Notes de Cours d'EDUCIT

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UNIVERSITE DE KINSHASA

Faculté des Lettres et Sciences Humaines


Département de Philosophie
B.P. 243
KINSHASA XI

COURS D’EDUCATION A LA CITOYENNETE


Notes de cours destinées aux étudiants B 1/ Médecine dentaire

Professeur TUMBA M. Christian

Année académique 2022 - 2023


2

INTRODUCTION
L’homme ne peut devenir homme que par l’éducation. Il n’est que ce que
l’éducation fait de lui. Eduquer, disait Kant, c’est faire sortir l’homme de son état
d’animalité en l’introduisant dans l’humanité 1. L’éducation est avant tout un effort de
transformation de l’homme. « Cela suppose qu’on lui transmette, dans la mesure du
possible, ce que l’humanité a fait de meilleur ou de plus utile, ou qu’elle juge être tel :
certains savoirs et savoir-faire (à commencer par la parole), certaines règles, certaines
valeurs, certains idéaux, enfin l’accès à certaines œuvres et la capacité d’en jouir. »2

Dans le cadre de notre cours, il ne s’agit pas d’une éducation dans son sens
général, mais d’une éducation à la citoyenneté. C’est-à-dire, il s’agit de transmettre à
l’homme ce qui est propre à un citoyen 3 : l’ensemble des droits dont il jouit et des
devoirs qui lui incombent. Eduquer à la citoyenneté est donc « un processus à travers
lequel les citoyens doivent acquérir des attitudes progressistes leur permettant non
seulement de s’acquitter de leurs devoirs de citoyens, mais aussi de bénéficier de leurs
droits civils et politiques »4. Cela nécessite une certaine responsabilité de la part du
citoyen. Et les responsabilités politique, sociale, économique, écologique, etc.
nécessitent une préparation. Cela en se référant aux valeurs de la démocratie et des droits

1
KANT, E., Réflexions sur l’éducation, Paris, J. VRIN, 2000, p. 93-94.
2
COMTE-SPONVILLE, A., Dictionnaire philosophique, Paris, PUF, 2001, p. 194.
3
Citoyen : c’est un membre d’une cité en tant qu’il participe au pouvoir souverain et lui est soumis. Cela suppose
que cette cité soit démocratique, car il n’y a des citoyens que dans une cité démocratique. Cité : c’est un ensemble
des individus soumis à une même loi, celle du souverain. Ces individus qu’on appelle citoyens doivent avoir une
conscience commune d’un passé commun, d’un même destin et d’une même volonté commune de vivre ensemble.
Etre citoyen : c’est se sentir interpellé par la nation et par son concitoyen, se sentir responsable de la destinée
heureuse ou malheureuse de toute sa communauté, de toute sa nation. Se reconnaître citoyen : c’est assumé sa
citoyenneté au-delà de l’acte d’inscription de soi aux registres des services de l’état civil de sa mairie, de sa
commune, de son pays. Citoyenneté : c’est la qualité d’un citoyen jouissant de l’ensemble de ses droits civiques
dans un Etat ou dans une communauté politique. Elle est un statut juridique des membres d’un Etat ou d’une
communauté internationale (la citoyenneté européenne) par naissance ou par la naturalisation. Elle est un statut
actif, car elle ne se chante pas mais se prouve ; elle ne se proclame pas mais se vit par des actes de conformité aux
lois du pays et la détermination à contribuer à sa prospérité et au bonheur de ses habitants. Communauté nationale :
c’est l’ensemble d’hommes et des femmes partageant la même culture, la même histoire et uni par la volonté de
vivre ensemble au sein d’un même Etat.
4
MBAMBI MONGA OLIGA, M., Le développement par l’éducation à la citoyenneté, Kinshasa, P.U.K., 2006, p.
7.
3

de l’homme. Ce n’est que dans ce sens que l’homme peut devenir libre, autonome,
capable de comprendre le monde et d’agir sur lui.

En effet, une éducation à la citoyenneté ne peut être l’objet d’une discipline


spécifique. Car, quel qu’en soit son contenu, il serait vain d’attendre d’un enseignement
d’éducation civique, juridique et sociale qu’il puisse former des citoyens dont nous
venons d’évoquer les qualités, d’autant plus qu’il doit faire l’objet d’une évaluation
académique. Peut-on espérer décerner un diplôme de graduat, de licence ou doctorat de
citoyenneté ?

En fait, c’en en « citoyennant » qu’on devient citoyen. L’éducation à la


citoyenneté est donc une démarche :

1. Une démarche qui doit pouvoir faire appel à toutes les disciplines, tant en termes
d’acquisition de savoirs qu’en termes de maîtrise de savoir faire spécifique : être
capable d’argumenter et de débattre, apprendre à réguler positivement les
conflits et à vivre ensemble, etc.
2. Une démarche qui conjugue nécessairement et solidairement la relation entre les
individus : le temps que les étudiants prennent à l’université doit jouer un rôle
déterminant dans le processus de socialisation qui doit les amener, chacun, à
considérer l’autrui, non comme un obstacle à l’expression de sa liberté, mais
comme la condition même de la mise en œuvre de cette liberté. Car on est libre
qu’avec autrui. Il faut aussi que pendant ce temps là, les étudiants comprennent
que la loi et les règles ne sont pas un but absolu, mais un moyen nécessaire à la
vie en société.
3. Une démarche qui implique divers acteurs et qui veut que chacun à son niveau
soit responsable.

Pour notre pays qui est encore dans une période d’apprentissage démocratique,
un besoin impérieux de refondation morale, politique et mentale se fait de plus en plus
4

sentir. D’où l’importance de ce cours dans la formation du citoyen congolais en général


et de l’universitaire congolais en particulier.

1. OBJECTIFS GENERAUX DU COURS

Un cours d’éducation à la citoyenneté dans une institution académique doit, en


principe, répondre à une double exigence :

1. Une exigence externe à l’institution académique qui pourrait être déclinée


comme étant sa contribution, nécessaire et légitime, au maintien – voire à la (re)
construction – de la cohésion de la société civile dans un contexte socio-
économique et politique pouvant favoriser, si on y prend garde, la dilution des
valeurs fondatrices de la démocratie (L’institution académique est comprise ici
comme l’ultime recours pour pallier les effets désintégrateurs de
l’individualisme, de la précarité, de l’exclusion et de la perte du civisme).
2. Une exigence interne à l’institution académique elle-même. Parce qu’elle ne
peut vivre en ignorant les réalités extérieures qui sont celle que vivent les
étudiants qui la fréquentent, elle ne peut plus se contenter de la seule dimension
académique de sa mission. Si elle veut que ses usagers trouvent un sens à leur
présence en ses murs, elle se doit aussi d’y organiser le vivre-ensemble.

2. OBJECTIFS SPECIFIQUES DU COURS

Dans le cadre de notre pays (la République Démocratique du Congo) qui fait
encore son apprentissage démocratique, une éducation à la citoyenneté doit, entre autre
aussi:

1. Rendre les citoyens capables de participer à l’expression et aux pratiques


propres à rendre plus parfaite la participation du peuple à l’exercice du
pouvoir.
5

2. Convaincre les citoyens à adopter, chacun dans sa vie concrète, des


attitudes les rendant capables de contribuer à l’amélioration de leur propre
milieu de vie5.

3. Donner des connaissances et des informations requises pour être un bon


citoyen en République Démocratique du Congo, en particulier, et dans
notre monde, en général. En effet, l’ignorance est souvent la source de
beaucoup de maux ; une personne ignorante est vouée sinon à végéter, du
moins, incapables de distinguer le bien du mal. C’est ainsi qu’en
transmettant, « dans la mesure du possible, ce que l’humanité a fait de
meilleur ou de plus utile, ou qu’elle juge être tel : certains savoirs, savoir-
faire (à commencer par la parole) et savoir – être, certaines règles,
certaines valeurs, certains idéaux, nous espérons former ou encore, forger
des bons citoyens.

4. Conscientiser et/ou sensibiliser : il s’agit de former les étudiants à prendre


conscience de leur responsabilité dans l’avenir de la nation ; car
l’inconscience ou l’indifférence face à la grave crise que connaît le pays
est un signe d’immaturité humaine. Futurs cadres de demain, les étudiants
(jeunes) doivent, progressivement, faire leurs les problèmes du
développement du Congo.

5. Façonner une nouvelle jeunesse, dynamique, entreprenante, passionnée


pour le bien et pour la vérité, déterminée à changer le cours de l’histoire
plutôt que de la subir comme une fatalité ; une jeunesse compétitive plutôt
que oisive, passive, sans nobles ambitions… ;

6. Aiguiser la conscience nationale contre ;


• le démon de séparatisme et de retranchement tribalo – ethnique ;
• les velléités de la balkanisation qui écume certaines personnes mal
intentionnées, avides et victimes des manipulations de la part des
multinationales ivres de convoitise.

5
MBAMBI MONGA OLIGA, M., O.C, p. 8.
6

• La concupiscence, les agressions, l’hégémonie et les menaces


d’enterrer la nation.

Le cours se donne l’ambition de contribuer tant soit peu à l’effort de


transformation de l’homme ; c’est – à – dire, le sortir de son état d’animalité en
l’introduisant dans l’humanité, comme l’affirme Kant. 6. Cela, nous l’avons souligner
plus haut, suppose qu’on lui transmette, dans la mesure du possible, ce que l’humanité
a fait de meilleur ou de plus utile, ou qu’elle juge être tel : certains savoirs et savoir-
faire, certaines règles, certaines valeurs, certains idéaux, enfin l’accès à certaines
œuvres et la capacité d’en jouir. »7 Nous sommes en droit de nous interroger sur
l’homme, sujet au cœur des investigations afin de découvrir ce qu’il et à quoi aspire - t
– il. La question est : qu’est – ce que l’homme ?

6
KANT, E., Réflexions sur l’éducation, Paris, J. VRIN, 2000, p. 93-94.
7
COMTE-SPONVILLE, A., Dictionnaire philosophique, Paris, PUF, 2001, p. 194.
7

CHAPITRE PREMIER
QU’EST-CE QUE L’HOMME ?

Cette grande question qui retient l’attention de tout penseur peut avoir plusieurs
réponses ou approches selon les domaines ou les champs d’investigation (Philosophie,
Droit, Economie, Médecine, Sociologie, etc). Dans le cadre de ce cours, nous allons
uniquement examiner le point de vue d’Aristote pour des raisons pédagogiques.

I.1. APPROCHE D’ARISTOTE

Dans son ouvrage intitulé : la Politique, Aristote, nous donne la célèbre


définition de l’homme. Il dit : « l’homme un « politikon zoon », « un animal
politique ». Il écrit et précise sa pensée :
« Ces considérations montrent donc que la cité (polis) est au nombre des réalités
qui existent naturellement, et que l’homme est par nature un animal politique.
Et celui qui est sans cité (polis), naturellement et non par suite des circonstances,
est ou un être dégradé ou au-dessus de l’humanité8. Il est comparable à l’homme
traité ignominieusement par HOMERE de :
Sans famille, sans loi, sans foyer,
Car, en même temps que naturellement apatride, il est aussi un brandon de
discorde, et on peut le comparer à une pièce isolée au jeu de trictrac.
Mais que l’homme soit un animal politique 9 à un plus haut degré qu’une abeille
quelconque ou tout autre animal vivant à l’état grégaire, cela est évident10 ».

Une telle définition relève de la conception anthropologique de l’homme.


L’essence de l’homme dans cette approche, réside dans son appartenance à la cité (le
polis), ici, la communauté, la nation ou pays, etc. Sortir de l’état d’animalité pour l’état

8 Autre traduction, « est ou une bête sauvage ou un dieu ».


9 L’expression « animal politique » doit être comprise au sens de « animal social » ou « animal
civique », attaché à la cité (polis).
10 Aristote, La Politique, Paris, Vrin, 1962/1995, pp. 28-29.
8

d’humanité, veut dire que l’homme entre dans la société humaine où il forme la famille,
le village, etc. C’est dans la « polis » qu’il se réalise homme et qu’il réalise également
son bonheur. Ce bonheur est communautaire (partagé avec l’autre). On sent très vite que
la question de l’homme est intrinsèquement liée à celle du bonheur. Qu’en est – il alors
du bonheur ?

I.2. L’HOMME ET LE BONHEUR

Aristote, disciple de Platon, lui-même disciple d’un grand sage d’Athènes,


Socrate ; s’est penché sur la problématique. En effet, Athènes (où il vivait) était une ville
où bouillonnent plusieurs courants de pensée (plusieurs philosophies) à savoir : la
pensée de Socrate, celle de Platon, des Sophistes et d’Aristote lui – même, qui, après
avoir quitté son maître, est allé fonder sa propre « école de philosophie ». Dans ce
bouillonnement des pensées, la jeunesse athénienne en quête du bonheur se perd ; ne
sachant de quel côté se trouve la vérité. Les sophistes fascinent et séduisent plus d’un ;
et la confusion règne sur le vrai sens de la vie et des choses, notamment sur le sens du
bonheur. C’est dans ce contexte chaotique que des familles riches vont faire appel à
Aristote, le sage de la Cité après Socrate, pour aider leurs enfants à comprendre le sens
de la vie humaine, du bonheur ou du Bien. Il élabore son enseignement orienté
essentiellement vers l’éthique, publié plus tard dans son ouvrage resté célèbre jusqu’à
nos, « Ethique à Nicomaque ». Cet ouvrage s’ouvrage sur une déclaration forte : « Tout
art et toute investigation, et pareillement toute action et tout choix tendent vers quelque
bien, à ce qu’il semble. Aussi a-t-on déclaré avec raison que le Bien (Bonheur) est ce à
quoi toutes choses tendent ». 11

Si toutes choses tendent vers le Bien/le Bonheur ; toute action, y compris l’agir de
l’homme à cette finalité, on est en droit de se demander, avec raison d’ailleurs : qu’est-
ce que le « Bien » ou qu’est-ce que le « bonheur » ? Est – il une satisfaction des
plaisirs, des honneurs reçus, les richesses amassées ; tel que les traditions populaires
conçoivent ? Tel que nous le pensons ?

11 Aristote, Ethique à Nicomaque, Paris, Vrin, 1959, pp. 31-32.


9

Son jugement sur ces conceptions populaires du bonheur est sans appel. Paulin
Manwelo12 résume ce jugement : ces conceptions sont toutes inadéquates, voire indignes
de l’homme. Et pour causes : limiter le bonheur aux plaisirs serait assimiler l’homme à
l’animal, car quand bien même les plaisirs seraient importants pour l’homme, ils sont
davantage l’apanage des animaux, surtout lorsqu’il est question des plaisirs liés au sexe,
à l’amusement et autres pratiques de ce genre. Choisir une « vie de jouissance », « une
vie bestiale » constitue, à coup sûr, une « bassesse13 ».

Quant aux honneurs ou aux privilèges, surtout les honneurs « politiques », c’est là
un choix de vie dangereux, mieux, « superficiel », dans la mesure où l’honneur « dépend
plutôt de ceux qui honorent que de celui qui est honoré14 ». Si l’honneur représente le
bonheur recherché, qu’adviendrait-il lorsque, par exemple, on cesse, pour une raison ou
une autre, d’assumer plus les fonctions politiques ou autres de ce genre ? L’on comprend
ici pourquoi certains hommes politiques s’accrochent au pouvoir, à tout prix, par peur
de prendre les honneurs dus à leurs rangs. Pour Aristote, le bonheur basé sur le bonheur
ou les privilèges fonctions sociales est éphémère : il dure souvent l’espace d’un matin.
Le vrai bonheur est « quelque chose de personnel à chacun et qu’on peut difficilement
nous ravir15 ».

Il en est de même de la conception du bonheur comme recherche de la richesse.


Cette conception est généralement celle de « l’homme d’affaires16 ». Ici aussi, Aristote
est formel : « la richesse est n’est évidemment pas le bonheur que nous cherchons : c’est
seulement une chose utile, un moyen en vue d’une autre chose17 ». En d’autres termes,
rechercher la richesse pour la richesse représente un genre de vie tronquée ; un choix de
vie qui n’est pas digne d’un être humain. Car, cela peut avoir des conséquences néfastes

12
Manwelo, P., Cours d’Education à la citoyenneté, inédit.
13 Aristote, Ethique à Nicomaque, Paris, Vrin, 1959, pp. 31-32.
14 Idem, p. 43.
15 Idem, p. 44.
16 Par « hommes d’affaires », Aristote entend les commerçants qui sont entièrement voués à

l’enrichissement (Idem, p. 45).


17 Idem, p. 45 (c’est nous qui soulignons).
10

sur d’autres plans, tel un enrichissement illicite ; un enrichissement aux dépens des
autres membres de la communauté.
Si nous devons réfuter ces conceptions erronées du bonheur, la question qui se
pose avec acuité est : qu’est-ce que le bonheur pour un être humain ? De quoi le bonheur
« humain » est-il fait ?

Ces interrogations fondamentales sont pertinentes et méritent notre attention et


surtout quand il faut chercher à savoir quelles sont les voies (moyens) par lesquelles
l’homme parviendrait au bonheur. Y arrivera – t – il seul ou avec l’autre (avec qui il
forme la société) ?

Les deux ouvrages d’Aristote « Ethique à Nicomaque » et « la Politique » nous


proposent trois voies d’accès au bonheur partagé. Il s’agit :
1. de la raison (la voie de la raison) ;
2. des vertus ;
3. du meilleur régime politique (bonnes Institutions)

I.2.1. La raison

La raison est fondamentale à l’homme. Elle est l’activité rationnelle, la capacité de


distinguer le bien et le mal. Nous partageons les cinq sens avec les animaux (vue, ouïe,
odorat, toucher, goût), mais pas la raison. Seul l’homme possède la raison. Elle est la
voie qui conduit à la sagesse et à l’intelligence de l’univers. Sans un bon usage de la
raison, on verse dans l’animalité.18

La raison, moteur de toutes les articulations langagières et berceau des


significations, est l’instant qui qualifie l’homme et le différencie de bien d’autres êtres.
« La conscience ou la raison détermine l’être ».19 Dans le dévoilement de l’humain, c’est
bien l’instant critique qui permet à celui-ci de réfléchir, de raisonner (de poser des actes
mentaux, de réaliser des constructions mentales, des agencements d’idées et des

18 MANWELO M. P., Cours d’Education à la citoyenneté, Université de Kinshasa, Inédit.


19 LEVINAS, E., « Quelques réflexions sur la philosophie de l’Hitlérisme »., p. 116.
11

propositions) et d’agir. Il se reconnaît, à la vue de cela, plus qu’un amas matériel. Il est
doté d’un pouvoir rationnel grâce auquel il pense, conceptualise et théorise. Il approche
les réalités-problèmes et exerce son savoir et son savoir-faire. L’homme doit ses mérites
à la cohérence de sa pensée et de son langage, à la vérité de ses jugements et à la validité
de ses raisonnements. « La lumière de la raison suffit pour chasser les ombres de
l’irrationnel ».20

Les capacités de l’homme d’appréhender les faits, la potentialité de son


intelligence lui offrent les possibilités de résoudre les problèmes et les difficultés
multiples. Comme expression de la rationalité, l’intelligence est une nouvelle manière
et une nouvelle possibilité qui permet à l’homme de s’épanouir dans bien d’autres
domaines que la matérialité pure.

Mutunda Mwembo, en penseur aguerri, énumère succinctement les fonctions


importantes et déterminantes de la raison. Il écrit à ce sujet : «… toutes les tentatives de
définition de l’homme exaltent la grandeur de la raison. Celle-ci est une faculté
multifonctionnelle qui permet à l’homme de contourner des difficultés concrètes et de
résoudre des problèmes pratiques, de s’organiser individuellement et socialement,
d’appréhender les lois fonctionnelles du réel, d’accroître sa connaissance, de créer la
culture et de percer les mystères de la vie. Qui dit raisonner évoque le déploiement du
logos et donc de l’esprit, à travers la pensée réfléchie, l’entendement bien mené, le bon
sens, la réflexion rigoureuse et cohérente, la conscience méthodiquement guidée…. ».21

I.2.2. Les vertus

La pratique des vertus est également un « ingrédient » indispensable pour


atteindre le bonheur dans et avec la société. Aristote distingue quatre types de vertu à
savoir :

a. les vertus morales,

20 LEVINAS, E., « Quelques réflexions sur la philosophie de l’Hitlérisme », p. 115.


21 MUTUNDA M., Eléments de logique, Kinshasa, Médiaspaul, 2006.
12

b. les vertus intellectuelles,


c. la justice (une vertu particulière),
d. l’amitié (une vertu nécessaire).

I.2.3. Meilleur régime politique (bonnes Institutions)

Cette matière est abordée dans le troisième chapitre.

La question du bonheur est fondamentalement préoccupante, dans la mesure où,


elle concerne le moi et l’autre (le nous). Le bonheur ne peut être réalisé que dans et avec
la société. Dans ces conditions, il se pose alors clairement l’épineuse problématique des
institutions susceptibles de promouvoir une société où la pratique des vertus, morales et
intellectuelles, ainsi que l’exercice de la justice soient des pierres angulaires de la vie en
société.

Nous abordons en détail cette épineuse problématique dans le chapitre trois : Les
régimes politiques.
13

CHAPITRE DEUXIEME
L’ETAT ET LE POUVOIR

La notion d’Etat est toujours liée à celle du pouvoir parce que, non seulement on
ne peut avoir un Etat sans pouvoir (L’Etat est d’ailleurs le pouvoir par excellence, dans
la mesure où il a mission de garantir la durée et de pérenniser le pouvoir politique), mais
aussi c’est dans le cadre de l’Etat que le problème du pouvoir se pose avec le maximum
d’acuité. « L’Etat est l’institution qui détient le pouvoir politique et au nom de qui ce
pouvoir s’exerce (car) l’Etat est la personnification juridique d’une nation »22

II.1. L’ETAT

Etymologiquement, ce mot vient de status qui traduit une certaine position d’être
débout. L’Etat est la forme institutionnalisée du pouvoir, autorité souveraine s’exerçant
sur l’ensemble d’un peuple dans les limites d’un territoire déterminé. De cette définition
nous pouvons déduire que l’Etat comporte deux sens :

1. Il désigne l’ensemble des institutions gouvernementales d’une nation


souveraine ;
2. IL désigne aussi la nation elle-même. C’est dans ce sens qu’on parle
d’ailleurs de l’Etat-nation.

L’Etat est la personne morale la plus importante d’un pays. Le droit public le définit
comme la personne morale supérieure de toutes les autres personnes. Pour Jacqueline
RUSS, « l’Etat désigne la forme institutionnalisée du pouvoir, forme moderne et
politique s’exerçant généralement au sein d’importants communautés humaines
installées sur un territoire déterminé »23

22
CHANTEBOUT, B., Droit constitutionnel et science politique, Paris, A. Colin, 1989, p. 5.
23
RUSS, J., Théories du pouvoir, Paris, Librairie Générale Française, 1994, p. 67.
14

A l’époque contemporaine, l’Etat représente le cadre courant de la domination


politique.

Sur le plan intérieur, l’Etat moderne se caractérise par son monopole de la


violence légitime, c’est-à-dire l’usage légal de la contrainte sur les personnes. Vis-à-vis
de l’extérieur, le trait distinctif de l’Etat est la souveraineté, autrement dit son
indépendance totale, et sa compétence illimitée.

L’Etat se compose généralement de trois éléments, mais il faut ajouter à ces trois
éléments un quatrième qui est aussi important :
1. Un territoire ;
2. Une population :
3. Un gouvernement.
4. Un ordre politique, juridique, social, économique que le pouvoir
s’attèle à réaliser.

Il est à noter que la forme étatique ne préjuge pas du régime politique qui y est
pratiqué. C’est dans ce sens qu’on parle de l’Etat démocratique, monarchique,
tyrannique aussi bien que théocratique.

L’Etat « peut être perçu comme une collectivité de structure juridique délimité par
des frontières territoriales et constituée d’institutions lui assurant sa souveraineté ».
L’Etat2425 est donc l’autorité souveraine s’exerçant sur un peuple et sur un territoire

24
KOUEVI, L., Les mots de notre engagement, Kinshasa-Limeté, Afriquespoir, 2009, p. 97.
25
De plus en plus, on parle de l’Etat de droit : Dans sa définition première l’Etat de droit est un Etat respectueux
des droits de l’homme, c’est-à-dire un Etat dont l’action participe à la défense et à la promotion des droits et des
libertés fondamentales. Jean-Paul Jacquet disait que « l’existence d’un Etat de droit se manifeste avant tout par la
soumission de toutes les autorités publiques au respect des droits fondamentaux » (JACQUET, J-P., cité par
NTUMBA LUABA, « Les perspectives d’un Etat de droit par le dialogue national », dans Pensée agissante, n°
11, Kinshasa, février 2002, p. 67-71. Et NTUMBA LUABA de préciser, l’Etat de droit « est un Etat où des
principes et des valeurs fondamentaux s’imposent aux pouvoirs publics et dans lequel existent des garanties et
mécanismes de contrôle et de sanction, dont les cours et tribunaux, notamment le contrôle de la constitutionnalité
des lois » (Ib., p. 68). Pour sa part, MAMPUYA KANUNKA TSHIABO résume les éléments fondamentaux de
tout Etat de droit en distinguant : « a) la légitimité des gouvernants après l’élection par le souverain primaire ; b)
la reconnaissance et la promotion des droits de l’hommes ; c) la gestion transparente de la chose publique par le
contrôle de l’action gouvernementale soumise à la responsabilité politique, civile et pénale des gestionnaires »
(MAMPUYA KANUNKA TSHIABO, A., « L’action gouvernementale : expression d’un Etat de droit », dans Les
15

déterminé. En tant que tel, il se distingue des autorités partielles et non souveraines, qui
n’officient que dans des sphères délimitées de la vie humaine, comme l’autorité
familiale ou religieuse, et constitue la seule autorité proprement politique.

II.1.2. HISTORIQUE DE LA NOTION D’ETAT


II.1.2.1. L’EMERGENCE DE L’ETAT-NATION

Historiquement, l’Etat apparaît à la fin du Moyen Âge, à la faveur de la


centralisation du pouvoir entre les mains d’un souverain, en réaction d’une part, à la
féodalité, et d’autre part, aux pouvoirs du pape et de l’empereur. A partir du 16e siècle
naît l’idée qu’un Etat doit correspondre à un groupe humain culturellement et
ethniquement cohérent : La nation.

Cette idée de l’Etat-nation comme forme accomplie d’organisation politique,


malgré qu’elle fût devenue très rependue au 19e siècle à cause du mouvement des
nationalistes, n’était devenue effective qu’en Grande-Bretagne ou dans la France sous
la Révolution. La plupart des Etats d’Europe, d’Afrique, d’Asie et d’Amérique étaient
ou sont constitués de groupes humains multiples.

II.1.2.2. L’EMERGENCE DES ETATS SECULARISES

Dans le même temps, le pouvoir politique s’est progressivement détaché de son


origine divine, donnant naissance à des Etats sécularisés. Peu à peu, la souveraineté a
été pensée comme appartenant au peuple. Le pouvoir politique se trouve désincarné,

Cahiers du potentiel, vol. 01, Kinshasa, Janvier-février 2003, p. 12-15) Ce signifie que l’Etat de droit ne se
caractérise pas seulement par la participation du peuple à la gestion de la chose politique (l’aspect démocratie) et
par le contrôle propre à l’Etat démocratique, il ne se réduit pas à l’existence et à la souveraineté de la loi propres
à l’Etat légal et même constitutionnel, il ne se confond pas non plus à la bonne gouvernance dans un Etat qui se
veut guidé par la rationalité politique et économique propre à l’Etat moderne. En somme nous pouvons définir
l’Etat de droit comme celui qui reconnaît au peuple le droit de participer, par ses représentants élus, à la gestion
de la chose publique et où la loi souveraine impose un contrôle et des sanctions qui obligent toutes les couches
sociales et toutes les institutions à la bonne gouvernance. L’Etat de droit n’est pas synonyme d’Etat légal, qui est
un Etat dont les lois organisent la vie sociale et auxquelles tous les citoyens, y compris les éventuels récalcitrants,
y sont soumis. C’est certains gouvernants (dans des régimes dictatoriaux) qui font cette confusion, surtout quand
ils veulent rappeler à l’ordre certains citoyens à esprit libertaire.
16

détaché de l’homme qui l’exerce, ce qui permet de concevoir les institutions et les
pouvoirs comme distincts des hommes qui en ont la responsabilité.

II.1.3. LES FORMES DE L’ETAT

L’Etat peut revêtir soit la forme unitaire, soit la forme fédérale soit, mais très
rarement, la forme confédérale en ce qui concerne l’organisation administrative et
spatiale du pouvoir et des institutions publiques sur toute l’étendue de son territoire.
Mais dans le cadre de ce cours, nous ne parlerons que des formes unitaire et fédérale,
car la forme confédérale n’existe plus guerre que dans des organisations internationales
et non sous la forme d’Etats. La Suisse a cessé d’être une confédération depuis 1848.

II.1.3.1. L’ETAT UNITAIRE

C’est un Etat dans lequel le pouvoir politique relève d’un titulaire unique
(gouvernement central) ; en d’autres termes, c’est un Etat où il n’y a qu’un seul centre
d’impulsion politique26. Tous les organismes officiels des niveaux régional et local
émanent directement des institutions nationales. L’autorité, qui est unique, peut
souverainement décider, selon sa vision propre des réalités nationales, de modifier ou
de supprimer ces structures nationales, régionales et locales ainsi que les lois et
règlements qui les régissent. Dans un tel Etat, tous les citoyens obéissent à une seule
autorité ; ils sont régis par un même régime constitutionnel et les mêmes lois.

Bref, l’Etat unitaire est caractérisé par une triple unité :

1. Un seul Etat,
2. Un seul pouvoir souverain,
3. un seul législateur.

L’organisation d’un Etat unitaire peut avoir des formes différentes : On peut
adopter soit la centralisation, soit la décentralisation.

26
Lire BURDEAU, G., Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, LGDJ, 1969, p. 47.
17

A). L’Etat unitaire centralisée

1. Du point de vue strictement juridique, un Etat unitaire centralisé est


un Etat au sein duquel n’existe qu’une seule personne morale de
droit public : l’Etat. Celui-ci a la charge de l’ensemble des
attributions publiques : il n’y a pas d’autres collectivités publiques.
2. D’un point de vue plus concret, la centralisation signifie que tous
les fonctionnaires sont des agents de l’Etat, insérés dans une
hiérarchie unique dominée par les organes centraux de l’Etat. Tout
le pouvoir est concentré au sommet de l’Etat.

La centralisation est donc un système d’organisation administrative dans lequel


la gestion des services publics relève entièrement du pouvoir central. Une forte
centralisation ou une centralisation absolue peut conduire à une déconcentration, c’est-
à-dire à un système d’organisation administrative dans lequel le pouvoir central
reconnaît aux organes régionaux ou locaux un pouvoir. Mais ces organes restent soumis
au pouvoir hiérarchique du pouvoir central qui les nomme et qui peut les révoquer à tout
moment. En d’autres terme la déconcentration consiste à transférer à un agent régional
ou local de l’Etat un pouvoir décisionnel exercé jusque-là par le pouvoir central (le chef
de l’exécutif) ; cet agent reste toujours soumis à l’autorité central qui le nomme et peut
le révoquer à tout moment.

B). L’Etat unitaire décentralisée

Mais, un Etat unitaire peut aussi connaître une décentralisation au niveau des
collectivités régionales. Celle-ci est un mode de gestion des services publics qui consiste
« à confier leur gestion à des organismes dépendants du pouvoir créateur, mais jouissant
vis-à-vis du pouvoir central d’une certaine autonomie de gestion »27. Toutefois, l’Etat
unitaire exige que l’autonomie accordée aux collectivités n’aille pas jusqu’à une

27
KANYNDA LUSANGA, cité par MBAMBI MONGA OILIGA, M., O.C., p. 21.
18

autonomie complète à l’égard du pouvoir central. En fait, cette autonomie qui n’est
qu’administrative est limité, toutes les décisions sont prises au niveau du pouvoir central
qui peut, à sa convenance et sans entrave, cesser la plupart des actions entreprises au
niveau inférieur.

Ces collectivités sont donc des entités ayant des intérêts propres distincts de ceux
du pouvoir central. Elles sont investies d’une personnalité juridique et possède un
patrimoine propre. Le pouvoir central, toute en exerçant un pouvoir de tutelle sur les
actes des autorités de ces collectivités, ne s’immisce pas dans leur gestion. Cette tutelle
s’exerce soit par la voix des autorisations préalables ou d’approbation, soit par voix
d’annulation.

Dans des collectivités décentralisées, on trouve aussi des entités déconcentrées.

C). La déconcentration

Selon le dictionnaire Larousse, la déconcentration est « un système


d’organisation des structures de l’Etat dans lequel certains pouvoirs de décision sont
donnés aux agents du pouvoir central répartis sur le territoire (ex. les chefs des divisions
des ministères qui sont dans la province). Jacques BAGUENARD pense, quant à lui,
que la déconcentration est « un procédé consistant à confier des pouvoirs de décision à
des autorités non centrales reliées au pouvoir central par le principe de la
subordination »28.

Le terme « pouvoir » ici est défini comme « la capacité, la possibilité de faire


quelque chose, d’accomplir une action », dont celle de décider. Selon cette définition,
l’agent du pouvoir central pourrait déterminer, fixer, décréter quelque chose.
Il y a déconcentration, lorsqu’il y a découpage du territoire en circonscriptions
administratives ; et qu’à l’intérieur de ces circonscriptions, il existe des représentants de
l’Etat qui se voient accorder des compétences et des pouvoirs au nom de l’Etat. Ceux-ci

28
BAGUENARD, J., La décentralisation territoriale, Paris, Plon, 1980, p. 29.
19

n’auront pas besoin d’attendre le feu vert des pouvoirs centraux. Ils peuvent décider au
nom de l’Etat. Ils disposent d’une compétence discrétionnaire d’appréciation. Une
circonscription administrative est une division ou une subdivision du territoire national
à l’intérieur de laquelle une autorité administrative est compétente pour agir. Mais une
circonscription administrative n’a pas d’autorité juridique.

La déconcentration peut être soit technique ou par service, soit territoriale :

1. La déconcentration technique ou par service. C’est une technique


administrative et un mode de gestion qui consiste à attribuer à des
services publics au niveau local une délégation permanente des
pouvoirs d’agir en lieu et place du pouvoir central.

Ex. La loi organique portant composition, organisation et


fonctionnement des ETD (Entités territoriales déconcentrées) de
notre pays met à la disposition de celles-ci un certain nombre des
services techniques dans le but de leur apporter l’appui et conseil.
Ces services techniques sont :

1. La planification et l’élaboration des projets ;


2. Les travaux publics et le développement rural ;
3. L’agriculture, la pêche et l’élevage ;
4. la santé ;
5. L’éducation ;
6. L’environnement et les nouvelles sources d’énergie ;
7. Les finances et le budget ;
8. Les services démographiques et statistiques de la population.

2. La déconcentration territoriale. Elle concerne les divisions et/ou


subdivisions territoriales non autonomes du pays, puisque non
pourvues d’une personnalité juridique propre et distincte de celle de
20

l’Etat. Dans le cas de notre pays (RDC), ce sont des entités


territoriales déconcentrées comme le territoire, le groupement, le
village, le quartier.

Les enjeux de la déconcentration sont :

1. Garantir le principe de l’unité de la nation ;


2. Assurer le fonctionnement des collectivités territoriales par le
biais de ses services déconcentrés.

La déconcentration répond à trois objectifs :

1. Rapprocher l’administration des administrés ;


2. Promouvoir le partenariat entre l’Etat et les collectivités locales ;
3. Développer l’esprit d’initiative et de la responsabilité au sein des
services de l’administration du territoire.

Le principe de la déconcentration repose sur :

1. La prise des décisions par les services proches des citoyens ;


2. Le développement d’une politique de partenariat entre les
différents services de l’Etats et les collectivités locales ;
3. Le déploiement d’efforts continus en matière de formation des
fonctionnaires et agents ;
4. L’action commune, la coordination et l’orientation unifiées des
activités des services extérieurs représentant tous les ministères
sur un même niveau afin de mettre en œuvre la politique de
développement régional et les programmes intégrés de
développement économique et social.

Les avantages de la déconcentration sont :


21

1. Elle permet une meilleure adaptation de la décision à la situation


que l’on veut régler : l’agent étatique peut avoir une connaissance
plus concrète et plus précise que celle que peut avoir le pouvoir
central ;
2. Elle permet un rapprochement entre l’administration et les
administrés ;
3. Elle permet un désencombrement du niveau supérieur de
l’administration ;
4. Elle permet de mettre en place une technique simple et
économique moins coûteuse.

Les désavantages de la déconcentration sont :

1. Les décisions prises au niveau local (au moment de leur prise) ne


sont pas appuyées par le niveau central ;
2. Il n’existe aucun système d’arbitrage.

II.1.3.1.1. Les avantages d’un Etat unitaire

1. La simplicité dans l’organisation administrative et l’uniformité du droit ;


2. L’utilisation d’un nombre réduit des fonctionnaires ;
3. L’absence des conflits entre les différentes juridictions ;
4. La rapidité de décision et la liberté d’action du pouvoir politico-administratif (de
niveau national)29 ;
5. Eclosion et raffermissement de la conscience et de l’unité nationale.

II.1.3.1.2. Les désavantages d’un Etat unitaire

29
MBAMBI MONGA OLIGA, M., O.C., p. 21-22.
22

1. Tout en donnant une rapidité et une liberté d’action du pouvoir politico


administratif, l’existence d’un seul centre d’impulsion politique peut être
paralysante. En effet, même décentralisée, la forme unitaire peut étouffer la
possibilité de l’autonomie et la force d’initiatives rénovatrices des provinces ;
2. Là où les soldats font la loi, à la militaire, c’est-à-dire de façon dictatoriale, elle
incline facilement à l’unitarisme autoritaire ;
3. La structure unitaire donne une surcharge de travail aux membres de l’Assemblée
Nationale du fait d’avoir à considérer de nombreux problèmes dont l’intérêt n’est
que local et pour la solution desquels les élus venant d’autres régions ne
possèdent pas réellement les données nécessaires – d’où les longueurs qui
peuvent nuire tant à la législation d’intérêt national qu’à la législation d’intérêt
purement local ;
4. Dans la forme unitaire, se manifeste un excès de lenteur dans la solution des
problèmes urgents d’ordre local lorsqu’il faut se référer aux autorités nationales ;
5. De fois, des décisions susceptibles de déterminer le sort futur de toute une région
risquent d’être confiées à des personnes n’ayant aucune connaissance directe des
circonstances locales30 ;
6. En tenant compte des dimensions géographiques et démographiques de chaque
pays, si ces dernières sont très importantes, elles deviennent un inconvénient dans
la mesure où la distance qui sépare les gouvernés des gouvernants crée une
certaine lourdeur administrative. Le cas de la République Démocratique du
Congo qui est un demi-continent.
Les inconvénients de la forme d’Etat unitaire sont largement amplifiés lorsque
l’Etat franchit le pas qui le sépare de l’unitarisme. L’Etat unitaire ne peut réussir à
évoluer harmonieusement que s’il a des dimensions relativement petites, s’il est
véritablement démocratique, et s’il est décentralisé sur le plan administratif et financier.

II.1.3.2. L’ETAT FEDERAL

30
Lire à ce sujet WRIGHT, K., Les institutions politiques, Léopoldville, Institut Nationale d’Etudes Politiques,
1964, p. 29-30.
23

C’est l’Etat dans lequel il y a deux centres d’impulsion du pouvoir :

a. Le niveau central,
b. Le niveau régional (provincial) ou local31.

La fondation d’un Etat fédéral peut s’opérer de deux façons :

1. Ou bien un Etat jusque-là unitaire transforme ses anciennes régions


(provinces) en Etats fédérés et par là même se transforme lui-même en
Etat fédéral. C’est un fédéralisme par dissociation, c’est-à-dire le
fédéralisme est avant tout le résultat d’un acte de volonté unilatérale de
l’Etat unitaire, matérialisé par une révision de la Constitution. Il n’y a pas
de création d’un nouvel Etat, mais simplement la continuation de l’Etat
unitaire sous une nouvelle forme.
2. Ou bien plusieurs Etats souverains, s’accordent pour s’unir en un Etat
fédéral. Il s’agit ici du fédéralisme par intégration. Ici, il n’y a pas
révision constitutionnelle. Ce fédéralisme se construit en deux phases :
a. Une phase contractuelle. Les Etats contractants concluent un traité
d’union pour lequel ils s’engagent de créer des organes communs dont
ils déterminent la compétence. Ces organes constitueront la puissance
supérieure de l’Etat fédéral et auront pour première tâche d’élaborer une
Constitution.
b. Une phase constitutionnelle. C’est la phase de l’existence réelle de
l’Etat fédérale32.

Ces entités fédérées sont autonomes et sont régis par leurs constitutions respectives.
Sauf pour certaines matières consacrée par la Constitution fédérale et réclamant de la
compétence exclusive de cette dernière. Ces matières sont entre autres :

31
FRIEDRICH, C., « Fédéralisme », dans Encyclopedia Universalis, Vol. 6. P. 962.
32
CROISAT, M., Le fédéralisme dans les démocraties contemporaines, Paris, Montchrestien, 1999.
24

- La monnaie,
- la défense nationale,
- la douane,
- les relations extérieures, etc.

II.1.3.2.1. Caractéristiques d’un Etat fédéral

Il s’agit avant tout d’Etat qui a deux centres d’impulsion politique :

1. Le niveau fédéral, c’est-à-dire des institutions politiques nationales qui ont à


s’occuper des problèmes relatifs à l’ensemble du territoire fédéral (L’Etat
fédéral). Il faut savoir ici qu’un Etat fédéral est un Etat :
1. Doté d’une seule personnalité internationale.
2. Qui possède une population qui forme, du point de vue de la
compétence fédérale, un corps de nation unique, soumis encore à sa
puissance une et directe.
3. De ce fait, il a une unité de nationalité, même si les citoyens qui relèvent
de la compétence des entités fédérées sont rattachés à celles-ci par un
lien qui peut également s’analyser comme une nationalité atténuée – ou
une sous nationalité – ou comme une citoyenneté.

2. Le niveau fédéré, c’est-à-dire les entités politiques régionales (provinciales) qui,


tout en gardant une certaine autonomie dans la gestion des affaires législatives,
judiciaires et administratives participent néanmoins à l’élaboration des décisions
qui organisent l’ensemble de la fédération (L’Etat fédéré).

Deux principes structurent cette forme d’Etat, à savoir l’autonomie des Etats
(provinces) fédérés d’une part et la participation, réglée par la constitution, au
fonctionnement de l’Etat fédéral.
25

Les Etats fédérés peuvent être dénommés différemment selon les pays : Canton
en Suisse, Etats fédérés aux Etats-Unis d’Amérique ou au Nigeria, Région en Belgique,
Province dans d’autres pays.

La Constitution nationale réserve généralement à l’Etat fédéral les fonctions des


affaires étrangères, de la diplomatie, de la monnaie, des impôts, de sécurité, de l’armée.
En plus des unités fédérées ou provinciales de la police, il peut y avoir une police
nationale. Les Etats fédérés s’occupent de l’administration du territoire, de la formation
publique, de l’éducation, etc., suivant les matières que la constitution nationale
détermine. Entre l’Etat fédéral et ses Etats fédérés, il y a inévitablement des matières
concurrentes.

II.1.3.2.2. Les avantages d’un Etat fédéral

1. Le fonctionnement démocratique des institutions ;


2. L’équilibre entre les pressions centrifuges et centripètes du pouvoir ;
3. Une plus grande autonomie accordée aux entités fédérées qui, dans leurs
programmes de développement, agissent avec moins de contraintes vis-à-vis de
l’Etat fédéral.
4. Une meilleure connaissance, par les dirigeants des Etats fédérés, des problèmes
spécifiques de leurs dirigés.

II.1.3.2.3. Les désavantages d’un Etat fédéral

1. La persistance d’une certaine zone d’incertitude en ce qui concerne la réparation


des compétences entre les institutions fédérales et les institutions fédérées.
L’imprécision dans ce domaine peut entraîner des conflits de compétences entre
les deux genres d’institutions, le vide juridique d’attribution des compétences
dans certains domaines peut conduire à l’inaction pour les deux parties;
26

2. L’alourdissement de la bureaucratie dans le sens de la multiplication des postes


administratifs, et aussi des activités, des charges et des dépenses publiques. Mais,
en contrepoids à ce désavantage, il est évident que l’Etat fédéral et les Etats
fédérés se partagent les factures de telles dépenses. En outre, la rationalité exigera
que seules les activités les plus strictement indispensables soient créées.
3. La difficulté de modifier la constitution, même quand cela s’avère nécessaire et
d’urgent. Mais, on doit noter que les constitutionalistes ont un devoir impérieux,
dans l’élaboration de la constitution, de s’informer judicieusement auprès des
constitutions fédérales déjà existantes, de manière à diminuer de façon
appréciable les situations urgentes qui relèveraient de la loi fondamentale. Il faut
dire également que la stabilité d’une constitution lui confère une grande force
morale et un grand degré de crédibilité. Par ailleurs, à la place de la modification
de la constitution, on peut plus facilement faire face à la situation en faisant
adopter des amendements aussi bien par le parlement national que par les
parlements provinciaux.

N.B. Un Etat fédéral se présente comme un Etat unitaire dans la mesure où il


possède un territoire propre – lui-même divisé en autant de territoires qu’il y a de
composantes fédérés – qui dans l’exercice des compétences fédérales, constituent un
ensemble unique et homogène. Comme aussi un Etat fédéral peut être comparé à l’Etat
unitaire dans la mesure où leurs modes de décision, conditionnés par le caractère fédéral
de l’Etat, n’ont pas vocation à exprimer les volontés particulières des Etats membres,
mais une volonté commune et unique qui s’impose à tous les citoyens et à toutes les
composantes de l’Etat.

En somme, aucune forme d’Etat (unitaire ou fédérale) ne conduit


automatiquement, de soi, au développement des nations. Néanmoins, le choix entre les
deux formes est inévitable en de la plus appropriée à un contexte donné. Si la forme
unitaire de l’Etat est intrinsèquement facteur d’unité, la forme fédérale l’est aussi de
manière évidente. Cette dernière forme paraît même apporter une unité nationale
dynamique, et plus solide, parce qu’assumée volontairement par les citoyens des Etats
27

contractants ou fédérés, au contraire du genre d’unité qu’établit la forme unitaire : une


unité de fait, passive, voire imposée, exigeant moins de civisme conscient. Ainsi,
évoquer l’argument du maintien de l’unité nationale pour préférer la forme d’Etat
unitaire à la forme fédérale est sentimentalement commode mais intellectuellement
superficiel, et logiquement fallacieux et illusionniste. Si on reconnaît dans une forme
d’Etat des possibilités d’unité véritable, on doit aussi admettre, dans l’autre forme,
l’existence des citoyens habités par la volonté séparatiste. Et les moyens de garantir
l’unité nationale sont tout autant d’ordres infrastructurel, économique, culturel, politique
que militaire. Judicieusement mis en œuvre, ils peuvent efficacement empêcher la
désintégration de l’unité et de la paix au sein de l’Etat, quelle que soit la forme de ce
dernier.

II.1.4. LES FONCTIONS DE L’ETAT

Généralement, l’Etat a pour fonctions :

1. Fournir à la population un cadre juridique lui permettant de vivre et


d’agir dans l’ordre et la sécurité. L’Etat crée le droit par le biais de ses
organes, notamment constitutionnels.

On distingue traditionnellement trois organes constitutionnels :

1. le pouvoir législatif, qui vote la loi et qui appartient


au Parlement ;
2. le pouvoir exécutif, qui applique la loi et qui est
dévolu au Gouvernement ;
3. le pouvoir judiciaire, qui tranche les litiges dans les
cas particuliers et qui échoit aux tribunaux.
2. Assurer la défense au moyen de l’armée, la justice au moyen des
juridictions, et l’ordre intérieur au moyen de la défense.
28

3. Battre la monnaie. Mais ici, il faut souligner que certains Etats


européens procèdent actuellement à la mise en commun de cette
compétence dans le cadre de l’Union économique et monétaire.

N.B. Si ces fonctions, dites « régaliennes », sont communément acceptées, les


autres font l’objet de débat, et leur étendue dépend des choix des sociétés ou des
traditions politico-économiques concernées. Mais signalons, qu’au cours du 20e siècle,
l’Etat a constamment étendu ses interventions dans l’économie, la protection sociale ou
la culture, suscitant l’émergence de la notion d’Etat-providence. Le financement de ces
interventions donne lieu au prélèvement de l’impôt. On distingue généralement deux
principales traditions politico-économiques :

II.1.4.1. DANS LA TRADITION LIBERALE

Par libéralisme, nous entendons un ensemble des doctrines politiques et


économiques qui font de la liberté individuelle, définie comme droit naturel, la valeur
suprême que toute collectivité humaine doit garantir et promouvoir. Il est apparu au 17e
siècle avec la philosophie des droits naturels formulée par John Locke.

Contre Thomas Hobbes, théoricien du pouvoir absolu, John Locke, partisan de la


limitation des pouvoirs du souverain, s’appuie sur une théorie des droits naturels. Selon
lui, dans la mesure où les hommes jouissaient dans l’état de nature d’un certain nombre
des droits, antérieurs à toute société politique et par là même imprescriptibles, un contrat
est certes nécessaire pour passer de l’état de nature à l’état social.

Mais le contrat social ne peut avoir effet d’abolir les droits naturels des individus,
il doit seulement les codifier. Et le souverain est contraint de respecter ces droits naturels
des hommes que sont la liberté et l’égalité, mais également la propriété privée et la sûreté
personnelle.
29

Avec cette conception donc, la liberté devient non seulement le but de toute
société, mais aussi la condition nécessaire, ce que la Déclaration des droits de l’homme
et de citoyen va adoptée dans le contexte de la Révolution française et qui est devenue
de manière irrévocable dans la tradition politique.

Le libéralisme a deux variantes :

A). Une variante politique. Dans sa variante politique, le libéralisme cherche à


définir le type de régime qui permet de garantir au mieux le respect de ces droits et de
se prémunir contre les éventuels empiétements de l’Etat. L’Etat est ainsi pensé chez ces
libéraux comme un Etat minimal. Sa mission est de réguler, c’est-à-dire de garantir
l’exercice des libertés individuelles. Il faut reconnaître que l’exercice de ces libertés
suppose un environnement (question des mentalités, des us et coutume, de la perception
de la morale vivante) qui permette à chaque individu l’exercice de son pouvoir d’être
soi-même et de se faire par soi-même. En un mot, il suppose l’ordre public, car la liberté
vraie recommande que chacun respecte le droit de chacun et de tous à être libre. Ce
libéralisme qui se veut avant tout une éthique, reposant sur les aspects positifs de
l’homme avait entre autre comme représentants Jeremy Bentham, John Stuart Mill,
Alexis Tocqueville, Benjamin Constant. Parmi les libertés politiques, nous pouvons
citer : la liberté de la presse, la liberté de réunion, la liberté de conscience, la liberté
d’expression.

B). Une variante économique. Dans sa variante économique, le libéralisme


s’applique à la défense de la liberté individuelle sur le marché. Pour elle, les individus
doivent être laissés libres de poursuivre leur intérêt particulier puisque l’ordre social qui
en résulte est le meilleur possible. Il existe, selon elle, des lois naturelles qui permettent
de concilier l’intérêt personnel et le bien-être général. Et ces lois sont celles du marché,
régi par les principes de concurrence pure et parfaite. Le marché assure ainsi bien-être
et résolution des conflits. Dans ce cadre, l’intervention de l’Etat doit être réduite au
maximum. L’action collective ici n’a d’autre fin que de créer les conditions de
l’accroissement de la production et des échanges afin que chacun fructifie ses
30

possessions. L’Etat aura donc pour rôle de veiller au respect des conditions de
concurrence pure et parfaite, de permettre l’exercice de la liberté individuelle, et, le cas
échéant, de pallier les rares défaillances du marché. Parmi les défenseurs de cette
doctrine, nous pouvons citer Pierre de Boisguillebert, François Quesnay et Adam Smith.
Quant aux libertés économiques, elles vont de pair avec la liberté politique : l’Etat se
proclame le défenseur des deux postulats de base que sont l’initiative individuelle et la
propriété privée. La liberté sociale, sœur à la liberté économique, implique que l’Etat ne
doit pas intervenir particulièrement dans les rapports sociaux, et tout particulièrement,
dans les rapports entre patrons et salariés.

N.B. La conciliation du libéralisme politique et du libéralisme économique peut


paraître problématique dès lors que l’on se réfère à l’application des principes : un Etat
mettant en œuvre une politique économique dite libérale peut parfaitement le faire dans
le cadre d’un système qui ne satisfait pas aux principes du libéralisme politique.
Néanmoins, cette conciliation n’est pas contestable du point de vue des principes, qui
postulent que ce ne sont pas les rapports économiques qui organisent les rapports
politiques, mais bien les fondements du libéralisme qui, transposés dans un autre sphère
(marché, libre lieu de confrontations et d’échanges, n’étant que la traduction de
l’indétermination et du choix des individus), manifestent l’aspiration universelle à la
liberté.

L’influence du libéralisme au 19e siècle ne s’est manifestée que grâce à la


diffusion progressive du modèle de démocratie libérale, régime au sein duquel se réalise
la conciliation du libéralisme politique et du libéralisme économique. Le régime de
démocratie libérale se définit avant tout par la participation, directe ou indirecte, des
citoyens à la vie politique : c’est en cela qu’il est démocratique. Mais il est également
libéral, car son but est de maintenir et de défendre les libertés individuelles.

II.1.4.2. DANS LA TRADITION SOCIALISTE


31

Le terme « socialisme » était employé pour la première fois dans la première


moitié du 19e siècle par des intellectuels radicaux européens. Parmi eux, nous pouvons
citer Saint-Simon, Charles Fourier, Etienne Cabet, Robert Owen, Karl Max, John
Maynard Keynes. Jugeant injuste et exploiteur le système capitaliste de production
instauré par le libéralisme, ils voulaient instaurer une société juste, une société
communiste, une société sans classes sociales. S’opposant donc à la priorité accordée
par le libéralisme à la réalisation de l’individu, aux droits et à l’égalité formelle, ils
prônent le bien collectif et l’égalité réelle.

Bref, au-delà de leur diversité réelle, les socialistes ont en commun de faire primer :

1. l’égalité sur la liberté ;


2. le collectif sur l’individuel, c’est-à-dire la planification de la production pour la
satisfaction de tout contre l’accumulation privée du capital ;
3. bien souvent les rapports économiques sur l’organisation politique.

Selon eux, le libéralisme est une idéologie d’une classe particulière (la bourgeoisie)
qui, jouant sur l’ambiguïté entre libertés formelles et libertés réelles, profite d’un
système qui postule l’égalité de tous pour établir sa prospérité et sa domination aux
dépens des autres classes sociales. La liberté est essentiellement la liberté du plus fort
et, sa réelle égalité, la libre concurrence a pour conséquence l’exploitation du plus faible.
C’est pourquoi, il faut que l’Etat intervienne dans le domaine économique et social. Ils
prônent donc un Etat maximal qui doit intervenir dans le domaine économique et social
afin d’instaurer une meilleure justice distributive.

II.1.5. L’ETAT ET LA SOUVERAINETE

Dans un Etat, le mot souveraineté est toujours envisagé sur le plan intérieur et sur
le plan extérieur.

II.1.5.1. SUR LE PLAN INTERIEUR


32

La souveraineté est envisagée par rapports aux différents groupements qui


sont composés par l’Etat. Elle signifie, d’abord, que l’Etat englobe tous
les groupes se trouvant sur le territoire national et que les autorités de tous
ces groupes exerçant leurs activités sur cette portion du territoire doivent
se soumettre à son autorité. Elle signifie, ensuite, que l’Etat a une
compétence exclusive à l’intérieur des frontières de son territoire et qu’il
est capable de faire respecter les décisions à l’intérieur de son territoire.
La souveraineté de l’Etat est donc « le pouvoir absolu de la collectivité
considérée comme une totalité organique, et qui tire d’elle-même le
principe de ses propres décisions : les individus et les groupements
particuliers d’individus doivent sans restriction se soumettre à ce pouvoir,
qui détermine de l’intérieur leur volonté et donne un contenu nécessaire à
leurs initiatives »33

II.1.5. 2. SUR LE PLAN EXTERIEUR

La souveraineté est envisagé par rapport à d’autres Etats, d’une part, et,
d’autre part, par rapport aux relations entre les Etats et d’autres
groupements plus grands que les Etats.

Sur ce plan, la souveraineté de l’Etat signifie qu’il n’existe au-dessus de


l’Etat aucune autre entité supérieure qui puisse lui imposer son autorité.

Cette souveraineté que possède l’Etat sur le plan interne et externe est, d’abord,
unique, c’est-à-dire qu’elle n’appartient qu’à l’Etat seul et non à ses subdivisions ou
groupes qui lui sont subordonnés. Elle est, ensuite, indivisible, dans la mesure où aucun

33
LEFEBURE, J-P. et MACHEREY, P. cités par PALAYRET, G., La société, le droit et l’Etat moderne, Paris,
Ellipses, 1998, p. 59.
33

groupe ne peut la détenir, car elle appartient à l’Etat seul. Elle est, enfin, inaliénable, car
on ne peut ni la céder ni la transférer à un tiers.

II.1.6. L’ETAT DANS LE CONTEXTE INTERNATIONAL

Dans la vie internationale, tous les Etats sont reconnus souverains et égaux.
Théoriquement, l’existence internationale de l’Etat résulte de l’apparition de ses tris
éléments constitutifs : le territoire, la population et le gouvernement souverain. En
réalité, pour devenir effective, cette existence doit être reconnue par d’autres Etats.
Actuellement, l’admission aux Nations unies est un gage important de reconnaissance
internationale. Les Etats sont soumis au respect du droit international, et ne doivent pas
s’ingérer dans les affaires intérieures les uns des autres.

Depuis la fin du 19e siècle, on assiste à l’apparition des nombreuses institutions


internationales regroupant des Etats souverains souhaitant aborder des problèmes
communs : la sécurité, l’économie et le développement, les échanges de toutes natures,
les menaces communes (écologie, nucléaire, guerre, famines). Les Nations unies ne
sont qu’une des multiples institutions nées de l’interdépendance croissante des Etats.
D’autre part, les Etats se trouvent de plus en plus confrontés à la concurrence d’autres
acteurs et de phénomènes de la vie internationale (associations, groupes, flux divers),
défiant l’ordre interétatique. Toutefois, il n’existe pas d’entité supérieure aux Etats, ni
d’entité susceptible de les contraindre.

La globalisation de l’économie mondiale, la mobilité des hommes, du capital et de


l’information à l’échelle planétaire se sont conjuguées pour circonscrire la liberté
d’action de l’Etat. A ces évolutions répond des constructions interétatiques telles Union
européenne, etc.

II.2. LE POUVOIR

Le pouvoir préoccupe beaucoup l’esprit des gens, car il s’agit d’un concept central
et vital. Non seulement le pouvoir organise l’activité humaine et la vie en société, mais
34

en plus il modifie le comportement de l’être humain. Le pouvoir est au-dessus de tout


et il commande tout : le droit, l’économie, l’information, etc. Le pouvoir est central
dans toute relation. De ce fait, l’homme convoite et cherche toujours le pouvoir et
« puisque la notion de prestige, d’admiration et de respect est liée au concept de pouvoir,
il y a des combats, parfois violents autour du pouvoir »34. Le pouvoir est donc cette
capacité réelle qu’à l’être humain d’exercer sa volonté dans la vie sociale en s’imposant
sur les autres.

Mais ici, il s’agit du pouvoir politique qui est l’une des manifestations importantes
du pouvoir. Il est caractérisé par « la capacité réelle d’une classe, d’un groupe, d’un
individu, d’exercer sa volonté exprimée dans la politique et les normes du droit »35.

1. A l’intérieur du territoire national, le pouvoir définit, de son propre chef,


l’ennemi du dedans.
2. A l’extérieur du territoire national, le pouvoir désigne et élimine l’ennemi
du dehors.

Le pouvoir est donc ce par quoi la communauté s’ordonne et se consacre. Il fait


exister l’ordre contre le désordre qui menace la communauté. Le pouvoir renferme un
aspect visible et un aspect caché (réseau). Pour s’exercer, le pouvoir à besoin d’être
reconnu, mais il a besoin de la force pour s »exercer réellement, car la force inspire la
crainte, l’obéissance et la soumission.

En effet, si la violence recourt à des instruments pour s »imposer, le pouvoir est


avant tout communicationnel, il s’exerce principalement par commandement. Mais le

3434
FWELEY DIANGITUKWA, Qu’est-ce que le pouvoir ?, Paris, Le Harmattan, 2004, p. 21.
35
BOURLATSKI, F., L’Etat moderne et la politique, Moscou, Edition du Progrès, 1979, p. 29. Notons que
plusieurs autres penseurs ont essayé, à leur manière, de définir le concept de « pouvoir ». Pour Max Weber, le
pouvoir est « toute chance d’imposer, au sein des rapports sociaux donnés, sa propre volonté, contre toute
résistance et quelque soit le fondement sur lequel cette chance repose » (Le savant et la politique, Paris, Le monde
en 10/18, 1958, p. 27). Pour M.G. SMITH, le pouvoir est « la capacité d’agir effectivement sur les personnes et
sur les choses, en recourant à une gamme de moyens qui s’étend de la persuasion jusqu’à la coercition » (SMITH,
cité par FWELEY DIANGITUKA, Qu’est-ce que le pouvoir, Paris, L’Harmattan, 2004, p. 21.).
35

pouvoir n’existe que si l’on y croit. Il est une force au service d’une idée36 et il permet
de penser l’unité et de prévoir l’avenir.

II.2.1. LES INSTRUMENTS DU POUVOIR

On distingue trois principaux instruments du pouvoir :

1. La dissuasion : on obtient la soumission d’un individu par la menace d’un


châtiment physique ou moral suffisamment redoutable afin que celui-ci
renonce à sa propre volonté. On brandit le châtiment, la torture, la
mutilation, parfois la mise à mort. L’Etat recours à la dissuasion par
l’intermédiaire de la police, de la justice et de l’administration locale.

2. La rétribution : on obtient la soumission de l’autre par l’offre d’une


récompense ou d’une rétribution avantageuse. Par exemple, on promet
l’augmentation de salaire à l’ouvrier qui travaille plus que les autres pour
solliciter davantage sa soumission à l’entreprise. On promet plusieurs
avantages : allocations de chômage, la sécurité sociale, les caisses de
retraite, etc.

3. La persuasion : on suscite l’obéissance en tenant en compte, par


exemple, la fierté et la dignité nationale.

Il faut ici noter que les gens cherchent le pouvoir pour plusieurs raisons, mais
principalement pour des raisons suivantes :

- L’intérêt personnel (qui peut être égoïste),


- Partager les valeurs personnelles de progrès (qu’elles soient
religieuses, sociales, scientifiques, etc.),
- Obtenir le concours pour faire triompher l’intérêt général,
- Agir et modifier le comportement de l’autre pour atteindre un
objectif précis,
- Conduire la Cité et faire triompher l’intérêt général,

Le pouvoir vise le résultat et il est jugé sur le résultat. Pour réussir le pouvoir,
il faut souvent, sinon toujours une organisation à travers laquelle se rassemblent des
gens qui partagent les mêmes valeurs, les mêmes idées, les mêmes objectifs et qui
décident des actions à mener ensemble37.

36
BURDEAU, G. L’Etat ; Paris, Seuil, 1970, p. 34.
37
WEBER, M., Le savant et le politique, Paris, Plon, 1963, p.137.
36

Généralement, les gens qui veulent le pouvoir et qui le cherchent ardemment


affirment en public qu’ils désirent travailler pour les intérêts d’un groupe, de la
collectivité ou de la nation, mais en réalité, nombreux parmi ces gens dissimulent les
vrais buts pour lesquelles ils cherchent le pouvoir : la garantie d’un emploi entrainant
un enrichissement personnel, en se mettant au service de la collectivité, peut être l’un
des mobiles. Cependant, il existe des gens qui briguent le pouvoir dans l’intention de
servir réellement une cause noble, mais il s’agit d’une minorité.

II.2. 2. A QUOI RECOURENT LES ACTEURS POLITIQUES POUR


EXERCER LE POUVOIR ?

Comme il s’agit ici du pouvoir politique, étant donné que l’Etat est le pouvoir par
excellence, pour exercer ce pouvoir étatique, les acteurs politiques recourent à cinq
principaux moyens :

1. La force (qui s’accompagne de la violence physique, de la contrainte et


de la crainte). Elle se manifeste dans l’armée et la police. On parle alors
de force publique. Son rôle est de symboliser l’autorité et la puissance de
l’Etat. Retenons que, dans la plupart des pays du Tiers-monde où le
pouvoir et l’autorité sont constamment contestés, la violence permet
parfois la conquête du pouvoir. Puisque la politique est généralement une
suite des conflits que le pouvoir doit régler – certains conflits étant des
épreuves de force qui poussent la rivalité jusqu’au bout, jusqu’à la défaite
de l’une des parties – et puisque le pouvoir doit régler chaque conflit, le
recours à la force est quelque fois le seul et dernier moyen pour parvenir
à un dénouement. Ce qui démontre à suffisance que la politique ne peut
pas se passer de la force. La force est inhérente à toute action politique.
Mais la force mal utilisée renvoie à la sauvagerie ou à la puissance brutale.
En revanche, la force légale renvoie au pouvoir de droit, car le droit, à
travers ses lois, contraint le citoyen. Le droit force le citoyen à suivre ce
que disent les lois afin de faire respecter la volonté du législateur, c’est-à-
dire du peuple.
37

2. La ruse (qui est doux et qui est souvent utilisée dans la diplomatie, les
services de sécurité et de renseignement). Il faut reconnaître que
l’intelligence et la stratégie ne sont que des formes de ruse. Sa tactique est
la dissimulation soit sous la forme grossière de la tromperie intrigue :
déguisement et expédiant, soit sous la forme raffinée de l’insinuation, de
la diversion du secret, de la politesse, de subterfuge (prétexte), guet-apens
(piège). La ruse ne se présente jamais pour ce qu’elle est réellement, mais
elle cherche toujours à capter la confiance pour parvenir à ses fins. La
victime ne sachant qu’après coup qu’elle a été jouée ou driblée.
3. Le camouflage. Les procédés du camouflage sont apparentés à celui de la
ruse dans la mesure où comme la ruse, il utilise la tactique de dissimulation
et celle de faire croire. Il consiste donc à dissimuler les buts et les motifs
réels de l’action politique derrière des pseudo buts et des pseudo motifs
qui sont plus populaires et qui bénéficient d’un grand soutien, à masquer
une objection moins avouable derrière une objection avouable par rapport
au système de valeur de la société considérée et à faire croire à la masse
que leurs intérêts sont en cause alors que la question ne concerne qu’intérêt
particulier du chef ou d’une minorité.
4. Les masses médias. Grâce aux masses médias, les gouvernants peuvent
infléchir l’opinion publique sur des questions politiques, économiques,
sociales, culturelles et religieuses dans le sens qu’ils souhaitent, ou qui
leur est favorable. Dans ce but, ils procèdent à une sélection d’information
en prenant soin d’écarter ou d’occulter les faits et les nouvelles
susceptibles d’attirer les contestations, les critiques et les interrogations.
5. L’argent. Le terme de « l’argent roi » est une caricature de la réalité
politique en générale. L’argent et la richesse servent à procurer les moyens
par lequel on peut conquérir ou conserver le pouvoir. L’argent permet
d’acheter les armes, les consciences, les journaux, les émissions à la
télévision, des campagnes politiques. Dans les sociétés modernes
contemporaines, la toute-puissance de l’argent continue à régir tous les
secteurs de la vie nationale.
38

En effet, tant que le détenteur du pouvoir peut compter sur la soumission des
dominés, il recourt, ou plutôt, il a tendance à recourir, aux moyens durs pour réprimer.
Mais quand sonne l’heure de la désobéissance et de l’organisation des contre-pouvoirs,
il devient plus indiquer aux détenteurs du pouvoir de s’appuyer sur les moyens non
violents tels :

1. la persuasion rationnelle,
2. la séduction
3. la manipulation par un discours argumenté,
4. la ruse.

Et contrairement à la force qui fait usage de la violence, la ruse met en œuvre


toutes les ressources de l’ingéniosité, du raisonnement et de l’intelligence. Il permet de
remporter la victoire sans livrer bataille grâce à des stratégies, des subterfuges.

II.2.3. COMMENT S’AMPARER DU POUVOIR ET LE CONSERVER

Dans son livre Le Prince, Nicolas Machiavel, étudiant les lois de la réussite d’un
Prince, préconise que pour s’emparer du pouvoir et le conserver, il faut :

1. Une stratégie maitrisée et réfléchie mêlant la domination et la


violence,
2. Inculquer chez les sujets l’amour du maître.
3. La domination et violence,
4. Le génie politique qui intègre la force et la ruse,
5. L’ambition, de l’énergie, du caractère et de la popularité,
6. La vertu et la compétence38

38
MACHIAVEL, N., Le Prince, Paris, Librairie Générale Française, 1983.
39

En effet, pense Machiavel, le Prince doit masquer son comportement. Tout le


monde voit bien ce que tu sembles, mais bien peu ont le sentiment de ce que tu es. La
cruauté figure parmi les qualités essentielles du Prince. Pour éliminer les jaloux avides
de gloire, le Prince use de la violence au début de son règne. Par la suite, c’est par la
bonté, diffusé lentement afin qu’elle soit savourée, que le chef se maintiendra au
pouvoir. Domination et violence doivent aller ensemble. Car la domination est le
véritable noyau du pouvoir, elle est sa véritable essence. Machiavel montre que le
pouvoir est une combinaison de l’énergie dans la conception, la rapidité dans
l’exécution, la résolution par la ruse. Il appelle cette combinaison le génie politique, et
c’est elle qui permet la vraie conquête du pouvoir. Il faut de l’ambition, de l’énergie, du
caractère et de la popularité pour aller à la conquête du pouvoir. Le génie politique
intègre la force et la ruse, il implique l’intelligence rationnelle, l’ordre et la discipline.
Mais la violence n’est pas le seul moyen de prendre le pouvoir, il faut aussi la vertu et
la compétence. Lorsqu’on possède une compétence reconnue, on peut solliciter le droit
de décider ou de gouverner, car la compétence fait référence au contrôle de savoirs
nécessaires et indispensables dans la société, celui du garagiste face au détenteur d’un
véhicule, celui du médecin face au patient ou celui du professeur face à son étudiant39.
La compétence peut être :

1. Intellectuelle (appelée à un haut niveau notoriété) entraînant la


capacité de se faire entendre et de se faire respecter,
2. Technique (appelée savoir-faire)

II.2.4. LES PRINCIPALES SOURCES DU POUVOIR

Il existe trois principales sources du pouvoir qui sont étroitement liées aux
trois principaux instruments du pouvoir :

1. La personnalité

En politique, la personnalité joue un rôle essentiel.


L’histoire nous a appris à admirer l’action des grands
hommes : LUMUMBA, MANDELA, DEGAULES, etc.

39
FWELEY DIANGITUKWA, O.C., p. 37.
40

2. La prospérité

La propriété est la plus directe et la plus visible des trois


sources du pouvoir. La propriété peut tout aussi bien
signifier la propriété matérielle (moyen de production) que
le savoir intellectuel ou savoir-faire. L’homme d’Etat
possédant le pouvoir commande parce qu’il est propriétaire
ou gestionnaire de la richesse nationale qu’il redistribue au
peuple.

Tout pouvoir corrompt, car non seulement on désire le


garder pendant longtemps en recourant souvent à l’usage de
la force mais aussi en corrompant ceux qui contribuent au
maintien du pouvoir. La propriété donne un réel pouvoir au
propriétaire face au dominé ou au démuni qui est en quête
d’un emploi. C’est pour cette raison que les
marxistes/communistes exigeaient l’abolition de la
propriété privée, car, à leurs yeux, elle est la source du
pouvoir dans un Etat capitaliste.

Posséder l’argent ou le pouvoir intellectuel ou le savoir-faire


est synonyme de posséder le pouvoir. L’argent en particulier
permet de financer des activités de tous ordres, d’acquérir
du pouvoir, l’argent suscite des allégeances et il permet
d’assurer des fidélités. Grâce à l’argent la communication
politique est plus qu’assurée40

3. L’organisation

La propriété est toujours mise en parallèle avec


l’organisation. Mais si la propriété a eu une très grande
importance dans le temps, elle a perdu, au fils des ans, de
son importance au profit de l’organisation. Il faut
reconnaître que c’est toujours par la richesse ou par le désir
de la richesse qu’un Etat arrive à obtenir le soutien ou la
soumission des autres Etats et des Gouvernements
étrangers. Si le but de l’organisation relève de l’intérêt
général, c’est-à-dire de la poursuite du bien commun, pour
y parvenir, il faut obtenir la subordination des volontés
particulières ou la soumission des individus ou de groupes
extérieurs à l’organisation. Une organisation est puissante si
elle peut disposer efficacement des trois instruments du
pouvoir : dissuasion, rétribution et persuasion. Toute
organisation cherche à amasser la richesse et elle cherche
40
GALBRAITH, J-K., Autonomie du pouvoir, Paris, Seuil, 1985, pp. 50-56.
41

également à assurer la conduite d’un leader voué à la cause


de l’organisation.

II.2.5. LES BUTS DU POUVOIR DE L’ETAT

Le pouvoir d’Etat a plusieurs buts :

1. A partir de la fin du 19ème siècle :

A). Etablir des règles de conduite pour les individus,


B). Juger, arbitrer ou sanctionner en cas de violation
de ces règles,
C). La perception des impôts,
D). L’organisation militaire,
E). Le maintien de l’ordre public, etc.

2. Au 20ème siècle : outre ces buts du 19ème siècle, il faut ajouter :


A). l’Etat est devenu à la fois le législateur souverain,
B). Fondateur et gardien du pacte social,
C). Entité chargée de la défense du territoire contre
toute invasion.
42

CHAPITRE TROISIEME
LES REGIMES POLITIQUES

Le « régime politique » est un concept de base de la typologie classique des modes


d’organisation et d’exercice du pouvoir politique dont le contenu comprend
essentiellement les règles du droit constitutionnel, règles relatives au pouvoir.

Cette notion permet de situer les uns par rapport aux autres des modes de
gouvernement étatique qui diffèrent entre eux du point de vue de leurs règles
constitutionnelles de fonctionnement.

Le lexique qui sert aujourd’hui à nommer les principales formes de régimes


politiques est largement hérité d’une tradition qui remonte à l’Antiquité grecque. En
revanche, c’est au 20ème siècle qu’apparaît la catégorie du totalitarisme, concept souvent
contesté.
43

Se fondant sur l’étude comparée de cent cinquante cités grecques, Aristote


distingue dans son Ethique à Nicomaque, comme dans son traité Politique, trois formes
justes de gouvernement :

1. La royauté (ou la monarchie),


2. L’aristocratie et la république,
3. Leurs formes corrompues qui sont : la tyrannie,
l’oligarchie et la démocratie.

Jean-Jacques Rousseau distingue selon le nombre des gouvernants et leur finalité,


trois formes de gouvernement :

1. La démocratie : lorsque tout le peuple ou la


grande partie du peuple exerce la
souveraineté,
2. L’aristocratie : lorsque la souveraineté est
détenue par une minorité,
3. La monarchie : lorsque le gouvernement est
concentré dans les mains d’un magistrat
unique dont tous les autres tiennent leur
pouvoir.

Pour Rousseau, chaque forme de gouvernement est la « meilleure » en certains


cas et le « pire » en d’autres. Mais il croit pouvoir poser la règle selon laquelle, « en
général », la démocratie convient aux Etats petits et pauvres, l’aristocratie aux
médiocres en grandeur et en richesse, la monarchie aux grands Etats opulents.

Montesquieu, quant à lui, dans son Esprit des lois I, propose une autre typologie.
Au lieu de définir les régimes politiques seulement selon le nombre des gouvernants et
leur finalité, il prend en compte le nombre des gouvernants et leur finalité, mais il ajoute
le mode d’exercice du pouvoir et les passions dominantes. Il distingue ainsi :
44

1. La république. C’est le régime où le peuple en corps ou seulement


une partie du peuple a la souveraine puissance. Lorsque dans la
république, le peuple en corps à la souveraine puissance, on parle de
la démocratie, et lorsque c’est une partie du peuple qui a la souveraine
puissance, on parle de l’aristocratie.

2. La monarchie. C’est le régime où une seule personne, appelée


monarque ou empereur, gouverne, suivant son unique volonté,
estimée toujours bonne et infaillible. Mais il gouverne avec des lois
fixes et établies. Le monarque ou l’empereur imagine détenir son
pouvoir du royaume céleste. Il pense participer au pouvoir divin.
Dans la monarchie, le pouvoir est de droit divin, héréditaire et se
transmet aux générations futures que par la voie de filiation
sanguine. Il y a deux sortes de monarchie :

1. La monarchie absolue où le roi règne et gouverne de


façon autoritaire sinon arbitraire. Il règne sans
partage. Il fait et défait, selon sa propre volonté, les
lois. Les citoyens sont des sujets du roi (Napoléon
Bonaparte, Louis XIV).
2. La monarchie constitutionnelle où le roi règne mais
ne gouverne pas. Il joue le rôle symbolique de
représentant, d’unité et d’identification de la nation.
Le roi est le chef de l’Etat, mais pas chef du
gouvernement (Belgique, Grande Bretagne,
Espagne).

3. Le despote. C’est le régime où une seule personne gouverne. Mais


sans lois ni règles fixes et établies. Il entraîne tout par sa volonté et
ses caprices.
45

La science politique contemporaine distingue trois types d’organisation


politique : les démocraties pluralistes, les régimes autoritaires et les systèmes
totalitaires. Les démocraties pluralistes légitiment les désaccords, les régimes
autoritaires en prohibent l’expression publique et les systèmes totalitaires ambitionnent
de les extirper par un remodelage des mentalités.

1. Les démocraties. La démocratie est l’exercice direct des responsabilités


gouvernementales par le peuple lui-même. C’est un régime politique
dans lequel la souveraineté procède de l’ensemble du peuple. Son
principe est « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le
peuple ».

On distingue deux formes de démocraties :

A). La démocratie directe. C’est lorsque le peuple est investi d’une


responsabilité effective sur l’ensemble des décisions ayant trait à la
collectivité. Ici le pouvoir politique est exercé directement, notamment par
le referendum.

B). La démocratie représentative. C’est lorsque le peuple délègue librement


le pouvoir de gouverner à des mandants. Elle se caractérise par :

1. L’universalité du suffrage ;
2. La séparation du pouvoir. En démocratie, il y a trois
pouvoirs qu’il faut toujours séparer : le pouvoir exécutif, le
pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. Actuellement, on
parle de plus en plus d’un quatrième pouvoir qui les médias ;
3. La décision par la majorité qui ne néglige pas les
propositions de la minorité de peur de tomber dans
l’intolérance ;
46

4. Le pluralisme idéologique qui se traduise par un pluralisme


au niveau des partis politiques.

Nous retenons trois éléments de convergence entre ces deux démocraties et


aussi trois éléments de divergence.

A) Les éléments de convergence

1. Les deux démocraties s’opposent à la monarchie, la


tyrannie, la dictature, l’aristocratie et l’oligarchie. Pour
les deux, le pouvoir appartient l’ensemble du peuple.
2. Les deux démocraties reconnaissent la liberté de
s’exprimer à l’ensemble du peuple.
3. Les deux démocraties reconnaissent à la majorité le
privilège de la décision.

B) Les éléments de divergence

1. La démocratie directe est minoritaire dans la mesure


où elle ne concernait qu’une partie du peuple : les
citoyens libres, tandis que la démocratie
représentative concerne le peuple dans son ensemble.
2. La démocratie directe est antique, tandis que la
démocratie représentative est moderne.
3. La démocratie directe qui est antique n’est pas
libérale ; car, pour les anciens grecs, la liberté ne se
limitait qu’au fait de participer à la direction des
affaires publiques ; tandis que la démocratie
représentative est libérale. Elle vise aussi le
comportement individuel en tant qu’expression des
garanties octroyées par les institutions publiques.
47

La théorie constitutionnelle distingue classiquement, au niveau de la démocratie


représentative, deux idéaux types, susceptibles concrètement de nombreuses variantes :
1. Les régimes parlementaires où le gouvernement, responsable
devant une assemblée susceptible d’être dissoute, exerce un
pouvoir au nom d’un chef d’Etat irresponsable. Dans les régimes
parlementaires, la capacité de l’assemblée d’obtenir la démission
du ministre est censée être équilibrée par l’exercice éventuel du
droit de dissolution. Le chef de l’Etat symbolise l’unité au-dessus
des divisions partisanes.
Bref, les régimes parlementaires se caractérisent par :

A. Une division de l’exécutif en deux :

7. Un chef de l’Etat qui est irresponsable devant l’Assemblée, mais a


une responsabilité pénale en cas de haute trahison ;
8. Un gouvernement issu de l’Assemblée et politiquement
responsable devant elle.

B. Un exécutif qui peut dissoudre le parlement.

Généralement, le Parlement comporte deux chambres à pouvoir


inégaux :

1. La première, seule issue du suffrage universel direct, exerce


la plénitude du contrôle de l’exécutif avec le pouvoir de
censurer le gouvernement. C’est la Chambre des
représentants.
2. La seconde a des prérogatives plus limitées, justifiées
généralement par son mode de désignation. C’est le Sénat.

Pratiquement, les régimes parlementaires sont développés selon deux


types :
48

A. Dans le premier cas, appelé régime d’assemblée, le régime


parlementaire se caractérise par l’affaiblissement des
organes exécutifs (La Constitution de la IV République
française).
B. Dans le deuxième cas, que l’on peut appeler exécutif
dominant, le régime parlementaire est rationalisé par
certaines règles : maîtrise par le gouvernement de l’ordre
du jour de l’assemblée, limitation de la durée des sessions
parlementaires. On retrouve des tels cas en France, Grande
Bretagne, Suède, Allemagne

On distingue deux sortes de régimes parlementaires :

A. Le régime parlementaire à bipartisme

C’est la situation dans laquelle la vie politique d’un pays est


exercée par seuls deux grands partis. Seuls ces deux partis sont
susceptibles d’accéder au pouvoir. C’est le leader du parti
majoritaire au Parlement qui devient le Chef du gouvernement
(Premier ministre). Le parti battu aux élections constitue
l’Opposition.

Ici le chef de l’Etat joue un rôle symbolique, mais c’est à lui


que le gouvernement a à rendre compte de son action (Ex.
Grande Bretagne, Allemagne).

B. Le régime parlementaire à multipartisme

Ici, le gouvernement est dirigé par un Premier ministre issu de


la coalition des partis qui forme la majorité au Parlement.

N.B. Ce qui est commun à ces deux régimes parlementaires,


c’est notamment le fait que le Premier ministre n’est ni
49

directement ni indirectement nommé par le corps électoral (un


suffrage quelconque), mais nommé par le Chef de l’Etat dans
le rang du Parti majoritaire au Parlement ou de la coalition des
Partis majoritaire au Parlement. Ce Premier ministre doit être
capable de former un gouvernement issu de sa majorité.

2. Les régimes présidentiels. On distingue ici le régime présidentiel


pur et le régime semi présidentiel.

1. Le régime présidentiel pur


(Cas des Etats-Unis d’Amérique)

Le régime présidentiel a été inventé pour qualifier le régime des Etats-


Unis d’Amérique lorsque le Président joua un rôle essentiel à la tête
de l’Etat.

Dans ce régime :

A. L’Assemblée ne peut renverser le Gouvernement, et ce


dernier aussi ne peut dissoudre celle-ci ;
B. Le chef de l’Etat a le droit de veto sur tous les actes du
congrès ; à moins qu’ils aient été acceptés à 2/3 des
membres. A cet effet, le Chef de l’Etat pourra façonner
l’opinion publique à sa cause.
C. Le Chef de l’Etat est chef de l’exécutif. Son pouvoir est
limité par le fonctionnement de deux chambres du
Parlement.
D. Le Chef de l’Etat se trouve au centre de la République.

N.B. Le risque avec ce régime, ce qu’il y a facilité de se transformer en dictature.

3. Le régime semi-présidentiel
50

Les caractéristiques de ce régime sont :

a. Le Chef de l’Etat est chef de l’exécutif, mais avec un


Gouvernement coordonné par un Premier ministre
issu de la majorité parlementaire ;
b. Le chef de l’Etat désigne le Premier ministre et le
Premier ministre désigne les ministres ;
c. Les Ministres sont nommés et révoqués par le Chef
de l’Etat sur proposition du Premier ministre ;
d. Le Chef de l’Etat a le pouvoir diplomatique ainsi que
celui de la défense.
e. Le Chef de l’Etat nomme 3 des 9 membres du
Conseil constitutionnel et les 9 membres du Conseil
Supérieur de la magistrature.
f. L’exécutif doit rendre compte et au Chef de l’Etat et
au Parlement (Chambre des représentants et Sénat).

3. Les régimes autoritaires : tyrannie, oligarchie, etc. Ce sont des


régimes dictatoriaux. Ils ont en commun de confisquer le pouvoir au
profit du gouvernement en place. Celui-ci s’attribue un monopole
absolu et ne tolère aucune procédure susceptible de remettre en
cause la domination. Le mécanisme de l’alternance, comme les
élections, sont supprimés. L’ordre est maintenu avec fermeté voire
brutalité. Une censure, avouée ou occulte, limite l’information. Le
verrouillage institutionnel étroit est la principale préoccupation des
dirigeants soucieux d’empêcher toute remise en cause de leur
présence au pouvoir. Une première manière d’opérer consiste à
interdire purement et simplement toutes activités politiques
organisées (partis, syndicats, associations civiques). Une seconde
manière revient à contrôler étroitement la vie politique, et
notamment l’appareil d’Etat, depuis le sommet jusqu’à la base. Les
51

dictatures acquièrent leur pouvoir par la violence et la conserve par


la répression et elles se déclarent souvent au service d’une cause qui
les dépasse et les légitimes. Il s’agit toujours d’une cause sacrée.
Leur seule ambition est d’instaurer un monolithisme purement
extérieur, c’est-à-dire un ordre public apparent, sans discordances
audibles.

On distingue quatre formes de dictatures, mais une dictature peut


revêtir toutes les quatre formes :

1. Les dictatures personnelles. Elles


appuient leur pouvoir sur l’individu. Elles
sont fréquentes dans le tiers-monde.
2. Les dictatures nationalistes qui tendent
d’ailleurs à dégénérer dans le tiers-monde
en dictatures personnelles.
3. Les dictatures révolutionnaires.
4. Les dictatures de salut public.

4. Les régimes totalitaires : le nazisme, le communisme. A la différence des


régimes autoritaires, les régimes totalitaires n’ont pas pour seule ambition
d’instaurer un monolithisme purement extérieur, mais il leur faut obtenir
l’adhésion active et sans réserve à leur projet de société, c’est-à-dire le
partage intime de l’idéologie du gouvernement. Les régimes totalitaires
s’appuient sur quatre éléments :

1. le culte paroxystique du chef,


2. le monopole idéologique,
3. le contrôle de tous les moyens de pouvoir et
de persuasion,
4. le système policier et concentrationnaire.
52

CHAPITRE QUATRIEME
LA NATION

La nation est généralement définit comme un groupe humain, vivant sur un


territoire lié par la conscience d’une histoire, d’une culture, de tradition et parfois d’une
langue commune et formant une entité commune 41.

En effet, la notion de « nation » est le fruit d’une longue évolution qui n’aboutit
qu’au 19ème siècle. Le dictionnaire de Furetière au 17ème siècle l’a définie comme « un
grand peuple habitant une même étendue de terre renfermée en certaines limites ou
même sous une certaine domination ». Avec cette définition, le terme n’avait pas de
connotation idéologique d’attachement à un ensemble géographique d’enracinement
dans un territoire.

Même l’Encyclopédie de 1765 n’a pas été précise et ne s’est attaché qu’au constat
suivant : « Une quantité considérable de peuples qui habite une certaines étendu de pays,
renfermée dans de certaines limites, qui obéit au même gouvernement ».

IV.1. L’APPORT DE LA REVOLUTION FRANCAISE

L’exaltation de la nation s’est fait avec la poussée de la bourgeoisie contre


l’Ancien Régime d’abord, puis contre la royauté.

Dans Qu’est-ce que le tiers Etat ?, Sieyès donne la conception moderne de nation.
Celle-ci est formulée d’individus, éléments indépendants, mais gouvernés par un unique
pouvoir, et soumis aux mêmes lois, ouvrages de leur volonté. Tous ont les mêmes droits
et sont libres dans leur communication. Cette collectivité forme un corps.

41
BERNARDI, B., La démocratie, Paris, Flammarion, 1999, p. 26
53

Dans ce sens, la nation n’est pas une combinaison. Et l’Etat n’est autre chose que
la personnification de la nation. L’article 3 de la Déclaration des droits de l’homme de
1789 déclare que « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la
nation. Nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’émane expressément ».

L’idée dominant, ici, est que la volonté nationale n’est pas la somme des volontés
singulières, mais qu’elle doit être dégagée par les représentants de la nation. En 1789,
la devise révolutionnaire montre ce renversement des valeurs et cette nouvelle
hiérarchie : « la Nation, la Loi, le Roi ». L’idée de la nation s’exprime également à
travers des symboles : le drapeau national, la fête nationale ou l’hymne national.

IV.2. NAISSANCE DES ETATS-NATIONS

Les guerres de la Révolution et de l’Empire avaient cristallisé à travers l’Europe


un mouvement de prise de conscience nationale. Des pays morcelé comme l’Italie ou
l’Allemagne commençaient à se penser en tant que nations, par opposition à
l’hégémonie française. Madame de Staël tente, dans un roman comme Corinne ou
l’Italie et dans un traité comme De l’Allemagne de définir la constitution de ces nations
en relation avec un lieu, un climat, d’une part, une histoire, une religion et une culture
de l’autre.

Le mot « nation » a dominé toute la pensée et l’histoire du 19ème siècle. Les


conflits européens inspirent à Ernest Renan son essai philosophique Qu’est-ce qu’une
nation ? (1882). En effet, dans cet essai, Renan met en avant les différents éléments
constitutifs d’une nation : la race, la langue, la religion, la géographie, mais il ajoute que
le fondement d’une nation est essentiellement affectif et intellectuel : « Une nation est
une âme, un principe spirituel (…), c’est l’aboutissement d’un long passé d’efforts, de
sacrifices et de dévouements : avoir des gloires communes dans le passé, une volonté
54

commune dans le présent, Avoir faits de grandes choses ensemble, vouloir en faire
encore, voila les questions essentielles pour être un peuple »42.

Bref, pour Renan, la nation est le sentiment d’avoir un passé commun et un


avenir à construire ensemble.

A cette conception « spirituelle » de la nation telle que l’expose Renan, s’oppose


celle des Allemands Herder et Fichte, qui définissent la nation sur base organiciste. La
nation, disent-ils, est un organisme né de la géographie, mais plus encore d’une langue,
de goûts et des caractères communs. Ainsi, elle ne peut demeurer à travers l’histoire
qu’en restant fidèle à sa propre culture. Chaque nation diffère donc des autres par son
caractère.

A la nation de Renan qui s’exprime, de façon universelle – chaque nation est


fondée sur le même principe de l’attachement de chaque peuple à une communauté –,
répond celle d’Herder : chaque nation existe intrinsèquement et de façon irréductible,
différente, indépendante d’un Etat qui la constituerait, marquant ainsi la prééminence de
la société sur l’Etat, mais ouvrant ainsi la voie à un particularisme propre à chaque
nation.

Les 19ème et le 20ème siècle voient se développer dans le monde une Société de
nations. La multiplication des liens internationaux conduit à la formation des
organisations supranationales, voire à la formation de fédérations nationales. En 1945,
le droit des peuples est consacré par la Charte des Nations unies. Fortes de cette
légitimité nouvelle, les revendications nationalistes et les mouvements d’indépendance
se renforcent au sein des empires coloniaux. Ces mouvements conduisent, par des
processus divers, à l’enracinement des nations asiatiques et africaines. La chute du
communisme en Europe de l’Est et la décomposition de l’Union soviétique, à la fin du
20ème siècle, provoque un mouvement de construction nationale avec l’éclatement de
l’ex-Yougoslavie et l’émergence des Etats baltes, slaves et Asie centrale.

42
RENAN, E., Qu’est-ce qu’une nation, Paris, 1882, p. 20.
55

IV.3. NATION ET NATIONALISME

Par nation, nous entendons un groupement humain, généralement assez vaste qui
se caractérise par la conscience de son unité et la volonté de vivre ensemble. Il est établi
universellement que toute personne a droit à une nationalité.

Une nation est toujours une œuvre qu’il faut consolider. La construction d’une
nation est un processus ardu qui nécessite des véritables saints hommes d’Etat. Car, il
faut toujours concilier des extrêmes, dépasser des animosités ethniques anciennes et
s’intégrer dans un ordre mondial. Tout cela exige des grandes qualités dans l’art de
gouverner.

Le mot « nationalisme » dérive du mot « nation ». Son emploi est devenu courant
à partir du début du 19ème siècle.

Dans son Nationalisme français (1871-1914), Raoul Girardet définit le


nationalisme comme un « souci prioritaire de conserver l’indépendance, de maintenir
l’intégrité de la souveraineté et d’affirmer la grandeur d’un Etat-nation ». Dans le
nationalisme, il y a le sentiment d’appartenance et d’adhésion à la nation comme cadre
de la solidarité sur les autres solidarités.

Le nationalisme désigne trois sortes de réalités associées à l’idée de nation :

1. Il est couramment employé dans le sens de chauvinisme 43 pour


désigner des formes outrancières ou caricaturales d’adhésion à la
patrie.

2. Il s’utilise également pour désigner les revendications d’un peuple

43
Chauvinisme : excès du nationalisme qui peut entrainer à la xénophobie.
56

assujetti, aspirant à l’indépendance.

3. Il est enfin étiquette idéologique à des mouvements de droite ou d’extrême


droite, qui affirment la priorité des défenses et des intérêts nationaux sur
tout autre enjeu politique.

On voit donc que la nation est une notion complexe, porteuse de liberté, mais
chargée de représentations symboliques, plus ou moins imaginaires qui peuvent
légitimer les conduites les plus extrêmes. Il y a ainsi une dérive possible dont la séquence
va de la nation à la revendication nationale pour aboutir finalement au nationalisme.

C’est ce qui a amené le Pape Jean Paul II de dire dans son discours à l’ONU que la
« différence de l’autre ne devrait pas être source de tensions ou perçue comme une
menace, au contraire, elle devrait devenir, à travers un dialogue respectueux et fécond
une occasion formidable de compréhension de la richesse de la nature humaine et du
mystère de son existence »44.

Soulignons que, dans ses expressions les plus radicales (qui prônent le mépris des
autres nations ou des autres cultures), le nationalisme est contraire au patriotisme qui est
l’amour légitime du pays dont on est originaire.

44
JEAN-PAUL II, Discours à l’ONU, New York, 5 octobre 1993, n° 10.
57

CHAPITRE CINQUIEME
LE MODE DE PARTICIPATION POLITIQUE
DU PEUPLE A LA VIE DEMOCRATIQUE

Par « participation politique », nous entendons « l’acte par lequel le citoyen


assume et tente d’influer, directement ou indirectement, le cours des affaires publiques
dans la société. La participation politique suppose une décision consciente et libre, de la
part du citoyen, de s’occuper de ce qui est censé orienter la vie de tous dans la cité. »45
La participation à la gestion de la chose publique peut se faire soit :

1. par les partis politiques,


2. par des élections,
3. par des groupes de pression.

En effet, l’homme ne peut pas échapper à la vie politique, parce que la politique
est une affaire de tout le monde et les affaires de tout le monde constituent l’objet de la
politique.

Alors la question serait de savoir : pourquoi chercherait-on à éviter la politique ?

Certes, celle-ci est généralement considérée comme une arène dans laquelle des
parties adverses voire ennemis, et ambitieuses à outrance, se livrent un combat perpétuel
et sans merci dans le but de conquérir le pouvoir, de le conserver et d’assurer sa
domination sur ceux qui l’auront perdu. C’est un combat où, par-dessus tout, aucun
moyen susceptible de procurer le pouvoir et les profits qu’il garantit n’est dédaigné.
Dans cette perspective, la politique est perçue comme une pratique et un lieu de
fourberie, de ruse, de violence et de cynisme impitoyable. Il va de soi que, comprise de

45
NGOMA-BINDA, P., O.C., p. 103.
58

cette manière négative, la politique devient une pratique répugnante aux yeux de toute
personne désireuse de demeurer pure, digne, intègre.

C’est donc une grave erreur de prendre la politique dans cette forme négative.
Dans sa forme positive, la politique est « un effort pour faire régner l’ordre, la justice,
le pouvoir assurant l’intérêt général et le bien commun contre la pression des
revendications particulières »46. Elle est, en d’autres termes, « un moyen d’assurer un
certain ordre social, une certaine intégration de tous dans la collectivité, pour le bien
commun »47.

Mais qu’elle soit entendue comme lutte ou comme effort d’intégration est
inévitable et nécessaire. En tant que désir de réalisation de la rencontre et d’ajustement
de la volonté de tous, la politique est, pour l’homme, une activité essentielle de création
de la société et d’une histoire humaine sensée et désirable parce que conciliatrice des
volontés divergentes. La politique est une institution humaine chargé de réaliser le
paradis terrestre, c’est-à-dire, une cité juste et épanouissante pour tous. Elle est un effort
de création de paix, de justice, de l’ordre et d’épanouissement de tous dans la cité. Elle
est de ce fait, une activité noble, morale. La politique trouve ses fondements dans un
double sentiment d’ordre moral :

1. Le sentiment de la solidarité nécessaire de l’individu avec sa communauté ;


2. Le sentiment pressant de devoir transformer sa société en vue d’une vie juste,
appuyée sur l’exigence de reconnaître l’égalité de tous les individus.

La participation politique du citoyen est donc nécessaire dans la mesure où la


décision d’entrer en politique est, originellement, une décision morale. Elle est une
intention noble de rechercher une société juste, et donc de servir de contre-pouvoir
politique au dirigeant. Laisser seul gérer à sa guise les biens et la destinée de la
communauté, c’est lui ouvrir la voie à la très séduisante tentation aux abus et à une

46
DUVERGER, M., Introduction à la politique, Paris, Gallimard, 1964, p. 20.
47
Ib., p. 22.
59

liberté de folie. La participation politique se fonde sur un impératif éthique : on s’engage


parce qu’on est sûr qu’il est possible, et nécessaire, de faire triompher la justice, l’ordre
et la joie de vivre pour tous au sein de la cité. Et pour désirer la justice, il faut qu’on soit
soi-même juste et très sensible à la justice.

Participer à la gestion des affaires publiques et à l’orientation des actions et idées


directrices de son pays, c’est témoigné d’un comportement civique honorable. Mais la
participation politique n’est pleinement réalisée que si elle est fondée sur un sentiment
profond et noble qui manifeste l’amour véritable de sa nation. Ce sentiment s’appelle
nationalisme.

Le nationalisme est un concept plurivoque. Il évoque à la fois un sentiment et une


idéologie :

1. En tant que sentiment, le nationalisme se traduit par une attitude affective à


travers laquelle l’homme se sent appartenir, de façon particulière, à une
communauté nationale précise et que, moralement, il se sent obligé de
promouvoir et de défendre. Il s’agit donc d’un amour agissant, actif, à l’égard de
la nation. Cet amour naît de la présence d’éléments intégrateurs de l’individu à
la communauté nationale.

Par exemple :

1. Une communauté de souvenirs historiques ;


2. Une communauté de solidarités spirituelles ;
3. Une communauté d’intérêts matériels ;
4. Une communauté de participations sociales, etc.

2. En tant qu’idéologie, le nationalisme est une idéologie exaltant la nation en tant


que communauté différente et ayant droit à l’existence, et une fière affirmation
de soi. En ce sens, le nationalisme implique une certaine manière de percevoir
60

l’étranger. Bref, à travers l’idéologie nationaliste, on se fait une idée supérieure


de soi, on se considère comme une nation digne qui a le droit à des libertés
étendues, et qui est même appelé à rayonner. De la sorte, les autres peuples, en
particulier celui auquel on s’oppose de façon explicite, sont regardés comme
barbares, impurs, exploiteurs, sataniques ou inférieurs.

V.1. LES PARTIS POLITIQUES

Pour préserver et protéger les droits et les libertés individuelles, tout peuple
démocratique a le devoir de participer à la formation des gouvernements de son choix
et la principale façon pour lui de le faire est de participer à la vie des partis politiques.
Un parti politique est un groupement de personnes unies par un projet politique et
idéologique dont elles poursuivent la réalisation en vue de la conquête du pouvoir 48.

Les partis politiques se sont développés avec l’existence d’Assemblées


représentatives, mais ont surtout pris leur essor avec l’extension du droit de vote et des
libertés publiques (liberté de la presse, droit de réunion, droit d’association) à la fin du
19e siècle.

V. 1. 1. TYPOLOGIE DES PARTIS POLITIQUES

Au plan de la structure et de la vie interne des partis, on distingue :

a. Les partis des cadres

La naissance et l’essor des partis des cadres se situent aux origines de la


démocratie représentative. Les partis des cadres constituent l’expression
politique de la classe dominante et spécialement de la bourgeoisie. Ces
partis dont l’activité est surtout électorale ne visent pas à recruter un

48
LASALLE, J-P., Les parties politiques aux Etats-Unis, Paris, PUF, 1989.
61

nombre élevé d’adhérents, mais à réunir des notables représentatifs de


l’élite sociale.

Ces notables sont recrutés, soit pour leur prestige – ce qui leur confère une
influence sur les électeurs –, soit pour leurs fortunes – qui contribuent à
couvrir la campagne électorale. Bref, ici c’est la qualité des adhérents qui
compte.

b. Les partis des masses

Le recrutement ici est massif et est tourné généralement vers l’éducation


politique de la masse et la formation des nouvelles élites. La formule des
partis des masses a été inventée par le mouvement socialiste à la fin du
19ème siècle et au début du 20ème siècle.

V.1.2. CARACTERISTIQUE D’UN PARTI POLITIQUE

En tant qu’ « une organisation regroupant des personnes ayant la même vision
en ce qui concerne la manière de gérer le pouvoir politique et de doter le pays du
maximum de possibilités pour sa stabilité, sa prospérité, sa puissance et sa grandeur »49,
le parti politique doit être :

1. Une organisation durable. Il n’est pas lié à la vie de ses dirigeants.


2. Une organisation perfectionnée à tous les échelons. C’est pourquoi parmi les
conditions exigées pour la constitution d’un Parti politique, il y a généralement
son caractère national.
3. Ses dirigeants, à tous les niveaux, doivent être animés de la volonté d’exercer le
pouvoir. Tout est fonction des résultats des élections ; ce pouvoir peut être exercé

49
NGOMA-BINDA, P., O.C., p. 444.
62

soit en coalition avec d’autres Partis politiques, soit seul au cas où le Parti a
obtenu la majorité parlementaire.
4. Il doit être animé d’une volonté recherche du soutien populaire, (à cet effet,
toutes les stratégies sont utilisées afin d’obtenir le soutien du plus grand nombre
d’adhérents au Parti).

V.1.3. LES ROLES D’UN PARTI POLITIQUE

Dans un système démocratique, le Parti politique joue et est appelé à jouer des
rôles très importants :

1. Educateur politique. Cette fonction comporte plusieurs volets. Il y a, d’abord,


l’information correcte sur les décisions et les intentions du pouvoir politique. Il
y a, ensuite, la formation de l’opinion publique sur les attitudes correctes à
adopter dans le cadre du pluralisme politique. Il s’agit notamment des vertus du
dialogue, de tolérance et de consensus ;
2. Clarificateur des choix électoraux ;
3. Sélectionneur des candidats aux fonctions électives ;
4. Facteur d’intégration sociale ;
5. Clarificateur des choix en élaborant de véritables programmes politiques ;
6. Sélectionneur des élus et organe de pression sur les élus ;
7. Choisir parmi ses militants ceux qui lui paraissent les plus aptes à le représenter
et à parler en son nom ;
8. Autour de son programme, chercher à mobiliser les citoyens, c’est-à-dire à faire
adhérer le plus grand nombre au projet politique qu’il défend, et à voter pour les
candidats qui incarne ce programme dans les batailles électorales.

On distingue trois types de systèmes des partis politiques :

1. Le système à parti unique. On le rencontre essentiellement dans les pays


où la démocratie ne s’est pas développée. Le parti est au service du
pouvoir en place, il est l’outil de propagande et d’imposition politique.
63

2. Les systèmes bipartites. Ils correspondent à la situation des pays où deux


grands partis ont le quasi-monopole de la représentation politique et
alternent au pouvoir (Grande-Bretagne, Etats-Unis).
3. Le système de pluripartisme. Il correspond à une situation de
concurrence entre de nombreux partis. Le pouvoir est alors exercé par une
coalition des forces politiques, sauf dans certains cas du pluripartisme
combiné avec un parti dominant (France, Italie).

V.2. LES ELECTIONS

Les élections constituent le moment crucial où s’exprime la vie démocratique. Elles


sont l’expression privilégiée de la démocratie. Car c’est à travers elles que le peuple,
souverain primaire, confie à certains citoyens, dans le cadre de la démocratie
représentative, le droit d’agir en son nom pour le Bien commun. Elles sont donc un droit
inviolable qui offre à tout citoyen qui a la maturité requise, non seulement la possibilité
d’exercer ses droits civiques en élisant ses représentants50 pour des charges publics dans
le pays mais aussi l’opportunité d’exprimer ses points de vue et ses priorités qui devront
être inclus dans le programme de gouvernement à venir51.

Et tout choix à des conséquences dans le Gouvernement et dans la vie de la nation.


Les élections doivent normalement nous offrir une occasion privilégiée pour sortir de
l’impasse, pour créer les conditions en vue d’un changement radical dans le style du
gouvernement, par le choix de représentant du peuple qui soient compétents et honnêtes,
qui, dans leur personne et dans leurs programmes présentent une orientation résolue à
promouvoir le bien commun.

Toutefois, les élections ne sont pas une panacée. Car, quelle que soit leur
importance, elles ne constituent pas à elles seules un miracle pour résoudre les nombreux
problèmes que rencontrent souvent les pays. Il y a un « après-élection » tout aussi

50
Ces représentants sont censés avoir une vision, des idées capables de promouvoir la nation.
51
KOUEVI, L., O.C., p. 91.
64

important pour les citoyens. D’où le processus électoral ne se termine pas avec une
simple indication de programme et du candidat qui va réaliser ledit programme. Il
continue avec l’accomplissement des citoyens pour voir si le programme de
développement proposés ont été réalisés. Au cours du mandat des élus, le citoyen a le
droit et le devoir de s’exprimer pour corriger les déviations du programme approuvé.
En cas de non-réalisation des obligations, de la part des élus, le citoyen à le droit de
choisir d’autres candidats, lors des élections suivantes.

V.2.1. NATURE ET IMPORTANCE DES ELECTIONS

Elire est :

1. Un droit et un devoir
Voter un droit humain reconnu par la Déclaration Universelle des Droits
de l’homme. Il est aussi un devoir. Les citoyens doivent prendre
conscience de ce droit et à l’exercer effectivement à chaque rendez-vous
électoral, même si nous reconnaissons que dans la population, il y a parfois
de la désaffection envers les élections.

2. Un signe de citoyenneté responsable et constructive

Voter n’est pas seulement un devoir, c’est un impératif pour tout citoyen,
car c’est par ce geste qu’il participe à la construction de son pays. En effet,
un monde plus humain et plus juste n’est jamais un cadeau mais une
conquête. De ce fait, chaque citoyen est appeler à participer à cette
conquête.
3. Un moyen d’action au-delà de simples paroles

Le vote est une action qui compte au-delà de toutes paroles ou


protestations : « … on ne doit pas se contenter de protester. Celui qui veut
65

agir de manière éthique doit aussi se soucier des moyens de changer


efficacement les choses. L’action politique est l’entre eux »52. En d’autres
termes, il ne suffit pas de rappeler des principes, d’affirmer des intentions,
de souligner des injustices criantes et de proférer des dénonciations
prophétiques : ces paroles n’auront de poids réel que si elles
s’accompagnent pour chacun d’une prise de conscience plus vive de sa
propre responsabilité et d’une action effective.

4. Une nécessité d’éducation et de formation électorale

Il ne suffit pas de voter, il faut bien voter. Et pour cela, toutes les étapes
du processus électoral doivent être valorisées. C’est pourquoi, il
recommandé avant tout aux citoyens de privilégier la formation et
l’éducation. L’éducation et la formation aident les citoyens à assumer leur
pleine responsabilité, à mieux connaître leurs droits et devoirs.

En effet, la préparation aux élections qui se veut active comprend aussi la


nécessité de s’informer, de débattre sérieusement avec les candidats en
lice, de participer aux débats même publics.

Mais qui faut-il élire ? A quels critères faut-il se référer pour élire telle ou telle
personne ?

La mission de représenter le peuple et d’assumer la gestion de la chose publique


est une tâche très délicate. Elle ne peut pas être exercée avec des chances de réussite,
par n’importe quel citoyen. En général, deux principaux paramètres entrent en ligne de
compte dans le choix politique : l’aspect sentimental et l’aspect rationnel, intellectuel

52
Mgr Dominique REY, évêque de Fréjus (France), Déclaration au lendemain des élections d’avril 2002 dans son
pays, cité par KOUEVI, L., O.C., p. 89.
66

et moral53. Mais entre les deux paramètres, c’est le paramètre moral et intellectuel qui
doit être privilégié :

1. L’aspect sentimental. Certains citoyens optent pour tel Parti politique ou pour tel
candidat uniquement sur base des raisons d’appartenance tribale, régionale,
confrérie, etc., ou simplement par sentiment, notamment le charisme du leader.
Un tel choix – qui ne tient pas compte des critères objectifs et moraux propres à
une gestion rigoureuse de la chose publique – risque de laisser le pouvoir entre
les mains inexpertes et immorales. Les conséquences d’un tel choix son connu :
la mauvaise gestion de la chose publique caractérisée notamment par le
tribalisme, le clientélisme, le détournement des deniers publics, la corruption, la
concussion, etc.

2. L’aspect rationnel, intellectuel et moral. Dans une réelle démocratie et dans les
pays où se vit réellement la démocratie, le choix politique et le choix des
dirigeants doivent être normalement dictés par :

a). L’idéologie et le projet de société qui déterminent les lignes maîtresses d’un
Parti politique et la manière dont celui-ci va orienter ses actions sur le terrain au
cas où il gagnerait les élections ;

b). Le profil du candidat lui-même. L’origine familiale, tribale, régionale du


candidat ne constitue pas le critère déterminant. Ce qui est déterminant, c’est le profil
du candidat lui-même dont la valeur intrinsèque est reconnaissance à travers
notamment les critères objectifs ci-après : sa moralité au niveau de sa vie
sentimentale (privé), familiale et professionnelle, sa compétence dans le domaine
intellectuel ou la gestion des hommes et les biens matériels, son attachement aux
valeurs patriotiques (le bien commun, la grandeur et la souveraineté de la Patrie) et
morales (souci de justice, d’honnêteté, d’amour du bien, du travail bien fait), etc.

53
Lire ici NGOMA BINDA, P., O.C., p.
67

Certes, le niveau mental et intellectuel de la majorité de nos concitoyens ne


permet pas que l’aspect rationnel soit privilégié dans le choix politique et dans le
choix du candidat à un poste de responsabilité dans la communauté. C’est ici que
doivent intervenir les associations telles que les Eglises, les Partis politiques, les
ONG, Les Universités, etc. Chargées notamment de l’éducation morale et politique
des citoyens.

V.2.2. LES SORTES D’ELECTION

A. L’élection présidentielle

Il existe plusieurs modes de désignation du Président de la République :

1. L’élection par les chambres législatives. Il s’agit de l’élection du Président de la


République au second degré par les membres du Parlement. Ce mode est le plus
simple et le moins coûteux. C’est sous ce mode qu’a été élu en 1960 le 1 e
Président de la République Démocratique du Congo, Monsieur Joseph KASA-
VUBU
2. L’élection par un collège spécial. Ici les électeurs sont recrutés dans diverses
catégories de citoyens.
3. l’élection au suffrage universel. Celle-ci peut être soit indirecte (c’est le cas du
Président des Etats-Unis dont la désignation passe par l’élection des grands
électeurs républicains ou démocrates), soit directe (le Président est élu sans
intermédiaires, par l’ensemble de l’électorat du pays. Est proclamé Président, le
candidat qui a obtenu la majorité absolue, c’est-à-dire la moitié plus une des voix
exprimées au premier tour de scrutin. Au cas où aucun candidat Président n’aurait
obtenu la majorité absolue des voix au 1 e tour, un 2 e tour est organisé deux
semaines plus tard pour départager les deux meilleurs candidats.
68

B. Elections législatives

Ici, on peut distinguer deux niveaux :

1. Celui du Sénat. Les sénateurs sont élus soit au second degré par un corps
électoral spécial, notamment par les députés provinciaux, comme le prévoit, par
exemple, la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février
2006 en son article 104 et la Loi du 9 mars 2006 portant organisation des élections
en son article 130, soit par un scrutin universel.
2. Celui des députés nationaux. Ils sont élus au suffrage universel direct et secret
(Art 101 de la Constitution, Arts 115 et 118 de la Loi portant organisation des
élections de la République Démocratique du Congo) au niveau des
circonscriptions électorales que sont, en R.D.C., le territoire, la ville et quatre
circonscriptions par regroupement de communes de la ville de Kinshasa.

V.2.3. LES MODES DE SCRUTIN

Le mode de scrutin choisi, exerce une grande influence politique sur le résultat
des élections. C’est la forme particulière selon laquelle s’exerce le vote, en fonction du
nombre des représentants à élire et de la technique de représentation.

On distingue :

1. Le scrutin majoritaire. Il a deux tours. Pour être élu au premier tour,


le candidat doit à la fois obtenir la majorité absolue des votes et les
quart des voix des électeurs inscrits. Si le candidat n’y parvient pas au
premier tour, un second tour est organisé à l’issue duquel le candidat
arrivé en tête est élu quelque soit le nombre de voix obtenues. Ce mode
de scrutin favorise le regroupement et les alliances entre partis
politiques présentant une proximité idéologique. Ce mode qui
s’applique en France, tandis qu’en Grande-Bretagne, on parle du
69

scrutin majoritaire à un tour. Le candidat arrivé en tête lors du tour


unique est déclaré gagnant quelque soit le pourcentage de ses voix. Le
scrutin majoritaire assure une surreprésentation du parti arrivé en texte.
Cependant le scrutin majoritaire a pour inconvénient d’être très
dépendant du découpage des circonscriptions qui peuvent avoir des
conséquences importantes sur le résultat des élections.

2. Le scrutin proportionnel. C’est un scrutin de liste. Il prévoit une


attribution des sièges au prorata des voix de chaque liste. La répartition
des sièges restants se fait selon les méthodes du plus fort reste ou de la
plus forte moyenne. Mais le scrutin proportionnel présente
l’inconvénient de rendre plus difficile la formation d’une majorité
claire et stable et donc d’obliger les différents partis à contracter des
alliances pour former des coalitions majoritaires, le risque étant de
rendre l’Assemblée ingouvernable ou de voir des majorités
hétéroclites priver le parti arrivé en tête de sa victoire.

V.3. LES GROUPES DE PRESSION

Il y a des caractéristiques communes entre les Partis politiques, les Groupes


d’intérêts et les Groupes de pression. Parmi celles-ci, il y a le fait que tous ces groupes
soient constitués d’un assemblage d’individus en interaction. Mais alors qu’un Parti
politique est constitué en vue de la conquête du pouvoir, les Groupes de pression sont
constitués pour faire prévaloir leurs intérêts.

Parmi les techniques d’action utilisées par les groupes de pression, on peut citer
notamment :

1. L’information ;
2. La persuasion ;
3. La pression (par exemple, la grève, les settings) ;
70

4. Le lobbying.

Il convient de noter que les lobbies ne sont pas à assimiler aux groupes de
pression. Aux Etats-Unis, l’expression lobbies concerne l’intervention des représentants
de certains groupes auprès du Congrès. Dans ce sens, le lobbying désigne des actions
entreprises auprès des personnes publiques.

Si En Europe et aux Etats-Unis, par exemple, on compte parmi les groupes de


pression les syndicats, les groupements et Associations comme les organisations
religieuses et autres organisations de pression (l’ordre des avocats, l’ordre des médecins,
Associations des consommateurs, etc.), en République Démocratique du Congo, des
organisations comme la Société civile – qui comprend les ONG, les Eglises, les
Syndicats, les Associations, etc. – en général et ses composantes en particulier jouent le
rôle dévolu aux groupes de pression.

Bien qu’apolitiques, les Groupes de pression jouent un rôle important dans la mesure où
par leurs actions, ils exercent une influence telle sur les pouvoirs publics qu’ils font
comprendre à ceux-ci les revendications de leurs membres. Par là, ils se font le porte-
parole de leurs membres et participent ainsi à la vie politique de leur pays. Car, face à
une injustice quelconque, ce qu’il faut faire c’est revendiquer. La revendication, en effet,
est un procédé légitime à la portée du peuple pour réclamer le respect de ses droits.

Il y a plusieurs conditions essentielles pour une revendication légitime :

1. La conscience de la capacité qu’ont les pouvoirs publics d’apporter des réponses


adéquates aux problèmes soulevés. Ainsi, en déclenchant une grève, les
responsables du syndicat du personnel de la Fonction publique doivent être
conscients que le gouvernement est capable de disponibilité des ressources
suffisantes pour payer les salaires ou répondre à leur revendication.
2. Avoir la conviction ou la preuve de la mauvaise volonté à la base du refus des
gouvernants d’apporter des solutions légitimement attendus d’eux.
71

Comme aussi, il y a plusieurs moyens légitimes d’une revendication. Il s’agit ici


par une information documentée, de chercher à convaincre les dirigeants du bien fondé
des exigences qui lui sont soumises. Le dialogue est fondé sur la tolérance. Celle-ci est
la capacité de reconnaître à l’interlocuteur le même droit à la parole que vous-même.
Grâce à cet échange de parole qui autorise la recherche en commun des solutions
acceptables, le compromis peut être trouvé pour l’intérêt de toute la collectivité
nationale.

1. La dénonciation. Lorsque de façon résolue, le responsable manifeste de la


mauvaise volonté, le citoyen a le droit et l’obligation de dénoncer toutes les
manœuvres dilatoires et les actes répréhensibles. A cet égard, les lettres aux
autorités hiérarchiques et la presse, notamment privée, peuvent servir à alerter
l’opinion des autres dirigeants et du peuple.
2. La grève. La grève est une stratégie de revendication des droits. En tant que
moyen de pression, elle consiste dans l’arrêt temporaire du travail. C’est la voie
privilégiée par les organisations syndicales pour exiger le respect de leurs droits.
3. La désobéissance civile. Elle consiste dans le refus d’exécuter un ordre
manifestement illégal. Ainsi, un groupe des Professeurs qui réclame
l’amélioration de leur situation salariale peut refuser d’enseigner même si le
Ministre de l’Enseignement Supérieur et Universitaire leur a intimé l’ordre de
s’exécuter.

Il faut aussi noter qu’une revendication démocratique a des règles :

1. L’action doit être légale. Pour qu’une revendication soit légitime, l’action doit
reposer sur la législation existante. En effet, en ce qui concerne la grève, par
exemple, la législation en matière de travail prévoit un processus y afférente qu’il
s’agit de respecter si l’on veut éviter des poursuites judiciaires.
2. L’action doit être préparée. Pour qu’une revendication, comme toute action
humaine d’ailleurs, puisse apporter des résultats escomptés, elle doit éviter la
72

précipitation funeste ; elle doit au contraire être suffisamment préparée, mûrie,


étudiée dans les moindres détails. Il est même conseillé de préparer ses propres
encadreurs afin d’éviter des débordements toujours possibles en pareils cas, qui
risquent de discréditer l’action et son groupe auprès de l’opinion non directement
concernée.
3. L’action doit être fondée sur une information exacte. Pour donner plus de crédit
à l’action, il est souhaitable qu’une équipe technique soit mise à contribution afin
de rassembler toutes les informations utiles capables de motiver l’action.
4. L’action doit être motivée par une injustice avérée.

En fait, la démocratie octroie au peuple de nombreux moyens de faire entendre


leur voix par des moyens pacifiques, non violents, démocratiques. Il appartient aux
dirigeants politiques de travailler positivement afin que par la justice sociale règne dans
le pays et que règne un climat de paix sociale indispensable au développement du pays.

CHAPITRE SIXIEME
LA DECENTRALISATION
La décentralisation est un mode d’organisation et de gestion administratives de
l’Etat, selon lequel ce dernier transfert, une partie de ces compétences (pouvoir de
73

décision et d’agir) à une collectivité publique locale ou à un organisme spécialisé,


organiquement et financièrement autonome, s’administrant librement pour la résolution
des problèmes d’intérêt local ou spécifique partant de la personnalité juridique propre et
distincte de celle de l’Etat que cette loi lui confère. Néanmoins l’autorité de tutelle (le
pouvoir centrale) assure le contrôle de légalité (et non d’opportunité) sur leurs actes.

Avec cette technique administrative de la décentralisation, les autorités centrales


de l’Etat partagent les pouvoirs avec les autorités locales, lesquelles peuvent renforcer
la démocratie et promouvoir efficacement le développement national par la base, grâce
à l’adhésion et la participation des citoyens rendues faciles par le fait du rapprochement
de chaque Administration des administrés. La décentralisation s’applique notamment
dans une forme d’Etat unitaire et fédéré.

N.B. Malgré la panoplie des définitions sur la décentralisation, il n’existe pas de


définition universelle ni uniforme de la décentralisation. Chaque pays conçoit sa
décentralisation à travers son contexte politique, historique et culturel. Il s’agit d’un
moyen pour atteindre des objectifs qu’un Gouvernement s’est assigné dans la gestion
des affaires provinciales ou locales et notamment dans la réalisation des services
collectifs.

Généralement, on distingue trois formes de décentralisation : la décentralisation


politique, la décentralisation fonctionnelle ou administrative et la décentralisation
territoriale.

1. La décentralisation politique

Dans la décentralisation politique, l’Etat, en plus de ces compétences


administratives, transfert des compétences législatives.
74

C’est le cas que règle les dispositions constitutionnelles régissant les


provinces de la troisième république en République Démocratique du
Congo (articles 2, 3, 195 à 206, etc. de la Constitution).

2. La décentralisation fonctionnelle ou administrative

Dans la décentralisation administrative, l’Etat confère à des organismes


publics une personnalité juridique à cause de leurs technicités, en vue de
produire les biens matériels ou des services spéciaux, en dehors des autres
services publics de l’Etat qui, eux, sont centralisés à des différents degrés
dans le but de générer des bénéfices.

3. La décentralisation territoriale

Elle concerne les collectivités publiques locales. L’Etat transfert des


compétences globales. Le maître mot de la décentralisation, c’est
l’autonomie qui se traduit en termes juridiques par le principe de la libre
administration des collectivités locales.

La notion d’autonomie ici signifie que les collectivités territoriales sont


des entités juridiques distinctes de celles de l’Etat ; elles s’administrent à
travers des organes élus et gèrent leurs affaires par délibération.

C’est le cas des Entités Territoriales Décentralisées prévu par la


Constitution de la troisième république de la République Démocratique du
Congo en son article 3.

VI.1. LES ENJEUX DE LA DECENTRALISATION


75

Le dynamisme de la décentralisation repose sur la conviction de plus en plus


partagée qu’il ne peut y avoir de développement sans l’adhésion et la participation des
populations et sans référence à leurs assises culturelles.

Ces enjeux se situent à trois niveaux : au plan politique, au plan économique et au


plan socioculturel.

1. Au plan politique

L’objectif général de la décentralisation est la prise en charge par les


populations locales de la gestion de leurs propres affaires. Cela implique :

- Un transfert de pouvoirs aux organes élus démocratiquement ;


- Une responsabilisation des populations par la définition des
compétences et des moyens d’action des collectivités. D’où
une redistribution des pouvoirs ;
- Un redimensionnement de l’appareil de l’Etat et une grande
participation des populations à l’exercice du pouvoir.

La décentralisation sert donc de levier à la bonne gouvernance et


consolide le processus de démocratisation.
2. Au plan économique

L’octroi aux collectivités décentralisées de compétences et des ressources


propres, entraîne une démultiplication des centres de décision et de gestion
de la vie économique.

D’une situation où l’Etat était le principal agent économique, la


décentralisation crée les conditions de partage des rôles entre l’Etat et les
76

collectivités territoriales et le secteur privé. L’Etat devra donc se


désengager progressivement de plusieurs domaines d’intervention
d’intérêt local et régional à des niveaux appropriés de pouvoir et de
gestion.

3. Au plan socioculturel

La décentralisation entraîne une profonde mutation socioculturelle en


permettant le rapprochement entre l’administration et les citoyens.

Par conséquent, les interventions administratives devront être modulées


sur les pratiques économiques et sociales.

VI.2. LES OBJECTIFS DE LA DECENTRALISATION

La décentralisation vise trois objectifs :

1. La réforme de l’Etat. Il s’agit de redéfinir le rôle de l’Etat en


recentrant ses fonctions sur les missions régaliennes à savoir : la
défense, la sécurité, la justice.
2. La promotion de la démocratie à la base. Il s’agit de l’émergence
d’une démocratie à la base à travers les élections de proximité.
3. La promotion du développement local. A partir d’un plan de
développement, il s’agit de mobiliser les citoyens autour d’un
idéal commun afin de construire une vision à moyen et long
terme.

VI.3. LES AVANTAGES DE LA DECENTRALISATION


77

Les avantages liés à une telle reformes peuvent se résumer comme suit :

1. La décentralisation donne au citoyen le pouvoir et les moyens lui


permettant d’obliger les autorités administratives élues à lui
rendre compte.

Le rapprochement de l’action administrative du milieu de vie des


populations qui voient les réalisations est une source de pression
sur les autorités à rendre compte.

La décentralisation permet de remettre en cause de nombreuses


règles administratives pesantes coûteuses qui ont perdu depuis
longtemps leur raison d’être.

Bien menée, la décentralisation contribue puissamment à


améliorer la capacité d’action de l’Etat, à adapter les services
publics aux préférences locales, à renforcer la responsabilité
politique à l’échelon local et à favoriser le développement
économique local.

2. La population qui participe à la prise de décision et au traitement


des affaires publiques d’intérêt local sera plus facile à mobiliser
pour contribuer physiquement, matériellement et financièrement
à l’effort de développement et se sentiront plus responsables pour
assurer la pérennité des réalisations.

L’intégration des initiatives de base permet la création de


synergies entre acteurs, entre produits, entre secteurs d’activité.
C’est à ce niveau que se développe une conscience collective
d’appartenance des populations locales à leur territoire.
78

3. En rapprochant la décision politique des citoyens, la


décentralisation favorise le développement de l’économie. Elle
offre un cadre favorable pour l’éclosion des initiatives et une
amélioration de l’efficacité des entreprises. Ce qui permet de
produire davantage entraînant ainsi un enrichissement de leur
famille et de leur pays.

La décentralisation débouche sur des économies de ressources,


une meilleure utilisation des impôts et une plus grande prospérité,
une responsabilisation des citoyens et des responsables
administratifs locaux.

VI.4. LES DESAVANTAGES DE LA DECENTRALISATION

La décentralisation n’est pas non plus une panacée. Elle n’est qu’un instrument
parmi l’ensemble de la panoplie de mesures permettant de mieux gérer le pays. Elle
comporte des désavantagés suivants :

1. Les risques de résurgence de féodalités locales, le régionalisme et le


séparatisme. C’est l’une des raisons majeures de la réticence de
certains régimes.

2. La mauvaise gestion, la corruption. La multiplication des centres de


décision peut entraîner un accroissement des risques de corruption
et de mauvaises gestions en l’absence d’un mécanisme de contrôle
efficace mis en place.
79

Face à ces craintes, force et de reconnaître que la réussite de la décentralisation


dépend d’une forte capacité sur le plan des ressources humaines. Elle nécessite des
ressources humaines de qualité à la fois au niveau de l’Etat et de la province pour assurer
la tutelle et apporter une assistance aux collectivités et, au niveau des Entités
Territoriales décentralisées, pour gérer et fournir des services de qualité aux populations.
Car, si le développement vise l’homme, et tout homme, la décentralisation met l’homme
au centre de la décision et fait de lui l’auteur des actes qui touchent à sa vie quotidienne.

La décentralisation constitue un des axes majeurs de réformes entreprises dans les


pays d’Afrique pendant ces dernières années. Mais elle ne sera opérationnelle que
lorsque certaines conditions sont remplies :

1. Un rôle accru de la société civile : il s’agit de dépasser le seul cadre


de la démocratie représentative au niveau local et d’aller vers les
autres formes de démocratie plus participative, de reconnaître un rôle
plus accru à la société civile et lui donner les moyens de mieux
assumer son rôle.

2. La déconcentration (en ce qui concerne la République Démocratique


du Congo, les chefs de l’exécutif des Entités Territoriales
Décentralisées représentent l’Etat et la province dans leurs
juridictions respectives) : elle constitue la condition sine qua non
d’une décentralisation réelle. Les ETD pour pouvoir décider et agir
rapidement et en fonction des situations concrètes auxquelles elles
sont confrontées ont besoin d’avoir dans l’administration de l’Etat
des interlocuteurs à leur niveau qui soient investies d’un pouvoir de
décision important.

Pour cela, l’Etat doit être renforcé dans certaines fonctions-clefs,


transcendantes à toutes les autres fonctions, qu’elles soient de
80

souveraineté ou de prestation. Il s’agit notamment de la justice et de


l’information et communication.

VI.5. DECENTRANTRALISATION ET REFORME DE L’ETAT CONGOLAIS

La Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006 a


réaffirmé sa détermination à sauvegarder et à consolider l’indépendance et l’unité
nationales dans le respect de nos diversités et de nos particularités positives.

Ainsi, son article 1er détermine clairement que « La République Démocratique du


Congo est, dans ses frontières du 30 juin 1960, un Etat de droit, indépendant, souverain,
uni et indivisible, social, démocratique et laïc ».

Cette Constitution célèbre la décentralisation comme seule mode de gestion


politique, économique, administrative. Cette réforme de l’Etat consacre un découpage
territorial. Ici, Ici, il est à noter que nullement il est écrit dans la Constitution du 18
février 2006 que la République Démocratique du Congo est un Etat fortement
décentralisé. Il est seulement dit que la République Démocratique du Congo est un Etat
Unitaire décentralisé.

La nouvelle réforme consacrée dans la Constitution de la République


Démocratique du Congo consacre une nouvelle subdivision territoriale ou un nouveau
découpage politique et administratif national. En effet, désormais, la République n’aura
plus 11 provinces comme actuellement mais 26 provinces dotées d’une personnalité
juridique.

1. La province sera divisée en villes et territoires.

- La ville54 en communes,

54
Par ville dans la découpe territoriale congolaise, il faut entendre tout chef-lieu de la province ou encore tout
agglomération d’au moins 100.000 habitants disposant des équipements collectifs et infrastructures économiques
81

- La commune55 en quartiers et ou groupements incorporés.

2. Le territoire en secteurs et ou chefferies.

- Secteur et ou chefferies en groupement,


- Groupement en village

La conséquence directe de ce découpage est la suppression de la carte de l’échelon


appelé « District » suivi de l’augmentation des Entités Territoriales dont le nombre de
11 à 26.

Avec cette nouvelle mode de gestion politique, économique et administrative, le


pouvoir s’exerce à trois niveaux :

1. Le Gouvernement central,
2. Le Gouvernement provincial,
3. Les Entités Territoriales Décentralisées (Ville, Commune, Secteur
et ou chefferie).

L’exercice du pouvoir à ces trois niveaux se règle par le principe de la libre


administration des provinces.

et sociales à laquelle un décret du Premier Ministre aura conféré le statut de ville. Le décret est pris sur proposition
du Ministre National de l’Intérieur après avis de l’Assemblée Provinciale.
55
Par commune, il faut entendre tout chef-lieu du territoire ou toute agglomération ayant une population de 20.000
habitants à laquelle un décret du Premier Ministre, pris sur proposition du Ministre National de l’Intérieur après
adoption par l’Assemblée provinciale, aura conféré le statut de commune. Il faut noter ici que les chefs-lieux de
secteur ou de chefferie ne peuvent être érigés en commune.
82

CHAPITRE SEPTIEME
LA DEMOCRATIE ET/OU L’ETAT DE DROIT

La science politique contemporaine distingue trois types de régimes politiques


parmi lesquels il y a les démocraties pluralistes. Il sied de regarder succinctement cette
forme de régime qu’Aristote met dans le paquet des formes corrompues. Aujourd’hui, à
l’âge de la modernité ou de la « postmodernité », la question ne se pose plus en termes
aristotéliciens, mais plutôt d’Etat de droit ou Etat de droit démocratique ou tout
simplement démocratie.

Le pluralisme : politique et idéologique, culturel et religieux qui fonctionne à l’âge


de la postmodernité nous invite (voire oblige), bon gré mal gré, à vivre ensemble avec
83

nos différences, à construire une communauté humaine, sachant que certaines de nos
différences vont demeurer avec nous toujours.

« Si telle est donc la condition humaine, il sied de prendre au sérieux le


fait du PLURALISME. La relativisation ou la non-reconnaissance de nos différences
ouvre la voie de la peur de l’autre, source d’inimitié, de conflit, de violence et de guerre
de « chacun contre chacun », comme dans l’état de nature. Par contre, la politique de la
reconnaissance de nos différences ontologiques, culturelles, religieuses et autres
constitue le point de départ du respect, de la valorisation et de l’acceptation de l’autre,
quel qu’il soit. Notons en passant que le fondamentalisme est une idéologique qui rejette
le pluralisme ; il est le refus de l’autre dans sa différence 56. »57

D’ici, la question du vivre – ensemble avec nos différences se pose. Que faire pour
harmoniser nos vues ?

C’est en ce moment qu’intervient l’Institution ou l’Etat ou mieux, l’Etat de droit,


en vue de gérer et d’harmoniser nos différences.

Ainsi, le régime politique démocratique se présente comme le système dans lequel


chacun peut trouver sa place et exprimer ainsi sa ou ses différence (s).

D’origine grecque (demokratia). Il est constitué de Domos (peuple) et de kratos


(gouvernement, règne, pouvoir), ce qui signifie gouvernement du peuple. La démocratie
est donc un système politique dans lequel la souveraineté procède de l’ensemble des
citoyens. Son principe fondateur est: « gouvernement du peuple, par le peuple et pour
le peuple ». La démocratie est donc « le système qui assure la participation des citoyens

56 Les conflits de type religieux (par exemple, entre musulmans et chrétiens) dans le monde ne sont-ils
pas le résultat d’une politique de la non-reconnaissance des différences qui nous caractérisent ?
57
MANWELO P. cours d’éducation à la citoyenneté, inédit.
84

aux politiques et garantit aux gouvernés la possibilité de choisir et de contrôler leurs


gouvernants, ou de les remplacer de manière pacifique lorsque cela s’avère opportun »58.

VII. 1. LES ORIGINES DE L’IDEE DEMOCRATIQUE


VII.1.1. LA DEMOCRATIE DANS L’ANTIQUITE

Pour les Cités-Etats de la Grèce classique, comme Athènes, la démocratie


directe, modèle opposé à la tyrannie et à l’oligarchie, parait le mode de
gouvernement le plus adapté à des petites entités soucieuses d’autonomie et dotées
d’une forte homogénéité sociale. Tous les citoyens peuvent effectivement prendre
la parole et voter à l’Agora, l’assemblée de la cité, à l’exception notable des femmes,
des esclaves et des « métèques » (non autochtones) qui, excluent de la citoyenneté
n’ont aucun droit politique. Notons que la démocratie romaine ressemblait
exactement à celle-ci, bien que Rome ait parfois accordé la citoyenneté à des
hommes nés hors de la cité.

VII.1.2. L’EMERGENCE DE L’INDIVIDUALISME A LA RESNAISSANCE

A partir du Moyen Âge, l’idée démocratique s’efface devant la montée du


modèle théocratique, qui fait de la religion, inséparable d’une vision hiérarchique de la
société la base de la légitimité du pouvoir et celle de l’organisation sociale dans son
ensemble. La prééminence peu à peu acquise par la monarchie aux dépens de la papauté
ne remet pas en question, bien au contraire, l’idée selon laquelle l’individu n’existe au
sein de la société qu’en fonction de la place qui lui a été assignée par sa naissance,
système qui veut que le pouvoir soit exercé par ceux-là seuls qui, par nature, en ont reçu
la capacité.

58
Centisimus annus, Lettre Encyclique de Jean Paul II à l’occasion du centenaire de l’Encyclique Rerum novarum,
1 mai 1991.
85

Toutefois, certaines conceptions issues du christianisme, comme


l’affirmation selon laquelle les hommes sont égaux devant Dieu, contribuent à une
nouvelle formulation de l’idée démocratique dès la fin du Moyen Âge, en liant avec le
déclin du féodalisme, l’émergence des premiers formes du capitalisme, et la constitution
d’une bourgeoisie urbaine désireuse de participer aux affaires publiques. S’inscrivant
dans le cadre d’une affirmation progressive de l’individualisme, la Renaissance consacre
l’idée d’une autonomie de l’homme, qui doit s’entendre comme autonomie et liberté de
la conscience (manifestée par l’humanisme dans le domaine intellectuel), mais
également comme une autonomie vis-à-vis d’un pouvoir envoie de sécularisation, dont
la légitimité fait l’objet d’une interrogation majeure.

VII.1.3. LA NAISSANCE DE LA DEMOCRATIE MODERNE

Si le souverain n’est plus incontestable, soit parce qu’on considère que sa qualité
de représentant de Dieu ne lui confère pas une légitimité absolue, soit, dans une optique
plus concrète prenant en compte la finalité du pouvoir, parce qu’on estime que la
monarchie telle qu’elle existe ne garantit pas à chacun le bonheur auquel il aurait droit,
la question consiste à définir le « bon » modèle de gouvernement. La démocratie qui
associe au pouvoir l’ensemble de la collectivité, apparaît dès lors comme l’horizon de
toute réforme politique d’envergure.

Parmi ces réformes, nous pouvons citer :

1. La « révolution » anglaise (1642-1649)

La révolution anglaise constitue l’une des premières tentatives de remise en cause


de la monarchie absolue. La guerre civile qui s’est déroulée en Angleterre de 1642 à
1644 voit l’affrontement de la petite noblesse et de la bourgeoisie puritaine avec le roi
Charles 1e, dont l’autoritarisme finit par provoquer sa destitution et son exécution en
1649. Cependant, la République instituée par Cromwell, qui s’est maintenu au pouvoir
de 1649 à 1658, était à peu près dépourvue de caractère démocratique, et après le retour
86

de monarchie avec Charles II (1660-1685), il a fallu attendre la « glorieuse révolution »


de 1688, marquée par la formulation de la Déclaration des droits humains, pour que la
limitation effective apportée aux pouvoirs du souverain et la garantie des libertés
individuelles accordée aux citoyens préfigure la démocratie moderne. L’Angleterre
s’emploiera ainsi progressivement à élaborer l’un des principaux modèles, celui de la
démocratie libérale et représentative, au cours des 18e et 19e siècles.

2. L’apport du siècle des Lumières

Le siècle des Lumières marque un approfondissement considérable de la réflexion


sur la démocratie. Mettant l’accent sur la valeur absolue de la liberté individuelle, le
philosophe anglais John Locke, auteur du Traité sur le gouvernement civil (1690), se
prononce en faveur d’une monarchie constitutionnelle, où le souverain, tenant son
pouvoir du pacte social et non plus du droit divin, peut être renversé par l’insurrection
s’il outrepasse ses prérogatives. Poursuivant cette réflexion qui, sans remettre en cause
le principe monarchique, s’interroge sur la forme que doit revêtir le pouvoir pour qu’il
soit considéré comme légitime. Montesquieu fait franchir, à son tour, un pas décisif à la
pensée politique en formulant la théorie de la séparation des pouvoirs, en vertu de
laquelle une limitation réciproque des prérogatives de l’exécutif, du législatif et du
judiciaire évite toute dérive vers l’absolutisme.

Rompant avec cette optique qui, si elle définit un nouveau mode d’exercice du
pouvoir, mettant l’accent sur la protection de l’individu dans la perspective du
libéralisme, refuse de s’interroger sur l’origine du pouvoir, et refuse, par exemple, toute
perspective de démocratie directe, Jean-Jacques Rousseau fait de toute forme de
collectivité politique la résultante d’un contrat social par lequel chaque citoyen, se
soumettant dans son ensemble, est plus libre que s’il était isolé face au pouvoir d’un
seul, et plus heureux puisque la collectivité favorise nécessairement le bonheur du grand
nombre.
87

Cette conception qui fait primer le collectif sur l’individuel, est l’une des sources
de la conception moderne de la démocratie, mais elle est entrée fréquemment en conflit
avec le modèle de la démocratie représentative et libérale tel qu’elle a été définie par les
révolutions.

3. La guerre d’Indépendance américaine

Née de la volonté des colonies américaines de s’affranchir de la domination


britannique, la guerre de l’Indépendance américaine est à l’origine de la création des
Etats-Unis d’Amérique. S’appuyant sur la déclaration de l’indépendance de 1776,
rédigée par Thomas Jefferson, la Constitution de 1787, conciliant avec souplesse désir
d’autonomie des Etats et nécessité d’un certain centralisme fédérateur, définit les
contours d’une démocratie représentative soucieuse de la garantie des libertés
individuelles.

4. La Révolution française

C’est sans doute la Révolution française qui, en raison de son caractère social et
de son retentissement en Europe, a exercé l’influence la plus déterminante sur la
formulation de l’idée démocratique moderne. En effet, l’importance de la Révolution
française ne réside pas tant dans un changement brutal de régime, puisque la France a
connu de nouveau des formes plus ou moins autoritaires de régime monarchique au 19e
siècle, mais dans l’affirmation d’un certain nombre des principes qui acquièrent peu à
peu une portée universelle. Découlant de la Déclaration des droits de l’homme adoptée
en 1789, la consécration des principales libertés publiques (sécurité et sûreté
individuelles, liberté d’opinion, d’expression, de circulation, etc.) a dessiné d’une
manière définitive l’idéal d’une société démocratique, quelque soit le type de régime
politique dans lequel elle s’incarne.

Bref, nous pouvons retenir tout simplement que les démocraties modernes sont
nées d’un refus : celui de l’arbitraire, du pouvoir despotique, de la dépendance envers
88

les caprices ou les volontés obscures de puissances en place. A la racine de la


démocratie, il y a une méfiance envers le pouvoir de l’homme sur l’homme, une tentative
de le limiter le plus possible59.

Une démocratie authentique a comme base un Etat de droit et une conception


correcte de la personne humaine, et il est important que soient réalisées les conditions
nécessaires pour la promotion des personnes, par l’éducation, la formation à un vrai
idéal et aussi par des structures qui leur permettent la participation et la coresponsabilité.

De tout ceci, retenons tout simplement que la démocratie est avant tout :

1. Une forme de gouvernement où le détenteur du pouvoir et le destinataire se


trouvent être le peuple. Le peuple peut exercer son pouvoir directement ou à
travers des représentants librement élus. Le Président Abraham Lincoln la
définit comme « un gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple »60.

Dans l’histoire, nombreux sont des penseurs, tels Platon et Aristote, qui ont
combattu une telle forme de gouvernement. Platon et Aristote estimaient :

a). Que le peuple, naturellement majeur et ignorant, n’est guerre critique, et est
donc très peu apte à commander dans la sérénité et à opérer des choix rationnels ;
b). Que le système de commandement étant rotatif, tout homme adulte, même
radicalement imbécile, pouvait un jour devenir magistrat, c’est-à-dire dirigeant
dans la cité dès que le tirage au sort lui serait favorable ;
c). Qu’étant donné qu’elle institue la libre discussion, la démocratie risque de
diviser la société. Or, disait Platon, il faut préférer ce qui unit à ce qui divise. 61

59
PAUL VALADIER, P., Les valeurs de la référence dans l’exercice de la démocratie, Séminaires sociales de
France, 1998.
60
LINCOLN, A., cité par MBAMBI MONGA OLIGA, O.C., p. 167.
61
Lire à ce sujet NGOMA-BINDA, P., La participation politique. Ethique Civique et Politique pour une culture
de la paix, de la démocratie et de bonne gouvernance, 2e éd. Kinshasa, Ifep, 2005, p. 159.
89

C’est pourquoi, à la démocratie, ils préféraient la sophocratie, c’est-à-dire un


gouvernement dirigé par des sages. Or, il n’y avait que des philosophes, selon eux, qui
étaient des vrais sages ; donc un gouvernement dirigé par les philosophes.

Cette même méfiance vis-à-vis de la démocratie, dans son sens originel, se


ressent aussi chez Hobbes, Locke, Montesquieu et Rousseau qui la prenaient comme
une forme de gouvernement inférieure et inefficiente. Rousseau, par exemple, tout en
reconnaissant le bien-fondé de la démocratie en tant que gouvernement de la cité par
tous les citoyens adultes, pensait qu’il n’existera jamais de démocratie authentique, car
un gouvernement aussi parfait ne convient pas à des hommes mais à un peuple de
dieux62.

En réalité, il n’y a pas d’identification entre les gouvernés et les gouvernants


parce que le pouvoir exercé par ceux-ci relève toujours d’une minorité, les élus du
peuple, ses représentants. En effet, la démocratie restera un concept vide si :

1. tous les citoyens n’ont pas accès à l’information ;


2. tous les citoyens n’ont pas accès à un niveau d’instruction qui leur permette
de participer au débat politique.

Cette conception, qui souligne l’autonomie de l’individu, mais aussi celle de


favoriser son insertion et sa participation dans une collectivité qui ne saurait rien sans
lui, a inspiré les tentatives modérés d’inscrire dans les Constitutions certains droits
sociaux. Néanmoins, il faut noter que l’existence formelle de la Constitution
démocratique ne saurait garantir pour autant le caractère réel de la démocratie dans la
mesure où tout pouvoir peut s’affranchir par la force ou par des pratiques plus discrètes
des limites qui lui sont fixées, dès lors que l’opinion publique ne parvient plus à faire
entendre sa voix.

62
ROUSSEAU, J.-J., cité par NGOMA-BINDA, P., Ib.
90

Les structures institutionnelles qui garantissent le bon fonctionnement de la


démocratie sont :

1. le gouvernement ;
2. le parlement dont les membres sont, en principe, tous élus ;
3. la justice qui se veut au-dessus des individus.

2. Une manière de vivre, une culture, une mentalité. Cette manière se manifeste
par trois idées :
1. l’idée d’égalité, égalité des conditions entre les citoyens ;
2. L’idée de liberté ;
3. L’idée du compromis. « Le compromis, écrivent Charles DEBBASCH et Jean-
Marie PONTIER, est la règle nécessaire de fonctionnement des démocraties, sans
être l’abandon de ses idées pour se conformer à une hypothèque volonté général,
parce qu’il repose sur la reconnaissance de la vertu du dialogue pour régler les
conflits. »63

VII.2. LES FORMES DE DEMOCRATIE

Généralement, on distingue deux formes de démocratie :

1. DEMOCRATIE DIRECTE

On parle de la démocratie directe lorsque le peuple est investi d’une


responsabilité effective sur l’ensemble des décisions ayant trait à la collectivité

2. DEMOCRATIE REPRESENTATIVE

63
DEBBASCH, C. et PONTIER, J.M., Introduction à la politique, 3e éd., Paris, Dalloz, 1991, p. 100.
91

On l’appelle aussi démocratie libérale. C’est une démocratie dans laquelle le


peuple délègue librement le pouvoir de gouverner à des mandants. Elle se
caractérise généralement par :

1. l’universalité du suffrage ;
2. la décision par la majorité qui ne néglige pas les propositions de la
minorité de peur de tomber dans l’intolérance
3. la séparation du pouvoir. En démocratie, il y a trois pouvoir qu’il faut
toujours séparer : exécutif, législatif et judiciaire. Actuellement, il y
tendance à ajouter un quatrième pouvoir qui est la presse.
4. le pluralisme idéologique qui se traduise par un pluralisme au niveau des
partis politiques.

Mais, il faut reconnaître que les démocraties modernes mêlent, en général, les
deux formes de démocratie. Dans la deuxième forme (démocratie représentative) donc,
le pouvoir politique est exercé par les représentants élus au suffrage populaire par les
citoyens et responsables, ou bien plus rarement, il exercé directement, notamment par
le référendum, utilisé dans certains pays, de manière large, comme en Suisse, et de
manière beaucoup plus restreinte en France.

Les principes d’une démocratie représentative sont entre autres :

1. La démocratie repose sur le principe de la loi de la majorité équilibrée par les


droits de la minorité, mais protègent jalousement les droits fondamentaux de
leurs minorités. La loi de la majorité n’est en rien une forme d’oppression, elle
est un moyen d’organiser la vie publique et de faire les choix qu’elle suppose.
Aucun groupe autoproclamé n’a le droit d’opprimer les autres et aucune majorité
n’est fondée à supprimer les libertés et les droits fondamentaux de la minorité ou
des individus. La minorité doit avoir la certitude que le pouvoir public protège,
quoi qu’il arrive, leurs droits et leur identité. Lorsqu’elle a cette confiance
92

fondamentale, elle se sent libre de participer aux institutions démocratiques de


leur pays et d’apporter leur contribution.
2. La démocratie évite les gouvernements centraux tout-puissants et s’efforce de
décentraliser les pouvoirs publics vers les niveaux provincial et local, sachant que
les collectivités territoriales tendent à être plus accessibles à la population et plus
réceptives à ses besoins. Elle sait que l’une de ses principales responsabilités est
de protéger les droits de l’homme fondamentaux que sont la liberté de la parole
et de religion, le droit à une égale protection des citoyens par la loi et la liberté
de ceux-ci de s’organiser et de participer pleinement à la vie politique,
économique et culturelle de la société.
3. La démocratie organise régulièrement des élections libres et loyales, ouvertes à
tous les citoyens. Dans une démocratie, les élections ne sont pas une façade
servant à légitimer un dictateur ou un parti unique, mais de vraies compétitions
pour l’obtention des suffrages populaires.
4. La démocratie soumet les gouvernements à la règle du droit et assure que tous
les citoyens sont également protégés par la loi et que leurs droits sont garantis
par la législation et le système judiciaire.
5. Dans une démocratie, les citoyens ont des droits, mais aussi le devoir de
participer au système politique qui, de son côté, protège leurs droits et leurs
libertés.
6. La démocratie honore les valeurs de tolérance, de coopération et de compromis.
En démocratie, on sait que le consensus exige des compromis.

VII.2.1. LES ELEMENTS DE CONVERGENCE DE DEUX DEMOCRATIES

1. Les deux moments s’opposent à la monocratie, la tyrannie et la dictature. Ils


s’opposent aussi à l’oligarchie ou aristocratie. Pour les deux, le pouvoir
appartient à l’ensemble des citoyens.
2. Les deux moments reconnaissent la liberté de s’exprimer à tous les participants.
3. les deux moments reconnaissent à la majorité le privilège de la décision.
93

VII.2.2. LES ELEMENTS DE DIVERGENCE DE DEUX DEMOCRATIES

1. La démocratie antique est minoritaire dans la mesure où elle ne concernait


qu’une partie de la population : des citoyens libres.
2. La démocratie antique est directe, alors que la démocratie moderne est
essentiellement représentative.
3. La démocratie antique n’est pas libérale. Si la liberté pour les anciens grecs ne
se limitait qu’au fait de participer à la direction des affaires publiques, pour les
modernes, elle vise aussi le comportement individuel, en tant qu’expression des
garanties octroyées par les institutions publiques

VII.3. LES VALEURS DE LA DEMOCRATIE

Il est à noter qu’aucune de ces valeurs n’est innée. Ce qui nécessite un effort
permanent de les désirer et de les vivre au quotidien en tant qu’individu ou société. Ce
sont des valeurs qu’il faut chaque vouloir et cultiver.

1. Dignité de la personne humaine avec ses droits et devoirs

Seul le respect de la personne rend possible la participation démocratique.


La garantie des droits de la personne est, en effet, une condition
indispensable pour que les citoyens, individuellement ou en groupe
puissent participer activement à la vie et à la gestion des nations 64. Il ne
peut y avoir de vraie démocratie si l’on ne reconnait pas la dignité de toute
personne et si l’on n’en respecte pas les droits.

2. La liberté pour tous et la loi au-dessus de tous

Il s’agit d’une liberté responsable qui refuse l’arbitraire, l’imposition :


« La liberté démocratique, écrit Paul VALADIER, se trouve exaucée

64
Constitution pastorale Gaudium et Spes sur l’Eglise dans le monde de ce temps, n° 73.
94

lorsqu’elle peut adhérer raisonnablement à une décision raisonnable : non


à l’arbitraire ou au caprice, mais oui à une décision réfléchie que le citoyen
peut reconnaître comme fondée… Il ne s’agit pas d’éliminer l’obéissance,
pas plus que de paralyser le pouvoir, il ne s’agit pas non plus d’une liberté
individuelle anarchique, mais plutôt d’une obéissance en connaissance de
cause, donc de l’exercice d’une liberté responsable 65 .
3. La justice égale et garantie pour tous et la non-violence

Etroitement liée à la loi est la valeur de la justice pour tous, en particulier


pour les citoyens qui se sentiraient opprimés, violés dans leurs droits et
qui doivent ainsi avoir la liberté effective de revendiquer ces droits
bafoués ou méconnus. La valeur de la non-violence, quant à elle, fait de
la démocratie un système politique non conflictuel qui cherche à régler les
différends et les tensions sociales par le débat, la recherche du compromis
et l’existence de canaux et possibilités d’éviter des conflits. « La
démocratie implique une manière de résoudre les conflits et les tensions
sociales qui tentera d’écarter le plus possible l’usage de la violence, de la
séduction, de la tromperie, de la manœuvre qui écrase ou terrorise.
Autrement dit, la démocratie ne va pas sans une forte dose de non-
violence. Plutôt que de dresser les uns contre les autres ou d’écraser
l’adversaire, la voie démocratique cherche mille et un moyens de laisser
s’exprimer les revendications. »66

4. Le respect de la majorité
La recherche de la non-violence demande toujours que les « vainqueurs »
qui ne sont jamais que des vainqueurs relatifs et temporaires aient le souci
de cette autre valeur démocratique qu’est le respect de la minorité et
évitent de jouer à ceux qui incarneraient seuls la raison, le bon droit ou la
justice.

65
PAUL VALADIER, P., O.C, p. 34
66
VALADIER, P., O.C., p. 37.
95

5. Le dialogue et la recherche du compromis

En se distinguant par la valeur de la non-violence pour résoudre ou du


moins apaiser les tensions, la démocratie authentique incarne aussi par là
une autre valeur capitale, celle du dialogue. « Le dialogue, disait le
Cardinal Angelo SODANO, qui est la force de la démocratie, doit être le
credo des hommes politiques. Le dialogue permet de transformer les
richesses de quelques-uns en patrimoine pour tous, et les erreurs peuvent
aussi être corrigées avant qu’il ne soit trop tard. »67

A la valeur du dialogue est liée celle de la recherche du compromis. « Le


compromis est une valeur démocratique éminente, justement en ce qu’elle
est liée à une volonté de non-violence et à la recherche permanente du bien
ou de la justice, alors qu’on sait qu’aucune solution, aucune loi, aucune
disposition administrative, si heureuses soient-elles, ne seront pleinement
justes ou pleinement satisfaisantes. »68 Il est clair que compromis ne veut
pas dire compromission ou arrangements politiciens pour des fins égoïstes
aux dépens des citoyens.

6. Le devoir des élus de rendre compte au peuple

Dans un vrai système démocratique, l’autorité politique est tenue


responsable de ses actions devant le peuple et doit donc être soumis au
contrôle social efficace. Un tel contrôle social peut être effectué par-
dessus tout lors des élections libres et transparentes qui permettent la
sélection et le changement des élus.

7. Des valeurs à toujours désirer et cultiver

67
Cardinal SODANO, A., Intervention à la XXXIII ème Assemblée générale de l’Organisation des Etats
américaines, Santiago du Chili, 9 juin 2003.
68
Ib.
96

Il est à observer qu’aucune des valeurs de la démocratie n’est innée. D’où


un effort permanent de les désirer et de les vivre au quotidien en tant
qu’individus ou société. C’est pourquoi les valeurs démocratiques doivent
sans cesse être à nouveau voulues et cultiver. Par ailleurs, il faut souligner
qu’il n’y a pas de démocratie sans démocrates convaincus des valeurs de
cette démocratie. Le pire vient quand la volonté fait défaut.

VII.4. LES MENANCES SUR LA DEMOCRATIE

1. La pauvreté, la mauvaise gouvernance, l’intolérance, le racisme,


la discrimination et la violation des droits humains

La démocratie n’est pas à l’abri des menaces qui peuvent la vider de sa


substance et donner aux citoyens frustrés l’impression qu’elle est inutile
ou du moins peu efficace à les aider dans la résolution de leurs problèmes.
Ces menaces sont de divers types, liées soit à la situation dans laquelle se
trouvent les citoyens eux-mêmes ou à la manière dont les politiciens et les
tenants du pouvoir gèrent la chose publique.

2. La domination de l’économie sur la politique

La mainmise de l’économie, de la finance, des multinationales sur la


politique est une menace pour la démocratie. En effet cette mainmise
semble gouverner le monde et imposer son diktat aux hommes politiques.
Le rôle de l’Etat qui est de servir le bien commun devient ainsi asservi à
la dictature du libre marché.

3. Une idée erronée de la démocratie

Une fausse conception de la démocratie (il s’agit particulièrement du


relativisme et de l’agnosticisme) est une menace pour la démocratie. Une
démocratie sans valeurs se transforme facilement en un totalitarisme
déclaré ou sournois.

4. Le désintérêt du peuple

Le désintérêt du peuple constitue également une sérieuse menace sur la


vie démocratique dans la mesure où il sape à la racine le droit et le devoir
de participation responsable des populations et cause du tort au bien
commun. Définie généralement comme « Pouvoir du Peuple par le Peuple
pour le Peuple », la démocratie est destinée à mourir quand les citoyens
97

qui constituent cette majorité du peuple s’en désintéressent et doutent de


ses valeurs.

5. L’impuissance du pouvoir à décider, la démagogie de trop


d’acteurs politiques, la complaisance envers l’opinion, et les
groupes partisans qui usurpent le pouvoir d’Etat au profit de leurs
intérêts particuliers ou des fins idéologiques

CONCLUSION

Le monde est confronté à des défis socio-économiques, politiques et moraux qui


interpellent tous les citoyens. « La domination économique des plus riches, les inégalités
et injustices sociales, l’impérialisme politique et militaire des plus forts, les menaces
écologiques et les prétentions d’une cité séculière au subjectivisme morale, sont autant
des défis qui ne peuvent laisser personne indifférent »69.

Tous ces défis nécessitent que notre jeunesse reçoive une bonne éducation à la
citoyenneté afin de l’aider à mieux les comprendre, à mieux les surmonter et à participer
valablement à la vie démocratique de notre pays. Une bonne éducation à citoyenneté
permettra à notre jeunesse de construire une société plus juste, équitable et conviviale ;
bref permettra à notre jeunesse de faire du vivre ensemble l’un des principes majeurs de
société. Une bonne éducation à la citoyenneté aidera notre jeunesse à contribuer
efficacement au développement intégral et intégré de notre pays.

Comme disait Herder : « L’esprit du temps n’est pas seulement l’esprit qui imprime
sa marque sur les sentiments et les pensées d’une époque, c’est aussi le temps lui-même
dans sa manifestation concrète et mondaine »70. Si l’on parle d’esprit du temps, ce ne
peut être qu’en période de crise que nous traversons actuellement (crise morale, crise
économique, crise politique, etc.) qui, rompant la linéarité naïve de la vie, amène

69
KOUEVI, L., O.C., p. 1.
70
HERDER, Sämtliche Werke, XVII. , p. 77-88. Cité dans JEAN PAUL, LEVANA ou traité d’éducation,
Lausanne, L’Âge d’Homme, 1983.
98

l’homme à se retourner sur son passer et y découvrir le temps lui-même comme passé.
Il n’y a que le passé qui laisse derrière lui une trace brillante, semblable au sillage
lumineux que laissent les vaisseaux sur la mer. L’esprit du temps, c’est l’imprévu et la
dispersion. Pourtant la possibilité de prendre conscience du temps, de le juger en garder
les meilleures valeurs permettra un développement harmonieux du monde.

Notre pays, la République Démocratique du Congo, est encore à la recherche de


ces meilleures valeurs de l’esprit du temps. Une bonne éducation en général et une
meilleure éducation à la citoyenneté en particulier, aideront notre pays de prendre un
bon élan de développement.

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