielle de
combustibles nucléaires au pétrole et au charbon. Entre 2000 et 2004, la productivité des
ressources de la France a crû d’environ + 3,5 % par an, contre + 2,3 %par an en moyenne
pour l’UE-15. Cependant, en 2004, la consommation intérieure de matières (13,5
tonnes/habitant) reste comparable à celle de 1970. En outre, depuis 1990, alors que
consommation de matières et PIB sont découplés, la croissance économique continue de
s’accompagner d’une dépendance plus forte aux importations.

L’évolution de la biodiversité

A l’échelle européenne, malgré les difficultés de recensement des populations d’oiseaux,


les tendances semblent assez similaires. Sur la période 1990-2005, les évolutions observées
en Europe montrent un recul de 21 % pour les espèces vivant en milieu agricole et de 10 %
pour les 123 autres espèces, malgré un mieux à partir de 2000. Les causes du déclin sont
multiples. La dégradation ou la perte des habitats demeure la principale menace. L’action
de l’Union européenne pour préserver la biodiversité se fonde en priorité sur les directives
« oiseaux » et « habitats ». L’ensemble des sites désignés au titre de ces deux directives
constitue le réseau « Natura 2000 ». Ce réseau est en voie d’achèvement en Europe : en juin
2007, il couvrait 17,4 % de la superficie terrestre de l’UE-25. La désignation des sites marins
n’est en revanche pas terminée. Le réseau « Natura 2000 » français couvre 6,8 millions
d’hectares, soit 12,4 % du territoire terrestre métropolitain.

La gestion des ressources halieutiques

La surexploitation des ressources halieutiques constitue une préoccupation majeure pour la


planète. En France, une évaluation de l’état de 53 stocks halieutiques (Golfe de Gascogne et
Manche Ouest) réalisée par l’Ifremer montre qu’environ 20 % d’entre eux sont en bon état
(sardine du golfe de Gascogne, tourteau, bar, céphalopodes, etc.) et que 20 % sont dans un
état critique (dorade rose, anguille, sole, maquereau, etc.). Les autres stocks analysés sont
dans une situation intermédiaire, en regard de leur faible biomasse2 (anchois, merlu,
langoustine, etc.) ou de leur taux d’exploitation élevé (cardine etc.). Dans les zones de pêche
42

de l’Atlantique Nord-Est gérées par l’Union européenne, les poissons à forte valeur
commerciale sont les plus menacés, tels que le cabillaud, le merlan, la lotte, le carrelet, ou
encore la sole. En 2005, pour ces espèces, la moitié des captures était prélevée sur des stocks,
en dehors des limites biologiques de sécurité.
L’état des stocks halieutiques (bon état, état critique, situation intermédiaire) est évalué au
regard de deux variables, que l’on compare à des seuils dits de précaution :
- la biomasse des reproducteurs : quand l’abondance des reproducteurs chute en dessous d’un
certain seuil, dit « biomasse de précaution », caractéristique de chaque stock, les risques de
réduction des capacités reproductrices du stock deviennent très élevés.
- la pression de pêche subie par les ressources halieutiques : au-delà d’un certain seuil de
mortalité par pêche, les risques de voir chuter l’abondance des reproducteurs en dessous de la
biomasse de précaution deviennent très élevés.

L’espérance de vie en bonne santé

Le développement durable vise aussi un meilleur état de santé. Vivre mieux, c’est d’abord
vivre et dans ce contexte l’espérance de vie, par genre et par âge prend valeur d’indicateur
central. Il est complété par l’indicateur d’espérance de vie « en bonne santé » qui rend
compte non seulement de l’allongement de la durée de vie mais aussi de l’allongement de
la durée de vie sans incapacité majeure.

Le taux de pauvreté

Si le PIB vise à évaluer la prospérité économique moyenne, il ne renseigne pas sur la façon
dont sont répartis les revenus. Pour appréhender au mieux les liens entre PIB et bien-être, il
faut également prendre en compte les inégalités de revenus, et, en amont, les inégalités
d’accès à l’emploi et à l’éducation. Le premier indicateur mobilisé à cet effet est le taux de
pauvreté monétaire, c’est-à-dire la part des personnes dont le niveau de vie (revenu disponible
une fois pris en compte impôts et prestations sociales et compte tenu de la composition
du ménage) est inférieur à 60 % du niveau de vie médian (le niveau de vie dépassé par
la moitié de la population). Il est aussi décliné par âge et par type de ménages.
43

La pauvreté ainsi définie touchait 13 % des personnes en France en 2006, mais presque 30 %
des familles monoparentales. La moyenne européenne se situait à 16 %), avec des écarts
importants entre pays : 12 %en Suède et au Danemark, contre 19 %au Royaume-Uni. Pour
rendre compte du caractère durable et cumulatif de la pauvreté, il est prévu de suivre à partir
de 2007 un indicateur de persistance de la pauvreté visant à évaluer chaque année la part des
personnes pauvres qui l’étaient déjà les années précédentes.
Le taux de chômage de longue durée, c’est-à-dire la part au sein de la population active des
personnes au chômage depuis plus de 12 mois, apporte un éclairage complémentaire sur la

4. Part de la population dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté


(monétaire)

L’éloignement prolongé de l’emploi accroît en effet le risque d’enfermement dans le


chômage, la pauvreté et l’exclusion sociale. De ce point de vue, la France, en dépit d’une
amélioration relative sur la période, affiche encore un taux de chômage de longue durée
proche de 4 % en 2006 et fait nettement moins bien que la moyenne des pays de l’UE-15 (3,2
%). L’Irlande, le Royaume-Uni, la Suède ou le Danemark affichent des taux inférieurs à 1,5
%.

L’emploi des travailleurs âgés

Face à la perspective du vieillissement des populations européennes, les questions de


solidarité entre générations ne sont pas sans lien avec la soutenabilité du développement,
notamment en termes de finances publiques. Le taux de dépendance vieillesse, c’est-à-dire le
rapport entre le nombre de personnes âgées de 65 ans ou plus et le nombre de personnes de
15 à 64 ans, est à ce titre un indicateur intéressant. Il renseigne sur la capacité d’une société
à prendre en charge le bien-être des personnes âgées (retraites, santé, etc.). En France, le
rapport entre le nombre de retraités et les personnes d’âge actif va presque doubler à l’horizon
2040, passant de 25 à 40 %. L’Espagne et l’Italie subiront les chocs les plus importants
avec des ratios supérieurs à 65 % au même horizon.
44

Malgré l’intérêt du taux de dépendance, Eurostat a préféré retenir comme indicateur clé le
taux d’emploi des personnes âgées de 55 à 64 ans, considéré comme un levier privilégié
pour tout à la fois limiter l’exclusion de ces personnes sur le marché du travail et diminuer le
coût social de leur prise en charge. L’objectif est d’atteindre un taux d’emploi de 50 % à
l’horizon de 2010. En 2006, le taux moyen de l’UE 25 est de 43,5 %. La France accuse encore
un retard significatif par rapport à l’objectif annoncé avec seulement 38,1 %des 55-64
ans en emploi en 2006, en dépit des progrès accomplis depuis 2000 où ce taux était voisin
de 30 %.

Aide publique au développement et solidarités internationales

Ce dernier indicateur traduit les préoccupations d’équité à l’échelle mondiale. Le


développement durable ne saurait se concevoir sans réduction de la pauvreté dans le monde et
diminution des grands déséquilibres mondiaux dans le partage des richesses. L’aide publique
au développement3 fournit des indicateurs utiles sur l’importance de la solidarité effective
des pays de l’UE à l’égard du reste du monde. En 2006, l’aide publique européenne représente
0,43 % de son revenu national brut (RNB) : l’objectif collectif de 0,39 % du RNB
qu'elle s’était fixée pour cette date a donc été dépassé. Le Danemark, le Luxembourg, les
Pays-Bas et la Suède figurent en tête car ils ont d’ores et déjà atteint l’objectif 2015 des
0,7 % du PIB, conformément aux engagements pris dans le cadre des Nations Unies en
2000 (objectifs dits du « Millénaire »). Le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne, les trois
donateurs les plus importants en volume, y consacrent respectivement 0,51 %, 0,47 % et
0,36 % en 2006.

Les indicateurs composites de développement durable

En complément des indicateurs élémentaires rendant compte des divers aspects du


développement durable, il existe une forte demande d’indicateurs synthétiques. Cette
demande s’explique en général par le besoin de disposer d’une information simple, facile à
retenir ou à communiquer et qui permet de faire des comparaisons ou d’établir des palmarès
entre pays ou régions. De nombreuses initiatives ont été prises en ce sens au niveau
international.
45

Elles ont abouti à deux grandes catégories d’indicateurs : les indicateurs composites obtenus
par agrégation d’indices élémentaires et les indicateurs globaux obtenus par sommation
à l’aide d’une unité de mesure unique (monnaie, tonnes, hectares, etc.).
Les indicateurs composites tentent de rendre compte par un chiffre unique des performances
économiques, sociales et environnementales d’un territoire en agrégeant des éléments
hétérogènes. Un indicateur élémentaire, par exemple la concentration d’un polluant dans
l’air ou dans l’eau, est d’abord transformé en indice par rapport à une norme ou à un seuil de
référence. Ensuite, des critères d’agrégation sont déterminés, à l’aide de pondérations
affectées à chaque indicateur élémentaire.

L’indicateur de développement humain

L’indicateur du développement humain (IDH), censé refléter les différentes dimensions du


bien-être d’un pays, est sans doute l’indicateur composite le plus connu et le plus ancien.
Créé par le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) au début des
années 1990, il repose sur trois critères de base du développement humain, considérés
comme d’égale importance : la santé et la longévité ; le savoir ; un niveau de vie décent.
Ces indicateurs sont mesurés respectivement par l’espérance de vie à la naissance, le niveau
d’instruction (composé pour les deux tiers par le taux d’alphabétisation des adultes et pour
le tiers restant par le taux brut de scolarisation combiné du primaire, du secondaire et du
supérieur) et le PIB par habitant en parités de pouvoir d’achat en dollars courants. L’IDH est
la moyenne simple de ces trois indicateurs élémentaires, préalablement normalisés

Construire un indicateur synthétique de développement durable

Construire un indicateur synthétique de développement durable consiste à agréger des


indicateurs élémentaires représentant les différentes dimensions du développement durable.
Pour comparer et additionner des éléments disparates (taux de croissance du PIB, émissions
de gaz à effets de serre, espérance de vie etc.), il faut au préalable les ramener à une échelle
commune, par exemple une échelle allant de 0 à 100.
46

Le principe général est donc d’évaluer chaque indicateur relativement à un intervalle de


variations observées historiquement ou fixées normativement.

Pour les indicateurs européens de développement durable, on a retenu autant que


possible les objectifs existants (normes) ; à défaut, le mieux-disant et le moins-disant
historiquement observés sur la période ont permis de définir les bornes de l’intervalle [b_min
b_max] (en distinguant les pays de l’UE15 et les nouveaux pays membres depuis 2004).

L’indicateur synthétique de développement durable est la moyenne simple des


dix indicateurs de développement durable préalablement normalisés. L’indicateur relatif aux
prises de poissons hors des stocks de sécurité biologique a été écarté en raison de l’absence de
données disponibles comparables
par pays.

Compte tenu de la méthode de normalisation, l’IDH différencie moins efficacement la


performance entre les pays situés en tête du classement, où l’alphabétisation et la scolarisation
frisent les 100 % et l’espérance de vie atteint ses limites supérieures. Il semble en
effet exister un seuil de PIB par tête au-delà duquel les gains d’espérance de vie et
d’instruction sont minimes. Sous sa forme initiale, il ne rend pas directement compte des
inégalités de distribution du bien-être qu’il est censé mesurer. C’est pourquoi il a été enrichi
par des indicateurs complémentaires, dont notamment l’indicateur de pauvreté humaine,
décliné de façon différente pour les pays en développement (IPH1) et pour les pays
développés (IPH2). L’IPH2 s’entend comme la moyenne simple de 4 indicateurs : la
probabilité de décéder avant 60 ans, l’illettrisme, le pourcentage de personnes en dessous du
seuil de pauvreté et le % de chômeurs de longue durée.

Au final, les IDH conduisent à relativiser considérablement les classements obtenus sur la
base du PIB par habitant : si les pays nordiques affichent des performances élevées, celles
des pays anglo-saxons sont généralement moins bonnes. Enfin, il faut souligner que l’IDH
ne tient pas compte de la dimension environnementale. Plus récemment, divers indicateurs
inspirés de l’approche IDH, mais couvrant souvent un champ plus large, ont été proposés :
indice de santé sociale de M et M.L Miringoff pour les États-Unis ; Baromètre des Inégalités
et de la Pauvreté (BIP40) en France ; Indicateur de Bien-être Economique de Osberg et
47

Sharpe, calculé pour les pays de l’OCDE


.
Un exemple d’agrégation à partir des indicateurs « phares » de développement
durable

A titre illustratif, il est intéressant de revenir sur les indicateurs « clés » de développement
durable définis dans le cadre de l’Union européenne. Il est possible d’agréger les différents
indicateurs élémentaires (taux de croissance du PIB, taux d’emploi, espérance de vie, etc.)
préalablement normalisés pour produire un indicateur synthétique européen
de développement durable. Chaque dimension est évaluée sur une échelle de 0 à 100 (100
étant la performance maximale) et la valeur de l’indicateur synthétique est une moyenne
des indicateurs individuels. Hormis l’Espagne, l’indicateur synthétique est plutôt bien
orienté à la hausse pour tous les pays sur la période 1995-2005. Il reste stable en
Suède, bien qu’à un niveau très supérieur à celui des autres pays.
L’Espagne est pénalisée par une forte hausse de ses émissions de gaz à effet de serre, bien
supérieure à ses objectifs définis dans le cadre du protocole de Kyoto (+ 50 % entre 1990 et
2005 pour un objectif de + 15 %). La France a vu son indicateur se dégrader fortement entre
1995 et 1998 pour les mêmes raisons, mais atteint dès 2000 son objectif de conserver à
l’horizon 2010 le niveau de ses émissions de 1990, ce qui tire l’indicateur vers le haut. Elle est
par ailleurs plutôt plus performante que la moyenne européenne en matière de productivité
des ressources ou d’inégalités.

L’indice de performance environnementale (EPI) et l’indice de durabilité


environnementale
(ESI)

L’indice de performance environnementale (« Environmental Performance Index » - EPI) et


l’indice de durabilité environnementale (« Environmental Sustainability Index » - ESI) ),
développés par les universités de Yale et de Columbia, sont à visée principalement
environnementale et conçus dans une optique d’aide à la prise de décision.
48

L’indice de performance environnementale (EPI) cherche à évaluer l’efficacité des politiques


environnementales d’un pays à un moment donné en regard d’objectifs nationaux,
internationaux ou établis par des experts. Il est basé sur une liste de 16 indicateurs6, reliés à
chacune des six politiques publiques relatives aux thèmes suivants : qualité de l’air, ressour-

ces en eau, ressources naturelles, énergies renouvelables, biodiversité, santé et environnement.


Pour rendre les 16 indicateurs comparables, chacun est converti en une valeur
relative à la cible, avec une échelle comprise entre 0 et 100. Les scores obtenus sont ensuite
agrégés avec un système de pondérations, le résultat final étant une note sur 100.
En 2006, l’EPI situe la France au 12ème rang sur 133 nations évaluées avec un score de 82,5.
La Nouvelle Zélande (88,0) et la Suède occupent les deux premières places, les États-Unis
ne venant qu’en 28ème position. La France obtient des scores élevés pour la pollution, l’eau
potable, son système sanitaire et dans une moindre mesure la mortalité infantile. En revanche,
elle a de faibles scores pour la protection de la nature, les subventions agricoles et
les énergies renouvelables. L’EPI permet donc d’avoir une idée générale quant aux
pertinences des politiques environnementales conduites.

L’indice de durabilité environnementale (ESI) correspond plutôt à un baromètre de la


trajectoire à long terme d’un pays en matière d’environnement. Construit autour du concept
de « durabilité », il traduit les passé, présent et futur environnementaux d’un pays. Il intègre
des valeurs relatives aux ressources naturelles, au contrôle des pollutions et au degré de
dégradation de l’écosystème. Il rend également compte des politiques environnementales en
cours et des capacités d’une société à enrayer les tendances négatives. L’ESI est calculé à
partir d’une liste de 76 variables de base intégrées à 21 indicateurs intermédiaires. Les 21
indicateurs pris en compte sont notamment la qualité de l’air et de l’eau, la biodiversité,
l’artificialisation du territoire, les contraintes sur les écosystèmes, les déchets, la gestion des
ressources naturelles, la politique de l’environnement, etc. En 2005, le score ESI situe la
France au 36ème rang des 146 nations évaluées avec une note de 55,2, soit un score proche
de l’Allemagne ou des États-Unis mais loin derrière la Finlande (1er rang avec une note de
75,1) ou la Norvège (2ème rang avec une note de 73,4).
49

L’ESI et l’EPI répondent aux attentes de certains acteurs grâce à une présentation
pédagogique assortie de représentations graphiques associées aux scores relatifs aux
différentes dimensions.

Toutefois, le résultat final reste très dépendant du choix des indicateurs élémentaires et des
pondérations qui leur sont appliquées. D’autres choix peuvent conduire à des résultats très
différents, ce qui conduit à s’interroger sur la nature véritablement scientifique de cette
démarche. Le principe même de l’agrégation des données pose problème, aucune méthode ne
faisant consensus pour mesurer sur une échelle commune de tels indicateurs.
Le rang doit également être interprété avec discernement : beaucoup d’écarts de
« notes » entre pays sont faibles comparés à l’imprécision des données.

Les indicateurs globaux

Une seconde approche des indicateurs de développement durable, plus proche des travaux
de comptabilité nationale, permet de surmonter ce problème de l’hétérogénéité des indicateurs
et de l’agrégation. Elle dérive des travaux de Nordhaus et Tobin (1973) sur la mesure
du bien-être économique (MBE), consistant à partir d’un agrégat monétaire comme le PIB
par habitant à déduire ou ajouter des équivalents monétaires d’un certain nombre d’éléments
susceptibles de participer au bien-être. Sur la base du revenu national brut, Nordhaus
et Tobin calculaient un agrégat n’incluant que les éléments de consommation et
d’investissement contribuant directement au bien-être économique, ajoutaient la valeur du
temps libre, les activités ménagères et le bénévolat, pour enfin retrancher les éventuels
dommages environnementaux.
Ces travaux précurseurs ont inspiré de nombreux indicateurs globaux proposés depuis, parfois
regroupés sous l’appellation générique de « PIB vert », même s’il n’existe pas de
consensus sur cette notion et a fortiori sur son mode de calcul. Ces indicateurs ont pour
point commun de partir d’un agrégat mesurant l’activité économique (PIB) ou des ressources
disponibles dégagées par l’activité courante (épargne). Ils lui soustraient les dommages
causés aux ressources naturelles lors de l’activité productive, en lui ajoutant éventuellement
certains éléments accroissant le stock de capital humain ou social (notamment les dépenses
d’éducation).
50

L’épargne nette ajustée

L’épargne nette ajustée (« genuine savings ») est un indicateur de la Banque mondiale inspiré
de cette tradition qui cherche à mettre en évidence le surplus de ressources dont dispose
l’économie à l’issu d’un cycle annuel de production et de consommation, une fois compensée
la dépréciation du capital économique, humain et naturel. L’épargne nette ajustée
est calculée comme l’épargne brute (production moins consommation), tirée de la
comptabilité nationale, moins la consommation de capital fixe (dépréciation du capital
économique), plus les dépenses d’éducation (consommations requalifiées en investissement
en capital humain), moins les dommages aux actifs naturels (dépréciation du capital naturel).
En comptabilité nationale, l’épargne brute comprend à la fois l’épargne des ménages (le
revenu disponible non consommé pendant la période courante et qui peut être accumulé sous
forme d’actifs financiers on non financiers), l’épargne des entreprises (profits non distribués)
et l’épargne des administrations publiques. Le concept d’épargne nette ajustée dépasse le
seul cadre comptable qui ne s’intéresse qu’au capital productif ; dans cette approche, le capital
humain et le capital naturel sont considérés comme des éléments patrimoniaux à part
entière. Les dommages environnementaux sont évalués comme la réduction des stocks
d’énergie, de minerais et de forêt, auxquels sont ajoutés les dommages causés par les
émissions de CO2. Ils sont calculés en référence à un modèle théorique fondé sur la
tarification des ressources épuisables.

L’épargne nette ajustée est exprimée en pourcentage du revenu national brut. Plus l’indice
est élevé, plus la capacité du pays à augmenter son patrimoine (entendu au sens large) est
importante. Dans ce type d’approche, on considère que les ponctions opérées sur les
ressources naturelles épuisables peuvent être compensées par un surcroît d’investissement en
capital économique ou humain (via notamment des efforts de formation). Cette hypothèse
de parfaite substitution entre les différentes formes de capital, discutable, explique que les
pays émergents d’Asie et en particulier la Chine, pourtant gourmands en ressources naturelles,
dégagent actuellement une épargne croissante, grâce à de bonnes performances économiques.

À l’inverse, les pays du Moyen-Orient, fortement dépendants des ressources


pétrolières, affichent généralement une épargne nette ajustée négative. Les
51

États-Unis, où l’intensité énergétique est importante, ont une épargne plus faible que les
autres pays développés. Enfin, les pays de l’Afrique sub-saharienne ont une épargne proche
de zéro. Le calcul d’épargne nette ajustée, basé sur des données nationales, est effectué par la
Banque mondiale pour 140 pays. En France, l’épargne nette ajustée représente 11,29 % du
revenu national brut en 2004 et place le pays en 33e position au plan mondial. Elle a
fortement diminué entre 1970 et 1985 et reste depuis approximativement stable.
Cet indicateur présente le mérite de coupler les enjeux économiques, humains et
environnementaux.
D’un point de vue théorique, on montre que - sous certaines hypothèses - l’épargne
nette ajustée constitue un indicateur de la durabilité entendue comme « la capacité de
conserver la richesse, ou encore les possibilités de création de bien-être de l’économie pour
les générations futures ». L’épargne nette ajustée présente également l’avantage de s’appuyer
sur les concepts et les chiffres issus de la comptabilité nationale pour le calcul de l’épargne
brute. En pratique, les évaluations numériques montrent que dans les pays développés
l’épargne nette ajustée varie au cours du temps comme leur taux d’épargne brut, ce qui
témoigne des faibles variations enregistrées sur la mesure de l’investissement en capital
humain et celle de la dépréciation du capital naturel. Par ailleurs, l’ouverture des économies
n’est pas

L’empreinte écologique

L’empreinte écologique, à connotation purement environnementale, emprunte une voie


originale. Elle ne part pas d’un agrégat économique mais recourt à des facteurs d’équivalence
pour mesurer la surface biologique nécessaire à la survie d’une population donnée.
L’empreinte écologique représente la surface de sol et d’océans nécessaire pour fournir les
ressources consommées par une population donnée et pour assimiler les rejets et déchets de
cette population. Les ressources consommées peuvent provenir de surfaces productives
situées en dehors du territoire occupé par cette population. Le déficit ou le crédit écologique
d’un pays est le rapport entre son empreinte écologique et sa biocapacité, définie comme la
surface productive disponible d’un pays. Ce type de calcul permet d’estimer si le pays vit
au-dessus de ses moyens et s’il doit importer des ressources de l’étranger pour assurer sa
subsistance. Cet indicateur a été conçu par Mathis Wackernagel (Université de Vancouver,
sous la responsabilité de William Rees), qui a créé l’organisation Global Footprint Network
52

chargée de son élaboration.

L’empreinte d’un pays comprend les terres cultivées, les pâturages, les forêts, les zones de
pêche, les terrains bâtis et occupés par des infrastructures ainsi que la superficie nécessaire
pour absorber le CO2 émis. L’empreinte est exprimée en hectares globaux (gha),
c’est-à-dire une surface d’un hectare dont la productivité est égale à la productivité
moyenne d’un hectare dans le monde. En 2003, l’empreinte écologique globale de la planète
est de 14,1 milliards d’hectares globaux, soit 2,2 gha par personne. La biocapacité
mondiale moyenne par personne est de 1,8 gha en 2003, ce qui revient à dire que le mode
vie actuel n’est pas soutenable dans la durée. Pour l’Europe, l’empreinte écologique est de
4,8 hectares globaux par personne, pour une biocapacité de 2,2 gha par Européen en
2003 : autrement dit, si tout le monde consommait autant qu’un européen, il faudrait
l’équivalent de deux planètes pour vivre de façon durable.

L’empreinte écologique est naturellement élevée pour les pays producteurs de pétrole
(Émirats arabes unis), fortement pénalisés par les émissions de CO2 provenant des
combustibles fossiles et qui importent la majorité des biens nécessaires à leur subsistance
C’est également le cas de certains pays développés comme les États-Unis, à forte intensité
énergétique, à habitat dispersé et où les besoins en ressources naturelles excédent les
ressources propres. À l’autre extrémité de l’échelle, figurent les pays les plus pauvres, à faible
empreinte écologique et en situation de crédit biologique. De son côté, la France se distingue
par l’importance de l’empreinte nucléaire car les calculs du Global Footprint Network
assimilent l’énergie nucléaire à l’énergie fossile pour l’émission de CO2. Toutefois,
dans les travaux ultérieurs, ce biais sera corrigé et l’empreinte nucléaire tiendra seulement
compte de la surface associée à la production d’uranium, ce qui amènera à réduire
sensiblement l’empreinte écologique de la France.

Au final, le concept global de l’empreinte écologique est pédagogique, simple à saisir,


intuitivement compréhensible avec la métaphore du mot empreinte et les comparaisons entre
pays parlantes. Pour autant, cet indicateur appelle de nombreuses réserves. Tout d’abord,
l’empreinte est un indicateur d’environnement mais pas un indicateur global de
développement durable, puisque sans dimension sociale ni économique. Il n’y a donc pas de
substituabilité possible du capital naturel avec le capital économique et il n’est pas tenu
53

compte du progrès technique. Par ailleurs, les flux sont comptabilisés, sans tenir compte des
stocks de ressources épuisables, et l’énergie y a une place prépondérante. La variation de
l’indicateur dans le temps tient surtout aux produits importés ou exportés alors que les modes
de vie varient peu d’une année à l’autre. Enfin, les modes de calcul des facteurs d’équivalence
et des facteurs de rendement sont pour l’heure peu explicites. Il manque notamment un
manuel méthodologique en libre accès où il soit possible de vérifier la reproductibilité des
calculs.

Vers une comptabilité environnementale intégrée

Si l’approche du développement durable à l’aide d’indicateurs présente des avantages


évidents, en termes de lisibilité et de communication, elle s’apparente encore trop souvent à la
juxtaposition de données couvrant les champs économiques, environnementaux et sociaux,
mais sans véritables passerelles entre ces trois pôles. Les approches « extensives »
fondées sur la prise en compte des différentes formes de capital (physique, humain, naturel)
sont ambitieuses mais se heurtent à des problèmes d’évaluations et laissent entière la question
de la substituabilité entre les différentes formes de capital. Pour l’heure, les démarches
intégrant le capital naturel et décrivant les interactions entre les activités économiques et la
sphère environnementale sont les plus avancées.

Un cadre conceptuel comptable ambitieux a ainsi été mis en place au milieu des années
1990 sous l’égide de plusieurs entités internationales (ONU, Commission européenne, FMI,
OCDE, Banque mondiale). Il a donné lieu à la publication d’un manuel conjoint, le système
de comptabilité économique et environnementale intégrée, plus connu sous son sigle anglais,
SEEA (System of Integrated Environmental and Economic Accouting), dont la version
actuelle date de 2003. Ce système satellite au Système de comptabilité nationale rassemble
des informations économiques et environnementales permettant de mieux apprécier la
contribution de l’environnement à l’économie et l’impact de l’économie sur l’environnement.
Pour l’instant, seul un petit nombre de pays ont commencé à mettre en place certaines de
ses composantes mais le SEEA deviendra le cadre conceptuel obligatoire lors de sa prochaine
révision en 2010. Le SEEA comprend quatre grandes catégories de comptes : les comptes de
flux de matières, les dépenses de protection de l’environnement, les comptes du patrimoine
naturel et l’évaluation des flux non marchands.
54

Les comptes de flux de matières fournissent des indications sur les consommations
d’énergie et de matières premières par les différentes branches de l’économie, ainsi que sur la
production de substances polluantes et de déchets solides. Ces flux sont mesurés en unités
physiques ou (et) en termes monétaires. Ils sont par nature équilibrés, de sorte que ce qui
rentre dans l’économie (extraction du territoire national ou des eaux continentales et marines
+ importations) équivaut à ce qui en sort (rejets dans l’environnement + variations de
stocks + exportations). De nombreux agrégats et indicateurs peuvent être dérivés des flux de
matières, comme par exemple, la productivité des ressources telle qu’elle est définie dans
les indicateurs « phares ».

La méthode NAMEA (National Accouting Matrix including Environnemental Accounts ou


matrice des comptes nationaux incluant des comptes environnementaux) s’inscrit dans la
problématique des flux de matières. Elle permet l’imputation des pressions environnementales
(émissions dans l’air et l’eau, déchets) aux branches responsables, le suivi temporel de
ces pressions en regard des valeurs ajoutées (éco-efficacité) et la détermination des pressions
liées à la satisfaction de la demande finale d’un produit.

Les comptes des dépenses de protection de l’environnement déclinent les dépenses


(protection de l’air et du climat, gestion des eaux usées, déchets, etc.) supportées par les
différents acteurs (entreprises, ménages, administrations). Ils sont conçus de manière à mettre
en évidence l’impact économique, en termes de production et d’emploi, de la fiscalité et de la
législation environnementales.

Les comptes des ressources naturelles ou comptes du patrimoine naturel recensent les
stocks des ressources naturelles (terrains, ressources halieutiques, forêts, eau, etc.). Ces
comptes donnent eux aussi un éclairage sur le caractère soutenable de la croissance
économique au regard de l’évolution du stock de capital naturel disponible. Ils fournissent
également une évaluation des coûts économiques de l’épuisement des ressources naturelles.

L’évaluation des flux environnementaux non marchands permet la prise en compte des
coûts écologiques liés au fonctionnement de l’économie. L’évaluation de la dégradation,
c’est-à-dire des dommages causés à l’environnement qui ne sont ni corrigés, ni évités, est
55

complexe ; l’estimation peut reposer sur le chiffrage des coûts nécessaires pour éviter les
atteintes, pour restaurer la Nature ou encore tenir compte du consentement à payer des
bénéficiaires des services environnementaux concernés.

En ajoutant ces coûts non payés à la demande finale, telle que mesurée actuellement dans
les comptes nationaux, on ferait apparaître - à PIB et revenu disponible inchangés - que le
véritable coût de la demande finale est supérieur à son prix de marché. En effet, le prix de
marché ne tient pas compte de la consommation d’actifs naturels induite par cette demande.
Ces actifs naturels consommés sont localisés dans le pays considéré, mais aussi à
l’étranger, puisqu’une partie de la demande finale est importée. Au final, c’est l’écart relatif
entre le coût total de la demande finale (y compris les coûts environnementaux) et la valeur
de marché de cette demande qui permettrait de mesurer la distance qui sépare le
fonctionnement actuel de l’économie de ce que serait un fonctionnement véritablement
compatible avec un modèle de développement durable. Cette approche, suggérée en
particulier par A. Vanoli, est sans doute la plus prometteuse d’un point de vue conceptuel.
Elle demanderait toutefois à être précisée et à être assise sur des méthodes d’estimation et des
systèmes d’information adaptés.

Un nombre croissant de pays ont commencé à construire des comptes conformes au SEEA,
en fonction de leurs préoccupations et de leurs priorités environnementales. Les pays
disposant d’importantes ressources naturelles ont souvent développé des comptes
patrimoniaux afin d’améliorer la gestion de leurs ressources. Les grands pays industrialisés,
confrontés
aux problèmes de pollution, ont plutôt axé leurs efforts sur les comptes de protection de
l’environnement.
56
57

Chapitre 5 Le bilan de développement durable en République démocratique du Congo

1. Environnement
1.1. Enjeux de la conservation et gestion durable de l’environnement en RDC
Les ressources naturelles considérables dont dispose la RDC font de leur conservation et
gestion durable un enjeu majeur non seulement pour l’humanité mais avant tout pour les
congolais. Elles contribuent en effet de manière critique à leurs conditions de vie,
particulièrement pour les plus pauvres d’entre eux, et au développement économique du pays
(cf. 3.2.1.).
1.2. Réponses de la RDC aux objectifs de Rio et Johannesburg
Cadre légal
La Constitution du 18 Février 2006 a pris un certain nombre de dispositions en matière de
protection de l’environnement :
Art. 48 : « le droit d’accès à l’eau potable »;
Art. 53 : « Toute personne a droit à un environnement sain et propice à son épanouissement
intégral. Elle a le droit de le défendre. L'Etat veille à la protection de l'environnement et à la
santé des populations »
Art. 54 : « Les conditions de constructions d'usines, de stockage, de manipulation,
d'incinération et d'évacuation de déchets toxiques, polluants ou radioactifs provenant des
unités industrielles ou artisanales installées sur le territoire national sont fixées par la loi.
Toute pollution ou destruction résultant d'une activité économique donne lieu à compensation
et/ou à réparation. La loi détermine la nature des mesures compensatoires, préparatoires ainsi
que les modalités de leur exécution »;
Art. 55 : « Le transit, l'importation, l'enfouissement, le déversement dans les eaux
continentales, et les espaces maritimes sous juridiction nationale, l'épandage dans l'espace
aérien des déchets toxiques, polluants, radioactifs ou de tout autre produit dangereux, en
provenance ou non de l'étranger, constitue un crime pour la loi » ;
Art. 123 (Al. 3, 13,15): « Sans préjudice des autres dispositions de la constitution, la loi
détermine les principes fondamentaux concernant : le régime foncier, minier, forestier et
immobilier, l'agriculture, l'élevage, la pêche et l'aquaculture, ... la protection de
l'environnement et le tourisme ».
58

La loi N°11/009 du 9 juillet 2011 portant principes fondamentaux relatifs à la protection de


l’environnement (dite loi-cadre sur l’environnement) est venue répondre aux engagements de
la RDC pris à Rio en 1992. Elle sert de base aux lois particulières amenées à régir les
différents secteurs de l’environnement ou ayant des impacts sur celui-ci.
S’inspirant des principes de la déclaration de Rio, elle s’articule autour de 9 chapitres traitant
notamment du cadre institutionnel, des mécanismes procéduraux, des mécanismes de
financement, de la gestion et conservation des ressources naturelles, de la prévention des
risques et de la lutte contre les pollutions et nuisances, de la responsabilité civile ainsi que des
infractions et des peines.
Elle a le mérite d’apporter quelques innovations notamment l’obligation d’une étude d’impact
environnemental et social – dont les fondements légaux étaient jusqu’à présent mal établis -,
d’un audit environnemental, d’une évaluation environnementale des politiques, plans et
programmes, la création d’un cadre institutionnel et d’un fonds d’intervention pour
l’environnement et le renforcement des dispositions pénales.
Cette loi est venue pallier à un droit de l’environnement jusqu’alors largement incomplet, voir
inexistant dans certains domaines tels que la gestion des déchets ou l’eau (même si un projet
de code de l’eau existe). Un certain nombre de lois sectorielles avaient cependant adopté des
dispositions relatives à la protection de l’environnement.

De manière sectorielle, la loi n°007/2002 du 11 juillet portant code minier et la loi n°


011/2002 portant code forestier ont apporté des réformes importantes en matière
environnementale dans les activités de l’exploitation, afin que cette dernière ne porte pas
préjudices à l’environnement. A titre d’exemple, la loi portant code forestier privilégie les
études d’impacts environnementaux avant tout développement et mise en œuvre des projets
d’exploitation minière.
Cadre institutionnel et planification
Suite à la Conférence de Rio, il a été créé en avril 1994 (Arrêtés 055 et 056) au sein du
Ministère en charge de l’Environnement, un Comité Interministériel de Coordination (CIC),
chargé d’assurer le suivi et la mise en œuvre des décisions de la CNUED de 1992.
Pour l’exécution pratique des travaux, le CIC s’était doté d’un « Secrétariat Exécutif de la
CNUED 1992 », remplacé au début des années 2000 par la Direction de Développement
Durable, fonctionnant au sein du Ministère en charge de l’Environnement. Cette Direction a
été crée afin d’assurer le suivi et la mise en œuvre des conventions internationales. Pour
59

réaliser son mandat, la direction est dotée de 5 Divisions techniques qui s’occupent
respectivement de changement climatique, de la diversité biologique, de la désertification, du
développement durable et des services environnementaux. Les travaux réalisés par le CIC
ont porté sur l’état des lieux de l’environnement national ainsi que la production, en 1996, du
Plan National d’Action
Environnemental (PNAE) assorti d’un plan d’actions environnementales prioritaires,
transposant au niveau national l’agenda 21 de Rio.
La loi-cadre sur l’environnement a récemment instauré un Conseil national de
l’environnement et du développement durable placé sous l’autorité du premier ministre, afin
de garantir la coordination et la concertation intersectorielles. Ce Conseil a pour mission de
donner des avis, notamment sur la définition et la mise en œuvre de la politique nationale en
matière d’environnement, ainsi que sur l’élaboration des plans et programmes sectoriels en
matière d’environnement ou ayant une incidence sur l’environnement.
La question de l’intégration de l’environnement dans les politiques sectorielles n’est pas
nouvelle. Dès le début des années 2000, le Programme Multisectoriel d'Urgence de
Réhabilitation et de Reconstruction (PMURR) avait impulsé la création de cellules
environnementales au sein des différents Ministères afin d’assurer l’évaluation et le suivi
environnemental des activités financés par le programme. La plupart de ces cellules ont
depuis lors disparues, mis à part quelques exceptions telles que le Ministère en charge des
Infrastructures et des Travaux Publics ou le Ministère des Mines qui a créé Direction Chargée
de la Protection de l'Environnement Minier (DPEM).
En outre, la loi-cadre sur l’Environnement a été l’occasion d’assurer la création d’un
établissement public en charge de l’évaluation, l’approbation et du suivi de la mise en œuvre
des études d’impact environnemental.
Par ailleurs, dans le souci de faciliter les concertations entre le gouvernement de la RDC et ses
principaux partenaires financiers et au développement, 18 groupes thématiques coordonnés
par le Ministère en charge du plan ont été mis en place. Deux de ceux-ci ont un lien direct
avec l’environnement et concernent le domaine de l’eau et assainissement ainsi que celui des
forêts et de la biodiversité.
Enfin, la loi-cadre sur l’environnement a créé un Fonds d’intervention pour l’environnement,
pouvant être alimentées par des ressources nationales ou extérieures et assurant le
financement « notamment de la recherche environnementale, de la conservation de la diversité
60

biologique, des opérations d’assainissement, de prévention et de lutte contre la pollution ainsi


que de réhabilitation et de restauration des sites ou paysages pollués ou dégradés ».
Le Ministère en charge de l’Environnement a souffert tout au long de cette période de déficits
financiers, matériels et de capacités institutionnelles, humaines et techniques dans tous les
sous-secteurs de l’environnement (forêt, conservation de la nature…). Ainsi, dans le cadre
d’une réforme institutionnelle, son organisation a été modifiée en 2009 en vue d’améliorer
l’efficacité de son action, faisant ainsi passer le nombre de ses Directions de 24 à 12.
Mise en œuvre opérationnelle
Malgré l’élaboration de nombreux documents stratégiques et de plan d’actions dans le
domaine de l’environnement, le manque de financement a limité la mise en œuvre sur le
terrain d’actions à grande échelle dans ce sens par le gouvernement. L’essentiel des actions
menées dans le domaine de l’environnement ont été financées par la coopération
internationale et se sont focalisés sur la conservation des forêts et de la biodiversité, à travers
le renforcement des capacités et la gestion durable des ressources naturelles au niveau local. Il
s’agit notamment du « Central Africa Regional Program for the Environment » (CARPE)
financé par l’USAID, le Programme National Environnement,
Forêts, Eau et Biodiversité(PNEFEB ) soutenu par la Banque Mondiale, le Programme de
maintien de la Biodiversité et Forêts (PBF) financé par la coopération allemande (GIZ), ou le
Projet d'appui à la Politique Nationale de Conservation et gestion des forêts et de la
biodiversité soutenu par l’Union Européenne.
1.3. Progrès réalisés et lacunes observées
Si les principales réformes légales et institutionnelles ont été mises en place, la promulgation
tardive de la loi-cadre sur l’environnement et le manque de moyens pour son application et la
mise en œuvre d’actions opérationnelles, notamment le développement des systèmes de
gestion des déchets et des contrôles en matière de pollution, a entrainé une dégradation de la
qualité de l’environnement au cours des vingt dernières. On note notamment l’augmentation
de la pollution des cours d’eau, par exemple par l’utilisation de substances chimiques pour
l’exploitation minière ou le déversement de déchets industriels.
En outre, le manque de coopération intersectorielle dans un contexte de conflits de
compétences entre différents secteurs (miniers, agricoles, forestiers) quant à l’affectation des
terres n’ont pas encore trouvé de solutions institutionnelles et sont particulièrement
problématiques du fait de l’absence d’un schéma d’aménagement du territoire.
2. Changement climatique
61

2.2. Les enjeux


Grâce à son importante forêt tropicale, La RDC séquestre davantage de CO2 qu’elle en émet.
De fait, ses émissions de gaz à effet de serre sont relativement faibles et proviennent avant
tout de la déforestation (environ 80%) et des feux de brousse (près de 15%) . Au vue de
l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre que pourrait entrainer le développement
du pays dans les prochaines années, la RDC dispose d’une opportunité non négligeable
d’atténuation du changement climatique, principalement à travers la réduction des émissions
issues de la déforestation et de la dégradation des forêts dans le cadre de la REDD+ pour
laquelle elle se prépare activement depuis 3 ans et dispose d’un leadership reconnu au niveau
international . Ses forêts stockent environ 40 gigatonnes de carbone (soit l’équivalent de 140
Gt d’émissions potentielles de CO2e).
Même si elle a peu contribué au changement climatique, la RDC pourrait pâtir de manière
importante de ces effets, qui se traduiraient notamment par un accroissement du stress
hydrique, la dégradation des terres, la recrudescence des maladies vectorielles et des
catastrophes naturelles. D’où son intérêt de se prémunir d’une stratégie d’adaptation
Cadre légal
Le cadre légal en matière de changement climatique est encore peu développé en RDC mais
est déjà à l’étude, notamment dans le cadre de la REDD+.
Cadre institutionnel et planification
Deux communications nationales à la convention cadre des Nations Unies sur le changement
climatique (CCNUCC) ont été élaborées par la RDC, la dernière en 2009.
Elles précisent l’inventaire des gaz à effet de serre, les principaux enjeux du changement
climatique pour la RDC, les besoins en termes de transfert de technologies et de renforcement
de capacités ainsi que les projets potentiels d’atténuation et d’adaptation au changement
climatique. Le Plan D’Action Nationale pour l’Adaptation aux changements climatiques
(PANA) a par ailleurs été élaboré en 2005 et un plan climat est en cours de développement. Il
n’existe cependant pas encore de comité interministériel traitant cet enjeu dans sa globalité.
L’engagement de la RDC dans le processus REDD+, pour lequel elle nourrit une ambition
importante, a été traduite par l’élaboration de son Plan de Préparation à la REDD+ , approuvé
en 2009 dont la mise en œuvre en cours devra aller jusqu’à la fin 2012 sur financement de
partenaires internationaux dont notamment l’ONU-REDD et le Fonds de Partenariat pour le
Carbone Forestier (FCPF). Dans cette perspective, elle a commencé à mettre en place le cadre
institutionnel nécessaire, notamment :
62

Un comité national REDD, organe d’orientation et de décision, impliquant toutes les parties
prenantes, notamment la société civile, et des représentants des communautés autochtones et
locales;
Un comité interministériel, organe de planification ;
Une coordination nationale REDD, en charge de coordonner les activités au jour le jour
Un Groupe Technique Climat REDD (GTCR) représentant la Société Civile dans le
processus;
La déclinaison de ces institutions au niveau provincial est également envisagée.
Des études d’accompagnement à la mise en place d’une stratégie nationale REDD sont
également prévues et visent, à terme, à établir un scénario de référence, un cadre légal de
gestion et de suivi, une stratégie de lutte contre la déforestation et un système de surveillance
des forêts.
Mise en œuvre opérationnelle
La mise en œuvre d‘une véritable politique publique dans ce domaine est encore faible mais
devrait s’engager dans un avenir proche avec l’entrée du processus REDD+ dans sa phase
d’investissement, notamment avec l’appui du Programme d’Investissement Forêts (PIF) de la
Banque Mondiale, et l’élaboration de NAMAs dans les secteurs agricole et énergétique. 9
projets pilotes REDD+ ont déjà été lancés dont 3 sont soutenus par le Fond Forestier du
Bassin du Congo (FFBC). De même, le FEM et le PNUD ont soutenu un projet de production
de semences améliorées pour une adaptation de l’agriculture aux changements climatiques.
Quelques projets MDP ont émergé en RDC mais un seul a été enregistré au sein de la
CCNUCC : le projet Ibi Batéké, premier projet forestier en Afrique à l’être. Toutefois, aucun
projet MDP n’a encore généré de certificats de réductions d’émissions. Par ailleurs, des
projets de recherche dans ce domaine se sont développés, notamment afin de mieux
comprendre les effets attendus du changement climatique en RDC et leurs impacts sur les
populations. Enfin, la RDC a amorcé un processus d’élaboration d’un plan national climat qui
devra constituer le cadre intégral de mise en œuvre des programmes que ce soit pour
l’atténuation ou pour l’adaptation. Cet exercice permettra en outre la mise en évidence des
opportunités de développement, de diversification de l’économie et de modernisation du pays
à travers les programmes de lutte contre les changements climatiques.
2.4. Progrès réalisés
La RDC ne s’était pas engagée à réduire ses émissions de GES mais à coopérer et à mettre en
place le cadre institutionnel pour lutter contre le changement climatique avec l’appui financier
63

des pays développés. Le pays a fourni des efforts pour fait face à ses obligations dans ce
domaine et sa préparation au mécanisme REDD+ apparait particulièrement sérieuse. On note
cependant le manque de mise en œuvre jusqu’à présent des projets nécessaires d’atténuation
et d’adaptation au changement climatique, faute de financement disponible et de capacité,
ainsi que le manque de connaissance scientifique quant aux effets attendus du changement
climatique sur le pays.
3. Biodiversité
3.1. Les enjeux de la protection de la biodiversité en RDC
La RDC se classe au cinquième rang mondial par sa diversité animale et végétale. Elle
dispose de la plus grande biodiversité d’Afrique avec plus de 10 000 espèces de plantes
supérieures dont 3 000 endémiques, 480 espèces de mammifères (dont tous les grands
animaux de l’Afrique), 565 espèces d’oiseaux, 1 000 espèces de poissons, 350 espèces de
reptiles, 220 espèces de batraciens et plus de 10 000 angiospermes dont 3 000 seraient
endémiques. La RDC dispose de cinq sites naturels reconnus comme Patrimoine Mondial, soit
davantage que tous les autres pays africains réunis. La préservation de la biodiversité en RDC
est avant tout assurée par le système des aires protégées. Il importe donc de les gérer de
manière efficace afin qu’elles continuent à jouer leur rôle de préservation des écosystèmes et
de la biodiversité.
3.2. Réponses de la RDC aux objectifs de Rio et Johannesburg
Cadre légal
Deux projets de loi, sur la conservation de la nature d’une part et sur la biodiversité d’autre
part, ont été élaborés mais n’ont pas été encore adoptés par l’assemblée nationale.
Certaines dispositions générales ayant trait à la conservation de la biodiversité ont été
néanmoins inclues dans la loi-cadre sur l’environnement. Par ailleurs, le code forestier, adopté
en 2002, prévoit de porter la surface vouée à la conservation de la biodiversité à 15 % du
territoire national. La déclaration de Nagoya porte cette superficie à 17 %.
Cadre institutionnel et planification
Le pays a adopté en 2002 une stratégie nationale de la diversité biologique assortie d’un plan
d’action. Celle-ci devra cependant être révisée au regard des évolutions intervenues entre
temps et de concepts émergents liés à ce secteur.
La revue institutionnelle du secteur Environnement a conduit à une restructuration dans le
domaine de la conservation de la biodiversité, accordant ainsi le mandat de la gestion des
aires protégées de la RDC à une seule institution au lieu de deux comme auparavant,
64

dénommée « Institut Congolais pour la Conservation de la Nature-ICCN » qui, par la même


occasion, a été transformée en un établissement public. Un plan stratégique pour sa reforme
et renforcement a été défini. Il inclut : Une clarification des missions de l’ICCN ; Une
identification des besoins prioritaires de renforcement sur les fonctions-clés ;
L’ouverture progressive de la gestion des aires protégées et l’exercice de certaines fonctions
(externalisation) ;
La redéfinition des rôles et des modalités de coopération avec les différents partenaires de
l’Institut ; L’amélioration de l’organisation interne ; Le renouvellement des effectifs et la
modernisation de la gestion des Ressources Humaines ;
Le renforcement de la fonction financière, pour la rendre plus efficace et transparente.
Par ailleurs, différents documents stratégiques ont été produits par l’ICCN au cours des 10
dernières années. Ils ont porté avant sur les moyens de renforcer la gestion et l’effectivité des
aires protégées ainsi que de mieux associer les populations riveraines à la gestion de ces aires.
Mise en œuvre opérationnelle
Avec l’appui de la coopération internationale, différents programmes ont visé l’appui à la
conservation d’habitats clés en termes de la biodiversité ainsi que la réforme et le
renforcement de l’ICCN qui s’est officiellement engagée à partir de 2008. Celui-ci manque
cependant toujours des moyens nécessaires à son action.
3.3. Progrès réalisés et lacunes observées
La RDC a mis en place un réseau d’aires protégées couvrant actuellement environ 11% du
territoire national (contre 9% en 1990 ), au sein duquel la quasi-totalité de la diversité des
écosystèmes du pays sont représentés. Cependant, à la suite des conflits armés, des
déplacements de population et la persistance de factions armées incontrôlées les aires
protégées, en majorité situées dans l’Est du pays, se trouvent aujourd’hui dans une situation
très critique. Faute de moyens et face à la pression conjuguée des populations riveraines et des
groupes armés à la recherche de périmètres de culture ou de ressources fauniques, ligneuses
ou minières, ces aires protégées ne sont le plus souvent pas en mesure d’assurer une
conservation effective de la diversité biologique du pays. Un grand nombre n’existent plus
que sur le papier. Les efforts déployés par l’ICCN avec l’appui de la communauté
internationale pour lutter contre ces facteurs de dégradation de la biodiversité sont certes
notables, mais restent insuffisants par rapport à l’ampleur du défi.
Ainsi, la chasse, la destruction des habitats, la pollution des cours d’eau a entrainé un déclin
des effectifs des espèces fauniques, notamment les plus emblématiques telles que les
65

hippopotames (±22000 avant conflit et ±6000 actuellement), les crocodiles, les grands
prédateurs (léopards, lions…), le rhinocéros blanc, au point que 190 espèces, parmi lesquelles
les éléphants et les gorilles de montagne, sont aujourd’hui sur la liste rouge des espèces
menacées selon l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN).
La richesse biologique du pays reste encore très largement méconnue, tant les inventaires
réalisés sont sporadiques et parcellaires. Selon Debroux et al. (2007) : « La diversité
biologique de la RDC est la moins bien connue d’Afrique. De vastes régions forestières sont
encore inexplorées et certains groupes taxonomiques sont à peine répertoriés ».
Certaines autres espèces disparaissent avant même qu’on les ait découvert et cela nuit à la
bonne planification et gestion de leur conservation.
L’écotourisme a toutefois commencé à se développer au sein de certaines aires protégées,
apportant ainsi sa contribution aux efforts de conservation de mobilisation interne des
recettes.
4. Lutte contre la désertification et dégradation des terres
4.1. Les enjeux
Alors que la désertification ne touche pas la RDC, le Plan National d’Action Environnemental
(PNAE) reconnaît comme crucial la problématique de la dégradation physique des terres.
En milieu rural, la pratique du brulis, utilisée non seulement pour des raisons culturelles mais
surtout agricoles, en est une des principales causes. En l’absence de capacités pour intensifier
l’agriculture (accès aux semences améliorées, aux intrants…), la pression démographique se
traduit par une augmentation des surfaces cultivées et une réduction du temps de la jachère.
Ce processus entraîne une dégradation de la fertilité des sols jusqu’à les rendre parfois
improductifs..
Cette dégradation des sols a des conséquences négatives non seulement sur le plan agricole
mais également sur le plan environnemental. En rendant nécessaire la recherche de nouvelles
terres pour l’agriculture, elle est en effet une cause majeure de la déforestation.
En l’absence de droits fonciers bien établis et de planification urbaine, l’exode rural amène
des populations nombreuses à venir s’installer sur des zones fragiles, parfois non
construisibles, avec des conséquences graves en termes d’érosion des sols, comme c’est le cas
à Kinshasa et dans plusieurs centres urbains.
4.2. Réponses de la RDC aux objectifs de Rio et Johannesburg
Cadre légal
66

Les codes forestier et agricole, promeuvent des pratiques visant à limiter la dégradation des
terres, objectif qui n’a pas fait l’objet d’un cadre légal spécifique. Le projet revu de la loi
foncière, validé sur le plan technique, prévoit d’importantes innovations en matière de gestion
des terres et son adoption devrait sécuriser les affectations des terres suivant leurs vocations
prioritaires.
Cadre institutionnel et planification
Un Comité National de Lutte contre la désertification (CN/LCD) a été mis en place en 2004
pour coordonner l’action des différents Ministères concernés. Il a élaboré en 2006 un
programme d’action national de lutte contre la dégradation des terres et la déforestation.
Mise en œuvre opérationnelle
Le manque de financement a limité très fortement les actions menées pour lutter contre la
dégradation des terres et très peu de projets spécifiques ont été élaborés en République
Démocratique du Congo dans ce domaine. Toute fois, certains projets agricoles ou forestiers
ont concerné de manière indirecte ce problème. Il s’agit notamment, des projets Mampu et Ibi
Batéké exécutés dans les environs de Kinshasa, qui ont permis la restauration de terres
dégradées par la mise en place de systèmes agro-forestiers performants.
.4.3. Progrès réalisés
Malgré les efforts sur le plan institutionnel, peu de solutions ont été jusqu’à présent apportées
à ce problème et la dégradation des terres s’est aggravée depuis 20 ans en RDC.
5. La gestion durable des forêts
5.1. Les enjeux de la gestion durable des forêts en RDC
La gestion durable des forêts occupe une position centrale dans le développement durable de
la RDC. En effet, la forêt est tout d’abord essentielle à la survie et au développement d’au
moins 40 millions de Congolais et la majeure partie des quelques 500 000 autochtones en
dépendent presque totalement tant du point de vue économique que socialement et
culturellement. En outre, sa gestion durable est nécessairement le principal objectif de toute
stratégie de lutte contre le changement climatique et de conservation de la biodiversité en
RDC.
5.2. Réponses de la RDC aux objectifs de Rio et Johannesburg
Cadre légal
L’adoption d’un nouveau code forestier en 2002 est venu mettre fin à des lacunes importantes
dans ce domaine. Fondée sur la vision d’une gestion rationnelle et durable des ressources
forestières il apporte les innovations suivantes :
67

Le découpage des priorités selon leur vocation prioritaire :


conservation de la biodiversité (« forêts classés), développement local (« forêts protégées »)
ou production durable de bois ou d’autres biens/services (« forêts de production permanente
») ;
Les consultations publiques avant l’affectation des forêts ;
Le maintien des droits d’usage traditionnels ;
L’aménagement durable et la conservation des écosystèmes dans toutes les forets de
production ;
Le droit des communautés locales de gérer directement les forêts qu’elles détiennent en vertu
de la coutume
La transparence dans l’allocation des concessions ;
Le partage des bénéfices issus de l’exploitation à travers d’une part la rétrocession aux
provinces et territoires de 40 pour cent des redevances de superficie et d’autre part la
fourniture de biens sociaux par les entreprises forestières dans le cadre de cahiers des charges
négociés avec les villages riverains
La participation de tous les acteurs dans les choix de gestion ;
Les usages alternatifs tels que les concessions de conservation, la prospection biologique, le
tourisme et les services environnementaux.
Toutefois, quelques textes d’application du code forestier restent encore à compléter. Alors
que les concessions forestières avaient été longtemps attribuées sans consultation locale, sans
considération pour d’autres usages des forêts, et sans rémunération équitable pour le pays, le
gouvernement congolais a entamé à partir de 2002 un processus de réforme de son secteur
forestier et procédé à à une revue légale et à la conversion des titres forestiers, annulant au
passage bon nombre d’entre eux.
La superficie concédée est ainsi passée d’environ 43,5 millions d’hectares avant 2002 à 22
millions après le ménage opéré dans le secteur forestier au lendemain de la promulgation du
nouveau code forestier, pour finalement retomber à quelques 12 millions actuellement à la
suite de cette revue Un moratoire sur l’attribution de nouvelles concessions a été proclamé en
parallèle en 2002, mais son application n’est intervenu qu’en 2004 par sa publication au
journal officiel.

Cadre institutionnel et planification


68

Outre le Comité consultatif national des forêts prôné par le nouveau code forestier et rendu
exécutoire par le décret N° 08/03 du 21/05/2009, des Conseils consultatifs provinciaux des
forêts, dont l’opérationnalisation, prévue par arrêté N° 034/CAB/MIN/ECN-EF/2006 du 05
0ctobre 2006 sont en train de se mettre progressivement en place. Ces conseils multi-acteurs
et multipartites, ont un rôle essentiel d’orientation et de décisions sur toutes les questions liées
à la gestion durable des forêts. Un « Fonds Forestier National (FFN) » a été institué par le
code forestier. La mission dévolue à ce dernier est de financer les opérations de reboisement,
d’inventaire et d’aménagement ainsi que des études relatives au développement durable.

Par ailleurs, pour garantir la légalité du commerce de bois d’œuvre dans les marchés
européens, la RD Congo est en train de négocier avec l’Union Européenne un accord de
partenariat volontaire dans le cadre de l’initiative FLEGT portant sur l’application des
règlementations forestières, la bonne gouvernance et les échanges commerciaux.

Enfin, une dimension structurante du cadre institutionnel du secteur forêt en RDC est son
intégration dans une nouvelle dynamique sous-régionale au niveau de l’Afrique Centrale.
Celle-ci est en train de se mettre en place, à travers quelques initiatives dont la Commission
des Forêts d’Afrique Centrale (COMIFAC), la Conférence sur les Ecosystèmes de Forêts
Denses et Humides d’Afrique Centrale (CEFDHAC), le Partenariat sur les Forêts du Bassin
du Congo (PFBC)…

Mise en œuvre opérationnelle

Un certain nombre de programmes (voir partie environnement) et projets ont été mis en œuvre
par le gouvernement et les ONG avec l’appui des bailleurs de fonds pour assurer une gestion
durable des forêts mais cela reste faible au regard des besoins.

Par ailleurs, les acteurs privés de la filière bois mettent en œuvre progressivement leurs
obligations définies dans le code forestier. Les plans d’aménagement sont en train d’être mis
en place dans les concessions forestières, s’accompagnant pour certaines de certifications
FSC, ainsi que les cahiers des charges visant à assurer des bénéfices aux populations locales.
69

L’administration manque toutefois des moyens financiers, matériels et humains pour assurer
le suivi et le contrôle de l’application de la loi ainsi que la mise en œuvre effective de la
politique, par exemple le zonage des forêts.

5.3 Progrès réalisés

L’adoption du code forestier et la réduction des titres de concessions forestières octroyées,


assorties du moratoire sur les nouvelles concessions, ouvrent la voie à une gestion de la forêt
plus propice au développement durable. Les dispositions du code forestier sont
progressivement mises en œuvre même si la population reste peu informée et de nombreux
textes d’application manquent toujours. Toutefois, les carences importantes de
l’administration constituent un obstacle majeur pour le secteur, tout comme le manque de
coopération intersectorielle.

Les conflits armés et l’instabilité politique qui ont caractérisé la RDC au cours des années
90 ont aggravé les problèmes environnementaux, notamment via les déplacements de
population, et considérablement affaibli les institutions et l’administration publique. Bien que
de nombreuses lacunes subsistent - notamment l’absence de mécanismes opérationnels de
coopération intersectorielle - des progrès notables ont été accomplis pour mettre en place un
cadre légal et institutionnel favorable à la conservation de l’environnement depuis le début
des années 2000. Différentes stratégies et plan d’actions ont été conçues également dans ce
sens..

Bibligraphie

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