Article Chiniakov
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Article Chiniakov
(1916—1919)
Tchiniakov Maxim Konstantinovitch,
Docteur en histoire, maître de conférences à l’Université pédagogique d'état de
Moscou,
Maître de conferences à l’Institut Moscovite de la radio, de l'électronique et de
l'automatisation,
Secrétaire scientifique de la Fondation commémorative des militaires du Corps
Expéditionnaire Russe (1916-1918).
Les dates sont indiquées selon le nouveau style. (calendrier grégorien. N.d.T.)
« Comité des amis des soldats russes »
À l'arrivée de la première brigade d'infanterie spéciale en France, fut fondé,
en avril 1916, à l'initiative du sénateur français J.-A.-P. Doumer, le « Comité des
amis des soldats russes » , qui devait s'engager dans un vaste travail visant à
maintenir le moral et l’esprit combatif des soldats. Le Comité exécutif de la
Société comprenait Doumer, le comte A.A.Ignatiev, colonel, attaché (agent
militaire) de la Russie en France, etc... En fait, l'organisation était dirigée par
Doumer. Les membres d'honneur du Comité étaient l'Ambassadeur de Russie en
France A. P. Izvolsky et le Représentant de sa majesté impériale, le commandant
en chef Suprême du Grand Quartier général, le général de cavalerie Y.G.
Zhilinsky. Le conseil de la Société comprenait 60 personnes, y compris Doumer
lui-même, le sénateur E. Herriot (en 1924, il dirigera le gouvernement et obtiendra
la reconnaissance par la France de l'URSS), G.Noulens (futur Ambassadeur de
France en Russie et représentant du commandement allié auprès du commandant
en chef Suprême de A.V. Коltchak) ,etc...
Le but de la Société était ainsi libellé: «Entourer les soldats de la nation alliée,
venus combattre dans les rangs de l'armée française, de sympathie, d'amour et d'
amitié, dans l'espoir de remplacer au moins partiellement leur patrie et leur
famille»2. Dans ce but, il avait été prévu de publier des bulletins périodiques en
russe, tenant au courant«nos camarades de combat», c'est-à-dire les soldats russes,
de la vie en Russie et du cours des hostilités en Europe, en Afrique et en Asie, où
se battaient leurs frères d'armes, et aussi de faciliter globalement les relations des
soldats russes avec leurs proches, de leur fournir non seulement des cartes postales
gratuites en français et en en russe, mais aussi de leur permettre l'envoi à leur
adresse de cadeaux divers ( denrées, chaussettes tricotées chaudes, tabac,
souvenirs).
Le «Comité des amis des soldats russes» publiait diverses brochures
patriotiques, ainsi qu'un journal hebdomadaire en russe pour les troupes russes en
2
Arhiv vneshnej politiki Rossijskoj imperii (Archive de la politique étrangère de
l'Empire russe), le fond 187, l’inventaire 524, l’affaire 3325, la page 234.
3
France et, malgré son nom, -«Journal militaire pour les troupes russes en France»-,
pour les troupes russes stationnées dans les Balkans. Ignatiev, à la demande de
Doumer, a promis de fournir au journal, avec l'aide du correspondant militaire,
capitaine de la Garde V. I. Semionov, des panoramas de la situation militaire.
Cependant, les rédacteurs français n'ont pas réussi à faire le travail correctement,
car ils ne comprenaient pas les demandes et la mentalité du soldat russe. Compte
tenu des circonstances, Ignatiev a proposé, le 5 septembre 1916, de se charger lui-
même de la rédaction du journal , ou, plus précisément, d'en charger le même
Semionov. le Comité a rapidement accepté.
Au total, 30 numéros ont été publiés sous la direction du Comité entre le 22
avril et le 5 octobre, de 8 pages chacun pour un tirage total de 12 000 exemplaires.
Sur les deniers de l’Etat-Major russe a été publié le même nombre de numéros,
entre le 25 novembre 1916 et le 16 juin 1917, mais de 16 pages chacun et tirés à 16
mille exemplaires. Pour la «vente occasionnelle au détail», les numéros coûtaient
25 centimes (mais le journal populaire «le Petit Parisien» coûtait 5 centimes);
environ 800 numéros ont été vendus3. La question de la popularité du journal reste
ouverte. Du moins, en mars 1917, le colonel Dyakonov, chef du 2e regiment
d’infanterie spéciale russe a-t-il affirmé la grande popularité de ce Journal au sein
de son régiment.
Pour résoudre le problème de la barrière de la langue, le « Comité des amis
des soldats russes » a publié un guide de conversation russe-français, «Comment
parler aux français sans connaître la langue française», dont la première page
indiquait explicitement: «Nous voulions seulement lui [au soldat russe.-M.Tch.]
donner l'occasion de s'adresser à nos vaillants alliés grâce à quelques mots en
français.» Avec l'aide de cette brochure, il était possible de tenir une conversation à
la gare, à table sur divers sujets — la météo, la vie quotidienne, etc... (une petite
section séparée était appelée «entre soldats»)4.
3
Rossijskij gosudarstvennyj arhiv literatury i iskusstva (Archive d'État russes de la
littérature et de l'art), (ensuite — RGALI), le fond 1403, l’inventaire 1, l’affaire 160, la
page 364.
4
Rossiiski Gosoudartsvenny voenno-istorichesky arhiv (Archive d’Etat de l’histoire
militaire) (ensuite — RGVIA), le fonds 15304, l’inventaire 1, l’affaire 191, la page 170-
4
178. Voir aussi: Lecointe F. Les brigades Russes en Macédonie et la Légion Russe. 1915–
1920. Université Paul Valery. Montpellier III. 1997. P. 170.
5
Russkij soldat-grazhdanin vo Francii (Soldat-citoyen russe en France) (ensuite —
RSGF). 28.07.1918. №15.
6
RSGF. 10.08.1917. №15.
7
Gosudarstvennyj arhiv Rossijskoj Federacii (Archive d'État de la Fédération de
Russie), le fond R-6154, l’inventaire 1, l’affaire 17, la page 1-3.
5
combattre aux côtés des alliés (Légion russe); la seconde, des travailleurs-
volontaires; et la troisième, de ceux qui ne voulaient ni se battre, ni travailler et
étaient soumis à l'exil et au travail forcé.
Dans la période initiale, les volontaires de la Légion russe ont connu de
graves privations: la nourriture était de mauvaise qualité et les rations délivrées par
l'intendance française n'étaient même pas réglementaires. Les communautés russes
ont apporté une aide aux volontaires, rassemblant des cadeaux sous la forme de
produits de première nécessité.
En liaison avec le retour sur le front d'une partie des officiers et des soldats,
un certain «Cercle des femmes Russes» dirigée par A.N. Lokhvitskaya, l'épouse du
chef de la 1ère Brigade d'infanterie spéciale russe, s'est donné pour objectif de
«rendre plus facile aux soldats de la légion Russe leur dur exploit sur le front
français»10. Lors de l'assemblée générale du 1er mars 1918 (nouveau style?) sa
présidente a adressé à l'Ambassadeur de Russie en France, V.A. Maklakov, une
demande du Cercle pour qu'il devienne son président d'honneur, à laquelle il a
répondu positivement. Sur décision du Cercle, le frère d'un agent militaire en
France, le colonel P.A. Ignatiev, le colonel A.F. Pats-Pomarnatsky et le prêtre
Nikolay (Sakharov) ont participé à l'élaboration de la Charte de la future société.
Lors de la réunion du Cercle du 20 mars (nouveau style?) le Cercle fut
rebaptisé « Patronage de la Légion Russe en France ». Le même jour, la charte a
été approuvée et, conformément aux lois, a été soumise aux autorités françaises
compétentes pour approbation. Le 12 septembre, le Ministère des affaires
étrangères de la France a enregistré la Société. Suite aux élections, Mme
Lokhvitskaya est restée à la tête de l'organisation, Mme A.D.Poliakoff est devenue
vice-présidente, secrétaire général - Mme M.A. Smirnov, - trésorier Mme E.V.
Sakharov et P.A. Ignatieff, le colonel Pats-Pomarnatsky, etc...-membres de la
Société. Le général Lokhvitsky est devenu membre honoraire de la Société. La
tâche principale de la Société a été définie comme suit: «Reconnaissant dans la
10
Dom Russkogo zarubezh'ya imeni Aleksandra Solzhenicyna (Maison de la diaspora
russe nommée Alexandre Soljenitsyne) (ensuite — DRZ), le fond 130, l’inventaire 2,
l’affaire 4, la page 16.
7
formation de la Légion russe une initiative digne des plus hautes louanges, les
personnes à qui l'honneur de l'Armée russe est cher ont décidé de former une
Société pour fournir un soutien moral et matériel aux officiers et aux soldats de la
dite Légion ...» 11.
Ainsi, les collaborateurs de la Société ont aidé les volontaires de la Légion à
correspondre avec leurs compagnons d'armes et avec leurs parents vivant en
Russie; ont correspondu avec les volontaires; ont fourni aux volontaires des
journaux et des magazines; leur ont fourni des vêtements chauds, de la nourriture,
de l'argent; se sont occupés des invalides ( leur fournissant des prothèses,
s'occupant d'organiser pour eux une formation et les aidant à s'adapter à leur
nouvelle vie). Les dames de la Société rendaient visite aux blessés dans les
hôpitaux, leur distribuaient des cadeaux, organisaient des festivités pour eux et
prenaient soin de ceux qui se trouvaient en première ligne. En particulier «dans les
premiers jours de mars, 350 paquets de cadeaux (savon, papier, crayons, peignes,
couteaux, chocolat, etc...) ont été envoyés au front». La Société a commandé, pour
les volontaires morts au combat ou décédés à l'arrière, des offices commémoratifs
(messes des morts)12.
En date du 28 février 1919 (nouveau style?), le « Patronage de la Légion
Russe en France » a été rebaptisé « Patronage du Soldat Russe en France», car à
partir de novembre 1918, la Société a élargi ses activités en «prenant sous son aile
non seulement les soldats de la Légion russe, mais aussi les soldats russes de la
Légion Étrangère et d'autres unités des troupes russes, et également les invalides
qui quittaient le service et les soldats invalides rentrés de captivité»13.
Le niveau d'efficacité de la Société peut être jugé par les adresses de
remerciements des chefs des bataillons de la Légion russe à Mme Lokhvitskaya .
Selon le rapport de la Société, au 19 novembre 1918 (nouveau style?) les recettes
11
DRZ, le fond 130, l’inventaire 2, l’affaire 4, la page 17.
12
DRZ, le fond 130, l’inventaire 2, l’affaire 4, la page 21. Voir aussi: ibidem, le fond 130,
l’inventaire 2, l’affaire 5, la page 3; ibidem, le fond 130, l’inventaire 2, l’affaire 18, la page
22; RGALI, le fond 1403, l’inventaire 1, l’affaire 776, la page 1-3; Lecointe F. Op. cit. Р.
300.
13
DRZ, le fond 130, l’inventaire 2, l’affaire 5, la page 5.
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