La Reunion Une Ile Unique Et Exceptionnelle
La Reunion Une Ile Unique Et Exceptionnelle
La Reunion Une Ile Unique Et Exceptionnelle
et exceptionnelle
Pitons, cirques et remparts
Photo de couverture : Lever de soleil sur le Piton des Neiges - J.-F. Bègue.
Cet ouvrage est diffusé gratuitement grâce aux soutiens financiers et techniques du CCEE de La Réunion
et du Parc national de La Réunion ainsi qu’au renoncement des auteurs (textes, photographies, cartes,
graphiques, illustrations) à toute rémunération et droits d’auteurs. Il ne peut être vendu.
Toute utilisation d’éléments de cet ouvrage à des fins commerciales est soumise à une autorisation écrite des
auteurs. Les utilisations non commerciales sont autorisées sous réserve de la mention obligatoire de citation:
J.-F. Bénard, G. Collin (coord.), La Réunion, une île unique et exceptionnelle, 2018, CCEE, Parc national de
La Réunion, 255 pages.
Prologue
Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829), a été l’un des pionniers de la science biologique et l’auteur d’une des
premières théories pour expliquer le fonctionnement de la vie, une théorie de l’évolution que Charles Darwin
modifiera et développera dans « De l’Origine des espèces » (1859).
Dans les derniers temps de sa vie, Lamarck se pencha sur la question fondamentale de la place et du rôle de
l’homme dans le contexte naturel global de notre planète.
Il fit le constat que la merveilleuse intelligence de notre espèce lui permettait des actions sans équivalent dans
le monde vivant mais en regrettant que cette même intelligence soit parfois aveuglée par le profit immédiat,
accompagné d’une insouciance coupable.
Un des objets du Parc national de La Réunion et du patrimoine mondial dont il a la responsabilité est,
avec la coopération de toutes les institutions et de tous les citoyens, de rechercher des solutions pour que
développement économique et social et conservation de la nature soient compatibles et durables.
Deux cents ans après, les questions et les craintes exprimées par Lamarck sont toujours d’actualité tant elles
sont redoutables. On remarquera d’ailleurs que ce questionnement est aussi celui de nombre de Réunionnais
dans un temps contemporain, parmi lesquels un certain Thérésien Cadet…
Cet ouvrage, en donnant quelques clés accessibles, devrait contribuer à mieux apprécier les valeurs
patrimoniales exceptionnelles de La Réunion et à suggérer les pistes à emprunter pour que la conclusion
pessimiste de Lamarck ne se réalise pas.
« L’HOMME, véritable produit de la nature, terme absolu de tout ce qu’elle a pu faire exister de plus éminent sur notre globe, est un corps vivant qui fait
partie du règne animal…
…cet être, en quelque sorte incompréhensible, présente en lui, soit le maximum des meilleures qualités, soit celui des plus mauvaises.
Relativement à ses penchants, tantôt dirigé par la raison et par une intelligence supérieure, il montre les inclinations les plus nobles, un amour constant pour
la vérité, pour les connaissances positives de tout genre, pour le bien sous tous les rapports, pour la justice, l’honneur, etc. ; et tantôt, se livrant à l’égoïsme.
L’homme par son égoïsme trop peu clairvoyant pour ses propres intérêts, par son penchant à jouir de tout ce qui est à sa disposition, en un mot par son
insouciance pour l’avenir et pour ses semblables, semble travailler à l’anéantissement de ses moyens de conservation et à la destruction même de sa propre espèce.
En détruisant partout les grands végétaux qui protégeaient le sol, pour des objets qui satisfont son avidité du moment, il amène rapidement à la stérilité ce sol
qu’il habite, donne lieu au tarissement des sources, en écarte les animaux qui y trouvaient leur subsistance, et fait que de grandes parties du globe, autrefois très
fertiles et très peuplées à tous égards, sont maintenant nues, stériles, inhabitables et désertes…
On dirait que l’homme est destiné à s’exterminer lui-même après avoir rendu le globe inhabitable. »
« Depuis 1960, date à laquelle les ouvrages de Monsieur Defos du Rau ont fait connaître
La Réunion, de nombreux travaux de géographie physique ont été réalisés sur l’île. Il s’agit surtout d’analyses
ponctuelles… » disait déjà le professeur René Robert en introduction de sa thèse intitulée « Climat et
hydrologie à La Réunion. Étude typologique et régionale des pluies et de l’écoulement » publiée en 1986.
De plus, lors de déplacements à Bruxelles, de rencontres ministérielles à Paris ou encore de sessions de travail
avec les autres Conseils de la culture, de l’éducation et de l’environnement (CCEE), au Sénat, à l’Assemblée
nationale, au Conseil économique et social et environnemental (CESE), le Conseil de la culture, de l’éducation
et de l’environnement de La Réunion avait aussi enregistré des demandes venant de ces structures visant à
disposer d’un ouvrage global et actualisé présentant La Réunion.
C’est donc tout naturellement qu’il a lors de sa séance de Bureau du 19 septembre 2015, validé un accord de
partenariat avec le Parc national de La Réunion pour réaliser ensemble l’édition d’un nouvel ouvrage portant
sur les Pitons, cirques et remparts de La Réunion à partir du dossier de candidature au patrimoine mondial.
– d’abord, le CCEE, dont une des missions est de faire acte de culture, avec un partenaire tel que le
Parc national de La Réunion, ne pouvait demeurer à l’écart de l’arrivée de connaissances actualisées sur La
Réunion et sa nature sans les diffuser largement. Nos institutions en tant que dépositaires de ce savoir ont cette
responsabilité particulière, celle de prendre en compte un héritage de données fondamentales, de les compléter
sans cesse par de nouveaux apports de la recherche en matière de géologie, de climatologie, de géomorphologie,
d’hydrologie, de biologie végétale et animale, bref en matière de géographie, et de les transmettre, de les
propager, de les répandre. Ainsi, elles se doivent d’être ces alizés qui sèment à tous vents ces connaissances
actualisées et se placer, de cette manière, comme des acteurs effectifs de l’éducation à l’environnement et au
développement durable à La Réunion.
– enfin, il est évident que cet ouvrage imposant, tente d’offrir une vision globale et systémique de La
Réunion. Il constitue, d’abord pour l’ensemble des Réunionnais mais aussi pour tous les individus, toutes les
organisations privées associatives, toutes les institutions publiques locales, nationales et internationales, une
somme importante de connaissances, d’informations sur « nout péi » dont nul ne pourrait nier l’intérêt et que
tout un chacun doit acquérir, diffuser et partager pour le « Bien et la vue » de l’île.
En effet, ces richesses naturelles peuvent être menacées par méconnaissances inconscientes et doivent faire
l’objet d’actions d’éducation pédagogiques ambitieuses, à la hauteur des enjeux présents sur ce territoire. Elles
sont d’autant plus précieuses qu’elles offrent des possibilités importantes de développement économique et
social pour autant que leur conservation soit pleinement intégrée et assurée.
Le CCEE et le Parc national de La Réunion ont donc souhaité cet ouvrage ; le voici, c’est « nout fierté ».
Ils sont conscients de l’effort de synthèse qui a dû être fait et par là même de la frustration des rédacteurs de
voir des chapitres, des paragraphes amputés d’informations certes importantes mais par ailleurs secondaires
quant à la philosophie générale de l’ouvrage. Mais, ils tiennent à les rassurer : leurs travaux et propos ne sont
pas perdus. Il est sûr qu’ils réapparaîtront dans de futurs volumes que ces institutions devront publier pour
compléter ce premier document. C’est un premier pas ensemble et ils seront inévitablement suivis par d’autres,
car il s’agit tant pour le CCEE que le Parc national de La Réunion de toujours co-construire, de consolider les
sentiers, les chemins, les routes de la connaissance de La Réunion, de sa nature en interaction avec ses hommes.
Aussi remercient-ils toutes les personnes ayant de près ou de loin contribué à sa mise en œuvre et plus
particulièrement Philippe Mairine, Vincent Boullet, Stéphane Baret pour leur forte implication rédactionnelle,
René Robert pour son expertise, Jean-Cyrille Notter pour ses textes et ses réalisations cartographiques,
Gérard Collin et Jean-François Bénard qui ont assuré avec un dévouement sans failles et avec succès le rôle
de coordonnateurs et de corédacteurs. Qu’ils soient ici fortement remerciés et que leurs qualités puissent être
reconnues et toujours davantage utilisées pour la promotion de La Réunion et de son exceptionnelle nature.
Enfin, toute notre gratitude aux personnes qui nous ont transmis leurs réflexions, remarques, interrogations
et documents, nous ont guidé dans notre recherche et notre rédaction. Leur intérêt, passion même pourrait-on
dire, pour cette île créole, nous a porté et ce document est le fruit de leur participation et reflète leur implication.
Au-delà des mots, de la réciprocité des attentions donnant lieu à des remerciements, ce sont l’échange
continu d’informations et les efforts de mise en participation autour des Pitons, cirques et remparts, autour de
La Réunion qu’il nous paraît crucial de faire vivre avec la publication de cet ouvrage.
Roger Ramchetty
Président du CCEE de La Réunion.
Daniel Gonthier
Président du parc national de La Réunion.
Mechtild Rössler
Directrice du Centre du patrimoine mondial, UNESCO.
Né le 21 juin 1937 au Tévelave, un quartier des hauts de la commune des Avirons dans l’ouest de l’île de
La Réunion, Thérésien Cadet fait ses études secondaires au Lycée Leconte de Lisle, à Saint Denis, jusqu’au
baccalauréat de Sciences Expérimentales en 1956. Il rejoint Paris pour ses études supérieures et devient agrégé
de Sciences Naturelles en 1961. Il obtient son premier poste d’enseignant à l’École Normale de Saint Denis en
1961 ; puis il fait carrière, à compter de 1966 et jusqu’en 1987 à l’Université de La Réunion.
L’ensemble de ces données est aujourd’hui présent dans sa thèse de doctorat intitulée « La végétation de
La Réunion : étude phytoécologique et phytosociologique ». Soutenue en 1977, elle se traduit par une édition
locale en 1980. Elle devient alors un succès commercial, rare pour un ouvrage scientifique.
L’une des conséquences pratiques de la constitution d’un Herbier et de la Flore des Mascareignes est la
réalisation d’un inventaire précis des aires végétales correspondant à des unités écologiques (faune et flore) ;
c’est l’Inventaire des Zones Naturelles d’Intérêt Écologique Faunistique et Floristique (IZNIEFF), auquel il a
contribué jusqu’à sa disparition.
Pour toutes ces actions accomplies, ces dons de précurseur et de pédagogue, au bénéfice de la préservation
et de la valorisation du patrimoine naturel, Thérésien Cadet est la personne qui a montré la voie menant à la
reconnaissance internationale des valeurs patrimoniales de La Réunion.
Poster du 5e anniversaire de l’inscription des Pitons, cirques et remparts sur la liste des Biens de l’Unesco. Parc national de La Réunion, 2015.
Première de couverture du document de candidature des Pitons, cirques et remparts de l’île de La Réunion
sur la liste des Biens de l’Unesco. Parc national de La Réunion, 2008.
La Réunion, une île unique et exceptionnelle Pitons, cirques et remparts 15
Une identité et une
histoire singulières
Nature, paysages et culture :
une synthèse exceptionnelle,
authentique et vivante
Dina Morgabim (La Réunion). Portulan dit « carta del Cantino » représentant les îles nouvellement découvertes vers l’Inde (circa 1502). Antico Fondo Estense.
Bibliothèque nationale de France.
La Réunion, une île unique et exceptionnelle Pitons, cirques et remparts 19
e
1665 : l’île accueille son premier gouverneur, Étienne Regnault, Début 18 siècle : importation des premiers plants de café de Moka.
agent de la Compagnie des Indes. L’administration crée les premiers 1711 : première description du café Bourbon pointu par d’Hardancourt.
quartiers, exploite les richesses (tortues, gibier…) et accorde les premières 1715 : Henry de Justamond, gouverneur de Bourbon fait approuver
concessions. par le conseil provincial que tout homme de la Colonie, Blanc ou Noir,
1667 : la colonisation définitive de l’île commence avec l’arrivée des de plus de 15 ans, planterait 100 pieds de café que chacun irait chercher
premiers colons français accompagnés d’une main-d’œuvre malgache dans la forêt.
pas encore officiellement asservie.
1674 : l’île compte alors 150 personnes. Pendant six ans, elle va tomber De 1665 à 1715 : L’autosubsistance,
dans l’oubli… une nécessité pour des hommes
en phase d’adaptation
C’est aussi le début de la mise en place de l’esclavage, Faute d’outils et de main-d’œuvre, les premiers colons ont du mal à mettre en
main d’œuvre estimée alors comme nécessaire au valeur leur concession. Pour assurer leur subsistance, ils pratiquent une petite
développement des cultures de plantation qui vont polyculture et s’adonnent à la chasse, la cueillette, la pêche.
dominer l’économie des basses terres de l’île pour Le commerce avec la métropole est très réduit. En 1708, l’agriculture de
longtemps. Bourbon exporte 16 tonnes de blé, 56 de riz, 61 de maïs, 2,1 de tabac et
8821 régimes de bananes.
L’apparition de l’esclavage (in Prosper Eve -Histoire d’une renommée. L’aventure
L’application de l’ordonnance de Jacob Blanquet de La Haye de décembre du caféier à La Réunion, 2006).
1674, interdisant le mariage mixte, entraîne une dégradation des relations
entre Blancs et Noirs. La culture du café Bourbon pointu est proscrite en
Pour consacrer leur infériorité, les Noirs domestiques sont peu à peu réduits à 1718 par la Compagnie des Indes qui, détenant
l’état d’esclave. L’intolérance est de mise désormais à Bourbon et va s’accroître le monopole du café d’Arabie, y voyait un produit
à mesure que la population blanche deviendra minoritaire, entourée d’une échappant à ses revenus. Sa culture reprendra vers
population servile toujours plus nombreuse, qu’il faut contrôler. 1770 avant d’être quasiment décimée en 1880 par
En 1690, les Blancs et les esclaves sont respectivement 226 et 113, en une maladie.
1714, 633 et 538. En 1735, 1 716 Blancs (soit 21 % du total) vivent La culture de cette variété du caféier d’Arabie est
entourés de 6 573 esclaves (79 %). (d’après Prosper Eve). aujourd’hui relancée à La Réunion.
Jusqu’en 1735, l’exportation annuelle de café atteint
1680 : le Père Bernardin essaye d’intéresser Louis XIV à l’île Bourbon, les 100 000 livres. L’île Bourbon « accueille »
car elle « n’est alors pour la Compagnie et le roi qu’un objectif secondaire, qu’une terre 1 500 esclaves supplémentaires par an. Ils proviennent
satellite, d’appoint, par rapport à la grande île madécasse » (Danielle Nomdedeu- d’Afrique, de l’Inde et de Madagascar.
Maestri, Chronologie de La Réunion, de la départementalisation à la
loi d’orientation, 2001). Café et marronnage
1689 : Henri Habert de Vauboulon devient le premier administrateur La culture du caféier a, indirectement, entraîné la colonisation de l’intérieur
et législateur de l’île. Il a été le premier à tenter de réglementer la de l’île. Ilets, pitons et ravines sont en effet devenus des lieux de vie à partir
chasse face à la diminution du gibier. La plupart des espèces chassées du moment où les premiers esclaves ont choisi de fuir les dures conditions de
disparaîtront rapidement. ces plantations.
Pour mettre de la distance entre eux et les maîtres, dans les trois premiers
quartiers habités dès le XVIIème siècle — Saint-Paul, Sainte-Suzanne et
Saint-Denis —, les exilés forcés qui n’ont qu’une idée – vivre libre – fuient le
plus loin possible. A défaut de pouvoir prendre la mer, ils prennent la direction
des zones qui leur paraissent le plus inaccessible.
Ils pénètrent dans les cirques par des sentiers difficiles, passant soit par le
Petit Bénare, le Bras de Saint-Paul et Ilet à Cordes, soit par Roche Plate, les
Salazes et Bras Rouge, soit encore par les Aloès et l’îlet à Malheur. (d’après
Prosper Eve).
Origine ethnique des esclaves en 1735. jugée sans valeur car sans port.
La famille esclave à Bourbon, G. Gérard, 2011.
L’économie de plantation : une nouvelle mutation,
La période royale (1764 / 1788) celle de la canne à sucre.
Sur le plan économique, c’est la période des épices. En 1806-1807, une succession de catastrophes climatiques malmène
Pierre Poivre introduit notamment des épices qui ne les caféières et conduit les colons les plus entreprenants à s’orienter vers la
remplaceront pas cependant le café. C’est aussi le fabrication industrielle du sucre et à étendre les superficies plantées en cannes.
temps de la plantation des premiers girofliers (1772). La progression de la production est rapide, et passe par un maximum au cours
L’introduction des premières plantes envahissantes des premières années du Second Empire. A partir de 1860, la crise débute
date aussi de cette époque. en raison d’un certain nombre de difficultés : érosion et altération des sols,
répétition des mêmes cultures dans les mêmes champs, attaque du borer…
La crise sucrière va durer jusqu’à la fin de la période coloniale.
(in Prosper Eve, Tableau du syndicalisme à La Réunion,
1991).
Marronnage et toponymie
Les pitons, cirques et remparts de La Réunion, et
les lieux-dits qu’ils contiennent, portent des noms
1848, (9 juin) : proclamation de la République : l’île Bourbon la colonie par les propriétaires d’anciens esclaves pour
redevient l’île de La Réunion. les remplacer sur les grandes plantations sucrières.
1848, (20 décembre) : Joseph Napoléon Sébastien Sarda Garriga, 1849 : premières élections au suffrage universel.
commissaire de la République, proclame l’abolition de l’esclavage à La 1882 : livraison des deux premières lignes de chemin de fer :
Réunion. L’île comptait alors plus de 60 000 esclaves. Saint-Benoît — Saint-Denis, et Saint-Louis — Saint-Pierre.
1885 : fin de l’immigration indienne.
1890 : la traversée en bateau depuis l’Europe ne demande plus que
21 jours.
Savoirs savants
Par « savoirs savants », on entend « un corpus qui s’enrichit sans cesse
de connaissances nouvelles, reconnues comme pertinentes et valides par la
communauté scientifique spécialisée. […] le savoir savant est essentiellement
le produit de chercheurs reconnus par leurs pairs, par l’université. Ce sont eux
qui l’évaluent. »
Enseigner l’histoire : un métier qui s’apprend,
Le Pellec, Jacqueline ; Marcos-Alvarez, Violette, 1991.
Il n’y a donc rien de commun entre le « Bois de banane » (Xylopia richardii), Réunion de Carissa spinarum L., du grec xýlon, = bois ; grec pikrón = âcre,
aigre, amer, âpre.
et un « Pied de banane » (Musa sp., le Bananier). La même remarque
s’applique au « Bois de papaye » (Polyscias sp.) et au « Pied de papaye »
Bois de gaulette : Doratoxylon, proposé initialement par Louis Marie
(Carica papaya, le Papayer).
Aubert du Petit Thouars.
Ainsi, à La Réunion, le langage populaire distingue-t-il naturellement la flore
Étymologie :
indigène de la flore exotique.
Doratóxylon, -i traduction botanique de « Bois de gaulette », nom vernaculaire
d’après Raymond Lucas, Association des Amis des Plantes et de
à La Réunion de Doratoxylon apetalum (Poir.) Radlk., du grec dóratos n. = pique,
la Nature. Cent plantes endémiques et indigènes de La Réunion,
épieu ; grec xýlon, = bois.
2007.
…ils s’en approchèrent tous, et de dessus une petite éminence, ils virent le
Euphorbia goliana, récoltée à l’embouchure de l’Etang du Gol. Etiquette manus- fond, à une trentaine de toises, apercevant des crevasses, par où sortait la
crite de Philibert Commerson, 1771. Herbier du MNHN, Paris. fumée, produite par des laves en fusion, du même endroit ils aperçurent dans
Photo V. Boullet.
l’autre cratère la lave bouillonnante s’élever jusqu’aux bords de la cheminée
d’où sortaient les flammes.
Propos de Georges Cuvier sur Philibert Commerson Note de Lislet Geoffroy, Excursion au volcan, 1771.
C’était un homme d’une activité infatigable et de la science la plus profonde.
S’il eut publié lui-même le recueil de ses observations, il tiendrait une des Astronome, botaniste, géologue, il s’applique à
premières places parmi les naturalistes. Malheureusement, il est mort avant cartographier les îles de l’océan Indien, des Seychelles
d’avoir pu mettre la dernière main à la rédaction de ses écrits… à Madagascar (1819).
Histoire des sciences naturelles, Georges Cuvier, 1845.
André Marie Constant Duméril (1774-1860) observé dans les hauts de Cilaos (l’îlet à Cordes ?).
Médecin, il s’installe à Paris en 1800, et collabore à Il a aussi nommé et décrit une espèce de grenouille
la rédaction des Leçons d’anatomie comparée de Georges présente à La Réunion, Ptychadena mascareniensis.
Cuvier. Cette grenouille est assez fréquente aussi bien sur le
Il publie en 1804 un Traité élémentaire d’Histoire naturelle, littoral, rivières et étangs côtiers qu’en altitude dans la
puis en 1806 sa Zoologie analytique qui couvre l’ensemble forêt primaire de La Réunion.
du règne animal et montre les relations entre les genres
mais ne mentionne pas les espèces.
En 1851, Duméril, et son fils Auguste, signent le
Catalogue méthodique de la collection des reptiles et en 1853,
le père seul, Prodrome de la classification des reptiles ophidiens.
Ce dernier livre propose une classification de tous les
serpents en sept volumes.
C’est Duméril qui, découvrant une caisse de poissons
dans le grenier de la maison de Buffon, décrit enfin
ces espèces qui avaient été recueillies par Philibert
Commerson près de 70 ans plus tôt.
Grenouille des Mascareignes Ptychadena mascareniensis.
Il fait paraître une œuvre très importante, l’Erpétologie Décrite par A. M. C. Duméril. Photo J.-F. Bègue.
générale ou Histoire naturelle complète des reptiles (1834-
1854). 1393 espèces sont décrites dans le détail et leur Le nom de l’espèce mascareniensis pourrait faire croire à
anatomie, physiologie et bibliographie, sont précisées. une origine endémique, mais c’est parce que l’animal
Il a notamment décrit et nommée (1835) d’après a été décrit pour la première fois par Duméril et
sa carapace, une tortue endémique de La Réunion Bibron en 1841, à partir d’individus provenant de
Cylindraspis graii. L’espèce est présumée éteinte depuis La Réunion. Il s’agit en fait d’une espèce originaire
1800, date depuis laquelle le dernier spécimen a été d’Afrique et introduite avant le milieu du 19e siècle.
Carte de l’île de La Réunion, début 19 e siècle. Dessin Bory de Saint-Vincent. Librairie du Congrès Américain.
38 La Réunion, une île unique et exceptionnelle Pitons, cirques et remparts
Évolution du volcan de Bourbon Questionnement sur l’installation de la vie dans l’île
Maintenant que nous venons de porter nos regards sur un nouveau point du
monde, élevé loin des autres terres par une chaleur qui en tenait toutes les
parties en fusion, les mêmes questions se présentent.
Comment la verdure vint-elle ombrager un volcan isolé ? Comment des
animaux attachés au sol vinrent-ils vivre sur un écueil nécessairement
inhabitable lors de sa naissance ?
Ces questions ne sont pas aisées à résoudre. Je ne doute cependant pas que
plusieurs personnes ne s’empressent de répondre hardiment que les vents, les
flots, les oiseaux et les hommes ont suffi pour peupler et pour fertiliser l’île de
La Réunion.
Voyage dans les quatre principales îles des mers
d’Afrique : (1801 et 1802), Bory de Saint-Vincent, 1804.
Ages du volcan de Bourbon : fig. 1, en 1760, fig. 2, en 1775, fig. 3, en 1789, fig.
4, en 1791. Bory de Saint-Vincent, Jean-Baptiste Geneviève Marcellin (1778-
1846) Dessinateur ; Tardieu, B. & Adam. Graveurs. 1804. Estampe. Muséum
d’Histoire naturelle de La Réunion.
Quelques vues du cône igné de La Réunion, prises à diverses époques, m’ont mis
à portée de donner une planche comparative des divers états où il a été observé.
J’ai réduit les dessins à la même échelle ; la ligne ponctuée que l’on
distingue dans chaque figure, est l’état actuel rendu fidèlement dans la planche
précédente. La Figure 1e représente l’état du volcan en 1760, et tel qu’il était
quand le sieur Donnelet le visita…Un seul et vaste cratère couronnait alors
la Fournaise ; un soupirail latéral jetait des flammes.
La Figure 2e a été faite d’après un dessin manuscrit de Commerson…La
date de l’année n’y est pas, mais il doit avoir été pris en 1775. La cime de
la montagne paraissait s’être affaissée ; le cratère Bory était cependant plus
élevé qu’il n’est à présent, et l’ancien cratère central avait disparu…
Dans la Figure 3e, on est tenté de croire qu’il n’est plus question de la même
montagne ; elle a été dessinée en 1789 par M. Patu de Rosemond…Ici, Angraecum eburneum. Dessin Bory de Saint Vincent. Bibliothèque nationale de
France. 1804
un affaissement oblique a fait de tout le sommet de la montagne un plateau
incliné vers la mer, et le cône est tronqué dans les deux tiers de sa hauteur… Louis Maillard (1814-1865)
La Figure 4e nous présente un grand changement. La montagne a
Ingénieur à l’île de La Réunion, ses notes embrassent
prodigieusement perdu de la hauteur qu’elle avait en 1760 ; le cratère Bory
tout ce qui constitue l’existence de la colonie. Les
est le point le plus élevé ; le mamelon central commence à croître, mais il
travaux de Maillard sont donc extrêmement précieux
n’a pas encore atteint la hauteur que je lui trouvai. Pour le cratère Dolomieu
et intéressants, non seulement pour l’île de La Réunion,
encore vient-il de naître…Dans l’état actuel, le mamelon central plus élevé
mais aussi pour le progrès des sciences naturelles. Il
qu’il ne l’était en 1791, semblerait indiquer que le faîte des volcans s’abaisse
et s’élève tour à tour…il y a tout lieu de croire que la cime de la montagne
a rapporté, en fait de zoologie et de botanique, les
de Bourbon tend à la même révolution. Si elle s’opère dans les siècles à venir,
types d’une famille nouvelle (parmi les crustacés), de
les cratères que j’ai visités, seront encroûtés par des laves qui élèveront la
plusieurs genres, et de plus de cent cinquante espèces
montagne jusqu’à l’affaissement futur… jusqu’ici non décrites.
Il a aussi réalisé les cartes mères de La Réunion
Voyage dans les quatre principales îles des mers (1/150 000) entre 1845 et 1852.
d’Afrique (1801 et 1802), Bory de Saint-Vincent, 1804. Son ouvrage phare est : « Notes sur l’île de La Réunion »
(1862).
La Réunion, une île unique et exceptionnelle Pitons, cirques et remparts 39
Notons que le Papangue porte le nom de Circus
maillardi ou Busard de Maillard.
Par ailleurs, pour l’anecdote, soulignons qu’il fut
un proche de George Sand, auprès de laquelle il
introduisit son cousin Alexandre Manceau, dernier
compagnon de la dame de Nohant. Louis Maillard
correspondait en effet régulièrement sur des sujets de
géologie avec Maurice Sand, fils de George.
Plan croquis de la coulée de 1858 à son passage sur la route du tour de l’Ile :
janvier 1859. Roussin, Louis Antoine (1819-1894) ; Maillard, Louis Gaspard
Dominique. (1814-1865). 1860. Estampe.
Bibliothèque départementale de La Réunion.
L’origine de l’île
Nous n’essayerons pas ici de traiter cette question si souvent posée et encore à
résoudre : l’Ile de La Réunion a-t-elle fait partie d’une chaîne générale qui,
de Madagascar, se serait autrefois étendue jusqu’à Maurice et Rodrigue ?
Nous ne connaissons pas assez ces îles ; et tout ce que nous avons pu voir
dans un passage de quelques jours à Maurice, c’est que cette dernière est
volcanique, et que son sol est complètement identique à celui de Bourbon.
Notes sur l’île de La Réunion, Louis Maillard, 1862.
Copie réduite de Coupe rigoureuse du volcan (échelle 1/150 000). Maillard, Louis Gaspard Dominique (1814-1865), 1863. Estampe.
Bibliothèque départementale de La Réunion.
40 La Réunion, une île unique et exceptionnelle Pitons, cirques et remparts
Les Lépidoptères La Flore de La Réunion synthétise trente années de
Les insectes de cet Ordre sont peu nombreux à La Réunion, et subissent la loi prospections et d’études de la flore réunionnaise et
qui veut que les îles soient plus pauvres en Lépidoptères que les continents… établit les fondements synthétiques des connaissances
Une autre cause qui rend l’Entomologie de La Réunion plus intéressante de botaniques générales de la flore de l’île. L’herbier de
jour en jour, c’est l’immigration, bien avérée maintenant, des espèces des îles Cordemoy, longtemps exilé à Marseille puis à Paris, a
voisines, et en particulier de Madagascar. retrouvé La Réunion en janvier 2010.
C’est ainsi que la Salamis rhadama s’y est acclimatée depuis une Cordemoy a aussi été rapporteur de l’étude sur la
dizaine d’années, au point d’y devenir plus commune que dans sa patrie catastrophe du Grand Sable (Salazie, 1875) : Rapport
originaire. de la commission chargée d’étudier la catastrophe du Grand-
Notes sur l’île de La Réunion, Louis Maillard, 1862. Sable, à Salazie, 1876.
La catastrophe du Grand-Sable
La catastrophe du Grand-Sable est absolument comparable aux grands
éboulements des montagnes dont la Suisse et d’autres contrées ont été le
théâtre, et dont la description est consignée dans les annales de la Science…
Ainsi qu’il est arrivé dans plusieurs de ces catastrophes historiques, un
affaissement au pied du Gros-Morne a précédé la chute des rochers, qui a
été suivie d’éboulements secondaires, de glissements de terrains et d’autres
phénomènes accessoires.
Il est remarquable que les grands éboulements connus présentent, même dans
les détails, la plus grande conformité avec celui de Salazie.
Conclusions de la commission,
Cordemoy, Velain, Vinson, 1876.
Planche de Lépidoptères . Notes sur l’île de La Réunion, Louis Maillard 1862. 1-2,
Callidryas florella var. femelle ; 3-4, Hesperia borbonica (chenille) ; 5-6-7, Homoptera
vinsonii...
Vinson, Auguste (1819-1903) & Migneaux, Jules (1825-1898). Peintres ; Picart.
Graveur. 1863. Estampe. Bibliothèque départementale de La Réunion. Ecroulement de Grand Sable, 1875. Les risques géologiques dans les cirques de
Salazie et de Cilaos. BRGM. 1981.
Eugène Jacob de Cordemoy (1835-1911) La perte de biodiversité végétale
Médecin et botaniste français originaire de l’île de La D’épaisses et superbes forêts couvraient autrefois l’île, du rivage de la mer
Réunion jusqu’à 2000 mètres d’altitude. Mais depuis un demi-siècle tout le sol
Les premières études globales sur la Flore des alluvial de l’île a été défriché et mis en culture. La végétation indigène a fait
Mascareignes à être publiées furent la Flore de Maurice place à des plantes étrangères.
et des Seychelles par Baker en 1877 et la Flore de La Réunion On ne rencontre plus, dans la région basse, qu’un petit nombre des espèces
par Cordemoy en 1895, lequel reprit les travaux de primitives reléguées dans certains endroits presque inaccessibles ou sur les
Charles Frappier, un autre botaniste réunionnais. bords forcément respectés de quelques ravines…
Ces travaux concernaient plus particulièrement les Plusieurs espèces sont même anéanties ou devenues introuvables.
orchidées de La Réunion, soit un catalogue de 145 Flore de l’île de La Réunion, Eugène Jacob de
espèces dressé en 1880. Cordemoy, 1891.
Les prémices
Il n’est donc nullement un spécialiste des sciences de la
La toute première interrogation porte sur l’auteur et Nature mais le gestionnaire qu’il est, doublé de sa fibre
les raisons de cette idée, il faut le dire un peu folle voire réunionnaise, lui font constater rapidement le mauvais
prétentieuse, de se porter candidat à une inscription état général qui touche tous les domaines. Il réagira en
sur la Liste prestigieuse de l’Unesco. Pouvait-on dé- créant ce que nous appellerions de nos jours un zonage
cemment se mesurer à des géants patrimoniaux natu- avec une partie basse dédiée à la canne à sucre, sépa-
rels comme les Galapagos ou le Cañon du Colorado, rée d’une zone d’agriculture vivrière par une route (la
des monuments exceptionnels comme le Taj Mahal ou « route Hubert Delisle ») et enfin, au-dessus les ter-
Machu Picchu ? rains domaniaux forestiers.
La réponse se trouve dans la prise de conscience, à La
Réunion et au-delà, que des valeurs patrimoniales, des Vous connaissez comme moi, mieux que moi, les déplorables effets de
plus manifestes aux plus discrètes, s’érodent jusqu’à la dévastation de nos forêts… les magnifiques arbres de haute futaie qui
disparaître sans retour possible. s’étendaient jusqu’au sommet des montagnes ont fait place à une végétation de
C’est donc l’avancée des connaissances qui ouvrent la haziers et de taillis ; nos cours d’eau ont disparu dans certaines localités… ;
voie aux constats, lesquels vont générer à leur tour des la santé publique elle-même a ressenti le contrecoup de ces destructions
propositions de réponse. inconsidérées qui ont modifié les conditions hygiéniques du climat… j’ai dû
Il n’y a donc pas un inventeur mais une succession méditer consciencieusement un projet de législation forestière…
d’instigateurs qui, avec les moyens du moment où ils Proclamation du gouverneur Hubert Delisle, 8 avril 1853.
se trouvent, osent des projets.
L’absence de voies générales dans des régions plus élevées, empêchait
Les précurseurs l’agriculture de s’y porter, et l’activité coloniale se concentrait dans un cercle
étroit où tout devenait difficile et coûteux. J’ai pensé qu’en ouvrant une belle
Faire l’histoire de la connaissance scientifique de l’île voie à travers des terres encore peu exploitées, j’allais tout à la fois imprimer
de La Réunion demanderait un ouvrage complet. une plus vive impulsion à l’industrie sucrière pour ce qui concerne les terrains
On se limitera à trois exemples qui démontreront que en dehors de cette route, à faire abonder dans la colonie, les grains, les racines,
les racines du Bien aujourd’hui inscrit au patrimoine le bétail qui doivent provenir des contrées placées au-dessus de la voie.
mondial sont profondément gravées dans l’Histoire Lettre de Hubert Delisle à l’amiral Hamelin, ministre
réunionnaise. Louis Henri Hubert Delisle, gouverneur de la marine et des colonies, 8 mai 1857.
de l’île de 1852 à 1858, est un homme politique et un
administrateur originaire de La Réunion.
Plus près de nous, celui que Serge Chesne et Claire La prise en compte de l’environnement
Micheneau ont avec bonheur appelé « le scienti-
fique aux pieds nus », Thérésien Cadet, a contribué Ces précurseurs qui portent des idées à titre indivi-
bien avant la date à la candidature, et cela de deux duel ne sont pas isolés. Peu à peu des associations re-
manières. groupent des passionnés de Nature qui vont ensemble
agir pour mieux connaître et mieux gérer : Société
réunionnaise pour l’étude et la protection de la nature
(SREPEN), Société d’études ornithologiques de La
Réunion (SEOR)…
Le muséum d’histoire naturelle de Saint-Denis, créé
en 1855, recèle des collections de première grandeur,
lieu évident de référence et de conservation pour la
flore et la faune.
La création du Conservatoire Botanique National de
Thérésien Cadet, 1973. Mascarin (1986) dote l’île d’un outil de travail pour
Collecte d’échantillon la connaissance de la flore et sa conservation. Il lui
avec F. Badré.
adjoint une collection vivante de spécimens.
L’Observatoire volcanologique du Piton de la Four- Le SAR ouvre largement la voie en jouant sur deux
naise assure un suivi scientifique du volcan, mais il est tableaux : une voie nationale et réglementaire et une
aussi l’organisme clé en matière de sécurité face aux labellisation internationale. Une volonté et une am-
risques éruptifs. bition fortes qui n’auraient pu être que les visions de
L’Office national des Forêts mène aussi une politique quelques-uns inscrites dans un texte de politique géné-
de conservation par la création de Réserves biolo- rale. La suite prouva que non.
giques ou de Réserves naturelles.
La mission d’étude pour la création
d’un parc national
L’Université de La Réunion est évidemment un cor-
respondant scientifique incontournable, principale- Il a fallu un peu de temps pour faire le choix du type
ment avec le Laboratoire Géosciences Réunion et le de parc naturel le mieux adapté au territoire réunion-
Département d’Ecologie terrestre. nais. Le choix d’un parc national est annoncé par le
Des services décentralisés consacrés à l’environnement ministère de l’Aménagement et du territoire et de l’En-
sont mis en place dans les Régions. L’Etat a mis en vironnement fin 2000 et entériné par les deux collecti-
place une direction de l’environnement (aujourd’hui vités territoriales réunionnaises début 2001.
DEAL). La Région Réunion et le Département se sont Il s’agit de mettre en place un « Parc national des
eux aussi se dotés de services spécialisés et ont créés Hauts de La Réunion ».
des espaces protégés. On voit apparaître dans la lettre de mission une affir-
mation qui inscrit quasiment de facto (pas encore de
L’idée d’un parc naturel jure) la forêt primaire réunionnaise comme patrimoine
mondial. Entre la volonté locale et « l’incitation » mi-
Les idées des précurseurs, les travaux scientifiques qui nistérielle, la mission d’étude ne pouvait qu’ouvrir of-
démontrent chaque fois un peu plus la valeur natu- ficiellement une piste menant à une candidature au
relle exceptionnelle de l’île, les actions des services patrimoine mondial.
des collectivités nationale et territoriales, les espaces
protégés… constituent la base d’un ensemble appré-
ciable pour conserver la biodiversité. Il reste toutefois
un point délicat : la multiplicité des acteurs, des ou-
tils qui correspond à l’histoire de la protection de la
Nature dans l’île et aux compétences définies, ont du
mal à répondre à des visions, à des actions telles que
l’écologie les nécessite.
assurer au quotidien la gestion et la conservation du sité a été très favorable avec toutefois une interrogation
Bien. La Direction de l’Urbanisme et des Paysages du sur la capacité universitaire à insérer un programme
Ministère de l’Ecologie s’est immédiatement enthou- lourd dans des activités déjà chargées.
siasmée pour le projet.
La consultation des instances locales a été non moins Les préconisations de l’étude de
enthousiaste : on ne pouvait pas en attendre moins de f aisabilité
la part des initiateurs du projet. C’est la fierté qui gui-
dait les réponses, parfois mêlées d’une pointe d’inquié- Pour la Convention du patrimoine (1972), il existe trois
tude sur les responsabilités ou les contraintes. catégories de Biens qui doivent démontrer leur valeur
Ensuite, la capacité des scientifiques à mobiliser des universelle exceptionnelle (VUE) : les Biens culturels, les
savoirs croisés et à les mettre en correspondance avec Biens naturels et les Biens mixtes (ceux qui démontrent
des objets patrimoniaux. Science et patrimoine, deux à la fois des valeurs culturelles et naturelles).
mondes qui se fréquentent par obligation mais qui ont Le cas de La Réunion était complexe avec ses pay-
souvent bien du mal à concevoir un projet en commun. sages magnifiques, sa biodiversité exceptionnelle
L’accueil des Laboratoires de géologie (Patrick Bachè-
lery) et d’écologie (Dominique Strasberg) de l’Univer-
La catégorie patrimoine culturel n’a pas été retenue par Le critère (vii) concerne la beauté exceptionnelle d’un
l’ensemble des interlocuteurs comme possible pour une nomination concernant paysage ou d’un phénomène naturel.
La Réunion. Ceci ne doit pas toutefois être considéré comme un jugement sur Le critère (viii) s’applique à l’Histoire de la Terre et à
la valeur intrinsèque des valeurs culturelles réunionnaises… la géomorphologie.
La notion de paysage culturel a été quelque peu débattue, au sein de la
catégorie patrimoine culturel. L’ensemble des interlocuteurs a toutefois reconnu
que la valeur exceptionnelle des paysages de La Réunion est liée à des œuvres
de la nature…
Il n’a pas… été retenu l’idée d’une candidature comme
paysage culturel.
La catégorie des sites mixtes nécessitant la présentation de valeurs
universelles exceptionnelles dans les catégories culture et nature, le débat,
compte tenu des positions précédentes, n’a pas été abordé.
La catégorie du patrimoine naturel est la seule, en
conséquence, dans laquelle La Réunion puisse présenter
une candidature.
Rapport de faisabilité, Gérard Collin, janvier 2006. Erg du Namib (Namibie). Patrimoine mondial (critères vii, viii, ix et x).
Photo G. Collin.
Réserve forestière de Sinharaja (Sri Lanka). Cirque de Cilaos, La Réunion. Photo G. Collin.
Patrimoine mondial (critères ix et x). Photo G. Collin.
Pour conduire le TGV réunionnais, il ne fallait pas
Le projet réunionnais a décidé de les présenter tous, seulement des lignes directrices à suivre, de l’enthou-
non pour multiplier ses chances, mais parce que les siasme mais aussi une réelle capacité de coordination,
experts considéraient que tous étaient justifiables. de réflexion et de rédaction, un lieu de concertation
A cela s’ajoutait un argument capital : les relations politique et scientifique, un espace de communication
intimes entre ces quatre domaines si représentatifs de avec le territoire et… un budget.
La Réunion.
Une première analyse des valeurs patrimoniales réunionnaises inscrites dans Un accord quadripartite
la philosophie et le périmètre esquissés précédemment mènerait à proposer le
bien sous les critères (vii), (viii), (ix) et (x). Très vite, en conséquence, la nécessité d’une conven-
Rapport de faisabilité, Gérard Collin, janvier 2006. tion répondant à toutes ces questions fut posée et la
réponse en fut la signature d’une convention quadri-
Question moins scientifique mais, ô combien straté- partite entre l’Etat, la Région, le Département et l’As-
gique, celle du calendrier. sociation des maires.
Calendrier lié aux normes de l’Unesco : deux candida- Des conventions complémentaires furent signées avec
tures par État et par an. Calendrier des scientifiques, l’Université de La Réunion puis avec le Conservatoire
lié au temps nécessaire à la réflexion puis à la rédac- botanique national de Mascarin pour assurer un conti-
tion d’une synthèse complexe. nuum scientifique soutenu par les moyens financiers
L’ensemble de ces contraintes temporelles ont aussi nécessaires.
été évaluées.
Les réunions tenues avec la Direction des Paysages (MEDD) qui est le
service instructeur des dossiers de candidature au patrimoine mondial pour les
sites naturels, ont indiqué que la période la plus favorable pour un dépôt
de candidature (compte tenu des autres projets connus à cette date, des quotas
— sur les deux pitons, et en raison de critères propres… toute une gamme fut récompensé par l’inscription.
de niches écologiques a été à l’origine d’une remarquable biodiversité… Le démarrage de la machinerie scientifique fut large-
(critère ix) ; ment facilité par les travaux réalisés pour la mission
— les hautes pentes de ces deux pitons sont dans le cœur du Parc d’étude pour la création du parc (« État des lieux du
National de la Réunion, et à ce titre sont protégées par la politique de gestion, patrimoine », Dossier d’enquête publique, Mission pour un parc
préservation, valorisation de ce Parc (critère x). national, versions 2003 et 2006).
L’île de La Réunion, candidate au On observera avec intérêt que la première page du
patrimoine mondial de l’Unesco, G. Collin, R. Robert, cahier 5 (ci-contre) délimite sommairement sur une
Géosciences, 2008. carte ce qui est dénommé « Espace secret du cœur du Parc
national ».
Le champ des savoirs et la candidature Il ne s’agit nullement d’un territoire qui n’est ou ne
sera connu que des initiés. On y trouve tout simple-
Construire la démonstration de la VUE du Bien pro- ment les espaces les plus intacts ou les moins perturbés
posé avec les quatre critères impliquait de disposer par les activités humaines depuis le début de la coloni-
d’un champ étendu de connaissances, mobilisant de sation de l’île, au milieu du 17e siècle.
nombreux spécialistes. C’est là l’esquisse du futur cœur du parc mais bien
La mobilisation ne fut pas toujours aisée car chacun entendu aussi du futur Bien Unesco.
avait ses programmes et ses objectifs auxquels s’adjoi- La mise en place du Conseil scientifique du Parc
gnait le dossier de candidature. Cela fonctionna plutôt national dès 2007, sous la présidence de René
bien puisque le dossier fut rapidement réalisé et qu’il Squarzoni, permettait aussi d’avoir un groupe de suivi
réactif, impliqué à la fois dans des actions concernant le
tout nouveau parc national et le projet de candidature.
Tout allait donc pour le mieux dans le meilleur des
mondes jusqu’à ce qu’une question fondamentale
vienne troubler cette harmonie.
Elle touchait au fait que le dossier devait transformer
des objets scientifiques en objets patrimoniaux. Il ne
s’agissait plus seulement de décrire des phénomènes,
Etat des lieux et du patrimoine, Cahier 5, Dossier d’enquête publique. Processus écologiques : Tarier de La Réunion, Tec-tec, Saxicola tectes.
Mission de création du Parc national de La Réunion, 2006. Photo J.-F. Bègue.
territoire du parc et du Bien, car trop isolé. Laboratoire de Biologie végétale (Université de La Réunion)
Après quelques séances parfois houleuses sur ce type Pailler Thierry, responsable de l’Herbier ;
Strasberg Dominique, professeur, directeur du Laboratoire ;
de sujet, la science et le patrimoine purent faire route
Muséum d’Histoire naturelle de La Réunion
commune pour réussir le dossier. Ribes-Beaudemoulin Sonia, conservateur, directeur du muséum ;
Centre de Paléontologie Stratigraphique (Université Claude Bernard, Lyon)
L’équipe scientifique, Dossier de candidature au patrimoine mondial, PNR, Mourer-Chauviré Cécile, paléontologue, directeur de recherches ;
janvier 2008 Conservatoire botanique national de Mascarin (CBNM)
GEOLOGIE, MORPHOLOGIE Boullet Vincent, écologue, directeur scientifique du CBNM ;
Laboratoire des Sciences de la Terre (Université de La Réunion) Lucas Daniel, directeur ;
Bachèlery Patrick, professeur, directeur du laboratoire ; UICN France (Bureau de La Réunion)
Levieux Guillaume, doctorant en géologie ; Soubeyran Yohann, écologue, responsable du bureau ;
Mairine Philippe, professeur de SVT, chercheur associé ; Office national des Forêts (Direction régionale de La Réunion)
Observatoire volcanologique Brondeau Alain, ingénieur forestier ;
Staudacher Thomas, volcanologue, directeur de l’Observatoire ; Lefebvre Bertrand, directeur régional ;
Roubichou Philippe, directeur régional ; Lequette Benoît, écologue, chef du service scientifique ;
Insectarium de La Réunion
Rochat Jacques, directeur ;
Société d’Etudes ornithologiques de La Réunion (SEOR)
Notter Jean-Cyrille, administrateur ;
Salamolard Marc, directeur ;
Société réunionnaise de Protection de l’Environnement (SRPN)
Ardon, Bernadette, administrateur ;
SCIENCES HUMAINES
Département d’Histoire (Université de La Réunion)
Eve Prosper, professeur d’Histoire moderne ;
Fuma Sudel, professeur d’Histoire contemporaine, Chaire Unesco ;
Département d’Ethnologie-Anthropologie (Université de La Réunion)
Barat Christian, professeur d’Anthropologie ;
Biodiversité : orchidée de La Réunion, Calanthe sylvatica. Photo J.-F. Bègue. Squarzoni René, professeur d’Economie.
La recherche des limites a été faite par une superposition des deux cartes de
géologie et de biodiversité. Ces cartes montrent les zones d’intérêt qui sont à
l’origine de la définition du Bien. L’aire la plus intéressante se trouve dans une
superposition d’une zone d’intérêt géologique (ZNIG) classée 1 et d’une zone
d’intérêt écologique (ZNIEFF) classée 1.
Viennent ensuite des superpositions de zone 1 et de zone 2 (ZNIG 1 +
ZNIEFF 2 ou ZNIEFF 1 + ZNIG 2) parmi lesquelles un choix a été fait
en fonction des contenus fournis par les experts scientifiques…
Pour disposer d’un ensemble géographique complet et digne d’intérêt, couvrant
toutes les surfaces de l’île du Nord au Sud, quelques ajouts ont été décidés,
telles une petite partie septentrionale de l’île, ainsi qu’une région littorale au
sud du massif de la Fournaise. Ces deux ajouts permettent de disposer de
remarquables gradients de végétation.
Certaines aires géographiques de grande qualité, géologique ou biogéographique,
n’ont pas été retenues ; les raisons principales sont les suivantes :
• ZNIG 1 totalement anthropisée (agriculture et habitat) : c’est le cas de la
Plaine des Cafres, au centre de l’île ;
• ZNIEFF 1 des sommets des planèzes du Piton des Neiges, intérêt biologique
non couplé avec un fort intérêt géologique.
Dossier de candidature au patrimoine mondial, Parc ZNIG 1 et 2 .
national de La Réunion, janvier 2008. Etat des lieux et du patrimoine. Dossier de candidature au Patrimoine mondial.
Mission de création du Parc national de La Réunion, janvier 2008.
touchait de plein fouet la valeur universelle exception- terrain souvent inaccessible, des moyens humains et
nelle tant sur les plans paysager, géologique qu’écolo- financiers non proportionnés à la tâche… une sorte
gique. Une menace qui ne pouvait aboutir qu’à deux de nouveau tonneau des Danaïdes.
réponses :
- l’exclusion de cet espace, En résumé deux grandes menaces « seulement », mais
- le renoncement au projet par son promoteur (la Ré- suffisantes pour faire vaciller les experts qui devraient
gion Réunion). par ailleurs reconnaître les valeurs patrimoniales de
Le choix fut celui de l’exclusion de la Plaine des Sables La Réunion.
du territoire du Bien proposé.
Les recherches effectuées par les Universités de La Ré- Pressions dues au développement
union et de Clermont Ferrand, notamment en 2003 Depuis l’installation de l’homme au cours du XVIIe siècle, la destruction
démontraient certes une source chaude dans la Plaine directe d’habitats naturels pour les besoins de l’agriculture et de l’urbanisation,
des Sables mais soulignaient aussi l’intérêt plus grand les méfaits des incendies et des techniques de brûlis… ont provoqué la
de Salazie ou du Grand Brûlé. disparition d’un nombre considérable d’espèces de la flore, mais aussi de la
Le choix de la Plaine des Sables n’était donc peut-être pas faune… Le Bien a été largement épargné par cette pression, car il est situé
le meilleur pour la géothermie ; il était totalement contra- dans des aires géographiques où la permanence de l’installation des hommes
dictoire avec la candidature au patrimoine mondial. a été et reste difficile, voire impossible…
Le second grand sujet menaçant l’intégrité du patri- Peu d’activités agropastorales et de sylviculture sont
moine biologique et sa conservation était celui des es- menées dans le Bien. Outre les îlets du « cœur habité » du Parc national
pèces envahissantes. (îlets de Mafate et des Salazes), quelques territoires (enclavés au sein du
Beaucoup d’efforts avaient déjà été mis en œuvre par cœur du Parc national) existent, généralement en propriété publique… Leur
différents organismes et notamment par l’Office natio- intégration dans le Bien présente cependant un intérêt en termes de continuité,
nal des Forêts pour lutter contre ces espèces qui subrep- de fonctionnement écologique (limitation des sources de pénétration, de
ticement prenaient la place des espèces réunionnaises. fragmentation et de pollution des écosystèmes indigènes…)…
Une lutte complexe scientifiquement, difficile sur un
Le principal facteur d’évolution des Hauts de l’île a été l’ouverture de Contraintes dues aux visiteurs / au tourisme
nombreuses pistes et routes forestières. Plus de 800 km La fréquentation des espaces naturels du cœur de l’île est un phénomène
de sentiers pédestres de découverte des sites et paysages ont été ouverts. Tous majeur, appelé à croître fortement.
les grands panoramas des deux massifs sont maintenant accessibles par des On estime à environ 4 millions le nombre annuel de visites dans les Hauts,
sentiers de Grande Randonnée (GR) d’une longueur de plus de 200 km… générant un demi-million de nuitées. Estimée aux trois quarts des visites
Le projet Géothermie a été lancé en 2000 par la Région Réunion dans et à la moitié des nuitées, la part de la population réunionnaise dans cette
le cadre de la politique régionale de développement des énergies renouvelables fréquentation est déjà déterminante et le sera de plus en plus, les Hauts
à l’Ile de la Réunion… constituent un espace vital de ressourcement et de loisirs pour une population
La phase d’exploration par forage décidée à l’issue des dernières études est de plus en plus nombreuse, citadine, solvable. Organiser l’accueil de cette
prévue en 2008. fréquentation massive et croissante, en préservant ce qui fait son attrait, est
Dossier de candidature au patrimoine mondial, Parc donc essentiel pour répondre à un besoin social et conforter le développement
national de La Réunion, janvier 2008 . de l’emploi dans le secteur du tourisme.
Dossier de candidature au Patrimoine mondial, Parc
Contraintes liées à l’environnement national de La Réunion, janvier 2008.
Il n’existe pas de menaces particulières [liées au changement
climatique global] concernant le Bien, mais le Conseil Régional vient
de décider de mettre en œuvre, dans le cadre d’une politique nationale, des
moyens pour réduire l’émission des gaz à effet de serre…
L’introduction d’un nombre important d’espèces exotiques
pour les besoins de l’homme (agriculture, ornement) ou accidentelles et la
prolifération de certaines d’entre elles mettent en péril les écosystèmes jusque-là
peu perturbés et très vulnérables. Ainsi, l’invasion des milieux par les espèces
exotiques animales et végétales est jugée comme l’une des premières sources
de perte de la biodiversité des écosystèmes terrestres (après la destruction des
habitats).
Au-delà de la nécessité d’enrayer les invasions biologiques sur le territoire
réunionnais, il faut surtout prévenir l’introduction d’espèces potentiellement
envahissantes… Une étude conduite en 2006 permet de proposer une
approche plus stratégique et globale.
Dossier de candidature au Patrimoine mondial, Parc
national de La Réunion, janvier 2008.
64 La Réunion, une île unique et exceptionnelle Pitons, cirques et remparts
Randonnée pédestre et gîtes. Etat des lieux et du patrimoine. Dossier d’enquête publique. Mission de création du Parc national de La Réunion. 2006.
Propositions de titres
Sites et paysages volcaniques de La Réunion
Sites et paysages naturels de La Réunion
Sites et paysages naturels de l’île de La Réunion
Titres pour le Bien, note interne, Parc national
de La Réunion, juin 2007.
L’abandon de la quête du sous-titre n’était pas loin, Le dossier aurait pu être transmis seulement en fran-
quand, lors d’une réunion, subrepticement, l’un des çais comme l’Unesco l’y autorise mais la décision a été
membres de l’équipe (Vincent Boullet) lança à mi-voix : rapidement prise d’en faire une version anglaise.
« Et pourquoi pas tout simplement « une île océanique Il s’est agi en fait d’un travail colossal car outre le
tropicale altimontaine afro-indienne ». nombre de pages déjà indiqué, il fallait vérifier en
Un sous-titre immédiatement adopté par l’équipe, car continu que la traduction n’avait pas trahi le sens
il résumait tout en six mots… Tellement évident que scientifique de certaines explications. Parfois, c’était
l’on se demandait pourquoi ne l’avoir pas trouvé plus aussi de longs débats pour trouver le mot exact
tôt ! Ces quelques mots allaient devenir le sésame qui scientifiquement.
permettait de démontrer l’exceptionnalité. Paradoxe aussi de la traduction, il est arrivé que le
texte en français doive être repris : les traducteurs n’ar-
Mais le sous-titre finalement retenu pour la présen- rivaient pas à traduire des phrases qui au final n’étaient
tation devant les instances internationales fut : « Une peut-être pas aussi limpides que ce que les rédacteurs
grande diversité de formes et de milieux naturels à croyaient, dans leur langue maternelle.
évolution rapide ». Moins condensé mais plus explicite
sur la diversité, sur la dynamique géomorphologique Le titre du Bien dont tous étaient fiers, posait un sé-
et biologique. Preuve s’il en fallait une qu’il est bien rieux problème de traduction. Si « piton » pouvait être
difficile de vouloir résumer en quelques mots plusieurs repris tel quel, les « cirques » devenaient des « circus »
centaines de pages. et les remparts ne trouvaient leur équivalence que dans
« ramparts ». On ne pouvait laisser le lecteur et, plus
Pitons, cirques et remparts : un triptyque endémique tard, le visiteur, penser que le sujet était l’art du cirque
de La Réunion ou des remparts médiévaux !
Ces trois mots sont utilisés en générique dans la toponymie réunionnaise Il fut décidé sagement de ne pas traduire le titre en
[Le terme générique est l’élément du toponyme qui identifie de façon générale anglais.
la nature de l’entité géographique dénommée ; il peut être français, mais la François Durban et Jean-Luc Clairambault (Univer-
plupart des termes génériques appartiennent aux langues régionales]. sité de La Réunion), les deux traducteurs principaux,
Usage à travers le monde francophone. se souviendront longtemps des échanges de messages
Le terme « piton » s’utilise aux Antilles (ainsi, à Saint Lucie, le Gros et nocturnes avec Gérard Collin ! D’autres traducteurs,
le Petit Pitons sont classés sur la liste des Biens du patrimoine mondial de comme Célion Northam aux côtés de Jean-Luc Clai-
l’Unesco), dans l’océan Pacifique (à Tahiti et en Nouvelle-Calédonie) et dans rambault, ne s’attendaient pas à participer à un travail
l’océan Indien (aux Seychelles, à La Réunion et à l’île Maurice). D’ailleurs où le temps semblait aboli !
le dictionnaire « le Littré » en donnait la définition suivante : « Nom donné,
d’abord dans les Antilles, puis ailleurs, aux pointes les plus élevées d’une
montagne. »
Le terme « cirque » est présent en France métropolitaine et qualifie
généralement des vallées glaciaires comme le cirque de Gavarnie ou des reliefs
formés par des méandres encaissés comme le Cirque de Navacelles. Par
Le dépôt du dossier La Réunion pourrait être présentée comme géomorphosite exemplaire défini
comme « formes du relief ayant acquis une valeur scientifique, culturelle et
L’Unesco prévoit que l’année qui précède le dépôt du historique, en raison de leur perception par l’Homme » selon le Président de
dossier de candidature, le porteur du projet puisse en l’Association internationale des Géomorphologues, Mario Panizza.
septembre lui faire parvenir un pré-dossier. Enfin, un classement en Geopark semble avoir été éludé alors qu’il s’agit d’une
Malgré l’avis négatif du ministère de l’Ecologie solution alternative proposée à l’examen par l’UICN lors des candidatures.
(pour une raison qui reste difficile à comprendre), Les conditions de classement en Geopark ne pourraient que conforter une
ce pré-dossier a été envoyé. L’Unesco a fait remar- candidature au patrimoine mondial.
quer la non-conformité d’un sous-chapitre ajouté. Le Rapport d’expertise sur la candidature, UICN France,
sous-chapitre coupable a été intégré dans le plan obli- 2007.
gé et la candidature a ainsi évité une élimination pour
un point tout à fait formel. Le second point était autrement délicat puisqu’il tou-
L’Etat français, après avis final du Comité des Biens chait à la question de la Plaine des Sables et au projet
français du patrimoine mondial, déposa la candidature de géothermie. L’intégrité du Bien était en cause dans
le 31 janvier 2008 (la date limite étant le 1er février de un des espaces les plus originaux voire exceptionnels
chaque année). de la candidature.
Le Comité Unesco du patrimoine mondial (32e ses-
sion, Québec) confirma que cette candidature devait Recommandations
être expertisée avant fin 2008, en vue d’une décision Le Comité français [de l’UICN] propose au Comité national [pour les Biens
lors de la 33e session (été 2009). français du patrimoine mondial] d’émettre un avis favorable à ce projet de
candidature tout en recommandant :
Le comité UNESCO du Patrimoine mondial qui s’est réuni à Québec, — de considérer le périmètre du Bien et de sa zone tampon au regard du
du 2 au 10 juillet 2008, a donné un avis favorable pour la poursuite de projet d’exploration géothermique et d’apporter les éléments d’informations
l’instruction de cette candidature. La candidature de La Réunion a donc été nécessaires sur ses impacts et ceux d’une éventuelle exploitation sur le Bien ;
inscrite sur la liste des sites à expertiser en 2008. — de mieux valoriser les éléments du dossier en faisant une utilisation
Eléments complémentaires au dossier de candidature pratique des annexes et des références internationales ;
au Patrimoine mondial, Parc national de La Réunion, — de préciser la méthodologie ayant permis d’identifier les sites remarquables
novembre 2009. traités dans le dossier et la corrélation existante entre les géosites déterminés
par le BRGM et les géosites définis au niveau international par l’Union
Deux observateurs, membres de la cellule de coordina- internationale de Géologie ;
tion/rédaction (R. Robert, G. Collin) étaient présents — d’approfondir les éléments de satisfaction des critères de classement ;
pour se familiariser avec le déroulement d’un Comité — de ré-envisager le projet de déclaration de valeur universelle exceptionnelle
Unesco en vue de celui qui devait, un an plus tard, au regard des principes et critères précisés par l’UICN dans son rapport de
rendre son verdict. 2005 et dans son évaluation technique sur l’île de Jeju ;
Le calendrier annoncé et validé était tenu. — de mettre en place un échange d’expérience en matière de gestion et de
promotion conjointe entre le Bien candidat et d’autres Biens du patrimoine
mondial et plus précisément Hawaii.
Rapport d’expertise sur la candidature,
UICN France. 2007.
Les hypothèses concernant la Plaine des Sables se ré- pait désormais la fonction de responsable des dossiers
duisaient à trois : Patrimoine mondial à l’UICN international.
- maintien de la Plaine des Sables ; Wendy Strahm avait présidé la Commission de Sauve-
- exclusion de toute la Plaine des Sables ; garde des Espèces (SSC) à l’UICN international et avait
- exclusion de la zone d’exploration géothermique. fait de nombreux travaux sur les espèces envahissantes
C’est la solution de l’exclusion partielle qui fut retenue des Mascareignes, et plusieurs missions à La Réunion.
par le porteur de projet. Décision qui tentait de ména- Pour certains, c’était l’expression de doutes sur les valeurs
ger un point fort de la candidature et d’éviter l’impact réunionnaises. Pour d’autres, c’était la nécessité de trou-
de travaux à venir. Décision stratégique en fait, car elle ver un niveau d’excellence face à la complexité du dossier.
allait déclencher inévitablement des réactions fortes :
les Réunionnais firent connaître leur désapprobation Une expertise internationale a été réalisée par l’IUCN du 17 au 24 octobre
du projet de géothermie dans ce site et le questionne- 2008. Les deux experts désignés ont été Tim BADMAN (Géologue) et
ment de l’UICN France ne tarderait pas à se transfor- Wendy STRAHM (Biologiste, spécialiste de la flore des Mascareignes et des
mer en refus de l’UICN international. espèces envahissantes).
Un choix allait devoir être fait. Eléments complémentaires au dossier de candidature
au Patrimoine mondial, Parc national de La Réunion,
L’évaluation de l’UICN international novembre 2009.
Les experts ont été désignés durant l’été 2008. Les dieux du patrimoine accompagnèrent certaine-
Le porteur du projet avait négocié avec l’UICN une ment cette mission, car il n’y eut pratiquement pas
durée de mission de 8/10 jours, pour découvrir tous un nuage sur l’île pendant l’expertise… Seule petite
les aspects des Pitons, des cirques et des remparts. faiblesse peut-être : l’absence d’une éruption : Grand-
mère Kalle et son époux, Grand Diable, n’avaient pas
Une inquiétude secoua l’équipe à l’annonce des noms mis en œuvre leur chaudron infernal durant la mis-
des experts. sion ! On ne peut avoir dieux et démons à ses côtés.
Tim Badman avait coordonné une candidature géo- Pourtant les dieux, toujours taquins, réservèrent une
logique pour le Royaume-Uni, était co-auteur du rap- surprise de dernière heure qui fit craindre le pire.
port sur les volcans et le patrimoine mondial et occu-
Après une visite pédestre du cirque de Mafate, il était L’UICN estime que la Plaine des Sables est une zone de valeur naturelle
prévu de transférer les experts par hélicoptère du importante dans le Parc national de La Réunion. En conséquence, sa non-
cirque à l’aéroport de Gillot. inclusion signifie que le Bien proposé ne remplit pas les conditions nécessaires
L’attente de l’hélicoptère se prolongea jusqu’à ap- d’intégrité fixées par les orientations devant guider la mise en œuvre de la
prendre que… les pilotes étaient en grève. L’un d’entre Convention du patrimoine mondial. Il recommande que l’État partie réintègre
eux accepta toutefois de voler mais avec un dépôt au dans le Bien proposé ces zones actuellement enlevées.
bas de la Rivière des Galets. Souhaits et recommandations des experts de l’UICN,
Le soulagement des organisateurs fut de courte durée, UICN, 10 novembre 2008.
car le survol au plus près des remparts de la Rivière
des Galets permit à Wendy Strahm de voir fort bien les L’UICN relève que le projet de forages exploratoires de géothermie fait
espèces envahissantes et de les citer une par une tout actuellement l’objet d’une enquête publique. Il demande que les résultats de
au long du parcours ! cette enquête lui soient communiqués le plus rapidement possible tout comme,
Une mission très riche, dans un excellent esprit cri- le cas échéant, une éventuelle décision d’aller de l’avant.
tique, celui qui permet de débattre et de dialoguer. Les L’UICN pense que des prospections dans cette zone ne peuvent être acceptées
points de discussion ont été nombreux mais quelques- que s’il s’agit d’une mesure temporaire d’utilisation du sol, et à condition
uns se sont vite avérés constituer les sujets sur lesquels que cela ne provoque pas d’impacts inacceptables ni ne cause de dommages
la candidature aurait à répondre devant l’Unesco. permanents à la Plaine des Sables. Au cas où une décision serait prise de
poursuivre les forages exploratoires, l’UICN souhaite qu’une étude d’impact
La Plaine des Sables environnemental complète et indépendante des forages lui soit communiquée…
Les experts étaient très critiques sur l’exclusion par- L’UICN relève qu’un problème fondamental, au-delà de toute question de
tielle de la Plaine des Sables à la seule lecture du dos- forage, est la construction potentielle d’une usine géothermique à La Réunion.
sier. Ils le furent encore plus après une rencontre sur L’UICN souhaite obtenir l’assurance qu’aucune installation géothermique
place avec les membres d’une association contestant le ne sera construite à l’intérieur du Parc national de La Réunion ni n’aura
projet géothermique. d’impact sur celui-ci ou sur toute autre zone comprise dans la version finale
Mais, bien évidemment, la découverte du site lui- de la proposition d’inscription…
même apporta la confirmation définitive que le Bien Souhaits et recommandations des experts de l’UICN,
réunionnais ne pouvait se faire sans la Plaine des UICN, 10 novembre 2008.
Sables dans son entité.
Le paysage avait plaidé mieux que tous les rapports
d’expertise. Il fallait réinscrire ce site dans le Bien. Cela
relevait d’une décision de politique locale et nationale.
Les experts de l’UICN ont constaté que les valeurs naturelles en biodiversité
des fonds de cirques ont été sérieusement compromises par l’activité humaine.
Pour cette raison, leur inclusion dans le Bien du patrimoine mondial sur la
base des critères naturels pose problème…
L’UICN suggère que l’État partie étudie un statut alternatif, qui permettrait
d’intégrer les fonds de cirques dans la proposition d’inscription…
Il doit soutenir leur protection et leur gestion, sans toutefois faire partie
intégrante du site du patrimoine mondial. Les secteurs de cirques habités
(comprenant éventuellement certaines parties de la commune de Plaine des
Palmistes) pourraient être considérés comme zones tampon formelles du Bien
du patrimoine mondial.
Souhaits et recommandations des experts de l’UICN,
UICN, 10 novembre 2008.
Le territoire définitif
Le Parc national de La Réunion et le Bien inscrit L’Unesco souligna l’importance de la coopération des
avaient subi en 2010 et en 2011 deux graves incendies institutions, de l’apport d’experts internationaux, de la
dans la zone du Maïdo. Certains dans l’île redoutaient présence de moyens aériens dans l’île et recommanda
déjà une inscription sur la Liste du patrimoine mon- de ne pas ouvrir de nouvelles pistes.
dial en péril, voire pire.
Le principe général pour l’UICN et l’Unesco est de faire 4. Demande également à l’Etat partie de :
tout ce qui est possible pour éviter de perdre ce qui a été … élaborer une stratégie de prévention, de surveillance et d’intervention
reconnu comme exceptionnel à l’échelle universelle. Il rapide contre les incendies en veillant à éviter les impacts des moyens mis en
s’agissait donc de prendre les mesures adéquates pour œuvre sur les valeurs du bien, particulièrement de ne pas ouvrir de nouvelles
éviter le retour d’autres incendies dévastateurs. La re- pistes et de privilégier la mise à disposition de moyens aériens de lutte contre
commandation était donc une réflexion conjointe des les incendies pendant la période sèche,
institutions et un choix de mesures aptes à répondre … assurer une coordination étroite entre les différents acteurs sur les actions à
à la menace mais sans se précipiter dans des solutions mettre en œuvre pour la gestion du feu, en veillant à impliquer la population
pouvant ouvrir d’autres menaces. dans la surveillance des incendies ;
5. Recommande à l’Etat partie de solliciter l’expertise de l’UICN en matière
Le programme du patrimoine mondial de l’UICN souhaite faire part à la de gestion post-incendie et de contrôle des espèces exotiques invasives.
population et aux autorités réunionnaises ainsi qu’aux autorités françaises de Evaluation du rapport sur l’état de conservation du
toute la sympathie et de tout son soutien dans la difficile épreuve qui touche le Bien, Unesco, juin 2013.
territoire de La Réunion à la suite de l’incendie de ces derniers jours. L’UICN
se tient à la disposition du Parc national de la Réunion, et des autorités
locales et nationales pour toute assistance technique qui serait souhaitée…
Compte tenu de la complexité des actions et de leurs conséquences potentielles
sur les valeurs du site, il semble que les mesures post-incendie, à court ou
moyen terme, devraient faire l’objet d’une réflexion avec les divers acteurs
impliqués, et s’ouvrant sur un ensemble d’actions concertées. Nous nous tenons
à votre disposition pour toute participation à la réflexion…
Lettre au Parc national, au ministère de l’Ecologie et à
l’Unesco, UICN, 4 novembre 2011.
est une zone assez plate comprise entre 2200 et 2000 Une éruption au Piton de la Fournaise
mètres d’altitude. La partie médiane, qui présente une Le 30 août 2006 commence une éruption dans le cratère Dolomieu, elle va
très forte déclivité jusque vers 450 mètres au-dessus durer quatre mois. Plusieurs petits volcans (Woundzani, Piton la Neige …)
du niveau de la mer, porte le nom de Grandes Pentes. ont construit des cônes et ont inondé, par leurs coulées de lave, le fond du
Quant à la partie basse, dénommée Le Grand Brûlé, grand cratère central de la Fournaise. Le 27 novembre, ces laves ont débordé
elle s’étale doucement jusqu’au rivage. et se sont déversées sur les pentes, vers l’est.
Le cône du piton de la Fournaise, d’un diamètre Sur la photographie ci-dessus, tous les éléments superficiels d’une éruption
d’environ 3 km, surmonte l’enclos Fouqué jusqu’à sont visibles :
l’altitude de 2632 mètres. Le bord oriental du cône – le nuage éruptif blanc, formé avant tout par la condensation de la vapeur
se situe à la limite des Grandes Pentes. La partie d’eau en gouttellettes ; il contient aussi du dioxyde de carbone, des oxydes de
sommitale présente deux cratères : soufre, de l’hydrogène sulfuré à odeur d’œuf pourri…Il résulte du dégazage
– le cratère Bory, à l’ouest, est le plus petit : 350 m de du magma arrivé en surface ;
long, 200 m de large, – les projections qui sont éjectées du cratère en feux d’artifice. Au début de
– le cratère Dolomieu, à l’est, est le plus grand cratère l’éruption, le magma est très riche en gaz et produit un jet continu (= fontaine de
avec 1100 m de long et 700 m de large. Suite à la lave), plus tard, de grosses bulles explosent (façon sosso-maï presque cuit) ; les
vidange de la chambre magmatique (avril 2007), la parois de ces bulles sont pulvérisées et les morceaux envoyés autour du cratère ;
quasi-totalité du fond du cratère s’est effondré sur une
profondeur de 300 m.
Deux singularités notables se distinguent dans la partie
nord de l’Enclos :
– une zone creuse d’environ 2,5 km de diamètre, la
Plaine des Osmondes ;
– un pointement rocheux isolé s’élevant à 1368 m,
le piton de Crac, vestige d’un relief antérieur à la
formation de l’Enclos.
La partie active du Piton de la Fournaise s’étend
au-delà de l’Enclos. En effet la zone préférentielle
d’écartement ou rift-zone, (voir plus loin « Les éruptions ne
se produisent pas n’importe où. ») où s’ouvrent les fractures Une bulle explose au piton Bord de mer. Le 30 août 2004. Photo Ph. Mairine.
éruptives, forme un croissant plus évasé que le « U » de
l’Enclos. Cette bande de fragilité passe par le sommet, – le cône de projections (= cône éruptif = volcan = piton = spatter-cone) est
rejoint l’océan vers Saint-Philippe au sud et Sainte- construit par l’accumulation des projections qui retombent autour de la bouche
Rose au nord, où peuvent se produire des éruptions éruptive (ou cratère) ;
dites « hors-Enclos ». – les coulées de lave représentent l’essentiel (98 à 99 %) du magma dégazé.
Elles sortent du cratère égueulé ou, un peu plus loin, par des tunnels de lave.
Pendant les quatre mois de l’éruption, 15 à 20 millions de m3 de lave ont
recouvert le fond du Dolomieu et se sont écoulés vers les Grandes Pentes. Les
éruptions dans l’Enclos sont très peu explosives, car le magma qui monte
dans sa cheminée est fluide et laisse s’échapper facilement les gaz. On parle
d’éruptions effusives.
Une cheminée
du Piton de
la Fournaise
recoupée
par le Pas de
Bellecombe.
Photo Ph.
Mairine. La dalle de Trois Roches est un sill qui résiste bien à l’érosion de la Rivière des
Galets. Photo Ph. Mairine.
Les cheminées se présentent comme des lames de lave plus ou moins verticales,
en général larges de moins d’un mètre, longues de quelques centaines de mètres Entre construction et destruction,
et hautes de plusieurs km. Elles sont souvent orientées vers le sommet principal une histoire géologique complexe
de l’époque où elles se sont mises en place.
Les origines de l’île
Lors d’un parcours au fond des cirques ou sur la Route du Littoral, on
aperçoit de nombreuses injections plus ou moins verticales, mais on ignore si La Réunion, expression d’un panache
elles sont arrivées en surface ; ces structures sont appelées « dykes ». Un dyke mantellique
sur deux est arrivé en surface comme cheminée (données d’Hawaii). L’alignement des îles ainsi que la continuité des
structures volcaniques de l’ensemble Ride des
Mascareignes –Maurice – Réunion sont classiquement
interprétés comme des preuves que leur volcanisme est
le produit du fonctionnement d’un point chaud et du
déplacement de la plaque indienne vers le nord, puis
de la plaque africaine vers l’est-nord-est.
Les seconds accidents géologiques destructeurs, sont Carte des rift-zones du Massif de la Fournaise et de celles du Massif du Piton
des Neiges. Document Ph. Mairine (Fond topographique : Litto3D®-SHOM
les glissements de flancs ; les plus grands ont fait 2012 et HYDRORUN-IFREMER, réalisation
glisser vers la mer un quart du massif volcanique. Les Parc national de La Réunion, 2016.
Une dunite incluse dans la lave du Piton Chisny. Photo Ph. Mairine.
On observe des morceaux de dunites dans les laves et les projections produites
par un magma profond qui a traversé de vieilles chambres magmatiques en
les cassant et en remontant des fragments (les volcans de la Plaine des Sables
Coupe hypothétique du Piton de la Fournaise, d’après J.-F. Lénat, par exemple).
P. Bachèlery (1990) et A. Peltier (2007).
Interprétation Ph. Mairine. Remarque : en surface, les laves refroidissent trop vite pour que des cristaux
deviennent visibles (ils restent microscopiques). Tous les cristaux d’une lave
Dans ses réservoirs, le magma refroidit lentement, un peu plus vite observables à l’œil nu ont grandi dans un réservoir magmatique.
au fond, car le liquide le plus chaud, un peu moins dense, monte. La rivière du Mât a enlevé les roches qui recouvraient une vieille chambre
Quand la température baisse et arrive au niveau de la température de magmatique du Piton des Neiges. Elle affleure sous la passerelle de l’Ilet à Vidot.
solidification des minéraux, ceux-ci commencent à cristalliser. Il leur faudra
des années pour devenir visibles à l’œil nu.
Sous la passerelle de l’Ilet à Vidot affleure un gabbro formé dans une chambre
magmatique supérieure du Piton des Neiges. Photo Ph. Mairine.
Une salariée du Parc national de La Réunion est assise sur une roche grise
massive traversée par un petit dyke. Cette roche entièrement cristallisée, contient
des cristaux blancs (feldspath plagioclase) et d’autres sombres (pyroxène …).
Cette roche est un gabbro qui a la même composition chimique qu’un basalte.
De près, on observe des lits centimétriques plus ou moins clairs, c’est-à-
dire plus ou moins riches en cristaux de plagioclase : c’est un gabbro lité.
Falaise taillée dans des dépôts de nuées ardentes par le Bras de la Plaine ; route
de l’Entre-Deux. Photo B. et Ch. Artola.
Depuis 70 000 ans, l’activité du Piton des Neiges décroît et il semble endormi
L’évolution chimique des laves du Piton des Neiges vieillissant.
Schéma P. Nativel.
depuis 12 000 ans.
Les volcans « intraplaques » comme le Piton des Neiges ont une vie limitée
Dans la chambre profonde, le refroidissement est lent. Les laves sont des dans le temps. Quand ils sont isolés du magma profond basaltique, ils
hawaiites (laves grises souvent riches en grands cristaux blancs de feldspath vieillissent, se différencient et deviennent parfois violents en produisant
= « roche pintade ») produisant des laves assez fluides. quelques éruptions explosives.
Plus proche de la surface, la chambre supérieure évolue plus vite et arrive au La Fournaise ne montre pas de signe de sénilité. Il offrira une activité effusive
stade trachyte. encore longtemps.
Les orgues sont verticales au fond de l’ancienne vallée mais s’inclinent pour
rester perpendiculaires au flanc de celle-ci. Photo Ph. Mairine.
vallée creusée dans le Piton des Neiges. Depuis cette époque, l’érosion entaille C’est la présence de ces hauts remparts, et celle de la
la coulée, ce qui permet d’admirer son cœur en orgues. planèze du Mazerin, qui donnent à penser que Bébour
a commencé une évolution en topographie de cirque.
L’évolution a été enrayée ensuite par un ennoyage
volcanique récent.
Accidents tectoniques de la Rivière des Remparts Rivière des Remparts : écoulements boueux anciens. Schéma Ph. Mairine.
et du Morne Langevin. Schéma Ph. Mairine,
P. Bachèlery.
Evolution de la Rivière des Remparts depuis 290 000 ans. Schéma Ph. Mairine, P. Bachèlery.
par une barrière située maintenant sous le Morne Deux arguments de terrain amènent à penser que ce
Langevin. Cet obstacle disparaît entre 120 000 et dernier point est plausible :
65 000 ans, ce qui permet aux laves de revenir et • l’Enclos a une forme subcirculaire, presque tabulaire,
combler partiellement la vallée. La formation de la retrouvée sur d’autres volcans boucliers et interprétée
Plaine des Sables (65 000 ans) isole de nouveau l’ouest comme des remplissages de zones caldériques par des
de Saint-Joseph, et la Rivière des Remparts actuelle coulées,
creuse sa vallée. • un forage, au niveau de la Vierge au Parasol, traverse,
Le second rempart visible a été mis en place vers entre – 60 et – 220 m, des alluvions provenant de la
65 000 ans, vraisemblablement aussi en plusieurs Plaine des Osmondes. Elles n’ont pu se mettre en place
épisodes. Vers le nord, il domine une topographie que si une falaise isolait une rivière disparue du centre
encaissée : le Fond de la Rivière de l’Est et au sud la volcanique principal.
Rivière Langevin, ces deux vallées séparées par la
Plaine des Sables. Actuellement des coulées envahissent régulièrement
Le troisième rempart visible définit la structure l’ancienne vallée, car la caldeira est remplie du côté de
caractéristique de l’Enclos Fouqué. l’océan et les laves débordent ; il n’y a plus d’érosion
Ces structures, systématiquement ouvertes vers et de transport dans ce secteur ; l’accumulation des
l’est, résultent d’un processus où semblent associés produits volcaniques modifie seule le relief de l’Enclos.
subsidence pure (tectonique à composante L’aire de construction récente de la Fournaise se définit
essentiellement verticale) dans la partie amont à l’intérieur de grands remparts:
et glissements (déplacements à composante • les remparts curvilignes de l’Enclos Fouqué (exemple :
essentiellement horizontale) dans la zone aval. rempart de Bellecombe),
L’originalité de l’Enclos • le rempart sud du Grand Brûlé, ou rempart du
La topographie de l’Enclos Fouqué est celle de plusieurs Tremblet,
caldeiras emboitées, contenant le cône central avec ses • le rempart nord, ou rempart de Bois Blanc (qui semble
cratères sommitaux : le Bory et le Dolomieu. pour partie défini par l’érosion torrentielle d’une vallée
On peut résumer les hypothèses comme suit : aujourd’hui disparue, celle des Osmondes).
– quand la déformation a presque atteint le seuil de
rupture, une nouvelle arrivée de magma provoque un
déplacement brutal du flanc oriental (non calé par le
Piton des Neiges). Ces grands glissements de terrain
produisent des séismes de forte magnitude,
– le départ de ce flanc décompresse le système
hydrothermal, celui-ci flue vers l’est,
– non soutenu par les roches hydrothermalisées, le centre
du massif s’enfonce, créant une caldeira fermée à parois
escarpées où se construit un nouveau cône volcanique.
106 La Réunion, une île unique et exceptionnelle Pitons, cirques et remparts
L’Enclos, une structure complexe dont l’origine est verticaux fermés) ; les deux n’étant pas liés. Il a daté la coulée de lave du Pas
controversée de Bellecombe, recoupée par l’Enclos, à 4745 ans (à ±130 ans), donc celui-ci
L’Enclos est une vaste dépression en forme de fer à cheval qui entoure le Piton de la est un peu plus jeune.
Fournaise sur trois côtés. C’est là que se produit la grande majorité des éruptions. D’autres scientifiques pensent qu’un seul glissement est responsable de la caldéra en
Quand on passe par le Grand-Brûlé, on admire le paysage sans se poser fer à cheval, mais cela n’explique pas la formation de la Plaine des Osmondes, qui
de questions. Cependant, lorsqu’on regarde la côte, un fait est surprenant : était une vallée fluviale, isolée longtemps du centre volcanique principal.
les coulées qui arrivent en mer devraient construire un cap, comme sur l’île En 2003, Olivier Merle et Jean-François Lénat utilisent des maquettes dans
Makanrushi (Kouriles, Fédération de Russie), or, aucune grande avancée en lesquelles ils injectent des liquides colorés imitant des dykes. Pour ces auteurs,
mer n’est visible, ce n’est pas normal ! des glissements dans les Grandes Pentes provoquent le fluage du système
hydrothermal et l’effondrement de la partie centrale du Volcan.
La dernière hypothèse est basée sur des continuités géologiques et une datation
à 10 000 ans sur des foraminifères dragués au large de l’Enclos. Cet âge
montrerait que rien de violent ne s’est produit depuis cette date ; Laurent
Michon et Francky Saint-Ange ne voient, depuis 10 000 ans, que des
Le volcan de l’île de
mouvements lents, horizontaux dus aux injections de lave, et verticaux causés
Makanrushi construit d’une part par l’enfoncement de la chambre magmatique lourde du Volcan des
un grand cap
dans l’océan Pacifique. Photo
Alizés et d’autre part par un fluage du système hydrothermal.
Google Earth. Récemment, Andrea Di Muro et ses collaborateurs ont torpillé les
La formation de l’Enclos est due à des causes internes présentées dans le « certitudes » du XXe siècle, c’est à dire le lien unissant l’Enclos aux cendres
paragraphe « Mouvements de terrain » : la mise en place de dykes et de sills de Bellecombe : l’estimation de leur volume ne correspond pas (et de loin) au
au cœur du Volcan. On peut ajouter l’enfoncement des roches lourdes et encore volume de la dépression. Ces scientifiques estiment que l’Enclos s’est formé en
plastiques situées dans les fonds de chambres magmatiques. plusieurs épisodes, entre -3515 et -400 av J.-C.
Nul n’a vu ce phénomène se produire. En 1980, la déstabilisation d’un Une certitude : l’Enclos, surtout son flanc oriental, glisse lentement vers
flanc du Mont Saint Helens (USA), due à une énorme injection dans cette l’océan, 1 à 3 cm/an avec un ou deux mouvements rapides, d’un mètre ou
montagne, a créé une caldéra en fer à cheval, mais il s’agit d’un volcan bien plus, par siècle (comme en 2007).
différent de la Fournaise. L’Enclos est en mouvement lent vers l’Est (poussé par les injections de magma) et,
de temps en temps, il bouge violemment, déstabilisé par ces mêmes injections. La
Plusieurs scénarios ont été proposés pour expliquer fréquence de ces catastrophes n’est pas connue (2 000, 10 000 ans, voire plus).
l’histoire de l’Enclos. Elles ont bien eu lieu, car des avalanches de débris ont accumulé 500 km3 de
Patrick Bachèlery a tenté une première explication en 1981 : dans les Grandes roches en pagaille au large de la côte orientale de La Réunion. Nous pouvons aller
Pentes, des glissements de flanc et au sommet plusieurs caldéras (effondrements ramasser des goyaviers dans le Grand-Brûlé sans trop de craintes.
Hypothèse (1981) de Patrick Bachèlery pour expliquer l’Enclos. Hypothèse (2003) d’O. Merle et J.-F. Lénat.
Carte et schéma L. Michon et al. Carte et schéma L. Michon et al.
Hypothèse (1996) de W.A. Duffield et al., P.-Y. Gillot et al. ; Ph. Labazuy, J.-F. Hypothèse (2008) de L. Michon et F. Saint-Ange.
Œhler et al. Carte et schéma L. Michon et al. Carte et schéma L. Michon et al.
beaucoup et surtout, les nuées se sont étalées à l’embouchure de la Rivière tropicale qui creuse l’intérieur de structures anciennes de glissements de flanc.
Saint-Etienne qui les a creusées (dépôts sur la route de l’Entre-Deux, au Ils s’approfondissent et s’élargissent quand ils sont isolés des zones d’activité
niveau de l’ancien pont), du Piton des Neiges, ils se remplissent quand l’activité volcanique reprend
– A Mafate, ces dépôts sont des brèches contenant des roches pintade (sentier dans le secteur où ils sont situés. Mafate, Salazie et Cilaos grandissent depuis
scout). Le sommet du Piton carré en est un. très longtemps, alors que Bébour a été comblé récemment et l’érosion actuelle
ne fait que débuter.
Le Massif de la Fournaise en est au stade 3, mais la Rivière des Remparts
creuse son flanc sud, car elle est isolée du centre volcanique depuis l’effondrement
de la Plaine des Sables il y a 65 000 ans. Cela montre que ce récit en 8
épisodes est une simplification et que chaque cirque a une histoire compliquée
qui reste difficile à détailler.
Entre deux colères du Piton des Neiges, l’érosion creuse les nouvelles roches puis L’érosion torrentielle
les anciennes, les cirques s’élargissent (comme au stade 6). L’activité reprend de La dépression mise en place par le glissement de
façon plus continue entre 140 000 et 70 000 ans puis elle décroît et semble terrain originel, va permettre une concentration des
se terminer il y a 20 000 ans. Les laves de cette dernière période se retrouvent écoulements. Au fur et à mesure de l’évolution de la
dans le cirque comblé de Bébour, à Dos d’Ane, l’Ilet Nourry et sur les pentes forme du cirque, cette concentration va augmenter,
de Sans Souci à la sortie de Mafate, aux Makes et à Tapage dans le sud … par exemple par des captures d’écoulement externe
• Stade 8 : L’érosion sculpte les cirques actuels. (recoupement de l’amont et capture de l’aire
d’alimentation correspondante). Cela se voit aux
nombreuses vallées suspendues au-dessus des cirques.
La forme de dépression favorise les convergences des
masses d’air et leurs ascendances rapides le long des
remparts, lors des passages de perturbations tropicales
de saison chaude. Les intensités ponctuelles de pluies,
favorisent à chaque fois des crues remarquables.
Dans Mafate, la part des pluies de cyclones tropicaux
Vue aérienne du cirque de Salazie. dans l’alimentation en eau du cirque est supérieure à
Photo H. Douris. 60 %. En janvier 1980, sous l’influence de la dépression
Depuis la fin de l’activité du Piton des Neiges (variable selon les secteurs), tropicale Hyacinthe, le débit de pointe de la Rivière du
l’érosion creuse les cirques actuels, les rivières s’enfoncent jusqu’à leur profil Mât à la sortie de Salazie (Pont de l’Escalier) a été estimé
d’équilibre et transportent hors des cirques des millions de m3 d’alluvions. à 2 500 m3/s, soit un débit supérieur à celui de la crue
Elles sapent les pieds des remparts qui s’écroulent de temps en temps … centennale de la Seine en 1910 dont le bassin versant est
L’histoire des cirques de La Réunion est complexe, ils résultent de l’érosion bien plus vaste que celle du torrent réunionnais.
Les falaises de notre île ne sont pas stables, comme toutes les falaises d’ailleurs.
Ici elles sont très fragiles, car elles sont constituées de coulées de lave avec, par-ci
par-là, des cônes de projections, des dykes ou des sills. Ces coulées se présentent
en mille-feuille avec des couches morcelées (les gratons) et des cœurs de coulées
massives mais fissurées. Ces roches ont pu être entaillées sur des centaines de
mètres de profondeur par les rivières en crues ou l’océan.
Des écroulements plus rares mais plus volumineux se produisent dans les
grandes vallées ou les cirques, comme à Mahavel (Rivière des Remparts –
env. 30 millions de m3) en 1965 ou à Grand-Sable en 1875 (63 morts).
Dans les fonds de cirques ou dans les creux des grandes vallées, nous pouvons
observer les dépôts de ces écroulements. Ils sont constitués de roches cassées, de
bloc de plusieurs m3 au sable et à l’argile. Les éléments ne sont pas « classés »
par grosseur mais sont déposés en vrac. Ces formations géologiques, constituées Un grand dépôt de glissement de terrain a rempli la vallée de la Rivière
d’éléments grossiers anguleux liés par des « fines » (= la matrice), sont des Langevin il y a quelques milliers d’années. Les roches en vrac ont débordé de la
vallée et ont recouvert les alentours. La colline , correspond au cercle rouge de
brèches. la carte, elle est constituée de roches de toutes tailles, déposées en vrac.
Carte et photo Ph. Mairine.
Le BRGM surveille le relief des îlets de Salazie et établit des cartes de leurs
C’est une donnée incontournable dans le cirque de mouvements.
Salazie, où les aires de Grand Ilet et de Mare à Poule
d’Eau portent les cicatrices actuelles d’une perpétuelle
évolution. L’aire de Grand Ilet glisse à des vitesses
différentes vers la vallée du Bras Fleurs Jaunes, en
fonction du degré de pente.
L’aire de Mare à Poule d’Eau est concernée à sa
base par un déplacement horizontal (de l’ordre
de 3 m entre1995 et 2000), selon les mesures faites
par le BRGM. C’est vraisemblablement le cas le
plus spectaculaire, car il se traduit par des effets de Le plateau de Grand-Ilet descend vers la Ravine des Fleurs Jaunes à des vitesses
distorsion rapide de la surface de la route. La réfection variables durant la période 2003-2007. Doc C. Garnier, BRGM, 2008.
de cette surface doit être réalisée de multiples fois dans Les mouvements de terrain s’observent aussi au sein
la même année. À certains endroits, l’accumulation de du massif volcanique de la Fournaise, en relation avec
bitume atteint six mètres d’épaisseur ! Le même type ses activités.
de glissement de terrain se voit à Marla dans Mafate.
Les mouvements lents : observations concernant le
Piton de la Fournaise
Dans l’Enclos, l’Observatoire Volcanologique du Piton de la Fournaise
mesure un déplacement du flanc oriental du Piton de la Fournaise de quelques
centimètres par an, dû à la mise en place de cheminées volcaniques. En
2007, avant l’éruption du Piton Tremblet, en quelques jours, un mouvement
d’ampleur métrique a déformé les Grandes Pentes.
Le magma d’avril 2007 a suivi une surface fragile jusqu’à déboucher au
Piton Tremblet. Il a formé un sill comme on peut en voir à l’aval de la
passerelle de l’Ilet à Vidot. Combien en faudra-t-il pour qu’un glissement
brutal se produise ? Nul ne le sait !
Glissement de Marla,
cirque de Mafate. Source
BRGM.
Panneaux effondrés
On y retrouve des grands blocs hectométriques
Encaissement de la Rivière des Remparts. Photo R. Robert, in Dossier de
(= hummocks) montrant la structure initiale candidature « Pitons, cirques et remparts ». 2008.
d’empilement de laves mais avec des pendages
anormaux (vers l’amont…), jusqu’à des panneaux
fracturés et broyés où il ne reste que la trame de la
structure originelle d’empilement : l’aspect est alors
celui d’une brèche à blocs anguleux ; mais une
observation plus fine laisse deviner des sols, niveaux
de cendres, de scories…
On constate que lors du plus bas niveau marin, il y a environ 19 000 ans,
les limites de La Réunion se situaient en bordure des plateaux sous-marins
bordant l’île.
Pour ce qui est du plus haut niveau marin connu, il y a environ 130 000
ans, l’influence de la remontée du niveau marin sur la forme de l’île est moins
marquée : elle s’exprime principalement par l’immersion partielle des plaines
littorales (l’Etang de Saint-Paul, l’Etang du Gol)…
• une couche supérieure, beaucoup plus sèche, parfois Elles rassemblent une masse d’air chaud et humide,
plus chaude, très stable. proche de la saturation. Cet air est très instable et
La limite entre les deux couches définit la limite de soumis à de vigoureuses ascendances. Les pluies qui en
l’inversion des alizés, et la présence souvent de la résultent sont diluviennes quand s’ajoute un important
« mer de nuages ». De l’importance de l’épaisseur effet orographique comme c’est le cas à La Réunion.
de la couche inférieure, de son hygrométrie et de sa Les perturbations arrivent généralement du nord et
température, dépend la genèse des pluies d’alizés, sont relativement fréquentes de janvier à mars. Mais
quand le relief de l’île impose une convection forcée leur présence est irrégulière d’une année à l’autre.
à l’air maritime. Les trajectoires varient selon la saison. En début
Ces HP sont donc à l’origine du flux des alizés. En de saison (de novembre à décembre), elles restent
fonction du déplacement de la cellule, ces alizés parallèles à la latitude de La Réunion, mais loin au
arrivent d’abord par le sud, puis s’installent au sud- nord. En pleine saison, de janvier à mars, la trajectoire
est puis à l’est. La façade « au vent » varie donc est parabolique et peut intéresser l’île. En fin de saison,
quotidiennement en fonction de la position de la cellule elle est toujours parabolique mais décalée vers le
par rapport à l’île. La fréquence la plus grande est celle lointain est de La Réunion.
de l’est-sud-est qui correspond à une arrivée directe Les cyclones tropicaux ont des vents de plus de 63
sur les pentes de l’Enclos (massif de la Fournaise). Les nœuds, les dépressions, des vents inférieurs. Chaque
alizés véhiculent un air tropical maritime. perturbation reçoit un prénom de baptême dans
l’ordre alphabétique.
Les perturbations tropicales de saison chaude
Elles sont issues de la Zone de Convergence
Intertropicale (ZCIT) qui suit en latitude le
déplacement saisonnier de l’équateur thermique.
L’oscillation se fait entre 20° nord lors de l’été boréal
et 15° sud lors de l’été austral. Elles apparaissent à
partir du début de l’été austral entre l’équateur et 10°
sud. Sous les tropiques, ce sont les seuls phénomènes
qui s’accompagnent d’une forte baisse de pression Perturbation tropicale de saison chaude (24/02/2007).
Source Météo France, in Dossier de candidature
atmosphérique. « Pitons, cirques et remparts ». 2008.
Les perturbations d’origine polaire de plusieurs degrés. Le front ne présente pas les
D’une manière irrégulière tout au long de l’année, dangers d’une perturbation tropicale. Il est arrivé en
l’île est sous l’influence de masses d’air venues du août 2003 et en octobre 2006 que l’arrivée de l’air
lointain sud. Il peut s’agir de passages de front froid, polaire ait été accompagnée de chutes de neige sur les
de dépressions frontales associées au front. Les hauts sommets de l’île.
perturbations polaires se développent au sud des Quelle que soit l’année, l’influence anticyclonique
cellules anticycloniques du sud de l’océan Indien et (hautes pressions) l’emporte largement.
sont en rotation tout autour de l’Antarctique. Elles Pour la période 1961-1980, elle intéresse 78 % des jours
ne concernent pas directement La Réunion, mais se dans l’année (et jusqu’à 86 % en 1971). L’importance
prolongent par des fronts froids qui balayent le vaste des perturbations ne se situe pas dans leur fréquence
ensemble océanique situé entre les Kerguelen et de situation sur l’île, mais bien sur les conséquences
l’archipel des Mascareignes. pluviométriques qui peuvent être remarquables.
Ces différentes circulations atmosphériques
rencontrent le relief de l’île : elles vont évoluer de
différentes façons :
• l’ascendance forcée le long des pentes des massifs ;
• la subsidence le long des pentes opposées à leur aire
d’arrivée ;
• la convergence ou la divergence, selon la disposition
des reliefs.
À cela s’ajoute un mécanisme quotidien, imposé par la
présence de l’île et de son important relief. Les brises
diurnes sont ascendantes par convection thermique ;
les brises nocturnes sont subsidentes par disparition de
cette convection après le coucher du soleil.
Passage de front froid sur les Mascareignes (17/08/2007). Source Météo
France, in Dossier de candidature « Pitons, cirques et remparts ». 2008.
L’ensemble de ces composantes définit des nuances
et régions climatiques qui apparaissent avec la
L’approche d’un front froid a pour effet de faire cartographie de la distribution de deux variables
disparaître progressivement la circulation des alizés. majeures, la température et la pluie.
Sur l’île, cela se traduit par des pluies qui peuvent être
fortes (c’est assez rare) et par la chute de la température
Régions thermiques. Réalisation Mission Parc, Régions pluviométriques. Source R. Robert. Réalisation Parc national de La
in Dossier de candidature « Pitons, cirques et remparts ». 2008. Réunion, in Dossier de candidature « Pitons, cirques et remparts ». 2008.
La combinaison de l’influence de la
situation tropicale et de celle du relief Les topo-climats : conséquences du
est le facteur essentiel de la distribution relief de l’île
des températures à La Réunion.
L’opposition de formes de relief entre les pentes
L’influence océanique est aussi sensible presque régulières et les topographies en creux (vallées
partout. Elle a pour intérêt de tempérer les effets encaissées, cirques) est de nature à entraîner des
thermiques extrêmes, de diminuer les différences de changements de valeurs des variables climatiques.
températures entre jour et nuit. Elle diminue aussi La présence des grands amphithéâtres du Piton
l’amplitude annuelle entre saison fraîche (mai à des Neiges a une conséquence importante : les
octobre) et saison chaude (novembre à avril). topographies en creux induisent des changements
dans la circulation atmosphérique et par conséquence
La distribution des régions pluviométriques l’émergence de nuances climatiques, les topo-climats.
Les résultats des statistiques de pluie montrent la Dans certains cas, les plus fréquents, la circulation des
présence de deux régions climatiques. alizés est soit déviée horizontalement (phénomène
Topo-climats de cirques
La combinaison de la topographie et de la circulation
adaptée donne un topo-climat d’abri. Trois variables
climatiques sont concernées prioritairement :
• importance de la circulation de brises qui prend le
pas sur la circulation d’alizés, et relative faiblesse des
observations de vents (exemple de Salazie) ;
• la perte d’efficacité pluviométrique des alizés à
l’intérieur du cirque ;
• l’intensité des pluies de dépressions et cyclones
tropicaux.
Évolution en latitude des pics d’intensité des cyclones Changement climatique. Météo
France.
1 Le terme « habitat », pris ici dans un sens de « cadre spatial et écologique global,
sans application à une échelle quelconque du vivant » correspond à la notion d’habitat
naturel, retenue par l’Union Européenne dans le cadre de la Directive Habitats, qui
en donne la définition suivante « zones terrestres ou aquatiques se distinguant par
leurs caractéristiques géographiques, abiotiques et biotiques, qu’elles soient entièrement
naturelles ou semi-naturelles ».
L’étagement des milieux naturels selon Rivals (A) et Cadet (B).
Dossier de candidature « Pitons, cirques et remparts », 2008.
Le versant au vent
Sur la côte au vent, humide et pluvieuse, l’étage-
ment présente la succession suivante de végétations
climaciques :
– forêt tropicale humide de basse altitude (ou
forêt de bois de couleurs des bas) associée au secteur
chaud (mégatherme) et humide (hygrophile) des basses Complexe altimontain. Photo J.-F. Bègue.
terres jusqu’à 800 m d’altitude, encore appelé « étage tudinal, et marquée par un abaissement progressif et
mégatherme hygrophile » ; conjoint de la végétation et des températures depuis
les fourrés altimontains hauts de quelques mètres aux
landes basses et prostrées des sommets de l’île.
Les oiseaux
De nombreux oiseaux marins sillonnent les rivages de l’océan Indien. Divers
oiseaux migrateurs visitent régulièrement les terres de La Réunion. Ils peuvent
amener avec eux diverses semences.
Patate à Durand. Ipomoea pes-caprae subsp. brasiliensis. Plante côtière avec des
semences pouvant voyager sur la mer. Photo J.-F. Bénard. Le transport est tantôt externe (épizoochorie), collé ou accroché au plumage,
ou encore coincé avec un peu de vase ou de boue sur les pattes, tantôt interne
La voie des airs dans les voies digestives des oiseaux (endozoochorie).
Certaines espèces semblent bien adaptées à la dissémination par les oiseaux
comme celles produisant des semences gluantes (Plumbago zeylanica
[Pervenche à fleur blanche], Rhipsalis baccifera [Cactus gui], Boerhania ssp.
[Macatia vert], Pisonia grandis [Pisonie géante]...), mais, d’une manière
générale, beaucoup de plantes croissant dans les lieux fréquentés par l’avifaune
peuvent être concernées. C’est notamment le cas de plantes pionnières des vases
exondées des mares et des étangs fréquentées par les échassiers migrateurs
comme Lindernia rotundifolia [Lindernie à feuilles rondes], Bacopa monnieri
[Brahmi], ou encore Bryodes micrantha, cette dernière espèce uniquement
connue de quelques mares de Madagascar, d’Aldabra, de Maurice et de La
Réunion.
Les oiseaux frugivores sont certainement à l’origine de l’introduction à La
Réunion de plusieurs familles à fruits charnus (Asparagacées, Bégoniacées,
Bois de Reinette ou Bois d’Arnette, Dodonaea viscosa. Plante dont les fruits ailés Clusiacées, Myrsinacées, Myrtacées, Oléacées, Rubiacées, Sapotacées…).
peuvent être emportés par le vent. Photo J.-F. Bénard. Des oiseaux errants, détournés de leur trajectoire ou même des oiseaux
terrestres emportés par les cyclones sont probablement fortement impliqués
De nombreuses plantes se sont adaptées à la dispersion par les vents, les
dans ce processus très aléatoire qui suppose aussi un transit par les voies
tempêtes tropicales, les cyclones. Elles ont développé un arsenal de diaspores digestives des semences sans perte de leur capacité germinative.
légères aptes à voler ou être emportées par le moindre souffle de vent : semences Les terres continentales proches (notamment Madagascar) et les îles de l’ouest
à parachute (Astéracées, Asclepiadacées), spores ultra-légères (Ptéridophytes), de l’océan Indien sont effectivement les plus impliquées dans le transport par
graines sans albumen (Orchidées)… les oiseaux qui concernent probablement plus de 50 % des origines de la flore
Cette stratégie de dissémination à longue distance caractérise de nombreuses indigène de La Réunion. Mais des contrées plus lointaines ne peuvent être
plantes pionnières et souligne l’adaptation à la colonisation aléatoire de exclues, comme le rappelle R. Lavergne (2001) en citant le cas d’un Pétrel
milieux neufs par l’émission en masse et fréquente d’un nombre élevé de géant, bagué aux Falkland (Atlantique sud) et capturé sept mois plus tard à
diaspores (type de stratégie de régénération « W », Grime 2001). La Réunion.
Même si plusieurs travaux apportent des témoignages climats de La Réunion autorise une large gamme d’introduction de plantes
historiques importants (Bréon 1825, Richard 1856, tropicales, subtropicales et tempérées qui, par exemple, permet aux pêches, à
Trouette 1898, Rivals 1960) sur les introductions de la rhubarbe, aux mangues, aux litchis, aux ananas, etc. de se côtoyer au fil
végétaux à La Réunion, il est actuellement impossible des saisons sur les marchés de l’île.
de chiffrer le nombre d’espèces de plantes vasculaires Aux premières fonctions agronomiques, industrielles et médicinales, les
introduites à La Réunion. Il se situe probablement introductions des végétaux s’inscriront dans une préoccupation ornementale
au-delà des 5 000 espèces. et d’agrément, de plus en plus forte, qui va d’abord concourir à la diversité
L’inventaire des jardins et collections végétales de La de la flore des jardins créoles, puis, plus tard, au foisonnement des collections
Réunion reste donc à faire… spécialisées de palmiers, de plantes succulentes, d’orchidées… De ce point de
Enfin, si l’on rapporte le nombre non négligeable de vue, La Réunion offre un étonnant métissage végétal…
plantes adventices récoltées une seule fois au nombre Tout comme pour la végétalisation naturelle de l’île, difficultés, échecs et
de botanistes ayant herborisé dans l’île, il est clair que réussites auront été le lot de l’histoire des introductions de végétaux à La
beaucoup d’introductions sont passées inaperçues et Réunion. Beaucoup d’entre eux ne se sont pas maintenus ou subsistent
que la flore adventice introduite fortuitement ne sera péniblement sur leurs lieux d’implantation. D’autres sont aujourd’hui
jamais connue totalement ! communément cultivés, certains se sont répandus dans les cultures, les friches,
les milieux naturels parfois au point de devenir gênants par leur caractère
L’introduction volontaire de végétaux invasif.
Dès la fin du XVIIIe siècle, la société réunionnaise encourage les introductions
et les essais d’acclimatation de végétaux. Mais c’est au cours du XIXe siècle,
avec la création du Jardin d’acclimatation de Saint-Denis, futur Jardin de
l’État, que cette période d’introduction expérimentale s’organise et prend son
essor en relation avec l’industrialisation et l’aménagement.
Certaines de ces premières introductions utilitaires et de ces premiers essais
marquent encore profondément les paysages de La Réunion : Canne à
sucre (Saccharum officinarum), Ananas (Ananas comosus), Cryptoméria
(Cryptomeria japonica), Goyavier (Psidium cattleyanum), Choca vert
(Furcraea foetida). D’autres aujourd’hui sur le déclin ont connu des heures
de gloire comme le Géranium rosat (Pelargonium x-asperum, le Vétiver
(Chrysopogon zizanioides)… D’autres, enfin, ont presque entièrement disparu,
ou ne subsistent qu’en pieds ou cultures isolés comme le Coton (Gossypium
sp.), le Café (Coffea arabica) ou le Thé (Camellia sinensis).
Cryptoméria du Japon Cryptomeria japonica. Arbre importé pour la production de
Du « battant des lames au sommet des montagnes », la grande diversité des bois. Photo J.-F. Bénard.
Le bilan qui suit, s’attache à présenter la diversité de Les Spermatophytes spontanés sont presque unique-
la flore vasculaire spontanée de La Réunion sur des ment composés (99,8 %) des « plantes à fleurs » (phy-
bases floristiques générales incluant taxonomie, choro- lum des Magnoliophyta). On ne connaît que 0,2 %
logie et statuts d’indigénat. Il est issu de l’exploitation (3 espèces) de « Conifères » (phylum des Pinophyta).
de la version de l’Index de la flore vasculaire de La Les Cycadophytes ne sont pas représentés dans la flore
Réunion, version 2016.1, (Conservatoire Botanique spontanée de l’île.
National de Mascarin (Boullet V. coord.)). Les « Ptéridophytes » dans le sens usuel de ce terme
comprennent à La Réunion six phylums avec la répar-
Ce bilan a été établi au rang d’espèce. Il ne tient donc tition suivante en espèces :
pas compte de la diversité infrataxonomique (sous-es- – Lycopodiophyta (les « lycopodes et sélaginelles ») :
pèces, variétés, formes), peu étudiée jusque-là et dont une vingtaine d’espèces ;
les arguments taxonomiques ont parfois été contestés. – Equisetophyta (les « prêles ») : 1 espèce ;
Il s’adresse uniquement à la flore spontanée, c’est-à- – Psilotophyta (les « psilotes ») : 1 espèce ;
dire aux plantes apparues spontanément sans avoir été – Ophioglossophyta (les « ophioglosses et botry-
directement et volontairement plantées ou semées. En ches ») : 6 espèces ;
outre, leur identité taxonomique et leur présence ef- – Marattiophyta (les « marattia, angioptéris, etc. ») :
fective à La Réunion doivent avoir été prouvées. Sont 2 espèces ;
ainsi exclus : – Ptéridophyta (= Filicophyta) (les « vraies fou-
– les espèces connues uniquement à l’état cultivé ; gères ») : plus de 220 espèces.
– les espèces au statut indéterminé en raison d’une
documentation insuffisante (9 cas non résolus) ; Flores indigène et exotique
– les taxons cités sans ambiguïté dans le territoire mais Si l’on tient compte du statut d’indigénat ou d’intro-
dont l’existence ou la présence effective y reste dou- duction des espèces, la flore vasculaire spontanée peut
teuse (taxons douteux, soit 116 espèces). Les taxons être analysée en termes de flore indigène et de flore
douteux appartiennent généralement à des agrégats exotique. Afin d’éviter une présentation par trop com-
complexes, dont le contenu taxonomique a considé- plexe des résultats, plusieurs regroupements ont été
rablement varié au cours de l’histoire botanique, ou faits : les indigènes incluent les « probablement indi-
dont la délimitation et la détermination posent d’im- gènes », les exotiques incluent les cryptogènes et les
portants problèmes. Entrent aussi dans cette catégorie, probablement exotiques.
les citations taxonomiques apparemment douteuses ou
incertaines en attente d’une confirmation.
– les taxons dont la présence reste hypothétique dans 5 Les données présentées dans ce document différent de ceux du document de
candidature. En effet le travail de terrain a permis de les actualiser : plus d’une
le territoire (taxons hypothétiques, soit 23 espèces). centaine d’espèces de la flore spontanée a été recensée depuis la dernière édition. Il est
également à noter que certaines espèces ont vu leurs noms scientifiques révisés.
Spermatophytes
Spermatophytes
Ptéridophytes
tiques des flores « indigène » et « exotique » de l’île, on
Ptéridophytes
Endémicité
obtient la ventilation suivante :
spécifique
des espèces et
spécifique
– pour la flore « indigène », 623 « spermatophytes » systématique
(soit 71,2 %) et 251 « ptéridophytes » (soit 28,8 %).
Taux
Taux
(%)
Toutes les spermatophytes indigènes sont des « plantes
(%)
à fleurs » (Magniolophyta). Plus de 95 % des ptérido- Endémiques strictes 19 229 8 37
phytes (96,4 % exactement) sont indigènes. Endémiques 24 125 10 20
– pour la flore « cryptogène », 60 « spermatophytes » régionales
Autres indigènes 208 269 83 43
(soit 100 %) et aucun « ptéridophyte ». Toutes les sper-
Endémiques totales 43 354 17 57
matophytes cryptogènes sont des « plantes à fleurs » Indigènes totales 251 623 100 100
(Magniolophyta).
In Index de la flore vasculaire de La Réunion, version 2016.
– pour la flore « exotique », 869 « spermatophytes » Conservatoire Botanique National de Mascarin. V. Boullet, coord.
(soit 99 %) et 9 « ptéridophytes » (soit 1 %).
Spermatophytes
Ptéridophytes
Ptéridophytes
Statut
d’indigénat végétal
spécifique
spécifique
des espèces et
systématique Les traits généraux de diversité spécifique et d’endé-
Taux
Taux
(%)
Bois blanc Poupardia borbonica. Photo J.-F. Bénard. Néphrolepide abrupte. Nephrolepis abrupta. Photo N. Crestey.
assez vite les surfaces ensoleillées des laves, tandis que La forêt de bois de couleurs des bas occupait jadis
dans les anfractuosités abritées et plus humides, s’ins- toutes les basses terres de la Côte au Vent, depuis le
tallent les premières mousses. littoral jusqu’aux limites de l’étage mésotherme (800
– stade pionnier à Fougères héliophiles ; des matières à 1000 m). On la retrouvait également sur le versant
organiques se sont accumulées dans les concavités des opposé de l’île sous la forme d’une étroite bande altitu-
laves et les premières plantes vasculaires peuvent s’im- dinale de 300-400 m, située entre la forêt semi-sèche et
planter. Les plus constantes sont Nephrolepis abrupta, une la forêt de nuages. Elles ont été détruites massivement,
fougère à forte capacité d’expansion végétative, et le notamment au 19e siècle pour la culture de la Canne
Bois de rempart [Agarista salicifolia]. à sucre.
– stade arbustif clairsemé à Bois de rempart et Bois de Dans l’Est, il n’en subsiste aujourd’hui que quelques
fer bâtard ; la strate herbacée s’est densifiée et les fou- centaines d’hectares, plus ou moins bien conservés,
gères héliophiles à souche traçante occupent fortement installés sur des coulées volcaniques relativement
le terrain : Nephrolepis abrupta, Nephrolepis biserrata, Phy- récentes de la région de Saint-Philippe. Les vestiges
matosorus scolopendria. Une strate arbustive clairsemée les mieux préservés constituent la Réserve Naturelle
commence à s’établir. Le Bois de rempart, de plus en de Mare Longue. Dans l’Ouest, la forêt de bois de
plus présent, est maintenant accompagné du Bois de couleurs des bas a quasiment disparu.
fer bâtard [Sideroxylon borbonicum var. capuronii]. Le peuplement forestier présente une grande diversité
d’arbres et d’arbustes dont près d’un tiers sont parti-
ment arrosés et soumis à un lessivage important des il finit néanmoins par constituer des massifs arbustifs
sols, les potentialités forestières de l’étage mésotherme hauts de quelques mètres (généralement 4-5 m) aux
semblent bloquées à un stade arbustif riche en Branle troncs énormes (jusqu’à 1 m de diamètre !). Ces for-
vert [Erica reunionensis]. Cette formation d’éricacées mations sont apparemment très stables et leur physio-
constitue habituellement une étape dynamique pré- nomie est totalement dépendante du Branle vert, les
paratoire de la forêt tropicale humide de montagne. autres essences ligneuses rencontrées étant discrètes
Le sol, constamment engorgé, s’acidifie fortement et souvent chétives. Le sol des fourrés sur avoune est
(ph moyen de 4,5 à 5), s’appauvrit en éléments nu- un entrelacs de troncs et de branches dont les inters-
tritifs assimilables, tandis que l’humus brut provenant tices sont comblés par l’avoune, un sol qui peut d’ail-
des feuilles d’Éricacées, des frondes de fougères, des leurs devenir dangereux lorsque l’avoune s’épaissit.
Sphaignes et des mousses entrave probablement l’ac- Dans ces conditions, il n’existe pas au sol de véritable
tivité biologique de décomposition des micro-orga- strate herbacée, mais plutôt un ensemble de plantes
nismes. Dans ces conditions, des débris végétaux s’ac- épiphytes au comportement humo-corticole qui pro-
cumulent lentement et finissent par former une couche fite de l’omniprésence des manchons de mousses sur
de matériaux végétaux peu décomposés, épaisse d’un les troncs et les branches surmontant l’avoune. On y
à deux mètres, appelée « avoune » (il faudrait entre voit surtout de petites orchidées du genre Cynorkis, no-
5 000 et 15 000 ans pour obtenir 1 m d’avoune). Par tamment Cynorkis coccinelloides, ou encore Arnottia mau-
extension, et de manière impropre, on a aussi donné ritiana… La véritable strate épiphytique est par contre
le nom d’avoune aux fourrés portés par de tels sols. peu présente, l’ambiance relativement lumineuse et
Le Branle vert, dans ces biotopes très particuliers, pos- l’écorce du Branle vert se desquamant régulièrement
sède une croissance extrêmement lente. Avec le temps, étant des facteurs peu favorables à son développement.
annuellement), écart journalier de températures très de la Fournaise 2631 m), il est possible de suivre le
important. passage progressif des végétations éricoïdes prostrées à
De nombreux traits communs climatiques et végétaux Branle blanc [Stoebe passerinoides, endémique Réunion]
existent entre cet étage oligotherme de La Réunion aux forêts mésothermes à Tamarin des hauts [Acacia
et les hautes montagnes de l’Est de l’Afrique (étage heterophylla, endémique Réunion]. Cette séquence alti-
éricoïde des Monts Kenya, Ruwenzori, Kilimanja- tudinale est particulièrement bien visible sur la planèze
ro, Elgon…) et de Madagascar (étage altimontain des Bénares (Massif du Piton des Neiges) en raison de
malgache). Des affinités existent aussi avec les îles son inclinaison régulière. Dans le Massif de la Four-
de la Macaronésie (étages orocanarien et supraca- naise, la zonation altitudinale est plus délicate à vi-
narien des Canaries, sommets de Madère, étage éri- sualiser, mais la succession théorique de la végétation
coïde des Açores…). En ce qui concerne la flore, les éricoïde depuis les sommets de l’île est la même :
traits floristiques communs de la zone afrosubalpine – landes prostrées à Branle blanc, Hubertia tomentosa
(Afrique de l’Est, Madagascar, La Réunion) ont une var. conyzoides [endémique Réunion], Psiadia argen-
faible diversité mais une très grande originalité, avec tea [endémique Réunion], Psiadia sericea [endémique
un taux élevé d’endémisme, des familles dominantes Réunion], Faujasia pinifolia [endémique Réunion],
communes (Ericaceae, Asteraceae, Poaceae, Cypera-
ceae), de nombreux genres communs (Erica, Helichry-
sum, Stoebe, Carpha, Festuca, Poa, Panicum, Helictotrichon)...
À La Réunion, la flore des hautes montagnes com-
prend environ 60 espèces avec un taux d’endémicité
dépassant les 90 %. Trois genres sont endémiques :
Eriotrix [Asteraceae], Faujasia [Asteraceae], Heterochae-
nia [Campanulaceae].
D’aspect assez homogène au premier abord, les végé-
tations altimontaines présentent pourtant une organi-
sation altitudinale, dynamique et géomorphologique
bien tranchée. Ainsi, depuis les sommets de l’île (Piton
des Neiges 3070 m, Grand Bénare 2890 m, Piton Branle blanc. Stoebe passerinoides. Photo J.-F. Bénard.
Disa borbonica [endémique Réunion] ; bassins versants, mais aussi de la nature géologique
– mattorals bas à Phylica nitida [endémique Réunion], du sous-sol qui diffère dans chacun des deux massifs
Branle blanc, Branle vert [Erica reunionensis, endémique volcaniques de l’île. Trois régions hydrologiques prin-
Réunion] ; cipales peuvent être distinguées en tenant compte de
– mattorals hauts (brousse éricoïde) à Branle vert, ces différences :
Fleur jaune des hauts [Hypericum lanceolatum subsp. an- – dans le massif de la Fournaise, régulièrement et
gustifolium, endémique Réunion], Ambaville blanche fortement arrosé, les substrats relativement récents
[Hubertia tomentosa var. tomentosa, endémique Réunion], favorisent l’infiltration plutôt que les écoulements de
Tamarin des hauts… surface. Le réseau hydrographique est peu dense et
– taillis altimontains à Petit tamarin des hauts [Sophora possède un caractère temporaire prédominant. Les
denudata, endémique Réunion] et Tamarin des hauts. cours d’eau permanents se limitent pour l’essentiel aux
entailles profondes de la Rivière de l’Est, de la Rivière
Les zones humides des Remparts et de la Rivière Langevin.
Les zones humides de La Réunion comprennent : – le massif du Piton des Neiges consiste, quant à lui,
– le réseau hydrographique avec près de 800 ravines en matériaux peu perméables à l’origine d’un réseau
dont 155 principales représentant un linéaire d’envi- hydrographique très dense et fractionné en une multi-
ron 1500 km. L’ensemble du réseau est caractérisé tude de petits bassins versants. Le versant au vent, co-
par un régime discontinu et torrentiel. Seule une dou- pieusement arrosé, présente de nombreux cours d’eau
zaine de cours d’eau ont un caractère véritablement permanents.
permanent. – inversement, les ravines du versant sous le vent du
– les étangs et petites collections d’eau, aux eaux Piton des Neiges, abrité des pluies, ne possèdent qu’un
calmes à faiblement courantes. Ils sont peu nombreux caractère toujours temporaire. Ces ravines de l’Ouest
et offrent des caractéristiques différentes en fonction ne sont fonctionnelles qu’à l’occasion d’épisodes plu-
de l’altitude. vieux importants. Les trois rivières qui traversent les
– les prairies humides, les marais et les forêts maréca- régions de l’ouest (Rivière des Galets, Bras de Cilaos,
geuses, associés à des sols hydromorphes, gorgés d’eau, Bras de la Plaine) sont en fait des cas particuliers
au moins pendant une bonne partie de l’année. d’exutoires de bassins versants situés en partie dans
La nature et le régime des cours d’eau sont étroite- les régions pluvieuses du centre de l’île.
ment dépendants des conditions pluviométriques des
Lycopodielle de Caroline. Lycopodiella caroliniana. Photo J.-P. Le Guelte. Vacoa des hauts. Pandanus montanus. Photo J.-F. Bègue.
Bien qu’elles n’occupent que des superficies réduites, Les fourrés humides à Pandanus
les prairies humides de La Réunion présentent une Sur les sols gorgés d’eau de l’étage mésotherme, la
grande diversité d’habitats, en fonction de l’altitude, forêt tropicale humide de montagne laisse la place à
de l’hydromorphie des sols, des caractères physico- des fourrés marécageux d’allure étrange… Ces forma-
chimiques des milieux, des pressions anthropiques tions arbustives, appelées pandanaies, sont étroitement
diverses (fauche, pâturage, piétinement…). Elles sont associées au Pimpin, encore appelé Vacoa des hauts
malheureusement encore très mal connues. [Pandanus montanus]. Le Pimpin développe une canopée
A l’étage mésotherme, les prairies humides sont moins basse aux reflets bleutés, haute de 3-5 m, formée par
fréquentes. Au sein du complexe de pandanaies de la l’enchevêtrement de ses branches tortueuses. Ici et là
Plaine des Palmistes, il subsiste quelques taches de ma- émergent quelques fougères arborescentes [surtout le
rais mouilleux mésotrophes à petites cypéracées (Rhyn- Fanjan roux, Alsophila glauca] et, plus rarement, lorsque
chospora rugosa, Eleocharis caduca), avec parfois de petits le sabre lui a laissé la vie sauve, le Palmiste des hauts
tapis de sphaignes ou, encore plus rarement, quelques [Acanthophoenix rubra]. Autrefois, ce palmier abondait
rosettes d’une petite orchidée terrestre, Cynorkis rosel- dans ces pandanaies, au point de constituer une strate
lata. Ces prairies marécageuses évoluent rapidement arborée suffisamment voyante pour laisser son nom à
si l’hydromorphie diminue en mégaphorbiaies à Os- la Plaine des Palmistes.
monde royale [Osmunda regalis] et Cyclosurus interruptus, Les fourrés à Pimpin sont encore bien représentés
deux fougères typiques des zones humides africaines dans les secteurs très arrosés de l’île, comme les pentes
et malgaches. Dans les marais piétinés, sur les sen- orientales du massif de la Fournaise. Les vastes pan-
tiers suintants, on observe également de petites prai- danaies qui occupaient jadis la Plaine des Palmistes
ries mouilleuses à Cypéracées, égayées à la saison des ont été presque entièrement défrichées. Mais les sols
pluies de la floraison violacée de la Lindernie à feuilles gorgés d’eau se sont souvent révélés impropres à l’agri-
rondes [Lindernia rotundifolia]. culture et une partie de ces espaces défrichés, après
Aux hautes altitudes, les prairies humides sont mar- abandon, se sont transformés en vastes marécages pi-
quées par le caractère oligotrophe des sols et une nette quetés de Pimpin et de fragments de pandanaies. Dans
tendance à l’acidification des horizons supérieurs. Un ces conditions particulières de lumière et d’humidité,
bel exemple de ces conditions édaphiques d’altitude les Pimpins portent une flore épiphyte exceptionnel-
est la « prairie » tourbeuse à Sphaignes [Sphagnum pl. lement riche et diversifiée d’orchidées et de fougères,
sp.] et Rhynchospore [Rhynchospora pl. sp.] qui s’ins- alors que dans les formations denses à Pimpin, la strate
talle dans les cuvettes et les replats mal drainés. Les épiphyte est habituellement peu développée.
sols asphyxiques présentent alors un caractère tour- La silhouette du Pimpin est la signature même du
beux marqué (accumulation de matière organique peu genre Pandanus : présence de racines aériennes adven-
dégradée, teinte noirâtre). Dans les phases pionnières tives se développant surtout à la base des troncs et fai-
d’installation de ces gazons tourbeux, le substrat exon- sant office de racines échasses, ramifications tortueuses
dé est souvent colonisé par la Lycopodielle de Caro- portant aux extrémités des feuilles groupées en bou-
line [Lycopodiella caroliniana], une lycopodiacée terrestre quet. Les feuilles sont insérées en hélice sur trois rangs,
aux tiges prostrées sur le sol et de large répartition leur limbe est linéaire avec des marges et une carène
tropicale. dorsale épineuses. Les racines échasses permettent un
En définitive, et au-delà de la spécificité insulaire et Taphien de Maurice. Taphosous mauritianus. Photo G. Collin.
endémique, la plus grande originalité de La Réunion
A l’échelle des Mascareignes, La Réunion et l’île
réside en la concentration d’une grande diversité sur
Maurice partagent des populations de deux genres de
un tout petit territoire.
chauves-souris insectivores. Taphozous mauritianus est in-
digène sur ces deux îles. Le genre Mormopterus se dis-
La faune tingue depuis peu en deux espèces : M. francoismoutoui
à La Réunion et M. acetabulosus à Maurice (Goodman
La faune indigène de l’île présente une forte origi-
et al. 2008). Il n’existe aucune espèce de microchirop-
nalité. Elle est relativement pauvre en vertébrés avec tères à Rodrigues. Scotophilus borbonicus est considérée
moins de 50 espèces indigènes dont le taux d’extinc- comme une espèce endémique éteinte depuis plus de
tion a atteint 70 % en 4 siècles d’occupation humaine. deux cents ans (Cheke et Dahl, 1981 ; Moutou, 1982).
Le cas le plus typique est celui de la tortue terrestre Les mégachiroptères de l’archipel des Mascareignes
géante dont la population a été estimée à deux millions appartiennent uniquement au genre Pteropus. Actuel-
au début du XVIIe siècle : elle a complètement disparu lement, il existe une espèce commune à La Réunion et
depuis longtemps, car elle était « facile à capturer et à l’île Maurice : P. niger.
bonne à manger ». A Rodrigues, on rencontre une espèce endémique,
La présence de la faune locale est liée à la capacité de P. rodricensis. La distribution de ces deux espèces était
certains animaux à franchir les 700 – 800 km qui sé- autrefois plus étendue : P. niger éteinte à Rodrigues ;
parent La Réunion de Madagascar. Ainsi, les gros ani- P. rodricensis éteinte à Maurice. Une autre roussette, P.
maux comme les mammifères ruminants et les grands subniger, a disparu des deux plus grandes îles de l’ar-
prédateurs sont absents. La liste des espèces disparues chipel. La mission « Barataud & Giosa 2009. Identi-
a été reconstituée grâce aux descriptions laissées par fication et écologie acoustique des chiroptères de La
les premiers naturalistes, et grâce aux résultats des Réunion » a permis de cerner le répertoire acoustique
Catégorie Catégorie
Statut
Nom scientifique Nom français Sous-espèce Liste rouge Liste rouge
d’endémisme
France mondiale
Renard volant de
Pteropus niger Maurice, M CR EN
Roussette noire
Taphien de Maurice
Taphozous
Chauve-souris NT LC
mauritianus
à ventre blanc
Espèces menacées à La Réunion : les mammifères terrestres
Endémisme : M=Mascareignes ; Catégories : CR=danger critique d’extinction ; EN=en danger ; NT=quasi menacée ; LC=préoccupation mineure ;
Liste rouge UICN France, 2010
Catégorie Catégorie
Statut
Nom scientifique Nom français Sous-espèce Liste rouge Liste rouge
d’endémisme
France mondiale
Phelsuma Gecko vert de
R CR NE
inexpectata Manapany
Cryptoblepharus
Scinque de Bouton Ssp. boutonii (M) CR NE
boutonii
Gecko vert de
Bourbon,
Phelsuma borbonica EN NE
Lézard vert des
Hauts
Espèces menacées à La Réunion : les reptiles terrestres
Endémisme : R=Réunion ; M=Mascareignes ; Catégories : CR=danger critique d’extinction ; EN=en danger ; NE=non évalué
Liste rouge UICN France, 2010
6 Sources, J. Rochat, Insectarium 7 Entre 2000 et 2015 , 317 espèces nouvelles de Coléoptère ont été répertoriées
sur l’île.
158 La Réunion, une île unique et exceptionnelle Pitons, cirques et remparts
Les connaissances de cette faune sont encore inégale-
ment réparties selon les différents groupes d’insectes.
Certains sont relativement bien étudiés comme les
Coléoptères (charançons, « zandettes », coccinelles…).
D’autres sont moins connus comme certains Diptères.
Enfin, d’autres invertébrés comme les vers, scorpions,
araignées, mille-pattes… sont encore à inventorier : en
effet, on estime qu’il y a environ 500 espèces d’arai-
gnées à La Réunion dont 25 % d’endémiques. Des es-
pèces sont menacées, il s’agit notamment des papillons
(Papilio phorbanta, Antanartia borbonica, Salamis augustina)
qui sont des espèces protégées. Salamis augustina est me-
Salamide d’Augustine. Salamida augustina. Photo Life+ Forêt sèche. nacé d’extinction du fait qu’il ne consomme les feuilles
que d’un seul végétal, lui-même menacé (le Bois d’or-
– plus de 47 espèces d’Orthoptères (criquets, grillons, tie, Obetia ficifolia). Notons toutefois que de nombreuses
sauterelles…), dont la moitié endémique de La Réu- plantations de Bois d’ortie ont été réalisées ces dix der-
nion ou des Mascareignes ; nières années, afin d’espérer de nouvelles observations
– plus de 120 espèces de Diptères (mouches, du papillon associé. Toutefois et non revu depuis 2005,
moustiques…) ; il est susceptible aujourd’hui d’avoir disparu.
– plus de 300 espèces d’Hémiptères (punaise,
longicor nes…).
Catégorie Catégorie
Statut
Nom scientifique Nom français Sous-espèce Liste rouge Liste rouge
d’endémisme
France mondiale
Salamis augustina Salamide d’Augustine Ssp. augustina R CR NE
Ssp.
Antanartia borbonica Vanesse de Bourbon R EN NE
borbonica
Neptis dumetorum R EN NE
Papilio phorbanta Papillon la pâture R EN VU
Euploea goudotii R NT VU
Gynacantha bispina M EN VU
Africallagma glaucum EN LC
Coenagriocnemis
R EN NE
reuniense
Sympetrum
EN LC
fonscolombii
Pseudagrion punctum NT NE
Hemicordulia
R NT NE
atrovirens
Tholymis tillarga NT LC
Apterogreffea Phasme du Palmiste
R CR NE
reunionensis rouge
Heterophasma
R CR NE
multispinosum
Monandroptera
acanthomera M NT NE
Espèces menacées à La Réunion : les papillons de jour, les libellules et demoiselles, les phasmes
Endémisme : R=Réunion ; M=Mascareignes ; Catégories : CR=danger critique d’extinction ; EN=en danger ; VU=vulnérable ; NT=quasi menacée ;
LC=préoccupation mineure ; NE=non évalué ; Liste rouge UICN France, 2010
La faune aquatique
Heteropoda venatoria.
Photo J.-F. Bègue
hauts des ravines et l’océan. Par exemple, c’est le cas Crustacés d’eau douce
du Cabot bouche-ronde (Cotylopus acutipinnis) qui a une Dix espèces indigènes ont été recensées :
forte valeur patrimoniale et économique : les adultes Bouquet singe (Macrobrachium lar)
vivent et se reproduisent en eau douce. Les œufs sont Caridine à long rostre (Caridina longirostris)
entraînés par les courants à l’océan où ils éclosent. Les Caridine serratulée (Caridina serratirostris)
alevins (« bichiques »), attirés par les eaux douces se Caridine type (Caridina typus)
regroupent massivement aux embouchures des rivières Chevrette australe (Macrobrachium australe)
qu’ils remontent pour y terminer leur vie. Ces remon- Chevrette des Mascarins (Macrobrachium hirtimanus)
tées donnent lieu à des pêches souvent irraisonnées. Crabe lisible (Varuna litterata)
En revanche, les 4 espèces introduites ont leur cycle Crevette bouledogue (Atyoida serrata)
complet de reproduction en eau douce, elles sont es- Crevette charmante (Palaemon concinnus)
sentiellement présentes dans les étangs, les mares et les Ecrevisse (Macrobrachium lepidactylus)
cours inférieurs et moyens des rivières (Truite Arc-en-
ciel, Tilapia, Guppy et Porte-épée).
Catégorie Catégorie
Statut
Nom scientifique Nom français Sous-espèce Liste rouge Liste rouge
d’endémisme
France mondiale
Macrobrachium Chevrette des
M CR NE
hirtimanus Mascarins
Caridina serratirostris Caridine serratulée VU NE
Caridina typus Caridine type VU NE
Macrobrachium australe Chevrette australe VU NE
Atyoida serrata Crevette bouledogue NT NE
Macrobrachium lar Bouquet singe NT NE
Macrobrachium
Ecrevisse NT NE
lepidactylus
Espèces menacées à La Réunion : les crustacés d’eau douce
Endémisme : M=Mascareignes ; Catégories : CR=danger critique d’extinction ; VU=vulnérable ; NT=quasi menacée ; NE ; non évalué
Liste rouge UICN France, 2010
Comparatif intertropical
Qu’est-ce que la beauté ? Les plus émus ou les plus émotifs se sentiront comme
emportés un instant dans le paysage lui-même et ou-
Vouloir démontrer la beauté des paysages réunionnais blieront le lieu d’où ils observent le paysage : élévation.
est bien difficile et bien prétentieux. D’autres ne franchiront pas l’espace qui les sépare
Bien difficile car définir ce qui est beau ou ce qui est du paysage mais l’admireront en toute quiétude :
laid est un débat ouvert depuis longtemps avec des ré- contemplation.
ponses multiples, selon les temps et selon les personnes Les hommes, à la fois divins et sauvages, savent qu’ils
(c’est le domaine de l’émotion et du relatif). ont cette double identité et que le paysage est le résul-
Bien prétentieux car dans un tel domaine vouloir affir- tat de l’alliance des forces de la Nature et des actes des
mer une suprématie (une beauté universelle exception- sociétés humaines
nelle), se heurte toujours à des approches subjectives.
On procédera donc de manière prudente, en trois Orphisme
phases successives : Religion libre, née de curiosités intellectuelles et d’inquiétudes morales, non
- une réflexion sur la notion de Beau ; point localisée dans un sanctuaire, mais partout répandue, accessible à tous
- une analyse du Beau selon l’organe consultatif par l’initiation, soumise à des influences diverses et forcément ouverte aux
(l’UICN) qui évalue les dossiers des Sites naturels du nouveautés, l’Orphisme, autant qu’une religion, a été une philosophie …
patrimoine mondial ; La philosophie orphique a entrepris de répondre aux deux grandes questions
- une description et une argumentation concernant les qui tourmentèrent l’esprit grec depuis le VIe siècle : explication du monde et
paysages réunionnais. destinée de l’homme…
Les Orphiques croyaient à la nature divine de l’âme, et à une déchéance, à
un péché originel. L’âme, créée par les dieux, avait d’abord vécu au ciel ; elle
La Beauté, une approche initiatique ? avait été exilée à la suite d’un péché…
D’après l’explication vulgaire, l’homme était né du sang des Titans,
« La beauté consiste dans la grandeur et la disposition ordonnée » meurtriers de Zagreus [Dyonisos] ; par sa naissance, il était l’ennemi des
Aristote, Poétique, 335 av J.-C. dieux ; mais, en même temps, il avait en lui quelque chose de divin, qu’il
En reprenant les trois étapes de l’initiation à la Beauté : tenait des Titans…
la purification, l’ascension et la contemplation, Platon En Italie, en Afrique, en Gaule, dans tout l’Occident, on a trouvé
donne une forme dialectique aux mystères orphiques d’innombrables mosaïques qui représentent Orphée charmant les animaux.
de l’ascension de l’âme vers le divin. Article « Orphici », Dictionnaire des Antiquités
Les deux dernières étapes initiatiques, au moins, grecques et romaines, C. V. Daremberg, E. Saglio, 1877.
concernent chacun de nous devant un paysage d’une
grande beauté.
La Réunion, une île unique et exceptionnelle Pitons, cirques et remparts 167
La Beauté, une approche sensible ?
Mais chacun de nous ne ressentira pas la beauté du
paysage de la même manière, car elle dépend de notre
sensibilité propre et de l’éducation qui a pu contribuer
à former notre goût.
« Le goût est naturel à tous les hommes, mais ils ne l’ont pas tous en même
mesure, il ne se développe pas dans tous au même degré, et, dans tous, il
est sujet à s’altérer par diverses causes. La mesure du goût qu’on peut avoir Paysage culturel du Lake District National Park. Royaume Uni. Inscrit au
patrimoine mondial, critères (ii), (v), (vi). Photo A. Phillips.
dépend de la sensibilité qu’on a reçue ; sa culture et sa forme dépendent des
sociétés où l’on a vécu. Notons que ce mouvement est largement inspiré par
Émile ou de l’éducation, livre IV, Jean-Jacques Rousseau, 1762. les paysages du Lake District, inscrits en 2017 sur la
liste du Patrimoine mondial comme Paysage culturel.
La Beauté, le plaisir et la liberté ? Edmund Burke, dans Recherche philosophique sur
l’origine de nos idées du sublime et du beau (1757),
La relation forte à la nature guidera le plaisir, la jouis- distingue le beau du sublime. Pour lui, le beau est har-
sance, instant mêlé de liberté. monieux et attirant, le sublime disproportionné et ter-
rible. Cette distinction sera reprise par Kant dans sa
La beauté ne s’épanouira que là où dans une cabane qui lui appartient en Critique de la faculté de juger (1790).
propre, l’homme vit en une paisible intimité avec lui-même, et où, dès qu’il
franchit le seuil de sa demeure, il s’entretient avec toute l’espèce. Il faut des Est sublime ce en comparaison de quoi tout le reste est petit.
lieux où un éther léger ouvre ses sens à toutes les impressions délicates et où Critique de la faculté de juger, Section I, livre II,
une chaleur stimulante anime la matière prodigue […], des lieux où dans une Emmanuel Kant, 1790.
situation heureuse et une zone privilégiée l’activité seule mène à la jouissance
et la jouissance seule à l’activité, où l’ordre ne développe que la vie – où La nature est ainsi sublime dans ceux de ces phénomènes, dont l’intuition
l’imagination fuit perpétuellement la réalité sans pourtant jamais s’égarer suscite l’Idée de son infinité.
loin de la simplicité de la nature – c’est en ces lieux seulement que les sens Critique de la faculté de juger, Section I, livre II,
et l’esprit, la faculté réceptive et celle qui met en forme se développeront en Emmanuel Kant, 1790.
un heureux équilibre qui est l’âme de la beauté et la condition de l’humanité.
Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme, 26e lettre, Pour Kant, contrairement au Beau, le sublime n’est
Friedrich Schiller, 1795. pas lié à un objet ou à sa forme. Aussi bien le Beau
que le sublime plaisent par eux-mêmes. Le sublime ne
La beauté est en effet l’œuvre de la libre contemplation. produit pas de sentiment de plaisir mais d’admiration
Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme, 25 lettre, et de respect.
e
Le Beau ou le Sublime ?
Le Beau, une certaine bizarrerie ?
Pourrait-on parler de sublime quand on parle de beau-
té exceptionnelle ? Là encore les philosophes nous in- Finalement, n’y aurait-il pas quelque chose d’indéfinis-
diquent quelques voies. sable, de différence inexplicable qui serait la définition
Le concept d’esthétique du sublime apparaît en par- inavouable du Beau ?
ticulier en Angleterre, avec le développement du … le beau est toujours bizarre… il y a dans le beau toujours un peu de
« Grand Tour » à la fin du 18 e siècle (voyage d’An- bizarrerie inconsciente et naïve… et c’est cette bizarrerie qui fait que le beau
gleterre en Italie), où les splendeurs immenses de la est beau.
Nature que contemplent les voyageurs les amènent Ecrits sur l’art, Charles Baudelaire, 1855.
à décrire leur sensation en faisant appel au sens du
sublime.
Un ensemble de paysages et
de milieux naturels remarquables Piton des Neiges vu de la Plaine des Cafres. Photo J.-F. Bénard.
Les remparts
Les remparts sont de deux allures : linéaire, ou
curviligne.
Les remparts linéaires s’inscrivent sur un axe amont/
aval, de part et d’autre des encaissements de vallées
remarquables qui contribuent à la fragmentation ir-
régulière, plus ou moins achevée, des pentes des deux
massifs. Ils ont une allure rayonnante tout autour de
l’île. Au sein du Piton des Neiges, la dissection avancée
des vallées encaissées se voit dans l’émergence des to-
pographies de planèzes. Dans le massif du Piton de la
Fournaise, ces topographies sont moins visibles, car il
faut du temps pour que ces lignes directrices de relief
se développent. Ces encaissements de vallées sont les
Plan de l’Isle de Bourbon. Denis Selhausen, 1793.
conséquences de la tectonique volcanique et de l’éro-
Bibliothèque nationale de France. sion torrentielle.
Les remparts curvilignes sont de quatre types : constructions de l’île, est celle qui est totalement cernée
• l’amont des vallées encaissées a tendance à s’épa- par de hauts remparts curvilignes. Ce sont les cirques,
nouir pour former des « têtes de vallée en amphithéâ- distribués autour du Piton des Neiges. Salazie, Mafate
tre » : c’est le début d’une évolution morphologique ; et Cilaos sont trois entités géographiques qui ont à la
• lorsque cette évolution morphologique est avancée, fois un air de famille indéniable et un certain nombre
elle propose des topographies de cirques torrentiels ; d’originalités topographiques secondaires.
• dans le massif du Piton des Neiges, l’évolution, en-
core plus complexe, a laissé comme patrimoine pay-
sager celui de trois grands amphithéâtres, localement
nommés « cirques » (Salazie, Mafate, et Cilaos) ;
• dans le massif du Piton de la Fournaise, se trouve une
succession très originale de trois cicatrices de caldeiras
emboîtées, toutes ouvertes vers le sud-est.
Les deux derniers types sont à l’origine de paysages
exceptionnels.
Quelques morceaux choisis Il me fallait dire adieu au chef-lieu, pour aller visiter le reste de l’île, ou du
moins en faire le tour par la grande route, sans pouvoir explorer l’intérieur qui
Afin de faciliter le cheminement entre valeurs scienti- recèle les plus grandes beautés, comparables aux sites renommés de la Suisse.
fiques et esthétiques, il est proposé un choix de textes Album de La Réunion, Antoine Louis Roussin, 1860.
et documents constituant une sorte de contrepoint à
la description du Bien. Celui-là même qui a admiré en Europe les Pyrénées, les Alpes et les Carpathes,
en Afrique les fauves montagnes enserrant le Nil ou les dramatiques
Une beauté incomparable bossellements du Transwaal, reste surpris d’une admiration supérieure devant
la beauté de l’île de La Réunion. Comme certains d’entre les hommes, il est
Elle [La Réunion] est la plus saine et la plus belle du monde…La terre y est des pays qui ont du génie.
très fertile et grasse. Les eaux y sont pures et excellentes, ce qui serait une juste L’Ile de La Réunion, Raphael Barquissau, Hippolyte
raison que l’on pourrait appeler cette île un paradis terrestre. Foucque, Hubert Jacob de Cordemoy, 1925.
Histoire de la grande île de Madagascar…et autres îles
adjacentes, Etienne de Flacourt, 1658. Les navigateurs du XVIIe siècle l’appelaient Eden. Sa splendeur n’est
pas écrasante mais très simplement auguste, doucement éblouissante,
paradisiaque… On a vraiment l’impression que là – et nulle part ailleurs
– la nature a dû se recueillir pour signifier sur un étroit espace sa majesté et
sa variété.
L’Ile de La Réunion, Raphael Barquissau, Hippolyte
Foucque, Hubert Jacob de Cordemoy, 1925.
Le Paradis terrestre, représenté comme une île. Très Riches Heures du duc de
Berry, F° 25, vers 1480. Musée Condé. Photo IRHT-CNRS/Gilles Kagan
Wikipédia.
La prose poétique d’un scientifique Ladite Ile brûle incessamment ainsi que la Sicile, il y a un pays nommé le
Pays brûlé qui contient quatre lieues ou environ où le feu a passé, tout y est
A nos pieds du fond d’un abîme elliptique, immense, qui s’enfonce comme fondu, et la matière ressemble à de la fonte ou mâchefer. On y trouve de toutes
dans un entonnoir et dont les parois formées de laves brûlées qu’entrecoupent sortes de figures composées de la matière qui a coulé. Ce feu gagne toujours un
des brisures fumantes menacent d’une ruine prochaine, jaillissent deux gerbes peu. Ce pays brûlé est situé au sud-sud-est de l’île.
contiguës de matières ignées dont les vagues tumultueuses lancées à plus de Les voyages faits par le sieur D.B. aux îles Dauphine
vingt toises d’élévation, s’entrechoquent et brillent d’une lumière sanglante, ou Madagascar et Bourbon ou Mascareigne, les années
malgré l’éclat du soleil que ne tempérait aucun nuage… 1669, 1670, 1671 et 1672, Sieur Dubois, 1674.
Voyage dans les quatre principales îles des mers
d’Afrique, Jean-Baptiste Bory de Saint Vincent, 1804. Comme séparé du reste du monde par la mer toujours agitée, par la Fournaise
fumante et par les monts à pic qui bornent la vue à droite et à gauche, le
voyageur pensif, qui se traîne dans les scories, est saisi d’admiration et de
terreur quand, levant les yeux de dessus le sol contre lequel il lutte, il promène
ses regards sur le tableau sinistre qui se présente. Tout porte un caractère
surnaturel de grandeur ; mais à l’idée confuse de ruines et de désolation qui
s’y mêle, on est involontairement tenté de se croire transporté au séjour que
des flammes éternelles calcinent sans cesse. Les descriptions du Tartare et
des enfers se présentent d’elles-mêmes à l’imagination ; on se demande si les
inventeurs des religions et les poètes sont venus puiser l’idée de ces lieux de
supplices dans les débris figés que l’on parcourt.
Voyage dans les quatre principales îles des mers
d’Afrique, Jean-Baptiste Bory de Saint Vincent, 1804.
Vue à vol d’oiseau du Volcan. pl. 56. Jean-Baptiste Borie de Saint Vincent.
1801. Bibliothèque nationale de France.
On compte, dit-on, les déesses Aphrodite et Lucine parmi les fées bienfaisantes
de ces eaux [thermales de Cilaos] : elles sont donc tout à la fois analeptiques
et reconstituantes.
Cilaos pittoresque et thermal. Guide médical des eaux
thermales, Jean-Marie Mac-Auliffe, 1902.
D’autres vallées d’effondrement qui semblent les filles passionnées des cyclones
se sont dramatiquement creusées […]. Sur leurs remparts, les ravines
pullulent […]. La dénomination féminine qualifie bien l’orographie et toute
la personnalité de l’île, cette tendresse qui épouse la violence primitive. Vulcain forgeant la foudre
Les Iles Sœurs ou le paradis retrouvé. La Réunion- de Jupiter.
Peinture. Pierre Paul
Maurice. Éden de la Mer des Indes, Marius-Ary Leblond, Rubens. 1636.
1946. Musée du Prado.
Au pied de cette énorme muraille s’étend la Plaine des Sables, dont la surface
rougeâtre, est unie comme un lac; au bout de la Plaine, une rangée de pitons,
cratères éteints, aux versants alternativement colorés de teintes sombres, rouges,
violettes: au Sud le cratère Hubert d’un rouge éclatant, puis le piton Chysni,
qui semble fait de bronze poli, le cratère du Cirque, le piton Haüy, et dans le
lointain, dominant majestueusement de sa noire tête, empanachée de fumée,
tous ces sommets éteints, le dôme du Volcan.
Itinéraire d’un voyage au volcan en 1862, Camille Jacob
de Cordemoy, 1867.
L’esthétique littéraire
Le Piton des Neiges. Vue du Plateau Wickers, route de Salazie. Roussin, Louis
Antoine (1819-1894). Lithographe. 1860. Estampe. Bibliothèque départemen-
tale de La Réunion.
Perdu sur la montagne, entre deux parois hautes, La valeur exceptionnelle des paysages
Il est un lieu sauvage, au rêve hospitalier,
Qui, dès le premier jour, n’a connu que peu d’hôtes ; Dans le trinôme qui constitue le sujet Pitons, Cirques
Le bruit n’y monte pas de la mer sur les côtes, et Remparts, les différents termes ne sont pas égale-
Ni la rumeur de l’homme : on y peut oublier. ment riches de valeurs esthétiques. Les pitons sont
La liane y suspend dans l’air ses belles cloches avant tout les deux structures fondamentales sur les-
Où les frelons, gorgés de miel, dorment blottis ; quelles reposent tous les concepts qui identifient le
Un rideau d’aloès en défend les approches ; Bien : ils forment une base incontournable. Au centre
Et l’eau vive qui germe aux fissures des roches de ces deux pitons volcaniques, le Piton des Neiges
Y fait tinter l’écho de son clair cliquetis. et le Piton de la Fournaise, apparaissent comme des
Le Bernica, Poèmes barbares, Leconte de Lisle, 1872. singularités physiques qui tranchent nettement avec
la régularité des pentes externes de la construction.
Une flore et une faune tropicales Ces singularités sont la conséquence de remarquables
remparts dont l’origine est avant tout celle de la tecto-
Je me rappellerai les lieux où mon enfance nique d’effondrement et celle de l’érosion torrentielle.
Croissait libre et déjà songeuse, et sans défense ; Ils constituent des limites visuelles des espaces de l’île,
Où j’écoutais – soupir monotone et lointain - et en même temps offrent des perspectives particuliè-
La complainte du nègre et du bobre africain ; rement attractives.
Où le souffle clément des brises alizées Les topographies les plus surprenantes, dans le do-
Rafraîchit de nos fleurs les urnes épuisées ; maine particulier des valeurs esthétiques des paysages
Où l’oiseau du Bengale et les jeunes ramiers réunionnais, sont incontestablement les trois amphi-
Viennent fermer leur aile à l’ombre des palmiers ; théâtres majeurs du centre du Piton des Neiges : les
Où les ruisseaux suivant leur cours par les savanes « cirques » de Cilaos, Mafate et Salazie.
Portent leur frais murmure au seuil de nos cabanes.
Un clair de lune sous les tropiques, Poèmes et paysages,
Auguste Lacaussade, 1852.
Les remparts et l’esthétique tères, petits avions d’aéroclubs, ULM) qui permettent
une découverte très recherchée des grands panoramas
La présence de remparts propose avant tout des lec- de l’intérieur de l’île.
tures attractives de paysages panoramiques. De multi- Un autre aspect de l’esthétique des remparts est celui
ples encorbellements permettent la vision des paysages de l’importance des encaissements qu’ils proposent. La
à petite échelle, en les dominant largement compte dénivellation est pour le moins de plusieurs centaines
tenu de la dénivellation importante des remparts. Tous de mètres dans les vallées encaissées des deux massifs.
les grands panoramas de l’île s’offrent à la vue des vi-Elle atteint 2000 m et plus tout autour des sommets
siteurs, soit par la route soit au bout des sentiers de centraux du Piton des Neiges. Il s’agit de véritables
découverte. Ces principaux panoramas sont ceux des murailles presque verticales qui imposent leur présence
cirques : au visiteur. Lorsque ces remparts sont très proches, ils
• route forestière des Makes et perspective sur le cirque
forment des gorges de vallées difficiles à emprunter :
de Cilaos, c’est le cas des trois grandes vallées du massif du Piton
• route forestière de Maïdo et découverte du cirque des Neiges, et d’un certain nombre d’autres vallées,
de Mafate, surtout nombreuses dans l’est du massif du Piton des
• route forestière de Bébour et Bélouve et panorama Neiges.
sur Salazie,
• sentier de la Roche Ecrite et vision des deux cirques
de Salazie et Mafate,
• sentier du Grand Bénare et découverte des deux
cirques de Mafate et Cilaos, etc.
La découverte du Piton de la Fournaise offre trois pers-
pectives majeures, celle de la vallée de la Rivière des
Remparts (toponyme évocateur), celle des vallées de la
Rivière Langevin et de la Rivière de l’Est, celle du Pas
de Bellecombe. Ces panoramas sont la conséquence
de l’évolution tectonique du massif qui, au cours de
son histoire, a connu trois épisodes majeurs de destruc-
tion dont les remparts sont les cicatrices aujourd’hui Rempart de la rivière des Remparts. Photo G. Collin.
encore visibles. Parfois les remparts de ces vallées s’éloignent pour
donner une gamme de têtes de vallée en amphithéâtre
Il n’est pas étonnant que l’analyse statistique des flux à forte valeur attractive (exemple du Trou de Fer en
de visiteurs (locaux ou touristes de passage) confirme amont du Bras Caverne).
l’attrait de ces grands panoramas. Cela se traduit éga- Ou encore, ils prennent une allure curviligne, héri-
lement par l’importance des survols de l’île (hélicop- tage de leur formation par caldeira d’effondrement,
comme c’est le cas avec l’Enclos Fouqué au Piton de La deuxième est celle d’une symétrie dans la disposi-
la Fournaise. tion des remparts : parallélisme des remparts de flanc,
Les remparts contribuent largement à la définition des convergence des remparts vers l’amont, et convergence
valeurs esthétiques du Bien, soit en offrant de vastes des remparts vers l’aval et les gorges de raccordement.
paysages remarquables, soit en étant eux-mêmes re- La symétrie vient également de la régularité des pentes
marquables par leurs dimensions imposantes et leur de crêtes de remparts de l’amont vers l’aval. Cette ar-
verticalité. chitecture, fruit d’une évolution complexe, ajoute aux
caractères esthétiques de ces lieux.
La valeur exceptionnelle des cirques
du Piton des Neiges La troisième vient de cette association entre le cirque
et la vallée encaissée qui permet l’exutoire des eaux.
Là où les remparts sont à l’origine de paysages excep- Vu du littoral, le cirque reste caché aux yeux du vi-
tionnels, c’est au centre du « vieux » massif du Piton siteur. Et même au cœur de cette vallée resserrée, la
des Neiges. Cela vient de la présence de trois am- découverte de l’amphithéâtre d’amont n’est guère pos-
phithéâtres que d’aucuns qualifient de topographies sible, en raison des nombreux méandres.
uniques au monde. Ils sont nommés cirques (Salazie, Dans le cas de Salazie, les remparts de vallée servent
Mafate, Cilaos). Cette appellation ne se retrouve pas de front orographique : les nuages y sont fréquents,
ailleurs, ne correspond pas à l’origine complexe de la masquant le cirque et déroutant parfois les touristes
morphologie (ce n’est pas un cirque « glaciaire »), pré- de leur itinéraire. Il faut passer la porte d’entrée pour
sente de très fortes originalités. contempler cette topographie remarquable.
La première est celle d’une allure pirifome délimitée
par des remparts abrupts et élevés. Les trois cirques ont La quatrième est créée par l’ensemble de trois cirques,
indéniablement un air de famille. La qualité esthétique tous accolés aux sommets centraux et points culmi-
vient en premier lieu de cette verticalité imposante (de nants du Piton des Neiges. Certes, cette originalité ne
l’ordre de 70°) qui arrête brusquement le regard et se découvre que sur la carte de géographie, ou encore
enferme totalement le visiteur dans une perspective par le survol de l’île. Mais cette distribution, en « as de
de « bout-du-monde ». Quelle que soit la position du trèfle », est séduisante : Cilaos est au sud-ouest, Mafate
visiteur au sein du cirque, il est dominé par cette pré- au nord-ouest et Salazie au nord-est.
sence d’une géométrie finie. La porte d’entrée est un Les trois cirques sont limités entre eux par des cloisons
défilé étroit qui ne permet pas de distinguer l’ampleur résiduelles servant de cols : col de Taïbit entre Mafate
de l’amphithéâtre. Si la découverte du cirque se fait et Cilaos, Col de Fourche et Col des Boeufs entre Ma-
d’un seul coup d’œil au sommet des remparts qui le fate et Salazie, crête entre la Rivière du Mât et Cilaos.
limitent, elle est très progressive, le plus souvent par-
tielle, quand le visiteur se risque à l’intérieur de cette
topographie.
Orchidée. Photo J.-F. Bègue. Lézard vert des Hauts. Photo J.-F. Bègue.
Brouillard descendant le long d’un rempart. Photo J.-F. Bègue. Cône d’éruption dans le massif de la Fournaise. Photo S. Michel.
Une valeur esthétique magique parfois Pourtant, non loin, il est aussi des trésors naturels plus
imprévisible discrets mais qui sont aussi des valeurs patrimoniales
exceptionnelles : les pitons, les cirques et les remparts.
C’est la valeur la plus remarquée par les Réunionnais
et par les touristes. L’esthétique selon les évaluations
C’est celle attire parce que c’est un spectacle comme inter nationales
seule la Nature peut en offrir.
C’est aussi le moment où chacun admire et en même Le critère (vii) qui a été retenu pour inscrire les Pitons,
temps craint au fond de lui-même cette démonstration cirques et remparts de l’île de La Réunion au patri-
de force. moine mondial stipule que le Site doit « représenter
C’est là où la notion de Beauté exceptionnelle prend des phénomènes naturels remarquables ou des aires
force car c’est une beauté évidente. d’une beauté naturelle et d’une importance esthétique
Il s’agit bien sûr des éruptions du Piton de la Fournaise. exceptionnelles »
Ces éruptions fréquentes peuvent être modestes et ne
faire jaillir que quelques jets, rouge écarlate, ou bien Cette définition contient en fait deux concepts :
déverser des flots de lave qui, courant jusqu’à la mer,
vont s’y jeter dans un bruit de machine à vapeur : le Le premier, celui de « phénomènes naturels remarquables », se prête souvent
succès est garanti. à une appréciation et des mesures objectives (par exemple le canyon le plus
profond, le plus haut sommet, le plus vaste ensemble de grottes, la chute d’eau
la plus haute, etc.).
Le deuxième, celui de « beauté naturelle et importance esthétique
exceptionnelles », est plus difficile à apprécier. Le critère s’applique à des biens
naturels considérés comme possédant ces qualités à un degré exceptionnel.
S’agissant de sites naturels, les concepts de beauté et d’importance esthétique
donnent lieu à de nombreuses interprétations de caractère intellectuel.
Aucune n’est recommandée, et il est essentiel de se référer à une ou plusieurs
interprétations reconnues. On ne peut se contenter d’affirmer ces qualités sans
présenter de solides arguments à l’appui.
Établir une proposition d’inscription au patrimoine
mondial, Unesco, 2011.
Cône éruptif dans le massif de La Fournaise. Photo S. Michel.
La Réunion, une île unique et exceptionnelle Pitons, cirques et remparts 183
Brouillard descendant le long d’un rempart. Photo J.-F. Bègue.
Le premier concept, « phénomènes naturels remarquables », peut souvent être L’Unesco insiste sur la nécessité d’une évaluation com-
objectivement mesurée et évaluée. parative à l’échelle mondiale des valeurs paysagères :
Le second concept, celui de ‹ beauté naturelle et importance esthétique
exceptionnelles › est plus difficile à apprécier, et l’évaluation est généralement …ce critère veut, par sa nature, que le bien proposé pour inscription appartienne
plus subjective. » à un type commun à d’autres sites comparables, dont la distribution se déploie
Note pour une réunion d’experts, UICN, 2005. à l’échelle mondiale, plutôt que régionale, de sorte qu’il implique le recours à
des normes de même ampleur en matière de justification. L’élément esthétique
Le débat est bien lancé sur objectivité et subjectivité. a donc une application distincte des facteurs pris en considération dans le cas
de paysages culturels. L’évaluation de cet aspect se fonde sur une comparaison
La même année l’UICN poursuit sa réflexion sur la avec des biens dont le Comité a déjà approuvé l’inscription en vertu de ce
part individuelle de l’appréciation du Beau : critère et, dans la mesure du possible, s’appuie aussi sur une comparaison
d’indicateurs mesurables de l’intérêt paysager.
…[les participants] constatent que « l’esthétique » est une réponse personnelle Établir une proposition d’inscription au patrimoine
et émotionnelle (pas seulement visuelle, mais qui inclut toute une gamme de mondial, Unesco, 2011.
perceptions et les réactions qui y sont associées), et que le concept est par
conséquent ancré dans une communauté/culture. Il s’agit bien d’un critère très difficile, relevant parfois
Note pour l’Académie internationale pour la d’un orgueil bien naturel mais non scientifiquement
conservation de la nature, UICN, 2005. démontrable.
Charte du parc national de La Réunion et Plan de gestion du Bien Unesco. Parc national de La Réunion, 2014.
Périmètre définitif du parc national au sens de la charte. Parc national de La Réunion, 2015.
Life+ Corexerun
Le suivi dans le temps des espèces végétales exotiques Les volcans actifs du sud-ouest
invasives. de l’océan Indien
Un spécialiste sud-africain, Ian Macdonald, invité par le Conseil Régional Première de couverture du nouveau livre
sur les volcans actifs du sud-ouest
et l’ONF à se joindre à un groupe de jeunes écologistes des îles Mascareignes,
de l’océan Indien. 2016.
a débuté sa recherche sur les espèces végétales exotiques invasives de La
Réunion en février 1989. En une semaine, ces écologistes avaient mené
dans les forêts de La Réunion une série d’études par transect sur les espèces
végétales exotiques invasives. Ce travail de terrain intensif avait permis la
mise en place du premier plan de gestion, ainsi que la première évaluation
quantitative du problème.
En novembre 2010, 21 ans après, les mêmes transects ont été réexaminés.
Ce qui a permis de mesurer l’évolution de l’installation de ces invasives et
l’arrivée éventuelle de nouvelles espèces. Un autre suivi a eu lieu en 2013. Un livre de référence sur les volcans est paru en 2016. Il est édité dans la
Parmi les conclusions on peut souligner : collection « Active Volcanoes of the World » et intitulé « Active Volcanoes of
– Les conséquences de l’invasion continue des forêts de La Réunion par le the southwest Indian Ocean, Piton de la Fournaise et Karthala ».
« goyavier » (Psidium cattleianum) sont graves. Cette espèce est l’envahisseur Ce document, rédigé en anglais, a été réalisé notamment par Patrick Bachèlery,
principal aussi bien des pandanaies que de la communauté de forêt de Jean-François Lénat, Andrea Di Muro et Laurent Michon.
moyenne altitude.
– La perte (suite à des coulées de lave) de la succession naturelle du Des contacts permanents avec les milieux naturalistes
« laboratoire en plein air » d’importance nationale qu’offraient les coulées de et universitaires de l’île donnent également lieu à des
lave du Grand Brûlé est désastreuse. actions communes.
– Il est essentiel de trouver des méthodes de contrôle efficaces pour l’espèce Au-delà de ce travail de collaboration scientifique, le
Hedychium (« longose »). Parc national forme ses équipes à la réalisation d’in-
– Il faut empêcher toute nouvelle introduction malencontreuse d’oiseaux ventaires. Les agents poursuivent efficacement leurs
et de mammifères pouvant agir comme agents de dispersion/perturbateurs missions de relevés de terrain sous protocoles. Ils ont
d’écosystème, qui favoriseraient des invasions par les plantes exotiques. référencé de nombreuses données ponctuelles, li-
S’ils ne prennent aucune mesure pour empêcher l’introduction de nouvelles néaires ou surfaciques.
espèces de plantes exotiques, la bataille que les Réunionnais livreront contre
les invasions de ces plantes est perdue d’avance. En 2013, lors d’un tour
de l’île en voiture, plusieurs « nouvelles » espèces végétales exotiques qui Le partage de la connaissance :
commençaient à s’implanter ont été observées. séminaires, colloques, ateliers et
– Dans la majeure partie de l’île, on voit des signes évidents que la guerre autres moments d’échanges
contre les espèces végétales exotiques a commencé. Cependant, le succès obtenu
à ce jour est lacunaire. En particulier, les opérations de défrichage des bords
des routes semblent être une perte complète de temps et d’argent puisque les Tous les séminaires, colloques, symposiums concer-
mêmes espèces végétales exotiques envahissantes qui sont éradiquées le long nant le partage d’informations et la protection des va-
des routes sont ignorées 5 mètres plus loin. leurs des Hauts de La Réunion et du Bien inscrit au
Patrimoine mondial ne sont pas décrits ci-après, loin
– Une approche stratégique saine et plus coordonnée sera nécessaire à l’avenir
pour traiter le problème. s’en faut …
– Un besoin de prioriser davantage le contrôle de l’Acacia mearnsii. L’auteurSeuls quelques exemples sont cités. Ils ont en com-
conseille instamment au Parc National de donner la priorité à la lutte mun de s’être déroulés à La Réunion, après la date
de l’inscription et d’avoir réunis des instances variées,
biologique contre la production de graines de cette espèce très invasive. Cette
espèce est susceptible d’envahir de grandes zones sur les flancs des cirques quelquefois situées hors de l’île.
volcaniques, où elle serait pratiquement impossible à éradiquer. Dans ces rencontres, il est à souligner la présence d’ins-
titutions et/ou de personnalités de territoires voisins
Une étude sur la perception des espèces exotiques envahissantes à La ou lointains, partageant des problématiques similaires
Réunion, a été menée par l’Université (M. Thiann-Bo et P. Duret). Cette à celles de La Réunion.
étude a eu pour objectif de mesurer les écarts de représentations entre les La mise en réseau des connaissances et des pratiques
différentes catégories d’acteurs (activités, lieux de résidence…). Des tests a été vraisemblablement augmentée.
de reconnaissance d’espèces figurant sur des « planches » ont eu lieu. Il est
Première de couverture du
livre sur Orchidées sauvages,
sorti à l’occasion du congrès
international tenu à La
Réunion, 2013.
-
Pochette du CD de musique « Dédicace à la nature ».
Le Parc national et le PRMA valorisent la musique réunionnaise. Suite à
l’inscription de son territoire sur la Liste des Biens du Patrimoine mondial,
le Parc national s’est associé au Pôle Régional des Musiques Actuelles de La
Réunion (PRMA) afin de valoriser le patrimoine culturel du territoire.
Ce partenariat à permis de réaliser et de produire un CD en 2015, au
format livre-disque qui présente une sélection de musiques de La Réunion ;
ce CD a été distribué à l’occasion du cinquième anniversaire de l’inscription
des « Pitons, cirques et remparts de l’île de La Réunion » sur la Liste du
patrimoine mondial (2015).
Le centre d’interprétation de la Maison du Parc À l’intérieur, les visiteurs sont accueillis par des agents
Plusieurs lieux ouverts au public et dédiés au partage du Parc national et de l’Office de tourisme de l’Est ;
des patrimoines existent à La Réunion. Peuvent-être l’offre de découverte et de services est présentée
cités le Jardin Botanique Mascarin (Colimaçons, Saint- (orientation du public professionnel, espace scénogra-
Leu) ou la cité du Volcan, remplaçant depuis peu la phique, jardins, œuvre d’art contemporain, parcours
Maison du Volcan (Plaine des Cafres). Le dernier ou- enfant / aides à la visite tout public…, conseils et ser-
vert est situé à la Plaine des Palmistes. Il s’agit de la vices touristiques proposés par l’Office du Tourisme
Maison du Parc national de La Réunion qui accueille Intercommunal…).
dans ses murs un centre d’interprétation offrant aux
Centre d’interprétation de la maison du Parc national à la Plaine des Palmistes. Photo S. Deschamps.
Exemple de visuel conçu dans le cadre de la route des laves. Parc national de La Réunion, M. Sicre.
Sites du patrimoine mondial. En jaune : sites culturels ; en vert : sites naturels ; en rouge : sites en périls. Unesco. 2016.
La meilleure prise en compte des enjeux Les règles nationales et européennes concernant la
de conservation dans les aménagements publics protection de la biodiversité ne prennent pas toujours
en compte la fragilité des îles océaniques d’Outre-mer,
La stratégie de lutte contre les espèces invasives à La notamment envers les invasions biologiques. Un travail
Réunion met en exergue l’absolue nécessité de déve- d’adaptation et de validation par le système législatif
lopper des actions préventives plutôt que curatives et/ou réglementaire est à conduire.
en matière de gestion des processus invasifs. Ainsi,
la Démarche Aménagement Urbain et Plantes Indi- Le règlement de l’UE 1143 / 2014 précise que « les espèces exotiques
gènes (DAUPI) vise à favoriser l’utilisation d’espèces envahissantes constituent l’une des principales menaces qui pèsent sur la
indigènes et d’espèces exotiques non envahissantes biodiversité et les services écosystémiques associés, en particulier dans les
dans les projets d’aménagements des espaces urbains écosystèmes géographiquement isolés et ayant évolué en vase clos, tels que les
et périurbains. petites îles. Les risques que présentent ces espèces pourraient être accrus par
l’intensification des échanges mondiaux, des transports, du tourisme et du
La mise en place de la DAUPI changement climatique. ». Ce règlement stipule que « au plus tard le 2 janvier
La première phase du projet DAUPI a eu pour objectifs de construire des 2017, chaque État membre comptant des régions ultrapériphériques adopte
outils pour aider les professionnels à identifier, produire et choisir des espèces une liste des espèces exotiques envahissantes préoccupantes pour chacune de
végétales indigènes et des espèces exotiques non envahissantes dans le cadre de ces régions, en concertation avec lesdites régions ».
projets de végétalisation des espaces urbains et péri-urbains. Actuellement à La Réunion, deux listes sont à l’étude :
La seconde phase, démarrée en 2014, comprend les actions suivantes : • liste 1 limitative des espèces exotiques autorisées d’introduction dans le
Développement d’une plate-forme WEB dont l’objectif est de présenter le milieu naturel,
projet et ses grands objectifs et de mettre à disposition les outils élaborés, • liste 2 d’espèces exotiques interdites sur ce territoire.
Organisation d’une « banque de semences » ou d’un dispositif facilitant les
accès à ces dernières, Il est, également à noter que l’arrêté préfectoral por-
Utilisation de la DAUPI pour sensibiliser la société civile, le grand public tant régulation des chats sauvages, souhaité par les ges-
et les décideurs aux grands enjeux de conservation durable de la biodiversité tionnaires de la nature, a été mis en enquête publique,
de La Réunion. en novembre 2016. Il a été signé par le préfet le 6
février 2017.
Une évolution de la législation à prendre
en compte
La signalétique de positionnement
L’idée d’une déclinaison Projet d’une griffe locale. Document de travail IRT et Parc national de La
Réunion.
de l’inscription dans une griffe locale
L’articulation des deux patrimoines
Les Pitons, cirques et remparts, inscrits sur la Liste réunionnais inscrits à l’UNESCO
du patrimoine mondial par l’Unesco, coïncident avec
le territoire du parc national de La Réunion. Au-
jourd’hui, pour valoriser le territoire inscrit, deux logos La Réunion a la chance d’avoir, à ce jour, deux
sont utilisés : celui du Parc national de La Réunion et Biens inscrits sur les deux Conventions traitant du pa-
celui délivré par l’Unesco pour représenter et identifier trimoine mondial (Convention du patrimoine mondial
le Bien. de 1972, Convention sur le patrimoine immatériel de
L’utilisation du logo Unesco reste soumise à une régle- 2003). Il s’agit de :
mentation stricte et chaque utilisation doit être validée – les « Pitons, cirques et remparts » : au patrimoine
par l’Unesco. De plus, le logo Unesco n’a de vocation matériel (2010) ;
ni commerciale ni touristique. – le maloya : au patrimoine immatériel (2009).
Afin de pouvoir valoriser davantage la distinction
attribuée, le Parc national et L’île de La Réunion
Tourisme (IRT) ont décidé de concevoir un nou-
veau logo, une griffe représentative du Bien et de
son caractère exceptionnel.
Ce logo, encore à mettre en œuvre, doit pouvoir
être utilisé par les prestataires touristiques, les par-
Logo « Patrimoine mondial ». Logo « Patrimoine mondial immatériel ».
tenaires et acteurs du territoire, lors de manifesta- Convention de 1972. Unesco. Convention de 2003. Unesco.
tions dédiées (type anniversaire de l’inscription au
patrimoine mondial), selon les modalités définies par Ces deux inscriptions, obtenues à une année d’inter-
le Parc national de La Réunion et l’IRT. valle, font la fierté de la grande majorité des Réunion-
nais. Elles représentent deux facettes complémentaires
Promesse de l’identité et de l’originalité de l’île.
Les Pitons, cirques et remparts de La Réunion, un Bien naturel reconnu
pour la biodiversité unique et les paysages exceptionnels qu’ils abritent. Cette
distinction est une chance, une plus-value, un atout pour La Réunion. La
Réunion est un territoire exceptionnel qui mérite d’être visité.
1 - « La Réserve naturelle nationale des Terres Australes Françaises », présente sur la liste indicative, rédige actuellement un dossier de candidature pour une inscription
(souhaitée en 2018).
Il est aussi à noter que plusieurs projets de la zone sud-ouest de l’océan Indien sont actuellement sur la liste indicative : Les Seychelles en ont proposé deux, les Comores quatre,
Maurice un, Madagascar huit.
2 - Les principaux domaines d’activité de ces centres de ressources sont : a) Processus de montage de dossiers de candidature au patrimoine mondial, b) Conservation, gestion,
planification, c) Travaux scientifiques et techniques, d) Utilisation/gestion des ressources, e) Domaines législatifs et réglementaires, f) Financement et ressources humaines,
g) Relations avec les communautés, h) Durabilité, i) Communication/interprétation.
240 La Réunion, une île unique et exceptionnelle Pitons, cirques et remparts
Il existe actuellement 8 centres de catégorie 2 concer- à la fois une « originalité » du vivant et une « parenté »
nant le patrimoine mondial : aucun ne concerne entre la faune et la flore indigènes de ces pays.
l’océan Indien méridional. La création d’un centre de Le réseau des Biens inscrits du sud-ouest de l’océan
ressources de catégorie 2 pour le Sud de l’océan Indien Indien qui serait animé depuis La Réunion devrait
serait donc opportune. Il existe localement une volonté passer un accord de partenariat avec la Commission
politique forte pour qu’il soit localisé à La Réunion. de l’océan Indien afin de profiter de son Centre de
Ce projet a en effet déjà été inscrit dans les objectifs Ressources, de son expertise et de financements pour
de plusieurs documents de programmation comme le des projets communs.
Contrat d’Objectif 2015-2020 signé entre l’Etat et le
Parc national de La Réunion d’une part et la Charte Cette coopération du réseau des Biens inscrits avec la
du Parc national de La Réunion, d’autre part. Commission de l’océan Indien et l’ensemble des insti-
Le Conseil d’administration du parc a voté, en 2016, tutions réunionnaises, régionales et mondiales permet-
le principe d’une étude de faisabilité pour établir une trait d’établir un réseau de relations et d’échanges sur
proposition recevable par l’Etat et l’Unesco. des thèmes précis ou sur des sujets touchant l’ensemble
C’est un projet qui concerne toutes les institutions po- de la zone comme le réchauffement climatique.
litiques et administratives de l’île ainsi que les orga- Le développement de la coopération internationale
nismes de recherche et d’enseignement. Il renforcerait en matière de patrimoine, depuis La Réunion, sera
la place de La Réunion, et donc de la France, dans non seulement un renforcement des capacités d’action
un contexte de coopération technique et scientifique dans les domaines de la culture et de la nature, pro-
régional tout en apportant à l’île des expertises sur de fitant à l’ensemble des acteurs réunionnais, mais elle
nombreux domaines. permettra de rendre beaucoup plus lisible « ce petit
point sur la carte du monde ».
La France pourrait donc proposer la création et la re-
connaissance par l’Unesco d’un centre de catégorie
2 associé au patrimoine mondial à La Réunion sous
l’appellation Centre régional Océan indien pour le pa-
trimoine mondial (IOC-WH).
L’exceptionnel patrimoine naturel et paysager a été reconnu au niveau national puis mondial.
Un élément de son patrimoine culturel (le maloya) l’a aussi été aux mêmes niveaux.
Voilà donc une “île aux trésors” comblée d’honneurs et fière de l’être. L’histoire ne s’arrête
toutefois pas avec ces reconnaissances.
Les efforts engagés par les institutions et les associations réunionnaises ont permis l’inscription
sur la Liste des Sites du patrimoine mondial. Les actions qui se poursuivent maintenant depuis
plusieurs années sont pour une part redevables à un certain effet catalyseur de l’inscription.
Beaucoup de domaines ont bénéficié de projets et de programmes : connaissance de processus
biologiques ou pédagogie de découverte sont deux des enfants de cette histoire récente.
Le combat pour conserver tout en laissant sa juste place au développement ne fait que com-
mencer. Il nécessitera savoirs, compétences mais surtout tenacité et envie. Chacun y jouera un
rôle et c’est cette synergie qui constituera le meilleur outil pour réussir.
Le chemin a été tracé, il a été débroussaillé, mais il peut être remis en question par des menaces
naturelles ou humaines. La trace du chemin semble progresser trop lentement pour certains,
en rapport avec les efforts consentis par tous mais l’important c’est qu’elle existe pour que l’on
puisse continuer d’avancer.
Certains diront que c’est un “travail de Sisyphe”. Sisyphe, pour avoir défié les dieux, devait
rouler un rocher jusqu’à un sommet d’où celui-ci dévalait immanquablement : le travail était
à recommencer jusqu’à espérer réussir. Mais nous faisons partie de ceux qui, comme Albert
Camus (Le mythe de Sisyphe, 1942), interprètent le mythe autrement :
« La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un cœur d’homme. Il faut imaginer
Sisyphe heureux…Toute la joie silencieuse de Sisyphe est là. Son destin lui appartient. Son
rocher est sa chose ».
Nous sommes les filles du feu secret, Mais nous levons le plus haut que nous pouvons nos bras vers le ciel.
Du feu qui circule dans les entrailles de la terre ; C’est que le ciel est notre patrie,
Nous sommes les filles de l’aurore et de la rosée ; Notre véritable patrie, puisque de lui vient notre âme,
Nous sommes les filles de l’air Puisqu’à lui retourne notre âme :
Nous sommes les filles de l’eau Notre âme, c’est-à-dire notre parfum.
Nous sommes avant tout les filles du ciel.
Chanson des fleurs,
Les hommes nous souillent et nous tuent en nous aimant A travers l’Amérique du Sud, Paul Marcoy, 1869.
Nous tenons à la terre par un fil Extrait figurant dans des notes manuscrites
Ce fil, c’est notre racine, c’est-à-dire notre vie de Thérésien Cadet.
ELEMENTS DE BIBLIOGRAPHIE
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Les rédacteurs de cet ouvrage tiennent à préciser aux lecteurs qu’ils ont délibérément et consciemment choisis de présenter les éléments de biblio-
graphie sous une forme allégée ( noms, prénoms des auteurs, années de publications, titres). En effet, avec ces informations, les lecteurs sont en
mesure de retrouver les documents sources utilisés pour la rédaction de cet ouvrage.
AVANT-PROPOS.................................................................................................... p 4
INTRODUCTION................................................................................................ p 13
La candidature..................................................................................................................................... p 57
Le choix des critères ....................................................................................................................... p 57
Le champ des savoirs et la candidature ...........................................................................................p 58
Les territoires ...................................................................................................................................p 60
Les menaces .....................................................................................................................................p 62
Les protections ................................................................................................................................ p 65
La gestion .........................................................................................................................................p 66
Le dossier .........................................................................................................................................p 66
Le dépôt du dossier ..........................................................................................................................p 68
L’évaluation.......................................................................................................................................... p 68
L’évaluation de l’UICN France .......................................................................................................p 68
L’évaluation de l’UICN international .............................................................................................p 69
Le report d’examen.............................................................................................................................. p 72
Une surprise fort désagréable ......................................................................................................... p 72
Les réponses à l’UICN international ...............................................................................................p 72
Le territoire définitif ........................................................................................................................p 76
La communication ...........................................................................................................................p 76
La décision........................................................................................................................................... p 77
La session du Comité du patrimoine mondial à Brasilia ................................................................ p 78
Le rapport de l’UICN ..................................................................................................................... p 78
La décision du Comité .................................................................................................................... p 78
Deux critères sur quatre ................................................................................................................. p 80
Deux recommandations essentielles ............................................................................................... p 80
LE CARACTERE EXCEPTIONNEL
ET LA VALEUR UNIVERSELLE DU BIEN INSCRIT................................................. p 85
LA FABRIQUE DE PAYSAGES......................................................................................................... p 85
La faune.............................................................................................................................................. p 155
La faune terrestre .......................................................................................................................... p 155
La faune aquatique ....................................................................................................................... p 160
Le Bien est l’affaire de tous : mise en place d’une gouvernance renouvelée...................................... p 227
Un rappel de la gouvernance mise en place lors de l’élaboration du dossier de candidature ...... p 227
Une gouvernance à relancer ......................................................................................................... p 227
CONCLUSION.................................................................................................. p 243
ANNEXES
ÉLÉMENTS DE BIBLIOGRAPHIE ...................................................................... p 245
SOMMAIRE...................................................................................................... p 249
CONTRIBUTEURS............................................................................................ P 255
©CCEE 2018
La Réunion, une île unique et exceptionnelle Pitons, cirques et remparts 255
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