Chap 6 CND

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1.

Autodafé : à la fois jugement et cérémonie par lesquels les hérétiques


condamnés devaient faire « acte de foi ».
2. Le Biscayen, parrain d’un enfant, a épousé, malgré l’interdiction, la
marraine de ce même enfant, sa « commère ». Les deux Portugais, eux,
en refusant de manger du lard, c’est-à-dire du porc, révèlent leur
appartenance à la religion juive.

2. Présentation du passage
Candide est constitué de trente chapitres qui se suivent un peu comme
les maillons d’une chaîne, constituant à la fois des épisodes
indépendants et des étapes dans la progression du héros. Le chapitre VI
est centré sur la cérémonie de l’autodafé. Dans ce passage, Voltaire
s’en prend à l’Inquisition, tribunal ecclésiastique fondé au Moyen Age et
chargé de garantir les règles catholiques en condamnant les hérétiques.

On s’attachera à montrer qu’à travers ce récit à tonalité ironique, Voltaire


émet un certain nombre de critiques.

3. Les axes de lecture


a. Un récit : une nouvelle péripétie
De nouvelles aventures

On retrouve la présence des deux héros du conte, Candide et Pangloss


dont on suit depuis le début les aventures, et apparaissent de nouveaux
personnages, qui ne réapparaîtront plus, le Biscayen, les Portugais et
« les sages du pays » qui représentent des autorités religieuses de
l’Inquisition. On remarque déjà une opposition entre les victimes
individualisées et l’Inquisition présentée comme une foule sans visage
(récurrence du pronom indéfini « On » dans le récit de l’autodafé).

Un récit comme un tout autonome


On a affaire à une narration (présence de temps spécifiques au récit :
l’imparfait et le passé-simple), un récit, une histoire contée en plusieurs
étapes :

 Le 1er paragraphe évoque, avec les marques de la succession


temporelles, les circonstances et la décision des sages : la cause
en est le tremblement de terre et la conséquence un autodafé. Le
caractère assuré du résultat est souligné : c’est un « secret
infaillible », le « moyen le plus efficace ». L’autodafé alors qu’il sera
le sacrifice de personnes « brûlées à petit feu » est évoqué comme
un « spectacle », presque une « grande cérémonie » !
 Le 2e paragraphe est la description et le récit de l’autodafé : se
succèdent la présentation des victimes et de leur crime, les
préparatifs de l’autodafé, et « huit jours après », leur exécution.
 Le 3e paragraphe évoque les réactions de Candide et dresse un
bilan des diverses expériences vécues par le personnage.
 Le dernier alinéa sert de transition avec le chapitre suivant. Cela
montre bien que chaque chapitre forme une sorte de tout mais est
relié à l’ensemble de la narration.

→ Ce texte est donc bien narratif et il est emblématique de l’écriture


voltairienne qui se caractérise par sa tonalité ironique.
b. La tonalité de l’extrait
La cérémonie décrite est un événement sans aucun doute tragique
puisque l’épisode s’achève sur l’exécution de quatre des cinq
condamnés. Pourtant Voltaire, par le recours de différents procédés, fait
sourire le lecteur.

L’absurde

Il consiste à mettre en corrélation deux événements qui n’ont rien en


commun, à poser des liens logiques là où il n’y en a pas, à introduire un
décalage entre un fait et son interprétation, de façon que l’événement
paraisse étrange et dépourvu de sens.
On note un décalage entre les faits reprochés et le châtiment : le
biscayen est seulement « convaincu d’avoir épousé sa commère » ; le
participe passé jette un doute sur la vérité du fait. Pangloss est accusé
d’avoir seulement « parlé » mais le contenu du discours n’étant pas
précisé, la condamnation paraît absurde. Quant à Candide, l’Inquisition
lui reproche d’avoir « écouté avec un air d’approbation » : la
condamnation paraît disproportionnée et l’appréciation du crime bien
subjective, comme le prouve la tournure « d’un air ».

Ainsi tout concourt à réduire la culpabilité des accusés : ils sont jugés
pour des délits d’opinion et surtout sur leur apparence ; en revanche, les
châtiments sont on ne peut plus sévères. Le décalage entre les crimes et
les châtiments rend la cérémonie absurde et fait rire le lecteur tout en
l’amenant à faire sienne la critique de Voltaire.

L’autre élément qui fait naître l’absurde est l’inefficacité soulignée du


remède au tremblement de terre. Il y a une opposition entre le sérieux
des sages, le caractère administratif, officiel, institutionnel de la décision
et la motivation de l’autodafé : le sacrifice arrêtera la terre de trembler et
pourtant« la terre trembla de nouveau avec un fracas épouvantable » ;
cela dément le « secret infaillible pour empêcher la terre de trembler ».

L’humour

Il consiste à traiter de manière légère un événement tragique. Tous


les procédés d’atténuation, comme la périphrase ou l’euphémisme,
peuvent être mis au service du registre humoristique.

Les effets d’atténuation : la gravité de la scène - la mort de plusieurs


personnes – contraste avec la légèreté avec laquelle les choses sont
décrites ; l’horreur est présentée de manière légère.

Le vocabulaire employé est mélioratif (« belle musique », « chantait »,


« cadence ») et ne se rapporte pas au champ lexical de la torture ou de
l’exécution capitale.
Autre exemple d’atténuation : une périphrase qui est aussi un
euphémisme (les « appartements d’une extrême fraîcheur » désignent
en fait une prison). Et si le sermon est « pathétique », on ne peut que
remarquer l’absence de tout appel à l’émotion et de tout jugement de
valeur explicite dans le texte. Voltaire masque l’horreur par une froideur
neutre pour mieux susciter l’indignation du lecteur devant la banalisation
de l’horreur.

L’ironie

L’ironie, qui s’appuie principalement sur le procédé de l’antiphrase,


consiste à dire le contraire de ce que l’on pense ou de ce qui est.

Ainsi l’éloge de l’autodafé s’avère-t-il être, en réalité une sévère critique.


L’écriture ironique, qui englobe l’absurde et l’humour, joue sur l’implicite
et crée une grande connivence avec le lecteur qui comprend qu’il doit
chercher le sens du texte au delà des mots utilisés.

Le vocabulaire mélioratif utilisé pour décrire la cérémonie, « en


procession », « sermon très pathétique », « belle musique en faux-
bourdon », « en cadence pendant qu’on chantait » (idem « le bel
autodafé », « les sages du pays ») est antiphrastique. Voltaire veut nous
faire comprendre l’horreur d’une telle cérémonie.

→ L’absurde, l’ironie, l’humour amusent le lecteur et captent son


attention plus aisément qu’un discours théorique. Si le lecteur sourit,
c’est qu’il a compris qu’il fallait dépasser le sens premier ou littéral du
texte et formuler lui-même la critique sous-entendue par Voltaire.
c. Les critiques
Dans Candide, Voltaire déploie sous les yeux de son personnage et
sous ceux du lecteur toute la mosaïque des malheurs possibles. Pour
cela il multiplie les personnages et les lieux de façon à dresser une sorte
d’encyclopédie du Mal sur terre.
Ce tableau aux multiples facettes et aux multiples victimes est une
réponse au « meilleur des mondes » exposé dans le premier chapitre.
C’est une réponse à la théorie de l’optimisme telle que Pangloss, disciple
de Liebniz selon Voltaire, l’incarne.

Si chaque épisode du conte complète la mosaïque du Mal, il véhicule


également une critique plus ponctuelle, quoique souvent récurrente :
institutions religieuses, obscurantisme, fanatisme, dogmatisme…

La critique de la religion

Voltaire montre que la religion des « sages », le catholicisme, n’est que


superstitions, puisque certains pensent que faire un sacrifice évitera la
terre de trembler.

De plus ces autorités sont incapables de donner une réponse à la


question du Mal. Incompétentes, elles sont prisonnières de leurs rites
(les diables, les flammes, les griffes, la cadence…) à la manière des
païens, rites aberrants dont est détachée toute signification spirituelle à
l’image des « mitres de papier ».

L’intolérance sanguinaire de la religion catholique est dénoncée. Voltaire


critique la lutte constante, cruelle et sanguinaire de cette institution
contre les hérésies (= doctrines, pratiques condamnées par l’église).

Contre la philosophie de l’optimisme de Leibniz

À travers Candide et ses questions rhétoriques finales qui évoquent les


meilleur des mondes est dénoncé l’optimisme. L’autodafé (et ses
victimes) et les autres malheurs évoqués (la noyade de Jacques
l’anabaptiste le « meilleur des hommes » et la mort supposée de
Cunégonde « la perle des filles » sont injustes, tout comme celle de
victimes innocentes du tremblement de terre de Lisbonne) viennent
démentir cette philosophie.
→ On a donc affaire à un extrait qui dénonce en particulier la religion :
son institution, ses pratiques paraissent cruelles et absurdes au
philosophe Voltaire.
4. Conclusion
L’intérêt du texte est d’émettre, à travers un récit, une double critique :
celle récurrente de l’optimisme qui est l’enjeu de l’ensemble de la
narration et ici plus particulière de l’institution fanatique, intolérante et
cruelle qu’est l’Inquisition.
Cependant, au 18e siècle, l’Inquisition n’est plus aussi active qu’au siècle
précédent ; elle condamne rarement à mort et s’en prend peu au délit
d’opinion, jugeant essentiellement les faits tels que la bigamie et le
blasphème. Ainsi, ce n’est sans doute pas exclusivement l’institution de
l’Inquisition que condamne Voltaire, mais plutôt toute forme
d’obscurantisme (ceux qui s’opposent à la diffusion, à la vulgarisation
de l’instruction et de la culture dans les masses populaires sont dits par
les philosophes des Lumières obscurantistes) religieux et de
dogmatisme (caractère des croyances qui s’appuient sur des dogmes,
c’est-à-dire des idées considérées comme des vérités fondamentales,
incontestables, comme par exemple le dogme de la Trinité dans la
religion catholique), deux ennemis, selon Voltaire de la tolérance.

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