Histoire Des Relations Roumaines PDF
Histoire Des Relations Roumaines PDF
Histoire Des Relations Roumaines PDF
HISTO
des
relationes roumaines
anthologie
editura
SEMNE
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DIRECTION REGIONALE DES AFFAIRES
CULTURELLES DE BUCAREST
NICOLAE IORGA
Imprimerie SEMNE
BUCAREST
1995
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Cette anthologie a etc public dans le cadre du program culturel:
BUCAREST, CAPITALE CULTURELLE EUROPEENNE
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HISTOIRE DES RELATIONS
ENTRE LA FRANCE
ET LES ROUMAINS
PREFACE DE M. CHARLES BEMONT
Directeur de la Revue historique
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Ce livre a ete public d'apres la premiere edition: N. Iorga,
Histoire des relation entre la France et les roumaines,
Payot, Paris, 1917
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INTRODUCTION
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Jassy en 1911 (les Elements originaux de l'ancienne civilisation
roumaine), et les deux communications lues au troisieme congres
international d'histoire (Londres, 1913) sur Les bases necessaires
d'une nouvelle histoire du moyen-age et La survivance byzantine
dans les pays roumains. Il a ecrit de gros livres qui prouvent une
lecture immense mais qui sont tout autre chose que des recueils de
textes: Philippe de Mezieres (1327-1406) et la Croisade au XIV`
sleek, these presentee a l'Ecole des Hautes-Etudes (fascicule 110 de
la Bibliotheque" de l'Ecole, 1896), sur la vie et les ecrits d'un
seigneur picard qui ne cessa de combattre par rep& et par la plume
les Ottomans ennemis de la chretiente; une volumineuse Histoire de
la litterature roumaine au XVIII e et au XIX e siecle ; une Histoire de
l'empire ottoman (5 vol. 1908-1913) qu'il dut se resigner a faire
paraitre en allemand et en Allemagne, n'ayant pas reussi a la faire
&liter ni chez lui ni chez nous; une Histoire des Roumains de
Transylvanie et de Hongrie (2 volumes 1915-1916), publiee cette fois
en frangais et a Bucarest. Et nous ne parlerons ni de ses prcis
d'histoire universelle ou d'histoire de Roumanie rediges pour les
eleves des ecoles secondaires, ni des nombreux articles, critiques et
autres, publies soit dans le Bulletin de la Section historique de
l'Academie roumaine fonde en 1912, soit dans le Bulletin de l'Institut
pour l'etude de ?Europe sud-orientale dont it est un des directeurs
(depuis 1914), ni dans des recueils d'erudition de Petranger, tels que
notre Revue critique d'histoire et de litterature ou notre Revue
historique. Ce ne serait pas ici le lieu de dresser une bibliographie
complete des oeuvres de M. Jorga; ce qui precede suffit d'ailleurs
pour marquer la place eminente qu'il occupe dans le monde de
l'erudition historique.
Publiciste savant et fecond, M. Jorga est en outre un ardent
patriote. Il aime sa patrie pour la richesse de son sol, Poriginalite de
son art religieux et meme profane, la variete de sa litterature, si
completement inconnue en France; it l'aime pour ses malheurs. Il a de
la tendresse pour son peuple laborieux et honnete, surtout pour la
forte race des paysans qui engrangent de si belles recoltes et donnent
a Farm& tant et de si braves soldats. L'histoire lui montre ce peuple
divise en plusieurs trongons que separent des fleuves et des
montagnes, mais qui sont conscients de leur origine commune et qui
veulent s'unir en un grand Etat danubien. Il park avec enthousiasme
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de l'acte createur qui, en 1866, a scene la reunion de la Moldavie et
de la Valachie et it garde a la France un vif sentiment de
reconnaissance pour la part essentielle qu'y prit la grande soeur
latine" de la nouvelle Roumanie. Comme tous les patriotes roumains,
it souhaite qu'a ce ferme noyau central viennent s'ajouter les autres
Roumains encore soumis au joug &ranger, notamment ceux qui sont
les sujets persecutes des Autrichiens et des Magyars. La guerre
mondiale qui eclata en 1914 lui apparut comme l'occasion unique
pour delivrer enfin ces freres opprimes et parfaire l'unite roumaine.
Il ecrivait en octobre 1915: Je n'ai pas hesite un moment a
.
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CHAPITRE PREMIER
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dans les recits nags d'un Nicolas Ascelin, d'un Jean du Plan-Carpin,
Dominicains, d'un Rubruquis, lequel etait de fait, un Flamand
d'origine appele Ruysbroeck. Ce dernier parle de la Valachie
d'Asan", dans le nom de laquelle on a cru voir une allusion h un Etat
roumain etabli sur la rive gauche du Danube; mais la mention de
Salonique (le Soloun des Slaves) dans le voisinage prouve qu'il s'agit
uniquement de cette grande Thessalie qui etait le reservoir
balcanique d'oh essaimerent les Valaques.
Le nom meme de l'Etat valaque, fonde, ainsi que nous l'avons
dit plus haut, au commencement du XIV` siecle, par la reunion de
groupes politiques d'origine populaire, qui se trouvaient depuis
longtemps dissemines dans la Valachie actuelle, se rencontre pour la
premiere fois dans les oeuvres de Philippe de Mezieres 1, ce fervent
propagateur de la croisade, ce chevalier picard qui fut male, des sa
premiere jeunesse, aux affaires de l'Orient, ce chancelier de Chypre
qui possedait des connaissances directes et personnelles sur la Syrie
et sur l'Egypte. Au couvent des Celestins de Paris, it composa des
ouvrages destines a ranimer dans l'Occident dechire par les discordes
-l'esprit d'offensive chretienne, le devoir de vaincre les pgens et de
delivrer les Lieux Saints. Il n'oubliait aucun peuple, aucun Etat qui
aurait ate capable de soutenir la nouvelle croisade, et c'est pourquoi
a deux reprises, d'abord dans son Songe du vieil pelerin, puis dans sa
Chevalerie de la Passion &rite a l'epoque de la catastrophe subie par
les chretiens a Nicopolis (1396), it mentionne la double Abblaquie".
Il prouve par la qu'il connaissait aussi bien l'existence de la
principaute valaque que celle de la nouvelle forme politique moAdave,
situ& au Nord du territoire roumain sur la rive gauche du Danube. Il
avait meme appris le nom du second des grands princes" valaques
d'Arges, qu'il appelle Alexandre de Balgerat", forme corrompue du
mot Basserab. Alexandre, fils de Basserab, sut en effet maintenir
contre la Hongrie l'independance nationale qu'un grand effort
militaire avait fait triompher en 1380 sous le regne de son pore.
NOTES
1 Voir Philippe de Mezieres, par Nic. Jorga, no 110 de la Bibliotheque de
l'Ecole des Hautes-Etudes, 1896.
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CHAP1IRE II
Les Francais sur le Danube roumain pendant les croisades
du XVe siecle
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&favorable pour les operations, de Hunyadi, les croises revinrent par
le Danube, en touchant a ce port de Brilago", aujourd'hui Braila qui,
visite des le XIVe siecle par des vaisseaux de 1'Orient, notamment de
Trebizonde, etait le principal debouche commercial de la Valachie, et
a celui de Lycocosme", qui est Lycostome (la Bouche-du-loup), le
chteau insulaire de Chilia, dans le Delta du Danube.
On touchait alors a Pepoque qui marque la fin des croisades
frangaises. Si la Moldavie combat encore pour la Croix, si son grand
prince Etienne (1457-1504) merite, dans la deuxieme moitie du XV`
siecle, d'tre nomme par le Pape Sixte IV 1' athlete de la chretiente",
l'attention de la France sera desormais dirigee vers le grand probleme
interieur de son organisation moderne et se d6tournera des pays
danubiens. Pour se gagner des allies contre les Turcs, Etienne-
le-Grand noua de nombreuses relations avec la Papaute, avec les
villes commergantes de l'Italie, Venise surtout, mais aussi avec
Florence et, sans doute, avec Genes, avec les princes italiens,
quoique sa correspondance avec le roi de Naples n'ait pas 6t6
conservee, sans parler de ses voisins catholiques, les rois de Hongrie
(Mathias, fils du Roumain Jean de Hunyadi) et de Pologne. Il y eut
bien a la meme poque des aventuriers, comme Antoine Marini de
Grenoble, ministre du roi de Boheme Georges Podiebrad, qui vinrent
solliciter de Louis XI son concours pour une grande oeuvre commune
contre les Tures; mais si ce roi, de figure si nouvelle et si inquietante,
professait son adhesion a l'idee de la Croisade, it n'etait en rien
inspire par l'enthousiasme de ses predecesseurs; et d'ailleurs jamais
un envoye ne lui fut officiellement adresse pour demander meme un
faible secours en faveur de la Moldavie prete a succomber. Francois r,
tout comme son contemporain allemand, le roi Maximilien I" et le
Pape Leon X, fut l'auteur d'un projet de croisade; mais ce projet n'eut
pas de suite, et l'ennemi de la Maison d'Autriche, le candidat frangais
a la Couronne imperiale, le defenseur de la frontiere du Rhin contre
les appetits allemands, avait bien autre chose a faire que s'opposer
aux progres de ce Soliman-le-Magnifique qui devait etre neanmoins
son allie permanent contre Charles-Quint.
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CHAPITRE III
Negociateurs et voyageurs francais an XVI' siecle
Premiers pretendants roumains en France
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son royaume. Les Turcs, tort irrites, opposerent aussitot le plus
reveche des refus; ce sont les negations perpetuelles" que constate
avec regret l'agent royal 'a Constantinople. Cependant Henri de
France fut elu et, parmi les soldats qui l'accompagnaient dans sa
fastueuse entre, it y en avait qui etaient vetus et . armes a la
valache".
Ces relations nouvelles amenerent une immixtion dans les
affaires de cette Moldavie pour laquelle les pretendants ne
manquaient jamais. On s'avisa de soutenir un personnage remuant, le
Polonais Albert Laski, dont les aventures interminables eurent aussi
Paris pour theatre. Lorsqu'on essaya de soutenir ses pretentions, qui
d'ailleurs etaient denuees de tout fondement, on se heurta cependant
a l'invincible resistance du pays: ladicte Moldavie", ecrit l'agent
francais, n'en veult point qui ne soit du pays".
Parmi ceux qui figurerent un moment a la suite de Laski, se
trouvait un jeune Roumain aux longs cheveux noirs, a l'allure
avenante, done d'un grand talent pour les langues etrangeres, capable
de s'exprimer dans l'italien le plus pur de cette poque ob le style des
concetti regnait a la cour de France, et d'elever meme son talent
jusqu'a ecrire des hymnes de hautes envergure sur la Divinite: it
s'appelait Pierre Demetre; it pretendait etre le fils de ce prince
Patrascu, Petrasque" pour les Francais, qui avait ete soutenu jadis
dans ses malheurs par le baron d'Aramont, ambassadeur de France
en Orient, et par consequent it pretendait etre Pheritier de la
Grande Valachie". Il savait raconter ses malheurs d'une maniere
particulierement interessante et donner un accent de sincerite a la
revendication de ses droits naturels. Pauvre enfant sans soutien, otage
de son pere, puis orphelin abandonne aux Turcs, it avoit et6 envoye
par certains Pachas en Syrie et en Arabie, et meme dans plusieurs
forteresses et chateaux d'Asie, toujours sous une forte garde, afflige
et peine pendant bien quatorze ans"; it venait de Damas pour se
jeter aux pieds de cette couronne tres chretienne", soutien naturel de
tous les desherites et appui des legitimites en detresse. L'intervention
de l'ambassadeur de France a Constantinople suffirait, disait-il, pour
le faire triompher de ses ennemis et pour renverser le prince Mihnea,
qui avait usurpe son heritage.
Cette requete date de Pannee 1579. Ce ne fut cependant pas
avant 1582 qu'il se dirigea vers Constantinople, par Lyon; de la it
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ecrivit, au mois de fevrier suivant, une lettre a Mme de Germigny,
dame de Germolles, femme de l'ambassadeur qui devait faire valoir
ses droits devant le tribunal eminemment corruptible du Grand-
Seigneur. Un an plus tard, Germigny, qui avait regu a Constantinople
son client, dihnent recommande a Venise par le secretaire frangais
Berthier, assurait que l'affaire de mon prince se va toujours
polissant", jusqu'a pouvoir fixer comme terme du retablissement" le
mois de mai suivant. I1 avait dj eprouve cependant bien des retards,
sous differents pretextes: fetes musulmanes, presents et tributs
recevoir etc.; en vain etait-on intervenu aupres de la Sultane spouse,
qui desirait des fards et des chiens couchants de France; aupres de
l'oncle" du Sultan et des dignitaires qui avaient ete convaincus dans
la question difficile de l'heritage legitime" de la Valachie. On avait
fini par perdre l'espoir de vaincre la resistance de l'usurpateur",
lorsqu'enfin un nouvel effort renversa l'obstacle: Pierre, prince de
Valachie, fit une sortie solennelle, comme les anciens empereurs
byzantins, semant l'or air son passage a travers la multitude ebahie et
charm& par sa belle prestance, et it alla s'installer, avec des amis
frangais, a Bucarest et h. Targoviste. Lh, it fit fondre des canons,
preparer une petite armee et elever des palais dont le gout frangais fit
un peu plus tard l'admiration de Bongars, le savant editeur des Gesta
Dei per Francos. En fevrier 1584, Germigny se declarait enchants de
nostre prince", qui lui avoit envoys pour ses estreines son portraict
avec deux timbres de zebelline".
L'affaire finit mal cependant. Ce prince aux grands airs et aux
habitudes depensieres, ce coquet personnage, ami des strangers,
deplut. Des plaintes furent adressees a la Porte, et Mihnea sut en tirer
parti. Pierre fut destitue sans que l'ambassadeur de France, toujours
en mal d'argent, put intervenir pour Mourner le coup. Or Pierre,
qu'on avait affuble du sobriquet de Cercel, ou Boucle d'oreilles", a
cause de cet ornement qu'il portait a la maniere des mignons de Henri III,
prefera s'enfuir en Transylvanie, obi it fut depouille et retenu dans
une prison d'Etat, pendant deux ou trois ans. S'etant echappe du
chteau de Munkacs, it n'osa plus se presenter h la Cour de son ancien
protecteur, ou, du reste, on lui avait nettement deconseille de se
rendre. II parut a Venise pour y repandre une fois de plus la
renommee de sa beaute, de son luxe et de ses aventures. On l'admira,
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mais on l'invita a s'en alley le plus tot possible. A Constantinople oh
it se rendit ensuite, les demiers efforts d'un homme sans argent, sans
parti, sans appui diplomatique, ne furent qu'une douloureuse
convulsion. Les Turcs finirent par s'en delivrer en faisant couler la
barque qui l'emportait pour un exil lointain (1589).
L'exemple de ce court triomphe trouva cependant des
imitateurs, qui devaient etre moins heureux, mais aussi moins
malheureux que lui. Deja en 1554 le prince de Moldavie Alexandre
Lapusneanu, gendre de Pierre Rares, le tyran" dont parlent les
rapports francais de Constantinople, rappelait avec orgueil devant les
ambassadeurs de Transylvanie l'exemple des rois de France,
d'Angleterre et de Pologne, qui, tous, bien qu'etant tres puissants,
payent le tribut au Sultan et executent ses orders, de meme que la
Moldavie et la Valachie "; plus tard, i1 recommandait ses fils, si leur
heritage leur etait ravi, au roi de France aussi bien qu'a ceux
d'Angleterre et de Pologne et au doge de Venise.
Ce fut encore un heritier de Moldavie, mais d'une autre branche,
remontant aussi a Etienne-le-Grand, qui se presenta a Paris en 1588,
avec des lettres du Pape: un certain Jean Bogdan, Janus pour le Saint-
Siege, et qui, pour sa part, signait en lettres grecques: Elie (Ilies).
Henri III le crea chevalier de l'ordre de Saint-Michel et lui adjoignit
pour le voyage de Constantinople un secretaire, Harlay de Sancy,
conseiller d'Etat. Jean alla s'embarquer a Venise accompagne, non
par Sancy, qui n'avait montre aucune hate d'accourir aupres de lui,
mais d'un personnage de moindre importance, Joaquin Balue. Sur ces
entrefaites, Henri III etait mort, et l'ambassadeur de France a
Constantinople n'accueillit pas avec une sympathie marquee le
protg d'un roi daunt.
Alors Jean Bogdan revient en Occident: on le retrouve en
Angleterre d'abord, puis a la cour d'Henri IV, et enfin a Geneve, en
1591; de la, it implore encore une fois l'appui du seul prince qui put
lui rendre le trone de ses ancetres en faisant intervenir son
ambassadeur, le comte de Breves, aupres du Sultan et de ses
conseillers; son fils etait reste en France, a sa maison". Mais toutes
ses requetes et celles de ce fils ne servirent de rien; apres un long
sejour de mendiant a Venise et apres des peregrinations a travers
l'Europe entiere, quetant pour un voyage a Constantinople toujours
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ajourne, le pauvre prince dejecto" dut fink ses jours dans quelque
auberge obscure.
Il faut mentionner enfin un vieux soldat, Etienne, soi-disant fils
du prince de Moldavie Etienne Tomcha, qui servit le roi de France
dans les Pyrenees, au siege de Jaca, vers 1590.
Mais le temps etait venu oh, de nouveau, des Francais allaient
visiter, pour leur inter& ou pour celui d'une cause superieure, ces
pays du Danube, ou l'on parlait de la France comme d'un grand pays
tres eloigne, mais dont la force avait ete jadis respectee
Constantinople, capitale de l'empire qui pretendait nous englober
Des voyageurs frangais, amenes par le hasard ou attires par la
curiosite d'une route nouvelle vers l'Orient, traversaient les
Principautes roumaines au moment oh les princes mendiants desireux
de revendiquer leur heritage" s'arretaient a la cour de France pour
y trouver un appui. Certains parmi ces voyageurs nous ont laisse des
recits qui nous font bien connaitre l'aspect des pays roumains du
Danube dans la seconde moitie du XVIe siecle.
Le premier dont nous ayons des notes n'est autre que Bongars,
dj mentionne plus haut. Il visita la Valachie en 1585, apres avoir fait
une ample recolte d'inscriptions latines en Transylvanie. Muni de
lettres que lui delivrerent Sigismond Bathory, prince de ce pays, et
certains notables saxons, it trouva un compagnon de route dans un
des officiers du prince Mihnea, Guillaume Walther, chambrier et
thresorier".
Par Brassovie", aujourd'hui BrasovKronstadt, vine de
frontiere, toute pleine de Roumains d'outre-monts qui y
frequentaient aux marches" du vendredi et du samedi, rerudit
frangais arrive au defile de Bran (Torzburg pour les Allemands, le
Torcsvar des Hongrois), oh les coches descendent avec des
cordages". Il atteint le chateau attribue par le peuple au fondateur
fabuleux de la principaute, Negru-Voda, et s'arrete a Targoviste,
ancienne capitale du pays; la, it remarque la residence batie, aupres
de reglise de la Cour, par le protg du roi de France, Pierre Cercel:
chasteau petit, mais beau et magnifique"; on lui park aussi des
conduites d'eau qu'il a etablies et des canons qu'il a fait fondre (un
tres beau fragment s'en conserve au Musee de Bucarest). Le
lendemain, Bucarest lui offrira un abri. Bongars presente ses lettres
au prince, age d'environ vingt-cinq ans", et Mihnea lui demande si
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le voulions servir, si nous n'avions point de presens"; la Cour subvient
aux depenses des strangers, dont les papiers sont examines par les
marchands de Raguse et les Peres Franciscains; du reste, dans
Barthelemy Bertrandy, de Marseille, le voyageur a trouve un
compatriote.
Avec un passeport en slavon et sous la garde d'un Portar"
(portier), it s'en ira trouver a Giurgiu, sur le Danube, les chariots qui
portaient a Constantinople le tribut, le canes dominesques". C'est
dans leur train qu'il fera son chemin vers cette Byzance qui l'attirait
par ses souvenirs et ses monuments romains.
Bongars mentionne, outre les richesses naturelles du pays, les
paysages de hautes.montagnes qu'il a traverses et cette vaste plaine
qui entourait les capitales. Il a cru decouvrir, au passage, un peuple
barbare et lourd, sujet aux vengeances des grands", qui s'enfuyt a la
veue de deux ou trois personnes". Outre ce qui avait attire son
attention a Targoviste, it cite quelques belles 6glises et quelques
solides couvents, sans oublier le chteau princier de Bucarest.
La Moldavie fut visitee presque au meme moment par autre
Francais, qui n'avait cure d'inscriptions romaines, amateur qui
voyageait pour son propre plaisir. Francois de Pavie, seigneur de
Fourquevaux, fils d'un ambassadeur en Espagne et lui-meme officier
du grand prieur de ,France, venait des terres du Turc", ayant
traverse la Syrie et l'Egypte. Ce qui le decida de s'en retourner, avec
ses compagnons, Bioncourt et Montalais, ainsi qu'avec un Italien de
Rimini, par ces contr6es, fut seulement Penvie de voir choses plus
lointaines". Et it ressent un plaisir particulier a les decrire.
Aux embouchures du Danube, it assiste a la peche de
l'esturgeon, tellement abondante qu'on pouvait avoir la piece pour
deux sous de France. De son embarcation, it volt passer sur le rivage
les chariots des Tatars nomades de la Bessarabie meridionale, du
Boudschac, portant, outre tous les elements d'un mnage primitif, des
moulins a vent pour faire leur farine". L'Ile des Serpents, qu'on
&passe pour aller a Moncastro, la Cetatea-Alba des Moldaves,
l'Akkerman des Turcs, principal port du pays avant son occupation
par les janissaires de Bajazet II, lui rappelle les recits d'Arrien. Il faut
descendre a ce port de Moncastro, but des deux galiotes qui portaient
le nouveau gouverneur de la vale. Par les terres du prince de
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Moldavie, qui etait alors Pierre-le-Boiteux, oncle paternel de Mihnea
le Valaque, on se rendra en Pologne.
Le vieux port du Dniester, de fondation byzantine et genoise, est
largement decrit, avec ses tours, sa double muraille" et ses fosses,
ainsi qu'avec ses grands faubourgs aux maisons de bois. Sur une
charrette a bceufs, vehicule classique du pays des l'epoque des Getes
d'Alexandre-le-Grand et des Scythes de Darius, les voyageurs se
dirigent vers la frontiere qui separe la province administree
directement par les Turcs de la Moldavie, vassale, mais autonome.
Des troupeaux de bceufs, de moutons et de chevres, de nombreux
chevaux paissent l'herbe puissante des prairies de la steppe. On craint
des surprises nocturnes de la part des bandits, des outlaws" de cette
steppe, les Cosaques, ramassis d'exiles et de chercheurs d'aventure
qui appartenaient a toutes les nations voisines; les grands feux qu'on
allume pourraient les avertir, mais it faut bien se garantir du froid;
cependant on se reveille le matin percez jusqu'a la chemise des
rosees et du serein", et Montalais est malade a mourir".
Fourquevaux s'en console en chassant les oiseaux des nombreux lacs
de ce territoire de Bessarabie, et it pretend meme avoir recueilli un
rare gibier: des sangliers et des ours. Les lazzi du serviteur italien qui
accompagne le voyageur de Rimini sont une distraction moins
dangereuse.. Des herbes sauvages ayant le gout de l'ail servent
restaurer l'estomac.
Le pays est presque desert: peu d'hommes, miserables et
povres, vestus de quelques peaux de mouton, les pieds enveloppes
dans des peaux ou de la mousse et escorse d'arbres, attachee et
fagot& au dessus et dessoubs avec une corde"; ce sont les anciennes
sandales rustiques des Daces de la colonne Trajane, qui se conservent
encore dans l'usage du peuple. Ils accourent demander aux strangers
du yin pour leurs malades.
Cependant, apres des journees de froid et de fatigue, on arrive a
Jassy, capitale de cette principaute si riche, dans le Nord meme de la
Bessarabie et dans tout le large territoire qui s'etend de la riviere du
Pruth aux Carpathes; elle peut valoir un million de thalers par an,
dont les Turcs en recoivent seulement 60.000, plus cinquante
faucons et soixante chevaux". Ceste petite court est belle", a l'avis
de notre baron, qui se presente recommande par le favori de Pierre,
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l'Albanais italianise Barthelemy Bruti, et faict assez beau voir la
grandeur et la majeste que ce duc tient". On le voit sur la grande
place devant son simple palais de pierre et de bois, sous une
frescade", entoure de ses boiars, de sa garde hongroise, de trois
quatre cents soudoyers, le cimeterre au coste et la hache a la main".
Comme Saint Louis sous le chene de Vincennes, trois siecles
auparavant, le bon chef patriarcal d'un peuple doux et confiant
,,escoutoit les plainctes indifferamment de tous les venants, lesquels,
a cent pas de luy, a genoulx, faizoient a haute voix l'un apres l'autre
leurs doleances, et it les en renvoyoit avec la sentence quy lui sembloit
la plus juste".
Fourquevaux se fait conduire dans les faubourgs de Jassy, ob. it
rencontre des paysannes roumaines, blanches et blondes" aupres
des Bohemiennes; celles-ci, esclaves du prince, des couvents, des
boIars, avaient emprunte aux premieres leur coiffure traditionnelle, la
grande roue faicte de bandes de toile estroites de deux doigts, pliees
l'une sur l'autre, a la fagon que les marchands roulent leurs rubants ".
En route vers Hotin, sur le Dniester, ville-frontiere de la
Moldavie, avec un chteau du XVP sicle, dont on voit encore
aujourd'hui les splendides ruines, le voyageur rencontre des
paysannes, sur leurs petits chariots, belles extrdmement et sans art,
une guirlande de fleurs sur la teste, pour montrer qu'elles sont encore
a marier "; elles vendent du lait, des cailles, qu'elles appeloient en
leur langue perpelissa", des oeufs. Ce peuple", reconnait
Fourquevaux, autres fois a este colonie des Romains et en retient
encore quelque chose de la langue".
NOTES
1 Pour tout ce qui precede les sources se trouvent dans le recueil de
Hurmuzaki, Supplement au tome 1".
Pour Pierre Cercel, voyez nos Actes et fragments, tome I; les lettres de ce
prince et les rapports de Germigny sont dans le tome XI du recueil de Hurmuzaki.
De meme pour Jean Bogdan. Voir aussi notre memoire sur les pretendants, dans le
tome XIX des Memoires de l'Academie Roumaine.
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CHAPITRE IV
Si un Moldave, qui fut plus tard, par droit d' heritage" encore,
prince de son pays, Etienne Tomcha, combattit pour Henri IV dans
les Pyrenees, it trouva devant lui, pendant son regne, combattant pour
la dynastie des Movila qu'il avait remplacee, des aventuriers de
France, que l'appat du gain et du plaisir avait amenes dans les
contrees decrites par Fourquevaux. Le reek oral de leurs exploits par
le gentilhomme lorrain Charles de joppecourt, fut public par un autre
Francais, Baret, a Paris, en 1619 sous le titre: Histoire sommaire des
choses plus memorables advenues aux derniers troubles de Moldavie.
Dans une introduction, l'aventurier lorrain presente les grasses
campagnes de la Moldavie, arrousees de belles fontaines et
ruisseaux" , les cousteaux fort agreables et si abondans en vins que
non seulement la Moldavie en est suffisamment fournie, mais encore
on en transporte en Podolie et autres pays, dont les troubles presents
sont dus a l'avidite des Turcs, aux avares Bachats" et au dragon
insatiable". Joppecourt prit part, bien entendu, a la plupart des
combats entre les deux partis, et it les raconte, en comengant par
l'annee 1607. Il n'etaint pas seul: la veuve du prince Jeremie Movila,
le protg des Polonais, avait engage, pour soutenir les droits de son
jeune fils Alexandre, un capitaine de routiers francais, Montespin, qui
commandait soixante cavaliers frangois, armes de toutes pieces".
Lors de l'entree solennelle a Jassy du jeune pretendent en 1615, ils
figurent dans le cortege, marchant aussitot apres les beaux-freres
polonais d'Alexandre. Le prince en fit sa garde; elle l'accompagnait
lorsque, peu de temps apres, it sortit de la ville pour aller recevoir un
convoi de prisonniers, paysans revokes de Bessarabie, d'Orhieau,
qu'amenaient comme une troupe de moutons" les troupes de
Wiszniewiecki, l'un des beaux-freres dont it vient d'tre parle. Les
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Francais passerent l'hiver a Jassy, oil, nonobstant les guerres et les
degats faits par les armees, on avoit un bceuf pour quinze sols et un
bon mouton pour deux sols". Lorsqu'Alexandre fut contraint de se
retirer a Hotin, la compagnie francaise" etait dans sa suite; dans une
reconnaissance sur le Pruth, a Stefanesti, ces soldats d'elite furent
cependant surpris par les Tatars et, bien qu'ils avoient accoustumes
d'estre tousjours vainqueurs", cinq seuls purent s'echapper. Mais
Tomcha se hata de racheter le capitaine, qu'il fit entrer a son service.
C'est pourqoi Joppecourt est en, mesure de raconter aussi les actes
suivants de ce drame militaire qui finit par la victoire durable de
l'influence turque. La suite du recit, contenant les aventures d'une
sceur d'Alexandre, femme du polonais Korecki, devenue prisonniere
des Tatars, est un long roman arrange par Baret; it y introduit les
souffrances d'un esclave francais a Constantinopole, le capitaine
Rigaut, qui parvint a s'echapper vers le 'name temps.
Tel qu'il est, cet opuscule, bien informe et souvent tres prcis, est
le premier livre qu'un Francais ait consacre aux vicissitudes des
Roumains 1.
Apres le catastrophe de Pierre Cercel, it n'y eut plus
d'ambassadeur francais dispose a soutenir les pretention des princes
errants. Si meme le successeurs de Germigny l'avaient voulu, ils
etaient recluits a l'impuissance par leur perpetuel manque d'argent,
situation humiliante en face d'une Cour et de dignaitaires qui
prisaient chacun d'apres les presents qu'il etait en 6tat d'offrir.
Une occasion leur fut cependent bientot fournie d'agir
utilement. L'Eglise ortodoxe de Constantinopole, completement
dechue, surchargee de dettes, vexee par les Turcs, ne paraissait plus
pouvoir maintenir,son independance confessionnelle. Alors que les
representants des Etats de la Hollande employaient tours leurs efforts
a faire entrer le Patriarche cecumenique dans une alliance etroite avec
les Reformes, le comte de Cesy, ambassadeur de Louis XIII,
voulut faire deriver vers le catholicisme les eaux stagnantes de la
vieille religion des Grecs. Or, les princes roumains etaint, en fait,
comme les chefs laIcs de cette grecite. Il etait donc bien nature! que
l'ambassadeur s'adressat a Alexandre, prince de Valachie, et a son
voisin moldave, it envoya dans leurs provinces des agents charges
d'entrer en relation avec les communautes catholiques, peu
importantes d'ailleurs, sauf dans les villages hongrois de Moldavie, et
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les Voevodes repondaient par des lettres aimables, en italien du
Levant, a leur amorevolissimo amicho" de Constantinople. Le
cardinal Bandini n'employa pas d'autre voie pour faire penetrer ses
agents dans les Principautes danubiennes. Lorsque le missionnaire
Paul Bonnicio se presenta a Jassy, en 1631, le prince moldave MoIse
Movila s'empressa d'en ecrire a Cesy; it lui declara que quiconque a
besoin de son aide et de son appui ne peut se servir d'un meilleur
intermediaire" que l'ambassadeur. Il fut meme question d'etablir
comme eveque du diocese moldave de Bacau un des protgs de la
Maison de France, Della Fratta. Gournay, successeur de Cesy,
continua ces bons offices des missionnaires; on a encore les lettres qui
furent echangees entre ce diplomate et les princes roumains, ses
contemporains; i1 eut meme des relations utiles parmi les bo1ars. Cela
dura jusque vers 1640; le plus important des dominateurs de la
Valachie a cette poque, Mathieu Basarab, qui regna presqu'un quart
de siecle (1632-1654) et mourut a Page d'un patriarche, assurait
Gournay, en 1635, qu'il accueillerait avec bienveillance tous les
prelats catholiques pour lesquels on aurait recours a sa protection. Il
priait en meme temps le representant d'un roi, dont le prestige
grandissait en Orient, de s'employer en sa faveur aupres du
CaImacam, lieutenant du Grand-Vizir, ce qui serait une oeuvre
agreable a Dieu"lui-meme. Mais alors que les princes roumains
gagnaient, maintenaient et recouvraient leurs principautes' vassales
par l'appui des ministres de l'Empereur, de la Hollande et de Venise,
comment une intervention frangaise eut -elle pu amener un
changement de regne sur le Danube ou empecher une de ces intrigues
grecques qui ne se lassaient jamais de manoeuvrer autour des
puissants de la Porte?
Les prelats envoy& par les ambassadeurs du roit etaient pour la
plupart des Franciscains italiens dependant de la Propagande" k
Rome, ils dominaient 1'Eglise latine en Valachie; ils la representaient
en Moldavie aussi, bien que, dans ce pays, le chef de l'organisation felt
un Polonais, qui, du reste, n'y residait pas, confiant ses pouvoirs a un
vicaire, Italien comme ses pretres. Cependant en 1659, au temps ou
s'operait un grand mouvement de transformation politique en
Pologne, les nouvelles des pays du Danube, interesses dans ce conflit
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pour le royaume polonais, etaient transmises par l'agent francais
Vignacourt.
Vers le milieu du XVIIe siecle, des marchands francais
traversaient de temps en temps les Principautes, oil ils n'avaient
aucune place permanente dans la vie, absolument libre et 'name
favorisee par l'Etat des communaut6s catholiques. Un certain
Gaspard Caine habitait Jassy vers 1660; it est fait mention de la
maison qu'il s'y etait achetee; son mtier etait celui d'horloger, et
nous avons trouve sa signature sur le revers d'in acte de propriete
redige en roumain.
Un Jesuite francais visita en 1685 la Cour de Moldavie. 11
s'appelait Philippe Avril; it etait accompagne d'un confrere,
Beauvoillier et venait de Moscovie, oa les Peres avaient mene
pendant de longues annees une oeuvre de propagande qui parut
menacer a un certain moment l'orthodoxie traditionnelle. Trente
Roumains a cheval, fournis par le GrandGeneral de Pologne
escorterent les missionaires a travers le teritoire occupe en Moldavie
par les soldats du roi Jean Sobieski, le croise" de Vienne, victorieux
des Turcs. Par Campulung, le Campus Longus" des Romains, dont
les Autrichiens, apres le rapt de la Bucovine en 1775, ont fait l'affreux
vocable de Kimpolung", et a travers la grande fora de hares qui
donna son nom a la province acquise" par la pieuse Imperatrice
Marie-Therese, on arriva dans les riches vallees du pays. Le Jesuite en
parle comme d'une des plus belles et des plus agreables provinces de
1'Europe ", malgre les continuelles incursions devastatrices des partis
polonais et des hordes tatares, qui contraignaient les pauvres paysans
de se faire des loges sous terre". Avec une nouvelle escorte, tout
aussi devouee les deux religieux se rendirent a Jassy, ou les
attendaient un secretaire du prince Constantin Cantemir, pere du
clbre historien de l'Empire ottoman et, comme interprete, un des
fils de l'histoirien du pays, Miron Costin. Dans un carrosse escorte
de cinquante soldats" et parmi une haie de soldats armes, ils se
rendirent en la presence du Hospodar". Se levant sur son trol; le
vieux guerrier fit aux strangers cette harangue: Mes chers peres,
puisque le Roy a qui vous avez l'honneur d'appartenir et sous les
auspices duquel vous allez pitcher l'Evangile jusqu'aux extremites du
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monde est un monarque si accompli qu'il fait lui seul 1' admiration de
toute la terre, je vous demande par grace votre amitie pour me
donner la consolation de compter desormais parmi mes autres amis
deux sujets, et deux mathematiciens, du plus grand monarque de
l'Univers".
Mais pour comprendres le sens de ces paroles it faut exposer la
politique de Louis XIV dans les pays du Danube.
Le premier prince roumain qui eut des relations politiques avec
le roi dont le prestige repandu sur 1'Europe entiere avait atteint fame
simple du vieux soldat Cantemir, fut Georges-Etienne. Chasse de son
pays, la Moldavie, par les Turcs qui voulaient le punir d'avoir soutenu
de ses armes les projets du prince transylvain Georges Rakoczi sur la
Pologne, ce pauvre exile, qui ne devait jamais plus revoir son pays,
crut pouvoir se tourney vers le lointain roi de France'.
Dans une lettre datee de Stettin, capitale, a ce moment, de la
Pomeranie suedoise, ou it avait trouve un abrit, it s'adressait, le 1"
janvier 1665, a Louis XIV pour lui recommander son emissaire,
Alexandre Jules Torquatus des Frangepani, colonel, et demander son
appui aupres du Sultan. La Cour s'interessa au sort de ce prince
chretien d'Orient; mais elle sut bientot, par l'ambassadeur de France,
qu'il s'agissait d'une entreprise difficile". Neanmoins le 28 juillet
1667, le roi parlait encore en faveur du prince Georges Estienne de
Moldavie", qu'il appelait son cousin"; it invitait l'ambassadeur
passer a l'advantage dudict prince tous les offices necessaires a cette
fin", et assurait qu'il avait ecoute avec bienveillance l'expose fait par
un nouvel envoye du fuyard de Stettin, le baron spatarius, cy-devant
vostre general". C'etait Nicolas Milescu, homme d'une grande
erudition, qui fut ensuite consulte sur les dogmes de l'Eglise orientale
par les representants de la France a Stockholm que preoccupait le
probl'eme janseniste; le roi lui faisait ecrire: J'ai beaucoup d'estime
et d'affection pour votre personne. Je souhaiterois bien d'estre en
estat de mesme pouvoir soulager dans vos malheurs, que je prie Dieu
de faire bientot cesser, et de vous prendre, Monsieur mon cousin, en
sa sainte et digne garde." De son cote, le ministre, Lyonne, ajoutait
aux lettres royales sa propre missive pour remercier l'exile de la
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lettre dont Elle a cru agreable de rime favoriser" et lui rendre ses tits
humbles actions de graces".
Georges-Etienne devait cependant mourir sur la terre etrangere,
ayant pour seule consolation les Psaumes ainsi que la Bible entiere
traduits en roumain, par le mettle Milescu. Un de ses successeurs, le
riche et entreprenant Roumeliote Duca, eut des relations suivies avec
l'ambassadeur de France a Constantinople, qui intervint pour lui fair
obtenir le trone de Jassy. Il m'a quelque obligation", pretendait au
moins ce dernier, de La Haye, en 1668. Un contemporain de Duca,
Gregoire Ghica, tour a tour prince de Moldavie et de Valachie, et qui
venait de subir le meme sort que Georges-Etienne, sort qu'il sut
cependant corriger par une habilete versatile peu ordinaire, s'offrait
a quitter le service de l'Empereur pour vivre et mourir a celui de
cette couronne", s'offrant a engager pour le compte du roi 2 000
soldats d'infanterie albanaise et 2 000 Croates, dont it garantissait
l'experience. Mais l'ambassade francaise de Constantinople, qui &ail
naturellement consultee sur ces propositions, n'ignorait pas
l'insignifiance politique de ces princes, surtout par rapport aux
interets reels de la France. Le marquis de Nointel disait d'eux: ils
sont des esclaves et non pas des souverains; ce sont des Grecs esleves
par argent, qui, au bout d'une armee ou peu plus, tombent de leur
trone dans une prison oil ils rendent gorge et au-dela, de ce qu'ils ont
vole" (1676). Cependant les ministres du roi en Turquie continuaient,
non sans quelque inter& personnel, a entretenir des relations avec
cette engeance grecque ou grecisee, qui donnait des successeurs,
Jassy et a Bucarest, aux princes herdiques du XV` et du XVP sicle:
ainsi le titre de drogman de l'ambassade fut accorde a cette meme
poque au fils du prince moldave Antoine Rosetti, d'origine
levantine, mais orthodoxe, qui ignorait d'ailleurs les langues
etrangeres et qui, cherchant avec un Turc la pierre philosophale",
fut poursuivi par la police imperiale.
Ces incidents personnels concernant .des exiles, des aventuriers
et des ambitieux ne tarderent pas a faire place a une politique suivie
de la France envers les Principautes. Apres la delivrance de Vienne
attaquee par le Grand-Vizir en 1683, la chretiente occidendale, moins
la France, parut devoir s'unir pour briser la puissance degen6ree de
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cet Empire vieilli des Ottomans. Moscou meme, gardienne de la plus
stricte orthodoxie, consentait combattre, tout en poursuivant
d'ailleurs ses propres buts politiques, a cote des nouveaux croises de
Jean Sobieski, qui etait, aux yeux des Russes, un ennemi naturel de
l'Empereur Leopold et de Venise reveillee de sa longue torpeur. Pour
Louis XIV, au contraire, uniquement preoccupe de detruire la
situation imperiale des Habsbourg et leur domination sur le Rhin, le
devoir de croisade, que chacun interpretait d'apres ses droits et ses
convoitises, n'existait pas. Il s'occupait peu de cette Transylvanie que
l'Empereur occupa de fait et conserva a la paix de Carlowitz en 1699;
tout aussi peu des deux Principautes que ses soldats traverserent sans
avoir conclu un accord avec le prudent prince de Valachie Serban
Cantacuzene et avec son successeur Constantin Brancoveanu. Les
Hongrois calvinistes s'etant souleves contre le patron des yesuites
sous Emeric Tcekceli, la France fit du revolte, qui s'intitulait roi de
Hongrie, son protege permanent. On voulut lui donner en 1689 le
riche fief de la Valachie, en depossedant Brancoveanu. Apres deux
ans d'efforts, les Turcs, gagnes par l'or du prince legitime, refuserent
nettement et definitivement d'installer a Bucarest l'aventurier
magyar. Celui-ci obtint cependent des Turcs une grande expedition,
qui fit de Tcekceli, pour quelques jours, le prince de Transylvanie.
Brancoveanu avait du collaborer a la campagne contre les Imperiaux,
et son allie" l'en dedommagea en pillant cette Valachie dont it avait
'name l'air de ne plus vouloir sortir. On disait encore du cote des
Francais, au mois de mai 1690: Si le dessein de la Transylvanie
devenoit impossible, je pourrois offrir les memes sommes pour
establir le comte Tekely dans la Moldavie et la Valachie"; it s'agissait
donc de reformer l'ancienne Dacie au profit de cet etranger! Pour
detruire le prince valaque, on recourait a tous les moyens: on
encourageait les boIars mecontents a se plaindre a Constantinople; on
nourrissait les ambitions et les ressentiments du jeune Constantin, fils
de cet ancien protg qui avait ete Duca. Lorsque Brancoveanu,
presse par les circonstances, etait contraint de fair quelque geste
d'arnitie envers la Cour de Vienne dont la suzerainete, imperieuse et
avide, lui etait odieuse, on le denongait aussitot comme ennemi du
Sultan.
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Tcekceli etait decidement impossible comme prince roumain".
Mais le territoire danubien interessa bientot la France a un autre
point de vue. Tcekceli n'etait pas seul, apres la (Waite definitive des
Turcs, a convoiter la domination en Moldavie et en Valachie. Les rois
de Pologne, Jean Sobieski, puis son successeur, Auguste de Saxe,
parlaient des anciens droits du royaume sur ces contrees qu'ils
affectaient de considerer comme de simples Palatinats, soumis jadis
l'autorite de leurs devanciers. Pour attirer dans son parti la Pologne,
pour empecher en meme temps l'Empereur d'arriver a ses fins, la
diplomatie francaise demanda aux Turcs, pendant environ dix ans, de
consentir au demembrement de la Moldavie. Le Vizir s'y refusa
absolument en 1693, bien que les Polonais eussent dj occur* des
1691, la Bucovine actuelle et une large partie du territoire entre le
Sereth et le Carpathes. Sans abandonner le projet d'etablir Tcekceli,
fat-ce 'name en Moldavie (1694), on persista dans cette direction. Le
roi proposait, le 21 avril de cette meme armee, qu'on cedat
Czernovitz et Hotin, avec le pays entre le Pruth et le Dniester, de
Sniatyn jusqu'a 1',endroit ob. le Pruth se rappro. che le plus du
. Dniester." Il fallut bien en rabattre, et la paix de 1699 laissa la
Moldavie entiere; on restitua seulement aux Polonais, en
dedommagement. des efforts oil ils avaient prodigue les demiers
restes de leur energie nationale, la forteresse de Kamieniec, sur le
Dniester.
Il n'avait pas ete donne a Louis XIV de livrer a un &ranger ou
de demembrer ces Principautes que Napoleon III devait, deux cents
ans plus tard, reunir en les agrandissant3.
NOTES
1 Le voyage de Bongars, est dans le tome XIV au recueil de Hurmuzaki,
celui de Fourquevaux dans nos Actes et fragments. L'opuscule de Baret a ete
reproduit dans le tome II du Tesaur de monumente istorice public par A. Papiu
Ilarian (Bucarest, 1863).
2 Les actes concernant les relations de Cesy et de Gournay avec les princes
roumains sont dans nos Actes et Fragments, tomel. Le voyage de Philippe Avril a
ete reproduit dans le recueil de Papiu, tome III.
3 Les pieces relatives a ces evenements se trouvent dans le premier Supplement
au tome I de la collection Hurmuzaki et dans nos Studii ,sti documente, XX.
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CHAPITRE V
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enfin a Jassy, comme dans un port de salut, joignit des presents a ses
compliments, sans compter nombre d'autres agents et simples
voyageurs. Pris par les Imperiaux en 1716, dans sa residence meme de
Bucarest, Mavrocordato revint sur le trone apres la conclusion du
traits de Passarowitz, et Bonnac, sucesseur de Desalleurs, assurrait,
en 1719, que, pendant sa prison chez les Allemands, it a contracts
une haine personnelle contre eux", ajoutant: le prince l'a fait assurer
qu'il n'oublieroit rien pour fortifier les bons sentiments oil est la Porte
pour la France". Son fils Constantin etait considers comme l'heritier
de ces sentiments. Il s'adressait en 1740 au cardinal de Fleury pour le
feliciter d'avoir procure a la Porte parmi les applaudissements dont
tout I'Univers retentit", une paix honorable, celle de Belgrade, digne
de son genie" (1739). En echange, on lui parlait, non seulement de
l'appui qui lui avait ete accords par la France pour gagner une
situation princiere, mais aussi de ses predecesseurs et parents, de
leur amour pour les lettres et la protection qu'ils ont toujours
accordee dans leurs Etats a notre nation". On lui faisait parvenir, de
la part du roi, un exemplaire des Conciles de Hardouin pour sa
bibliotheque; de Paris, en 1714, des caisses de livres francais
arrivaient a son adresse. L'abbe Desfontaines lui adressait une
dedicace; telle publication p- arisienne faisait l'eloge de son oeuvre
legislative; un certain Fournier s'offrait a lui comme correspondant
de litterature". Meme dans ses malheurs, qui l'obligeaient a vendre
une splendide bibliotheque, unique en Orient et dans laquelle les
ouvrages francais ne manquaient pas, it maintenait dignement la
tradition litteraire de son pere, dont temoigne aussi la correspondace
de celui-ci avec Le Quien, l'auteur de 1'Oriens christianus.
L'appui des ambassadeurs de France a Constantinople etait
sollicite depuis quelque temps par un rival de Mavrocordato, le prince
Constantin Racovitza, d'ancienne souche roumaine, mais
phanariotise" par toute son education. On a conserve leur
correspondance. Racovitza envoie des tonneaux de yin de Moldavie,
des pommes, des levriers, de chevaux isabelle, et recoil en echange
des cadeaux en etoffes de luxe; it propose de placer des capitaux dans
les entreprises des Francais en Orient, pour les arracher a la cupidite
turque; it forme 'name le projet d'un etablissement" francais en
Moldavie, que devait fonder et servir son conseiller occidental, ,un
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Marseillais, Jean-Baptiste Linchoult; ce dernier, fianc a une dame
Sturza, fut un precieux et fidele auxiliaire pour son maitre, qu'il aida
dans l'adversite jusqu'a se compromettre gravement aux yeux des
Turcs et, malgre l'intervention pressante de l'ambassade, it finit par la
main du bourreau. Racovitza etait prise comme un prince au cceur
vrayment francois", dans lequel la foi grecque" n'entrait que pour
bien peu.
On crut tout d'abord que Gregoire Ghica, cousin du vieux
Mavrocordato, et ses fils, Scarlat et Mathieu, avaient les meme
sentiments; pendant que Gregoire etait encore drogman, on faisait
l'eloge de son zele" et de sa bonne volonte"; on le considerait
comme un homme qui merite attention et qui est entierement dans
les interets de la France"; une pension de mine ecus par an aidait a ce
grand attachem.ent". Comme prince, it se servit de la famille des
Mille, Jean et Mathieu-Georges, tous bons Francois"; le premier,
devenu a la mode grecque un Yanakaki, se mela a la boiarie
roumaine et se perdit dans ses rangs. Mais plus tard cette famille des
Ghica fut consideree comme infeodee aux interets allemands.
Ces details maitent d'tre soigneusement releves; cependant, en
fait d'interets reels, de points d'attache constants avec le pays lui-
meme, on etait encore a les chercher. Tel solliciteur proposait en 1784
Petablissement d'un consul; mais le Ministere preferait quelque
Francois intrigant, lequel, sous pretexte de commerce, pourroit
rendre les services necessaires", ainsi que le fit plus tard Linchoult.
En matiere de religion, les Italiens avaient pris la place, et ils se
bornaient a demander une vague protection de la France, l'idee
d'etablir des Jesuites polonais n'ayant pas laisse de traces dans les
pays roumains. Si l'on trouve a Jassy vers 1750 un pere Laydet, les
rapports 'name des agents francais nous font savoir qu'il ne s'agissait
que d'un fils de Francois, mais Allemand naturalise et d'inclination,
intrigant, devoue a la Saxe et au comte de Bruhl particulierement".
C'est par la voie des influences litteraires que la France allait
gagner une situation durable sur le Danube roumain '
NOTES
1 Voir les documents dans le volume dj indique de la collection Hurmuzaki et dans
un recent recueil de M.J.C. Filitti.
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CHAPITRE VI
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probablement des livres dans cette langue; et le frangais n'etait pas
inconnu du poete roumain contemporain, Jean Vacarescu, bien qu'en
fait de litterature occidentale it fill plutot un italianisant. Aupres du
prince Constantin Mourousi, qui obtint la Moldavie en 1777, on
rencontre deux abbes: Marchand et Pierre Chabert, dont la famille
s'etablit dans la Principaute. Des Italiens, originaires de Rome,
comme Nagni, se faisaient appeler Nagny au moment oil ils
remplissaient les fonctions de secretaires aupres de ces petits
despotes aux allures sollennelles, copiees sur celles de leur
empereur" byzantin. Il fut aussi question d'un medecin frangais,
homme profond dans son art", a la Cour du prince de Valachie
Nicolas Caradscha (Karatzas), et le role de precepteur des enfants
princiers fut sollicite par Albert, homme de bonne plume".
Sans doute, les propagateurs de la civilisation sociale et des
modes litteraires qui envahissaient rapidement l'Europe entiere
n'etaient pas tous de souche frangaise. Des Italiens, des Ragusains,
certains Allemands meme en etaient aussi les facteurs, interesses
sinon enthousiastes. Cependant le maitre de langue frangais etait le
seul precepteur que l'Orient chretien voultit engager et entretenir.
Les journaux qu'on lisait a Jassy et a Bucarest n'etaient pas toujours
des joumaux de France, oil l'ancien regime surveillait de pres les
publications politiques; mais c'etaient des journaux francais qui, de
Leyde, de La Haye, d'Amsterdam, de Londres, parvenaient en
Orient des le milieu du XVIIIe siecle, a la demande meme des
princes, qui etaient obliges de renseigner la Porte sur ce qui se passait
en Occident. Une maison grecque" de Vienne, celle des freres
Markides Poullio, qui etaient en realite des Roumains de Macedoine
nommes Puliu-Puiu, fournissait aux boIars toute une bibliotheque
d'ouvrages frangais remarquables par autre chose encore par leur
frivolite et par leur description appetissante des mauvaises mceurs. Il
y en avait de bons en effet dans la bibliotheque du prince Constantin
Mavrocordato, dont on possede le catalogue. Les A ventures du
chevalier de Fablas etaient lues par des jeunes filles roumaines.
Celles-ci etaient encore habillees a l'orientale, bien que les officiers
russes et autrichiens ammenes dans le pays par les frequentes
occupations militaires leur eussent enseigne les danses de l'Europe et
les manieres des salons frangais, plus ou moins fidelement rendues
par ces rudes initiateurs, et que des maisons de Transylvanie ou de
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Vienne eussent commence a expedier des etoffes et meme des robes
d'une nouvelle fagon. D'anciennes bibliotheques roumaines, comme
celle de Jean Paladi, a Jassy, en 1792, contenaient Suetonius aupres
d'Erasme, des volumes des Racine la splendide edition de Berlin
et de Bossuet; Voltaire etait lu avec avidite et preparait des libres-
penseurs" sur le Danube roumain. Les romans de Florian ravissaient
les Ames sensibles et preparaient Peclosion de leur reves. On s'initiait
a la connaissance de l'histoire ancienne par les pages, d'une severite
raide et compassee, du vieux Rollin. Enfin ce n'est pas sans
etonnement qu'on voit un eveque de l'Eglise ortodoxe, le grand
Cesaire de Ramnic, qui parlait le grec et l'italien, demander, sans
craindre aucun dommage pour son ame, l'Encyclopedie.
Deja les Francais commengaient a s'installer. On verra par la
suite s'ils comprirent tout ce que cette imitation nave et passionnee
de leur civilisation recelait de promesses pour l'avenir.
Parmi les precepteurs frangais qui firent Peducation des fils de
prince, it y en eut un qui, pour se venger de ceux qui n'avaient pas
reconnu et recompense ses services, voulut mettre par ecrit
l'experience acquise pendant un long sejour parmi les Roumains; it
avait reside en Moldavie, a la Cour du bon prince, laborieux et
modeste, qui fut Gregoire-Alexandre Ghica (1774-1777). Cet
homme, qui devait figurer plus tard parmi les meneurs et les
pamphletaires de la Revolution pour finir sur l'echafaud une vie de
mecontent et d'agite, est Carra. Son Histoire de la Moldavie et de la
Valachie parut a Jassy en 1777.
L'auteur se pique d'tre un erudit en ce qui conceme l'histoire
et l'ethnographie de ces regions dont it ne connaissait, en fait, que la
capitale moldave, Jassy, et les grands chemins. qui y menaient. Il park
donc des Daces et des Romains; it affirme que, si les pauvres
Valaques ont du sang romain dans leurs veines, ils le doivent
seulement a de miserables Italiens, qui, semblables aux forgats des
Antilles et de Cayenne, avaient ete exiles pour leurs mefaits; ils
laisserent pour heritage a leurs descendants le vice" et la lachete".
Des renseignements geographiques lui avaient ete fournis par la
Description de la Moldavie de Demetrius Cantemir, auquel it
emprunte des erreurs qui sont encore accentuees par l'ignorance du
compilateur; c'est la aussi qu'il a puise d'interessants details sur le
ceremonial suivi lors de l'installation des princes.
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Pour le pass moldave, it a connu, dans un manuscrit
malheureusement incomplet, les chroniques du pays dans la forme
qui leur fut donee, a la fin du XVIIe siecle par le logothete Miron
Costin '; it a recueilli aussi certains anecdotes qui circulaient sur le
regne des derniers princes. Le peu qu'il sait sur le pass de la Valachie
est du, parait-il, a un ouvrage de statistique redige, a cette meme
poque, pour la Cour de Russie, par Baur, un des generaux de
l'Imperatrice. La chronologie n'est pas trait& plus serieusement. La
biographie de Demetrius Cantemir est, par contre, demesurement
developpee; c'est un des cas ou l'on peut constater dans son ouvrage
un manque absolu de proportion. On se ferait une bizarre idee de
l'histoire des Roumains en prenant pour guide ce pamphlet.
Les consideration de Carra sur Petat actuel" des Principautes
sont d'une utilite plus reelle. L'auteur trouve des ressemblances entre
la nature roumaine et celle de la Bourgogne et de la Champagne;
mais une profonde melancolie lui parait se &gager des forets et des
lacs qui occupent la plus grande partie de ces beaux paysages.
Cependant on voit partout des vergers, des pelouses semees de fleurs
pendant les chaleurs de Pete oriental. La distribution des plaines,
des collines et des montagnes" lui parait unique en Europe.
.
L'aspect", dit-il, est moins imposant qu'en Suisse, mais plus riant,
plus doux. La florasion dans les grands bois solitaires est d'une
incomparable richesse".
Le nombre des habitans s'eleve, dit-il, tout au plus a 500 000
ames. Les villes et les bourgs, sans murs, ne souffrent pas de
comparations avec les plus miserables villages de France ou
d'Allemagne"; les villages eux-memes ne sont qu'un amas de
chaumieres. Les boIars seuls habitent dans des maisons en pierres,
alors que les autres se contentent de legeres batisses en clayonnage.
L'ameublement se reduit au divan qui fait le tour de la chambre; les
chaises sont une inovation recente. Sur des tables de bois on sert des
repas dont les mets sont cuits dans le beurre ou la graise de mouton,
selon la recette empruntee aux Turcs. Carra regrette les bons rOtis
auxquels it avait ete habitu. Les longues siestes, la pipe orientale a la
bouche, ne l'en consolent pas. Les distractions sont rares et d'une
simplicite naive. Cet historien reveche ne trouve pas a son gout la
danse nationale, la hora" (du choros" grec), dont it fait une
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description presque burlesque, sans remarquer qu'il s'agit, en fait,
d'une ancienne tradition hellenique et sans se rappeller la farandole
du Midi francais, qui a la meme origine. Le costume oriental des
danseurs n'etait pas si ridicule, et le Levant tout entier le conservait
depuis des siecles, sans remarquer ce mauvais gout" dont le
precepteur des enfants princiers est scandalise. Si tel jeune boIar a ete
severement puni pour avoir exhibe un costume plus riche que celui du
prince, c'est que Gregoire Ghica venait de publier des ordonnances
somptuaires auxquelles it entendait soumettre tous ses sujets, pour
combattre en eux le penchant au luxe dans les vetements. Quant a
cette pauvre musique tzigane qui le fait rire, elle a de lointaines
origines tres respectables; le )(Ville siecle etait cependant bien loin
de prevoir la profonde influence qu'elle devait exercer sur Paine
contemporaine.
Carra ne connait le paysan que pour l'avoir apercu dans la foule
avec son aspect hirsute d'ancien Dace; it ne comprend pas sa belle
langue latine sonore, qu'il presente comme un patois barbare et
corrompu, sans energie" et sans gait"; it ne devine pas ce que ce
paysan conserve, en fait de reminiscences, de coutumes et d'aptitudes
artistiques dans les formes simples auxquelles it a ete reduit par une
vie si dure. Il l'accuse de paresse, oubliant alors le fait, qu'il a
cependant mentionne, que ce paysan a ete pendant de longs siecles
opprime, non seulement par des strangers, mais encore par ses
maitres indigenes. Pourquoi ferait-il effort, puisque ces maitres
l'empechent d'acquerir une fortune personnelle et lui imposent un
travail non remunerateur? C'est, dit-il, un effet du despotisme
oriental. Explication banale ou n'apparait pas la vraie cause, a savoir
le systeme fiscal ecrasant, impose aux Principautes par les beisons
financiers d'un Empire parasite, qui ne se nourrit plus de la guerre, et
d'une societe corrompue. Carra enumere les produits du pays: grains,
vins, Mail, brebis, chevaux, miel, cire, peaux, sel, bois, salpetre,
tabac; mais it ne voit pas que l'existence de debouches et la liberte du
commerce en accroitraient certainement le rendement. Le nombre
restreint des artisans, strangers et indigenes, s'explique aussi
facilement: c'est que le paysan, habile a fabriquer tout ce dont it a
besoin, est un mauvais acheteur 2; quant aux objets de luxe, les boIars
se fournissaient a l'etranger.
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Les critiques les plus acerbes concement les institutions. Carra,
l'encyclopediste, le philosophe, qui reve de liberte et qui croit
remedier a tout par des lois meilleures, ne peut rien comprendre a un
gouvernement de tradition et de coutumes, ayant a sa tete un prince
de caractere patriarcal, qui pouvait etre excellent si la pression de
l'etranger ne s'exercait pas trop forte comme elle le faisait
habituellement sur son tresor. On croirait vraiment que les vertus
de la Rome antique revivaient en Francs sous le regne de Louis XV,
avec Mme de Pompadour comme Egerie et d'incorruptibles
serviteurs..., en lisant les pages nombreuses dans lesquelles Carra
pretend decrire le monde roumain: juges venaux, qu'aucun
Beaumarchais ne venait mettre au pilori de l'opinion publique; bdiars
qui trafiquent de leur influence, bien differents sans doute des
integres seigneurs de la Cour de Versailles; fonctionnaires des
districts, qui ne sont pas payes et refont leur fortune en pressurant
leurs administres, comme si l'on 6tait dans cet Occident ou les
fonctions publiques s'achetaient a beaux deniers comptants; femmes
de la noblesse incapables de lire et d'ecrire des documents
fournissent la preuve du contraire; elles lisaient meme des romans
frangais, comme si elles avaient su que Marie-Antoinette, reine de
France et fille de l'Imperatrice Marie Therese, avait del apprendre un
brin d'orthographe apres son manage avec Louis XVI; en meme
temps, par une contradiction au moms singuliere, ce meme Carra
nous apprend que les bdiars, leurs pereI et marls, avides de lectures
frangaises, devoraient Voltaire.
De pareils pays ne peuvent rien attendre que d'une domination
etrangere. Ce bon Carra la souhaite chaleureusement. Quanta la race
roumaine, elle serait remplacee, par les colons de l'Empereur ou du
roi de Prusse. Comme it recommande la culture du riz, de la canne h
sucre, les indigenes seraient tout naturellement reduits a la condition
d'esclaves. Les marchands bavarois, autrichiens, hongrois, en
auraient bientot fini avec les derniers representants d'une classe
moyenne denuee d'initiative et incapable de progres.
Tel est l'etat de ces pauvres pays danubiens decrit par Carra; tel
est l'horoscope qu'il a tire pour l'avenir. Ce n'est pas seulement parce
qu'il se targue de liberalisme revolutionnaire, mais parce qu'il en veut
au prince Gregoire Ghica, ce Phanariote, d'education plutot
roumaine, qui employa son regne moldave a tenter des reformes dans
le sens de la philosophie occidentale, ce patriote qui fut une victime
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de la politique autrichienne pour avoir essaye d'empecher le rapt de
la Bucovine. Carra n'epargne aucune accusation a son ancien maitre:
d'apres lui, Ghica est une creature du roi de Prusse, qui avait
recommande en effet sa nomination; it se laisse corrompre et passe en
souriant sur des faits de corruption averee; c'est un avare mesquin,
qui cache son argenterie et son linge de table et pose devant ses hotes
des verres &itches et des serviettes sales; it est incapable de donner
des lois, de proteger des artistes comme son voisin de Valachie,
Alexandre Ypsilanti; s'il se vante d'avoir fon& un gymnase ou it avait
appele les meilleurs des didascales grecs, it n'y emploie comme
professeurs que deux ou trois moines ignorants". Mais peut-etre,
pour etre capable d'apprecier avec impartialite les merites de ceux
qu'on a servis, faut-il commencer par ne pas etre ingrat envers eux.
En regard de l'assez triste sire que fut le famelique Carra, on a
plaisir a poser un noble francais, destine a une grande carriere dans
sa patrie et qui, a la suite de son sej our comme secretaire princier en
Moldavie, devait laisser un ouvrage remarquable par la profonde
intelligence du sujet, par la hauter des idees et par la noble
conception de l'ensamble, une des meilleures descriptions des
Principautes roumaines.
Celui qu'on appelait l'abbe" d'Hauterive a cause de ses etudes
faites chez les Oratoriens, fut employe a Constantinopole comme
attach a l'ambassade de France en 1780. Au commencement de
l'annee suivante, it acceptait la proposition d'Alexandre-Jean
Mavrocordato, prince de Moldavie, et l'accompagnait pour remplir a
Jassy les fonctions delicates de secretaire aupres de ce prince, homme
d'une intelligence distinguee et auteur de poesies greques assez bien
tournees.
Habil le alla turca, avec un chale a la ceinture, des bottes molles
aux pieds et une pelisse sur les epaules, it suit le chemin habituel des
corteges princiers, qu'il decrit dans des notes de voyages, tres
spirituelles, avec une vraie valeur litteraire. Une princesse belle
comme le jour", la femme de Mavrocordato, se trouve dans la
nombreuse et brillante compagnie, et le secretaire ne manque pas de
signaler tous les beaux minois grecs rencontres au passages: la jeune
princese Caradscha et la sceur meme du nouveau Hospodar; it maudit
les feredsches dont les plis l'empechent de voir les belles dames, ou
les dames supposees belles, de Bourgas. Passant le Danube a Silistrie,
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ou la vue d'un cerf-volant manoeuvre par un enfant le rassure
Pegard de la peste et de ses ravages, il passe la nuit dans un village ou
l'attendaient un million de puces affamees"; it apercoit le couvent de
Slobozia, datant du XVII' siecle, sans en remarquer l'architecture
interessante; il traverse des deserts fertiles, des villages composes de
miserables huttes, qui ne sont pas cependent plus humbles que celles
des villages de la Bauce et de la Sologne", mais qui contiennent en
abondance tout ce qui pourrait nourrir une ville; it y gonte pour la
premiere fois ce pain" de mais bouilli" qui est la mamaliga, la
polenta" roumaine; it contemple une joyeuse danse de noces et
admire l'elegant costume des paysannes. Puis, apres le passage de la
frontiere qui separe, a Focsani, la Valachie de la Moldavie, bien que
fatigue des hommages dus a un personnage de son rang, membre de
la suite du maitre, il s'indigne contre l'ispravnic (gouverneur) barbu,
qui s'avise de le recevoir et de le nourrir trop negligemment. A
Vasluiu it voit une petite villageoise de dix-huit ans qui lui semble
descendue d'un tableau, avec son mtier sur les genoux: nos
duchesses", dit-il, ne brodent pas avec une plus jolie main, avec un
plus beau bras et avec une aisance plus noble" dans la chaumiere ou
tout est nettoye et tout se trouve en ordre.
Arrive a Jassy, il avait cru trouver des barbares en guenilles
habitant des niches de bouc" et parlant une langue epouvantable; it
etait en effet prevenu dans ce sens par ses predecesseurs, sur lesquels
it formule ce jugement que nous nous bornerons a reproduire: tous
ceux qui se sont plaints de ce pays y ont laisse des sujets de plaintes et
en ont porte ailleurs. Ceux qui disent", ajoute-t-il, qu'on manque de
tout ici ne disent pas tout ce dont ils manqueraient en France", ou
plus d'un million de Francais, a deux pas de l'abondance de tout,
sont depourvus de tout". Il parlait ainsi apres trois mois passes au
milieu de ces boiars silencieux, de ces femmes aux yeux baisses qui
valaient bien sans doute le monde remuant, hardi et bavard dont
fourmillaient les appartements du Versailles royal.
Ayant lu Carra, le secretaire francais se croit oblige, dans une
description qu'il redigea a ce moment (La Moldavie en 1785), de
parler des families regnantes, Mavrocordato, Ghica, des titres
accord& aux princes phanariotes. Mais it ajoute des notes justes sur
les motifs de la grandeur et de la decadence de ces hommes ainbitieux
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qui tombaient l'un apres l'autre, victimes de leurs traditions de
famille; it y a beaucoup a glaner pour l'historien dans ces
nombreauses anecdotes puisees a la bonne source. A cote des figures,
bien esquissees, de consuls, d'aventuriers, de belles femmes,
auxquelles it fait la cour devant la princesse et un peu pour la
princesse elle-meme, it dessine, d'une main legere, en souriant, les
types caracteristiques de la societe moldave: grands boIars
magnifiques, fonctionnaires antiches de leurs titres, Grecs denues de
tout sentiment d'honneur", marchands grecs insinuants et fourbes,
grossiers marchands moldaves qui trafiquent de denrees a bon
marche, artisans allemands ivrognes et querelleurs, Juifs ressemblant
aux chevres d'Angora", vils Bohemiens et enfin, aux deux bouts,
parmi tout le rammassis d'etrangers, le peuple, habitu a etre bafoue
et maltraite, et le prince, qui, malgre les graces qu'il distribue, ne
trouve pas un seul fid'ele. Les Grecs, laks et ecclesiastiques, sont
l'objet d'une longue et mordante satire. Des considerations sur la vie
economique en general finissent l'opuscule. L'auteur insiste sur le
manque d'organisation dans le travail et sur l'affreux gaspillage
pratique avec insoucience par un peuple qui Hauterive ne l'a pas
remarque savait bien que le produit de son labeur ne servirait qu'a
enrichir Petranger. Il voudrait pouvoir amener des bergers de
Milan", de la categorie des colons raves par Carra. Mais it reconnait
que cette pauvrete etait heureuse, et peut-etre en somme le bonheur
est-il le but de cette fragile vie humaine.
Apres quelques annees de sejour, les premieres idees du
secretaire princier se preciserent.
Alexandre Ypsilanti avait succede en 1787 a Mavrocordato,
lorsqu'Hauterive crut devoir lui soumette, comme a un nouveau
protecteur, un memoire assez etendu sur Petat de la Moldavie", qui
est son principal livre concernant ce pays.
Il est empreint d'un grand serieux et .d'une sympathie sincere
pour les Roumains. Cette intelligence penetrante s'etait rendue
compte enfin que, de tous les peuples qui les environnent et qui se
glorifient d'une ancienne genealogie, ils sont encore ceux qui
conservent dans leurs coutumes et dans leurs lois le plus de
conformite avec celles de leur fondateurs; que, dans la confusion .
gen6rale de toutes les mcesurs..., ils sont les seuls dont la servitude est
restee indecise, dont la degeneration n'est pas condamnee et laissee
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encore h l'esperance: qu'ils sont les seuls qui, sans faire partie
integrante d'un vaste Empire, conservent, sous la condition d'un
tribut, leur nom et leurs formes civiles; qu'ils n'ont pas perdu tous les
moyens de moderer la puissance de ceux qui regnent sur eux; qu'ils
savent meme, par l'unanimite de leurs acclamations ou de leurs
murmures, influer sur la plenitude et la duree de leur autorite, qu'ils
sont enfin les seuls qui gardent les lois et la langue du premier peuple
de l'univers..., quelques-uns de leurs usages comme des traditions
nationales, et enfin des traits precieux et ineffacables de la simplicite
de ces anciens Romains qui 'dompterent tout l'univers, et des Scythes
(lisez : Daces) qui ne furent dompt6s par personne".
Dans ce petit ecrit, bien ordonne, les renseignements historiques
ne figurent que pour expliquer les usages" et appuyer de la sorte les
privileges". Cette breve notice, exacte dans ses lignes generales,
foumit aussi des preuves d'une clairvoyance peu commune; l'auteur y
fait preuve d'une habilete particuliere a saisir les rapports
permanents qui existent entre les actions politiques, d'un cote, et le
territoire, la race, de l'autre. Hauterive adment cependent la
disparition totale de l'ancien element dace et la retraite ulterieure des
colons romains devant les barbares qui les ont refoules dans la
montagne protectrice.
Les debuts de la principaute moldave sont exposs d'apres la
legende ancienne contenue dans les chroniques que le secretaire du
prince avait pu utiliser a la suite du precepteur Carra. Hauterive
ajoute' d'ailleurs des hypotheses naves; it explique par exemple le
nom de la ville de Roman (c'est-h-dire: fondation du prince Roman)
par le caractere romain que Dragos, le pretendu createur de l'Etat
moldave, avait entendu donner a son oeuvre. Il glorifie le long labeur
guerrier d'Etienne-le-Grand, vainqueur de Mohammed II et de la
puissance ottomane h son poque hadique, et it donne a celui qui
sut maintenir sa nation dans une independance absolue" le doux
nom indigene de Stefan Voda, le Voevode Etienne": son nom a
remplace dans les chansons nationales", dit-il, et c'est la premiere
fois qu'un &ranger mentionne ces chants epiques roumains, pareils a
ceux des Serbes par l'essor hexoIque aussi bien que par la beaute de
la forme ceux des divinites daces qu'elles celebraient alors et que
les chansons valaques celebrent encore; le recit de ses exploitss fait
encore aujourd'hui le charme du loisir des bergers et la joie de festins
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et des fetes". Comme ii avait deconseille, des les premieres lignes de
son ecrit, une politique favorable a la Russie, dont it demontrait la
protection ambitieuse" it considere comme une grave faute la
resolution prise en 17116 par le prince Demetrius Cantemir d'ouvrir
au Tzar Pierre les portes de son pays moldave. Hauterive croit que le
mefiance de la Porte envers tous ses sujets chretiens et les mesures
qu'elle prit a leur desavantage sont dues 4 cette action imprudente et
erronee dans son principe meme.
Un second chapitre s'occupe du peuple, en reconnaissant avec
respect les traces, tits visibles, de sa noble origine: la haute stature
et la constitution robuste des soldat romains", tels qu'ils sont
representes, au moment meme de la conquete de la Dacie, sur la
colonne du conquerant a Rome. Depouille de sa terre, le paysan a
garde cependant, avec sa liberte personnelle", des qualites morales
qu'on chercherait en vain chez les voisins", car les Moldaves n'ont
rien perdu de ce caract'ere originaire qui se revolte contre toute
oppression nouvelle". Il les montre prets 4 protester contre tout
accroissement de leurs charges, a denoncer les abus des ispravnics",
a venir, quelle que lit la distance, devant le tribunal du prince lui-
meme pour lui presenter des doleances qu'il doit necessairement
&outer. Ils haranguent", dit le spectateur joumalier de ces belles
scenes fieres et patriarcales, avec une eloquence d'autant plus
persuasive qu'elle a toute la simplicite des inspirations de la nature,
sans manquer des ressources de l'art. On ne peut se presenter avec
une contenance plus modeste. Ils attendent, les yeux fixes sur la terre,
qu'on leur ordonne plusieurs fois de parler. On dirait qu'ils n'ont ni
l'usage, ni le courage d'exprimer leurs pensees. Mais cet embarras
etudie est bientot suivi d'un flux de paroles, twit& prononcees avec
une volubilite prodigieuse twit& soutenues d'un ton pathetique, et
toujours accompagnees d'un geste expressif et d'une physionomie
pleine d'interet. J'avoue que cette tradition de l'ancienne liberte
romaine est une des choses auxquelles je m'attendais le moms et qu'il
m'a ete le plus doux de trouver a quatre cents lieues de Rome et a
dix-huit siecles de Ciceron).
Hauterive repousse avec indignation le reproches de paresse et
de friponnerie qui sont encore adresses, par les interesses du pays
meme et par les ignorants de Petranger, aux paysans roumains. On dit
la meme chose du paysan polonais, qui subit tine oppression sociale
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plus pesante encore, mais qui du moins n'a pas a fournir aux
exigences incessantes de l'etranger rapace. La Moldavie campagnard
n'entend pas s'epuiser pour le profit d'autrui et, en outre, it ne veut
pas s'embarrasser, dans ses frequents &placements a la recherche
d'une terre plus riche et d'un maitre plus doux, par le poids meme de
ce qu'il aurait accumule et conserve. Ces laboureurs opinatres
d'aujourd'hui, ces patres infatigables du XViiie siecle ne sont pas des
fainants. Quand l'indolence est volontaire", s'exprime avec raison.
notre auteur, elle n'est pas toujours un vice. Ici elle est une
ressource". Il n'oublie pas de mentionner en connaisseur, donc en
ami ce qui est la meme, chose une activite qui s'accommode aux
circonstances", une patience sans bornes dans les maux necessaires",
une gaits qui ne se dement pas dans la pauvrete et les vertus
domestiques qui rendent cette pauvrete heureuse", une hospitalite
inimitable dans son abondance et sa delicatesse, une politesse qui est
attachee aux formes de leur langage et qui, par consequent, durera
toujours".
Comme la religion ne represente pas ici les moyens de vivre
d'une caste et les interests de son ambition, ni meme les tendances
d'un systeme tendant_ a absorber toute la vie morale des hommes,
mais bien une simple partie de l'education domestique", familiale,
les pretres ne se distinguent de leurs ouailles, en quittant l'eglise, que
par leurs vetements, et parfois dans les villages, ce caractere distinctif
meme manque presque completement. Ces bons cures pauvres et
modestes donnent l'exemple de la patience et de l'industrie: ils sont
les meilleurs epoux, les meilleurs villageois de la province",
etrangeres aux querelles aussi bien qu'aux plaisirs coupables du
cabaret. Il ne faut d'ailleurs pas les confondre avec ceux qui peuplent
des riches fondations monastiques; strangers au pays, ces derniers
appartiennent pour la plupart a l'avide clerge grec, exploiteur de
1'Orient orthodoxe entier; denaturant a leur profit les actes de
donation dus a des fondateurs qui voulaient seulement mettre leur
creation sous la tutelle veneree des Lieux Saints, ils traitent leur
monastere en tyrans, comme une conquete", et cumulent avec cette
qualite celle d'agents d'une propagande politique etrangere 7.
Les marchands et artisans n'ont pas un caractere exclusivement
national et parfaitement defini. L'auteur ne s'occupe de cette classe
que pour formuler des critiques et proposer des remedes dont nous
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nous occuperons plus tard. Les boars, au contraire, solliciteront,
meme pour &fink leur role et decouvrir leurs usages, l'attention de
ce penseur politique.
Its se distinguent de leurs collegues valaques par des goats
casaniers et patriarcaux, par leur grand amour pour la vie de
campagne, ou ils sont des monarques", par plus d'economie, donc de
richesse, par une liberte plus &endue a l'egard du prince que la Porte
leur impose, naturellement sans les consulter, par un plus grand
attachement aux anciennes mceurs", un caractere plus austere et
moins de penchant pour cette civilisation europeenne qui, dira ce
representant de la philosophie" occidentale, quand elle n'opere pas
un effet brusque et total, ne fait qu'ajouter de nouveaux vices aux
anciens, qui introduit dans les goats des hommes de differents ages et
de differentes conditions uri schisme qui tend surtout a discrediter
l'autorite paternelle et civile et rend enfin les hommes moins verteux,
sans les faire devenir plus polls". Mais dj une corruption
naissante" attire les gens vers la Cour, Cour malfaisante, qui exige de
si grands sacrifices pour des satisfactions si vaiens et si passageres,
pour le simple avantage de &figurer son nom et d'ajouter un trait de
plus au chiffre de sa signature". A mesure que Jassy sera la capitale
des ambitieux, des jouisseurs et des strangers qui leur foumiiont le
decor de leur situation, la campagne, desertee, s'appauvrira, perdant
peu a peu ses clotures bien soignees, ses beaux haras, ses villages
entretenus, ses campagnes bien cultivees", l'ancienne bonte
compatissante du maitre et 1?ancienne fidelite devouee du paysan 9.
Quant aux femmes, qui, selon l'avis de notre ecrivain, n'auraient
jamais du adopter le vetement approprie a la mollesse enervante des
Orientaux, elles ont conserve la severite des mceurs de leur climat;
elles sont toujours infiniment plus modestes que leur costume et",
ajoutera-t-il, comme pour remplir un devoir delicat, je n'aurais pas
fait cette observation, si elle ne servait a relever le merite de leur
vertu" 110. Ce qui n'empeche pas ce costume d'avoir les desavantages
enlaidissants et engourdissants que signalait Carra
Constatant ensuite la poussee exercee, d'un cote par la langue
grecque que les bons vieux boiars ne parlent que par une
condescendance respectueuse pour le prince" et, de l'autre, par le
frangais a la mode", Hauterive deplore l'abandon du parler
moldave" dont it est en &at, non seulement d'apprecier la simplicite
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energique, mais de decouvrir meme ses vraies origines: it les retrouve
en effet dans le lointain jargon guerrier des fondateurs de Rome, qui,
d'apres lui, s'est conserve dans les accents rustiques des laboureurs de
l'Empire plutot que dans le langage des foules urbaines.
On a releve avec raison ce beau chapitre de philologie
comparee, d'une clairvoyance vraiment etonnante, surtout si on le
compare au balbutiement calomniateur de Carra, qui se trouvait
cependant place dans des conditions meilleures ". Hauterive va
jusqu'a demander l'emploi de l'alphabet latin au lieu des lettres
cyrilliques, dont les pays roumains devaient cependant se servir
pendant quelques dizaines d'annees encore; it croit meme que
certains sons intermediaires, pour lequels on avait eu des signes qui
ont contribue a les perpetuer, disparaitront au plus grand profit des
voyelles claires venant de la Rome primitive.
Mais dans ce memoire, qui avait ete demande peut-etre par le
prince lui-meme, Hauterive avait avant tout pour but de proposer des
reformes. Il sera donc utile, pour connaitre aussi bien l'etat des
Principautes que les qualites d'esprit de l'auteur, de s'y arreter un peu
plus longuement.
Ses considerations sont celles d'un economiste d'instinct et de
vocation; en effet it redige-a- son ouvrage pour fixer ses opinions dans
un domaine si cher a la pens& reformatrice du siecle. Il reconnait que
l'aspect desolant de certaines parties du pays est du seulement au
deplacement" de ceux qui veulent echapper aux devastations des
armees, aussi bien qu'aux requisitions des postillons et des agents
princiers qui accompagnent et defrayent les voyageurs de marque.
Mais it sait bien qu'il y a un fort courant d'emigration et it en redoute
les consequences; pour remedier au mal, it propose de maintenir le
montant actuel des impots, .sans accabler .sous le poids de charges
nouvelles des paysans qui ne produisent que ce qu'il faut pour leur
propre entretien et pour les besoins connus de l'Etat, de ne pas creer
au profit de tel ou tel bdiar des situations locales avantageuses, de ne
pas changer trop frequement les fonctionnaires, de moderer les
pretentions de la Porte, qu'entretenaient ces malheureux habitants.
Le paysan lui-meme doit etre enrichi, et it faut penser aux
moyens d'encourager un accroissement normal de la population. Les
Tziganes, qui presentent l'independance la plus absolue dans un
entier esclavage et la jouissance de tout dans l'exclusion de toute
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prerogative civile", doivent etre affranchis, en commencant par ceux
dont on constatera les souffrances endurees, mais sans se presser et
en les preparant d'abord pour une liberte dont ils ne sauraient
autrement que faire.
La politique du gouvernement a l'egard des strangers doit etre
pleine de precautions aussi sages que patriotiques. II ne faut pas se
montrer aussi accueillant a l'egard de ceux qui, comme les Juifs et les
Allemands, n'apportent que des metiers d'une utilite douteuse, des
moyens d'accroltre, avec le lux, la depense de la classe riche, et ne
donnent naissance a aucun commerce d'une valeur superieure a celle
des peaux de lievre que lesdits Juifs vendent depuis quelque temps en
Galicie.
A ces intrus, que protegent des privileges d'exemption,
conserves avec jalousie par les consulats qui en profitent, it faudrait
preferer des Hollandais, des Saxons, des Venitiens, des Livournais et
meme ces bergers de Milan dont s'etait occupe Carra ". Les fleuves
moldaves, sans etre r6unis par un canal, ainsi qu'on en avait le projet,
devraient etre prepares pour devenir des arteres d'un commerce plus
vaste. Enfin it faut empecher a tout prix l'invasion de ces strangers
qui exploitent un pays ou ils ne sejournent pas, de ces exportateurs
qui viennent constamment drainer les produits du sol moldave; on
oublie cependant l'argent qu'ils y ont laisse. Il ne faut pas tolerer plus
longtemps un etat de choses qui fait des indigenes des importateurs,
allant chercher, sous la protection des consuls, des colifichets a la
foire de Leipsick".
De pareilles mesures auront aussi des consequences favorables
dans le domaine politique. Les amateurs de revolution", qui veulent
remplacer le maitre turc par un autre plus lointain (russe ou autre),
abandonneront leurs projets pernicieux. Hauterive se met alors
examiner les profits et les pertes de ce nouveau maitre, s'il parvenait
a s'annexer les Principautes: it serait incapable de vendre des articles
qu'il ne fabrique pas lui-meme et ne tirerait aucun benefice de
l'exportation moldave dont it n'a pas besoin; en meme temps, les
contributions ne serviraient qu'a accroitre les revenus de quelque
gouverneur despote, que la lointaine capitale de 1'Empire ne serait
pas en etat de controler. Il faudrait enfin compter avec la soif de
revanche qui animerait la Turquie, avec les dangers politiques et
economiques resultant du voisinage immediat avec ce concurrent
perfide, que ne saurait her aucun traits d'alliance, qu'est l'Autriche".
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NOTES
1 Voir, entre autres, la description des antiquites trouvees a Suceava,
ancienne capitale de la Moldavie. Notre ecrivain reconnait dans Bogdan
Chmielnicki, le rude chef cosaque qui crea au XVIIe sicle un oEtab> de brigandage
sur le Dnieper, le descendent de la Egli& des princes moldaves qui commence par
Bogdan le Fondateur.
2 Hauterive, dont it sera question plus loin, a compris ce motif (pp.
323-324).
3 Pages 21-22.
4 Pages 66-67.
5 Page 24.
6 Pages 72-73.
7 Pages 146 et suiv.
8 Pages 176-178.
9 Pages 182-184.
10 Page 244.
11 Page 248.
12 Pages 248 et suiv. Cf. page 268 et suiv.
13 Page 132.
14 Pages 223 et suivantes. Hauterive recommande au prince trois seuls
personnages moldaves dignes de sa confiance, parmi lesquels le Metropolite (pages
198-200).
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CHAPITRE VII
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classes etaient trop nettement fixees sous l'ancien regime roumain,
pour que les sentiments des uns eussent pu provoquer Faction des
autres. A Bucarest et seulement dans cette capitale valaque on se
contenta de discuter les evenements d'Occident dans les rares cafs
frequentes par la plebe etrangere, encore le gouvernement intervint-il
pour mettre fin a ces conciliabules qui avaient l'air de conspirations.
La population accueillit avec ironie les manifestations isolees des
adeptes grecs de la Revolution, et le refrain de la Carmagnole,
l'energique vive le son du canon", devint en roumain filfison,
epithete dont on gratifiait les personnes ayant un aspect peu serieux
et une pretention bizarre a l'eloquence.
Notons encore ce fait que jamais les armees de la Republique,
qui etaient le meilleur agent de propagande revolutionnaire, ne
parurent dans ces regions du Sud-Est europeen, ou la Revolution
n'avait pas de revendications a presenter, ni d'ennemis a combattre.
Les Principautes ne furent pas merne mles aux evenements
militaires qui changerent de plus en plus la face politique de l'Europe
jusqu'au jour oil le Dniester fut, en 1806, franchi par les Russes, qui
craignaient de laisser &flapper leur part de la curee et qui accusaient
les Turcs d'avoir viola les traites en remplagant avant terme des
princes suspects de trahison. Des ce moment, le sort de ces Etats
tributaires devint un des soucis de la diplomatie europeenne.
Mais Napoleon, qui remaniait a son gre la carte de l'Europe, ne
se pfeoccupa jamais du caractere national des populations qui
l'habitaient: elles formaient pour lui une simple monnaie d'echange
dans ses calculs politiques. Aussi n'hesita-t-il pas a reconnaitre
l'annexion des Principautes par le Tzar sur les bases du traite conclu
a Tilsitt. Plus tard, lorsque sa politique prit un autre pli, it parut tout
dispose a en faire cadeau a l'empereur Francois I", devenu son beau-
pere. Quant aux Roumains, le grand conquerant prit dans leur
imagination le caractere d'un heros de pure legende. Le pauvre clerc
de Ramnic, Denis, dont it a ate question plus haut, le represente
combattant, comme les heros de l'Iliade, a la tete de ses Francais,
devenus les preux de ses aventures gigantesques. En vain un grand-
duc russe cherche-t-il a reprimer son lan, l'Empereur, par la force de
son genie, s'elance sur un canon, et it tient tete aux masses ennemies
en rugissant comme un lion". La victoire ne pouvait pas etre refusee
a celui qui la demandait aux grands moyens employes par les
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guerriers d'Homere. Il est, du reste, de la race, un Grec, un
Rhomee"...
Plus tard, la chanson populaire se lamenta sur le sort de
Napoleon BonnePart (BunaParte) qui git dans une terre
lointaine". Si des recits plus reels de ses exploits furent imprimes en
roumain, on les doit a des edituers de Pesth, ou la typographie de
l'Universite hongroise publiait des opuscules en lettres cyrilliques;
des planches grossieres accompagnent ces pages, dont le contenu est
traduit, sans doute, de l'allemand. Enfin, nous avons trouve des
journaux manuscrits, racontant au fur et a mesure les evenements qui
etaient, du reste, discutes avec vivacite entre boIars et consuls, avec
intervention du Metropolite moldave lui-meme, Benjamin Costachi.
Ce dernier etait un saint homme, qui s'attira, dans une pareille
discussion sur les bulletins de la grande armee, les epithetes de
brigand , assassin, coquin", de la part de Hammer, l'agent autrichien.
Des ecrivains frangais plus recents pretendent qu'un memoire fut
redige au nom des boIars des deux Principautes, un Demetre Ghica,
un Gregoire Brancoveanu, un Sturza, un Beldiman, pour demander au
grand Empereur la creation dans sa nouvelle Europe d'un Etat
roumain uni, destine a servir d'appui a la France en Orient".
Quoiqu'on n'ait pas encore fourni la preuve qu'un tel document,
interessant a coup sill- pour l'histoire de la politique napoleonienne,
ait jamais existe, on ne peut pas cependant se defendre du sentiment
que des assertion aussi circonstanciees et precises doivent
avoir une base reelle. Mais, si la chancellerie de Napoleon adressait a
l'occasion des lettres aimables a ceux des Grecs qui, comme
drogmans de la Porte ou comme princes dans les deux pays,
jouissaient de la protection francaise en servant les interets de
l'Empire, it ne voyait rien de moldave ou de valaque, moins encore de
roumain dans leur qualite politique. La Turquie seule le preoccupait
et les instruments grecs qu'on pouvait mettre en oeuvre pour la
dominer.
Lorsqu'en 1812 la guerre contre la Rusie eclata, le Tzar
s'empressa de negocier la paix avec le Sultan Mahmoud, clut-il meme
abandonner une partie quelconque de sa derniere conquete sur le
Danube, qu'il ne pouvait plus defendre avantageusement par les
armes. On lui demanda l'evacuation complete des Principautes, alors
qu'il etait dispose seulement a se retirer au-dela de la ligne du Sereth.
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Napoleon fit de son mieux pour empecher les deux Etats de
s'entendre. Le Sultan, sacrifi6 a Erfurth, devint son tres bon ami;
Napoleon lui promit, dans des termes emphatiques qu'il croyait
appropries aux gout litteraires de l'Orient, aide et secours. Son nouvel
ambassadeur, Andreossy, allait venir a Constantinople pour arranger
les affaires des Turcs, incapables de lever encore une armee; mais it
tarda si longtemps que la patience et la lenteur proverbiales des Turcs
en furent exasperees. On ceda donc aux offres pressantes
d'Alexandre I", qui avait charg l'amiral Tschitschagov de lui
rapporter la paix a tout prix. Le 28 mai 1812 de l'ancien style, la paix
de Bucarest reportait la frontiere entre les deux Empires du Dniester
au Pruth, et le Tzar annexait, sous le nom impropre de Bessarabie,
qui s'applique historiquement au seul territoire tatar au-dessus des
bouches du Danube, ces vastes et fecondes contrees qui forment une
bonne moitie de l'ancienne Moldavie. Ainsi fut sacrifie a la nefaste
politique des annexions arbitraires, un territoire essentiellement
roumain; et cependant, longtemps apres Waterloo meme, la race
mutilee continua de chanter le triste sort de celui qui git dans la terre
lointaine".
NOTES
1 Anna les de l'AcademieBoumaine, armee 1916.
2 Ibid.
3 Voir notre Histoire de la litterature roumaine au XVIHe sicle, tome H,
page 438; Histoire de la litterature roumaine au XLICe sicle, tome I, page 124 et suiv.
4 Hurmuzaki, tome XIV, a cette date.
5 Annales de ?Academie roumaine armee 1916.
6 Papiu, Tezaur, tome III.
7 Annales de ?Academie roumaine, comme plus haut.
8 Elias Regnault, Histoire sociale et politique des Principautes Danubiennes,
Paris 1855. On pourrait citer encore d'autres temoignages.
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CHAPITRE VIII
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Pogor, qui osa s'attaquer aux solennels alexandrins de la Henriade;
plus tard Emmanuel Draghici, dont le choix s'arreta aussi bien au
Code de commerce qu'au premier traite de cuisine inspire ar un
modele frangais 4.
Comme on le voit, les principaux representants de ce courant
destine a donner aux Roumains une culture nouvelle, italienne,
parfois allemande, mais surtout frangaise sont des Moldaves: le
programme de l'ecole de Jassy, sa frequentation assidue par le
enfants des nobles, leur desir d'apprendre les sciences a leur source
meme, l'expliquent suffisamment. En Valachie, oil les legons de
frangais commencerent beaucoup plus tard, sous le prince Caragea,
apres 1812, it fallut le zele d'un instituter de Craiova, l'autodidacte
Gregorie Plesoianu, qui se mit a rediger de petits livres de lectures
morales empruntees a la litterature frangaise, et qui publia aussi une
grammaire de cette langue.
Voila tout ce qu'on avait au moment oil une reforme complete
de la vie roumaine fut decretee et accomplie par cette loi nouvelle du
Reglement Organique, qui fut discutee pendant quelques annees
dans des comites de boiars, moldaves et valaques Conachi etait du
nombre, convoques par le president plenipotentiaire russe, general
Paul de Kisselev 5. Dans ce regime de fonctionnaires, auxquels devait
se meler la classe des boIars, conservee seulement dans ses rapports
avec les fonctions, dans cette savante organisation d'une hierarchie de
bureaux, dans ce simulacre d'Assemblees deliberantes, le &calque
des institutions francaises est manifeste 6. En 1821, la revolution
grecque, provoquee par les principes de 1789 plutot que par le
principe national, tel que nous l'entendons aujourd'hui, avait suscite
dans les Principautes, theatre de ses premiers exploits malheureux, un
mouvement populaire de paysans conduits par un petit boiar
d'origine villageoise, Theodore (Tudor) Vladimirescu, qui imita
l'organisation des Serbes pendant leur guerre de liberation. Il fut tue
au milieu de sa carriere. Mais, aussitot apres, lorsque les Turcs,
indignes contre la mauvaise foi de leurs auxiliaires grecs, eurent
abandonne l'usage de confier a des Phanariotes les trones des
Principautes, lorsque les premiers princes indigenes, un Sturdza pour
la Moldavie, un Ghica pour la Valachie, eurent repris la tradition des
gouvemements indigenes, les boIars lecteurs de journaux frangais se
muerent en carbonari et commencerent a fabriquer des chartes
constituiionnelles, dans lesquelles on confondait tons les souvenirs
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des contitutions europeennes !lees a l'epoque de la Revolution:
regime representatif, separation des pouvoirs, organisation
bureaucratique, libertes publiques, tout cela, bien entendu, a l'usage
exclusif des boIars, grands et petits. Ce travail d'une vingtaine
d'annees aboutit au Reglement Organique, constitution votee par
I'aristocratie, contresignee par Kisselev, modifiee a Saint-Petersbourg
et promulguee sans aucune observation par la Porte.
Le regime europeen" demandait la connaissance generale des
idees et des sentiments de cette Europe,qu'on pretendait imiter, pour
edifier un etat nouveau sur les ruines de l'ancien regime. La nouvelle
ecole secondaire, qui devait tendre vers un enseignement superieur,
origine des Universites de Jassy et de Bucarest, eut necessairement
des chaires de francais. Des Francais vinrent bientot, comme
professeurs publics ou comme fondateurs de pensionnats, se
consacrer a la diffusion de leur langue dans cette societe qui en etait
si avide, en 'name temps que des femmes, meme des Polonaises, des
Italiennes, des Allemandes, s'etablissaient comme directrices d'ecoles
privees, ou comme simples institutrices dans les families. J.A. Vaillant
fut le plus important et le plus zele parmi ces propagateurs de la
civilisation francaise. appele en janvier 1830 dans le pays par le grand-
boIar Georges (Iordachi) Filipescu, qui ne quitta jamais l'ancien
costume ni le coutumes de sa jeunesse vivait encore, unaniment
respects, pendant la guerre de Crimee, it etait en 1838 directeur de
l'ecole secondaire de Saint-Sabbas; sa grammaire francaise, son
dictionnaire remplacerent bietot la brochure modeste de Plesoianu7.
En Moldavie, un Maisonnabe eut plus tard la direction de
l'enseignement, le pensionnat de Cuenim, Chefneux et Bagarre,
conduit vers la fin par Victor Cuenim seul, fut frequents par les
enfants des premieres families, par les fillettes aussi bien que par les
garcons.
C'est a ces ecoles qu'on doit la premiere generation des
Roumains cultives; elle posseda d'une maniere generale cette langue
francaise qui devait non seulement leur faire connaitre la nouvelle
litterature romantique, mais encore les initier a la connaissance,
ardemment convoitee, des sciences: les premiers boursiers roumains
a l'etranger, un Jean Pandeli, mathematicien, un Euphrosyne Poteca,
theologien et philosophe, 6taient alles chercher directement cette
connaissance a Paris, et l'on a conserve les demandes naives posses
par ce dernier au professeur Arago.
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Aussitot les traductions apparaissent. En Moldavie, elks sont a
des eleves qui ne les ont pas publiees, ce travail scant considers
comme un simple exercice scolaire; la litterature frangaise en forma
les objets. Les ouvrages des ecoliers se rencontrent aussi a Bucarest,
oil un de ces jeunes gens fit imprimer la Philosophic indienne de
Chesterfield, qu'il avait connue dans une version frangaise.
Mais dans la capitale valaque l'ceuvre dificile de donner en
roumain les meilleurs produits de l'esprit francais a travers les siecles,
trouva un admirable organisateur et un des collaborateurs les plus
zees dans le directeur d'un periodique, dont it etait a la fois
l'imprimeur et l'editeur et qui devait provoquer et entretenir Pinter&
chez un public de trois cents lecteurs. C'etait Jean Eliad qui se fit
appeler plus tard aussi Radulescu; a lui revient une des premieres
places dans le aveloppement intellectuel de notre pays.
Il connut Byron par des versions frangaises et it traduisit une
partie des Meditations poetiques de Lamartine, sans pouvoir rendre
neanmoins dans les syllabes lourdes de sa version l'enivrante fluidite
de l'original. Il donna plus tard aussi un recueil de nouvelles
romantiques. Autour de lui s'assemblerent des bolars, qui n'etaient
pas toujours tres jeunes. Jean Vacarescu publia une traduction en
vers du Britannicus de Racine; d'autres, simples dilettantes,
presenterent a un public encore insuffisamment prepare, mais d'une
intelligence tres vive et d'une puissance d'adaptation tout a fait
remarquable, une partie des comedies de Moliere l'Amphytrion
avait etc traduit par Eliad lui-meme et d'autres pieces, plus faciles,
qui etaient necessaires au theatre nouvellement fonds par une
association de nobles, la Societe philarmonique". L' Atala et le
Rene de Chateaubriand parurent a la meme poque en roumain. Une
Ghica, la mere de Dora d'Istria, traduisit une partie du livre de Mme
Campan sur l'education, plus tard Negulici et d'autres y ajouterent la
traduction d'ouvrages semblables qu'avaient publics Mme de Geniis et
Aims Martin. Toute une bibliotheque fut form& ainsi en moins de
dix ans.
La meilleure traduction d'un ouvrages frangais parut cependant
en Moldavie, oil Constantin Negruzzi, dont les nouvelles, tres
soignees comme style, ressemblent aux recits de Prosper Merimee,
trouva le moyen de reproduire l'envolee de Victor Hugo dans ses
Odes et Ballades.
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Restait cependant a realiser une oeuvre, beaucoup plus difficile,
celle de creer une litterature roumaine originale ayant comme source
d'inspiration, et non comme modele d'imitation servile, cette
litterature romantique de la France nouvelle. Elle pouvait prendre ses
sujets dans la vie nationale elle-meme, dans le charme mysterieux des
anciennes ballades, dans les terreurs des contes de revenants, dans le
souvenir des glorieux combats 'lyres par les ancetres pour defendre
contre l'envahisseur cette terre roumaine mille fois trempee du sang
de ses martyrs, dans les esperances du moment et dans l'elan vengeur
d'une societe indignee contre les abus et l'oppression. Le premier qui
s'y essaya et qui reussit fut un eleve de Vaillant, Gregoire
Alexandrescu, qui, moins heureux qu'Eliad, ne devait jamais voir la
France, apres s'etre penetre de son esprit. Ne dans une pauvre famille
de Targoviste et abrite pendant quelque temps dans la maison d'un
Ghica, plus tard enfin officier de cette armee dont Car lova avait ete
le premier poete aux larges reveries guerrieres, tout empreintes des
reminiscences de l'histoire, it fut, en meme temps, le createur de la
fable roumaine aux tendances politiques, vibrante d'actualite,
cinglante d'ironie, et l'evocateur heureux des grandes figures
herdiques qui surgissent impressionnantes a son appel. Plus tard
seulement les chansons populaires seront recueillies par un
Alexandre Rousso, eleve de ecoles francaises de la Suisse, et par cet
etudiant revenu de Paris qu'etait a ses debuts le. grand poete Basile
Alexandri.
L'influence francaise dominait des ce moment meme la
litterature roumaine de la renaissance nationale.
NOTES
1 Sa femme etait bien connue par son luxe sous le regime du Reglement
Organique.
2 Hurmuzaki, tome X, Appendice.
3 Hurmuzaki, tome X.
4 Madame Cottin trouva un traducteur dans Conachi lui-meme.
5 Le Reglement parut aussi en francais, de meme que, plus tard, le Code civil
de Moldavie. Comme secretaire de la commission fonctionna un Francais, nomme
Coulin.
6 D'autant plus que, meme apres 1821, le francais avait continue d'tre
enseigne, avec le professeur transylvain Erdeli, a l'ecole nationale.
7 Voy. aussi Gr. B. Ganesco, De la Valachie, p. 103 et suiv.
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CHAPITRE IX
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francais, son Histoire des Roumains, parue a Berlin en 1834, et les
tendances de son activite politique ne sont pas certainement
prussiennes, filt-ce meme dans le sens superieur de Ranke, un de ses
maitres. Eleve entierement a la francaise, et a Paris meme, Basile
Alexandri, fils d'un tres riche boIar de creation plus recente, s'y forma
vers 1840 dans une atmosphere tout a fait romantique et, de retour
dans son pays, it broya toutes les couleurs de la fantaisie legendaire et
historique pour donner dans ses premiers recueils de poesie, sous des
noms roumains, avec les souvenirs et les usages moldaves, une edition
nouvelle, presque flamboyante, du romantisme, aussi bien d'apres
Lammartine, dans ses Lamentations, que d'apres Hugo, dans ses
Odes et Ballades. Avec Rousso, dj mentions, et d'autres d'une
moindre valeur, Jassy eut aussi sa pleiade de poetes aux longues
boucles et aux cravates provocantes pour le philistin. Ici, le philistin
etait le vieux boYar a pelisse et a bonnet de peau de mouton, plus
respectable que ne le croyaient ces mauvais garnements qui devaient
etre pourtant un jour la glorie litteraire de leur pays et compter parmi
ses chefs politiques les plus populaires. La Dacie litteraire de
Kogalniceanu, qui tendait surtout h realiser l'union morale, condition
necessaire de la reunion politique des pays roumains, puis la Feuille
scienti. ague et litteraire de Ghica, de Kogalniceanu et d'Alexandri et
enfin la Roumanie litteraire de ce dernier furent les organes de cette
jeunesse. Sous sa conduite et grace au repertoire de comedies de
mceurs baties h la diable d'apres les mod'eles francais, le theatre
national de Jassy, tres frequents, devint la principale scene du pays.
Ajoutons que ce meme theatre, sous la direction d'un Francais,
donnait pour une autre partie de la saison des representations
francaises avec des artistes importes de France.
Dans ces conditions, la vie sociale elle-meme devait prendre
pour les classes riches et cultivees un aspect plutot francais. Dj vers
1830 Faca, jeune boIar valaque, avait bafoue dans ses Francisees le
ridicule des nobles dames qui se croyaient obligees d'exhiber des
modes venues soi-disant de Paris et a entremeIer leur conversation de
mots francais ,plus ou moms estropies. Plus tard Alexandri lui-meme
representa, dans sa Cocoana Chiritza (Mme Kiritza), la femme du
fonctionnaire de province qui, dans un jargon bariole, se targue de ses
rnanieres, de ses idees et de ses voyages, et entend faire dans ce meme
sens reducation de son enfant, le jeune Gulita. La critique venait
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aussi de la part des strangers qui ne se bornaient pas h admirer la
puissance d'assimilation de ces bons Valaques; et le precepteur suisse
Koh ly de Guggsberg recommandait une education moins servile, plus
penetree du sens des realites et plus utile aux besoins du pays.
Pendant ce temps, la France elle-meme n'accordait aucun inter&
au peuple qui avait inspire h l'abbe d'Hauterive des pages tout
etincelantes d'originalite et d'esprit. On pourrait objecter qu'elle
s'etait repliee sur elle-meme pour se refaire apres ses malheurs. Mais
la faute en etait d'abord a ses representants dans les Principautes, les
consuls. Les premiers consuls de France ne furent etablis, h Bucarest
et. a Jassy, qu'apres les succes de la Revolution francaise, car la
royaute avait refuse jusqu'au bout de nommer des agents dans les
Principautes, malgre les avantages evidents qu'elles offraient au
commerce, ces pays ayant un surplus de matieres premieres et la
France pouvant envoyer vers le Danube des tissus de soie, des galons
et d'autres fabrications de luxe. Les candidats qui s'offrirent au
gouvernement de la Republique avaient des recommandations peu
serieuses, comme ce Constantin Stamaty dont it ete question plus
haut. Emile Gaudin, qui joua ensuite un role pendant le Directoire,
fut plus heureux. Mais ni lui, ni ses successeurs n'etaient des
personnalites assez distinguees pour recommander la France dans le
pays.
En outre ils n'avaient pas du tout la mission de s'interesser aux
conditions politiques dans lesquelles vivaient la Moldavie et la
Valachie, de chercher a connaitre les besoins et les vceux de ces
provinces. Simples fonctionnaires, sans connaissances speciales et
d'une intelligence mediocre, ils se bornaient a defendre contre une
administration souvent abusive leurs Juifs frangais", nes en Galicie
ou dans le Levant, et a faire dans leurs rapports le journal des
evenements, grand ou petits, qui se passaient sous leurs yeux.
Quelquefois ces rapports gagnaient un inter& particulier par des
querelles de preseance ou d'autre nature, que ces representants, dont
le caractere s'etait abaisse apres la chute de Napoleon, avaient avec
les agents du pouvoir.
Il en fut ainsi jusqu'a l'avenement. de Louis-Philippe. A ce
moment, en 1830, des changements importants intervinrent dans les
relations de la France avec les pays de la rive gauche du Danube.
D'un cots, le traits d'Andrinople (1829) avait permis la libre
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exportation des grains roumains vers l'Occident; les ports de Galatz
et de Braila, delivres de leur garnison turque, prirent bientot un grand
essor. Des vaisseaux grecs et autrichiens s'y rencontraient avec ceux
qui portaient les pavilions de la Sardaigne, de 1'Angeleterre et de la
France. Les ports du royaume y envoyaient dj en 1830 quelques
embarcations.
De l'autre cote, la France, relevee de ses mines par le regime
pacifique de ces Bourbons de la branche gnee qu'on venait de
renverser, commencait a manifester un nouvel inter& pour les grands
problemes politiques de 1'Europe, dont faisaient partie les affaires
d'Orient. Elle devait aller si loin dans la protection accord& a
Mehemed-Ali, vice-roi d'Egypte, qu'une guerre generale fut sur le
point d'eclater, guerre dans laquelle le parti de la bourgeoisie nourrie
des souvenirs de la Revolution voyait la revanche necessaire des
anciennes defaites. Or, un gouvernement qui se mettait en peine, et
d'une maniere si serieuse, pour 1'Egypte, devait etendre bientot son
inter& a la situation de la Turquie entiere; dans cette situation, l'essor
national. des Principautes formait un element de troubles qu'on ne
pouvait pas ignorer.
Deja. en 1832 Bois-le-Comte, plus tard ambassadeur en Suisse,
fut charg d'une mission en Orient, qui comportait aussi l'etude de la
situation politique dans les Principautes. Il employa trois ans a
recueillir ses renseignements. Il assure, fait d'un haut interet, que le
veep. le plus chaleureux des boiars eclaires et patriotes est l'union des
deux pays roumains sous un prince d'origine etrangere, qui ne lilt ni
autrichien, ni russe. Peut-titre pensait-il a un des fils de Louis-
Philippe, bien que rien de positif ne vienne a l'appui de cette
hypothese, conforme neanmoins a la politique de famille poursuivie
avec perseverance par le roi des Francais.
Telles etaient les circonstances au moment op., en 1839, les
fonctions de consul general creees en 1834, furent confiees, apres la
retraite de l'honnete Cochelet, a un personnage 1 ambitieux et
entreprenant, plein de confiance dans ses vues et dans ses talents,
assez hardi pour cOmbattre quiconque aurait voulu contrecarrer son
action, Adolphe Billecocq, ancien agent en Suede et secretaire
d'ambassade a Constantinople. Dans cette societe quine pouvait plus
tolerer les abus de la Turquie, impuissante a la defendre, et qui
redoutait les intentions de la Russie, dans ce monde faconne, depuis
une generation a la frangaise, it voulut etre le confident de toutes les
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aspirations, le conseiller de toutes les incertitudes, l'appui de tous les
efforts vers un avenir de liberte et de nationalite.
Malgre les defauts de son temperament, que Page devait
e.xasperer jusqu'aux fureurs les plus ridicules, it arriva un moment oil
it le fut. Il aimait le pays, oil it avait pense meme a se marier2; it en
parlait la langue et it avait entretenu les relations les plus etroites avec
tous ceux qui y jouerent un role. Naturellement d6sireux d'etendre
l'influence de sa nation, it ne voyait encore dans la Russie que la
Puissance protectrice ayant des droits dont elle devait se prevaloir
pour mettre fin aux exactions et aux abus. S'il fait semblant seulement
de contester, dans un ecrit redige en 1847, que le Tzar ait eu,
l'epoque ou fut redige le Reglement Organique, l'intention d'annexer
les Principautes, auxquelles it entendait donner, avec le concours des
meilleurs parmi les boIars, une vraie Constitution dans le sens
occidental du mot, s'il ecrit ces lignes. simples et claires: Aucune
Puissance, dans des circonstances analogues, n'a donne un si noble
exemple de generosite que celui offert par l'Empereur Nicolas,
pendant la guerre de Turquie, dans ses larges et bienfaisants desseins
en faveur des Principautes 3 et de leur avenir"; s'il loue les nobles
sentiments de cet illustre monarque" et la generosite de son
caractere"; si Kisselev est pour lui un legislateur, un organisateur a
larges tendances et, en meme temps, un administrateur econome,
actif, poli et bienveillant", qui partit entoure de benedictions apres
avoir accompli son oeuvre bienfaisante, it estime en realite que les
choses ont marche mal sous une telle legislation politique appropriee,
it est vrai, pense-t-il, aux conditions speciales du pays. La faute en est,
d'apres lui, aux princes indigenes. Alexandre Ghica, bien intentionne,
montre de l'indecision et de la faiblesse. L'Assemblee, qui s'eleve
contre l'influence russe jugee trop absorbante, manque d'intelligence,
de gratitude et de mesure. La Russie, en tout cas, a la responsabilite
d'avoir donne comme successeurs au comte Kisselev des hommes
nerveux et autoritaires, qui n'avaient pas le sens de la situation.
L'opposition systematique faite au prince par Georges Bibesco et
l'attitude peu amicale du nouveau consul russe, Dachkov, trouvent
seules la desapprobation de Billecocq, qui reconnaIt lui-meme avoir
ete considers comme le principal, le seul conseiller du Hospodar. La
chute de Ghica lui paraissait un evenement facheux, et Pelection de
Bibesco, a laquelle it assista aux cotes du consul de Russie, un vrai
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malheur pour la pays, dont il devait annuler, par ses actes, la
constitution'. Il n'aimait pas plus la jeunesse qui faisait ses etudes en
Occident et dans laquelle it ne pouvait se decider a voir autre chose
qu'une joyeuse bande qui fait son tour d'Europe pour gagner les
eperons de dandy et de lion, et nullement pour s'instruire
serieusement"; quant aux intelectuels, ils n'etaient.pour lui qu' un
essaim. de soi-disant lettres intelligents, puerils et vains", qui
s'amusaient a pourchasser les caracteres cyrilliques, 4 detester les
strangers, a parler de l'origine romaine et des exploits de Michel-le-
Brave et a raver d'independance. Le peuple roumain lui-meme n'est,
4 son avis, qu'un de ces peuples morts a touts idee d'ordre et de
legalite, croupissant dans la misere de la plus grossiere ignorance et
sensibles a l'unique aiguillon de la force brutale". Les relations du
consul de France avec le prince au type bohemien" devinrent si
tendues que ce dernier s'en plaignit a Guizot, alors ministre des
Affaires Etrangeres. Billecocq fut remplace en fevrier 1846. Il fut
question un moment de lui donner pour successeur Ferdinand de
Lesseps, qui refusa; on se decida enfin pour Dore de Nion5.
Aussitot Billecocq se mit a rediger un factum d'une saveur tres
amere contre le prince dont il avait ate l'adversaire et auquel it
attribuait avec raison sa destitution. Deja Bibesco lui-meme s'etait
adresse a l'opinion publique, de France et d'ailleurs, en faisant rediger
par un confident, le docteur Piccolo, ancien censeur imperial russe
Bucarest6, un ecrit intitule Paul Kisselev et les Principautes de Mo ldavie
et de Valachie, par un habitant de Valachie, et plus tard il fit
imprimer un autre pamphlet, assez venimeux, De la situation de la
Valachie sous l'administration d'Alexandre Ghica (Bruxelles 1842). le
factum de l'ancien consul, qui signait seulement par ses initiales, B. A.***,
comprend les idees ci-dessus exposees et il finit par un appel
chaleureux a l'intervention du ministere de Saint-Petersbourg, qui
poursuit on Orient une pensee civilisatrice".7.
Billecocq ne s'arreta pas 14 dans son oeuvre de rancune.
Exaspere par la fin de non-recevoir opposee a ses memoires par ceux
auxquels it s'etait adresse pour obtenir satisfaction contre la mesure
qui l'avait depouille de son poste, il arriva a se croire persecute par
tout le monde; il entreprit alors de raconter ses souffrances, reelles et
imaginaires, dans deux gros volumes, pleins de lettres et d'autres
pieces, qu'il intitilla Le nostre prigioni. Cette fois il se donnait comme
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le plus grand ennemi de la politique russe en Orient et du protectorat;
11 attribuait son remplacement a l'influence du Tzar qui, par le moyen
de la princesse de Lieven, avait pese sur la resolution de Guizot.
Leverrier qualifiait cet immense factum de questions de personnes
terriblement insipides par le temps qui court".
Mais ce consul acariatre et rancunier, qui representait
evidemment les interets de la famine rivale des Ghica, n'etait pas
l'homme qu'il fallait pour etablir entre les siens et les Roumains,
auxquels it reconnaissait cependent le role d' avoir forme autrefois,
avec les Polonais et les Hongrois, cette muraille d'airain qui preserve
1'Occident de l'invasion mongole ou turque", cette liaison etroite qui
aurait donne aux Principautes une garantie solide de leur avenir et a
la France le seul allie fidele et permanent qu'elle pouvait avoir en
Orient, oh elle entendait reprendre desormais le grand role qu'elle y
avait joue depuis Francois I". Au lieu de representer cette litterature,
cette vie francaise qui s'etaient acquise une situation preponderente,
grace seulement a l'instinctif attachement des boIars du )CVIIIe sicle
et a l'introduction de la langue francaise dans le programme des
ecoles phanariotes, it se melait aux intrigues des boiars acharnes a se
combattre pour pouvoir se remplacer dans les hautes dignites et sur
ce siege de vassalite qui avait toutes les apparences d'un trone sans en
avoir les plus hautes et les plus dignes prerogatives 8.
La colonie francaise ne pouvait pas malheureusement faire par
elle-meme ce qui devait etre inaugure et poursuivi par l'initiative et
l'activite de son chef, le consul. Il y avait bien, parmi les soixante
personnes qui la composaient, des hommes vraiment honnetes et
utiles au pays, comme ce docteur Tavernier, qui rendit de si grands
services dans sa lutte contre le cholera en 1831, et qui devait etre male
bientot dans une intrigue politique qui finit par le detruire. Mais la
plupart etaient attires uniquement, d'apres le temoignage de
Billecocq lui-meme, par l'extreme modicite de la vie materielle" a
Bucarest et dans le pays entier, qui devenait par cet avantage une
sorte d'Eldorado a un tas de gens perdus de misere et d'ignominie".
Au moment oh les Francais dj mentionnes donnaient une
education saine et solide a la jeunesse moldave, oh la comtesse de
Grandpre, veuve d'un capitaine de vaisseau, fondait une bonne ecole
de jeunes filles a Jassy, oh l'ingenieur Condemnie commencait une
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grande exploitation de forets sur les terres du boIar Stirbey, ou enfin
l'aide-de-camp des princes Ghica et Bibesco etait un vicomte de
Grammont, de traditions legitimistes et auteur d'un ecrit destine a
defendre ses protecteurs, it y eut des domestiques et cuisiniers
francais", des pretres defroques, des comediens et des ouvriers, des
polytechniciens detraques et criminels, qui s'abattaient comme
instituteurs" sur ce sol nourricier, ou personne n'est mort de faim"9.
Un faussaire, condamne comme tel, le comte Abrial, se cachait a
Jassy sous le beau nom de M. de Saint Andre, et un M. de La
Maisonfort, qui se disait lieutenant-general du roi de Lahore", joua
de son prestige en Orient avant de l'effrayer par ses crimes'.
Dans cette petite societe, ou it y avait tant de transfuges et de
naufrages, le seul dont l'activite litteraire put servir a rapprocher la
France lointaine et ce pays latin du Danube, etait Vaillant. Il commit la
grave erreur de se laisser conquerir, sinon par la meprisable politique
des partis de famine et de clique qui dechirait les deux Principautes,
mais surtout la Valachie, au moins par, ces sourdes agitations
nationales qui troublaient les provinces chretiennes du Sultan
preparant un avenir de liberte aux Grecs et aux Slaves. Les
agissements des Bulgares a Braila, ou ils provoquerent un vrai
mouvement insurrectionnel destine a leur fournir les moyens
d'envahir la Dobrogea turque, les ambitions demesurees du vieux
cneze serbe exile a Bucarest, Miloch Obrenovitch, les tendances
conspiratrices de tel boIar remuant comme Michel Filipescu ou de
quelques ecrivains en mal de jouer un role politique, comme Eliad,
finirent par le compromettre. Il dut quitter la Valachie, obi it avait
vecu et travaille lui et sa femme, directrice d'un etablissement
d'education pour les jeunes filles, pendant de longues annees.11
chercha vainement par trois fois a se faire pardonner sa faute en
reparaissant a Bucarest 11. En 1844, definitivement retire a Paris, it y
publia un ecrit d'une grande importance pour populariser la cause
roumaine: La Roumanie:
Il n'entendait pas y donner seulement une description de la
principaute valaque, un rsum de son histoire, des notes
d'ethnographie et de folkore, plus quelques anecdotes courantes,
selon la recette, a tres bon marche, de tous les touristes litteraires,
mais bien renseigner le public francais sur la vie entiere de cette
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nation roumaine unitaire, dont la Valachie formait seulement un des
territoires politiques. Il s'occupe aussi des Moldaves et, pour la
premiere fois, des Roumains de Transylvanie, gull nomme, d'apres
le terme national servant a designer ce pays d'esclavage, l'Ardeal,
d'ctl Ardialiens (en roumain: Ardeleni). Il fut en outre le premier a
lancer ce nom de Romanie, correspondant a notre Romania, pour
designer toutes les regions dont les habitants s'appellent Roumains
(Romani) et nomment roumaine leur langue. La nouvelle ecole
litteraire de Kogalniceanu, d'Alexandri, la generation enthousiaste
des romantiques, revant de cette grande patrie libre qui n'avait pas
encore ete fondee, adopta cette denomination, qui, du reste, etait
dj employee officiellement pour la principaute de Valachie
(Romania au lieu de Tara-Romaneasca, Terra Romanica, l'ancienne
denomination historique); mais les Francais, qui ne tenaient pas
autant que ce bon Vaillant h rappeler l'origine romaine, latine, de la
nation, en firent ce nom batard de Roumanie (base peut-etre
cependant sur la prongnciation populaire: Ruman, rumfinesc) qui
resta.
Il faut retenir ces deux faits: le premier ecrivain &ranger qui
s'occupa de notre nation entiere, reconnaissant son caractere unitaire
et parfaitement uniforme, fut ce professeur de frangais a l'ecole
nationale de Saint-Sabbas", qui s'institulait aussi, avec orgueil,
fondateur du college interne de Bucuresci (sic) et professeur a
l'ecole gratuite des fines"; en second lieu, c'est lui qui risqua le
premier ce nom de Roumanie qui devait avoir un avenir, celui d'hier,
et en aura certainement un autre, plus grand encore, mais tout aussi
legitime, celui de demain.
La Romanie est composee de trois volumes assez amples; elle
contient l'histoire ancienne et l'histoire moderne de la Dade, des
Romains de la Dacie", la description pittoresque, parfaitement
ressemblante, du territoire, et des considerations sur la langue; une
mention speciale doit etre faite de la partie qui concerne ces
Ardialiens", ces Roumains de Transylvanie, dont le sort &ail alors
un sujet de reflexions melancoliques pour les poetes et les penseurs,
avant de devenir une des principales preoccupations des diplomates.
Vaillant admet resolument la continuite de l'element roumain
dans la Dacie, malgre l'evacuation purement administrative e.t
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militaire accomplie par ordre de l'empereur Ault lien, vers 270. Il
apporte meme en sa faveur des arguments nouveaux et qui n'ont pas
ate remarques. Nous avons perdu", dit-il a ses co-nationaux, le
Canada, la Louisiane etc. mais la majeure partie de nos colons y son
encore. Pourquoi donc, parce que les temps sont loin, vouloir qu'il en
flit autrement aujourd'hui? Le sentiment de la propriete n'etait pas
moths fort chez les colons d'un peuple conquerant que chez ceux des
nations commergantes de notre poque". Il releve ce fait que les
colons fixes par Trajan dans la Dacie etaient des citoyens qui,
victimes de la grande propriete et n'ayant plus depuis long temps
dans leur mere patrie d'autre etat que la misere, accouraient dans
cette contree comme dans un Eldorado": it aurait donc ate bien
difficile de les enveler a ce sol qui eut bientot fait de les enrichir. Une
argumentation tout aussi saine lui avait fait comprendre que ces
bourgeois, ces colons, ces soldats retraites a qui le don d'une modeste
propriete payait les efforts d'une vie entiere, ne pouvaient pas
devenir tout a coup ces nomades", ces pauvres patres errants dans
lesquels le slavisant Miklosich, voyait, it y a quelques dizaines
d'annees encore, la nation roumaine tout entiere.
Un phenomene d'histoire est ici invoque tres a propos. Pendant
les guerres livrees au XVIIIe et au XIXe siecles sur ce territoire entre
les Turcs, d'un cote, les Russes et les Autrichiens, de l'autre, les
boiCars, les nobles, les marchands, les fonctionnaires, voire meme le
prince, se retierent, de la Valachie et de Moldavie, en Transylvanie;
mais, ajoute Vaillant, le proletaire les a-t-il suivis? Non, pas un seul"
et it appuie d'une critique seree sa these, qui fait de ces Roumains de
Transylvanie les descendants directs it pretend meme leur conserver
la purete du sang des anciens colons venus d'Italie.
Lorsque, apres les grandes migrations, les groupes de la
population roumaine prirent un aspect definitif, chacun sur sa base
geographique propre, Vaillant s'evertue a chercher dans la
terminologie mythologique le nom de l'Ardeal; ce nom, certainement
emprunte aux Magyars, qui nommaient ainsi la province conquise par
leur roi au-dela des forets entre 1000 et 1100, it le derive de Jupiter
lui-meme. Pour l'infiltration politique des Hongrois, it prate foi a
cranciens chants de guerre, cousus bout a bout et naIvement
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interpretes par un compilateur magyar, notaire du roi Bela, qui vivait
dans la seconde moitie du XIIIe siecle. Mais it n'admet guere la
tendance de cette legende transform& tant bien que mal en
chronique; il observe que la race magyare, fameuse par sa cruaute
sans exemple Liudprand, l'eveque de Cremone contemporain de
!'invasion, l'atteste aussi dans son Antapadosis, est represent& par
le notaire comme sage et douce", selon les conceptions, tardivement
et grossierement adoptees, de la religion chretienne. Mais, tout de
meme, l'esclavage politique des Roumains de Transylvanie a
commence.
Comme tous les historiens jusqu'aux derniers temps, Vaillant
admet que la premiere principaute roumaine, la Valachie, fut fond&
par des refugies de Transylvanie chasses par le proselytisme violent
des rois catholique de Hongrie, ennemis de Ia religion d'Orient. On
sait aujourd'hui a quoi it faut s'en tenir: la Valachie fut creee par la
reunion de differents cercles autonomes, administres par des juges et
des Voevodes; loin d'avoir commence sur le versant transylvain des
Carpathes, elle arriva bientot a reunir a sa nouvelle couronne des fiefs
situes dans le Sud transylvain, les duches de Fogaras et d'Almas, qui
durent leur existence aux interets politiques des Angevins de Hongrie
dans la seconde moitie du XIVe siecle.
Apres la fondation des Principautes, Vaillant ne reviendra plus
sur le sort de ces Roumains de Transylvanie; it aurait du a tout le
moins y signaler !'existence et !'importance des deux classes
principales: !'aristocratie, de confession catholique comme celle des
maitres, mais gardant pendant des siecles sa langue et ses coutumes,
et le clerge, auquel les princes roumains du voisinage donnerent des
chefs religieux, des eveques, residant dans leur fiefs, apanages et
chteaux de Transylvanie; it aurait pu presenter Ia longue lutte
sociale, et instinctivement nationale aussi, qu'ils soutinrent pour
.s'affranchir des abus et de !'oppression. L'auteur de la Romanie
connait seulement le grand mouvement de 1437 qui, apres la (Waite
des paysans, amena la conclusion d'une ligue entre les privilegies, qui
s'unirent pour combattre les manifestations eventuelles du
mecontentement de cette plebe en grande partie roumaine. II parle
cependant largement du grand role joue dans l'histoire de la Hongrie
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et de la chretiente entiere par Jean de Hunyadi, qui etait Valaque par
son pere aussi bien que par sa mere et qui, dans ses efforts reiteres a
l'epoque de la conquete turque a Constantinople, s'appuya sur
l'organisation des deux principautes roumaines libres de Moldavie et
de Valachie. On s'etonnera peut-etre", dit-il ailleurs, en
reconnaissant un Roman dans Jean Corvin, ce preux des preux, cette
colonne inebranlable de la chretiente." II croit 'name que ce regent de
Hongrie, pere du roi Mathias, etait ne en Valaquie, au Banat de
Craiova". II n'oublie pas de dire que Nicolas Olah, le grand
archeveque de Gran et le principal representant de l'esprit de la
Renaissance en Hongrie, etait Roumain, et it cite les termes d'un
diplome solennel qui reconnait sa nationalite.
La conquete d'une grande partie de la Transylvanie par Pierre
Rares, prince de Moldavie a partir de 1529, trouve sa place dans le
recit. 11 croit meme que, en 1538, Rares sur le point d'tre attaque par
le Sultan espera l'investiture de la principaute de Transylvanie de la
part de Soliman-le-Magnifique". En meme temps, it signale les
premieres publications roumaines parues en Transylvanie, apres
1560, sous l'impulssion de la Reforme religieuse.
Arrivant au grand prince valaque Michel-le-Brave, Vaillant
interprete a sa juste valeur le traits qui fut impose, en 1595,- a ce
prince et a son voisin de Moldavie par le prince magyar de
Transylvanie, Sigismond Bathory qui esperait, dans son infatuation,
pouvoir maintenir ces deux pays dans sa dependance. La conquete de
la Transylvanie par Michel sur Andre, cousin et successeur de
Sigismond, est racontee de la meme maniere que dans l'ouvrage
roumain de Nicolas Balcesco dont Vaillant fut un des proffeseurs. II
souffrait", dit-il, de voir ses freres traites en serfs par les conquerants
magyars et les strangers saxons." Maitre des trois principalites,
Michel avait assez de ce genie civilisateur qui sait conserver les
conquetes, pour constituer en royaume toute l'ancienne Dacie".
Lorsque la trahison des nobles hongrois de Transylvanie et les
intrigues de la Cour de Vienne lui font perdre sa conquete, lorsque,
reconcilie avec Rudolphe II et vainquer de Sigismond, rappels par les
siens, it est traitreusement tue par son camarade, Georges Basta,
general aux gages de l'Empereur, Vaillant consacre les lignes
suivantes a la memoire du heros valaque, dont, a l'heure actuelle plus
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que jamais, le fantome sanglant hante nos reves d'avenir: Ainsi perit
a quarante-trois ans, victime d'un lache assassinat, ce grand homme,
qui n'a d'egal parmi ses concitoyens que Jean Corvin et Etienne-le-
Grand, qui l'emporta sur le premier par le grandeur de ses vues et le
patriotisme de son ambition. Les Ardialiens l'appelent encore leur roi
Michel et l' Alexandre-le-Grand. Il avait rendu de trop grands services
a l'Empereur pour ne pas etre paye d'ingratitude... Michel eut a peine
un regret." Et it empreunte ces paroles a Pecrivain saxon Engel, qui
redigeait son histoire au commencement du XIXe siecle: Jetons des
lauriers sur la tombe de ce grand homme, car lui aussi a aide a
garantir l'Europe de la barbarie des Turcs. Que l'histoire conserve sa
memoire! Qu'elle dise au monde ce qu'il sut faire de grand avec de si
faibles moyens... Qu'elle fasse pressentir a l'Europe ce qu'elle peut
attendre du peuple qu'il comandait"!
Arrivant ensuite aux deux grandes victoires qui, en 1603 et 1611,
livrerent la Transylvanie a Radu Serban, succeseur de Michel, it croft
que, sans une nouvelle trahison des Imperiaux, ce prince eta pu
profiter de cette victoire qui faisait trembler la race dominante, afin
de reveiller chez la race conquise le sentiment de la liberte et
l'appeler a l'union..., d'autant plus facilement que les Romans etaient,
alors comme aujourd'hui, les plus nombreaux dans cette province".
Pour le XVIIIe siecle, sont mentionnees comme en passant la
conquete de la Transylvanie par la Maison d'Autriche, et l'union des
Roumains avec la confession catholique de l'Empereur. Celui-ci leur
avait promis formellement le maintien de leurs droits nationaux;
mais, ils n'en beneficierent jamais, ayant ete leurres et exploites
jusqu'aujourd'hui a chaque tournant de la politique autrichienne en
Orient.
Vaillant attribue a la litterature roumaine de Transylvanie, fiere
de l'origine romaine de la nation, le nouvel essor enthousiaste qui
saisit les Roumains au XIXe siecle. Il rappelle le role joue dans la
tentative faite pour reformer l'enseignement roumain par ce
vertueux patriote d'Ardiale, M. Nicorescu" (1833). Ce dernier
s'appelait de son vrai nom Mc:Ilse Nicoara; originaire du Banat, it fut,
avec Paul Iorgovici, qui visita le Paris de la Revolution, un des rares
representants de l'influence francaise outre-monts. Pour montrer la
situation des Roumains transylvains, Vaillant cite ces lignes du grand
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publiciste Georges Baritz: II est un fait, c'est que la plupart des
Romans d'Ardialie ne sont que des colons soumis a la noblesse; mais
it en est un autre, c'est que les Romans y sont au nombre de 1 200 000
(aujourd'hui plus de 4 000 000), tandis que toutes les autres
populations ensemble, Hongrois, Szeklers, Saxons, Allemands, y sont
a peine 900 000. Qu'est-il donc d'etonnant que le servage pese de
preference sur les plus nombreux? N'en est-il pas ainsi parmi les
Magyars? Que sont ces nombreux villages de serfs prives, comme les
Romans, de droit politiques, obliges, comme eux, de travailler cent
quatre jours et plus par an au sillon des proprietaires? Que l'on
cherche dans la patrie de long en large et que l'on me dise si ce n'est
pas a la presse romane de defendre les serfs et leurs droits d'homme,
puisqu'ils n'en ont pas d'autres, non plus que les Romans... II serait
superflu de fouiller l'histoire et de lire les archives de la noblesse; tout
le monde sait que l'elite de la noblesse d'Ardialie, pour avoir change
de nom et de costume, n'est pas moins d'origine romane et que les
persecutions religieuses sont la seule cause qui lui ont fait abjurer sa
foi, oublier sa nationalite et renier son nom pour celui de Magyar.
Vajda-Hunyad, Fogaras, le Zarand, Koevaf, le comte de Torda sont
peuples de families nobles romanes qui ne parlent d'autre langue et
ne reconnaissent d'autre nationalite que celles que leur ont leguees
lend Ores."
II faut lire aussi les pages ou Vaillant raconte son voyage a
travers les deux Principautes; it y fait parler un patre de Transylvanie,
qui se plaint de la situation des siens, tout en ayant foi dans un
meilleur avenir. Eh bien! frere", lui demande notre ecrivain:
puisque to es Roman, ne verrais-tu pas' avec plaisir la reunion des
trois Principautes?"
A la fin de ses etudes, dont le detail a tres souvent une forte
saveur de naivete, it constate l'etat d'esprit des Roumains en 1840
dans ces termes qui paraissent &tits d'hier: Les Romans de la Dacie
tendent a l'union; les hommes d'etude et d'inspiration n'ont la d'autre
but que de reunir leurs concitoyens par le souvenir d'une lame
origine et leur espoir de rattacher a l'aide du temps les diverses
provinces qui constituaient jadis la Dacie trajane. II y a en ceci une
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haute pens& de patriotisme, qui meritera sans doute l'approbation
de tous les coeurs genereux."
Peu de temps apres l'apparition du livre de Vaillant, en 1846, un
Roumain de Transylvanie, Auguste Trebonius Laurian (ou Lauriani),
donnait un Coup d'oeil sur l'histoire des Roumains, oeuvre tres exacte
et utile, mais qui fut malheureusement trop peu repandue. Vers cette
poque on lisait a Paris, avec Pinter& que devait inspirer toute action
romanesque situee dans un pays loitain, un roman de la comtesse
Dash, Michel le Moldave. Il est question dans ce recit d'un Michel
Cantemir imaginaire, qui revenait de France, avec un ami frangais,
pour reunir les membres du parti de l'independance roumaine et
devenir, contre les Turcs aussi bien que contre les Polonais
envahisseurs, roi de la Dacie unifiee. La comtesse avait pass quelque
temps en Moldavie, ou elle adopta l'orthodoxie pour devenir la
femme de Gregoire Sturdza, fils du prince regnant; puis les epoux se
separerent; la jeune femme dut abandonner le pays, ou elle essaya
cependant de revenir. Sur ses vieux jours, Mme Dash aimait encore a
se parer de la belle pelisse moldave que lui avait donnee son ancien
mari.
Des dessinateurs francais traverserent a cette epoque les pays du
Danube. Raffet accompagna le voyageur russe Demidoff; son crayon,
habile a saisir les caracteres distinctifis des vieux soldats de Napoleon,
s'arreta avec complaisance a esquisser les caravanes de paysans
roumains traversant les plaines de Bessarabie, les pittoresque types
des deux Principautes, les vastes plaines survolees de cigognes, les
villes moldaves et valaques, ressortant avec leurs nombreux petits .
clochers des vergers et des jardins, les danses naives du peuple au
milieu des foires bondees de foule, et jusqu'aux soldats de la nouvelle
armee. Dans d'autres circonstances, que nous ne connaissons pas,
Michel Bouquets_ futur garde de la galerie du Louvre pendant la
revolution de 1848, saisit les memes caracteres de la nature et de la
population roumaine, et it nous a laisse dans ses cahiers des
documents d'une haute importance concemant les monuments et les
costumes.
Mais celui qui connut mieux la terre et la societe de ces pays, qui
l'apprecia avec le plus de sens artistique, qui l'aima avec le plus de
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sincerite et de fidelite, qui mit le plus d'empressement a servir une
nation qui avait besoin du concours continuel de tous ses amis, fut
Charles Doussault.
Il etait venu a Bucarest un peu apres 1830, sans qu'on puisse
connaitre le but de son arrivee. Les nouveaux boYars ne lui disaient
rien, sous leurs masques emprunt6s a 1'Occident. Mais, lorsqu'il
apergut les petites eglises des faubourgs, avec leurs cimetieres ornes
de croix sculptees et leurs vieux accacias sous lesquels le pretre
patriarcal apprenait a lire et a ecrire aux petits enfants nu-pieds,
lorsqu'il lui fut permis d'entrer dans les vastes cours encombrees de
marmaille et de volaille, de gravir les escaliers noirs de vieux bois
branlant, d'embrasser du haut des balcons aux colonnes delicatement
fouillees, le paysage poudr6 de fleurs blanches au printemps, de
prendre part aux soirees oh quelque maitre de danse en pelisse
orientale enseignait son art a de gros garcons genes et a de belles files
rieuses qui feignaient d'ignorer la presence de Petranger, it fut saisi,
comme artiste, d'un &range plaisir, et it se prit a noter les differents
aspects d'un patriarcalisme aussi riant, de ce monde simple et bon,
qu'il appr8ciait plus que la meilleure societe du pays. Allant plus loin,
it decouvrit des villages d'une originalite charmante sous leurs toits de
chaume autour de la fontaine rustique oh les jeunes filles venaient
puiser, comme aux jours benis de la Bible, et it entendit l'echo
prolonge de ses pas dans les sanctuaires des anciens monasteres, oh il
dechiffrait les inscriptions, tout en copiant, d'une main sure, les
fresques.
Les eglises en Roumanie", dit-il, sont les seuls monuments qui
puissent fixer l'attention de l'artiste et de l'archeologue; elles sont
nombreuses, et quelques.-unes peuvent rivaliser avec les plus celebres
productions de l'art grec et byzantin des plus belles poques. Cet art
de Bas-Empire revet dans les principautes Danubiennes un caractere
elegant tout a fait inconnu en Europe, oh les artistes et les savants
vont bien loin chercher de nouvelles inspirations si difficiles a
rencontrer, meme sur le bords du Gange ou du Mississipi"."
Ses souvenirs, tres prcis, parce que le sentiment le plus pur les
avait graves dans sa memoire, meritaient d'tre fixes autrement que
par l'image; s'ils avaient ete publies comme illustration de ses belles
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esquises ", ils auraient ajoute le temoignage de l'art a Peloquent
expos des droits d'un peuple avide de liberte; mais it fallut d'abord
que la revolution de 1848 crest un nouveau lien, plus etroit, entre les
Principautes et la France 14
Il faut ajouter cependant que les dessins de Doussault avaient
paru separement des 1847 chez les editeurs parisiens Vilbert et
Goupil is et que Billecocq avait demande a Jules Janin de faire une
preface pour Pedition populaire qu'il projetait".
En 1847 dj, le nombre des etudiants roumains a Paris etait si
grand qu'ils s'organiserent dans une societe d'education et de lecture
nationales. La Bibliotheque Roumaine", instal& au numero 3 de la
place de la Sorbonne, chez un de ces jeunes gens, Varnav, comprenait
dans son programme des reunions du samedi, dans lesquelles on lisait
des pages de l'histoire des Roumains. Un de ses membres, le frere de
Michel Kogalniceanu, ecrivait ce qui suit: Bien que leur jeunes
Roumains se trouvent loin de leur pays, ils ne l'oublient pas un seul
moment et ils cherchent a resserrer le plus possible leur fraternite,
autant ici meme que dans le pays quand ils y retourneront." Et, plus
loin, ce passage empreint de sagesse: A Paris, nous ne sommes pas
venus seulement pour apprendre a parler le francais comme un
Francais, mais pour emprunter aussi les idees et les choses utiles
d'une nation aussi eclair& et aussi libre "." Une damme Greceanu,
dont le fils venait de mourir, constitue une rente en faveur de la
Bibliotheque" ".
NOTES
1 Voy. Sturdza, Acte fi Documente; sur Bois-le-Comte, Billecocq, Le nostre
prigioni, tome I, pages 167-170 et page 135.
2 Le nostre prigioni, tome I, p. 215.
3 La Principaute de Valachie sous le Hospodar Bibesko par B, ***, ancien
agent diplomatique dans le Levant, 2e edition, Bruxelles 1848, pp. 24, 30.
4 Au premier scrutin avait ete elu le vieux Filipescu, au second Emm.
Baleanu. Voir Le nostre prigioni, tome I, pp. 178-9, et La Valachie, etc., p. 121.
Alexandre Ghica disait de Billecocq qu'il avait remis dans le salon un consulat
qu'il avait chi ramasser dans la rueD.
5 P 53, Billecocq se reconnait presque comme l'auteur du pamphlet intitule
Le nostre prigionni, tome I, pp. 144, 181; cf, p. 339 et suiv; II, p. 167 et suiv.
Voy.
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la lettre par laquelle Nion est accredite, dans notre Revista istorica, I, Cf., Billecocq,
loc. cit., p. 103 et suiv. et Le nostre prigioni, tome I, pp. 261-264.
6 M. V. Bogrea me signale une Anthologie grecque du meme, qui, dediee
Gregoire Ghica, prince de Moldavie (1853), mentionne aussi (p. XV) la sollicitude
perseverante et les encouragements du prince Georges Bibesco.
7 UT correspondence dans le sens de Bibesco a ete, dit-on, inseree dans la
National, 3 trimestre de 1842 (Le nostre prigioni, p. 187, note).
8 Vous avez ate, disait-il a Bibesco, l'ennemi pasionne de mon ami be
prince Ghica (Le nostre prigioni, tome I, pages 74-75)
9 Ibid., pages 70,73-74 et suiv., 115 et suiv., 124 et suiv., 128 et suiv.
10 Ibid., pages 90 et suiv., 184.
11 Voy, aussi Le nostre prigioni, pages 370,378.
12' L'Illustration, armee 1857, p. 39.
13 L'Illustration, armee 1855, p. 7 et suiv.
14 Il s'agit de l'Album moldo-valaque de Billecocq, qui, comme on le verra,
parut dans l'Illustration de 1849, bien que le preface soit datee de septembre 1847.
Voy. Le nostre prigioni, II, pp. 243,256 et suiv. Cf. le Monde Illustre, armee
1847, tome II, p. 257.
15 Notre revue Floarea Dunarilor, tome II, pp. 227-228,344.
16 Etoile du Danube, p. 340.
17 Etoile du Danube, p. 340.
18 Billecocq, loc. cit., pp. 335-337,394-397.
R7
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CHAPITRE X
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liberaux republicains. Une Commission de la propriete, qui contenait
aussi un certain nombre de paysans, foumit seulement l'occasion de
faire entendre aux privilegies les doleances, eloquemment exprimees,
de la classe laborieuse, qui offrait de racheter sa liberte, les seances,
presidees par Ionescu, furent closes peu apres.
Comme la Russie, contre le regime consulaire de laquelle le
mouvement &ail dirige, sommait le suzerain turc de faire son devoir
contre les rebelles, les membres du gouvernement provisoire, qui
avaient emprunte leur titre aux chefs de la revolution parisienne,
agirent a Constantinople meme, aupres du general Aupick,
ambassadeur de France; ils lui demanderent son appui contre les
ennemies des libertes publiques et des droits nationaux. La fameuse
declaration de Lamartine avait presente la France democratique
comme l'alliee naturelle de tous les soulevements populaires qui
invoquaient le droit des nations a une vie independante; les
Roumains implorerent sa protection pour leur cause: ils n'obtinrent
du grand poete, qui avait du abdiquer tout pouvoir, que des
assurances de sympathie et des mots vagues d'esperance.
Bientot aux Moldaves qui avaient echappe aux mains de leurs
princes, trop pratiques pour se laisser surprendre par les evenements,
s'unirent dans un exil commun leurs freres de Valachie, qui, pris par
les Turcs de Soliman-Pacha, avaient ete embarques sur des bateaux
de transport et deposes sur la rive hongroise. Ainsi se forma a Paris
un groupe d'emigres moldo-valaques" le terme avait ete mis en
circulation par Billecocq, dont tous les efforts furent consacres a
faire connaltre leur cause nationale.
Il est vraiment etonnant que des jeunes gens, disposant h peine
des moyens necessaires a l'existence et n'ayant auparavant d'autres
relations qu'avec quelques camarades d'ecole et avec certains de
leurs professeurs, eussent pu se gagner si facilement dans tous les
cercles de la societe francaise, eprise de liberte et de nationalisme, des
sympathies et, ce qui est plus, un appui reel et constant. Il serait
malaise, avec les documents dont on dispose aujourd'hui, de
retrouver le fil de ces attaches, nombreuses et variees. On pourrait
cependant fixer des categories dans les groupes qui se formerent
Paris.
Eliad vivait a part, entoure de quelques fideles; parmi les plus
importants de ses amis, on compte un Tell, membre du gouvernement
provisoire, et Georges Magheru, commandant des troupes de
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l'Oltenie; un d'eux, Nicolas Rousso (Lacusteanu), public un
Supplement a l'ouvrage, dont it sera question plus bas, d'Elias
Regnault. Perdu de plus en plus dans le nuages de l'admiration qu'il
avait de soi, resumant en sa propre personne ambitieuse et
soupgonneuse le pass et le present de la cause revolutionnaire,
portant a son propre comte toute la lutte contre le Tzar et denongant
comme suppots du tyran les jeunes gens rebelles a son autorite. Eliad
publiait en frangais des livres assez bien emits, dans le jargon special,
si plein d'emphase, du romantisme politique: Le protectorat du Czar
ou la Roumanie et la Russia (1850), Memoires d'un proscrit etc.,
mais ils etaient lus plutot par ses adversaires indigenes que par les
amis de la revolution valaque.
Nicolas Balcescu (Balcesco), apres avoir pass quelque temps en
Transylvanie, essayant au nom du liberalisme international d'un
compromis entre Hongrois et Roumains, etait venu aussi echouer
Paris, oh it cherchait des materiaux pour son Histoire de Michel-le-
Brave. Il y publia un ancien memoire, redige pour la Porte sur la
question paysanne, opuscule serieux et solide qui porte le titre de
Question economique des Principautes danubiennes. Des
renseignements supplementaires furent fournis par un des freres
Golescu, Alexandre, dans un ecrit d'une moindre importance. Les
deux ouvrages trouverent un bon accueil aupres de la presse
parisienne, a cause de l'interet li6 au sujet lui-meme.
Il faut rapprocher de la noble figure de Balcescu celle de
Constantin Filipescu, qui, apres avoir publie un Memoire sur les
conditions d'existance des Principautes danubiennes, s'6teignait a
Paris, a peine age de quarante-sept ans, au mois de juin 18543. Mais
Eliad devait se rendre un peu plus tard en Turquie pour etre plus pros
des cercles par lesquels it entendait recouvrer le pouvoir perdu lors de
la catastrophe subie par la Revolution; quanta Balcescu, une maladie
de poitrine l'envoya d'abord dans le Midi, puis a Constantinople et
enfin a Naples, ou it succomba, avec le regret cuisant de n'avoir pu
rentrer dans sa patrie. Jean Ghica devint bey de Samos, gouverneur
au nom du Sultan de cette Ile helenique, et, s'il publia a Paris, sous le
pseudonyme de Chainoi, un ecrit sur la derniere occupation russe",
it ne chercha guere a s'attirer des partisans.
Tout autre fut la ligne de conduite des Parisiens", des anciens
etudiants valaques males au mouvement revolutionnaire. Rosetti, les
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freres Bratinau, les Golescu, Voinescu formerent un groupe a part,
qui n'avait qu'un souci: delivrer leur pays de la tyrannie des
protecteurs", reprendre l'oeuvre revolutionnaire sans y rien
changer, refaire la republique clemocratique de 1848, avec le concours
de la Turquie, s'il le fallait, mais contre l'Autriche aussi bien que
contre la Russie. Tout en publiant en leur langue une revue minuscule
intitulee la Republique roumaine, et des pamphlets destines a
entretenir dans la patrie lointaine la foi dans une victoire finale des
idees de regeneration, ils pensaient aussi au public frangais. Dernetre
Bratianu publiait un des meilleurs memoires qui aient ete ecrits en
frangais sur la question des Roumains de Transylvanie, dans ses
Lettres hongro-valaques, et l'etude de son frere Jean sur l'Autriche et
les Principautes est de tout point remarquable. Jean Balaceanu
donnait a la publication frangaise, edit& a Bruxelles, du parti de
1'Union des Principautes, des articles cinglants contre cette meme
Cour de Vienne aupres de laquelle it devait servir plus tard, pendant
de longues annees, la politique de Charles ier.
A cote de cette propagande par les Roumains au milieu du
public frangais, it y en eut un autre, beaucoup plus active et ayant un
plus puissant echo; celle des ecrivains philo-roumains. Lamartine
avait accepte dj avant 1848 la presidence de la societe des etudiants
moldo-valaques". Edgar Quinet avait epouse la fille de Pecrivain
moldave Georges Asachi, veuve d'un Mourousi. Asachi merne s'etait
decide a publier en francais et en roumain sa revue le Glaneur, a la
direction de laquelle it s'etait associe un Francais, Gal lice, appele
Jassy, a ce qu'il parait, comme professeur. Deja. en 1843, la Revue
Independante donnait un article d'Elias Regnault, Francais eleve en
Angleterre et traducteur de Thomas Carlyle, qui reclamait pour les
provinces danubiennes un peu de l'attention qu'on accordait si
liberalement a l'Egypte de Mehemed-Ali, et it rappelait l'origine
latine des Roumains, le sang, cette qu'ils avaient par des infiltrations
arrivees jusqu'au Danube inferieur, la participation des chevaliers de
France a cote des boiars du prince Mircea, en 1396, a Nicopolis. Emu
par les souffrances et le courage de Mme Rosetti, Anglaise et
Frangaise d'origine (elle etait ne Grant), Michelet lui-meme avait
revetu dans les plus impressionnants atours de son style la legende du
pass roumain et le recit des evenements 1848. L'Illustration avait
accepte en 1848 la publication de 1'Album moldo-valaques, et le
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tirage a part trouva un si bon accueil qu'il fallut sous presse une
seconde edition.
Les emigres et leurs amis de France etaient trop peu nombreaux
pour essayer meme de provoquer des evenements dans- le sens de
leurs desks.
Ces evenements venaient cependant d'eux memes. Ce ne fut pas
Napoleon III, a peine etabli sur son trone, qui eut l'idee de susciter la
querelle des moines de Jerusalem entre Latins et Grecs; ce ne fut pas
lui qui essaya le premier d'en tirer un profit politique aux &pens du
Tzar, qui revait dj de s'assurer la protection des Greco-Slaves
vivant dans l'Empire du Sultan, et ce ne fut pas sa faute si
l'occupation des Principautes, la catastrophe de la flotte turque a
Sinope et enfin les paroles blessantes de Nicolas ier a l'adresse du
premier Napoleon rendirent inevitable une guerre qui devait changer
la face de l'Orient.
Aussitot qu'elle commenca, les radicaux roumains, ennemis, par
principe, de la Russie, commencerent a s'agiter plus energiquement.
Comme le but des efforts faits par la France et l'Angleterre &ail de
restituer la Turquie dans son ancienne liberte, de reprendre aux
Russes la domination qu'ils avaient gagnee aux bouches du Danube,
d'annuler leur protectorat sur les Principautes et de fonder sur leur
frontiere occidentale un etat de choses capable d'arreter leur avance
vers Constantinople, les migrs devenaient dj les informateurs et
les conseillers les plus indispensables des publicistes aussi bien que
des diplomates. Its comprirent leur mission et surent la remplir. Ce fut
a cette poque que parurent les principales brochures des migrs': la
presse s'en occupa avec un inter& d'autant plus vif qu'il etait plus
nouveau. Les plus grands journaux accepterent leur collaboration ou
laisserent au moths penetrer leurs idees. Une alliance etroite en.
resulta bientot entre les jeunes representants des idees nationales et
liberales en France et les proscrits, qui n'en etaient dj plus a
considerer le pauvre Billecocq comme le seul ecrivain de parler en
leur faveur.
Quinet, auquel, au commencement de Pannee 1857, les
Roumains offrirent les moyens de publier. ses cEuvres completes,
donna une nouvelle edition de son livre sur le pass et les aspirations
de cette nation, dans laquelle i1 avait recueilli laborieusement les
renseignements, plus ou moths exacts, que lui avait fournis son beau-
pere, les assaisonnant a sa maniere, dans un style fatigant par la
permanence de son emphase. L'ouvrage, tres apprecie en Moldavie et
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en Valachie, eut deux traductions, dont celle par Asachi, avait ete
dfiment expurgee; it ne resta pas sans influence sur l'opinion
publique, bien qu'il ne contienne ni faits nouveaux, ni conceptions
personnelles.
L'ouvrage d'Elias Regnault est d'une information plus serieuse
et d'une originalite de beacoup superieure. Cette Histoire politique et
sociale des Principautes, qui trouva aussitot un traducteur a Jassy,
s'appuie sur une utilisation diligente de nombreuses sources dont
l'auteur sait tirer l'essentiel. L'administration des princes qui se
succederent sous le regime du Reglement Organique y est exposee,
avec des revelations crues et des jugements impitoyables, d'apres les
ecrits de Billecocq et probablement aussi d'apres des rapports
diplomatiques communiqus par ce dernier. Bibesco y apparait
comme un ennemi de son propre pays. Quant aux coryphees de la
Revolution, si les jeunes sont presentes avec une legere nuance de
satire, comme un peu trop parisiens", Eliad est critique vivement
pour ses defauts de temperament", son esprit soupconneux, sa
manie de ne voir que des traires dans ceux qui ne partageaient pas ses
opinions, sa fatuite de s'eriger en adversaire personnel du Tzar. Les
princes Stirbey et Gregoire Ghica, nommes apres la fin des troubles
et la signature de la convention de Balta-Liman, y font, surtout le
premier, assez mauvaise figure.
Quant aux solutions, Regnault demontre l'inevitable
catastrophe turque, la necessite de remplacer cet Etat moribond par
une autre formation politique, si on ne veut pas ceder les regions qui
appartiennent au Sultan a un rival beaucoup plus puissant et plus
durable, le grand role qui revient aux Roumains dont l'existence
'name en Orient est une bonne fortune" inattendue pour la latinite.
Les think dans un royaume, une principaute, un duche sur le Danube
ne serait pas ce qu'il faut pour creer un etat de choses definitif. Tous
les Roumains, ceux des Principautes aussi bien que leurs congeneres,
de Transylvanie, du Banat, de la Bucovine, de la Bessarabie, doivent
former un Empire de 10 000 000 d'habitants, qui, au lieu d'tre
protg par une Europe toujours tardive a l'appel, formerait lui-
meme une digue protectrice a cette Europe menacee par l'avance
fatale des peuples de la steppe orientale.
Il est vrai que certaines conceptions de l'auteur furent
abandonnees bientot sous les influences qu'on devine. Non
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seulement la maniere dont Regnault envisageait les evenements de la
revolution de 1848, mais aussi la solution derriere qu'il proposait
furent changes par la propagande d'Eliad. Regnault en arriva a
desirer uniquement pour ne pas blesser a mort la Turquie la
creation d'une seule printicipaute sous la suzerainete du Sultan.
Pour etre tant soit peu complet, it faudrait citer toute une sale
d'opuscules et d' articles destines a soutenir cette cause des
Principautes. Hippolyte Desprez avait ecrit sur les revolutions de
Hongrie et sur la Valachie elle-meme (La Moldo-Valachie et le
Mouvement Roumain, dans la Revue des Deux Mondes, ter janvier
1848), signalant le caractere quasi-francais" de la ville de Bucarest,
le beau costume des paysans, l'accueil affable fait h tout voyageur
francais, l'importance reelle de l'histoire et de la litterature naissante
des Roumains. Bataillard, republicain acharne, ennemi
irreconciliable du regime napoleonien, devint un vrai camarade des
representants roumains de la cause de l'Union; it pensait venir, en
1847, avec Balcescu, dans les Principautes pour y faire son enquete
personnelle; it frequentait la Bibliotheque Roumaine", et, se
sentant Roumain dans le coeur", it publiait dans le National et la
Revue de Paris (armee 1856) des articles dont I'un blessa
profondement Paine sensible du prince Gregoire Ghica, dont la fin
tragique etait dj proche. Leon Plee traitait, dans le Sicle ( du 3
mars 1858) la Question des Principautes devant ?Europe (il y en a
aussi une tres rare edition roumaine). Sous le pseudonyme Un
paysan du Danube", Taxi le De lord, le futur historien de Napoleon III
et, a ce moment redacteur au meme Sicle et au Charivari, attaquait
dans l'Etoile du Danube, qui paraissait a Bruxelles, avec Nicolas
Ionescu comme seul redacteur, les Puissances qui s'opposaient a'
l'union des Principautes; c'est h savoir: la Turquie, bien entendu,
l'Angleterre protectrice de la Turquie, et l'Autriche, qui redoutait les
agissements en Transylvanie et qui convoitait le cours inferieur du
Danube. Le Journal des Debats, en 1857, etait d'avis que la creation
d'un royaume de Moldo-Valachie" etait une necessite europeenne
et il fletrissait dans ces termes ironiques les abus commis par Farm&
d'occupation autrichienne: L'Autrichien vous demande poliment
votre lit, votre feu, votre pain, votre yin, votre drap, vos boeufs, vos
moutons, vos vaches, vos chevaux, votre laine, votre lin, votre huile,
et, pour peu que vous fassiez part de temps en temps au soldat de vas
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petites economies, it vous laisse le reste; de quoi vous plaignez-vous?"
Le poete Edouard Grenier, secretaire de Gregoire Ghica, lui dediait
ses vers, et l'on a conserve sa correspondance avec Basile Alexandri.
Le vieux Vaillant lui-meme, qui se consacrait alors a l'etude des
Bohemiens ou Tziganes, se levait pour dire des verites cruelles aux
partisans du separatisme moldave. Un avocat a la Cour de Cassation
et au Conseil d'Etat, Thibault Lefebvre, ecrivait toute une
dissertation, Situation diplomatique des Principautes a l'egard des
Puissances euroPeennes, pour prouver que les capitulations ne
peuvent s'appliquer aux pays roumains qui n'ont jamais fait partie
integrante de l'Empire Ottoman. Enfin Doussault rafraichissait ses
souvenirs dans l'Illustration, et la meme revue accueillait les recits
d'un voyage fait par Camille Allard dans la Dobrogea, qui
mentionnaient plus d'une fois les Roumains. Hommaire de Hell,
ingenieur qui fit le voyage de Perse, a publie meme dans cette revue
des impressions moldaves illustrees par son camarade de route; le
texte et les illustrations vraiment remarquables. Poujade, ancien
consul en Valachie et mari d'une Ghica, demanda l'Union des
Principautes dans la Revue Contemporaine (15 decembre 1857).
Rares etaient les voix qui parlaient pour la Turquie, comme celle de
H. Lamarche (1Europe et la'Russie, remarques sur la paix de Paris),
auteur d'un projet de confederation ottomane, ou pour le prince
Bibesco (Amedee de Cesena dans le Constitutionnel), ou pour le
caXmacam Nicolas Vogorides, qui se faisait appeler Conachi, nom qui
appartanait au pere de sa femme; c'etait un grand et riche bdiar et un
poete estime, qui ambitionnait le trone de Moldavie.
A Bucarest meme se trouvait un Francais, Felix Colson 6, qui
entreprit d'exposer, en un opuscule ecrit dans sa propre langue, les
droits des Roumains a l'encontre de la Turquie envahissante. Pour se
defendre contre des empietements plus anciens de la part de cette
Puissance suzeraine, des bdiars valaques avaient presente, des 1770,
aux conferences de paix russo-turques, de pretendus traites
decouverts par le poete Jean Vacarescu dans les archives de la Porte
et par lesquels etait reglee la situation de la Valachie envers la Porte;
au commencement du siecle, Demetre Cantemir avait fabrique lui
aussi, dans le but d'imposer aux Russes, les nouveaux protecteurs
qu'il avait choisis, les clauses les plus favorables 4 l'autonomie
moldave, un traite" semblable, conclu entre le prince Bogdan, fils
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d'Etienne-le-Grand, et le Sultan. Il est regrettable que la chaleureuse
prediction de Colson s'appuie sur des actes faux, qui furent tenus
d'ailleurs a cette poque pour absolument authentiques; son ouvrage
n'en contient pas moins de precieux renseignements sur les
Principautes.
Dans ces Principautes memes, les salons aussi bien que les
ecoles, les vieux bdiars conservateurs ainsi que la jeunesse qui
s'eveillait animee par desk de liberte nationale qui avait jete au-dela
des frontieres leurs aines, restaient soumis a l'influence frangaise,
malgre la surveillance du consulat russe restaure. Les pensionnats
frangais continuaient a etre la seule pepiniere pour les jeunes gens
appartenant a la noblesse; vers la fin de son administration, Georges
Bibesco s'etait meme propose de franciser" Pecole secondaire, la
soumettant a la grande indignation, pourtant bien legitime, des
partisans de l'enseignement national , aux inspecteurs du roi qui
allaient controller les institutions scolaires du Levant. Les manuels
etaient rediges d'apres des modeles frangais. Dans le meme temps,
des professeurs, Aaron et Hill, donnaient un dictionnaire frangais-
roumain, auquel repondait en Moldavie le dictionnaire roumain-
frangais d'un journaliste studieux Theodore Codrescu. La litterature
parisienne des romans a la mode, de Georges Sand a Eugene Sue et
a Ponson de Terrail, passait en roumain, par le labeur acharne de
toute une serie de traducteurs, parmi lesquels figurent aussi des
femmes. Mais on n'oubliait pas non plus les ouvrages classiques, car on
donnait une version du Charles XII de Voltaire et du Teltrnaque, non
plus que les ouvrages d'histoire, comme l'Histoire de la civilisation
par Guizot. Bucarest surtout se montra tres feconde dans cette oeuvre
destinee a donner a un public encore tits peu forme, non seulement
une lecture agreable et attachante, mais, parmi des ephemeres
produits du jour, aussi des enseignements utiles tires des meilleures
sources.
Peu a peu la grande distance qui separait les deux pays semblait
disparaitre pour une societe entiere, nourrie, sans doute, de ses
traditions nationales, mais presqu'au meme titre de l'esprit de la
France. Citons-en une seule preuve. Dans une liste de souscription
en faveur des inondes de France", un collaborateur de l'Etoile du
Danube ecrit en 1857 (page 67): je trouve la somme de huit ducats
d'Autriche et un quart de ducat provenant des pauvres villageois de
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deux petits villages, Hiliseul et Liveni, qui se sont cotises pour venir
en aide, disent-ils, a leurs freres de France."
Pour renseigner cette grande France lointaine sur le caractere
national des Roumains d'apres les formes durables et superieures de
la litterature, on pensait a publier un recueil contenant des ecrits de
tout genre. La meme feuille, publiee a Bruxelles, contenait, dans une
correspondance de Bucarest, datee 5 janvier 1857, la notice suivante:
Un travail d'une grande importance, qui doit reunir les intelligences
des deux Principautes, c'est la collection des documents pour servir a
l'histoire des Roumains. Sous ce titre, on va reunir, traduire en
francais et publier nos historiens, nos chroniquers, nos codes, les
reglements organiques annotes, un choix de nos meilleurs poetes, en
un mot tout ce qui est propre a faire voir au monde que les Roumains
des Principautes danubiennes offrent tous les elements qui
constituent une nation".
Ce recueil ne parut jamais; les ecrivains roumains se trouvaient
pour la plupart loin de leurs frontieres, occupes d'une propagande
nationale qui leur prenait tout le temps. Mais, pendant ce sejour en
exil des principaux representants de l'intellectualite roumaine, le
public francais eut au moins des editions frangaises des meilleurs
pieces d'Alexandri et de Bolintineanu; ce dernier osa donner lui-
meme une version, mediocre, du reste, comme on pouvait s'y
attendre, de ses Brises d'Orient. Ces produits d'un romantisme dirig6
vers d'autres cieux furent assez remarques dans le monde litteraire.
Cesar Boliac, qui avait publie un opuscule francais sur la Roumanie,
preface au recit de ses aventures revolutionnaires, et une nouvelle sur
Theodore Vladimirescu, chef du mouvement de 1821, trouva lui aussi
un traducteur dans la personne d'un certain Ferrand. La fille du Ban
valaque Michel Ghica, Helene, mariee pendant quelques annees au
prince russe Koltzov-Massalski, parlait-avec la meme competence,
qui etait reelle, des souvenirs de Marathon et du tombeau de-Dante,
dans des articles tres bien accueillis par les periodiques de Paris, et it
lui arriva meme une fois, a cette exilee qui consacra trois gros
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recommandait, en mai 1856, d'etudier specialement les Tziganes, le
vallum de Trajan et les monnaies7. N'oublions pas Lejean qui parle
meme dans son voyage en Albanie des observations geologiques
faites du cote de Piatra 8. Depuis longtemps dj des fragments de
chroniques moldaves" avaient etc traduits dans la meme langue et
publics par Michel Kogalniceanu, ou de Kogalnitschan", dans deux
elegantes brochures parues a Berlin.
En 1855, la Revue d'Orient publiait9 une etude sur les ballades
et chants populaires de la Roumanie". L'auteur, qui mentionnait les
principaux ecrivains de la Roumanie" revee, etait l'ami de Basile
Alexandri, s'appelait Ubicini.
Il appartenait a un famille bourgeoise d'origine lombarde. Ne en
France, it fut eleve dans le Midi et au bout de ses etudes it obtient une
chaire de rhetorique. Un voyage en Orient lui fit connaitre la
Turquie, a ce moment de crise. On connait la serie des beaux
ouvrages consacres par lui a l'Empire ottoman, qui pretendait
s'inspirer des conceptions de l'Occident pour renaitre a une vie
historique active: on ne peut pas trouver un meilleur guide, pour cette
poque du Tanzimat, que dans ses Lettres sur la Turquie, dans sa
Turquie nouvelle et d'autres ecrits, jusqu'a celui ou ii expliquait en
1877, la constitution ridicule du visionnaire Midhat-Pacha, dans
laquelle it s'obstinaient a voir un instrument de progres.
Il fut, assure son biographe, secretaire du gouvernement
provisoire et de la lieutenance princiere de Valachie en 1848. Son role
fut, en tout cas, tres modeste dans ces semaines de convulsions
politiques qui ne devaient pas produire un nouvel etat de choses.
Mais ce sejour a Bucarest lia pour toujours ce jeune homme, curieux
des choses d'Orient et amoureux de lointaine latinite pittoresque,
l'oeuvre ardue de la regeneration roumaine.
Dans une lettre inedite a Kogalniceanu, it continua a etre
l'intime ami de cet Alexandri, qui n'etait pas potir lui, comme pour
Billecocq, un simple boiar moldave" it se declarait Roumain
d'ame, regrettant seulement de ne pas connaitre la langue du peuple
au developpement duquel it s'interessait si chaleureusement. Son
discours a l'enterrement de J. J. Voinescu, un des representants de
l'emigration valaque, est un chef-d'oeuvre de sentiment: it parle en
termes emus de celui qui ne devait plus revoir son pays parce- qu'il
l'avait aime plus que tout autre, et it prophetise le prochain retour des
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exiles sous l'egide de la France. Ubicini preparait a ce moment, sur la
base de l'ouvrage francais de son predecesseur moldave, une nouvelle
histoire .des Principautes, qu'il avait l'intention de conduire a travers
les evenements extraordinaires dont it venait d'tre temoin.
Encourage et aide, sans doute, par Kogalniceanu, i1 termina bient6t
cet ouvrage, qui parut dans 1' Univers pittoresque et contribua
essentiellement a faire connaitre la cause des Moldo-Valaques.
C'est un bon rsum tres bien ordonn6 et d'un style limpide et
vivace. De tres belles gravures l'accompagnent, representant la ville
de Harsova, dans la Dobrogea turque, ou bien telle colonnade, reste
du palais des princes, a Campulung.
L'information est vaste et variee, l'auteur ayant connu tous les
ecrits francais des emigres et meme, d'une maniere directe, une partie
des sources etrangeres; it est en etat d'employer le livre grec de
Photinos, et l'on trouve 'name l'indication d'un travail inedit du a
Voinescu; pas un des voyages recents faits par les Francais en
Valachie ne lui echappe, et it fera meme des emprunts a la
description, si superficielle cependant, d'un certain Stanislas
Bellanger Voyage en Moldo-Valachie en deux volumes. La partie
consacree aux relations des Principautes avec la Turquie a l'epoque
moderne est traite de main de maitre, telle qu'on pouvait l'attendre
de celui qui a ecrit les Lettres sur la Turquie. Un noble sens
d'irnpartialite fait rejeter pour l'epoque du Reglement Organique les
calomnies que les differents partis se jetaient a la tete. Mais, a la suite
de Colson, Ubicini est franchement anti-russe, et it n'epargne guere
ceux qui, comme Stirbey, devaient leur situation a l'appui de la
Puissance protectrice. Pour la revolution de 1848, qui a toutes ses
sympathies, it est un temoin oculaire. Il finit en affirmant qu'il n'y
pour les Roumains qu'une seule question sociale: celle des paysans et
une seule question politique: celle de l'union des Principaut8s. Une
derniere partie traite des moeurs et de la civilisation. Ubicini, qui
s'occupa de la question roumaine dans differents articles publies par
les revues et les journaux du temps, ne devait revenir sur le sujet que
plus tard; it y a une vingtaine d'annees, M. Georges Bengesco, auteur
d'une utile Bibliographie franco-roumaine, dont les donnees peuvent
completer a chaque pas notre recit, publiait une exposition, originale
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parfois dans les arguments employes pour etablir le recit, des
Origines de Phistoire roumaine par Ubicini. Vers la fin de ses jours,
le vieux professeur, qui recevait une pension de 1'Etat roumain, etait
occupe a recueillir des documents francais pour la grande collection
des monuments strangers sur l'histoire des Roumains. Sa
correspondance, si elle a et conservee, doit contenir de nombreux
renseignements sur la derniere phase de cette histoire.
NOTES
1 Le terme appartient a Elias Regnault.
2 Billecocq, loc. cit., pp. 388-389.
3 Voy. sur lui Ubicini, dans l'Universpittoresque, p. 165, note 1.
4 Ajoutez: J. Strat, Un coup d'oeil sur le question roumaine, Paris 1858;
Bolintineanu, Les Principautes Roumaines, Valliant traduisait un article de
Balcescu dans la Revue d'Orient paru en 1845.
5 "toile du Danube, p. 224. Une notice parle de lui en ces termes: La
Valachie lui dut en partie, en 1830, l'organisation de l'instruction publique; en 1831
la fondation de l'internat du college national de saint-Sava; en 1840 l'etablissement
de l'ecole gratuite des jeunes fines; en 1838 enfin be specimen du Dictionnaire
universe' de la langue roumaine, pour lequel la Cambre valaque lui vota,
l'unanimite et a titre d'encouragement, la somme de 1 000 ducats. Cf. ses parole
emues a la mort de Gregoire Ghica, ibid., p. 256.
6 Il y avait dans Peglise de Drajna-de-Jos un grand tableau religieux a la
monde occidentale signs par un Colson. On nous a assure que ce peintre est
different de notre auteur.
7 Revue d'Orient, IV.
8 Dans le Tour du Monde.
9 Tome I, p. 336 et suiv.; tome II, p. 227 et suiv.
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CHAPITRE XI
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appartenant a la meme race et participant a la meme civilisation
nationale.
Les projets de l'Empereur etaient, en outre, soutenus tres
mollement par sa propre diplomatie. Thouvenel, son ambassadeur
Constantinople, n'etait guere enchante du role, qui lui etait attribue,
de combattre sans cesse son collegue anglais Stratford Canning,
personnage tout-puissant et particulierement tyranique, pour faire
plaisir a des gens qui lui apparaissaient un peu comme un tas de
bdiars turbulents et rien de plus. On ne pourrait decouvrir un seul
personnage de marque dont l'influence se fat ajoutee a la ferme
volonte de Napoleon III de mener 4 bonne fin l'ceuvre de l'unite
roumaine.
Il semblait donc que, pour realiser l'union, les Roumains ne
pussent compter que sur eux-memes. Il fallait d'abord des Divans"
reellement elus par le pays, et non par la police des cdmacams, dont
ceux qui administrerent la Moldavie, Theodore Bals et Nicolas
Vogorides, etaient de simples agents de l'Autriche et de la Turquie.
Le pays lui-meme etait, en outre, trop peu developpe encore pour
qu'une conscience nationale toute-puissante felt en etat de briser les
obstacles et d'imposer des candidats favorables a l'union. Vogorid'es,
qui etait rompu aux pratiques de la diplomatie, sut s'arranger de
maniere a avoir une assemblee composee pour la plupart de ses
creatures. En presentant le resultat de ses manoeuvres ehontees, it se
gardait bien de paraitre comme Autrichien; alors qu'il portait avec
ostentation a Jassy un beau fez rouge a gland bleu, it faisait savoir
Paris 1 qu'il etait no dans le pays; a sa naissance son pere, Etienne,
etait cdmacam, ce qui faisait de lui presqu'un prince; non seulement it
avait epouse la fille du poete Conachi, mais it avait herite de toute sa
fortune et de son nom 'name; it nourrissait des sympathies speciales
pour la France et sa femme etait la protectrice la plus devouee de la
civilisation francaise dans ces regions de l'Orient. Un certain Doze, a
qui l'on doit une brochure intitulee: Six mois en Moldavie , paye pour
soutenir les droits a la couronne moldave du jeune et beau Grec,
montrait qu'il serait en etat de rendre un grand service 4 la France
imperiale en fondant une dynastie destinee a toujours servir les
interets de celle des Napoleonides. D'autres panegyristes faisaient
l'eloge d'Alexandre Ghica, devenu cdmacam de Valachie2, et de tel
autre de ses concurrents. Il ne faut pas oublier que ces interets
pergonnels etaient representes a Paris par des hotes bien connus,
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comme Gregoire Ghica, fils du prince valaque de 1822 et epoux d'une
dame Arne lie Soubiran, qui a publie un opuscule sur La Valachie
devant 'Europe , ou bien comme son homonyme moldave - marie, lui
aussi, a une Frangaise, - qui avait 1.4116 de 1849 a 1856. Le premier fut
tue dans un accident de voiture en 1858 3, l'autre, persecute dans sa
retraite par ses adversaires, qui avaient obtenu aussi l'appui de
Bataillard, se suicidait dans son chteau de Mee.
Cette propagande active n'eut pas l'effet attendu. L'Empereur
considerait comme une question de son prestige en Orient
l'annulation des elections moldaves. Malgre son mauvais vouloir,
Thouvenel dut employer jusqu'aux dernieres armes de la diplomatie
contre la morgue et le den de Rechid-Pacha, qui occupait alors les
fonctions de Grand-Vizir. Il fit ses preparatifs officiels de depart et
ordonna d'amener son pavilion sur le navire qui devait le ramener en
France. Il ne fallut pas moins que cette menace de rupture pour faire
ceder la Porte; it fut procede a de nouvelles elections dont le resultat
ne pouvait plus etre douteux. On a montre un peu plus haut quels
furent les vceux que l'Assemblee moldave exprima en 1857.
Mais Napoleon n'etait guere dispose a sacrifier son alliance
permanente avec l'Angleterre, qui etait devenue la base meme de sa
politique. Il fallut bien en arriver a un compromis. A Osborne, ou se
rendit l'Emperur pour conferer avec la reine Victoria, fut conclue une
entente verb ale qui concedait aux Roumains seulement une forme
imparfaite de l'union, avec deux princes, deux assemblees, deux
armees, mais une legislation commune qui devait etre etablie par une
seule commission siegeant a Focsani, sur la frontiere, et avec des
insignes de l'union sur les drapeaux.
Pendant ce temps, en Moldavie meme, l'agent d'Autriche et le
commissaire de la Porte trouverent devant eux l'opposition acharnee
du consul de France a Jassy, Victor Place. Il encouragea les efforts de
la jeunesse patriote, qui exergait une influence de plus en plus
predominante sur le pays, et it fut un des premiers a acclamer le
succes definitif de cette lutte opiniatre. Lorsque les commissaires des
Puissances parurent a Jassy, Talleyrand, celui de la France, fut
accueilli par des ovations enthousiastes. A un moment donne, on eut
- ajouterons-nous a Bucarest, la visite de Blondel, ministre de
Belgique a Constantinople; a l'en croire, it se presentait en simple
voyageur passionne de sciences; mais en realite avec mission reelle de
preparer l'union pour donner un trone en Orient au comte 'de
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Flandre. A Bruxelles, paraissait l'organe frangais du parti de l'Union,
l'Etoile du Danube , inspire par M. Kogalniceanu et redige par
Nicolas Ionescu. Le 5 fevrier 1859, le colonel Cuza, dj elu, une
dizaine de jours auparavant, prince de Moldavie, sous le nom
d'Alexandre-Jean r, devenait aussi prince de Valachie, et cette
double election tournait les difficultes soulevees contre l'union en
donnant aux deux Principautes un seul prince capable par son energie
indifferente aux risques et par sa franchise conquerante, de forcer les
derniers retranchements de l'opposition turque et de faire de sa
situation si heureusement exceptionnelle quelque chose de plus: la
couronne des Principautes Unies, puis de la Roumanie unitaire.
Ancien eleve des etablissements universitaires de Paris, Cuza se
considera toujours comme le protg de la France, a laquelle it devait
son trone. Son secretaire politique &ail Baligot de Beyne, qui avait
rempli des fonctions de confiance aupres des dignitaires turcs. Il
accueillait avec empressement tout representant de la France. Comme
presque tous ses contemporains de la noblesse roumaine, it ecrivait
mieux le frangais que sa propre langue et le parlait de preference. Des
officiers de la mission militaire frangaise organiserent son armee.
Mais surtout it representa, d'un bout a l'autre d'un regne fecond
en grandes reformes telles que la creation d'une propriete paysanne
personnelle et libre et la secularisation des biens-fonds appartenant
aux Lieux Saints d'Orient, le systeme napoleonien, dans tout ce qu'il
avait de factice. Malgre ses frequentes conflits avec les assemblees
qu'il ne pouvait pas dominer, mais auxquelles it n'entendait pas non
plus obtemperer, it resta le maitre, tout en faisant semblant
d'observer les formes de la democratie parlementaire.
Pour resister aux boiars ambitieux et intrigants, qui possedaient
dans les Principautes une force politique aussi energique et
envahissante qu'en France la classe des riches bourgeois et des
avocats eloquents, it s'appuya sur les paysans, qui n'oublierent jamais
le grand bienfait du a sa resolution. Usant de coups d'Etat contre des
deputes qui preferaient abandonner leurs' propres principes et
deserter les meilleures causes, uniquement pour faire acte
d'opposition a la personne du tyran", it n'oublia pas de soumettre sa
nouvelle constitution, qu'il nomma le Statut", d'apres celui que
Victor Emmanuel II avait octroy6 au jeune royaume d'Italie, a la
ratification d'un plebiscite prepare par l'administration.
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La partie de l'opposition qui etait de fait republicaine, avec C. A.
Rosetti a sa tete, n'avait pas cependant rompu les relations avec le
parti avance de l'opposition francaise; Bataillard lui reprochait meme
de s'appuyer neanmoins sur cet autre tyran, bien plus pernicieux
leur avis, qui etait Napoleon III lui-meme. Certains d'entre les
mecontents s'etaient abrites a Paris, ou ils publiaient des pamphlets
envenimes contre le prince; ils s'evertuaient surtout, pour le
discrediter dans les milieux politiques francais, a denoncer ses
rapports avec la Russie. Cuza aurait voulu en effet obtenir d'elle,
pour lui succeder, ce prince &ranger" depuis longtemps demande
par le pays, un des ducs de Leuchtenberg, qui etait petit-fils de
Nicolas r, par leur mere, la Grande-Duchesse Marie.
Aussi, lorsqu'une conspiration militaire eut mis fin, le 24 fevrier
1866 (ancien style), au regne du prince qui avait ete elu avec un si
grand et pur enthousiasme sept ans auparavant, la France officielle,
dont le consul avait cependant offert ses services au prince dechu, ne
protesta pas; d'autre part, la France liberale applaudit, voyant dans ce
triomphe des hommes de la liberte un prodrome heureux de ce
qu'elle voulait accomplir elle-meme contre le regime imperial.
II fut question un moment de reprendre entre les representants
des puissances garantes les &bats concernant la forme definitive qui
conviendrait le mieux aux Principautes, car l'union etait consideree
comme liee au sort du prince qu'elle s'etaient donne et qui venait de
prendre maintenant le chemin de l'exil. Une revolte fut fomentee a
Jassy pour demander le retablissement de la Moldavie separee; le
gouvernement provisoire l'etouffa dans le sang. La Turquie parlait
d'une intervention armee. La France elle-meme pensait a &hanger
ces pays roumains, qui paraissaient etre ingouvernables, contre les
provinces autrichiennes de l'Italie delivree en 1859 et qui reclamait
ses frontieres naturelles a l'Est. Il en fut question aussi a l'entrevue de
Salzbourg entre Napoleon III et Francois-Joseph. Doit-on reprocher
cette politique a l'Empereur des Francais? Representant du principe
des nationalites, n'avait-il pas le droit d'etablir une gradation entre
ceux qui se reclamaient de ses sympathies? N'etait-il pas naturel qu'il
inclinat vers les Italiens epris d'unite, capables de sacrifices pour la
conquerir et la maintenir et, en plus, voisins immediats de la France,
plutot que vers ces Roumains, perdus dans la lointaine perspective de
l'Orient, agites par l'esprit de faction et oublieux, au milieu des
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tumultes et des conspiration, des grands interets de leur nation, qui
demandait encore des efforts immenses? Mais la guerre entre l'Italie
et 1'Autriche, correspondant a celle que le roi de Prusse fit a
l'empereur de Vienne, donna bientot un autre pli a l'affaire. Le
royaume de Victor-Emmanuel II fut complete sans qu'il felt besoin de
payer son agrandissement par l'abandon d'un autre pays latin, dont
les meilleurs fils n'etaient pas responsables des exces politiques
commis par une classe dominante en decadence, celle des derniers
vrais boIars et celle aussi des arrivistes qui cherchaient a les imiter,
sans avoir au moins leurs belles traditions.
La Roumanie resta donc entiere, telle que l'avaient faite la
prudence et he courage du prince Cuza. On avait propose en France,
pretend un auteur assez bien informe, un nouveau chef dans la
personne de ce prince Napoleon qui n'avait pas reussi a devenir roi
de Hongrie. Un premier plebiscite, a la mode napoleonienne, offrit
cette couronne de risques et de dangers a l'ancien candidat qui avait
ete he comte de Flandre. Mais celui qui, apres avoir ete elu avec une
majorite formidable, accepta definitivement, fut Charles de
Hohenzollern-Sigmaringen. Il devint, en mai 1866, Carol I", prince de
Roumanie.
Ce n'etait pas un Allemand de pur sang. Son pere, Charles-
Antoine, etait parent du roi de Prusse, dont it avait ete le ministre,
d'ailleurs tres liberal; mais a un degre si eloigne qu'il est difficile de le
determiner exactement. D'autre part, Charles-Antoine, fils de Marie-
Antoinette Murat, soeur du brillant et infortune roi de Naples,
Francais dont les origines, on he sait, etaient fort modestes, avait
epouse une Beauharnais qui s'appelait Josephine, comme la premiere
femme de Napoleon P. Cette Josephine etait fille a son tour de
Stephanie de Beauharnais, grande-duchesse de Bade, que
l'Empereur avait adopt& et qu'il entoura toujours d'une sympathie
particuliere. Si la soeur de Murat ne joua jamais un grand role,
Stephanie de Bade remplit Pepoque de sa personne; elle se depensait
en mouvements, en conversations, en projets et en action politiques.
Rest& tres Francaise, allant sans cesse dans le milieu social de la
France, oil elle faisait de frequentes apparitions (elle devait mourir a
Nice), Stephanie concut he projet de marier sa fille, Caro la, avec
Napoleon III, qu'elle avait connu dans les fours d'insolement et de .
perdue.
Quatre ans plus tard, la candidature du prince LeopOld, frere de
Charles I", au trone d'Espagne, amena la guerre entre la Prusse et la
France, et l'Empire en fut brise. La troisieme Republique,
preoccupee de graves problemes interieurs dut restreindre son action
au dehors; elle laissa detendre ses relations avec le lointain pays latin
du Danube, qui devait tant aux efforts faits par le souverain dechu
pour le triomphe de sa cause nationale. Neanmoins, pendants ses
moments les plus difficiles, la France ne trouva nulle part peut-titre de
sympathies plus reelles et plus profondes qu'en Roumanie. Des
manifestations pour la France vaincue se produisirent dans le
Parlement de. Bucarest, et M. P. P. Carp, qui ne nourrissait pas encore
les sentiments qu'on lui connait, declarait, comme ministry; des
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Affaires Etrangeres, que la ou flotte le drapeau de la France se
trouvent les sympathies des Roumains". L'ambassadeur de
l'Empereur a Constantinople reconnaissait la gratitude que, au risque
de s'attirer la colere et les represailles du vindicatif Bismarck, ce pays
avait su montrer, tout seul, pour la grande nation latine de l'Occident.
Lorsque les evenements de 1877 demand'erent a la Roumanie
vassale de prendre une decision a regard de la Porte, elle s'adressa a
la France pour lui demander conseil et appui. L'accueil fait par le duc
Decazes ne fut pas tres chaleureux. Si vous vous decidez a agir, fit-il
repondre, nous en sommes bien aises: le role des Puissances garantes
est termine, et vous porterez la responsabilite entiere. Il fallut bien
aller. Tout ceci n'empecha pas Kogalniceanu de manifester sa
profonde conviction que cependant, au moment decisif, le concours
de la France ne manquerait pas aux Roumains.
Apres la participation herdique de rarmee princiere aux
combats livres autours de Plevna, oU l'avait amen& l'appel du Tzar
Alexandre II, le congres de Berlin s'ouvrit au mois de juillet 1878.
M. Waddington y representait la France. Il ne fit aucune opposition
aux cessions territoriales imposees a la Roumanie victorieuse et,
comme tous les autres membres du Congas, it lui imposa l'admission
an droit de cite des strangers sans protection d'Etat.
Le commerce francais en Roumanie subissait presque chaque
annee une diminution, qui s'expliquait par l'envahissement des
produits, mauvais et tres bon marche, venant d'Allemagne.
L'importation de ceux qui formaient un vrai monopole de la France
en Orient: parfumeries, articles de mode, soieries, tissus de luxe, fut
atteinte par l'adoption toujours croissante de la pacotille de Vienne
ou de la contrefacon de Berlin. D'autre part, le ble roumain avait
trouve de nouveaux marches en Occident.
Les representants de la France en Roumanie, dont certains,
comme Engelhardt et Coutouly, ne l'ont pas oubliee facilement,
avaient plutot un role politique de second ordre; ils n'etaient pas
encourages a soutenir un commerce qui pouvait etre largement
remunerateur et une influence de civilisation qui etait a l'honneur et
h l'avantage de leur pays. Les agences consulaires dans les districts
des 1830 disparurent peu a peu, et le consulat, jadis florissant, de
Jassy fut confie a un vice-consul qui n'etait pas tame un diplomate
de carriere; c'etait un simple gerant, vivant d'autres occupations qui
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l'amoindrissaient, au milieu d'une socitete eblouie par la richesse et
le luxe.
Cependant, a cette epoque, des voyageurs et autres ecrivains
francais, sans compter un Belge, Emile de Laveleye, consacrent des
pages de sympathie au nouveau royaume roumain, proclame en 1881.
Sur les traces de Saint-Marc-Girardin, Elisee Reclus, qui visita
Bucarest en 1883, constate l'origine latine des Roumains, leur
importance dans le Sud-Est europeen ou ils occupent la premiere
place, en attendant qu'ils I'obtiennent dans une Confederation
balcanique future, la distinction physique et la noble fierte du paysan,
la grace des femmes et le droit que possede cette nation de former un
seul Etat comprenant tous ses membres4. Des pages plus
superficielles sont consacrees par Edmond About a son voyage en
Valachie.
Un Francais, Ulysse de Marsillac, occupait en 1870 la chaire de
. litterature frangaise a l'Universite de Bucarest. Il publia une tres
bonne histoire de l'armee roumaine et recligea pendant quelques
=lees le Journal de Bucarest, une des meilleures feuilles qui eussent
paru en Roumanie. A la meme poque, parurent des traductions
d'Alexandri, un peu eloignees du texte, mais d'une grande ampleur et
d'une noble essor, d'une belle harmonie; elles sont dues a un certain
Rucareanu, de son nom Antonin Rogues, professeur de francais dans
la capitale roumaine. Le pass des Roumains interessait ce poete d'un
talent reel, aussi bien que l'inspiration populaire qui animait les vers
de son modele, et, comme it &ail arrive a ecrire couramment notre
langue, it fit representer une piece en roumain, dans laquelle it
exploitait, a grand francas romantique, les tragiques malheurs du
prince valaque Constantin Brancoveanu, execute par les Turcs, avec
sa famille entiere, en 1714.
Le Journal de Bucarest ayant cesse de paraitre, d'autres hotes
francais, Emile Galli et Frederic Dame, publierent en 1877 une
nouvelle feuille frangaise, l'Independance Roumaine, qui eut ses
vicissitudes. Galli rentra en France; Dame fut ensuite redacteur d'un
des journaux roumains, Cimpoiul (la zampogna" italienne), qui
donna, entre autres, une bonne traduction du Quatre-vingt-treize de
Victor Hugo; on a de lui surtout un grand Dictionnaire roumain-
frangais, d'une reelle valeur lexicographique. Mais l'Independance
Roumaine, aussi bien que les autres feujiles frangaises, l'Etoile
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Roumaine, la Roumanie, la Politique, ne furent que des organes de
parti, destines a plaire aux strangers vivant en Roumanie, au beau
monde" preferant la feuille francaise, et a favoriser la propagande de
certains interets particuliers au-dela des frontieres; les numeros du
dimanche ne contiennent que la reproduction de fragments
quelconques tires de la litterature francaise la plus recente. Un essai,
tents tout dernierement par un groupe de professeurs, pour faire
connaitre a la France et a l'etranger en general la vie nationale elle-
meme, n'eut pas de succes: la Revue Roumaine de Bucarest ne \recut
pas meme une armee. Les conferences faites par des Roumains an
cercle" bucarestois de la revue parisienne les Anna les ne
contribuerent guere a faire mieux connaitre le public de Roumanie ni
l'esprit francais dans ce qu'il a de plus noble et de plus utile a d'autres
nations, ni aux Francais de passage a Bucarest ce que la vie roumaine
recele d'original et d'interessant. Pour atteindre les deux buts, it
. fallait s'y prendre de tout autre maniere.
Pendant ce temps, Paris cessait d'etre en faveur aupres des
etudiants roumains vraiment desireux de s'instruire, tandis que
l'influence allemande s'exergait, an moyen de la revue Convorbiri
literare (Entretiens litteraires"), par des jeunes gens revenus des
Universites imperiales, comme M. T. Maiorescu, qui fit cependant
aussi des etudes a Paris, et M. P. P. Carp. La civilisation tout entiere
des Rouinains continua cependant a subir une influence francaise, qui
se melangeait de plus, en plus heureusement au propre fond national,
plein d'originalite et de vigueur. Si le plus grand poste de cette
generation, Michel Eminescu, n'a rien de francais dans ses morceaux
lyriques si profondement vibrants, ni dans ses envolees
philosophiques il a traduit cependant du francais sa piece Lars, si
la seule note populaire distingue les nouvelles du grand conteur Jean
Creanga et de Jean Slavici, le principal dramaturge de Pepoque, Jean
L. Caragiale, fut, jusque vers la fin de sa vie, un lecteur passionne des
modeles francais, auxquels it emprunta sa delicate analyse
psychologique, son inimitable seng de la precision et de la mesure.
Les nouvelles de Maupassant, si riches d'humanite, trouverent de
nombreux imitateurs, et contribuerent sans doute a l'essor heureux
que prit ce genre dans notre litterature plus recente. Dans les
differentes branches de la science, il "y eut peut-etre une influence
encore plus profonde.
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ne faut pas oublier ensuite que, pour les arts, l'inspiration est
frangaise des le debut et se maintient jusqu'a ce jour. C'est a Paris que
firent leurs etudes nos Premiers peintres, un Georges Lecca, un
Tatarescu, un Lapati, eleve d'Ary Scheffer, qui essaya vers 1850 de
fixer dans un tableau qui ressemble a Febauche d'un sculpteur, la
grande figure du Voevode liberateur, Michel-le-Brave. Theodore
Aman, fils d'un marchand de Craiova, se forma 'sous deg maitres
frangais, a l'epoque de la guerre de Crimee, dont it presenta des
scenes aux salons de Paris, ou elles furent bien accueillies. Nicolae
Grigorescu, qui decouvrit, avec le charme des paysages roumains
dans la montagne, ou it habita jusqu'a la fin de sa vie, les conditions
speciales du milieu atmospherique, les particularites du plein air
roumain, avait commence, a l'epoque ou un Millet, un Corot
revolutionnaient l'art francais par de longues etudes patientes dans la
for& de Fontainebleau et dans les villages de Normandie. Son oeuvre
entiere, si elle est pour les Roumains une splendide revelation de leur
patrie, doit etre comprise, sous le rapport de la conception generale
et des moyens techniques, dans le chapitre de cette peinture frangaise
des derniers temps de l'Empire a laquelle it ajouta un idealisme naif
et reveur.
Il ne faut pas oublier non plus que notre meilleur compositeur,
George Enescu, appartient a la France presqu'aussi intimement qu'a
la Roumanie.
Cependant, alors que les traductions des poetes et des
prosateurs frangais forment toute une riche branche de la production
litteraire en Roumanie, presque rien de la litterature roumaine n'a
penetre en France, oil, depuis l'epoque d'Ubicini, l'interet pour l'ame
de cette nation-soeur n'a cesse de diminuer. Et cependant, depuis
1890 surtout, les litteratures etrangeres, meme celles des nations
moins developpees, ont trouve en France, non seulement des
interpretes laborieux, mais aussi un public enchante de decouvrir ces
nouvelles sources de poesie.
La faute en est en premiere ligne aux Roumains eux-meme.
Pendant que M. Emile Picot donnait un nouvel essor aux etudes
roumaines par son cours a l'Ecole des langues orientales vivantes, par
son edition de la chronique d'Ureche et par d'interessants travaux
d'erudition, pendant que des miliers d'etudiants se succedaient sur les
banes des hautes ecoles frangaises et qu'une colonie nombreuse de
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gens cultives et riches passait bon temps a Paris, it ne se trouvait
parmi eux personne pour raviver un inter& qui paraissait devoir
s'eteindre compl'etement. Apres 1850, un Valaque de l'Oltenie,
Gregoire ou ainsi qu'il croyait preferable de signer , Gregory
Ganescu (Ganesco), apres avoir commence par traduire les
Aventures du dernier des Abencerrages de Chateaubriand, et
compose un livre sur la Valachie, dans lequel it posait la candidature
au trone de deux Cantacuzene, pere et fils, et une etude sur le
principe national, publiait des journaux de polemique violente contre
les moeurs du second Empire: le Courrier du Dimanche, le Nain
Jaune, qui lui creerent une notoriete. Avec le temps, it parvint, a force
de patience et de labeur, a se former un style francais d'une verve
particulierement mordante, et certaines de ses pages ont une
veritable valeur litteraire. Un de ses collaborateurs fut un fils de
bdiar, Jean Floresco. Mais apres ces frondeurs qui ont inscrit leurs
noms a cote de ceux d'un Aurelien Scholl, d'un Prevost-Paradol et
lame d'un Barbey d'Aurevilly dans l'histoire de la reaction contre la
dissolution litteraire et morale de l'epoque, personne ne vint pour
representer un apport d'ame roumaine a la litterature frangaise. Les
beaux vers de We Helene Vacarescu, d'une si robuste facture, dans
lesquels vibrent les accents, les eclats d'une passion si profonde, n'ont
que tres rarement des notes dues a la sensibilite douloureuse et
parfois mystique qui nous est propre. Nous ne parleron pas des
imitateurs, parfois heureux, de la poesie frangaise contemporaine; ils
appartiennent par leur sang parfois a la nationalite roumaine, mais
par leur education entiere et par tout le milieu social a la France
parisienne.
Cependant les ouvrages de M. Alexandre D. 3Cenopol, qui
donna une grande Histoire des Roumains en deux volumes,
trouverent un tres bon accueil aupres du public francais qui discuta
aussi avec inter& ses Principes fondamentaux de l'histoire. M.
Xenopol, tits connu en France, est membre &ranger de l'Academie
des Sciences morales et politiques. Il y avait ete precede par Georges.
Bibesco, fils du prince regnant, qui combattit en 1870 dans les rangs
de Farm& francaise a cote d'autres Roumains, un Constantin Pilat,
qui abandonna son siege de depute, un Saguna, parent du grand
Metropolite des Roumains de Transylvanie ; it donna a la litterature
francaise des pages tres remarquables, transcrites par Zola lui-meme,
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sur la campagne du Mexique aussi bien que sur la guerre contre
l'Allemagne5. Des renseignements sur la civilisation roumaine au
XVIII` siecle et a l'epoque de la renaissance nationale ont ete dorm&
par un ancien eleve, de son vivant professeur de litterature
Bucarest. Le meilleur ouvrage de geographie consacre h la Roumanie
est celui de M. Emm. de Martonne, la Valachie. L'auteur, qui est
venu lui-meme chercher dans le pays, avec un zele infatigable, ses
materiaux, connalt le roumain; it porte un inter& a un peuple auquel
it n'entend pas prodiguer seulement de ces eloges incompetents,
odieux 'a ceux 'names qui en sont l'objet.
Il y a quelques annees, alors qu'on nous croyait encore en
France completement infeodes a la politique allemande et que le plus
hardi n'aurait ose esperer que nous pourrions un jour entreprendre
une lutte pleine des plus douloureux sacrifices et des risques les plus
graves aux cotes de la France, un de nos anciens maitres, M. Charles
Bemont, l'un des directeurs de la Revue historique, se trouvait de
passage, comme membre d'une croisiere scientifique, a Bucarest.
Apres avoir vu les monuments d'art ancien conserves alors dans le
Musee de cette ville: pierres sculptees, boiseries ornementees, vases
d'eglise d'un energique et noble travail, chasubles et rideaux d'autel
brodes d'or sur les doux fonds d'azur, de rouge pale, de vert fane,
exprimait dans quelques mots le sentiment que lui avait produit ce
premier contact avec un art nouveau: Le pays qui a donne ces
oeuvres ne merite pas seulement d'tre cite dans une histoire de l'art,
mais it y merite un chapitre special". .11 paraissait s'adresser ainsi,
devancant le jugement de profonde admiration de M. Strzygowski,
ses compatriotes, a ces Francais qui, quand Hs le veulent, ont une si
delicate comprehension -pour toutes les formes nationales que
peuvent revetir l'originalite et la sincerite humaines6.
Quelques moments plus tard, it etait question, avec le meme
visiteur distingue, d'un mouvement populaire qui avait &late en
Roumanie contre les membres de la societe riche qui voulaient
representer sur la scene du Theatre National de Bucarest une
comedie legere, empruntee au repertoire de certains etablissements
parisiens. Nous cherchions a lui en expliquer les vrais motifs, qui
n'avaient rien a voir avec la profonde admiration que nous portons
tous au genie createur de la France dans tout ce qu'il a de plus sain et
de plus durable, et M. Bemont s'exprimait nous nous le rappelons
bien -- dans ces termes: Vous avez raison. Ce qui peut nous etre
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agreable, ce n'est pas de singer notre civilisation, mais bien de
l'employer utilement pour provoquer ou hater l'eclosion d'une
civilisation nouvelle". Cette fois, c'est a nous autres qu'il s'adressait.
A cette heure, oh nous glorifion cent mille Roumains qui ont
verse leur sang morts a tout jamais inoubliables, blesses aux nobles
cicatrices pour la meme cause qui a demande leur sang a plusieurs
millions de soldats armes pour la defense du sol francais et de
l'honneur national, qu'on nous permette de souhaiter que les
appreciation formulees par un homme dont chaque parole represente
une profonde conviction, soient desormais les lignes directrices dans
les relation entre la grande nation latine de l'Occident et sa soeur
cadette du Danube. Eleves a l'ecole francaise pour devenir d'autant
plus nous-memes, nos sentons le devoir de remercier nos maitres et
educateurs par le don le plus beau que puisse faire une nation: des
sources de nouvelle inspiration jaillissant des profondeurs 'names de
son ame.
NOTES
1 L'Ilustration, n du 25 septembre 1858.
2 Le Monde illustre, 1858, tome I, page 324.
3 Le Monde illustre, 1858, tome I, page 324.
4 Nouvelle geographic universelle, Europe meridionale, tome I, pp. 244-276.
Cf. Corespondance, tome II, p. 194 note; p. 286 et suiv.
5. Les ouvrages de philosophie de M. Draghicescu et G. Asian ont trouv6
aussi des editeurs et des lecteures frangais.
6. Nous releverons encore que l'art populaire polonais des Gorales pres de
Cracovie, art adapte depuis peu et imit6 en France, n'est que l'art des paysans
roumains, les Gorales &ant les descendant de patres valaques..
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TABLE DES MATIERES
Introduction 5
Avant-propos 9
Chapitre I
Premieres relations pendant Pantiquite et le moyen-age 11
Chapitre II
Les Francais sur le Danube roumain pendant les croisades du XV' siecle 15
Chapitre III
Negociateurs et voyageurs francais au XVI` siecle.
Premiers pretendants roumains en France 19
Chapitre W
Mercenaires, voyageurs et missionnaires au XVII' siecle 28
Chapitre V
Princes phanariotes et amis francais dans la premiere moitie du XVIII`
siecle 36
ChapitreVl
Preceliteurs et secretaires francais en Moldavie et en Valachie au XVIII' siecle
Premiers ecrivains francais traitant des Principautes 40
Chapitre VII
La Revolution francaise et les Roumains 56
Chapitre VIII
La civilisation francaise et les pays danubiens
Relations politiques jusqu'a l'avenement de la Monarchie de juillet 63
Chapitre IX
La Monarchie de Juillet et les Roumains 70
Chapitre X
La Revolution de 1848 et les migrs 88
Chapitre XI
La guerre de Crimee et la fondation de l'Etat roumain 101
119
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HISTOIRE
DES
RELATIONS ANGLOROUMAINES
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Ce livre a etc public d'apres la premiere edition:' N. Iorga,
Histoire des relations anglo-roumaines, Imprimerie Progresul", Iasi,
1917.
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CHAPITRE I
II
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douanier, un Grec connu par les actes de commerce de la ville de
Lemberg, Nicolas Neurides, qui prelevait 24 aspres sur les bceufs et
vaches (20 pour ceux des marchands polonais) et 5 thalers, 10 aspres
pour les tonneaux de yin; puis le chteau, dont la description
concorde avec celle qu'on trouve dans les commentaires de
Heidenstein: enceinte de palissades et sur la place, le gibet. Il voit
aussi le lac du chteau, la riviere de Bahluiu et le couvent, recemment
bati, de Socola. La description du costume porte par les femmes
ressemble, ici encore, a celui des Bohemiennes, qui avaient aussi
attire l'attention de Fourquevaux par les grandes roues" ornees
qu'elles mettent sur leurs cheveux. De Jassy, Newberie revient sur la
rive du Pruth a tefaneti, qui recut plus tard provisoirement une
garnison polonaise, pour atteindre le Dniester a Hotin".
Henri Austell visita a son tour, vers la fin du XVIe siecle, la
principaute, adrninistree alors par un prince maladif et debonnaire,
heureux de donner l'hospitalite aux strangers, Pierre dit le Boiteux. Il
obtint son passeport turc vers le mois de septembre 1586, par
l'intervention de l'agent de la reine Elisabeth a Constantinople,
William Harebone, qui, apres une premiere residence, de 1579 a 1581,
etait revenu, avec des lettres de creance, en 1582; un autre
gentilhomme anglais" devait accompagner Austell, et les lettres de
passage du Sultan le nomment Jacomo de Manuchio". Les
Voevodes de Bogdanie et de Valachie", ainsi que les commandants
turcs jusqu'au Danube, devaient accorder aide et protection aux deux
Anglais et a leur compagnon de route, qui n'avaient pas cependant la
permission d'acheter les cheveux utiles au service" du Sultan.
Austell seul fit le voyage: it s'embarqua pour Varna et arriva par
les bouches du Danube a Issaktsche (aujourd'hui Isaccea, dans la
Dobrogea roumaine), gue habituel pour les armees turques qui se
dirigeaient contre des ennemis au Nord du fleuve. Il mentionne dans
son recit que ces Moldaves, ces Bogdaniens" sont chretiens, bien
que sujets des Turcs". Le long de la riviere du Pruth, passant par la
bourgade de Mini, Austell penetra aussi jusqu'a Jassy. Ces breves
notes ne nous renseignent pas sur l'aspect de la ville et de la Cour, qui
paraissait en 1585 a Fourquevaux, assez belle", empreinte de
grandeurs" et de majeste", avec ses trois a quatre cens soldats
vestus a l'hongresque, armez de cimeterre au costs et d'une hache a
la main", ni sur la personne du bon vieux prince boiteux qui, d'apres
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le temoignage du meme ecrivain, assis soubs une fraiscade, et tous
ses princip aux officiers autour, escoutoit les plainctes,
indifferamment, de tous les venants, lesquels, a cent pas de luy, a
genoulx, faizoint a haute voix l'un apres l'autre leurs doleances",
comme jadis le saint roi de France sous l'arbre legendaire Mais le
gentilhomme anglais" trouva aussi tout l'acueil et bonne chere"
dont son predecesseur fait un eloge reconnaissant. Nous en
resumes" de la part du prince et des boiars une grande
courtoisie". Malgre l'ordre du Sultan, les voyageurs ne payerent rien
jusqu'aux frontieres de la Moldavie. Its suivirent cette.route du Pruth
jusqu'a Stefanesti, d'oa ils prirent la direction vers Hotin. Un peu en
amont de la riviere, Austell put voir les tours blanches de Kamieniec,
forteresse du roi de Pologne ".
Fourquevaux, lui aussi, avait suivi cette nouvelle voie, qui
tendait de plus en plus a remplacer la route de Nich et Belgrade, plus
commode cependant pour ceux qui se rendaient en Allemagne, et it
parle du petit chasteau" de Hotin, ceint de hautes murailles de
brique, faict a l'antique et commando de tous les costez ". Harebone
lui-meme avait choisi la route de Moldavie, de la Pologne et de la Mer
Baltique lorsqu'il revint en Angleterre pour y demander ses lettres de
creance en 1581. Il l'employait aussi comme marchand et it envoyait
souvent ses facteurs au-dela du Dniester, pour y acheter, sans doute,
les fourrures du Nord, si recherches 19; les princes de Moldavie
exportaient, du reste, par la Pologne et la Mer Baltique, jusqu'en
Angleterre, leurs troupeaux de boeufs, et les marchands de Danzig,
qui avaient de frequentes relations avec les deux principautes
roumaines etaient des clients des Anglais pour certaines
marchandises qui etaient dj demandees en Valachie aussi bien
qu'en Moldavie avant 1450'. Lorsque, Harebone obtint, le 15 mars
1579, des lettres de recommandation du Sultan pour lui-meme et
deux autres Anglais", it comptait certainement suivre le trajet
Issaktsche-Jassy-Hotin ou bien passer par Akkerman,
l'embouchure du Dniester, par les deserts du Boudschak future et par
Jassy, chemin que prefera Fourquevaux'. En 1581, it se dirigeait, le
17 juillet, par la Mer Noire et la Moldavie vers Danzig, mais l'annee
suivante un marchand anglais prenait la route de Kronstadt en
Transylvanie.
127
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A son depart definitif, le 14 aoilt 1588, Harebone choisissait la
route du Bas-Danube moldave; it faisait le voyage dans la compagnie
de l'ambassadeur polonais venu pour excuser les devastations des
Cosaques sur le territoire du Sultan. C'est pourquoi, ayant une suite
plus nombreuse, trente personnes, it partit h cheval, par la Thrace.
Arrive en Moldavie, it y trouva le meme prince Pierre, qu'il
connaissait dj et auquel it avait, peut-titre, rendu certains services a
Constantinople, comme ambassadeur desormais reconnu par la
Porte. II crut devoir assurer le commerce anglais dans ces contrees,
commerce qu'il avait contribue a etablir par un traite formel conclu
avec le prince moldave.
Pierre-le-Boiteux, bien que tributaire de Mourad II, avait
certainement qualite pour signer une telle convention. Les douanes
des principautes etaient absolument independantes de celles de
l'Empire ottoman, qui avait seulement le droit des provisions h bon
marche et, dans certaines conditions, un faible contingent militaire,
qui ne fut presque jamais envoye dans le camp des maitres peens".
Le prince affermait ce revenu, tres eleve, a des Grecs, h des Levantins
de langue italienne, meme a des indigenes, qui appliquaient aux
marchandises de toute provenance des tarifs, certainement d'origine
tatare, datant de l'epoque oh les Khans de la Horde d'Or
commandaient jusqu'aux Carpathes. Dans les derniers temps, ces
tarifs avaient ete cependant abaisses, et Harebone demandait que ses
co-nationaux fussent admis a beneficier du traitement habituel des
Moldaves et autres negociants".
Sa demande fut agreee par Pierre, qui ne laissait echapper
aucune occasion de gagner un appui dans la chretiente (il faisait
semblant de favoriser dans 'son pays l'oeuvre de propagande
catholique des Jesuites et des Franciscains de Pologne). Le privilege
de commerce des Anglais est date du camp moldave, le 27 aoilt 1588.
Il fut redige sans doute par Harebone lui-meme et par le principal
conseiller du prince moldave, Barthelemy Bruti, Albanais italianise,
qui connaissait le latin: le style est absolument celui des actes
occidentaux de cette espece. Les Anglais paieront trois ducats sur
cent et jouiront de toute la liberte et la protection necessaires'.
128
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III
Edouard Barton, qui remplaga Harebone, apres le court
intermede de l'Italien Mariani', dedaigna de suivre l'exemple de cet
humble marchand, dont la seule preoccupation avait ete d'assurer aux
siens une plus large part a ce commerce d'Orient que commencaient
a troubler des pirates anglais. Il voulut s'enrichir et, en mettle temps,
it eut l'ambition de se meler aux affaires religieuses et politiques de
l'Empire, intervenant comme mediateur, agissant comme
propagandiste anticatholique, favorisant des candidats aux tittles de
Valachie et de Moldavie, soutenant en chaque occurrence la cause du
protestantisme et, par consequent, celle des Turcs, menaces sans
cesse, depuis la victoire de Lepante, par une coalition catholique, a
caractere de croisade, que conduisaient la maison d'Autriche,
l'Empereur et le roi d'Espagne.
Nous ne le suivrons pas dans ses agissements qu'on peut etudier
dans les rsums de ses rapports, donnes par M. Horatio Brown
(Calendars of State Papers; Venice, IX, 1592-1603). Il suffit de noter
brievement ce qui regarde directement les pays du Danube.
En 1589, le beglerbeg de Roumelie etait entre en Pologne pour
venger les degats commis par les bandes cosaques sur le territoire
moldave. Le roi fit tout son possible pour amener une reconciliation,
et les efforts de l'ambassadeur,polonais a Constantinople, Zamoyski,
parent du puissant Chancelier, furent soutenus par Barton; les Turcs
reconnurent qu'il en avait le droid parce que le royaume
d'Angleterre est voisin de la Pologne et que les Polonais
entretiennent des relations d'amitie avec la seine d'Angleterre"'.
Mais, pendant que la Pologne cherchait a gagner la Moldavie
voisine a la foi catholique, ce qui aurait eu des suites politiques
appreciables, car it ne faut pas oublier que le roi Etienne Bathory
revait d'atteindre la frontiere du Danuble et que le chancelier
Zamoyski etait tout acquis a cette politique, Barton essaya, de son
cote, de faire penetrer au-dela du Danube le courant religieux de la
Reforme. Les emissaires de l'archeveque de Lemberg, Solikowski,
forgaient les Allemands etablis dans la principaute a quitter leur
tradition protestante, et, pour empecher leur conversion,
l'ambassadeur anglais envoya, en 1593, des agents que Parcheveque
signale avec indignation et colere: cet ambassadeur", dit-il, se fera
lui-meme Turc, et on croit qu'il deviendra un grand Bacha. Qui sait si
sa souveraine ne promet pas a la Porte de faire de meme, pour
pouvoir, d'autant mieux l'inciter h troubler l'etat de la chretiente'".
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Barton avait dj des relations d'affaires avec le successeur de
Pierre-le-Boiteux, Aaron, qui, destitue en 1591, regagna le pouvoir
par l'appui tout puissant des janissaires, ses creanciers, lesquels
n'entendaient pas perdre leur argent. Il confia a ce protege, qui
hebergeait volontiers les marchands anglais (comme William
Aldwich, qui etait a Jassy en 1592), ainsi qu'a nombre d'autres agents
et amis, un role assez important apres le debut des hostilites entre
Imperiaux et Turcs, en 1593. Quelques mois apres, it intervenait pour
faire nommer prince de Valachie ce Michel qui lui avait ete
recommande par Balthazar Bathory".
Des la fin du mois de mars de Vann& 1595, le commissaire de
la reine d'Angleterre" et un envoye du prince Aaron se presentaient
a Cracovie pour preparer une action contre l'Empereur et son
nouveau vassal de Transylvanie, Sigismond. Bathory 30. A la meme
poque, le 13 (23) mai, Barton faisait envoyer a Bathory par ses amis
de Constantinople le tschaouch Houssein, porteur d'une lettre dans
laquelle l'ambassadeur, qui en avait dj ecrit au prince, intervenait
pour une entente entre le Sultan et son sujet r6volte3'. Les anciens
privileges accordes par Soliman-le-Magnifique a la principaute de
Transylvanie auraient ete confirmes dans la nouvelle capitulation.
Au mois d'aout, le prince de Valachie, Michel, remportait sa
victoire de Calugareni; et Sigismond Bathory, qui etait devenu par un
traite le suzerain des deux principautes voisines, venait, un peu
lentement it est vrai, au secours du vainqueur, force de se retirer
devant le nombre ecrasant des troupes que commandait le Vizir
Sinan. Giurgiu, qui permettait aux Turcs de surveiller Bucarest, fut
conquise et ruinee, it etait desormais possible d'inquieter sans cesse
les Pachas et begs du Danube. Mais, presque en meme temps, le
nouveau prince moldave, Etienne Razvan, qui avait remplace Aaron,
suspect6 par Bathory, puis arrete par sa garde hongroise et emmene
en Transylvanie, perdait a son tour le pouvoir par l'intervention de
Jean Zamoyski, et, apres avoir installe un prince a sa guise, Jeremie
Movila, le chancelier parvenait a imposer la retraite au Khan, qui, a
son tour, avait pass le Dniester.
Barton etait atteint dans ses interets personnels par, la captivite
d'Aaron, qui, enferme dans le chteau d'Alvincz, ou it mourut
bientot, ne pensait guere a payer ses creanciers, au nombre desquels
l'ambassadeur anglais figurait pour une forte somme. D'un autre
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cote, celui-ci parait avoir recu des offres de la part de Mihnea, ancien
prince de Valachie, qui, comme, renegat, ne pouvait plus esperer son
retablissement a la place de Michel le rebelle, mais croyait pouvoir
obtenir a son jeune fils Radu la dignite princiere. Pour arriver a ses
fins, Barton, qui entretenait, en Moldavie et en Pologne, des relations
avec l'agent tatar Achmed-Aga, deputa, le 12 decembre, son
secretaire, Francesco Marcio, a Zamoyski aussi bien qu'a Sigismond:
le premier devait intervenir aupres du Khan, qui avait ses motifs de
mecontentement contre les Turcs, pour l'amener a abandonner rid&
d'une prochaine incursion en Valachie et en Transylvanie. Meme si
les Tatars se bornaient a piller en dech des Carpathes, Sigismond se
trouverait certainement en danger et it ne pourrait empecher
l'attaque que par sa decision d'abandonner Michel et d'agreer un
autre voisin valaque. Dans ce cas, le Sultan, qui comptait se mettre a
la tete de ses troupes, n'ayant plus rien a venger de ce cote, se
dirigerait certainement contre la Hongrie. Marcio devait s'interposer
aussi pour la delivrance de Jacob Ruben, medecin du Vizir Sinan; ce
Juif influent, que Barton lui-meme avait envoye en 1594 h son ami
Aaron, et qui avait ete pris en Moldavie, devait etre ensuite employe
pour negocier un armistice entre Sigismond et le seraskier Hassan-
Pacha, qui commanderait au printemps l'offensive turque". Et enfin
Barton n'oubliait pas non plus les deux serviteurs de Harebone, qui
originaires de Kronstadt, s'etaient enfuis, lors de son passage par la
Moldavie, dans leur ville natale, derobant le coche de l'ambassadeur,
400 thalers et autres choses de prix "".
Marcio etait a la Cour de Sigismond au mois de mars 1596, et le
prince annoncait alors son arrivee a l'empereur Rodolphe34. L'agent
de Barton fut loge comme un personnage de distinction", h Monore.
Ces negotiations durerent toute Pannee: l'ambassadeur anglais etait
autorise a proposer une paix durable ou une treve d'une armee
entiere; it d'eclarait, le 20 janvier 1597, que le prince etait bon
entendeur" pour ses interets. Le 17 avril, Mathieu Banyay, emissaire
de Bathory, partait pour Constantinople, portant des lettres adressees
au mediateur 36. Mais, en meme temps Barton, qui ne pouvait avoir
une confiance entiere dans les assurances du prince de Transylvanie,
intriguait pour amener au pouvoir un autre Bathory, Etienne'. Le
2 mai 1597, l'Empereur, qui avait recu des nouvelles de Sigismond
concernant les offres de Barton, exhortait son allie et parent a ne pas
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abandonner la cause chretienne qui seule pouvait lui donner profit et
gloire. Prague recevait, du reste aussi la visite d'un emissaire anglais,
l'interprete de l'ambassadeur, Pascal Dabri38.
Au printemps de cette armee 1597, nouvelle intervention de
l'ambassadeur, qui demande au prince de garder une neutralit6
prudente39. L'agent Martin Banyay se rendait en mai a
Constantinople pour recommencer les negociations; le medecin de
Sinan-Pacha etait encore retenu en Transylvanie ou venait d'arriver
apres le tschaouch Ali, son collegue Houssein 40. En 'name temps, it
etait question d'une paix avec la Valachie et on pensait a y envoyer le
vicaire patriarcal de Constantinople, qui fut ensuite remplace dans
cette mission par le Grec Ducas".
Si Bathory resta inconciliable, l'ambassadeur anglais reussit
mieux aupres du prince valaque, a la nomination duquel it avait
contribue. Le vicaire patriarcal de Constantinople se chargea aussi
d'une mediation qui aboutit a faire conclure un armistice. Des la fin
de l'annee 1597, Barton s'adressait a son ancien protg, qui donnait
bientot une reponse favorable; en janvier 1598, l'ambassadeur anglais
et le chef de la chretiente orientale exhortaient a envoyer, sans retard,
le tribut comme preuve reelle de sa soumission".
Lorsque Sigismond Bathory abandonna sa principaute, pour
chercher ailleurs la paix qui manquait a son ame agitee, it eut l'idee
de se rendre en Angleterre, et on croyait meme, vers la fin de l'annee
1593, qu'il se trouvait a la Cour de la reine Elisabeth, a laquelle it
avait depute en 1592 un ambassadeur43. Barton etait dj mort a cette
date (des le mois de janvier 1598); les voyageurs du XVII' et XVIII'
siecles mentionnent parfois la pierre tombale, ornee d'une inscription
latine, sous laquelle reposait cet homme entreprenant que son audace
avait porte aux declarations le plus cyniques sur la chretient6 et aux
actions les moins conformes a son caractere diplomatique et a ses
devoirs religieux".
A cette poque, un capitaine anglais, John Smith, prenait part
aux combats qui se livraient, pour la possession de la Valachie, apres
le martyre de Michel-le-Brave, assassins par le general autrichien
Basta, Radu $erban, le candidat des Imperiaux, et Simeon, frere de
Jeremie Movila. Dans ses Memoires, it decrit la bataille qui se
deroula pres de Ramnic, du cote de l'Olt, entre Radu et les Moldaves
et les Polonais de son rival, accourus d'Arge et de Piteti, ou avait ete
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leur camp, puis la retraite de Radu vers le passage du Rotenturm (de
la Tour-Rouge), pendant que Simeon, secouru par les Tatars, restait
dans ses quartiers de Campulung". Smith fut parmi ceux qui resterent
au pouvoir des Tatars.
Malheureusement les noms sont absolument estropies, et rien
dans les rapports contemporains publies dans le second Supplement
des Documents" Hurmuzaki, aussi bien que dans les Memoires de
Basta rediges par Spontoni dans son Historia della Transylvania"
(Venise, 1638), ne nous donne le moyen de retablir leur forme
authentique, de sorte que le recit de Smith reste inutilisable.
IV
Henri Le llo, sussesseur, en 1597, de Barton, suivit la meme
politique et recourut aux 'names ressources. Il etait en 1600 l'intith du
Capoudan-Pacha Cigala ". S'il ne trouve pas l'occasion de se meler
aux negociations de paix entre Turcs et Imperiaux, it eut sa part dans
les intrigues qui aboutirent a la nomination d'un nouveau prince sur
le Danube.
Les pretendants roumains, toujours plus nombreux et souvent
d'origine assez douteuse, avaient trouve depuis quelque temps, non
seulement le chemin qui menait au seuil des puissants" de
Constantinople, mais aussi le moyen d'obtenir des secours en argent
et des protections diplomatiques de la part des Cours d'Occident.
Portant dans leurs bagages des genealogies que personne n'etait en
etat de verifier, prets a enumerer les souffrances indicibles, les
longues persecutions qu'ils avaient dues endurer de la part des Turcs,
ils quemandaient quelques ducats pour pouvoir continuer un voyage
qui devait necessairement aboutir a la proclamation de leurs droits
uniques et exclusifs, c'est--dire a la possibilite pour eux de t6moigner
leur reconnaissance envers ceux qui auraient eu pitie de leur malheur.
L'Angleterre eut aussi de ces visiteurs bizarres sous cette reine
Elisabeth dont le renom avait penetre en Orient, oil tel Vizir etait
d'avis qu'elle pourrait bien epouser le Saint-Pere, celibataire jusqu'a
cette heure. Le premier arrive est un certain Jean Bogdan, qui se
disait fils d'Etienne-le-Jeune et de la fille d'un Vornic moldave, et
frere de cet autre Jean qui fut vaincu par les Turcs et dechire par des
chameaux; c'etait sans doute un Roumain, qui connaissait les derniers
evenements dans les principautes, mais it signait en caracteres grecs
133
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et, ce qui est bien curieux, ces lettres grossierement alignees forment
un autre nom, celui d'Ilia-Helie.
Apres un premier sej our en Angleterre, it traversa 1'Italie
septentrionale, la Suisse et passa quelque temps a la Cour de
Henri IV, dont it attendait son retablissement sur le trone des
ancetres; on y crut en effet a sa descendance et h sa mauvaise fortune.
Laissant son fils en France, Jean Bogdan se rendit de nouveau en
Angleterre en 1595, muni de lettres du roi a l'adresse d'Elisabeth et
de l'ambassadeur francais, de Beauvoir"; Henri IV le recommandait,
du reste, aussi au sieur Mariany, ambassadeur pour la royne
d'Angleterre pres le Grand Seigneur"". Le pretendant moldave etait
meme chevalier de l'Ordre royal, et le titre est mentionne dans deux
de ces missives.
Les informations manquent sur cette seconde visite a la Cour de
la reine. L'aventurier erra pendant de longues annees a travers
l'Europe sans se risquer jusqu'a la Porte, ou it aurait trouve sans
doute le cruel accueil reserve aux gens sans protection et
completement denues d'argent".
Iancu, dit le Saxon (Sasul), prince de Moldavie, s'etait enfui en
Pologne apres sa deposition, et le roi Etienne Bathory crut devoir
venger d'anciennes offenses en faisant decapiter le pauvre refugie. Sa
veuve vecut pendant longtemps en Galicie; elle accompagna plus tard
son fils Bogdan a Venise, oif elle maria une de ses fines a Giovanni
Zanne, puis a Constantinople, oh elle tacha d'obtenir pour lui la
principaute de Valachie. Le jeune prince s'enfuit avec les restes de
Farm& turque vaincue; la faillite de la maison venitienne des
Ludovici lui fit perdre bientOt son avoir.. Il allait etre pendu pour
avoir complote la mort de l'ambassadeur polonais Stanislas Golski,
quand it trouva des appuis dans l'ambassadeur de France et dans la
bailo de Venise. Une occasion d'tre nomme en Moldavie fut perdue
pour lui par la rupture d'une projet de mariage avec la fille, restee
chretienne, d'un Venitien renegat, Youssouf-bey Cievatelli.
Le pretendant crut devoir changer de nom pur changer de
fortune. Un Etienne Bogdan, dit le Sourd , avait regne en Valachie de
1592 a 1593; peu de temps apres sa destitution, it etait mort dans un
combat contre la ligue chretienne du Danube. Notre Bogdan parait
en 1602 sous ce nouvel aspect: l'ambassadeur d'Angleterre, Lello,
134
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etait son hote, son creancier et son protecteur. I1 croyait pouvoir faire
pour cet exile ce que Barton avait fait pour Aaron et pour Michel'.
Etienne Bogdan arrive sur un vaisseau venitien, presenta 4
l'ambassadeur des lettres de la reine, qu'il pretandait avoir servie sous
les armes en Flandre: i1 esperait pouvoir remplacer Jerernie MovilA,
vassal des Polonais, comme prince de Moldaviem. La guerre soutenue
par les Turcs contre les usurpateurs", protgs de 1'Empereur et du
roi de Pologne, en Valachie, paraissait lui etre propice.
Le nouveau venu cependant ne reussit pas, n'ayant pas de quoi
payer des patrons turcs assez puissants pour lui donner le chapeau
princier; et il passa meme quelque temps, a cote du concurrent, dans
la prison et aux galeres. Enferme au chteau d'Asie des Dardanelles,
it y resta jusqu'en 1606, et s'en echappa en habits de femme. Il se
decida alors a demander une seconde fois la protection du roi
d'Angleterre.
La genealogie tendencieuse, erronee par endroits, mais en
general assez ,exacte, qu'il presenta a Jacques I-er, nous a ete
conserves 52. Etienne Bogdan obtint seulement une lettre pour
1'Electeur de Brandendebourg, auquel it comptait reclamer a son
tour une ancienne dette, tres importante, contract& par Joaquin I-er
envers Pierre Rare, prince de Moldavie et grand-pere du pretendant,
a repoque ott une armee de croises assiegeait Bude, recemment
acquise par les Turcs 53. Arrive a la Cour de Saxe, it se presenta
comme bon lutherien digne fils de son pere, le Saxon, qui ayant
ete a la solde de la reine Elisabeth, serait bien aise de demeurer
desormais en Angleterre, sous le nouveau roi ". Plus tard, it
promettait a 1'Empereur de lui gagner les Dardanelles et de lui payer
un tribut55.
Revenu a Constantinople, le fils de Iancu habita d'abord un
village des environs; l'Angleterre etait alors represent& par Glover,
mais les lettres royales imposaient au nouvel ambassadeur le devoir
d'intervenir pour Bogdan. Les pourparlers commencerent donc
aussitot avec certains hauts personnages turcs, en juillet 1608 ". Le
repfesentant du Khan des Tatars se montra dispose a soutenir les
pretentions du protg anglais, et un parti de bolars moldaves parut
meme a Constantinople pour demander sa nomination a la place du
jeune Constantin Movila, instrument des Polonais; le representant de
ce dernier fut attaque en pleine rue, devant la porte d'entree du
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Divan. Aussitot les coupables furent arretes, dOment batonnes et
jetes en prison. Its furent delivres, mais ils durent cesser leurs
relations avec l'ambassadeur. Leur desobeissance fut punie et Glover
lui-meme menace d'tre renvoye a son maitre, pour qu'on lui coupat
la tete" ". Ce qui n'empecha pas l'assassinat en decembre 1609, de
l'agent moldave Caraiman, que le pretendant jugeait etre la cause
principale de son insucces. Glover avait ete pleinement informe de ce
fait, et Bogdan etait encore son hote.
Il le fut encore quelque temps. Lorsque, en mai 1610, les Turcs,
gagnes par Movila, voulurent en fink avec lui, en le faisant inviter
dans le palais des princes de Moldavie sous pretexte d'y entendre la
lecture de son decret de nomination, Bogdan eut vent de ce qui le
menagait et it se tint enferme dans l'hotel d'Angleterre. L'inimitie du
prince de Transylvanie, Gabriel Bathory, contre ses voisins de
Valachie et de Moldavie, qu'il comptait chasser de leurs sieges et it
chassa, en effet, au mois de decembre 1610, le premier d'entre eux,
Radu Serban, un client des Imperiaux, rendait plus brillantes encore
ses esperances".
Gabriel ecrivit bientot au Vizir-Cemacam pour lui demander la
nomination comme prince moldave de ce Bogdan, heritier" du pays,
qui n'avait jamais implore un autre appui que celui du Sultan, son
maitre ". L'ambassadeur imperial pretendait que le futur prince
moldave avait la mission de servir les intentions de Bathory contre le
roi de Pologne, dont it voulait prendre la place: Bogdan aurait bu
meme a la sante du futur roi Gabriel, declarant qu'il ne voudrait vivre
trois jours apres le couronnement de son ami 6.
Mais, au mois de juin 1611, Bogdan fut mis en accusation pour
avoir donne appui a deux esclaves fugitifs de sa nation, et, cette fois
encore, it fut impossible de se saisir de sa personne". De leur cote, les
Polonais renouvelerent leurs instances pour eloigner de
Constantinople cet ennemi acharne de leur influence en Moldavie,
influence qui leur etait si utile pour la defense lame du royaume.
Leur ambassadeur demanda energiquement, en septembre, qu'on mit
fin a ces intrigues ". Des Farm& precedente, le roi Sigismond III etait
intervenu aussi en Angleterre pour que cessat la protection accord&
a l'ancien soldat d'Elisabeth. Le 24 juin, Jacques I-er repondait qu'il
n'avait fait que son devoir envers un prince malheureux, mais que son
intention n'etait pas de causer des deplaisirs a un souverain ami 63.
136
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Cependant it fallut attendre plus d'une armee le rappel de Glover; son
successeur, Paul Pinder, arriva en decembre 1611`. Quant au protg
roumain de l'ambassadeur disgracie, it n'avait qu'un seul refuge:
renier. 11 devint, en fevrier 1612, Ahmed, sandschak de Prizrend, puis
de Brousse, un des tres rares renegats de race roumaine que compte
l'histoire de 1'Empire ottoman".
Un des temoins des aventures du pauvre Etienne Bogdan ecrivit
plus tard des M6moires qui eurent l'honneur d'une traduction en
langue hollandaise ". William Lithgow, ecossais, mentionne les
depenses faites par Thomas Glover pour l'entretien de ce duc de
Moldavie" pendant deux ans; i1 prete foi aux assertions du pretendant
qui disait avoir ete depouill6 par le Sultan Ahmed de toutes ses
grandeurs". A l'arrivee de Paul Pinder, le Moldave s'avise de renier
pour obtenir un palais et une pension viagere de 12 000 ducats".
Pinder en fut indigne, et Lithgow partagea ses sentiments; it n'y avait
plus aucun espoir de recouvrer une dette qui depassait 15 000 ducats.
A son depart, notre auteur, qui avait pass deux mois dans la
compagnie du nouveau Pacha, etant, lui aussi, hote de l'ambassadeur
d'Angleterre, ne negligea pas d'aller voir, dans la compagnie de
Pinder liri-merne,,le renegat, qu'il trouva entour6 d'une forte suite de
coreligionnaires. A son retour, Lithgow fut depouille par les brigands
au cours de son passage de Transylvanie en Moldavie, ou it trouva un
ami dans le boIar de religion reformee qu'il nomme le baron
Starhoudt":' le prince du pays, Etienne Toma, ancien veteran des
guerres franco-espagnoles, etait aussi une des connaissances que
1'Ecossais avait faites dans la maison de l'ambassadeur anglais, et it
dut a ces relations d'tre conduit honorablement jusqu'au dela du
Dniester, en Podolie.
Avec le depart de Glover finit la premiere periode des relations
entre 1'Angleterre et les pays du Danube; it n'y aura plus desormaais
de marchands-diplomates, avides de gain, moles a la foule des
emprunteurs qui devenaient, par ce fait meme les protecteurs
infatigables de leurs debiteurs de lignee princiere, la maison des
ambassadeurs ne sera plus le refuge des pretendants traques par leurs
ennemis. D'autres occupations s'imposeront a des representants d'un
ordre superieur, ayant a un plus haut degre le souci de leur propre
dignite. Si le commerce anglais, l'influence anglais ne se rencontrent
plus pendant presque deux siecles sur le Danube, a Constantinople, le
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representant mal paye d'une Compagnie de commerce deviendra
bientot un veritable ambassadeur d'Etat et jouera un role decisif dans
la politique de l'Orient.
Il faut ajouter cependant que la Moldavie, mentionnee dans.les
ouvrages geographiques populaires, comme le Microcosme" de
Pierre Heylyn, en 1625, etait suffisamment connue, grace a
l'aventurier m8me dont nous venons d'esquisser la carriere, pour que
des princes de Moldavie", des rois de Moldavie" aussi, parussent
dans les comedies de Ben Jenson et de Beaumont et Fletcher'.
NOTES
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14. Hurmuzaki, Documente, XI, p. 115 et suiv.
15. Parchas his pilgrimes, 1625, chap. W, p. 1420; traduction roumaine de
M. M. Beza dans le journal Romanul d'Arad, reproduite, avec des corrections et
des notes, dans notre revue Neamul Romanesc literar, armee 1912 mai; cf. le
meme, dans 1'English historical Review, XXXII, pp. 278-279.
16. Nos Actes et fragments cites, I, pp. 37-38.
17. The principal navigations, voiages, traffiques and discoveries of the
english nation, etc. by Richard Hakluyt, ed. de 1598, vol. II, 2-e partie, pp. 196-198;
une seconde edition a paru en 1809-11: Hurmuzaki, Documente, XI, pp. 194-195,
n. CCCXX.
18. Actes et fragments, I, p. 39.
19. Hurmuzaki, XI, p. 632, note 2; un de ces facteurs fut assassins
Constantinople en 1579.
20. Sur les observations que faisaient en 1447 les deux princes concernant la
qualite des halbe Laken, probablernent une espece de drap, voy. l'excellent
ouvrage de J. Nistor, Die auswartigen Handelsbeziehungen der Moldau im XIV,
XV und XVI Jahrhundert, p. 83 et suiv. Cf. la continuation parue sous le titre de
Handel und Wandel in der Moldau bis zum Ende des 16. Jahrhunderts, Cernauti
(Czernowitz), 1912. Cf. le travail du meme sur les douanes moldaves de l'ancien
regime. Das moldauische Zollwesen im 15. und 16. Jahrhundert, dans le
Jahrhbuch fur Gesetzgebung, Verwaltungund Volkswirtschaft im deutschen
Reiche de Schmoller, 1912.
21. Hurmuzaki, XI, p 632, note 2.
22. Ibid., p. 651, n. LXXXIX (Hakluyt, Principal Navigations, I,.pp. 320,436).
23. Hurmuzaki, XI, p. 822: 30 Martii. Kamein Engellender Kauffman hiher:
schicktt ime auff Befel, ein Mall grienn Fisch, Weinn, Czippo.
24. Hakluyt, ouvr, cite, II, pp. 289-290; Hurmuzaki, III, p. 108, n. CXIV;
p.,122, n. CVII.
25. Hurmuzaki, XI, p. 776, note 2. Cf. ma Geschichte des osmanischen
Reiches,
26. Hurmuzaki, XI, p. 744, note 2; p. 750, note 1.
27. Ibid., p. 309, n. CCCCXXXV; pp. 316-317, n. CCCCXLVI.
28. Brown, loc. cit., pp 41-42, n. 89; pp. 44-45, n. 96; p. 58, n 131; 107, n. 221;
p. 114, n. 237; p. 140; Hurmuzaki, III, rapports des 10 juillet et 10 aoilt 1592, des 14
fevrier, 2 octobre et 22 novembre 1593. Barton dut se presenter ensuite en justice,
comme garant d'Aaron, avec les heritiers du negociant Charles Elman, sujet
venitien, qui avait ete un des creanciers du Voevode (Brown, loc. cit., p. 128 et
suiv.). Pour une ceinture d'emeraudes, Aaron avait mis en gage d'autres
emeraudes, une epee ornee de joyaux, une dangue etc; (ibid., p. 133, n. 289).
29. Wolfgang Bethlen, Historia, d'apres les les notes de Pierre l'Armenien,
IV, pp. 274-278.
30. Hurmuzaki, XII, p. 35, n. LXXXIV.
31. Ibid., p. 49, note 1; p. 54, n CXV; p. 55; p. 69, n. CXXIV; p. 74, n. CXXXV.
32. Les instructions ont ete publiees dans Hurmuzaki, III 2, pp. 158-159,
n. CLXXVIII; pp. 304-305, n. CCCLIV fausse date: en rsum, d'apres un autre
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manuscrit, dans le vol. XII, pp. 112-113, n. CLXXX; cf. ibid., pp. 193-194,
n. CCXCVI). On voit que Barton avait des relations avec des italiens qui faisaient,
en Moldavie et en Valachie, le commerce de fourrures: Sebastiano et Luciano di
Biagio. Il voulait acheter un coche et des chevaux en Transylvanie pour son
prochain voyage a la suite du Sultan.
33. Ibid., p. 194, note I.
34. Ibid., pp. 239-240, n. CCCLIII.
-35. Ibid., pp. 243-244, n. CCCLIX.
36. Ibid., p. 290, note 2.
37. Ibid., p. 230.
38. Hurmuzaki, XII, 297, n. CCCCXLIII.
-39. Ibid., p. 260; Brown, loc. cit., p. 262, n. 559.
'40. Ibid., p. 269, n. 577. La lettre de Barton (5 mai), ibid., pp. 268-269, n. 576.
'41. Ibid., p. 272, n. 585.
42. Hurmuzaki, XII, p. 329, n. CCCCXCVII; Brown, loc. cit., p. 303, n. 643;
P. 304, n. 647 (cf. Hurmuzaki, III, pp. 518-520). Les lettres du vicaire, ibid., vol.
XIII; l'analyse dans le vol. XIX (sous presse).
43. Ibid., XII, p. 451, n. DCCVI, DCCVIII; p. 45'7, n. DCCXIX; p. 4'79, n. DCCLXI;
p. 480, n. DCCIXII; p. 558, n. CMII. Il voulait prendre la route habituelle par
Danzig (ibid., pp. 521-522, n. DCCCXXXVVI).
44. Cf. aussi Andre Veress, Relationes nuntiorum apostolicorum in
Transylvaniam missorum 'a Clemente VIII, Budapest, 1909, pp. 84, 86, et ma
Gestchichte des osmanischen Reiches, loc. cit.
45. Parchas his pilgrimes, t. II, chap. VIII; traduction roumaine de M. Beza
dans be Romanul": reproduite avec des corrections et des notes dans le Neamul
Romanesc literar", armee 1912,619-621.
46. Hurmuzaki, XII, p. 644, n. MN.
47. Hurmuzaki, Supplement I p. 107-108: Lettres missives de Henri IV,
publides par Berger de Xivrey, III pp. 430-431; notre etude sur les "Pretendants"
dans les Annales de ?Academie roumaine, XIX, p. 229 et suiv. Deux lettres de Jean
Bogdan, dans nos Actes et fragments I, p. 49-42.
48. Hurmuzaki, loc. cit., p. 107, n. CLXV.
49. Il passa par Amsterdam; Hurmuzaki, XI, p. XCIV, et note 7. Cf. ibid.,
pp. 199-200, n. CCCXXIII; p. 709, note 1.
50. D'apres les rapports vanitiens contenus dans le volume IV, 2-e partie, des
cDocuments Hurmuzaki; dans nos <<Prdtendants , loc. cit., p. 251 et suiv.
51. Hurmuzaki, IV 2, pp. 262-263, n. CCXXXVI.
52. Papiu Ilarianu, Tesauru de monumente istorice, III, Bucarest, 1860, p. 46.
53. Ilarianu, ouvr. cite III, pp. 49-50.
54. Lettre d'Etienne Bogdan au duc de Saxe:
Io, don Stefffano Bogdan Despot, legitimo principe herede di Moldavia, etc.,
etc., desidero the Vostra Altezza per la sua solita dementia me favorisca con una
sua lettera di racomandatione alla Sacra Regia Maies,ta de Ingliterra. Essendo io
della religione catolica evangelica, non posso esser favoritto de altri principi senon
della medesima nostra religione. Adunque sapia V. Alteza Serenissima come per it
passato io son statto in servitio della felice memoria regina Elisabet, et ancho son
140
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stattofavorisato da Giacob, de adesso re di Ingliterra, mente che io me trovava
flagellato in Turcia. Hora, volendo andar servir quella Sacra Corona de Ingliterra,
supplico Vostra Alteza che ma adiuti con qualche costo di denari per it mio viagio,
pereche questa sera me ne parto, et per tale benefitio, mentre che sub memore et
mentre che sono vivo sub obbligato. Et, sicome io procurare di monstrarme grato
con le opere, cosi supplico Vostra Alteza Serenissima di non me abandonar in
questo mio bisogno.
Di Vostra Alteza Serenissimaa servitore:
II principe di Moldavia, manu propria.
Alla Serenissima Alteza duca di Saxonia, etc., etc., signor, signor,
colendissimo. (Rep. 8 019, fol. 55, Archives Royales de Dresde, copie par
M.J.Bianu, puis par nous.)
55. Hurmuzaki, IV', pp. 415-416.
56. Ibid., IV', p. 209.
57. Hurmuzaki, IV 2 pp. 304-305, n. CCCVIII; mes Studii fi documente,
XX, p. 379, n. CCCXIV; p. 384, n. CCCXIV; pp. 496-497, n. XVI.
58. Hurmuzaki, IV', p. 308 et suiv.; Brown, Calendar (1610-1613), n. 134,
173,239,242,318,344,368.
59. Hurmuzaki, IV', pp. 411 146, n. CCCLXXIX.
60. Nos, Studii si Documente, IV, pp. 157-158.
61. Hurmuzaki, Supplement, I', p. 135.
62. Ibid., IV2, p. 333, n. CCCXXXV.
63. Pretendants, etc., p. 78; Hurmuzaki, IV', p. 319, n. CCCXXII.
64. Ibid., p. 331, n. CCCXLIII. Cf. notre Geschichte des osmanischen
Reiches, III, p. 393 et suiv.; Brown, loc. cit., n. 405,444-445,457.
65. Hurmuzaki, IV, pp. 332-338; Suppl. I', p. 14; notre etude sur Elisabeth,
femme de Jeremie Movila, dans les Annales de l'Acadarnie Roumanie, XXXII,
p. 1053 et suiv.
66. Willem Lithgouws negen-tien jaarige Lant-Reyse uyt Schotlant na de
vermaerde deelen des werelts, Amsterdam, 1656, p. 78-79, partie VIII, p. 46. Ces
passages ont ete signales par M. Beza dans be Rom'anul. Nous en avons donne une
edition dans le volume XXXII des Studii si Documente. Cf. aussi les notices
publiees dans be vol. XX de cette meme publication, pp. 379-384, n. CCCXIV;
CCCXXXV pp. 425-426,495-496.
67. M. Beza, dans l'English Historical Review, loc. cit., pp. 277-278.
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CHAPITRE II
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voyageurs par la voie qui menait a travers les Carpathes de l'Europe
centrale a Constantinople, on ne rencontre a l'exception d'Edward
Brown, qui S'etonna de trouver vers 1660 en Transylvanie des gens
parlant generalement le latin" avant de retrouver cette meme nation
en Macedoine, ou des envoy& du prince de Valachie portaient des
faucons au Sultan vers Larissa', pas meme quelque ambassadeur de
passage dont les rapports nous eussent conserve des notes sur l'etat
du pays a l'epoque meme ou, sous les longs regnes prosperes de Basile
Lupu en Moldavie (1634-1653) et de Mathieu Basarab, en Valachie
(1633-1654), les Principautes roumaines, abondantes en ressources,
se developperent plus largement. Et cependant c'etait l'epoque ou le
representant a Constantinople de la Compagnie du Levant recevait
des marchands un subside annuel de 4.000 livres sterlines et ou it avait
des secretaires de la valeur de ce Ricaut dont les ouvrages concemant
l'Empire ottoman sont parmi les plus connus pour cette poque 3.
Les souvenirs des jours ou la reine Elisabeth soutenait de son
credit h Constantinople la cause du pretendant moldave Bogdan
parurent toutefois revenir lorsque Charles II fut sollicite, en meme
temps que Louis XIV, par ce Georges Etienne, qui, usurpateur du
trone moldave contre Basile Lupu, son maitre, fut chasse de sa patrie,
apres quelques breves annees de regne, par les Turcs et traversa
l'Europe entiere pour aller mourir a Stettin, en terre suedoise. Le roi
d'.Angleterre n'hesita pas a recommander ce bon ami Georges
Etienne, ancien prince de Moldavie" (our good friend Georgius
Stephanus, late prince of Moldavia"), qui lui avait expos comment,
etant tombe en disgrace, it avait ete depouille de sa principaute et
reduit a une extreme misere" (reduced into extreme misery"). Au
nom de la solidarite qui doit regner entre les princes, quel que soft le
sort que la fortune leur efit reserve, Charles II faisait demander, par
son ambassadeur, le comte Winchelsea, pardon" au Sultan pour ce
prince malheureux qui ne voulait attendre son retablissement
d'aucun appui &ranger et qui s'offrait a se rendre digne par sa
conduite future de la clemence de son maitre imperial.
Sous le riche prince munificent que fut a Bucarest Constantin
Brancoveanu, on trouve de nouveau des points de contact. Tel prelat
anglais s'interessait aux choses de cet Orient orthodoxe dont on
croyait la conquete religieuse facile. Et enfin sous le nouveau regime
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cite en Angleterre par la revolution de 1688 le commerce britannique
regagna un esprit d'initiative qu'il avait perdu depuis longtemps.
On n'a pas encore publie les rapports des ambassadeurs du roi
Constantinopole pour en pouvoir tirer des renseignements sur les
relations qui ont du avoir lieu necessairement entre ces ministres et
Brancoveanu dont certaines ambassades preparaient la ruine au
profit de l'aventurier hongrois Toko ly ou de tel concurrent indigene,
au cours de la longue guerre que la Porte soutint dj avant le siege
de Vienne contre la nouvelle coalition de croisade, a la tete de
laquelle se trouvait l'Empereur Leopold et dont le heros fut Jean
Sobieski, roi de Pologne. Courtiser tous les ambassadeurs,
transmettre leur correspondance 5, les gagner par des presents
magnifiques distribues a propos &ail un des grands moyens que le
Valaque employait pour se maintenir.
On parla donc de nouveau des pays du Danube dans la
correspondance diplomatique et dans les recits de voyage anglais.
Des secretaires anglais venant de Vienne prenaient la voie des
Carpathes.
La chronique officielle du regne de Brancoveanu, qui jouait sur
les rives du Danube le role d'un Louis XIV oriental, grand batisseur
d'eglises et de palais, donateur inepuisable, ayant le gait des arts, fait
Pelonge de lord Paget, signalant le role que joua a la conclusion de la
paix de Carlowitz, entre le Sultan et ses ennemis de la coalition
chretienne, cet homme de haute importance, honnete et tres sage,
profond connaisseur des circonstances ou on vivait a la Porte des
Turcs". Lorsqu'il prit son conge en 1703, it desira faire son voyage de
retour par cette Valachie inconnue, pour sa propre commodite et
pour mieux voir le pays". La Porte acquiesca a son voeu: elle .donna
des ordres de bien recevoir cet ami, qui lui avait ete utile.
Paget, qui avait designe son successeur, Sutton, le 15 mars et
avait quitte Constantinople le 19 avril, arriva, avec sa maison, sur le
Danube, a Turtucaia, cette place, habitee des le debut par des
pecheurs roumains, qui fut le theatre de la tragedie qu'on se rappelle.
De l'autre cote l'attendaient, avec des soldats, des carrosses princiers,
et des tentes pour les places d'arret, Pierre Brezoianu et ce Thomas
Cantacuzene, cousin germain du prince, qui, neuf ans plus tard, allait
trahir son maitre et parent et le compromettre aux yeux des Turcs en
se rendant furtivement au camp du Tzar Pierre-le-Grand. Le
144
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lendemain, les deux fils allies de Brancoveanu, Constantin et Etienne,
destines a etre sacrifies sous les yeux de leur pere, en 1714, a
Constantinople, aux instincts sanguinaires du Grand-Vizir Dschine-
Ali-Pacha, furent delegues pour accueillir cet &ranger d'une si
grande et rare distinction, sur la lisiere de la Capita le meme du pays;
outre le boiar Radu Izvoreanu, deux des oncles du prince, le chef de
l'armee, Michel Cantacuzene, et son cousin S erbad, les
accompagnaient. A ce moment, lorsque la cavalerie valaque parut sur
la hauteur de Vacareti, oii devait s'elever plus tard un des plus beaux
couvents du pays, it n'y avait rien sur cette place. L'ancien
ambassadeur fut conduit en grande pompe a ses logis le 4 mai.
Des le soir, le Voevode roumain alla voir tout seul son visiteur
sans attendre ses hommages personnels, car Paget n'avait envoye
pour presenter des remerciements que son frere avec trois personnes
de sa suite. Il fut regu par l'etranger au bas de l'escalier, avec
beaucoup d'honneur et de compliments". Le prince monta a sa droite
dans le salon et y resta deux heures entieres a converser avec son
hote, qui le conduisit jusque dans la rue, oil l'attendait le cheval.
L'audience solennelle eut lieu le lendemain, un samedi, le
gendre de Brancoveanu, Radu, fils du prince Ilia, qui avait regne en
Moldavie, etant alle le prendre avec quatre carrosses princiers, dont
celui qui etait destine au diplomate surpassait tous les autres; un
detachement d'infanterie accompagnait le cortege. Les deux fils alines
de Brancoveanu conduisirent Paget au haut du grand escalier jusqu'a
la loggia oil l'attendait le chef du pays.
On passa d'abord par la grande salle du Divan", du Conseil, of
selon la coutume turque recemment introduite, dans un pays qui avait
vecu pendant longtemps dans ses traditions indigenes, correspondant
plutot a celles de l'Occident, etaient ranges les commandants d'une
armee qui ne signifiait plus que la simple garde d'un maitre qui
n'avait pas d'armee permanente pour defendre son pays. Dans la salle
voisine, de la Spatarie (le Spatar &ail le chef des troupes) se
trouvaient tous les boiars du pays, ranges apres leurs dignites", et au
moment ou cet &ranger de grande distinction fit son entre pour y
rencontrer le Voevode, les quatre canons de la Cour donnerent le
salut.
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Brancoveanu offrit au representant de l'Angleterre son propre
tram, se bornant a s'asseoir sur le rebords d'un lit, a la mode
orientale. La conversation devant une assistance nombreuse se borna,
cette fois, naturellement, aux compliments d'usage, auxquels ne
participa cependant personne des assistants. Le repas solennel suivit,
indispensable a la fin d'une audience, h Bucarest et h Jassy aussi bien
que dans la Capita le des Sultans qui servait de modele pour tous les
actes de la vie publique: le cote droit etait occupe par l'ambassadeur
et sa suite, le cote gauche par les boiars. Selon la coutume du pays, on
porta des toasts au milieu du fracas des detonations d'artillerie et du
crepitement des fusils de la garde.Le Prince parla pour l'ambassadeur
et l'ambassadeur pour le prince. Et par suite de la grande liesse qu'il
y eut, l'hote et ses boiars s'enivrerent pour tout de bon", sans qu'ils
y fussent cependant contraints", ajoute le redacteur de la chronique
officielle. Paget ne partit pas cependant sans etre revetu tant bien que
mal d'une pelisse de zibeline, ainsi que le prescrivait l'usage a l'egard
des visiteurs de son importance de meme qu'a regard des simples
boiars promus aux fonctions. Puis le cortege se forma de nouveau, et
le jeune prince, gendre de Brancoveanu, conduisit l'Anglais a son
domicile passager, pour s'y reposer".
Il y eut une nouvelle visite du prince au diplomate anglais,
Brancoveanu ayant pris le chemin &robe des riches jardins qui
entouraient sa residence et s'etendaient aussi sur la rive opposee de
la Dambovita qui traverse Bucarest. 11 y eut regain de compliments
le terme se rencontre pour la premiere fois, avec son air occidental,
dans le recit: complementuri et de nouvelles discussions politiques.
L'audience de conge de Paget eut lieu le lendemain sans aucune autre
pompe que celle que pouvaient d6ployer ces voyageurs eux-memes,
qui parad'erent pour la derniere fois dans les carrosses de la Cour. Le
prince attendait dans son kiosque de plaisance au milieu de la fraiche
vegetation du printemps. Paget put admirer la beaute de ce mois de
mai danubien, tout enbaurne de la senteur poivree des lilas et eclaire
par un doux soleil caressant. On s'attarda a parler dans cette apres-
midi lumineuse sur ces choses d'Orient dont l'Anglais avait une si
longue pratique et dans lesquels Brancoveanu lui-meme, qui sut
retenir pendant plus de vingt-cinq ans un trone submine par les
intrigues, etait depuis longtemps pass maitre.
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Chishull, l'ancien chapelain de Smyrne, qui accompagnait
l'ambassadeur, avait aussi d'autres preoccupations que celles de son
chef. Il se rendit aupres du Patriarche de Jerusalem, l'erudit Grec
qu'etait Chrysanthe Notaras, et it le trouva dans le couvent, de
fondation recente, dedie a Saint-Georges, avec ses larges
appartements et magazins pour les marchands, dont la vente peut
produire jusqu'a vingt bourses par an"; it y vit cette imprimerie ou un
prelat refugie de Syrie, le Patriarche d'Antioche, qui dedia
Brancoveanu une breve histoire de son Siege, faisait imprimer les
beaux ouvrages en langue arabe qui furent les premiers a servir aux
chretiens de Syrie. Parmi les publications grecques de ces memes
presses le visiteur mentionne l'ouvrage, paru peu auparavant de
Phieromonaque Maxime combattant contre les catholiques, ennemies
particuliers des moines orthodoxes de Jerusalem 8. D'ailleurs Paget
lui-meme accepta de transmettre a la Cour de Vienne les doleances
qui furent, du reste, tres mal accueillies du prince de Valachie
contre les persecutions qu'endurait de la part des Jesuites magyars et
allemands l'ancienne Eglise orientale des Roumains de Transylvanie
rattachee par une longue tradition hierarchique a cette Valachie.
Le ministre partit le lendemain, avec la meme pompe qu'a son
arrivee, accompagne des memes boIars et dans le beau carosse, avec
le gendre de Sa Grandeur". Dans la banlieue de Bucarest, sa suite
roumaine prit conge de lui, mais it eut jusqu'aux frontieres la garde
d'honneur et de sarete d'un drapeau de soldats valaques. Le chemin
suivait le cours de cette meme Dambovita, dont le visiteur avait pu
voir les eaux troubles et limoneuses se trainant entre les hautes
berges des jardins du prince. Ci et la s'elevait ces villages aux petites
maisons blanchies a la chaux dont le secretaire florentin du Voevode,
Del Chiaro, vante la proprete irreprochable. Des konaks, des relais
etaient prepares pour sa reception, et les paysans des environs
faisaient de bonne grace l'office de guides, de pourvoyeurs et
d'auxiliaires.
C'est ce que nous pouvons ajouter sur la base des nombreux
recits de voyage qui nous ont ete conserves surtout pour le dix-
huitieme siecle, a l'expose, dont tout pittoresque est resolument
ecarte, de l'annaliste de Cour qui mentionne Parrivee de l'ancien
ambassadeur a son dernier konak", le dixieme a partir du Danube,
dans la bougarde de montagne de Rucar, avec son eglise au toit de
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bardeaux et aux riantes habitations rangees de deux cotes de la
riviere aux ondes fraiches et vives. Puis it entra dans les domaines
des Allemands en Transylvanie". Il s'appelait mylord Paget et etait
age d'environ soixante ans, et !name plus".
Brancoveanu put voir bientot a Andrinople Sutton, le nouvel
ambassadeur britannique, car it recut l'ordre de se rendre a la Porte
du Sultan, oir l'attendait, avec toutes ses consequences fatales, une
destitution que son habilite et les sacrifices d'argent auxquels it se
resigna surent 6viter. Bientot it eut meme dans le successeur de son
ami Paget un soutien politique, pendant ces troubles de Hongrie,
diriges contre l'Empereur, qui etait lie d'alliance avec l'Angleterre
contre les projets envahisants de Louis XIV. Francois Itakoczy, le
chef de la revolte, n'etait guere sympathique au prince de Valachie,
qui avait eu jadis tant a patir par suite des .agissements aventureux du
roi de Hongrie" Emeric Tao ly, celui dont la longue lutte pour
l'independance magyare avait precede la levee de drapeaux de
Francois, fils de sa femme. Ces kuruczes", soldats de la libert6,
etaient de grands pillards qui infestaient les frontieres de la
principaute et empechaient les relations de commerce, si fructeuses,
avec la Transylvanie. Or, jusqu'en 1710,1orsque l'influence frangaise,
se servant du Khan des Tatars, reussit a faire nommer comme prince
de Moldavie rerudit historien Demetrius Cantemir, commensal
habituel de l'ambassadeur du roi, Sutton employa tous ses efforts
pour contrecarrer les tentatives de gagner aux rebelles de Hongrie
l'appui efficace de la Porte.
Malheureusement on n'a pas encore publie sa correspondance
non plus, qui doit contenir, dans chaque rapport, une information
nouvelle concernant le role si important, comme informateur et
partisan, du prince de Bucarest. Et it dut se trouver parmi ces
representants des Puissances chr6tiennes qui, profondement emus,
assisterent au supplice de ce grand vieillard, execute avec tous ses fils,
pour avoir &fie trop longtemps par son bonheur la fortune
changeante de l'Orient.
NOTES
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2. Beza, loc. cit., p. 278.
3. Cornelio Magni, Quanto di pia curioso e vago ha puluto raccorre, etc.,
Parme 1678, pp. 51, 116 117, 119, 122. Cf. Barozzi et Berchet, Relazioni al Senato
veneto, II, pp. 173-174, 230 et suiv., et les ouvrages memes de Ricaut (Present
state, The capitulations et son Histoire des trois derniers empereurs des
Turcs).
4. Mss. Egerton, au British Museum, 1042, fol. 156-158; publie par Gaster,
dans l'Arhiva Societatii stiintifice i literare din Iasi, p. 233.
5. Beza, loc. cit., p. 280.
6. Nos Actes et fragments, I, p. 304, annee 1695.
7. Nos Documente Brancoveanu, Bucarest 1901, p. 123, note 1.
8. Travels in Turkey and back to England, Londres 1747, p. 80; le passage
est reproduit dans Beza, loc. cit., p. 281.
9. Voy. les pieces dans Nilles, Symbolae, II.
10. Radu Greceanu, Viata lui Constantin Brancoveanu, edition Stefan
Greceanu, pp. 111-114.
11. Nos Actes et Fragments, 1, p. 309.
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CHAPITRE III
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moins, dans les depouilles de la Turquie agonisante, que la Bosnie,
Niche et Vidin, avec les territoires qui en dependent, la Valachie et la
Moldavie, outre les frais de guerre"1, qui sont calcules a vingt millions
de florins. Et celui qui nous donne, avec une competence indubitable,
cette information dans une lettre datee de Babadag, dans la
Dobroudscha, le 13 octobre n. st. 1737, n'est autre que le chevalier
Fawlkner, le diplomate anglais depute specialement pour aller
observer sur le Danube la marche des operations, en vue d'une
mediation. II entretenait dons des relations continuelles avec les
ambassadeurs de sa nation a Petersbourg et a Constantinople, et en
fevrier 1738 un secretaire venu de Russie lui communiquait des
instructions. Le prince de Moldavie, Gregoire Ghica, cousin germain
de Nicolas Mavrocordato et, comme celui-ci, ancien interprete de la
Porte, ne manqua pas d'avertir le Grand-Vizir du passage de ce
courrier par sa Capita le, oil les Russes n'avaient pas encore fait leur
entre 2. Etant accompagne d'un drogman russe, 1'Anglais manifesta
sa mission de servir aupres de la Porte les interets de la Tzarine.
Or apres la paix de Belgrade le probleme oriental ne fut plus
repris pendant plus de vingt ans. Les ambassades n'eurent plus le
grand role qui leur etait revenu a partir du siege de Vienne, qui avait
ouvert toute une longue ere d'esperances chretiennes aux &pens
d'un empire barbare qu'on croyait dj mourant. Et, comme le
commerce anglais se bornait aux seules echelles du Levant, sans se
preoccuper des voies de terre, a une poque oil le commerce francais
avait ses banquiers a Andrinople et cherchait a fonder des
etablissements, sous la protection d'un agent officiel, sur le Danube,
les Principautes disparurent tout a fait du champ visuel de la
diplomatie anglaise.
Mais la diplomatie moscovite &ail represent& a Londres au
meme moment de l'histoire, jusqu'en 1738, lorsqu'il passa a Paris 4,
par un Roumain de pur sang, le propre fils de Demetrius Cantemir,
l'allie du Tzar en 1711, et de sa premiere femme, fille de erban
Cantacuzene, ce Voevode de Valachie qui avait eu des visees
imperiales sur la Constantinople de ses ancetres. Le prince
Antiochus, dont les satires a la fawn de Boileau sont celebres dans la
litterature russe, fut le premier ambassadeur de sa patrie qui at
represents en Occident la Russie, it ecrivit ses oeuvres dans des formes
occidentales, et it devait ces qualites superieures de science et de
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savoir-vivre sa capacite comme diplomate a ete contest& a son
pere, l'historien clbre de la decadence ottomane. Antiochus ne
manqua pas de donner une version anglaise de ce grand ouvrage, et
elle servit pendant longtemps aux Anglais apres les livres de Ricaut,
pour leur information concernant les choses de Turquie.
Mais les relations directes avec les pays roumains.manquent. La
route de Valachie etait rarement choisie par les voyageurs anglais
(lady Montague, qui ecrivit des lettres bien connues sur la Turquie,
prit celle de Serbie et s'attarda a Belgrade). D'autant plus precieuse
est cette notice que donne la chronique moldave mentionnant en
1728 le passage de Constantinople en Pologne de deux jeunes
seigneurs anglais inconnus: Cette meme armee vinrent aussi de ce
cote, a la Cour du prince Gregoire (Ghica), deux jeunes princes,
beyzades", anglais, qui avaient quitte depuis quatre ans leurs
maisons en Angleterre et s'en allaient a travers differentes contrees
pour voir les pays et les coutumes nationales; et le prince les recut
honorablement, et leur offrit un diner a Frumoasa" le beau
convent &I a la liberalite pieuse de Ghica, tout pres de sa Capita le de
Jassy. Et it ordonna au Grand-Postelnic (maitre de ceremonies) et a
d'autres boiars aussi de les servir et de leur faire honneur, ainsi qu'on
l'a vu. Et ils passerent ensuite en Pologne, des chevaux et des gens de
service leur ayant ete accordes pour les y conduire".
Dix ans plus tard on a le recit du courrier anglais mentionne plus
haut. Jean Bell d'Autermony fut charg de sa mission aupres de
Fawlkner et des ministres de France et de Hollande a Constantinople
par l'ambassadeur a Petersbourg, Rondeau, avec une lettre du
chancelier russe, comte d'Ostermann. Ayant quitte la Capita le le 6
decembre 1737 avec un domestique comme interprete turc, it obtint a
Kiev, du general Rournientzov et du diplomate Neplouiev, un des
delegues de la Tzarine au prochain congres de Nimirov, une escorte
de Cosaques jusqu'au Dniester. II se trouve sur les frontieres
moldaves, devant Soroca, ancien chteau du XVI-e siecle, eleve
contre les invasions des Tatars, et maintenant, malgre ses canons
d'ancien modele, bourgade de commerce, avec quelques Grecs, Juifs
et Turcs meles aux Moldaves, oil le burgrave, le ,;parcalab", un
Grec, Petrachi, tout en lui presentant des fruits, du yin d'autres menus
presents, arreta le voyage de Paranger jusqu'a Parrivee des
instructions de son prince. Le 2 fevrier 1738 it put se mette en route,
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en compagnie du lieutenant _de Cosaques, Norov. Par les villages,
qu'avait &vast& la peste, de Cainari et de Magura, it arrive au Pruth.
Son audience au prince eut lieu a Jassy ville de 2-3000
maisons, la plupart en bois; le matin du 4 fevrier. Ghica, dont it
ecrit le nom: Duca, lui parut etre un prince d'un tres bon caractere",
extremement poli, mais, en ce qui concerne la continuation du
voyage, il s'en remettait au seraskier de Bender. Bell dut se rendre,
accompagne par un capitaine bosniaque et deux soldats de la garde
moldave, faisant un autre chemin, par Volcinet et ChiOnsau, a la
residence du pacha. Apres huit jours passes, comme viziteur, dans
une hutte souterraine, un tschochodar et deux Tatars vinrent le
conduire a Constantinople. Il vit en chemin jusqu'a Tulcea, dans la
Dobroudscha turco-tatare, les habitations de bois et de piss des
officiers du Khan a Cauani, ou les Moldaves qui les servaient des
gens tres civils et tres humains", un de ces officiers, qui avait ete
esclave du duc de Lorraine, commenca, tout en partageant avec Bell
un pilav d'orge, a parler francais, s'interessant a la politique
europeenne, au grand ebahissement de notre courrier diplomatique.
Dans la forteresse n'y avait que des Turcs, mais bon pain
et bon yin".
Le retour de Constantinople se fit par la meme voie, en mai. Le
voyageur y retrouva le meme prince poli" et la meme escorte
d'honneur, qui le conduisit par Soroca au Dniester.
Vers 1760 seulement 1'Angleterre recommenca a s'occuper des
pays du Danube. Mais elle ne le fit d'abord que d'une maniere
accidentelle, car les seuls marchands occidentaux qui prenaient part
au commerce de ces riches regions, frequentees surtout par des
Ragusans, qui negociaient de seconde main, etaient les Imperiaux, les
Venitiens et surtout les Francais, qui vendaient, par leurs agents a
Bucarest et a Jassy, meme le drap de Londres, le londrin7.
On croyait dj en 1758 que le drogman imperial Gregoire, fils
d'Alexandre Ghica, le diplomate phanariote decapite pour avoir bien
servi les Autrichiens a la conclusion de la paix de Belgrade, etait lie
surtout aux Anglais 8. Porter etait alors representant de la Grande-
Bretagne a Constantinople, et it envoyait ses courriers a Berlin, oa le
roi Georges etait represents par Andrew Mitchells, par la voie de
Moldavie et de Pologne. C'est ce qui provoqua en 1760 un echange de
lettres entre ce dernier et le prince regnant a Jassy, Jean Theodore
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Callimachi, ancien interprete de la Porte lui aussi. Le British Museum
contient encore les originaux de ces lettres, le Voevode, terraum
Moldaviae princeps", s'empressant de promettre tout son concours
pour favoriser cette correspondance, transmise par le sieur Rolland
de Brixe", un Francais'.
En 1762 revenait par la Moldavie, accompagne du medecin
Mackenzie, cet ambassadeur, britanique aupres du Sultan, Porter,
qui, pendant son long sejour a Constantinople, des 1747, avait recu
plus d'une fois dans son palais les membres de, la famille, d'origine
moldave, mais depuis longtemps pliee aux moeurs grecques, des
Callimachi (originairement: Calmau1). Ce passage par la principaute,
of regnait justement, apres le vieux Jean Callimachi, qui, vieux et
malade, s'etait retire depuis peu, son fils, le jeune Gregoire, serait
reste moins connu si dans la suite de l'eltschi" ne s'etait trouve un
mathematicien dalmate, ayant les qualites d'un bon ecrivain italien,
l'abbe Boscovich. Par le Viaggio", paru peu apres a Bassano", de ce
dernier on apprend en detail Parrivee a Galatz, oii attendaient un
commissaire grec du. prince, charg de fournir les chevaux et
l'entretien, et les soldats, qui saluent d'une salve de mousquets l'hote
d'un si haut rang, puis le sejour dans un couvent grec aux fenetres en
partie couvertes de vessies et avec un kiosque ayant vue sur la ville,
la visite des eglises conservant des livres grecs imprimes a Venise; 'a
Bar lad la femme du gouverneur est un Grecque de Constantinople,
connaissance de la femme du ministre. Suit la reception de Porter
devant la ville de Jassy par le secretaire princier de La Roche, les
fetes du moucarer", de la confirmation du Voevode par les Turcs,
ses maitres, et, sinon l'audience solennelle, qui n'eut pas lieu, la
propre reception, plus modeste, mais plus intime, du lettr6 &ranger,
auquel on s'empressa de montrer les appareils de physique du jeune
prince: le telescope et la chambre optique" ".
Le 3 aoilt le ministre et sa famille, qui avaient ete salues
Botoani, a Dorohoiu, a Cernauti par l'officialite, etaient deja sur le
territoire polonais, a Zaleszcyk 12. dans leur compagnie se trouvait
aussi un autre noble anglais, milord Wakefield".
L'Anglais n'avait pas voulu de ceremonies. A "Galatz it avait
repondu aux civilites du mechmendar en insistant sur ce qu'il n'est
pas venu pour manger le pays, dans lequel it ne s'arretera guere, et
qu'il n'usera pas des facilites auxquelles lui donne droit le firman". It
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passa les six jours qu'il s'arreta dans la Capita le moldave, non pas
dans la vine meme, mais bien h un quart de lieue environ", dit de La
Roche, ,que cette fantaisie parait avoir profondement bless& dans la
chambre princiere de Frumoasa. M'en voila, Dieu merci,
debarasse", ecrit-il apres le depart du ministre, a son confident de
Pologne. Et Porter avait raison d'eviter le prince, dont l'agent de
Constantinople avait fait tout son possible, eu egard aux depenses
qu'entrainait une pareille visite, pour le faire passer par le Boudshac
ou la Bessarabie meridionale; it l'avait su, s'en etait plaint et ne
manqua pas d'en montrer son ressentiment ":
Porter lui-meme avait pris des notes sur son passage. Galatz, oU
it ariva le 23 juin, recu pompeusement et loge d'une maniere tres
tolerable" au couvent de la Vierge, est pour lui, bien que les
Moldaves en fussent fiers, un pauvre village". A Jassy, it remarque le
pave de bois, qui existait dj vers 1670, mais qu'on avait depuis
plusieurs fois renouvele. Les maisons des boiars, en briques, au toit de
bardeaux noircis par les pluies frequentes, sises au milieu d'une large
cour encombree de magasins, d'ecuries et de chambres de service
pour la nombreuse valetaille des esclaves tziganes, ne lui en
imposerent pas: elles ne correspondent pas a la vanite grecque",
dont it avait goute pendant son sejour a Stamboul. La residence de
campagne de Callimachi, dj mentionnee, celle de Frumoasa, dans
l'enceinte du beau monastere bati par Gregoire Ghica, ou avaient ete
abrites trente ans auparavant les jeunes beyzades" anglais, ne le
satisfait pas non plus; it s'egaye sur le compte de cette maison de
plaisance". Quant a Son Altesse, nous le laissames h sa propre
grandeur" le mot francais y est, ne mettant aucun prix a
l'honneur ou plUtot au derangement de le voir 15." L'ambassadeur
s'interessa en echange vivement au patre transylvain qui menait ses
troupeaux a travers la Moldavie, des Carpathes a la Dobroudscha et
au Dniepr, et it trouve plaisir a decrire le nomade vetu d'une chemise
de lin et recouvert d'une jaquette de peaux, qui se nourrit surtout de
ce pain de millet" (millet broth") qu'il appelle de son nom roumain,
la mamaliga.
Deux ans plus tard on rencontre de nouveau un voyageur anglais
en Moldavie, lord Baltimore, dont nous ne connaissons pas la mission
dans ces contrees. Il prit lui aussi le chemin de la Dobroudscha pour
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se rendre en Moldavie, et non celui de Silistrie et de Turtucaia, qui
menait a Bucarest. Il debarqua aussi a Galatz, le grand port
d'aujourd'hui, qui n'etait alors qu'une bourgade, avec quelques
eglises et un grand couvent grecs, contenant la sepulture du fameux
Hetman des Cosaques, Mazeppa. Continuant vers le Nord, on
rencontre de hautes herbes et des terrains cultives, ou cependant les
sauterelles etaient en train d'accomplir leur oeuvre de destruction.
Mais it n'y avait que des terrains en friche, bien que d'une qualite tout
a fait superieure, autour de ces anciennes villes de commerce, Barlad
et Vasluiu, qui n'apparaissent au lord anglais que comme de pauvres
petites bourgades". Apres avoir traverse la grande foret, qui
s'etendait sur des lieues entieres, semee de clairieres, de ruches a
miel, de huttes oil on travaillait le bois et on fabriquait le charbon, et
de modestes eglises, it arrive enfin a Jassy, apres avoir employe
trente-cinq heures de voyage.
Dans les grandes rues de la Capitale moldave it rencontre le
pave de bois dont it a ete dj fait mention, les rues secondaires n'en
sont pas recouvertes. La plupart des maisons, a un seul &age, basses,
ne se distinguent guere des habitations des paysans. La Cour du
prince, sur la place de laquelle, apres plusieurs incendies, s'eleve
aujourd'hui le Palais Administratif" etait batie en briques et ceinte
de murs flanques de bastions. Il en etait de mane pour les maisons
des nobles, qui contenaient tout ce monde de domestiques et
d'esclaves tziganes, chacun exercant son mtier dans cette economie
complete" qu etait la demeure d'un riche gentilhomme terrien; nous
ajouterons qu'il y avait meme, comme dans la residence d'un lord
anglais du XVe siecle, une chapelle avec ses desservants.
On ne congoit pas comment sous un prince aussi accueillant et
d'une si bonne compagnie que Gregoire, fils de Jean Callimachi, un
&ranger d'une si grande distinction put 8tre loge dans une
maisonette, une hutte" infest& d'insectes et ayant pour habitant
plus ancien une vache qui empecha Baltimore de poursuivre le
sommeil de sa lassitude. Comme it dit cependant que l'animal passa
sa tete au-dessus de la creche dont it se nourrissait, poiir renifler le lit
de son nouveau voisin, it faut croire que, n'ayant pas de lettres de
recommandation et voulant faire une connaissance plus approfondie
de la couleur locale, le noble voyageur demanda l'hospitalite a un de
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ces khans de marchands a la mode turque oa, en effet, hommes et
bates cohabitaient la nuit.
Il transporta ses palates passagers au couvent de Saint-Antoine
de Padoue, chez les pares franciscains, protgs par la Pologne et la.
France. Il y trouva des religieux d'origine diverse, parlant le latin,
l'italien, le grec et, s'il faut l'en croire, meme le russe. Its lui donnerent
a manger et lui offrirent du vin qui n'etait pas a trop bon marche dans
ce pays de vignobles. I1 tacha de leur faire comprendre qu'on peut
ecrirg des vers en anglais, mais ils objecterent qu'une langue si rude
ne peut se preter aux exigences de l'harmonie, et quelque Italien du
Levant confondit meme en sa presence Londres avec l'Angleterre:
Ils nous demandaient si l'Angleterre este dans Londres ou Londres
en Angleterre".
Grace cependant a l'obligeance du frere Luc de Marseille,
Baltimore apprit que la ville, contenant jusqa'a deux mine maisons",
est habit& par des Moldaves, des Armeniens, des Juifs et des
Tziganes, qu'elle contient, en fait d'eglises, outre la Metropole,
fondation du siecle precedent, treize couvents de moines orientaux,
un seul de nonnes de la meme confession, quinze eglises orthodoxes
et deux armeniennes, sans compter une seule maison de prieres pour
les Juifs (la plupart des migrs venus tout recemment de Pologne
pour servir de mediateurs de commerce, plus ou moins superflus et
quelquefois pour introduire, comme artisans, les articles exiges par la
nouvelle mode occidentale). Baltimore n'oublie pas le grand
etablissement de bains, du a Basile Lupu, qui a 06 detruit tout
dernierement sans qu'on en eat pris des plang des bains de pierre,
de forme ovale, ayant un compartiment pour les hommes et un autre
pour les femmes et qui fonctionnement journellement sauf pendant
les fetes". Des -conduites d'eau, placees par des specialistes turcs, des
souiouldschis" de Constantinople, une belle oeuvre, dont on peut
decouvrir encore les traces, alimentaient les fontaines de pierre,
autour desquelles on se rassemblait jadis comme a l'heure du soir
dans la Bible ou meme dans la Venise de Goldoni et dans celle d'hier
encore. Le linge etait lave dans l'eau sale du Bahluiu, qui infecte la
vine plutot qu'elle ne l'arrose. Les belles collines, couvertes de
vignobles et de jardins, qui entourent Jassy n'echapperent pas a
l'attention du voyageur, qui ..consacre aussi quelques lignes aux
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femmes tres voluptueuses et d'une extreme amabilite moyennant
argent ou cadeaux, avec lesquelles ses guides le mirent en contact et
dans lesquelles it croit naivement avoir decouvert le type feminin du
pays'.
Or, par un caprice du hasard, au meme moment les premiers
Moldaves qui ne fussent pas des pretendants ambularits au tr6ne de
leur patrie se trouvaient a Londres. Ce n'etaient pas des Roumains,
mais bien des Allemands de Pologne, de cette colonie, composee
aussi de Polonais et de Hongrois, que le prince Jean Callimachi, puis
son fils Gregoire avaient fait venir de Pologne en 1759-1762 pour
fonder, a Filipenii-Noi, sur le Dniester, une fabriqtle de draps.
Delegues par leur communaute et munis de privileges accord& par le
Voevode, Jean-Jacques Schiedmantel, pasteur lutherien, et Charles
Christophe de Marschall exposerent au roi qu'ils representent la vraie
foi aussi pour les voisins de Podolie, de la Russie Rouge, de 1'Ucraine,
qui font jusqu'a cent cinquante lieues anglaises de chemin pour jouir
de la predication evangelique et qui leur confient l'education de leurs
enfants, qu'ils pourraient pratiquer des conversions entre les Turcs
et les membres de l'Eglise grecque" (among the Turks and the
members of the greek Church"), mais qu'il leur faut des fonds pour
consolider leur organisation religieuse et scolaire, au moms deux
mille cinq cents pounds. Leur seule requete etait qu'on leur permit de
recueillir des aumones dans certaines contrees de cette Angleterre si
liberale pour le soutien de la vraie religion. Et le privilege qu'ils
desiraient leur fut facilement accorde le 2 Wrier 1764'.
Cinq ans plus tard tine nouvelle guerre eclatait entre la Russie et
les Turcs, qui furent en danger de perdre les deux Principautes. La
situation generale en Europe fit qu'une attention particuliere fut
accordee a ces affaires du Danube par les representants du roi
Constantinople, Weymouth, et a Petersbourg, Cathcart, qui eurent
connaissance meme de cette convention par laquelle l'Autriche, qui
n'avait rien risque dans ce conflit, s'assurait de la part de la Porte, qui
lui payait meme une forte somme en recompense de sa mediation",
la possession de la Petite Valachie, qui avait ete jadis la Valachie
Autrichienne"; de cette convention, qui ne fut pas executee, resulta
cependant bientot le rapt, en gruise de compensation, de la Moldavie
septentrionale qui recut des envahisseurs le nom de Bucovine.
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y avait eu du reste, en 1770, a cote de la mediation
autrichienne et de celle du roi de Prusse, une mediation anglaise. Son
agent grec avait ete le beau-pere et le representant a Constantinople
du prince de Valachie, captif a Petersbourg, Gregoire Ghica, ce
Yakovaki Rhizo, qui joua a cette poque un grand role h
. Constantinople. L'envoye prussien, de Zegeliii, se plaint de ce que
cette creature du ministre anglais" remue ciel et terre pour
remplacer une offre diplomatique par l'autre ". Un autre Grec
puissant, qui venait de succomber a ses intrigues, Nicolas Soutzo,
celui-la 'name qui avait provoque en 1762 la brouille entre Porter et
son maitre Gregoire Callimachi, avait combattu energiquement
l'influence de l'Angleterre, cette Puissance hautaine" qu'il avait
desire voir aux prises avec les Etats Generaux de la Hollande20. Et it
y avait aussi a la meme poque d'autres a Constantinople et dans les
Principautes, qui s'avisaient de critiquer les desseins ambitieux des.
Anglais" 21, en meme temps que ceux du prince le plus violent et le
plus turbulent de l'Europe" qui est Frederic II. Mais Hierakis, agent
du price de Moldavie, savait bien que dans le pays de ces insulaires
le peuple est plus puissant qu'en aucun autre de l'Europe"
Avant l'ouverture de la seconde uerre entre l'Imperatrice
Catherine II et les Turcs, qui devait fournir a l'Angleterre l'occasion
d'une nouvelle mediation, terminee par la paix de Sichtov en 1791, on
rencontre de nouveau une visite anglaise dans les Principautes, celle
de lady Craven, cette femme elegante et spirituelle qui ecrivait en
1786 des lettres de Crimee, de Turquie, de Valachie meme, au prince
dont elle etait la sceur adoptive", la favorite'.
La grande dame anglaise qui avait desire voir des pays
nouveaux, avait atteint le Danube, venant de Constantinople, par
terre, avec des arabas, le .13 juillet 1786. Son passeport lui assignait un
voyage vers l'Occident a travers la Valachie. Elle avait vu dj peu
auparavant le nouveau prince du pays quitter la Capitale de l'Empire.
Nicolas Maurogeni, Mavrogheni pour les Roumains, 6tait le
descendant d'une modeste famille des Iles de l'Archipel; simple
drogman de la Marine, et non Grand-Interprete, ainsi que l'aurait
demande la coutume, it devait le trone, qui avait ete d'abord
destine au saraf, au banquier du Sultan, Petraki, Grek de basse
extraction, n'ayant pas meme un nom de famille, au Capoudan,
l'amiral ottoman Hassan, vrai tuteur de son maitre, le faible
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empereur timide et &bile. Lady Craven nous decrit Ia ceremonie de
la sortie du Voevode, dacalquee sur ler anciens corteges des
empereurs de Byzance: en tete les deux tougs, les deux queues de
cheval blanc, marque de Ia dignite du voyageur, et meme elle nous
l'assure sa kouka, son bonnet princier, pareil a celui des
janissaires, dans l'ordre desquels it etait inscrit au moment de sa
nomination. Il y avait ces janissaires, des tschaouches, des courtisans,
des serviteurs, des cuisiniers dans cette suite qui emerveillait
periodiquement les co-nationaux de Constantinople dont la
consolation etait de voir qu'un des leurs peut encore regner sur un
trone chretien. Lady Craven elle-meme fut eblouie par la splendeur
des vetements, des selles brodees d'or, et elle avoue n'avoir jamais vu
une plus belle procession". Maurogeni avait daigne lever les yeux
vers la fenetre ou elle se trouvait et l'avait saluee poliment d'un signe
de tete u. Et l'Anglaise avait jete aussi un coup d'ceil sur ces beaux
jardins de Therapia, pres de Constantinople, soignes par des
jardiniers francais, ou se morfondaient les anciens princes dont le
nouveau nomme venait de prendre la place, et elle avait rencontre un
refus lorsqu'elle s'etait montree desireuse d'y mettre le pied; ces
pauvres prisoniers de leurs souvenirs et de leurs esperances
craignaient de recevoir chez eux une personne qui, habitant dans le
palais de l'ambassadeur de France, aurait ete capable de leur
apporter un appui diplomatique, tel qu'ils le desiraient bien, mais
condition qu'on n'efit pas vent de la chose'.
Un mechmendar, un bolar guide, du Voevode de la Valachie,
attendait donc a Silitrie la visiteuse. Un bateau la deposa sur la rive
gauche du Danube, a Calara0, qui n'etait, avant les embellissements
dils a la bonne administration du prince Stirbey, apres la moitie du
siecle suivant, qu'un simple village. Montant dans sa voiture, qui
l'avait accompagnee, lady Craven traversa de belles plaines, oil des
troupeaux paissaient le trefle et les broussailles fleuries. La route
n'etait pas empierree, et le voyage n'en fut que plus doux, vu que l'on
se trouvait dans la saison de secheresse. Des Amautes de beaux
Albanais de la garde du prince, dont lady Craven avait vu les
camarades au service de l'Imperatrice Catherine en Crimee,
marchaient en tete du petit cortege. Apres avoir traverse des bois et
des champs de Ines, de dimensions considerables, on arriva devant la
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residence valaque, situee dans la plaine sans horizon, mais construite
en partie sur les hauteurs qui dominent la Dambovita: celles de
Cotroceni, de Spirea, de Mihai-VodA (du prince Michel"), de Radu-
VodA (du prince Radu"). Des boIars attendaient par ordr du
prince, alors que des janissaires ou des militaires chretiens portant
leur uniforme se trouvaient rassembles, pour garder la route, dans un
camp voisin.
Ce qu'etait le couvent de Frumoasa pour les voyageurs auxquels
les princes offraient Phosiaitalite aux portes de Jassy etait, aux portes
de Bucarest, celui de Vacareti, splendide batisse, aux admirables
colonnes sculptees avec les plus riches chapiteaux et aux murs
recouverts a l'interieur d'une douce peinture sur fonds bleu, d'une
rare richesse. Lady Craven admira la belle cour large du monastere,
leas arcades, qu'elle croit etre gothiques l'eglise de Saint-Marc a
Venise lui avait paru aussi etre gothique, mais elle revint sur sa
satisfaction lorsqu'elle apprit d'un personage portant l'habit
occidental et repondant en allemand qu'elle devait y essuyer une
quarantaine de cinq jours, a cause d6 la peste qui sevissait
Constantinople: l'hegoumene, superieur de Vacareti, lui designait
deja la chambre, nue et aux vitres cassees, oil elle devait purger sa
peine, a cote d'une autre cellule ou geignait un malade soupconne
d'avoir contracts la terrible maladie.
Deja cependant les reclamations de lady Craven avaient averti le
pririce de la meprise; car les strangers de distinction n'etaient pas
soumis aux memes regles sanitaires que le commun des mortels. Le
carrosse dore qui s'arreta a la porte paraissait bien appartenir a Pan
premier de la creation", mais, avec le secretaire princier, avec les
palefreniers turcs, menant les chevaux a la bride, avec le chambellan
en habits de brocard et le baton blanc des tschaouches
constantinopolitains a la main, it avait un tres grand air, du moins
pour la population qui se poussait pour voir cette femme aux robes
franques qui se hasardait seule une autre dame et un M. de V."
etaient cependant dans la compagnie a travers les surprises et les
dangers de 1'Orient. Comme a Stamboul, dont on imitait, avec des
moyens infiniment moindres, les pompes de meme que les princes
allemands le faisaient pour la Cour de Versailles , it y avait deux
cours a traverser pour l'audience, et elles etaient bondees de
janissaires, d'Arnautes et de dignitaires inferieurs de la Cour.
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Maurogeni faisait son possible pour paraitre en souverain sur les
coussins brodes de son trone" de vassalite, entoure des tougs, de la
kouka et du sabre d'honneur, marques de son rang supreme.
Apres des demandes banales sur les intentions de la noble dame
etrangere et sur la sante de l'ambassadeur de France, on offrit les
confitures et le caf dans les petites tasses de mode en Orient
jusqu'aujourd'hui et les accents de la musique turque retentirent en
l'honneur de la visiteuse, qui put contempler les executants assis 'a
terre devant leurs bassins de cuivre de toutes les dimensions ou bien
les longues trompettes archeques a la bouche. Si lady Craven
regrette les musiciens allemands de M. de Choiseul, elle aurait pu les
trouver presqu'a la mettle poque dans les Principautes, qui les
faisaient engager a Vienne, mais sans congedier ces mekhters
musulmans qui avaient leur place fixee dans les ceremonies
officielles.
La visiteuse, qui avait eu a Constantinople meme la curiosite de
voir la femme de Hassan l'amiral, put regarder a loisir a Bucarest
celle de son protg,. la princesse valaque, qui n'appartenait pas
meme a une des grandes families du Phanar. Une tres belle femme",
ressemblant a la duchesse de Gordon, mais plus blanche, plus blonde,
plus douce, la Doamna avait pres d'elle, de ses sept enfants, trois
filles, de neuf, de dix et de onze ans, dont l'une devait etre la femme
du prince Scarlate Callimachi. Une vingtaine de demoiselles
d'honneur l'entouraient, portant, celles qui venaient de
Constantinople, le turban, et la fille du riche boiar Dudescu, une
indigene, l'ancien bonnet de fourrure, place derriere ses cheveux,
qui etaient attaches a une espece de bourrelet", une coiffure qu'on
voit souvent dans les fresques d'eglise et qui est, de fait, elegante. La
princesse, qui aurait desire retenir la visiteuse un an entier", admire
les robes francaises qu'elle n'avait pas le droit de porter elle-meme,
une autre, arrivee de Venise au XVII-e siecle, Marie Ghica, ayant del
aussitot ceder au scandale qu'avaient produit les modes nouvelles.
La ville, avec ses nombreuses eglises, avec ses tresors d'art, avait
bien des curiosites qui auraient du interesser une Anglaise si cultivee
et d'un sens si delicat pour l'originalite artistique. Comme on le fait
bien souvent aujourd'hui meme a des occasions pareilles, on prefera
lui faire voir cependant que le pays possede les agrements de.
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l'Occident. Le jardin anglais" de tel vieux boIar", presente par
ledit secretaire, n'etait pas plus grand que le potager d'un cure de
village en Angleterre, mais les fruits qui furent offerts etaient
delicieux, et ce qui interessa surtout lady Craven fut, avec la
demoiselle au bonnet de martre qui pensa Petouffer de ses oeuvres
d'amitie, son pere, un vieux boar qui aimait a voyager en Europe, ou
it gaspilla toute une fortune, le vieux Ban Dudescu, a la barbe
blanche, digne de son rang, a la longue robe de mousseline. Il n'etait
guere malade ou affaibli, ainsi que le croit lady Craven: etre soutenu
par les epaules etait en Orient un des articles du ceremonial pour un
personnage de quelque rang faisant un pas a l'encontre de ses
visiteurs.
De la galerie qui entourait son logis demeure d'un consul , de
ce cerdac a colonnes de bois sculptees, l'Anglaise put voir dans la
cour spacieuse un cheval arabe, que deux palefreniers turcs
maitrisaient: c'etait le cadeau du prince; it l'avait eu d'un superieur,
d'un Pacha a trois queues, et it l'offrait tout simplement, de bon cceur,
a une dame dont it avait appris la passion pour les chevaux.
Lady Craven ignorait cette influence occidentale qui avait
toujours rivalise avec celle de l'Orient dans les Principautes
roumaines et qui etait 'name l'origine de leur civilisation toute
particuliere, car elle s'etonne d'avoir trouve au diner de gala auquel
elle avait ete invitee par Maurogeni une table a l'europeene et des
chaises comme celles dont elle etait coutumiere. Le Voevode occupa
un bout de la table, l'Anglaise l'autre; on avait admis aussi le
compagnon de la visiteuse, qui prit place devant la princesse, comme
si on n'avait pas ete en Orient; les demoiselles de service etaient
assises pres de leur maitresse, et le service etait fait, non par des
laquais en livree ou par ces jockeys qu'on avait adopt& tout
recemment en France, croyant que c'est une mode anglaise
authentique, mais bien par des femmes, au nombre de neuf.
L'argenterie venait d'Angleterre, et, s'il y avait quelque chose
d'oriental, un sicle apres repoque ou Brancoveanu faisait venir de
Transylvanie ses assiettes et ses coupes a la facon roumaine, c'etaient
les chandeliers d'albatre ou de marbre oriental riles de rubis et
d'emeraudes formant des fleurs. La musique n'etait pas represent&
uniquement par les Turcs, mais aussi par la complainte passionnee
des lautari 4iganes, dont les accents delicieux" premier hommage
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que paya Pappreciation des Occidentaux auraient excite a la danse
l'homme le plus lourd". Le prince ordonna a ces esclaves' de prendre
plus souvent la place de leurs collegues musulmans.
On passa apres diner dans la chambre d'audience de la
princesse. Maurogeni parlait l'italien et peut -titre aussi le frangais.
Lady Craven se trompe si elle est convaincue que, se refusant a croire
que les femmes dansent en Occident ce qui est reserve chez les
Orientaux a des professionnistes meprisees, la princesse eut le
'name soubresaut lorsqu'on lui dit que les dames d'Europe savent
&lire; on a bien des lettres redigees par les femmes des princes et des
boiars a cette poque. Le prince transmit des compliments a Kaunitz,
le ministre de Joseph II, et a l'Empereur lui-meme; si la visiteuse en
sourit, elle n'a pas raison cette fois non plus, car les Voevodes,
jouissant d'une pleine autonomie, continuaient la tradition de ces
antecesseurs qui avaient ate de vrais rois. Et, si elle rit aux eclats en
se voyant conduire, non sans que la princesse lui eut fait le don des
beaux mouchoirs brodes dont la Turquie a le secret, par la musique
turque et tzigane precedee des flambeuax, c'est qu'elle n'etait pas
capable, tout en cherchant a travers le monde des moeurs nouvelles,
de goiter l'originalite archaique de celles qu'elle rencontrait.
Nous laissons de cote les quelques renseignements qu'elle croit
devoir donner sur le tribut de Valachie, sur ses revenus et les vices de
son administration, pour la suivre dans son voyage vers la
Transylvanie, a travers ce pays oa, dit-elle, il serait dificile de trouver
un site desagreable". Ayant pass l'Arges, elle fut revue largement
dans des maisons de boiars et apergut en passant, aux pieds des
montagnes majestueuses", les beaux couvents dus a la munificence
des anciens princes. Des paysans serviables aidaient, comme de
coutume, a faire passer la voiture au-dessus des grosses pierres qui
encombraient une route primitive. Le vehicule qui portait le nouveau
mechmendar" fut brise en pieces. Lorsqu'elle eut vu les sites que
recelent les Carpathes roumaines, elle exclame: On peut dire de
cette contr6e que c'est un diamant mal enchasse, qui aurait besoin
d'tre mis en oeuvre par une main habile et industrieuse" ".
Nous n'analyserons pas ce roman anglais de Th. Hope, qui
pretend presenter la carriere aventureuse de Maurogeni, Anastase:
trop d'imagination s'y male, de sorte qu'il est presque impossible de
reconnaitre dans cette oeuvre ennuyeuse, qui cependant a ate
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traduite en frangais, les contours meme du sujet authentique dont
n'avait lui-meme qu'une vague connaissance.
L'ambassadeur d'Angleterre etait alors Ainslie, et, dans ses
efforts de mener a bout les negociation de paix entre la Porte et
l'empereur, it sollicita a deux reprises l'appui de Maurogeni, qu'il
soupgonnait plus tard de s'etre allie plutot, dans le 'name but, avec
son collegue francais 28. Des le mois d'avril, le mediteur anglais avait
offert aux Turcs cette base du status-quo qui dut etre accept& dans
le traite de paix". Mais dj l'importance du commerce britannique
dans le Levant avait sensiblement diminue.
Apres la conclusion de la paix de Jassy en 1792 un voyageur
anglais, le medecin Adam Neale, passa par la Moldavie en Pologne.
Il admire le paysage se developpant en douces ondulations fertiles, les
riches paturages couverts du Mail nombreux que nourrissait le pays
a une poque ou l'agriculture n'etait pas la principale occupation de
ses habitants. Il goute, comme lady Craven, les routes primitives qui
ne sont pas recouvertes de pierres et it trouve un charme meme aux
villages d'un type tres simple, les chaumieres se cachant timides au
milieu des vergers, avec leur enceinte de haies vives, telles qu'on les
recontre encore, car cette vie patriarcale n'a presque pas change
d'aspect. La population rurale a un air pastoral qui devait plaire a un
homme du XVIII-e sicle, impregne de l'esprit de Jean Jacques
Rousseau. Quant aux villes, it donne la premiere description des
maisons juives, oti se tasse un monde d'immigration recente qui
n'epargne pas, le samedi, au voyageur, les litanies nasillardes de
l'Ancien Testament. Il avu Jassy au milieu de ses collines surmontees
par les couvents des anciens princes indigenes, Socola, fond& par une
fille du tyran Alexandre Lapusneanu, Galata due a la piete de Pierre-
le-Boiteux, qui regna a la fin du meme XVI-e siecle, Cetatuia, elevee
par le Roumeliote Duca, presque cent ans plus tard, alors que le
couvent de Gregoire Ghica, Frumoasa, La Belle", se cache dans la
van& du Bahluiu. On trouve aussi des scenes de Botosani, grande
ville form& apres 1 500 dans l'ombre du mondstere de Papauti, oeuvre
d'Etienne-le-Grand et qui avait gagne tout recemment une
importance toute particuliere par le voisinage de la Galicie et de la
Bucovine, devenues provinces de l'Autriche. La condition modeste
du voyageur l'empecha d'avoir des relations avec le prince et sa
Cour".
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Peu de temps apres, en 1802, le celebre voyageur Clarke park,
non seulement des paysans roumains, gais dans leur misere, mais
aussi de l'allure rapide du postillon valaque".
Pour avoir un autre incident des relations de l'Angleterre avec
les pays roumains it faut passer maintenant a un ecrivain bien connu,
Thomas Thornton, qui apres avoir vecu quatorze annees comme
negociant a Constantinople, remplissait des le printemps de l'annee
1804, les fonctions de consul de sa nation a Odessa". Il connaissait la
Moldavie aussi bien que la Valachie et les avait traversees dans
toutes les directions", ainsi qu'il le dit lui-meme. Dans son ouvrage
sur l'etat present de la Turquie, de meme que sur l'etat de la
Moldavie et de la Valachie"", it park de l'interet que lui ont inspire
ces provinces par la beaute de leurs sites romantiques, avec leurs
montagnes boisees, leurs torrents au lit profond, leurs paturages, et
meme les habitants en tant que patres pittoresques, comme ceux qui
avaient attire ('attention du medecin Neale. La description des pays
roumains, breve, est pourtant exacte et circonstanciee..
Bientot, pendant les guerres napoleoniennes, l'Angleterre eut
un grand role a Constantinople, d'abord comme alliee de la Porte
pendant l'expedition de Bonaparte en Egypte, mais bientot comme
son ennemie, en 1806-1807, quand, pour punir la Porte de s'etre
rani& a la politique frangaise, elle risqua la passage des Detroits. La
clientele phanariote des ambassadeurs etait entretenue avec soin, et
le drogman Soutzo fut execute en 1802 pour avoir essaye, ainsi qu'on
le croyait, une correspondanCe criminelle avec les chefs de la flotte
anglaise35. Apres la paix conclue avec les Turcs le 5 Janvier 1809, le
commerce du Levant fut repris, et les voyageurs anglais renvirent
dans les provinces de l'Empire. En 1818 on put croire meme que
"ambassadeur Strangford cherche a faire nommer comme prince de
Valachie son candidat, Alexandre Handscherli".
Bucarest .eut des 1802 un consul-general anglais, Francis
Summerer, nomme la 6 janvier 180237, surtout pour la transmission de
la correspondance; l'annexion formelle des Principautes par la Russie
en 1807 mit terme a ses fonctions". Le chancelier Jean Marco, un
Levantin, qui devait etre ensuite agent de Prusse, gerait les affaires en
1814".
Le 24 novembre 1814 un second consul general anglais faisait
son entre solennelle a Jassy, presentant un 1)61-at en date du 24 mai'
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au prince Scar late Callimachi. I1 etait accredits aussi a Bucarest, ou it
etablit sa residence, laisant en Moldavie un simple agent". William
Wilkinson employa la duree, assez longue, de son sejour dans les
Principautes pour faire ces observations variees qui furent presentees
ensuite dans le premier ouvrage anglais qui efit ete consacre aux seuls
pays roumains, son Account of the principalities of Wallachia and
Moldavia" , paru a Londres, en 1820, dont nous nous occuperons
maintenant". Nous ajouterons cependant que le consulat avait ete
suspendu vers 1818, les sujets anglais, des Ioniens surtout et quelques
Juifs, ayant ete confies aux representantsde l'Autriche43.
La partie historique, qui commence avec les Daces, ancetres de
la nation, est assez bien redigee. L'auteur avait vu, non seulement les
restes du pont de Trajan a Severin, mais aussi, a Caracal, le
commencementt de la voie romaine qui, le long de l'Olt, menait en
Transylvanie. Mais les Valaques n'ont certaiment rien a faire avec le
tyran bulgare Kroum, et ce n'est pas avant l'an mine que regna le
premier prince du nom de Basarab sur les Roumains de la rive gauche
du Danube, dont les gouttes de sang slave n'avaient non plus rien de
bulgare. Les commencements des deux Principautes sont exposes
d'apres la legende, qui attribue a un Radu Negru, figure de creation
tardive, dont le prototype est le prince Neagu, Neagoe, batisseur du
celebre couvent d'Arge, la fondation de l'Etat valaque. Mais it a
l'ambition de fixer la date, qui serait la meme, de la creation de ces
Voevodats: de Moldavie, sous Bogdan, authentique colonisateur
venu du Marmoros hongrois, et de Valachie, sous le faux Radu; ce
serait precisement 1241, parce qu'a ce moment seul le chaos produit
par l'invasion des Tatars pouvait permettre un abandon du sol
hongrois par des Voevodes soumis au roi. Mais it affirme avec raison
le-caractere de Varfaite independance que s'attribuent les princes
roumains du XIV-e et ajouterons-nous du XV-e siecle.
Le livre anglais de Knolles, celui de Demetrius Cantemir sur
1'Histoire de la Turquie, et le petit volume &lite plus recemment par
les freres Tounousli a Vienne un rapport du XVIII-e siecle (10 au
boiar Michel Cantacuzene forment ses sources. Aux renseig-
nements fournis par ces auteurs it ajoute pourtant des observations
personnelles, comme celle qui concerne le simple tombeau de Michel-
le-Brave, conquerant de la Transylvanie en 1599, dans le beau
monastere de Dealu, au-dessus de l'ancienne Capita le. valaque de
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Targovite", ou bien le dernier descendant du malheureux prince
Constantin Bran.coveanu, execute a Constantinople, avec tous ses fils 46.
Wilkinson a connu lui-meme ces Phanariotes dont it eclaircit la
situation et decrit l'entourage et les ceremonies auxquelles ils
participent, ces pauvres Grecs du Fanal", nommes comme de
simples fonctionnaires a Jassy et a Bucarest, apres avoir rempli les
fonctions de Grands-Interpretes de la Porte. Il a vu leurs brillants
corteges d'entree dans les capitales danubiennes.
Un chapitre special est consacre a ces deux capitales. Bucarest,
ville &endue et sale", a 80 000 habitants, chiffre plus probable que
celui des trois cents soixante-six eglises et vingt monasteres". A
Jassy, qui contient beaucoup de maison elegantes, baties dans le
style le plus moderne de l'architecture europeenne", le nombre des
habitants est seulement de 40 000, et, quant aux soixante-dix eglises,
le chiffre n'est pas si exagere. Le palais princier de Jassy, bati, apres
1790, par Alexandre Callimachi, a un air qui n'est, ni completement
europeen, ni completement oriental; les caracteres du style occidental
predominent cependant dans cette elegante batisse, la Faculte de
Medecine d'aujourd'hui, sur le haut portail de laquelle on lit encore,
entre les insignes des Voevodes, drapeaux, glaives et canons, cette
noble devise: c'est ici la porte de la justice"; quant au palais de
Bucarest, it venait de brOler en 1813, et les Voevodes habitaient dans
des maisons particulieres. On a garde les anciens paves de bois, sous
lesquels grouillent les immondices. Chaque boyar a son carrosse a la
mode occidentale, de provenance viennoise, et it ne consentirait pas
a faire a pied la moindre course; on voit rarement a cheval, plutOt
dans les corteges, les membres de cette aristocratie, dont les indigenes
descendaient cependant d'une classe guerriere. II n'y a pas encore de
fiacres pour l'etranger; it faudra attendre la prochaine occupation
russe pour avoir les drochkas et les birje, a la moscovite, qui ont garde
jusqu'aujourd'hui leur caractere. Un Allemand vient d'ouvrir un
hotel a Bucarest; a Jassy on doit se contenter encore des khans,
pareils a ceux de Turquie, avec la grande cour interieure pour les
chevaux et les voitures et tout autour, sous les arcades de bois des
corridors, les chambrettes pour les voyageurs eux-memes, avec leurs
divans recouverts d'etoffes indigenes ou de percale rouge aux fleurs
noires.
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Wilkinson a entrevu seulement l'importance de l'art roumain
represents par ces centaines de petites eglises et les nombreux
couvents, comme it 'ne se rend pas compte de la valeur de la
civilisation roumaine dont ces batisses representent la fine fleur. Il
donne cependant le premier une description enthousiaste du couvent,
plus tard clbre, d'Arge: Tout l'exterieur est entierement en
marbre sculpts, en quelque sorte dans le style du clocher de l'eglise
de Saint Etienne a Vienne, mais beaucoup plus elegant. L'ensemble
produit un effet tres frappant; et, comme Pedifice a garde
parfaitement sa beaut6 originale, c'est certainement un monument
dont les Valaques peuvent se vanter dans n'importe quelle partie de
l'Europe"".
Le Grec, maitre.par la grace du Turc et par la tolerance de la
noblesse roumaine, son associee, de ces pays qu'il exploite, est decrit
de main de maitre: Aussitot que la possibilite de prendre part a
l'administration publique fut connue par les Grecs, ceux parmi eux
qui etaient familiers avec la langue turque et les langues europ6ennes,
abandonnant toutes les autres carrieres, se constituerent en une classe
distincte, qui s'arrogea le titre de noblesse et le droit exclusif d'tre
appelee au service de l'Etat" 48. Envers les boiars indigenes, le consul
anglais est cependant irijuste; s'il les avait frequentes plus qu'il ne l'a
fait, it aurait reconnu que leur connaissance du grec classique n'6tait
pas superficielle Gregoire Brancoveanu ecrivait dans le plus pur
style ancien, et it avait des notions de philosophie et qu'ils ne notion
pas seulement par la pratique de nombreuses traductions,
excellentes, le prouvent le francais, que leur avaient inculque des
l'enfance des migrs qui ne manquaient souvent ni d'intelligence, ni
de bonne volonte. Et, lorsqu'il parle des maitres de langue roumaine
qui fonctionnent dans les ecoles publiques recemment etablies", it ne
se doute pas, n'ayant guere connu, l'esprit du pays ou it residait, que
parmi eux se trouvait ce Georges Lazar, continuateur du grand
courant national de Transylvanie, qui avait dj introduit a Bucarest
les idees regeneratrices dans lesquelles se trouvait en germe tout
l'avenir de la nation. En ce qui concerne enfin les traits moraux de
cette aristocratie pompeuse, aimant les dehors, deshabituee du travail
a la campagne, tres mle sans doute et dans laquelle les parvenus
apportaient leurs vices, les nombreuses fondations ecclesiastiques et
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les hopitaux admirables, ouverts a tous les malades et les infirmes,
montrent bien que l'argent n'etait pas leur seul stimulant".
Toutes ces assertions ne sont pas plus vraies que celle que les
Roumains, qui avaient traduit des 14001a Bible dans leur langage,
qui n'est pas un mlange corrompu de termes strangers ", mais bien
une delicate formation linguistique a base latine, ne connaissaient
jusqu'au XVIII-e sicle les Ecritures Saintes que de nom" (by
reputation"). Le critique allemand Neugeboren avait donc raison,
une vingtaine d'annees plus tard, lorsqui'il taxait de misanthrope ne
trouvant rien a son goilt celui qui deniait meme aux dames roumaines,
bien que gracieuses, vives et sveltes, la vraie beaute.
S'il decrit les ceremonies de Noel, de la Nouvelle Armee, de
l'anniversaire du prince, de Paques, avec le baise-main de Leurs
Altesses, c'est qu'il s'est trouve lui-meme a ces occasions, parmi le
nombreux public aux longues barbes et a la tete rasee. Il prit part
peut-etre aux Divans des boiars qui assistent le prince au tribunal de
ses jugements et controlent sa gestion financiere; it a defendu lui-
meme les droits de ses Cephaloniens devant les instances judiciaires
de Jassy et de Bucarest; it a vu les nouveaux fonctionnaires defiler
dans la voiture d'apparat de la Cour ou chevaucher sur un cheval de
leur maitre, entre les tschochodars ou laquais qui forment leur suite.
La partie financiere est redigee d'apres les registres memes de la
Vestiarie, du Tresor princier.
La description du pays, qu'il a traverse mainte fois dans la legere
voiture de poste, sur la paille, est plutot breve. En dehors de
l'admiration pour les beaux sites', elle concerne surtout les profits
qu'on pourrait en retirer avec un meilleur gouvernement, a Qote de
l'exposition des revenus actuels des princes et de la production
generale. Quelques pages sont consacrees a la ville de Galatz, qui
etait arrivee a etre une place de commerce tres importante, dont les
negociants reussissairent a faire passer a l'etranger les articles meme
dont l'exportation etait defendue parce que la Porte s'en attribuait le
monopole: le nombre des habitants qui y sont fixes ne depasse pas
7 000, mais le grand afflux de population occasionne chaque annee
par les transactions lui donne l'air d'tre tres peuplee, et it y a tout le
va-et-vient d'une place de grand commerce". Les spices, les citrons et
les oranges, les vins du Sud sont diriges de Galatz et des deux
capitales, qui forment aussi des entrepots toujours charges, sur le
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Bucovine et la Galicie non moins que sur la Transylvanie, le Banat et
la Serbie".
Dj des vaisseaux apportent sur le Danube des marchandises
allemandes, du coton, des verreries, des poteries de meme origine,
qui passent cependant pour etre de fabrication anglaise, donc de
qualit6 sup6rieure; on s'habille de mauvais drap allemand, de calicots
et d'indiennes envoy6es par l'Empire, a l'exception des bdiars, qui
preferent les mousselines anglaises .et les batistes francaises, qui
cependant gardent en roumain leur nom anglais, chembrica, de
cambrics", alors que pour les autres fabricats le nom francais s'est
impose, jusqu'a qemisete, chemisettes. Il faut ajouter cependant que
les articles de mode etaient nommes novigaton", de l'allemand:
Nene Gattung". Beaucoup de marchands ont adopte la protection
autrichienne, mais, grace aux Ioniens seuls, on voit frequemment le
drapeau britannique sur ce Danube inferieur. Galatz pouvait
rivaliser, sous une autre administration que celle des Grecs, qui y ont
trouve leur Peron, et de leurs suppots, avec tons les ports de la Mer
Noire, sans en excepter Odessa"".
A la meme poque un voyageur anglais, Robert Ker Porter",
passait par Bucarest, dont it decrit les pompes princieres et les appats
des faubourgs, ou it note meme la chanson par laquelle les filles
tziganes appelaient de la fenetre leurs clients. Mais un r6cit infimment
plus etendu et empreint d'un tout autre sentiment du role d'un auteur
de voyages est donne pour ce moment du developpement de la
societe roumaine par le docteur Mac-Michael, qui traversa en 1817 la
Moldavie pour se rendre en Russie. De fait, ses pages, citees dj par
Wilkinson, sont, par les places et les personnages qu'elles presentent
dans la clarte crue de l'observation directe, le meilleur commentaire
et parfois un commentaire critique du livre d'exposition historique et
satyrique do a ce dernier".
Le voyageur vient par la Bessarabie, cette Moldavie orientale,
entre la Pruth et le Dniester, que la Russie venait de s'annexer par la
paix de Bucarest, cinq ans auparavant. II trouve la chariot de poste
qui le cahote en quatre jours de Novi-Dubosary (Dubasari en
roumain) a Chiinau-Kicheniev, capitale de cette nouvelle province
du Tzar, petite bourgade aux magazins bas converts de bardeaux, qui
debitaient tout ce qui pouvait etre demande par les clients paysans
des environs aux bouges de changeurs juifs. Pour la premiere fois le
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medecin anglais put voir les equipages viennois des boYars, ayant des
Arnautes pour laquais, la valetaille esclave des Tziganes
innombrables, le paysan indigene, de belle race solide. Les premiers
Phanariotes lui apparurent h la frontiere, dans la personne des
officiers du passage et du secretaire des passports", friands de
pourboires qu'ils ajoutaient, comme sur tous les points de la Turquie,
aux droits percus pour l'Etat. Apres trois nouvelles heures de chemin,
Mac-Michael se trouvait a Jassy, ou it descendit dans la maison du
vice-consul d'Angleterre.
Ce qui l'interesse d'abord c'est le boYar avec ses vetements de
coupure orientale et l'immense islic", bonnet rond couvert de peau
fine de mouton, qui le coiffe dans des proportions qui
correspondent a celles de son rang. Il expose journellement son
importance dans les cal'eches que le voyageur trouve etre usees et
mesquines. Le jeu de cartes, introduit par les officiers des armees
d'occupation, sevit; des aventuriers strangers fratemisent autour de
la table de pharaon avec l'aristocratie moldave qu'ils depouillent.
D'autres strangers font le commerce, donnent des lecons de langue
des Francais, exercent la profession de medecin , deux Allemands
de Hannovre. Un Grec de Candie, bien connu par ailleurs,
Emmanuel Bernard,. a etabli une typographie aux beaux caracteres,
qui ne lui rapporte pas, de sorte qu'il desirait s'en retoumer dans son Ile.
Le prince, Scarlate Callimachi, recut le medecin anglais a la suite
de la grande ceremonie au cours de laquelle it avait cite de nouveaux
dignitaires de son Etat, leur donnant de sa prop-re main, avec le
vetement d'honneur, le caftan, le baton, insigne de chaque charge.
La salle du trone etait orn6e d'une fresque portant les emblemes des
districts du pays entier, tel qu'il &ail avant 1812; l'arc et les fleches
etaient fixes pres de la chaise du Voevode. Des discours en grec
furent echanges entre lui et ses officiers nouvellement investis, car a
cette poque la langue du Phanar commencait a gagner un caractere
officiel qu'elle disputait a la langue du pays et du peuple,
phenomene de conquete culturale que la revolution seule put
empecher dans sa marche. Une breve conversation en francais avec
Callimachi ne changea pas la mauvaise opinion de notre medecin en
ce qui concerne tout ce qui se trouvait en Moldavie; it juge indiscretes .
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certaines des demandes, de caractere politique, posees par le potentat
phanariote.
Par Bar lad, Tecuciu et Focani le voyageur se dirige vers la
principaut6 voisine. Focani, sise a cheval sur la ligne de frontiere
meme, entre les deux pays de meme race et de meme langue, avait un
.staroste anglais, dans la personne d'un Grec natif de Zante; c'etait un
fermier qui avait son exploitation agricole dans le voisinage,
employant quatre cents paysans dont it deploraitt, a raison ou a tort,
l'indolence; it elevait des volailles et vendait du yin, les vignobles
voisins 6taint c6lebres.
Le premier abri en Valachie fut une tanniere enfumee, du cote
de Buzau, une demeure souterraine tellement primitive qu'elle ne
pouvait pas meme etre comparee avec les autres que Mac-Michael
avait rencontrees en Sicile, en Grece, en Egypte et en Nubie. L'etat
du paysan, soumis a des ispravnics", fonctionnaires qui ont pay6
pour avoir leur charge et qui doivent se refaire sur le compte de leurs
administres, est decrit dans des termes impressionnants; les supplices
auxquels sont soumis les contribuables qui ne peuvent pas fournir
leur quote-part de l'impot: fustigation, fumigation et autres
raffinements de barbarie", sont vraiementt pris sur le vif; c'etait au
moins le systeme" financier valaque, d'apres une recette que les
agents grecs et leurs disciples roumains avaient emprunte aux zapties
turcs, qui, ceux-la, operaient au moins in anima viii, sur des chretiens
qu'il meprisaient.
Plus que la vie intime de cette aristocratie, l'etranger, a connu la
vie sociale, surtout celle de Bucarest, avec ses promenades lentes et
fastueuses au lac de Herestrau six ou sept cents carosses ses bals
masques, son club noble", ses spectacles d'opera allemand et de
comedies traduites en valaque"', avec ses tables de jeu, ses fetes de
famille et enfin avec l'orchestre des Tziganes et les nouvelles danses
europeenes remplagant la hora ancienne qui continue a etre cherie
dans les villages. Et cependant it parle du poete Vacarescu, qui ayant
une maison de campagne a Baneasa, pres de la promenade publique,
ouvrait largement son jardin au public et d6pensait de ses deniers
pour satisfaire ses hotes, peut-etre inconnus, auxquels lui et sa femme
faisaient les honneurs de leur modeste demeure. S'il y avait dans une
partie de ces families des mnages contractes a la legere, une vie
frivole et tout exterieure, des divorces frequents, it y en avait d'autres
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qui conservaient les anciennes traditions dans toute leur purete
patriarcale. On n'a qu'a fouiller parmi les lettres privees et parmi les
testaments de l'epoque. C'est un moyen d'information superieur aux
racontars par lesquels souvent la partie la plus corrompue d'une
societe cherche a reduire l'autre a son propre niveau.
II n'y a peut-titre pas de peuple plus opprime par un pouvoir
despotique et plus lourdement accable d'impots et de taxes que la
classe paysanne de la Valachie et de la Moldavie; et it n'y en a pas
peut-titre une autre qui consentirait a souffrir la moitie de ce fardeau
avec la meme patience et resignation apparentes"", tels sont les
termes par lesquels Wilkinson ouvre le chapitre consacre a la
population rurale des Principautes. C'est la pure verite, mais, si
l'ecrivain interprete cet etat d'esprit, temoignant d'une douceur
admirable, comme une preuve de stupeur et d'apathie", it se trompe
encore, car, un an apres la publication de cet ouvrage, le fils de paysan
Theodore Vladimirescu levait le drapeu de la revolte contre tous ces
abus et, comme son ancien camarade dans la lutte contre les Turcs en
1807-1812, Carageorges, chef de la revolution serbe, it proclamait
hautement le droit du people d'tre seul maitre de ses destinees.
Les details consacres a l'humble vie de ces paysans, contents de
peu dans leurs chaumieres, d'une simple beaute, sont, du reste,
authentiques, comme tout ce qui est, dans cet ouvrage, pure
description. C'est, dit-il en passant, une belle race", portant encore
le costume classique de ses ancetres, tels qu'on les voit sur la Colonne
de Trajan. Si le long des routes frequentees par des maitres insolents
et par des strangers pretentieux on ne voit que le desert, les belles
vallees fleuries pendant la belle saison sont remplies de villages ou vit,
dans l'opulence d'une riche nature, un habitant content, qui ne lui
demande qu'un faible tribut. Pour les cent cinquante mille
Bohemiens esclaves it y a un paragraphe special".
Quant aux strangers, ils ont entre leurs mains les banques les
changeurs ou zarafs ils sont les artisans des nouvelles modes, les
professeurs, les medecins et les pharmaciens; it faut ajouter les
hoteliers et restaurateurs d'imigration plus recente, sans compter les
fermiers transylvains ou hongrois des boiars, que le prince de
Moldavie tacha vainement d'expulser en 181558. A la tete de ce
monde international se trouvaient les consuls: Wilkinson raconte la
maniere dont ils furent etablis, dans le derniev quart du XVIII-e
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sicle, mais it renonce a juger leur activite, qui etait tres souventt celle
de gens poursuivant leurs propres interets ou vengeant leurs rancunes
personnelles. Nous savons par ailleurs que le gouvernement leur
servait a Bucarest un ten" journalier de quatre ocas de viande, de
huit pains, outre le bois de chauffage et le foin.
Et l'avenir de ces beaux pays et de cette race qui n'est pas moins
douee, quels que fussent les Melts de ses gouvernants et les vices de
ses exploiteurs Wilkinson ne croit nullement a la possibilite d'une vie
nationale roumaine: n'ayant jamais rien lu de la nouvelle litterature,
n'ayant jamais ecoute un representant de l'esprit nouveau, it en
trouve l'idee absurde et la realisation impossible. Il aurait fallu
decider de leur sort au congres de Vienne, en y faisant venir les
plenipotentiaires de la Turquie pour leur prouver que la possession
des Principautes par le Sultan est aussi dangereuse, par les conflits
qu'elle provoque sans cesse avec le Tzar, que precaire et quasi-inutile.
La Russie n'aurait pas pu rejeter la proposition de lui donner la
Moldavie si elle consent a accepter la souverainete autrichienne en
Valachie. Le vice-consul anglais n'etait pas coupable, du reste, d'avoir
les memes conceptions que ces diplomates de Vienne qui leguerent
l'humanite, dans une nouvelle carte de 1'Europe, creee a l'usage des
dynasties et contre les interets des peuples, interets qu'ils ne
consideraient pas comme legitimes, la source des querelles, des
revolutions et des guerres incessantes qui ont empeche le sicle qui
s'est ecoule depuis lors d'tre le plus grand dans le developpement de
l'humanite".
L'aspect de Bucarest est celui presente par Wilkinson. Jean
Georges Caragea (Karatzas en grec), l'avide prince de Valachie, recut
l'etranger le jour meme de l'Epiphanie de l'annee 1818.
Contrairement a l'etiquette observee a la Cour de Moldavie, ou, it est
vrai, la famille princiere etait en deuil a cause de la mort d'une petite-
fille, l'epouse du Voevode et ses filles memes, parmi lesquelles Ralou,
une protectrice eclairee de la litterature hellenique envahissante,
assistaient a la ceremonie, sur des sophas pres du trone. Les visiteurs,
des femmes aussi, glissaient sur un tapis anglais pour baiser la main
du maitre. La conversation avec l'etranger n'eut pas d'importance;
Caragea, qui entretenait une corespondance sur les affaires
europeennes avec de Gentz a Vienne, ne pouvait pas etre accuse
cependant d'ignorance et d'indiscretion ainsi que cela etait arrive,
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avec Callimachi non plus. Mac-Michael se retira au milieu de la
cohue mendiante des serviteurs de la Cour, qui avaient le droit
traditionnel du pourboire a pareille occasion.
Le Metropolite, Nectarius, donne une mauvaise idee du clerge
roumain it &ail, du reste, Grec de Moree au voyageur, qui avait
neglige de visiter a Jassy .ce noble prelat, de naissance illustre, de
connaissances profondes et d'une piete, d'un zele infatigable pour ses
subordonnes et sa nation, qui fut Benjamin Costachi. Le chef de
l'Eglise valaque, vieillard, rubicond, tenait des propos de table
inconherents et denues de tout interet, alors que dans une chambre
voisine moisissaient des manuscrits grecs et slavons et que la
bibliotheque du naturaliste francais Sonnini de Manoncourt, donnee
par un bdiar a la Metropole, gisait abandonnee.
Pour le reste, des societes de jeu de hasard, des promenades
pompeuses, des bals publics, des farces au club de la noblesse, ou des
Allemands faisaient valoir leur esprit trivial, devant la famille du
prince et un auditoire de boIars grecs qui se faisaient traduire les bons
mots pour &later de rire; Mac-Michael pretend meme que le fils de
Caragea parut dans Passemblee ayant au bras sa maitresse, qu'il avait
recemment arrachee a son mari tableau de mceurs constantino-
politaines, car la famille n'avait aucunes relations avec la noblesse
roumaine. Les femmes, en babouches et portant de riches ceintures
orientales, avaient des robes de soie francaise, tout a fait a la fawn de
1' Occident.
Un yassakaschi, un chef d'escorte ayant appartenu a Wilkinson,
a cette poque dj ancien consul-general seulement, bien qu'il filt
Bucarest, oU it montra a son co-national l'exemplaire du Code grec de
Callimachi dedie a l'Universite d'Oxford, conduisit Mac-Michael
jusqu'au Danube, on Giurgiu, faisant partie de la rea ottomane,
conservait encore son caractere turc.
NOTES
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5. Chronique d'Alexandre Amiras, dans Kogalniceanu, Letopisefe, III, p. 172.
6. Voyages depuis St. Petersbourg en Russie dans diverses contrees de
I'Asie, traduction francaise, III, Paris 1766; reproduit dans Th. Codrescu, Uricariul,
XXIV, Jassy 1895, p. 215 et suiv.
7. Cf. Hurmuzaki, Supplement II; pp. 608 et suiv, 655. Le roi de Prusse
cherchait a lier des relations diplomatiques permanentes avec la Porte par le moyen
de l'ambassadeur d'Angleterre; ibid., p. 701.
8. Ibid., I, p. 709, n. 1002. . .
9. Add. Ms. 6 808, fol. 65 et 6 851, fol. 85, publics dans nos Actes e'
fragments, I, pp. 377-378.
10. Giornale di un viaggio da Constantinopoli in Polonia, Bassano 1784
reproduit dans Codrescu, Uricariul, XXIV, p. 255 et suiv.
11. P. 281 et suiv.
12. Nos Documents Callimachi, I, p. 20, n. IX, Cf. vol. II, pp. 288-289,
291-292.
13. Ibid., 445, n. 68.
14. Ibid., p. 446, n. 79.
15. As to this Highness, we left him to his own grandeur, not caring for the
honour, or rather the trouble, of seeing him". Sir George Larpent, Turkey, its
history and progress, Londres 1854, I, p. 375 et suiv., dans Beza, loc. cit., p. 281.
16. Traduction roumaine, d'apres une version russe, par Serge Plestscheev
(deux editions a Petersbourg, 1776 et 1778), dans Hasdeu, Archiva istorica, I,
pp. 183-181. Nous n'avons pas vu l'original anglais.
17. British Museum, B. IV, 7, dans nos Ades et fragments, I, pp. 380-382, Cf.
ibid., pp. 357-377 (British Museum, R. II, 178). Voy. aussi Hurmuzaki, Documente,
X, Preface.
18. Hurmuzaki, SuppL I, vol. 1, pp. 808, 868.
19. Cf. Hurmuzaki, Fragmente. V. pp. 266-267; nos Actes et Fragments, II,
pp. 33 -34, 76.
20. Nos Documents Callimachi, II, pp. 274-275.
21. Ibid., p. 277, n. 98 et suiv.; p. 309.
22. Ibid., p. 302, n. 158.
23.. Voyage de milady Craven a Constantinople par Crimee en 1786, Paris 1789.
24. Pp. 225-226.
25. Ibid., p. 260.
26. Leur nombre aurait diminue, selon l'assertion de Maurogeni, de 25 000 a
5 000 seulement (p. 292).
27. Pp. 298-299.
28. Nos Actes et fragments, H, pp. 260-261.
29. Ibid., p. 301.
30. Ibid., p. 306.
31. Travels through some parts of Germany, Poland, Moldavia and Turkey,
Londres 1818.
32. Travels in various countries of Europe, Asia and Africa, Londres
1810-1823, II, p. 582; cf. Beza, loc. cit., p. 282.
33. Nos Actes et fragments, II, p. 394, n. 3.
177
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34. The present state of Turkey..., together with the state of... Moldavia and
Walachia, Londres 1807, in 4 ; seconde edition, Londres 1809, 2 vol. in 8
(traduction allemande, Hambourg 1808; traduction frangaise, Paris 1812; traduction
roumaine, Bude 1826).
35. Nos Actes et fragments, II, p. 431.
36. Ibid., p. 527.
37. Ibid., p. 200.
38. Wilkinson, An account, p. 283.
39. Hurmuzaki, X, p. 411, note 3.
40. Ibid., p. 199 et suiv.
41. Nos Documents Callimachi, I, p. 214, n. 164.
42. On a des traduction frangaise, 1821, 1824, 1831, et un rsum italien,
Milan 1821. - Il y avait aussi un staroste anglais, et frangais en meme temps, a
Craiova. Lorenzo Giacomelli.
43. Hurmuzaki, X, p. 67, n. 83. Cf. ibid., I, p. 83, n. 110.
44. P. 5 et note.
45. Pp. 27-28.
46. P. 40, note.
47. The whole of the exterior work is entirely of carved marble, something
in the style of the steeple ot St. Stephen's church at Vienna, but far more elegant
The whole produces a very striking effect; and, as it has perfectly preserved its
original beauty, it is certainly a monument that the Wallachians may boast of in any
part of Europe"; p. 16.
48. No sooner was the possibility of sharing in the public administration
manifested to the Greeks, than such as were versed in the turkish and european
languages, abandoning all other poursuits, formed themselves into a distinct class,
which assumed the title of nobility ant the exclusive right ot being called to the
service of the State"; p. 98.
49. Ibid., p. 130. Ibid., p. 131.
50. Pp.265-266.
51. Ibid., pp. 79-82.
52. Ibid., p. 85.
53. Travels in Georgia, Persia, Armenia, ancient Babylonia, etc., during the
years 1818, 1819 and 1820, 2 vol., grand in 8, Londres 1822.
54. Journey from Moscow to Constantinople in the years 1817,1818, Londres 1819.
55. P. 141.
56. There does not perphas exist a people labouring under a greater degree
of oppression from the effect of despotic power, and more heavily burthened with
impositions and taxes than the peasantry of Walachia and Moldavia; nor any who
would bear haft theair weight with the same, patience and seaming resignation"; p.
155.
57. Pp., 168 et suiv.
58. Pp., 178-179.
59. Le facsimile de la signature de Wilkinson, dans Hurmuzaki, X, p. LXV.
178
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CHAPITRE IV
179
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II fut envoye dans les Principautes en 1822 par l'ambassadeur
d'Angleterre, Strangford, qui, apres la retraite de l'envoye de Russie,
Strogonov, en signe de protestation contre la conduite du
gouvernement ottoman envers les insurges grecs, avait accepte la
protection des orthodoxes de Turquie et la sauvegarde des traites 1.
Mari d'une femme qui avait ete en vogue une dizaine d'annees
auparavant parmi les officiers russes de Parmee d'occupation, ce
demi-Levantin, qui avait brigue la charge de ministre des Affaires
Etrangeres a Bucarest, etait un ancien ami d'Alexandre Ypsilanti,
chef du mouvement hetairiste, et chaleureux partisan de la liberte
hellenique 2. On pense donc bien quel fut son rapport. Etabli comme
consul, it continua ses relations avec la valetaille des princes 3. Il
n'etait pas meme presant en septembre de cette meme armee, lorsque
Strangford lui meme, ayant quitte son poste a Constantinople, passa
incognito par Bucarest, ou it prit logement a 1'Agence d'Autriche.
En 1827, a la veille de la nouvelle invasion russe, Cook etait encore
en Valachie, mais pas comme le representant de 1'Angleterre dans les
deux Principautes, oh son role avait ete nu15.
Car son successeur, E. L. Blutte, etait arrive, venant d'Egypte,
des les moi de mai 18166. Bien qu'ennemi des ceremoines superflues
et inutiles", ainsi que le dit un de ses collegues, it essuya, le 11 juin,
une audience solennelle a la Cour du prince Gregoire Ghica,
incapable, en vieux boiar qu'il etait, de parler une autre langue que le
roumain et le gree. En 1826 le nouveau consul avait cependant de
mauvaises relations avec le gouvernement valaque'.
Deux ans plus tard on le voit faire un voyage a Jassy, oh avait ete
maintenu un vice-consultat dependant de lui 9. II fonctionna aussi
pendant la guerre, s'escrimant contre les abus de l'administration
russe jusqu'a recouvrir ses armes"", et la nouvelle ere du Reglement
Organique le trouva encore a son poste", qu'il conserva jusqu'a la fin
de l'annee, car son successeur, Colquhoun, ne devait arriver
Bucarest que le 25 fevrier 1835 pour etre, du reste, lui-meme
remplace dans deux ans, car en 1837-1838 les affaires du consulat
etaient gerees par un nomme Lloyd.
Quanta Pactivite diplomatique de Blutte, voici l'appreciation de
son collegue, de Bois-le-Comte, qui pretend meme qu'en 1812 l'agent
d'Angleterre aurait contribue a faire ceder aux Russes la Bessarabie:
L'agent anglais, M. Blutte, perd de sa consideration par Poriginalite
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de ses manieres. Il a eleve contre les Russes une opposition
passionnee, qui lui a fait tort, parce qu'elle n'a pas ete soutenue de
succes; et, apres etre rests une armee entiere a refuser de voir le
general Kisselev, it a di, sans obtenir la satisfaction qu'il demandait
sur une affaire qui avait servit de pretexte a la rupture, retablir son
pavilion, qu'il avait amens, et se reconcilier avec le general russe12."
Apres la revolution grecque de 1821 le seul R. Walsh, qui
traversa l'Asie Mineure, donne des notes sur la fin malheureuse des
deux princes Callimachi, Scar late et Jean ". Mais l'ouvrage anglais
capital pour cette poque devait etre celui que preparait, dans sens
favourable aux Roumains, le consul lui-meme, Blutte.
Il se trouvait a Valenii-de-Munte, bourgade du district de
Prahova, apres Pepidemie de cholera qui fit des ravages dans les deux
Principautes pendant Pannee 1833, et y vivait dans la societe de son
secretaire, Stamati Zamora, du boIar Constantin Filipescu, ayant le
rang de major dans la nouvelle armee valaque, et de Pinstituteur de
cette localite un zele traducteur du frangais, J. G. Gorjan, auquel it
confia Peducation d'un fils d'adoption, apres avoir constate ses
aptitudes en visitant Pecole de Valeni. En revenant a Bucarest, Blutte
confia a ce dernier, un manuscrit tres volumineux", en frangais, sur
l'avenir des Principautes, it lui demanda de ne le publier que plus
tard, lorsqu'il aura quitte depuis longtemps les pays du Danube.
Filipescu y ajouta le souvenir des entretiens de son ami. Mais ce ne fut
qu'en 1856 que Gorjan, qui publiait un calendrier, trouva necessaire,
en relation avec le mouvement qui devait amener l'Union des deux,
de donner en traduction roumaine les passages concemant Paspedt du
pays et le caractere des habitants. Comme ces passages sont d'une
importance toute particuliere, nous chercherons a refaire l'original,
qui, malheureusement, peut etre considers comme definitivement
perdu:
Le territoire des Principautes roumaines est classique comme
une Italie: son interieur et sa surface sont remplis d'objets antiques
romains, qui donnent abondamment tous les materiaux necessaires
meme au pinceau historique le plus malhabile; rien ne manquerait
pour prouver, en toute verite, que ces regions ont ete pleines de la
gloire des dominateurs du monde dont les traces se conservent encore
jusqu'aujourd'hui, et se conserveront, surtout dans la Petite-Valachie,
oil on ne fait un seul pas sans rdcontrer un souvenir, quel qu'il Eft, qui
l'affirme.
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Les indigenes de ces Principautes, qui y ont 6te colonises par
Trajan et autres des empereurs ses successeurs, vers le
commencement du II-e sicle de l'ere cretienne, et sont mlanges
avec les aborigenes daces, prouvent aujourd'hui encore une origine
dace indiscutable, entre beaucoup d'autres traits, par le costume et
l'exterieur des figures de Daces sculptees sur la Colonise de Trajan
Rome, par leur habilite comme cavaliers, surtout sans selles, par leur
sang-froid devant toute menace, par leur dexterite a se colistruire
tous seuls des habitations, des moulins, des chariots, apres les avoir
tout simplement vus chez un autre, a se fabriquer eux-memes leurs
vetements. De meme par les habitations souterraines qu'ils
affectionnent et leur nourriture favorite: lait calille, choux aigres et
vinaigre, par leur coutume de voyager en portant les ustensiles qui
leur servent pour se preparer aussit6t et a chaque moment une
nourriture fraiche, ce qu'on ne voit pas chez un autre peuple. Ensuite
par leur courage incomparable de dompter sur-le-champ les chevaux
les plus recalcitrants et n'importe quel animal, par leur hospitalite tres
humaine envers toute nation, par leur caractere et leurs chansons fort
herdiques, par leur qualite naturelle de pouvoir traverser sans aucune
crainte dans les tenebres les plus profondes les forets les plus
impenetrables et sans habitants, les montagnes les plus dangereuses,
les deserts les plus profonds et obscurs, au milieu desquels ils dorment
comme dans leur propre maison, avec la plus grande impassibilite. Et
enfin par une quantite de dictons et de termes qui ne se retrouvent
dans ancune des langues des peuples plus connus qui y ont fraye au
cours des siecles et qu'on distingue leur appartenir en propre. Mais,
par leur penchant et leur merveilleux genie pour les beaux-arts:
musique, surtout sous la forme de la tragedie, danse, eloquence,
poesie, peinture, sculpture et architecture, par leur grandiose maniere
de porter les armes et leur maniement rapide comme l'eclair, par
l'acuite de leur esprit pour comprendre, apprendre et imiter
n'importe quoi, prouvant la facilite la plus incomparable, par la
sincerite de leur ame, par le nom de Roumains qu'ils se donnent et
par celui de Pays-Roumain que porte leur territoire et, enfin, par la
quantite de noms latins et italiens dans leur langage populaire, qu'ils
conservent et emploient comme leur etant maternels, absolument de
la meme fawn que le peuple romain dix-sept et dix-huit siecles avant
notre poque; par tout cela, dis-je, et je finis la-dessus, et par d'autres
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caracteres nombreux, ils representent aujourd'hui aussi une
indiscutable origine italienne ou romaine...
Done ces deux especes de peuples braves, s'etant familiarisees
reciproquement au cours des temps, forment et representent
vraiement une nation daco-roumaine, qui compte dans sa totalite plus
de 10 000 000 d'ames, ayant deux droits, grands et sacres comme Dieu
lui-meme, sur ces pays: l'un qui est celui de l'ancienne heredite de
plus de quarante siecles, et l'autre, celui de la colonisation et de la
preservation des droits nationaux daces et romains pendant dix-sept
siecles, jusqu'aujourd'hui, par les armes et par l'esprit politique.
Le Daco-Roumain est un melange, une concentration de la
bravoure la plus merveileuse, du plus haut genie, de l'humanite la
plus rare et de l'hospitalite et de l'affabilite la plus evangelique.
Malgre le nombre reduit de leurs soldats et de leurs chefs politiques,
les Daco-Roumains ont toujours ete l'avant-poste le plus invincible
de l'Europe entiere, l'empechant de se ruiner par les innombrables
invasios des tribus asiatiques en torrents, qui pouvaient seulement
par ces regions, comme par une Porte, s'etendre plus facilement, avec
leur devastation, sur toute la surface du continent: toute la fureur,
toute la ferocite barbare s'y apaisaient; elles y trouvaient opposition
et s'y eteignaient comme une balle enflammee tomb& dans l'Ocean:
Et, quant a la civilisation des Roumains, je ne dirai rien: elle
n'arriverait que trop facilement au plus haut niveau...
Sous le bras daco-romain, ces Principautes ont ete et sont
encore l'asile des malheureux et de ceux qui sont opprimes par le
fardeau et la cruaute d'un joug barbare et fanatique. Mais, o malheur,
tous ceux-ci, auxquels l'humanite des indigenes permit de fraterniser
avec eux, d'arriver aux plus grandes richesses, aux plus hauts degres
des dignites et de la noblesse, de cultiver leur langue et leur
nationalite dans toute son extension, jouissant librement de tous les
privileges des indigenes, tous ceux-ci, qui y ont echappe au feu, au
sabre et a l'esclavage, devinrent, et deviennent sans cesse, sans le
moidre remords, les ennemis et les traltres les plus implacables de
leurs bienfaiteurs...
Je vous donne ma parole d'honneur, dans bref, les Puissances
occidentales eleveront ces Principautes a un rang beaucoup plus
importat, beaucoup plus durable qu'aujourd'hui... La paix et la
tranquillite de l'Europe entiere, voici ce que signifient les Principautes
consolidees sur des privileges nationaux14."
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de la Maison Bell, commenca, avant les capitalistes francais,
l'exploitation des forets de Valachie pour exporter des douves20. Il est
plus que probable que la 'name Maison s'occupait de l'achat des
produits du pays et de la vente exclusive, en gros" reservee
jusqu'alors aux Lipscani, aux Grecs qui se rendaient a la foire de
Leipzig des marchandises de 1'Angleterre 2I". Et elle voulait
fonder, en 1836, une Banque anglaise a Bucarest 72. Il fut question
meme de fournir un emprunt anglais a la Principaute de Valachie'.
Et a cette poque un voyageur anglais sur le Danube faisait connaitre
aux siens la nouvelle vie europeenne qui se dessinait dans les
Principautes: J. Quin, auteur d'un Voyage fluvial sur le cours
inferieur du Danube" (A stream voyage down the Danube, Londres
1835, 2 vol. in 8).
En 1836, on interpellait Palmerston a la Chambre des
Communes sur l'intention qu'aurait la Russie d'etablir une
quarantaine aux bouches du Danube, qui gagnait sans cesse en
interet, surtout par le bon marche des matieres premieres, pour les
Puissances occidentales, pates a combattre contre les
envahissements, dangereux a ce commerce naissant, de la Puissances
protectrice 24. On crut a Bucarest qu'il ne s'agissait de fait que d'un
droit de pilotage, a Soulina, qu'elle demandait aux vaisseaux qui se
confiaient a l'experience de ses agents. Mais l'emotion avait ete
gran& a Londres, toute action des Russes dans ces parages etant
suspect& comme un nouvel attentat 25. Et, en effet, des cannonieres
gardaient, non seulement la bouche de Soulina, mais tout le cours
du fleuve jusqu'a Galatz, une quarantaine etait etablie a celle de
St. Georges et on se preparait a installer une autre dans File de Lete,
entre les deux bras du Delta: en ce faisant, le Ministere russe
s'appuyait sur la clause regardant les quarantaines dans le trait6
d'Andrinople". II est evident", ecrivait le consul de France, qu'elle
est maitresse de la Mer Noire, par le traite d'OunkiarSkelessi et
maitresse de l'embouchure du Danube, par. celui d'Andrinople 27".
Mais 1'Angleterre, disait le secretaire de l'ambassade anglaise a
Constantinople, David Urquhart, de passage a Bucarest, ne pouvait
reconnalltre que le principe de libre navigation des fleuves enonce
dans les traites de Vienne'. Pour le moment cependant, l'Autriche, la
France s'y etant mles, la question en resta la".
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Dj les Anglais commencaient a l'apercevoir que la voie du
Danube representait le chemin le plus court vers l'Asie30. A Belgrade
meme, le colonel Hodges jouait un role principal dans le travail
diplomatique tourne contre l'influence russe31.
* *
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Le principal objet de mon etude dans cette capitale a 6t6 de
connaitre les moyens qu'on emploie ici pour encourager l'instruction
publique.
Vous savez, Monsieur, qu'en Angleterre, les ecoles publiques
des hautes sciences ne sont pas aussi nombreuses qu'en France et en
Allemagne mais les ecoles d'instruction primaire sont beaucoup
plus repandues ici que dans tout autre pays, a l'exception, peut-etre,
de celui d'Autriche. Quelques-unes de ces ecoles sont soutenues par
le gouvernement, mais la plupart d'entre elles ont 6t6 etablies et sont
entretenues par des societes de bienfaisance; dans ces ecoles, la
jeunesse des deux sexes, non seulement recoil l'instruction gratis,
mais elle est, en outre, logee, nourrie et habillee aux frais de la
societe. Je n'ai pas vu de hameau, partout ou j'ai voyage en
Angleterre, qui n'etlt son ecole intitulee Charity School supported
by voluntary contribution, et puis dans les villes it y a une foule
d'associations litteraires, scientifiques et industrielles, qui encou-
ragent les sciences, les arts et les mtiers.
A cote de ces dispositions pour eclairer leurs concitoyens, les
Anglais s'empressent encore de porter leur offrande lorsqu'il s'agit de
secourir le malhereux, car c'est encore par contribUtion volontaire
que sont soutenues toute espece d'institutions charitable, tel que les
hopitaux, les maisons de refuge et autres. Cet esprit d'association
pour la bienfaisance fait grand honneur au peuple anglais, et, quant
aux associations de speculation, qui dans ce pays-ci sont generales
pour tout sorte d'objets, celles-ci, quoiqu'interessees, n'ont pas moins
contribue a la grandeur morale et physique de ce peuple. Vous savez,
Monsieur, que tout ici se fait par des compagnies, et de cette maniere
le gouvemement n'est pas oblige de surcharger d'impots les sueurs du
laboureur et de l'artisan, pour faire des routes, des canaux et d'autres
travaux d'utilite publique. Pour augmenter les fonds des institutions
charitables, on emploie ici encore d'autres moyens bien dignes
d'eloges: quelquefois on fait des gates dans les eglises, apres
l'exhortation du ministre a ses paroissiens; d'autres fois, on tient des
reunions publiques ou l'on fait des discours et ensuite des collectes, et
de temps a autre on donne des fetes brillantes, ou l'on offre du plaisir
aux amateurs, pour de l'argent, dont une partie est destinee a
defrayer les depenses de la fte et le reste a etre verse dans la caisse
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de quelque institution charitable. Tout petit qu'etait l'etat de mes
finances, je me suis laisse entrainer une fois, et j'ai paye une livre
sterling pour assister a une de ces fetes, qui a ete des plus
remarquables. C'etait une fte champetre dorm& dans le plus beau
jardin de Londres au profit d'un pensionnat de jeunes demoiselles
pauvres, soutenu par une societe de dames. Pour augmenter la
recette, on avait invite les dames d'apporter quelques ouvrages de
leur main, pour etre vendus a la fte au profit de l'institution. Le
jardin avait ete embelli avec un gout des plus exquis: on y voyait une
.grande variete de plantes indigenes et exotiques, chargees de fleurs
des plus vives couleurs, et d'un parfum delicieux, toutes rangees en
allees, en groupes et en d'autre figures, parmi lesquelles plusieurs
bandes de musique animaient la danse en differents endroits, sous
une gaffe verdure et dans une atmosphere embaumee de parfums,
dont la chimie avait fourni la toilette et que la nature avait domes aux
fleurs; ensuite it y avait partout des tables dressees, couvertes de
plusieurs sortes de fruits savoureux et d'autre rafraichissements
exquis, dont on pouvait se regaler a discretion.
La fte a commence a trois heures de l'apres-midi, et, vers les
six heures, lorsque l'assemblee etait au complet, d'autres tables ont
ete dressees sous des tentes embellies de guirlandes et de couronnes
d'une grande variete de fleurs, et apres avoir sur ces tables les
ouvrages que les dames avaient apportes pour etre vendus au profit
de l'institution, les dames qui etaient membres de cette societe
bienfaisante se sont partagees les tables au sort, pour faire la vente
l'enchere des objets qui y avaient ete deposes. Cette sorte de marche a
beaucoup egaye l'assemblee, et la somme qui en a resulte doit avoir
ete assez considerable, car j'ai vu bien des objets se vendre dix fois
leur valeur, a cause que ceux qui pouvaient payer se disputaient les
objects travailles par les dames qui se distinguaient de la foule par
leur rang dans la societe, ou par leur talent ou bien par leur beaute.
Apres la vente, et lorsque l'astre du jour avait disparu, une multitude
d'autres astres artificiels le remplacerent, en repandant la lumiere avec
profusion a travers une multitude de verres de mine couleurs et ranges
en figures tres variees. Cette brillante illumination a ajoute beaucoup au
charme de la fte, qui a ete continuee gaiement jusqu'a onze heures du
soir, et ensuite chacum s'est retire content d'avoir contribue, tout en
s'amusant, aux moyens d'eclairer le beaux sexe.
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Apres avoir examine le moyen qu'on emploie pour repandre
l'instruction, j'ai tourne mon attention vers les embellissements de la
vile, et j'ai eu beaucoup a admirer ses magnifiques ponts, dont la
construction est tout a la fois gigantesque et elegante, les belles rues,
dont la proprete est un grand bienfait pour la salubrite de l'air qu'on
respire ici. Mais ce que je n'ai pas vu dans d'autres villes, et que j'ai
trouve bien agreable et utile, ce sont les places publiques. Vous avez
vu, Monsieur, combien ces endroits sont gais, avec quelle regularite et
quelle elegance sont baties les maisons qui entourent ces places, quel
aspect offre la plantation du milieu en petit jardin, ou le voisin trouve
pendant Pete une promenade agreable, de l'ombre, de l'air frais.
J'ai beaucoup admire aussi le mode d'eclairage, qu'on fait aussi
au gaz, et je me suis introduit dans un des etablissements ou l'on
produit cet element, j'en ai etudie le procede et dessine les machines
qu'on y emploie. En Angleterre, ce mode d'eclairage est general:
dans toutes les villes de ce royaume, les rues, les boutiques et les
manufactures sont eclairees au gaz, qu'on extrait du charbon de terre.
Ce fossile n'etant pas si abondant dans d'autres pays somme en
Angleterre, reclairage au gaz ne pourra jamais y concourir avec celui
fait a l'huile, a la maniere ordinaire. Je sais, par exemple, qu'a Paris
on paye le gaz qu'on brine dans les boutiques plus du double de ce
que cofite la lumiere d'une lampe a l'huile.:. On parle, depuis peu,
d'une invention tres importante dans cet art: ce serait l'application en
grand, et a tres bon marche, d'un procede qui se fait en petit dans les
laboratoires de chimie, pour extraire le gaz hydrogene par la
decomposition de l'eau.
Si ce procede pouvait reussir, it n'y aurait plus de lieu habite sur
la terre qu'on ne pourrait-on pas se procurer de l'eau?
Le 10 aoat, ayant recu une partie de l'argent que j'attendais, je
suis parti de Londres pour aller visiter les mines et les etablissements
m6tallurgiques de ce pays. Je me suis d'abord rendu a Birmingham,
dans le comte de Stafordshire, ou j'ai vu un etablissemeut des plus
fameux de l'Angleterre pour la construction des machines a vapeur;
d'ici on fournit avec des machines de cette espece les etablissements
de plusieurs parties d'Europe. Je me suis informe de leur prix et du
moyen d'en faire venir aussi chez nous quand nous en aurons besoin.
De meme, je me suis informe sous quelles conditions les ouvriers
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voudraient-ils se charger d'accompagner ces machines pour travailler
avec elles dans notre pays, car, comme vous l'avez tres bien dit, on
risquerait sa vie et sa fortune si on livrait ces machines entre les mains
d'hommes aussi inexperimentes a cette sorte de travail, comme le
sont ceux de notre pays.
De Birmingham, je suis revenu a Londres pour toucher le reste
de l'argent que vous m'aviez envoye, car je n'osai me le faire passer a
Birmingham, de peur qu'il n'arrive dans l'intervalle quelque faillite
ou bien quelque erreur, comme celle de M. Pillet. Apres avoir touch
la somme, j'ai quitte de nouveau la capitale sans retard, et j'ai repris
ma route, en passant encore par Birmingham a Manchester, dans le
comte de Lancaster; ici je me suis arrete pour voir les filatures de
cette ville, qui, comme vous savez, fait le commerce exclusif de cet
article dans tous les marches du monde. Entre les etablissements pour
la filature du coton, qui sont ici les plus magnifiques qu'on puisse voir
et les plus nombreuses, it y en a aussi quelques-unes pour filer la lathe,
et ce sont ceux-ci qui ont attire plus particulierement mon attention,
car it n'y a que cette sorte de filature qui pourrait etre introduite chez
nous avec avantage.
De Manchester je suis parti pour Liverpool, et j'ai fait ce
voyage par un nouveau moyen de transport qui est une des merveilles
de l'industrie du siecle. Il y a pits d'un an depuis qu'une compagnie a
etabli entre Manchester et Liverpool un chemin de fer, sur lequel on
transporte entre ces deux villes les voyageurs et les marchandises
dans des voitures a vapeur; vingt voitures attachees les unes aux
autres, et chargees, de 240 personnes, sont tirees, toutes a la fois, par
une seule machine a vapeur, et avec une telle vitesse, que le meilleur
cheval de course ne pourrait les suivre au grand galop, et cependant
le mouvement est si doux, qu'on ne s'apercevrait pas que les voitures
marchent, si les roues ne faisaient pas de bruit, les objets disparaissant
presque ausssitot qu'ils ont paru, et l'on croit que tout s'enfuit, mais
que les voitures restent immobiles. La distance entre Manchester et
Liverpool est de 32 miles anglaises, et on parcourt ce chemin dans les
voitures a 'vapeur en une heure seulement, tandis que par les
diligences on ne pouvait franchir cette distance qu'en quatre heures.
Pour voyager par les diligences entre ces deux villes, on payait dix
sterlings, mais la compagnie des voitures a vapeur a reduit ce prix au
dixieme, c'est-a-dire qu'on peut faire 32 mines pour un sterling
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seulement. C'est pourquoi tout autre moyen de transport entre ces
villes a du tomber, et le nombre des voyageurs en voiture s'accrut
considerablement, car tous ceux qui par economie faisaient ce voyage
a pied trouvent maintenant que c'est plus grande economie d'aller en
voiture.
II en est de meme du transport des marchandises: tout se fait
par les voitures a vapeur; les bestiaux meme sont transport& de cette
maniere par centaines: les boeufs, les moutons et les chevaux meme
vont maintenant en voiture, et avec une telle vitesse qu'ils ont l'air de
s'envoler. Le chemin, qui est a voie double, est, presque partout
horizontal, et, lorsqu'on voit les prodigieux travaux qu'on a fait pour
l'amener a cet etat, on se perd dans les chiffres, en comptant le
nombre de mains d'hommes qui y ont ete employees et en calculant
les sommes depensees. D'abord, une grande partie du chemin passe
sur des marais d'une grande &endue, et on a du creuser tres
profondement pour trouver une base solide, ensuite on a ete oblige
de combler des vallees profondes pour elever le chemin au niveau,
puis on a fendu et perce plusieurs endroits eleves et on a fait des
passages souterrains, qu'on eclaire au gaz.
Le capital qui a ete depense dans cette admirable entreprise,
est d'un milion livres sterlings, et on dit que dj la Compagnie en
retire un benefice de 12% et que cela va toujours en augmentant,
parce qu'on n'a pas encore complete le nombre de ces machines
locomotives, pour suffire a toute sorte de transports dont le
commerce de ces deux villes, eminemment commercantes, a besoin.
On park de continuer ce chemin de Manchester par Birmingham
jusqu'a Londres, et on destine pour cette entreprise la somme enorme
de trente millions livres sterlings. Nul doute que ce nouveau moyen
de transport, qui offre au commerce des avantages immenses,
s'etendra avant la fin de ce siecle, non seulement sur toute
l'Angleterre, mais aussi sur plusieurs autres Etats civilises, et, lorsque
les nations se donneront ainsi la main pour faciliter la communication
et avancer l'industrie, on pourra venir de Hermannstadt a Londres en
moins de trois jours.
Dans les environs de Liverpool se trouve un etablissement
metallurgique, ou j'ai vu les travaux du raffinage du plomb pour en
extraire l'argent. Le mineral qu'on y emploie, vient en partie des
mines de l'Angleterre, et particulierement du comte de Cornouailles
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(Cornawall), mais la plus grande partie vient du Bresil: ce demier
donne 60 pour cent de plomb et deux millions d'argent. Apres avoir
separe l'argent, on travaille le plomb pour en faire des plaques et des
tuyaux, qu'on emploie pour la distribution des eaux et du gaz dans les
villes. Les travaux de cet etablissement sont admirablement bien
conduits, et cependaut on m'avait dit que le benefice qui en resulte
est bien mediocre, parce que, les mines du Bresil etant maintenant
exploitees par une Compagnie anglaise, les minerais argentiferes et
auriferes sont raffines sur place, et par consequent on ne peut plus les
acheter bon marche pour les raffiner ici.
De Liverpool j'ai pass par un bateau a vapeur a Holywell, et
de la a Mold, dans la province des Galles (Wales); dans les environs
de ces villes it y a des mines de plomb, qui occupent une grande
&endue de terrain, et beaucoup de fourneaux pour la fonte de ce
metal. Les travaux souterrains sont ici beaucoup genes par un grand
nombre de sources, qu'on rencontre dans les excavations, et, pour
puiser ces eaux, on emploie de tres ingenieuses machines, les unes
mues par l'eau, les autres par la vapeur. Ces difficultes augmentent
beaucoup les depenses, et on a de la peine a vendre le metal avec
quelque benefice, car, dans la vente de cet article, l'Espagne
l'emporte sur l'Angleterre dans tous les marches, les mines de plomb
en Espagne [etant] tres abondantes et tres faciles h exploiter. C'est ce
qui a oblige plusieurs compagnies des mines de plomb de l'Angleterre
d'abandonner tout a fait cette exploitation, et, de toutes celles qui
subsistent encore, it n'y a, dit-on, que celle-ci, des environs de Mold ,
qui a quelque benefice, parce qu'elle a mis dans cette entreprise un
tres grand capital et que les travaux sont tres ingenieusement
conduits par un directeur (Mr. J. Taylor), qui est le plus habile
ingenieur de l'Angleterre. Ce Monsieur dirige un grand nombre de
mines, non seulement ici en Angleterre, mais encore en Colombie et
en Bresil. C'est a ce savant ingenieur que je dois la plupart des
recommandations qui m'ont ouvert les portes partout oh j'avais
besoin de voir et de m'instruire dans le but de mon voyage.
De Mold je suis alle a Merthyr-Tydvill, oh se trouvent les plus
grands etablissements pour la fabrication du fer; cette contree est tres
riche en houille et en minerais de fer, et les deux substances se
trouvent ensemble rangees par stratification separees et successives,
et qui commencent immediatement apres la terre vegetale, de sorte
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qu'on n'a, pour ainsi, dire, qu'a se baisser pour ramasser l'une et
l'autre substance a la fois, avantage qu'on n'a pas dans d'autres pays,
oii l'on fabrique aussi le fer. Apres avoir entre le minerai de fer et le
charbon, la premiere operation qu'ils subissent est d'tre &sulfur&
par une combustion partielle; pour cela on grille le minerai de fer
dans un grand nombre de fours, mais le charbon est bride en plein air
et en tas tres longs et rapproches, occupant un grand espace de
terrain. Ensuite le minerai grille et le charbon converti en coke sont
jetes dans les hauts fourneaux, d'oa l'on obtient la fonte de fer, qui,
mise encore avec du coke dans d'autres fourneaux, subit, d'abord,
une seconde fusion, pour etre raffinee, puis une troisieme, pour etre
forgee.
Tons ces feux sont continuellement en activite, et, lorsque, de
quelqu'endroit eleve, on regarde, pendant la nuit, sur cette multitude
de feux, on ne peut pas se faire une iclee plus effroyable du Tartare.
Car, d'un cote, les nombreaux tas de charbon embrases donnent une
flamme qui forme une surface continue et qui a l'aspect d'un vaste lac
de feu; de l'autre cote, les innombrables fourneaux, comme des
crateres,vomissent par leur sommet des flammes et de la film& et par
leur base des torrents de metal fondu. Ensuite a travers la ligne de ces
feux on voit se mouvoir, comme des spectres, les ouvriers tout noirs
et armes de longues barres de fer, avec lesquelles ils remuent le fer,
comme s"ils voulaient le preparer pour devorer les condamnes au
deinier jugement.
Les machines qu'on emploie pour travailler le fer, sont, d'une
grandeur et d'une puissance si gigantesque, que, lorsqu'on les voit
pour la premiere fois en activite, on est saisi tout a la fois de frayeur
et d'admiration. Les machines soufflantes ont la force de 250
chevaux, chacune, et le vent qu'elles introduisent dans les fourneaux
fait un bruit epouvantable; d'autres machines, qui font tourner les
cylindres entre lesquels on passe le fer pour le forger, ont la force de
300 chevaux, et elles travaillent avec un telle vitesse qu'elles peuvent
forger, en une seule minute, vingt barres de fer de- 18 a 20 pieds de
longueur. On faisait autrefois ce travail avec des marteaux par des
machines, mais on ne pouvait forger de cette maniere qu'une seule
barre par minute. La decouverte de l'emploi des cylindres est due aux
Anglais, et ceux qui sont les premiers, se sont enrichis bien vite, mais,
apres cela, plusieurs capitalistes s'etant empresses d'etablir des forges
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dans ce genre, ces etablissements se sont tant multiplies, qu'on a
encombre les marches de fer, et cette surabondance de production les
a obliges, pour pouvoir vendre, de reduire de beaucoup les prix. Une
tonne de fer (2 400 livres) ne coute maintenant que cinq livres
sterlings, tandis qu'en 1825 il se vendait 14 livres sterlings la tonne.
Depuis ce temps-la, la production s'est accrue tres rapidement et,
pendant l'annee 1827, la quantite de fer fabrique en Angleterre s'est
elevee a 690 000 tonnes. Maintenant, plusieurs compagnies ont
abandonne cette entreprise, et elles y ont perdu des sommes
immenses. D'autres compagnies vendent leur marchandise a perte et
ne continuent les travaux que parce qu'elles esperent qu'apres la crise
des circonstances actuelles en politique, la demande du fer anglais
Petranger augmentera. Mais je crois que les beaux jours pour le
commerce anglais de cet article ne reviendront plus, car, au lieu de
trouver de nouveauy debouches pour son fer, l'Angleterre perd
'name les anciens a cause que dans plusieurs pays on a etabli
maintenant d'aussi bonnes forges comme celles de l'Angleterre, et
d'apres les preparatifs que j'ai vu faire en France pour exploiter cette
industrie tres en grand, je suis stir que bientot le pays n'aura plus
besoin du systeme prohibitif pour declarer une guerre ouverte au
commerce du fer anglais.
De Merthyr-Tydvill j'ai pass a Swansea: aux environs de ce
port de mer i1 y a un grand nombre d'etablissements pour fondre le
mineral de cuivre, qu'on fait venir ici de Cornouailles. De tous les
etablissements metallurgiques de l'Angleterre, ceux-ci seulement, ou
l'on travaille le cuivre, donnent des benefices assez considerables;
mais leur voisinage est tres nuisible a l'agriculture, car la Aimee qui
s'echappe des fourneaux empoisonne et desseche les vegetaux
partout oti elle les atteint. On a depense des sommes tres consi-
&rabies dans un grand nombre d'essais qu'on a faits a plusieurs
reprises pour trouver quelque moyen de consommer la fumee dans
les fournaux, mais jusqu'a present aucun resultat satisfaisant n'a ete
obtenu.
De Swansea je suis parti pour Redruth, en Cornouailles
(Cornwall), et, croyant faire economie de temps et d'argent, je n'y
suis pas alle par terre, parce que j'aurais fait un grand detour, mais je
me suis embarque dans un vaisseau a voiles, qui pourtant est reste en
mer six jours au lieu de vingt heures, parce que, peu de temps apres
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notre sortie du port, le vent a change, et it nous a ete toujours
contraire. C'est alors que j'ai apprecie l'important service que la
decouverte des machines a vapeur a rendu a la navigation aussi, car
les bateaux a vapeur suivent toujours une ligne droite, par quel vent
qu'il fasse. Arrive a Redruth, j'ai visite les nombreuses mines de
cuivre et d'etain qui se trouvent dans les environs de cette ville et de
celle de Truro. Les travaux d'extraction, de triage et de lavage sont ici
conduits d'une maniere admirable, parce que les ingenieurs qui
dirigent ces travaux sont des plus instruits dans cet art, et puis, les
ouvriers de cette contree ayant toujours ete employes dans les mines,
de pere en fils, Hs ont acquis un grand degre d'aptitude a ce travail, et
Hs s'y consacrent avec beaucoup d'ardeur, car, &ant payes, non pas a
la journee, mais en raison de la quantite et qualite de l'ouvrage fait,
Hs sont tous interesses a travailler le plus et le miex possible. Le
minerai de cuivre, qu'on extrait en Cornouailles, est envoye pour etre
fondu ailleurs, dans les pays oil Pon trouve du charbon de terre, car
en Cornouailles ce combustible n'existe pas, tout ce pays etant d'une
formation primitive. Mais, pour le minerai d'etain, it y a des fonderies
aussi en Cornouailles, parce que, ce metal &ant beaucoup plus fusible
que le cuivre, consomme tres peu de charbon, qu'on fait venir du pays
de Galles (Wales).
De Redruth, je suis MI6 a Falmouth, et de to je suis ici a
Londres, par un bateau a vapeur, en 45 heures. Apres-demain, je
Partirai d'ici pour Paris, et de la vers Bucarest. Je crois que je ne
crains qu'il ne me restera pas assez d'argent pour faire aussi dans le
milieu de ce pays-la une excursion; j'aurais beaucoup profite dans les
observations geologiques, mais, quant a la metallurgie, je ne crois
qu'eIle y soit plus perfectionnee qu'en Angleterre".
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et quels que fussent les sentiments de leurs habitants, sous celle du
Sultan'. Il parla donc energiquement, le 23 novembre, au nom de la
France aussi, invoquant cette garantie de l'integrite territoriale
ottomane que ces deux Puissances avaient prise sur elles, de concert
avec la Russie, a la fin de la crise egyptienne, en 184189.
Dj avant la fin de l'annee, A.G. Golescu etait arrive a
Londres, et it parvenait a faire passer dans le Morning Herald un
article etendu sur la revolution valaque 90. 11 rappelait les services
rendus par les Roumains, au XV-e sicle, lorsque leur herdique
defense du Danube et des Carpathes sauva la chretiente du danger
turc, et les trait& qui garantissaient envers la Porte leur autonomie,
le devoir qu'avait donc l'Europe de leur rendre l'ancienne
souverainete, ne ffit-ce que pour empecher l'expansion russe vers
Constantinople. La recente revolution avait etc imposee a ce peuple
malheureux par l'Europe occidentale et par la Turquie elle-meme,
qui avaient. demande des actions comme preuve de leur
mecontentement contre le regime de protection russe. Ne fallait-il pas
une reforme profonde des institutions, a un moment oh la Turquie
elle-meme travaillait a la sienne? Nous pensions devenir rebelles
contre l'esprit de l'epoque et la volonte de Dieu si nous n'entrions pas
dans la large voie que la providence a ouverte a l'Humanite" ".
Parlant a un public conservateur, Golescu relevait que ce mouvement
n'avait pas presente les exces des revolutions de Paris et de Galicie,
&ant seulement une declaration de principes, une grande
manifestation populaire, un festival national". Il parait que la
Providence elle-meme soit intervenue pour empecher les violences et
l'effusion du sang. On a envoye le tribut a la Porte, on a acclame le
Sultan, gracieux suzerain". Souleiman-Pacha avait etc recu comme
un protecteur de la liberte nouvelle, en lui sacrifiant la forme du
gouvernement et en s'offrant a accepter de la Porte des changements
dans la Constitution. La Russie n'a pas etc insultee non plus, et on
parlait d'une reconnaissance eternelle en echange pour le geste du
Tzar renoncant a un protectorat qui etouffe la nationalite roumaine.
Malheureusement la Turquie, n'etant pas soutenue meme par les
Puissances liberales, a cede a la diplomatie russe et a retabli
violemment un ordre de choses odieux.
On ne pourrait pas qualifier assez durement, ajoute
courageusement l'emissaire valaque, la desertion de l'Angleterre, de
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la France et de l'Allemagne, du Parlement de Francfort, de ces pays
de liberte. L'abandon d'un peuple dont la situation geographique
peut leur etre si utile est un crime contre leurs propres interets. Si
cependant cette indifference devait durer, i1 y aurait une seconde
revolution sur le Danube, et tout l'Empire Ottoman en sera
enflamme; plus que cela meme, car notre petit pays- est la clef de
votite du grand edifice europeen" 92. On en appelle a tous les peuples
fares, et meme au peuple russe, pour que cette catastophe puisse etre
evitee. Un bref expos historique et un chaleureux appel a la
conscience anglaise furent ajoutes par le redaction du journal. Mais
Golescu quitta bient6t Londres, et la propagande roumaine s'arreta a
ses premiers pas'.
En mars 1849 cependant la question des Principautes fut
debattue a la Chambre des Communes. Lord D. Stuart demanda la
raison pour laquelle les Russes occupent encore ces Principautes
qu'ils avaient declare vouloir evacuer apres le retablissement de
l'ordre: it considerait la question aux points de vue seuls des droits de
la Turquie et des interets de commerce de l'Angleterre. Lord
Palmerston renouvela l'assurance que tout ce qui concerne l'integrite
territoriale de la Turquie lui tient h_cceur et qu'il n'est gue re dispose
a participer a un depecement des Etats du Sultan, de sorte qu'il ne
pourrait pas admettre que d'autres en tirassent des avantages. Le
commerce anglais dans l'Empire est en continuel progres. Aussi se
felicite-t-il de pouvoir annoncer que, de fait, les troupes du Tzar se
retireront aussitot que la situation interieure des deux pays se sera
suffisament consolidee, d'apres l'avis'meme de la Porte. L'opinion du
ministre, qui appreciait la politique prudente adopt& par la Russie
pendant cette ere de troubles et sa decision de n'intervenir nulle-part,
etait, comme auparavant, que le Ministere de Petersbourg, n'a en vue
aucun changement de frontieres. Le tout n'est plus qu'une question
de temps. Il ajouta, en ce qui concerne ces revendications roumaines
qu'il evita de designer, que l'intention de la Porte est certainement
celle d'introduire des ameliorations et reformes necessaires".
Nous ajouterons que tel parmi les membres du Parlement
s'empressa d'ajouter que, si les buts de Nicolas I etaient differents de
ceux qu'on venait d'indiquer, it aura certainement une guerre
maritime avec l'Angleterre, qui combattra pour empecher la
confiscation du Danube inferieur ". Le Morning Chronicle"
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admettait cependant que le traite d'Andrinople aurait autorise la
Russie a intervenir dans les Principautes, meme contre la volonte de
la Puissance suzeraine".
De fait, les troupes imperiales commecerent a se retirer en 1856,
mais bientot elles furent rappelees en dega du Pruth. Les pretentions
du Tzar, manifestoes par la mission de Mentschicov, au droit de
proteger tous les membres de l'Eglise greco-slave" dans le pays du
Sultan, menagaient l'independance de la Turquie. Les principes
directeurs de Canning etaient donc directement et brutalement
atteints. 11 fit tout son possible pour encourager les ministres turcs,
habitues a ceder, et, de fait, ce fut lui, l'ambassadeur tout-puissant a
Constantinople, qui, ayant mis en branle l'ambition francaise, si
intimement liee a la protection des catholiques en Orient car il etait
question en premiere ligne du champ de rivalite qu'etaient les Lieux
Saints , declara a l'empereur du Nord une guerre que le Ministere de
Londres ne fit qu'enregistrer et servir.
Cette guerre se termina par une victoire, par une grande victoire
tardive sur la Russie. Lorsque les diplomates de 1'Europe se r6unirent
d'abord a Vienne, pour des preliminaires, puis a Paris pour revoir,
sous la presidence de l'Autriche, contre l'ancienne France imperiale
de Napoleon I-er, de la France imperiale de Napoleon III, les clauses
des trait& conclus a Vienne, sous la presidence l'Angleterre proposa,
it est vrai, de demander aux habitants des Principautes, d'apres le
systeme qui avait change la forme politique de la France, leur opinion
en ce qui concerne ces reformes dont avait parle quatre ans
auparavant Palmerston et que la Turquie n'avait jamais envisages
serieusement. Palmerston fut meme un des principaux facteurs de
l'idee d'Union. Mais it n'entendait nulement porter atteinte par le
'creation d'une Roumanie unifiee aux droits intangibles de la Turquie:
Canning s'y'opposait de toute sa volonte preponderente, et it n'y avait
pas eu a Londres cette propagande roumaine qui aurait pu
determiner un courant d'opinion plus fort que la resistance de ce
diplomate intelligent e opiniatre.
Les rapports de Thouvenel, ambassadeur de France aupres de la
Porte, nous montrent journellement tous les efforts qu'il fallut h
l'Empereur Napoleon pour faire triompher contre la resolution
implacable du representant de l'Angleterre son point de vue, qui etait
celui de l'Union des deux Principautes. Encourage ouvertement par
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Canning et subrepticement par l'ambassadeur de l'Autriche, qui
apprehendait dans le nouvel Etat danubien unifie un point d'appui
pour les revendication des trois milions de Roumains qu'elle detenait
dans des conditions d'inferiorite absolue, la Porte resista a tous les
moyens de la persuasion.
Ayant nomme comme second Cemacam en MOldavie, charg
de presider aux elections du Divan ad hoc" (Assemblee a but
determine") qui devait manifester les voeux des Roumains de cette
Principaute, un jeune Grec ambitieux, rel./ant du trone, Nicolas
Vogorides, elle s'entendit avec lui pour la falsification des listes
electorates, et le resultat de cette manipulation malhonnete allait etre
confirme par. le Vizir, lorsque Napoleon ordonna a Thouvenel
d'amener pavilion et de s'embarquer pour la France. Il fallut cette
pression menagante pour que les listes fussent cassees, et on pense
bien que l'assemblee Blue sur une base tout a fait nouvelle enonca
formellement le voeu d'Union.
Mais 1'Empereur des Francais avait vu, a Osborne, la reine
Victoria, et, pour gagner, contre Canning, l'appui de la Cour et du
Ministere, it avait fait des concessions &endues en ce qui concerne la
forme du nouvel Etat. Cette Union allait comprendre deux princes,
deux Assembl6es, deux armees; une commission legislative siegeant a
Focsani, sur la limite meme entre la Moldavie et la Valachie, et une
banderole commune sur les drapeaux distincts representaient la
faible innovation dans laquelle on avait transmue un si grand projet.
L'Angleterre avait gagne la partie: rien n'etait change dans les
ressorts essentiels de la Turquie intangible".
En dehors de ce souci l'Angleterre n'hesitait pas a se meter des
affaires roumaines. Lorsque Colquhoun, qui etait devenu le plus
experient et le plus influent des consuls a Bucarest, signala
Constantinople et a Londres la cession de nouveaux terrains, a titre
de location, obtenus par le Compagnie autrichienne de la navigation
a vapeur du Danube, elle protesta, accusant l'ancien prince Ghica,
devenu Caimacam de Valachie, d'avoir soutenu ces empietements ".
Colquhoun ne se genait pas de critiquer avec sa vivacite habituelle la
conduite des troupes autrichiennes, qui, des 1854, profitant de la
guerre, s'etaient etablies dans les Principautes, sur la base d'un traite
formel avec celle de la part des Russes".
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On en revint cependant; pendant Pete de l'annee 1857 le consul
faisait, a l'occasion d'un banquet l'eloge du general imperial
Marziani, et le representant de l'Angleterre dans la commission
d'enquete, envoy& de Constantinople sur le Danube, qui n'etait
autre que sir Henry Bulwer, se reunissait a ses collegues autrichien et
turc pour se plaindre de ce que toute la sympathie des populations
vienne vers le delegue frangais ". Bien qu'habitant a Pacani, pres de
Bucarest, une maison de campagne du CaImacam, Bulwer n'hesita
pas a se declarer, par l'envoye special qu'il deputa a Ghica, son
propre neveu, le capitaine Bulwer, ennemi de celui qui permettait
que de pareils actes fussent diriges contre sa dignite personnelle100 .
Cette attitude haineuse fut aussi celle du secretaire Dalyell, qui
remplaga en 1857 Colquhoun, appele a Londres pour des
consultations. Et, lorsque celui-ci revint, it rendit responsable des
manifestations francophiles, generales et enthousiastes, Ghica lui-
meme, jadis son protg, dont it decouvrit aussitot tous les &Wits, du
reste reels, comme administrateur 101. De son cote, Henry Churchill,
consul a Jassy, protestait energiquement contre le remplacement de
celui des trois nouveaux Calmacams appeles a presider a Pelection du
prince qui &aft considere comme plus froid a regard de l'Union'.
Cette inimitie contre une cause mal connue et encore plus mal
appreciee gagna bient6t tout le monde politique anglais. En vain, le 4
mai 1858, Gladstone, soutenu par Deasy, releva-t-il a la Chambre des
Communes, non seulement la situation internationale des
Principautes, mais aussi la cause nationale des Roumains, qui meritait
au moins l'atention pretee a la cause serbe. Le sous-secretaire du
Foreign Office traita la question comme peu interessante; lord John
Russel preta son autorite aux apprehensions turques; Disraeli,
membre du Cabinet, declara vouloir s'en tenir a l'accord conclu avec
la France; et Palmerston lui-meme ajouta ne pouvoir interpreter la
demande d'un prince &ranger pour la Roumanie unie que comme
l'intention d'installer a Bucarest un prince russe ou dependant de la
Russie, c'est-4-dire ce duc de Leuchtenberg, dont Stirbey lui-meme
avait soutenu la candidature en 1848. La Chambre rejeta donc, avec
292 voix contre 114, la motion Gladstone, .qui aurait ete une
manifestation solennelle pour la cause de l'Union'.
Ce qui arriva fut un coup d'initiative inattendu de la part des
Roumains. Les Moldaves ayant elu, en janvier 1859, comme prince un
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homme nouveau, Alexandre Cuza, les votes des Valaques se
reunirent sans exception sur le personne du meme, en 5 fevrier
suivant. C'etait creer l'Union personnelle, et celui qui la realisait avait
aussi bien l'intention que les moyens d'en arriver bientot a l'Union
reelle. Tous les agents des Puissances garantes", ecrit le consul de
France, Bedard, ce jour-la etaient reunis dans la .tribune
diplomatique. Malgre les sentiments divers qui nous agitaient, je suis
stir qu'aucun de vous n'a assiste, sans en subir l'influence, a ces
touchantes manifestations" '04. Colquhoun pouvait donc voir dans la
personne du prince moldave de 1859 cette reunion de la Valachie
avec la Moldavie que son Ministere avait concue, dans la personne de
Michel Sturdza, prince moldave, vingt ans revolus auparavant.
Bulwer lui avait telegraphic aussitot: La double election est
recommandee comme un cas exceptionnel a l'approbation de la
Porte, et elle sera probablement admise"
Il ne recut pas les instructions dans le sens de protester contre
cette maniere detournee d'arriver au but que s'etaient propose les
unionistes. Les formes avaient etc, du reste, scrupuleusement
observees, et la Porte elle-meme ne trouva rien a redire devant le
fait accompli". Deux ans plus tard, elle reconnaissait formellement
un seul Etat roumain, avec Cuza comme prince viager. Le role des
agents britanniques en fut diminue du coup; Rs n'etaient plus que des
consuls comme tous les autres, n'ayant pas d'affaires diplomatiques a
leur charge. Et cependant nous desirerions connaitre aussi par les
rapports de Colquhoun et de son successeur ce regne fecond de sept
ans, qui, apres avoir amene la secularisation des terres detenues par
les couvents grecs de Turquie et la creation de la propriete paysanne,
finit par une abdication forcee, en fevrier 1866.
L'election du nouveau prince, Charles de Hohenzollern, de la
branche catholique de Sigmaringen, descendant, par les femmes, des
Beauharnais comme les Leuchtenberg et des Murat, et client
politique de Napoleon III, donna pretexte a la Porte, qui etait
dominee par les chefs du Tanzimat nationaliste, de reclamer des
garanties de la part de cette Roumanie nouvelle, dont l'independance
avait etc si souvent discutee dans le dernier temps. On voulait h
Constantinople que le nouvel Hospodar", nomme par firman et
investi par le Sultan, reconnut que son Etat fait parti integrante", de
l'Empire ottoman et que, par consequent, it n'a pas le droit de
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s'arroger aucun des privileges souverains, comme la frappe des
monnaies, la creation d'un Ordre, la conclusion de traites, les
relations directes avec les Puissances etrangeres etc.
Des le debut, l'Angleterre et, du reste, la France aussi fut du
cote de la Turquie, dont elle continuait a veiller jalousement, non
seulement l'integrite territoriale absolue, mais aussi toutes les
prerogatives 106. L'esprit de Canning regnait encore a l'ambassade
britannique de Constantinople 107. La Roumanie voulait son
independance; elle etait donc l'ennemie de l'ordre etabli en Orient
par la victoire anglaise de 1856; tout moyen diplomatique etait bon
pour enrayer le progres de ces tendances '". Maintenant ce point de
vue, l'ambassadeur britannique aupres du Sultan, l'influent lord
Lyons, accorda pourtant son appui pour la reconnaissance de
Charles I-er 109. Mais it devait intervenir bientot pour dissuader au
gouvernement roumain tout appui a donner aux bandes bulgares
combattant pour la liberte de leur patrie ". Son successeur, sir
H. Elliot, eut une attitude encore plus dure envers la Roumanie,
ehaque fois qu'il pouvait croire a une intention qu'aurait cet Etat de
se &gager des liens qui le retenaient a la Turquie dechue 11. Il
conseilla meme au Vizir de tancer les Roumains pour leurs pretendus
empietements sur le Danube, en 1873 112.
L'interet des cercles anglais pour les Principautes etait purement
economique. Des 1867, lorsqu'il s'agit de construire le reseau de voies
ferees que les pays du Danube attendaient' depuis longtemps, des
Anglais se reunirent aux Autrichiens pour demander la concession
Ofenheim: dj sous le prince Cuza la Maison Barkley et Stanforth
avait conclu une convention pour l'etablissement des ponts de fer, qui
ne fut pas executee 113, et on se rappelle que le ligne Cernavoda-
Kustendsche (Constanta), dans la Dobroudscha turque, fut de
creation anglaise aussi. L'ingineur Hartley, dont it sera pane aussi
ailleurs, forma apres 1870 le projet d'une double ligne feree du Pruth,
allant de Jassy a Galatz 114 . La concession Crawley "s, une
Compagnie anglaise avait donne dj la ligne GiurgiuBucarest,
provoqua de longs &bats et eut une fin malheureuse.
Une autre question interessante pour le public anglais etait celle
de la situation des 300 000 Juifs, la plupart d'origine allemande et
parlant un dialecte galicien, donc tout a fait isoles de la masse
paysanne du peuple roumain, qui s'etaient etablis, surtout au XVIII-e
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siecle et dans-les prtinieres' anneerilt srecte suivatt, vivant du petit
commerce aux &pens de liclasse laboriedse. Unepuissante agitation
en Occident avait pour but de contraindre le gouvernement roumain
a leur accorder cette plenitude des droits politiques car ils avaient
eu toujours tous les droits civils que cette population adonnee en
gain seul n'avait jamais pense a reclamer. Moise Montefiori,
representant chaleureux de ce mouvement d'6mancipation, fit un
voyage sur le Danube en 1867. Revenant de ce voyage, qu'il n'avait
pas poursuivi jusqu'en Moldavie meme, it fit a Londres la declaration
loyale qu'il n'y a jamais eu de persecutions dirigees contre les Juifs et
que le prince lui-meme l'a assure qu'il ne les tolererait jamais 16.
Aussitot cependant que des mouvements antisemites purent etre
seulement soupconnes, it y eut une violente intervention anglaise 1".
Et enfin l'Angleterre etait representee pour les travaux
accomplis aux embouchures du Danube, au nom de la commission
europeenne, par cet ingenieur dont le nom en restera pour toujours
inseparable, sir Charles Hartley. On avait eu 'name, un moment, en
1869, l'idee d'employer ses connaissances pour faire dans la
Bessarabie meridionale, encore reunie a la Roumanie, au village de
Cibriano, un grand port de mer dont la construction n'aurait
demande que vingt millions 18 .
Lors de son voyage en Occident, en 1874, apres avoir vaincu les
premieres et plus grandes difficultes de sa carriere, le prince de
Roumanie, accompagne de sa jeune femme, visita incognito Londres
aussi la princesse Elisabeth y fut revue, non par la reine Victoria, qui
etait sur le point de se rendre en Ecosse" lord Derby, ministre des.
Affaires Etrangeres, s'etait aussi absente mais par la princesse
Louise, mariee au marquis de Lorne, par le prince et la princesse de
Galles et par le duc d'Edinbourg et sa femme, cette Grande-Duchesse
Marie entre laquelle et le visiteur roumain on avait esquisse jadis ce
projet de mariage qui avait amene celui-ci a Livadia'". Celui qui
conduisit a Oxford les Mites princiers fut Max Muller, le grand
philologue. A Chislehurst, celui qui devait son trone h Napoleon III
deposa une couronne sur le tombeau de 1'Empereur. Il connut aussi
Canning, age alors de 86 ans et peu capable d'entretenir une
conversation suivie, et assista activement,
prenant meme la parole
parmi les convives du banquet, pour recommander cette voie plus
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courte vers l'Orient qui est son pays, au congres des orientalistes,
dont les preoccupations ne s'etendaient pas cependant sur cet angle
europeen des Balcans. La Roumanie", ecrivait Charles I-er, est ici
une terra incognita, et les sympathies pour la Turquie sont si grandes,
gull est sans aucune utilite de combattre contre cette marotte.
Cependant je me suis mis en relations avec quelques Anglais
influents". On n'avait a aucun prix voulu reconnatre au prince la
qualite d'un chef d'Etat ayant le droit d'entretenir des relations
personnelles a l'etranger.
Cette attitude fut conservee aussi pendant la grande crise turque
qui s'ouvrit en 1875, a la suite des agitations autrichiennes tendant a
faire de Francois-Joseph un Empeureur latin d'Orient, par la revolte
des Bosniaques et Herzegoviniens en 1875-1876. On sait les efforts
extraordinaires que fit l'Angleterre pour empecher, contre les projets
de decentralisation et de tutelle europeenne d'Andrassy, toute
atteinte qu'on aurait voulu porter a la dignite meme de l'Empire turc
degenere. A la conference de Constantinople, tenue apr'es la
declaration de guerre et les defaites de la Serbie, a la fin de Farm&
1876, lord Salisbury lui-meme employa sa grande autorite pour
contrecarrer les intentions d'Ignatiev, le tout-puissant ambassadeur
de Russie. Comme l'aveuglement de la Turquie constitutionnelle",
la folle confiance de Midhat-Pacha et de ses adherents ne faisaient
que servir contre les resolutions de la conference pacificatrice, de
Londres les intrigues des panslavistes, on allait bien arriver a cette
guerre entre la Russie et la Turquie que tout le monde redoutait (avril
1877).
La Roumanie avait suivi d'abord une politique de stricte
neutralite, dont elle attendait la reconnaissance de ses droits
traditionnels de pleine souverainete a l'interieur et des concessions
sur le Danube, meme l'abandon des embouchures du fleuve, que le
congres de Paris avait reunies a la Moldavie avant de les confier
definitivement au Sultan. En novembre 1876, Jean Ghica, turcophile
convaincu et admirateur de l'Angleterre, laquelle aurait soutenu
volontiers, en 1863, la candidature de cet ami de Canning contre le
prince Cuza1", fut envoye a Londres pour exposer a Salisbury lui-
meme ce pretentions modestes; on ne voulait, contre les intentions
d'envahissement des Russes et la mauvaise volonte, doublee d'un si
opiniatre orgueil, de la Turquie, que consolider, dans l'interet meme
des grandes Puissances, cette barriere forte contre des tendances
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qui, a des poques periodiques, menacent la tranquillite et l'equilibre
politique en Orient"; on veut fortifier le pays, assurer son avenir et
rien de plus. La garantie de l'Europe", disaient ses instructions,
telle qu'elle existe actuellement, telle qu'elle resulte des trait& de
Paris pour la Roumanie, n'est pas suffisante, et R serait d'un interet
europeen qu'elle soit rendue plus efficace". Or, la reponse fut que
l'Europe, s'en tenant a son propre programme, ne peut s'engager
dans aucune action separee et que le moment est mal venu le
ministre anglais connaissait dj la resolution du Tzar de se faire
restituer les trois districts de la Bessarabie meridionale: Cahul,
Bolgrad et Ismail, retrocedes a la Moldavie, dont ils avaient ete
d'abord detaches en 1812, par le meme traits de Paris, de soulever
des questions relatives au Danube inferieur1". Lorsque les offenses
apportees au prince par le regime constitutionnel otoman, non moins
que les interets actuels du pays et ses traditions historiques
amenerent la conclusion d'une convention avec la Russie, d'autant
plus necessaire que les troupes du Tzar auraient en tout cas pass le
Pruth, l'Angleterre fut indignee de cet acte de trahison". Personne
des hommes politiques consultes par le prince en avril n'avait parle,
du reste, de l'Angleterre; ceux qui ne voulaient pas d'une
collaboration avec la Russie invoquaient l'appui de l'Autriche, qui
avait dj signs une convention secrete avec sa rivale, lui
abandonnant les districts bessarabiens en echange pour son propre
etablissement en Bosnie et Herzegovine1n.
On n'essaya meme plus, pendant cette guerre qui donna aux
Roumains la gloire de Plevna, mais amena leur depouillement final,
avec la compensation, accept& de mauvais gre, de la Dobroudscha
turque, de sonder les intentions de l'Angleterre, meme au moment
ou le chancelier Gortschacov, enerve par les reclamations roumaines,
menagait de faire desarmer les troupes qui avaient sauve, en aofit
1877, Farm& du Grand-Due Nicolas. On connaissait bien la
conception anglaise: alliee de la Russie, la Roumanie ne pouvait pas
invoquer la mediation d'un tiers et d'autant moins son opposition
energique contre la Puissance meme qu'elle s'etait empress& de
suivre dans sa nouvelle croisade balcanique.
Tout en ne manquant pas de menager le Tzar, dont les troupes
furent cependant empechees d'entrer a Constantinople par
.l'apparition de la flotte britannique, la politique de Disraeli, lord
Beaconsfield, continua celle de Palmerston dans la derniere phase.
L'Angleterre ne parla au congres de Berlin, oil ce ministre meme la
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representait, que pour demander et imposer ce qu'il appelait
comme s'il se filt agi d'une ancienne population indigene et asservie
Pemancipation des Juifs roumains", et elle persista a ne pas
reconnetre la Roumanie independante avant que le vote des
Chambres eat donne une solution de la question, admettant l'entree
individuelle des Juifs dans la cite roumaine. Le nouveau ministre
d'Angleterre, White avait recu la mission de presser l'execution, sur
ce point aussi, du traite de Berlin '. En &hinge lors du conflit avec
la Russie pour la delimitation de la Dobroudscha a l'Ouest de
Silistrie, le colonel Home, delegue britannique, avait pris partie pour
les Roumains, demandant qu'on letir cedat la vile elle-meme 124.
Des le mois de fevrier 1880, donc depuis presque quarante ans,
l'Angleterre fut representee a Bucarest par un envoye et ministre
plenipotentiaire; la Roumanie envoya a Londres Jean Ghica, dont les
functions durerent pendant plus de dix ans. Mais jamais meme
apres que la princesse Marie, file du duc d'Edinbourg, efit epouse
Pheritier du roi Carol, Ferdinand, le souverain actuel de la Roumanie,
les relations politiques ne furent trop etroites.
Il fallut attendre les dernieres annees pour avoir des relations
intellectuelles plus etroites. La parte prise par M. Seton-Watson
(Seotus Viator) dans la defense des droits nationaux des Roumains
de Hongrie l'amena a traiter la question roumaine dans son
ensemble, et ses ouvrages ont cree a cette cause une popularite dont
jusque-la elle n'avait pas joui. Des traductions de la litterature
anglaise notamment de Carlyle ont ete frequement publiees
pendant cette derniere poque. Mais tout cela n'est qu'un
commencement. La langue anglaise est a peine introduite comme
facultative" dans l'enseigneme secondaire roumain, et it n'y a pas
de chaire de litterature anglaise a nos Universites. Il n'y a pas meme
encore une traduction complete et satisfaisante de Shakespeare.
L'active economique elle-meme de l'Angleterre sur le Danube
et la Mer Noire ne s'est pas accrue dans la proportion que per-
mettaient des circonstances particulierement favorables. Le com-
merce anglais n'a pas suivi, generalement, en Orient la progression
qu'on pouvait attendre. Deja sous le regne de Cuza, C.A.
Rosetti parlait de la possibilite de l'intervention du capital
anglais, non seulelement dans les chemins de fer, mais aussi dans le
commerce, dans les affaires de parole, auquel on ne pensa que
trente ans plus tard, quand le capital anglais, de beaucoup inferieur
au capital allemand et american, n'a pas eu meme la valeur du capital
hollandais, dans Pexploitation des mines qui devait etre presque
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totalement negligee et abandonnee aux faibles moyens de l'initiative
indigene , dans celle des forets trahies" a l'entreprise austro-
magyare , dans celle de la canalisation des rivieres qui n'est pas
meme commencee , dans celle de l'edilite de ces villes roumaines en
plein developpement. Nous sommes", disait-il, en developpant des
1864, sous l'influence de ses relations de famille anglaises, ces idees
d'avenir, nous sommes avec l'Angleterre, car l'Angleterre est la
liberte, elle est la grande industrie, et nous perissons parce que nos
tresors restent ensevelis" '.
Sans parler de cette question du Danube, qui aurait chi etre mis
a la disposition du commerce et de l'industrie de la nation la plus
libre, seul grand inter& des roumains, materiel et moral", et, pour
les Anglais, la plus grande Californie, une Amerique en Europe":
l'Angleterre allait y ceder le pas a l'Autriche comme avant-garde des
interets allemands! Une tentative de la Roumanie de participer a
l'Exposition de Londres, n'etant pas soutenue par le gouvernement
anglais, avait succombe, en 1862, a la jalousie turque.
En ce qui concerne les finances, le premier emprunt roumain fut
conclu a Londres sous le meme Cuza, avec les banquiers freres Stem,
en somme de 956 000 livres sterling a 15.5%; it fut couvert deux
fois1". Sous le regne de Charles I-er ce fut l'Angleterre seule qui osa
frapper la monnaie divisionnaire de cuivre de la Principaute, a
laquelle la Porte ne voulait pas, ainsi que nous l'avons dj observe,
reconnaltre ce droit: jusque dans les dernieres annees, oU l'on
introduisit la monnaie de nickel, on employait encore ces sous de dix
centimes, d'une belle execution si semblable a celle des monnaies
anglaises d'une valeur correspondante. Plus tard cependant les
Roumains devinrent, compl'etement, les tributaires de la place
allemande, l'Angleterre ayant cede definitivement le terrain, comme
si l'expansion financiere des Allemands dans ces regions n'avait pu
porter aucune atteinte a ses interets.
*
* *
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36. Le role du vice-consul de Jassy, Gardner, etai de beaucoup inferieur (voy.
cependant ibid., p. 665 n. 660).
37. Ibid., p. 718, n. 703.
38. Ibid., p. 729.
39. Ibid., p. 720, no. 705.
40. Ibid., pp. 727-728, n. 713.
41. Ibid., pp. 729-730.
42. Ibid., pp. 733-734, n. 717.
43. Ibid., p. 739, n. 720.
44. Ibid., p. 738.
45. Ibid., p. 732, n. 717.
46. Ibid., pp. 739,742-743,764,769.
47. Ibid., pp. 803-804, n. 778.
48. Ibid., p. 750, n. 733. - Colquhoun etait en juin aux bains de Mehadia; ibid.,
p. 743, n. 725.
49. Ibid., pp. 755-756, no. 738. Sur d'autres ouvrages de Colson: Coup
d'ceil rapide sur Petat des populations chretiennes de la Turquie d'Europe et <<De
l'etat present et de l'avenir des Principautes de Moldavie et de Valachie, - tous
deux parus en 1839 (pendant sa vieillesse it donna aussi un ouvrage etendu, intitule
Nationalite et regeneration des paysans moldo-valaques, Paris 1862), voy. la note
de Nerva Hodoq, ibid., p. 769, n. 1.
50. Ibid., pp. 778-779, n. 758.
51. Ibid., p. 808, no. 782.
52. Ibid., pp. 804,806, n. 770-780. Cf. ibid., p. 809, m. 782.
53. Ibid., p. 771.
54. Ibid., p. 774, n. 754.
55. Ibid., p. 781.
56. Ibid., p. 783, n. 761.
57. Ibid., p. 789, n. 763-767; p. 792, n. 769; pp. 812-813, n. 785; pp. 814-815.
58. Ibid., p. 824, n. 795; p. 825, n. 797; p. 831 et suiv.
59. Ibid., p. 835.
60. Voy notre Histoire des relation entre la France et la Roumains, p. 118 et
suiv.
61. Hurmuzaki, XVII, p. 928.
62. Ibid., pp. 1035-1036.
63. Ibid., pp. 1036-1037, n. 975. Sur un voyage solennel de Colquhoun en
Moldavie; ibid., pp. 1038-1040, n. 978..
64. Ibid, p. 1088, nr. 1026; p. 1089 et suiv.
65. Ibid. pp. 1094-1095, p. 1053.
66. Anul 1848, I, p. 244 et suiv., 257 et suiv., 261 et suiv.
67. Ibid. p. 269.
68. Ibid. p. 279. Plus tard Cunningham sera h la tete du comite pour le
maintien de l'ordre h Braila, Ibid, II, pp. 660-661.
69. Ibid, p. 338.
70. Ibid., p. 645.
71. Ibid., p. 605.
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72. Ibid., pp. 607-608.
73. Ibid., p. 610. Le 16 (28) juin Colquhoun etait stir que les Cosaques
arrivent (p. 625). Une lettre de luis tres amicale, contre les vieux boIars, ibid., p. 655.
74. Un memoire de Ghica aux ambassadeurs de France et d'Angleterre,
ibid, II, pp. 197-201.
75. Ibid. p. 445.
76. Ibid. p. 677. Cf. ibid., p. 686.
77. Ibid. IV, pp. 31-32.
78. Ibid. dernier volume, pp. CX-CXI.
79. Ibid., IV, p. 351 et suiv. Cf. ibid., pp. 373-374.
80. Ibid., IV, 325.
81. Ibid., pp. 69, 381-382; V, pp. 415, 547.
82. Ibid., IV, p. 349.
83. I bid., pp. 425, 449; V, pp. 164, 303, 659; VI, p. 46, nota 1.
84. Ibid., p. 13.
85. Ibid., IV, pp. 537-538, 573, 583-584, 585, 609; V, p. 90.
86. Ibid., p. 760.
87. Ibid., pp. 382, 389, 419-421. Les Cosaques avaient arrete aussi le
negociant Asprea; p. 419. Protestation de Colquhoun pour un conflit a Braila, cause
par le desarmement general, pp. 470-471, 492-493.
88. Ibid., pp. 421-422.
89. Ibid., pp. 486-488; cf. ibid., p. 489.
90. Ibid., p. 565 et suiv.
91. We thought we should be rebelling against the spirit of the age and the
will of God if we did not enter in the broad path which Providence had opened for
humanity"; ibid., p. 567.
92. Our little country is the keystone of the great European edifice"; p. 567.
93. Ibid., p. 710.
94. Ibid., pp. 147-150.
95. Ibid., p. 156
96. On a pretendu (Le constitutionnel du 19 fevrier 1856) que l'Angleterre
avait eu un candidat pour l'Union, le prince de Savoie-Carignan.
97. Sturdza et Skupiewski, Actes et documents, IX, pp. 1-3.
98. Ibid., p. 4.
99. Ibid., p. 11.
100. Ibid., pp. 13-14.
101. Ibid., pp. 84-87, 90, 133, 173, 215
102. Ibid., VIII, pp. 123 et suiv., 145.
103. Ibid., VII, p. 60; IX, p. 51 et suiv. Cf Anul 1848. V, p. 678.
104. Sturdza et Skupiewski, ouyr, cit. IX, p. 275.
105. Double election is recommanded as an exceptional case to approval of
the Porte, and will probably be assented to" (Xenopol, Domnia lui Cuza-Voda, II,
p. 273). Les Turcs furent cons_ eilles de ne pas risquer une intervention militaire
(ibid., p. 274).
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106. Sur la question des armes serbes passees par la Roumanie en 1863 et
l'intervention imperieuse de Bulwer, ambassadeur a Constantinople, voy. Xenopol,
Cuza-Voda, I, p. 247 et suiv.
107. Le vieux diplomate devait clever cependant sa voix, en mai 1876, pour
reclamer cette egalite confessionnelle en Turquie, qui etait contenue dans les
clarets de 1853, this a son influence; Aus dem Leben Konig Karls von Rumanien (cite:
Carol I), III, p. 54, Pour l'action du consul a Bucarest, ibid, I, p. 119 et suiv.
108. Voy, ibid., II, p. 283.
109. Ibid., I, pp. 144,178.
110. Ibid., p. 203.
111. Ibid., II, p. 333.
112. Ibid., p. 340.
113. Ibid., I, p. 186.
114. Ch. Vogel, dans la Revue des deux mondes, 1875, p. 426.
115. Ibid., II, pp. 227,412.
116. Ibid., pp. 218-219.
117. Ibid., pp. 265-268.
118. Ibid., p. 368.
119. Ibid., Cf. p. 388 et suiv Cf pp. 390-391.
120. Xenopol, Cuza-voda, I, p. 274; note 43.
121. Notre Politique exte-rieure du roi Charles I(en roumain), Bucarest 1916,
-
pp. 171-172. II &aft question aussi d'une convention de commerce (Carol I,
ouvr. cite, III, p. 64).
122. Politique exterieure du roi Charles I, p. 194 et suiv.
123. Mission de Demetre Bratianu a Londres dans ce but, au commencement
de Farm& 1879, ibid., p. 159 et suiv.
124. Audience de Bratianu et Kogalniceanu chez Beaconsfield, qui se borna
a leur dire; En politique l'ingratitude est souvent le prix des meilleurs services";
ibid., IV, pp. 74-75. Cf. ibid., p. 128.
125. Xenopol, Cuza-Voda, II, pp. 409-440.
126. Ibid., p. 195.
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TABLE DES MATIERES
CHAPITRE I
CHAPrrRE II
Voyageurs anglais au XVII-e siecle 142
CHAPITRE III
Visiteurs anglais a l'epoque des Phanariotes 150
CHAPITRE IV
OBSERVATION
Le premier chapitre a etc dj public dans les Mlanges Bemont".
Au troisieme ajouter: Charles Auguste, Voyage en Allemagne, en Pologne,
en Moldavie et en Turquie, traduit de l'anglais, vers 1800 (le voyage fut fait en
1793).
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A HISTORY OF
ANGLO-ROUMANIAN
RELATIONS
ENGLISH TRANSLATION
PRINTED BY THE "SOCIETATE
ANGLOROMA/s' TA"
WITH A PREFACE
BY R.W. SETON WATSON
0VO0
00%
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PREFACE
226
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CHAPTER I
OCCASIONAL INTERCOURSE BEFORE
THE XVII CENTURY
228
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II.
233
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III
238
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IV
244
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CHAPTER II
247
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so well. On the other side of the river were waiting for him Peter
Brezoianu and Thomas Cantacuzene, cousin of the Prince, who nine
years later betrayed his master and relative by compromising him in
the eyes of the Turks, when he went over secretly to the camp of the
Tsar Peter the Great. With them were soldiers with royal carriages
and tents to be pitched at the stopping places. The next day the two
elder sons of Brancoveanu, Constantine and Stephan, were deputed
to welcome the stranger at the threshold of the capital, an unusual
distinction. These two sons were fated to be sacrificed to the bloody
whim of the Grand Vizier Dchin-Ali-Pasha at Constantinople in the
year 1714 under the very eyes of their father. In addition the Boyar
Radu Izvoranu, two of the uncles of the Prine, the head of the army,
Michael Cantacuzene, and his cousin Sherban accompanied them.
The hill.of VAcareti was bare when the Wallachian cavalry appeared
over the top, for the beautiful monastery which was subsequently
built there was not then in existence. On the 4 '11 of May the
Ambassador was conducted to his lodgings with great pomp and
ceremony. "It is a fair and gentle house built of stone and covered
agreably, to the custom of this place, with wooden tiles, and, being
furnished with appartments after the christian fashion, may be
esteemed magnificent one compared with the barbarous edificies of
the neighbouring Turks"".
That evening the Voevode went alone to call on his visitor
without waiting for Paget to pay his respects first, for the ambassador
had only sent his brother with three members of his suite to thank him
for his welcome. He was received by the visitor at the foot of the
staircase. "with much honour and many compliments". The Prince
mounted the staircase on Paget's right and entered the room where
he remained for two whole hours talking with his guest, who
afterwards accompanied him to the street where his horse was
waiting.
The official audience took place next day, Saturday,
Brancoveanu's son-in-law, Radu, son of Prince Ilia, who had reigned
in Moldavia, having gone with four royal carriages, of which the most
magnificent was for the use of the Ambassador, and a detachment of
infantry. Brancoveanu's two eldest sons escorted Paget to the top of
the grand staircase and to the loggia where the ruler of the country
was waiting.
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First they had to pass through the great hall of the "Divan" or
council chamber where, according to Turkish custom which had been
lately introduced, the country having for a long time kept its local
traditions which more resembled those of western Europe, were
ranged the commanders of the army, which really only amounted to
the personal bodyguard of the Prince for he had no standing army for
the defence of his country. In the next hall, that of the Spatar (the
Spatar was the head of the army) were ranged all the Boyars of the
country in order of seniority. At the moment when the distinguished
visitor made his entry to greet the Voevode, the four court cannons
fired a salute.
Brancoveanu offered his own throne to the repressentative of
England and himsef sat on the edge of a divan in oriental manner.
The conversation before such a great audience was naturally confined
to the customary compliments and no one took part in it but the
Prince and his guest. Afterwards followed a state banquet, as was
alvays the case after an audience at Bucharest or at Jassy, just as
much as in the capital of the Sultans, whose procedure was followed
on all public occasions. On the right were the Ambassador and his
suite and on the left the Boyars. As was the custom of the country,
toasts were drunk to the accompaniment of the thunder of artilery
and the rattle of musketry". The Prince toasted the Ambassador and
the Ambassador the Prince 58, and in consequence of the great
merriment which followed, the host and his Boyars got throroughly
drunk, "without however being obliged to", writes the official
recorder. Paget did not however leave before he had been clothed
with a cloak of sable, as was the custom with visitors of his
importance, a ceremony which also took place whem Boyars were
promoted to posts of importance. Then the procession reformed and
the young Prince, the son-in-law of Brancoveanu, conducted the
Englishman to his quarters to rest.
Once more the Prince called on the.English diplomat. This time
Brancoveanu took a secret path through the splendid gardens which
surrounded his palace and which even stretched out on the opposite
bank of the river Dambovita, which flows through Bucharest. There
followed fresh compliments the word is used for the first time in its
western sense (complimentun) and fresh political discussions.
Paget's audience to take his leave took place the next day with no
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other pomp than that the travellers themselves could show and for
the last time they drove in the royal carriages. The Prince awaited
them in his pleasure garden amid the cool green of spring. Paget was
able to express his admiration for the beauty of the month of May on
the Danube, lilac scented and sun kissed. They talked on late in the
sunny afternoon of the affairs of the Turkish Empire; of which the
Englishman had such an intimate knowledge and of which
Brancoveanu, who managed to keep himself for more than twenty-
five years on a throne undermined by intrigue, was already a past
master.
Chishull, formerly chaplain in Smyrna, who accompanied the
Ambassador had different interests than those of his master.
He has the best impression of the Prince, "a promoter of good
order and discipline in the province, a reviver of architecture and
encourager of learing; of his sons: "instructed in the Latin and Greek
languages"; the palace is to him "truly noble and magnificent" ".
He went to visit the Patriarch of Jerusalem, the learned Greek
Chrysanthos Notaras, and he found him in a convent recently
founded and dedicated to St. George. It had "large apartments and
magazines for merchants the rent which may yield about twenty
bourses per annum". He saw the printing press where the Patriarch
of Antioch, an exile from Syria who had given Brancoveanu a short
history of that diocese, was making beautiful books in Arabic which
were the first the Christians in Syria had to use. Amongst the Greek
publications issued by the same press the visitor mentions the work of
the hieromonachos Maximus written against the Catholics, the
particular enemies of the orthodox monks at Jerusalem. In his record
of the visit he shows his admiration for Constantin Cantacuzene the
Stolnic, the learned uncle of the Prince, a former pupil of Padula
University and the author of a pan-Roumanian history for which he
employs (none before him in occidental Europe) chartes and popular
songs as well as the chronicles: a phenomenon in this near East who
was to bring forth another extraordinary representative of both
western and eastern wisdom, the celebrated prince of Moldavia
Demetrius Cantemir, the historian of the Turkish Empire 60. Paget
himself undertook to voice to the court at Vienna the complaints of
the Prince of Wallachia against the persecution which was carried on
by the Hungarian and German Jesuits against the old-established
250
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eastern church of the Roumanians in Transylvania which was bound
by old religious ties to that of Wallachia. These complaints were not
as a matter of fact well received".
The minister left next day "with the same pomp with which he
had arrived, accompanied by the same Boyars and in the same
beautiful carriage, attended by His Highness' son-in-law". On the
outskirts of Bucharest the Roumanian suit took leave of him, but he
had as far as the frontier a guard of honour and the protection of a
body of Wallachian soldiers. His route followed the course of the
same muddy Dambovita which the visitor had already seen winding
between its high banks through the gardens of the Prince. Here and
there were scattered little villages with whitewashed houses whose
spotlessness Del Chiaro, the Florentine secretary of the Voevode,
eulogised. Camping places and relays of horses were prepared for
them and the neighbouring peasants were only too willing to act as
guides, to bring food and to give all asistance. Through the village of
Cretuleti, Paget arrives to the old capital, Targovite, with a palace
as in "the polite Christendom" ".
For this picturesque account we have to rely entirely on the
notes of the travellers of the XVII ''' century, which are luckily
numerous, NI- the court recorder only mentions the arrival of the
Ambassador at the last resting-place, the tenth after leaving the
Danube, in the mountain village of Ruck which had a shingleroofed
church and bright cottages built on both sides of the cool and swift-
flowing stream. He then entered the "country of the Germans in
Transylvania". "He was called My Lord Paget and was about sixty
years of age or perhaps more" ".
Later on, when he was summoned to present himself before the
Sultan, at Adrianople, Brancoveanu saw Sutton, the new British
Ambassador.
The outcome of this meeting would have been fatal for him, had
he not resigned himself to spending large sums of money to extricate
himself. He afterwards, however, received political support from the
successor of his friend Paget. This was at the time of the disturbances
in Hungary against the Emperor of Germany, new masters of
Transylvania. The Habsburgh had formed an alliance with England
against the conquering politic of Louis XIV. Francis Rakoczy, the
leader of the revolt, was not supported by the Prince of Wallachia for
251
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this ruler had to suffer previously from the disturbances created by
the adventurer Emeric Toko ly, "King of Hungary", whose long
struggle for Hungarian independance had preceded the insurrection
of Francis, his wife's son. These "kurucz", fighters for freedom,
infested the frontiers of the Principality, plundering left and right and
interfering with the free commerce with Transylvania which was so
beneficial to her. Until 1710 Sutton did all he could to check the
efforts which were being made to win for the Hungarian rebels the
support of the Porte; then French influence backed by the Khan of
the Tartars succeeded in obtaining the nomination of Demetrius
Cantemir, the learned historian and a personal friend of the
ambassador of Louis, as Prince of Moldavia
Unfortunately Sutton's correspondence has not as yet been
published, but it should contain new information, for he played an
important part as informer to and supporter of the Prince at
Bucharest. He must indeed have been among those representatives of
the Christian nations who had to witness, although deeply moved, the
tortures this noble old man and his sons endured when they were put
to death because they had for so long been lucky enough to withstand
the changing fortunes of the East.
252
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CHAPTER III
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to Fawlkner and the Ministers of France and the Netherlands at
Constantinople by Rondeau, the British Ambassador at St. Petersburg,
as the bearer of a letter from the Russian Chancellor, Count
Ostermann. He left St. Petersburg on the 6' of December, 1737, with
a servant who was to act as Turkish interpreter and obtained in Kiev
from General Roumientzov and the diplomat Neplouiev, one of the
Tsarina's delegates to the congress at Nimirov, a guard of Cossacks to
escort him to the Dniester. He reached the Moldavian frontier at
Soroca, where there was an old castle of the XVI ' century, built to
guard against the incursions of the Tartars and armed with old-
fashioned artillery. It was a commercial centre in which Greeks, Jews
and Turks lived together with the Moldavians. Until instructions
could be received from the Prince the stranger was delayed here by
the Burgrave, "parcalab", a Greek called Petraki. He offered him
fruit, wine and other gifts of small value. On the 2" of February, 1738,
he was allowed to resume his journey accompanied by Norov, a
lieutenant of Cossacks. Passing through the villages of Cainari and
Magura, which had been devasted by the plague, they reached the
Pruth.
His audience with the Prince took place at Jassy on the morning
of the 4' of February. The Moldavian Capital was a town of 2-3 000
houses for the most part built of wood. Ghica, whose name he gives
as "Duca"; seemed to him to be "a good tempered Prince" and very
polite, but for assistance to accomplish the journey he relied on the
Seraskier of Bender. Bell, accompanied by a Bosnian captain and two
soldiers of the Moldavian guard, had to pass through Volcinet and
Chiinau to reach the residence of the Pasha. After eight days spent
as a visitor in a subterranean hut, a tchokhodar and two Tartars came
to take him on to Constantinople. On his way to Tulcea, in the Turco-
Tartar Dobrudja he saw at .Cauani the buildings, constructed of
wood and clay, belonging to the officers of the Khan. The Moldavians
who served them were "very polite and civil". One of these officers,
who had been a prisoner of the Duke of Lorraine, began, while
sharing a pilaf of barley with Bell, to speak French and to show great
interest in European politics, greatly to the astonishment of the
diplomatic courier. In the fortress of Ismail he found only Turks, but
"good bread and good wine".
256
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He returned by the same route from Constantinople in May, met
the same "polite" Prince and was furnished with the same guard of
honour, which led him through Soroca to the Dniester".
It was not until 1760 that England began again to pay attention
to the countries of the Danube, but it was in a way accidental, for the
only western merchants who traded with these rich countries, apart
from the Ragusans who were second hand dealers, were membres of
the Austrian Empire, then Venetians and above all French who even
sold London cloth, called "londrin", through their agents at
Bucharest and Jassy".
The Imperial Dragoman is said to have had intimate relations
with England in 1758. He was Gregory, the son of Alexander Ghica,
that Phanariot diplomat who was beheaded for having served the
Austrians so well at the signing of the Peace of Belgrade". Porter was
then the representative of Great Britain at Constantinople, and he
used to send messengers through Moldavia and Poland to Berlin,
where King George was represented by Andrew Mitchell. This was
the subject of correspondence in 1760 between the latter and the
reigning Prince at Jassy, John Theodore Callimachi, late Interpreter of
the Porte. The British Museum possesses the original letters, in which
the Voevode promises that he. will safeguard the correspondence sent
by the "Sieur Roland de Brixe", a Frenchman".
In 1762, this Porter, British Ambassador to the Sultan, came
back through Moldavia accompanied by an English doctor named
Mackenzie. The Ambassador had been in Constantinople since 1747
and had more than once received in his Palace members of a family
of Moldavian origin, but who followed Greek customs, the Callimachi
(formerly Calmau1). We should not have known so much about the
route through The Principality if there had not been in the suite of the
"Eltschi" a Dalmatian mathematician, the Abbott Boskovich, who
wrote excellent Italian. At that time the ruling Prince was the young
Gregory, the son of old John Callimachi who had lately resigned the
throne owing to old age and ill health. It is in the "Viaggio" of the
Abbott, published shortly afterwards at Bassano 75, that we find the
details of their arrival at Galatz, where a Greek was sent by the Prince
to provide them with horses and provisions. They were received by
the soldiers with a salute of musketry due to visitors of such high
rank. The Abbott next describes their stay in a Greek convent, whose
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windows were made partly of transparent bladder and which had a
kiosk looking out over the town, and they visited the churches in
which were kept Greek books printed in Venice. At Bar lad the wife
of the Governor was a Greekwoman from Constantinople who was
already a friend of the wife of the Ambassador. Outside Jassy Porter
was met by La Roche, the Prince's secretary, and there followed the
festivities of the "moucarer", celebrating the confirmation of the
Voevode by the Turks who were his overlords. There was no formal
audience, but the real reception, less pretentious, was more intimate.
They were also shown over The Prince's laboratories, the telescope
and the "optic room" 76. The Minister and his family, who had been
welcomed at Botoani, at Dorohoiu and at Cernauti by the local
authorities, reached the Polish frontier at Zaleszcyk on the 3 rd of
August. Another English nobleman, Lord Wakefield, was also a
member of the party.
The Englishman did not want any ceremony of Galatz and in
reply to the welcome at the Mechmendar, he insisted that "he had
not come to eat up the country in which he was not intending to stop
long and that he would make no use of the firman he had obtained".
The six days he was in the Moldavian capital he spent not in the town
itself, but "about a quarter of a league away", in the Prince's palace
at Frumoasa. This whim seems to have annoyed the Secretary de la
Roche considerably, and after the departure of the Minister he wrote
to a friend of his in Poland. "I'm rid of him, thank goodness". Porter
was quite right to avoid meeting the Prince, for the latter's agent at
Constantinople had done all in his power to persuade him to travel by
Boudschac (Bugeac), that is by southern Bessarabia, in order to avoid
the expense which his visit would otherwise have cost the country.
Porter had found this out and complained about it, not hesitating to
show his annoyance 76 a
The Ambassador himself took some notes on the way. Arriving
at Galatz on the 23' of June, he was received with ceremony and was
lodged in the convent of the Virgin "quite well". In spite of the fact
the Moldavians were very proud of this harbour he found it but a
"poor village". At Jassy he noticed the wooden paving which had
been used there since 1670, but which had been renewed several
times. The brick houses of the Boyars with their shingle roofs
blackened with the rain, built in the middle of large courtyards and
258
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surrounded by storehouses, stables and the lodgings of the gipsy
servants, did not impress him, for he says that they were "not in
keeping with the vanity of the Greeks which was so well-known in
Constantinople. He was no better pleased with the country house of
Callimachi at Frumoasa, in the grounds of the beautiful monastery
built by Gregory Ghica, where thirty years before the young English
"beyzades" had been lodged. He makes fun of this "country-seat"
and continues: as to His Highness, we left him to his own grandeur"
he uses the French word , not caring for the honour, or rather the
trouble, of seeing him" ". On the other hand the Ambassador was
greatly interested in the Transylvanian shepherds who lead their
flocks across the Carpathians, through Moldavia to the Dobrudja and
the Dnieper, and he took pleasure in describing these nomads,
dressed in a linen shirt under their sheepskin coats and feeding for the
most part on "millet broth", which he calls by the Roumanian name
of "mamaliga".
Two years later another English traveller, Lord Baltimore, came
to Moldavia, but we de not know the reason for the visit. He, too,
chose to go by way of the Dobrudja in order to reach Moldavia and
not by the route through Silistria or Turtucaia, which led to
Bucharest. He, too, landed at Galatz, today an important port, but
then only a small village with some Greek churches and a large Greek
convent containing the tomb of Mazeppa, the famous Hetman of the
Cassacks. On the way to the north one finds long grass and cultivated
lands, but the locusts were at their work of destruction. The rich land
was lying fallow around the commercial centres of Barlad and
Vasluiu, and these two old towns of commerce seemed to the English
nobleman only "poor little villages". He arrived at Jassy after a
journey of thirty five hours through the great _forest which stretched
around for miles with scattered clearings, the huts of peasants
engaged in cutting timber and making charcoal, a few churches and
many beehives. In the principal streets of the Moldavian capital he
found the wooden pavements which we have already mentioned, but
the streets of less importance were not paved at all. The majority of
the houses were low buildings of one story, very badly furnished and
hardly better than the dwellings of the peasants. The Prince's palace,
where now after the ravages of many fires stands the "Palace of
Administration", was built of brick and surrounded by a wall
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strengthened with bastions. The houses of the nobles were built the
same way and sheltered crowds of servants and gypsies which made
up the household of a rich nobleman. Each of these servants had his
particular job in this self-supporting community, and in addition there
was a private chapel with its ministrants as in the houses of English
noblemen in the XV'"century.
It is impossible to understand why, under a Prince so hospitable
and open handed as Gregory, the son of John Callimachi, a stranger
of such distinction should be lodged in a "hut" infested by insects and
already occupied by a cow which deprived Baltimore of the sleep he
deserved after his tiring journey. From the fact of his mentioning that
the animal poked its head through the manger to nose at its new
neighbour's bed during the course of the night, it is obvious that, in
consequence of his desire to study local colour, he was devoid of any
letters of introduction, as he would not otherwise have had to put up
at a "khan", or inn, for the merchant classes, where men and animals
were herded together in the same quarters for the night.
From there Baltimore moved his quartes temporarily to the
Franciscan monastery of St. Antony of Padua, under the protection of
Poland and France. There he found monks of various nations
speaking Latin, Italian and Greek and even, if we can believe him,
Russian. He was given food to eat and wine, which, although they
were in a wine producing country, was very dear. He tried to persuade
them that it was possible to write poetry in the English language, but
they argued that it would be impossible to make such a harsh
language sound poetic. Some Levantine Italian even confused
London and England, for "they asked us whether England was in
London or London in England".
Thanks to the kindness of Father Luc of Marseilles, Baltimore
learned that there were in the town "close on two thousand houses"
inhabited by Moldavians, Armenians, Jews and gypsies, and that,
besides the Metropolitan Cathedral, founded a century earlier, there
were thirteen monasteries of eastern monks, one convent of nuns of
the same confession, fifteen orthodox, two Armenian churches and
one synagogue for the Jews. The Jews were recent Polish immigrants
who had come without much occasion to act as commercial agents
and even to introduce into the country, to manufacture there the
articles for which the new western fashions had created a demand.
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Baltimore does not fail to mention the large public baths, built by
Basil Lupu, which were quite lately destroyed (unluckily no plans of
. them exist). They were "oval stone baths with separate compartments
for men and women which were open every day except holidays".
The conduit system had been laid by skilled Turkish workmen, the
"souiouldchis" of Constantinople. It was altogether a fine piece of
work and traces are still to be found of the conduits leading up to the
stone fountains around which the inhabitants used to gather in the
evening hour as they did in biblical times or even in recent times in
the Venice of Goldoni. Linen was washed in the dirty water of the
Bahluiu which contaminates rather than waters the town. The lovely
hills covered with vineyards and gardens which surround the town did
not escape the notice of the traveller and he also devotes a few lines
to the most "voluptuous women rendered extremely amiable by
means of money and gifts". These women were introduced to him by
his guides and he rather naively imagined that they were typical
products of this country".
Now as it happened there were in London at this time the first
Moldavians who were not wandering claimants to the Moldavian
throne. They were not as a matter of fact Roumanians, but Polish,
Germans and membres of the colony of Poles and Hungarians which
Prince John Callimachi and his son Gregory had invited from Poland
'between 1759-1762 to found a cloth factory at Filipenii-Noi on the
Dniester. John Jacob Schiedmantel, a Lutheran clergyman, and
Charles Christopher von Marschall were the delegates selected by the
community and they came furnished with letters from the Voevode to
assist them. They told King George that they represented the true
faith in the neighbouring countries of Podolia too, Red Russia and
the Ukraine, and that the peoples of these countries walked as much
as 150 English miles in order to hear the preaching of the Gospel, and
further entrusted their children to their care. They added that if they
wished, they could make converts even among "the Turks and the
members of the Greek church". What they wanted was a contribution
of 2500 pounds to put their religious and scholastic institutions on a
sound footing. All that they asked was to be allowed to get up a
subscription in various parts of England, which gave so freely to the
cause of the true faith. The privilege which they pried for was granted
them without any difficulty on the 2nd of February, 1764'.
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Five years later war broke out again between Russia and Turkey
and the latter was in danger of losing the Principalities. In
consequence of the general situation in Europe great attention was
paid to it by Weymouth, the British Ambassador at Constantinople,
and 'Cathcart at St. Petersburg, for they were both aware of the
convention by which Austria, who had risked nothing in the conflict,
was to receive from the Porte that "Little Wallachia" which was
formerly the "Austrian-Wallachia", in addition to a handsome sum
for acting as go between. The provisions of the convention were never
actually carried out, but as a result of it, by way of compensation,
northern Moldavia was handed over to the invaders in 1774 and was
henceforth called by them Bukovina".
In 1770 England as well as Austria and the King of Prussia
intervened. Her agent at Constantinople was a Greek named
Yakovaki Rhizo, the father-in-law and also the representative
of Gregory Ghica, the Prince of Wallachia, who was a captive at
St. Petersburg. This Greek played a great part at Constantinople
and the Prussian envoy, von Zegelin, complained that this "creature
of the British Minister" moved heaven and earth to supplant one
diplomatic offer by another'. Another influential Greek who had just
succumbed to these intrigues was Nicholas Soutzo, who in 1762 had
provoked the quarrel between Porter and his master Gregory
Callimachi. He had made all in his power to counteract British
influence and would have liked, as he was wont to say, to have seen
"this haughty nation" at war with the Netherlands ". There were at
this time also others in Constantinople and the Principalities who
criticised the ambitious plans of the English, as well as those of
Frederick II, the "most violent and turbulent Prince in Europe" ".
However, Hierakis, the agent of the Prince of Moldavia, knew quite
well that in the country of these islanders "the will of the people is
stronger than in any other country in Europe".
Before the beginning of the second war between the Empress
Catherine II and the Turks, which gave England another opportunity
for intervention and which ended with the Peace of Sishtov in 1791,
an Englishwoman visited the Principalities, Lady Craven. In 1786 this
elegant and clever woman wrote letters from the Crimea, from
Turkey and even from Wallachia to the Prince, the markgraf of
Anspach, whose "adopted sister" and favourite she was".
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This great English lady wished to see new countries and reached
the Danube on the 13' og July, 1786, travelling from Constantinople
by land with the common carriages, the harabas. Her passport
entitled her to travel westward through Wallachia. Only a short time
before she had seen the newly-appointed Prince of the country
leaving the capital of the Ottoman Empire. Nicholas Maurogeni,
Mavrogheni in Roumanian, was the descendant of a humble family in
an island of the Greek Archipelago; he was a simple naval dragoman
and not a Grand Interpreter as was customary, owing his
appointment to the Turkish admiral Hassan who was tutor to his
master, the weak and delicate Sultan. Saraf Petraki, who was the
Sultan's banker, a Greek of low birth, without a family-name, had
previously been promised it. Lady Craven has left us a description of
the Voevode's departure in state from the capital, which followed the
lines of the ceremonies of the Byzantine Emperors. At the head of
the procession were borne the two "tougs", the white horses .tails,
which marked the rank of the traveller and even, as she assures us, his
"kouka", or princely headress, the same as those of the Janisgaries
whose ranks he joined on his nomination. In the procession were
Janissaries," tchaoushes, courtiers, servants and cooks, and so
Christians at Constantinople had from time to time the pleasure of
seeing one of their own religion setting out to occupy a Christian
throne. Even Lady Craven was amazed at the splendour of the
dresses, of the saddles embroidered with gold and she owns that she
had never seen a "finer procession". Maurogeni had the grace to raise
his eyes to the window where she was seated and to bow to her
politely. " She had also caught a glimpse of the beautiful gardens at
Therapia near Constantinople, which were kept by French gardeners,
and where the Princes who had formerly ruled in Roumania, but who
had been superseded by others, wasted their spleen. She had,
however, been refused admission when she wanted to go inside, for
these wretched men, a prey to memories of the past and deluded by
hopes for the future, were afraid to invite anyone who, 1Mng at the
French Embassy, might have been able to give them that diplomatic
support for which they longed and which they could only accept on
condition that no one got wind of it".
A "Mechmendar", or Boyar guide, of the Voevode of Wallachia
was waiting for the English lady at Silistria. She landed on the left
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bank of the Danube at Calgrasi which was then only a small village,
before the days of the improvements carried out under Prince
Stirbey's fine administration of the country during the-latter half of
the following century. Here Lady Craven got into her carriage which
she had brought with her and drove across the broad plains where the
cattle were grazing. The road was not paved, but the journey, in the
dry season, over the soft ground was all the pleasanter for it. At the
head of the party which accompanied her rode Arnautes, the tall
Albanians of the Prince's guard, whose comrades she had seen in the
service of the Empress Catherine in the Crimea. After passing
through great woods and large fields of maize she reached the
Wallachian capital, which commanded an extensive view of the
boundless plains, being built on the hills overlooking the Dambovita:
the hills of Cotroceni, of Spirea, of Mihai-Voda (or Prince Michael)
and of Radu-Voda (of Prince Radu). By the orders of the Prince,
Boyars were waiting for her there, while Janissaries or Christian
soldiers in uniform were stationed in a neighbouring camp to guard
the route.
The Convent of Vacaresti outside Bucharest was used to lodge
the Prince's guests in the same way as that of Frumoasa outside Jassy.
It was a graceful building, with beautifully carved pillars, with richly
heavily moulded capitals, and with the inner faces of the walls
delicately painted on a blue blackground. Lady Craven admired the
elegant main courtyard of the monastery, surrounded by cloisters
which she imagined were Gothic; she had thought that St. Mark's at
Venice was built in the same style. Her enthusiasm was rather
damped when she was told by some one wearing occidental robes and
speaking German that she was to stay there in quarantine for five
days, for she had come from Constantinople where the plague was
raging. The head of the monastery led her to a bare room with broken
windows which was allotted for the period of her quarantine. From
the cell next door there reached her the groans of a person who was
supposed -to be suffering from the dread disease.
Fortunately Lady Craven's complaints also reached the ears of
the Prince, who speedily rectified the mistake which had been made
at her expense, for distinguished foreigners did not have to conform
to the same rules of quarantine as the ordinary travellers. The gilded
coach which stopped before the door looked as if it had been built in
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the "first year of the Creation". All the same the crowds which had
collected to see this woman in Frankish (western) dress, who was
known to have faced alone the unknown perils of the East, were
vastly impressed by the Prince's secretary, the Turkish grooms
leading the horses and the chamberlain clad in brocade and carrying
the white staff of the tchaooshes of Constantinople. She had another
lady with her and also a "Monsieur de V".
Before the Prince himself could be reached two courtyards had
to be crossed which were thronged with Janissaries, Arnautes and the
less important officials of the court, for the Princes of Roumania
modelled their court ceremonies on those in vogue in Stamboul,
notwitstanding on a smaller scale, just as the Germans aped the court
of Versailles. Maurogeni did his utmost to look the Sovereign, sunk
among the embroidered cushions of his "throne"of vassalage and
surrounded by tougs, kouka and sword of honour, all marks of
authority which denoted his supreme rank. .
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conversation in French which the doctor had with Callimachi did not
help to remove the bad opinion which he had formed from what he
had found in Moldavia. He thought that some of the political
questions put to him in French by the Prince were indiscreet.
The traveller passed through Barlad, Tecuciu and Focani to the
neighbouring Principality. Focani, situated. on the frontier between
the two countries of one race and language, had an English
"staroste", a native of Zante of Greek nationality. He owned a farm
in the neighbourhood of the town and employed four hundred
peasants whose laziness he deplored, rightly or wrongly as the case
may be. He also kept a poultry farm and sold the wine from the
famous vineyards of the district.
In Wallachia Dr. Mac Michael first stopped at a grimy and
smoky underground hovel near Buzau, but the place was so primitive
that it could scarcely even be compared with those he had come
across in Sicily, Greece, Egypt or Nubia. He gives a vivid picture of
the state of the peasants who were under the administration of the
"ispravnics", officials to whom the appointments had been farmed
out, and who got as much back from those under them as they could
to make up for their initial outlay. His descriptions of the hardships
endured by the taxpayers who were unable to pay the necessary
amounts and were consequently flogged and smoked and tortured in
the subtlest and most cruel ways, bear the stamp of reality. This so-
called method which was now adopted by. the Wallachian financiers
was a device which the Greeks and their Roumanian disciples had
borrowed from the Turkish "zapties", who at least operated it "in
animo vili", on the Christians whom they despised.
Rather than the domestic life of the aristocracy the traveller
knew the social life and particularly that of Bucharest. Here people
went for solemn and pompous drives to the lake of Herastrau,
sometimes as many as six or seven hundred carriages; the masked
balls; the "club noble"; the performances at the German opera and
the "comedies translated into Roumanian", the gambling in private
houses; the family celebrations and the gypsy orchestras with the new
European dances which were replacing the "hora" of the past, which,
however, continued in favour in the villages. He mentions, too, the
poet Vacarescu, who had a country house at Baneasa close by the
public walks and a garden which he generously opened to the public
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and who spent his farthing in entertaining guests, even complete
strangers, to whom he and his wife did the honours of their simple
abode. Perhaps in some cases marriage was not taken very seriously
and life was frittered away on pomp and show and divorces were
frequent, but there were families who kept their old traditions with all
their patriarchical simplicity. One only has to study the private letters
and the wills of that time. They afford a means of gaining information
truer than that which is contained in the stories of those who often
formed the most corrupt part of society and wished to reduce others
to their own level.
Mac Michael's description of the appearance of Bucharest
closely resembles Wilkinson's. John George Caragea (Karatzas in
Greek), the grasping Prince of Wallachia, received the stranger on
the day of the Epiphany in the year 1818. Contrary to the etiquette
observed at the court of Moldavia, where a granddaughter of
Callimachi was recently dead, the wife and daughters of the Voevode,
amongst whom was Ralou, a staunch supporter of Greek literature,
took part in the ceremony seated on couches near the throne. The
visitors, some of whom were women, moved forward to kiss the
Prince's hand, -on a carpet which was of English manufacture. The
Voevode addressed a few formal remarks to the visitors. He could
scarcely be accused of either ignorance or tactlessness, as had
happened to Callimachi for instance, for he was corresponding with
Gentz at Vienna on European affairs. Mac Michael withdrew among
the swarm of court beggars, who exercised the traditional right of
demanding a little something for themselves on such an occasion.
Nectarius, the Metropolitan, gave Mac Michael a bad impression
of the Roumanian clergy he was as a matter of fact a Greek from
the Morea for he was a rubicund old gentleman who was in the habit
of making incoherent pointless speeches at meals and was apparently
in blissful ignorance that in an adjacent room there were lying Greek
and Slovanian manuscripts which were rotting for want of use and in
addition the library of the French naturalist Sonnini de Manoncourt
which had been presented to the Metropolitan See by a Boyar, but
was also lying then completely neglected. The doctor while at Jassy
had unfortunately failed to call on Benjamin Costachi, who was a
noble prelate of grat learning, great faith and untiring devotion to his
subordinates and his country.
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Among other things which he mentions are the gambling in
private houses, the proud promenades, the public balls, the rags at the
nobles' club where Germans loved to exhibit their paltry wit before
the Prince's relations and the assembled Boyars, who had these
witticisms laboriously translated and then went off into fits of
laughter. Mac Michael even maintains that Caragea's son appeared
there accompanied by his mistress, whom he had seduced from her
husband but recently; this, however, only gives a picture of
Constantinople manners, for his family were in no way connected
with the Roumanian nobility. The women wore Turkish slippers and
priceless oriental belts, but their dresses were of French silk and
completely western in cut.
A "yassakatshi" or chief-guide which had been attached to
Wilkinson when he was a Consul-General escorted Mac Michael as
far as the Danube to the town of Giurgiu, which was part of the
Ottoman "raya" and preserved a characteristic Turkish appearance.
Being yet present at Bucharest, Wilkinson had shown his fellow-
countryman a copy of Callimachi's Greek Code which he had
dedicated to the University of Oxford.
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CHAPTER IV
THE PERIOD OF ROUMAIN NATIONAL REVIVAL
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had been secretary to the Russian Consul, Pini, as well as to Prince
Constantine Ypsilanti and Prince Alexander Soutzo '".
Cook was sent to the Principalities in 1822 by the British
Ambassador, Strangford, who had undertaken the protection of the
Christians in Turkey after Strogonov, the Russian delegate, had
departed from Constantinople as a protest against the conduct of the
Turkish Governement towards the Greek rebels. His wife had been
very popular with the officers of the russian army of ocupation about
ten years earlier and he was a friend of Alexander Ypsilanti, the leader
of the Hetairist movement. Cook, who was half Levantine himself, had
tried to obtain the post of Foreign Minister in Bucharest. He was a
zealous supporter of the struggle for the Hellenic liberty "s.
One can easily imagine what he wrote in his reports. Though
established as British Consul, he kept up friendly relations with the
servants of the Prince 119. He was not, however, in Bucharest during
the September of the same year when Strangford himself left
Constantinople and travelled to Bucharest incognito, putting up at
the Austrian Agency'. In 1827, just before the new Russian invasion,
Cook was still in Walachia, but not as England's representative in the
Principalities, where he had cut no figure121.
His succesor, E. L. Blutte, had arrived from Egypt in the month
of May, 1816122. Although opposed to superfluous and useless
ceremonies", as one of his colleagues remarked, he had to go on the
11-th of June to a state audience at the court of Prince Ghica who,
like the Boyars of old, was unable to speak any other languages than
Roumanian and Greek ". In 1826 we learn that the new Consul was
on bad terms with the Wallachian Government ".
Two years later he journeyed to Jassy, where a subordinate
Vice-Consulate had been maintained'. He was at his post during the
war and fought against the abuses of the Russian administration,
going so far as the cover his scutcheon 126, and he continued there
during the new era of the Reglement Organique" right up to the end
of that year 121. His successor, Colquhoun, was not to arrive before the
25'h of February, 1835, and he was in turn replaced two years later, for
the Consulate was in the charge of a man named Lloyd during 1837
and 1838.
The following in the opinion of Blutte's. french colleague, de
Bois-le-Comte, on his diplomatic activities and he even maintains that
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it was partly at Blutte's instigation that Bessarabia was ceded to
Russia: "It is on account of his eccentricity that the British Agent,
Mr. Blutte, loses some of his prestige. He has opposed the Russians
tooth and nail, a line of action which has only caused him harm, for it
has not been crowned with success. After refusing to see General
Kisselev for a whole year, he has had to become reconciled to the
Russian General reestablishing his flag without obtaining the
satisfaction which he demanded with regard to the incident which
caused the rupture 128 .
The only man who gives us any information about the tragic end
of the Princes John and Charles Callimachi is a Mr. R. Walsh, who
travelled across Asia Minor after the Greek revolution of 1821129 .
This old secretary of Strafford directs himself toward the Wallachian
Danube to take the westward route. From Roustchouk a boat goes
twice daily over to Giurgiu whenever there are clients capable of
supplying the requested amount. The Roumanian shore, covered with
marshes, looked empty and sorrowful. The English traveller thinks
that Darius has crossed at this point and he mentions Herodotus in
support. The Turkish strongholds appear to him as the most
important ones throughout the Ottoman empire. Peasants carts carry
preserved meat and ungrounded rock-salt to Turkish boats.
Follows the description of that implement of torture which is the
jolting stagecoach used in the country. A sketch of the author shows
the aspect of the four horses for each "caruta" carrying by jolts
English traveller and Turkish guide alike on its way. He meets on the
way natives dressed in sheepskin jackets coming out of their
underground dwellings.
In Bucharest the vehicle's wheels roll upon wooden pavement
between shopes closed on account of the plague. The Austrian agent
begs the traveller, who was recommended to him, to leave as soon as
possible such a dangerous place.
Notwithstanding his short stay in the Wallachian capital, Walsh
had time to admire the beautiful carriages of the Boyars which the
terrible disease do not prevent driving out. It is only the sordid
coachman which is loathsome to the westerner. The nobles, thus
solemnly riding in carriages, were expecting the obsequious
compliments of their subordinates.
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After paying a visit to Hakenau, the agent, and to the banker
Meitani, who avoided any contact with a suspect; after a glance at the
houses of the aristocracy and even at the cabarets with singing and
dancing women about which he wrongly states of being also
frequented by the Boyars, Walsh leaves Bucharest in a rainy and
snowy wheather, which helps to set him even more against a country
showing him until then only its unpleasant aspects. Though all bruised
by jolts endured over a frightful road, he dares not alight to enter any
house where the disease might await for him. He has a narrow escape
of being held in quarantine at Pitesti, town of a thousand houses,
quite pretty, where a Greek merchant lodges him for a brief moment.
Refreshed by a few hours rest, he discovers that the mountaineers
have an European" appearance.
At Curtea-de-Arges, in the neighbourhood, the beautiful
episcopal church finds favour in the eyes of the traveller; he has been
told that the country is proud to possess such a monument built of
imported stones which in the opinion of Walsh resemble those of
Portland. He admires the front towers which, by the construction of
their windows, give the impression of tumbling down, but the frescoes
appear to him "more than Grecian". He even notices the portrait of
Prince Radu next to the icon of saint Demetrius and he is also shown
the grave of the country's heroic defender at the beginning of the
XVIth century, the reigning prince Radu of Afumati.
He resumes his journey going through Dragasani, where the
Greek cause in Wallachia has recently succumbed and the battle of
19 June 1821 is described with full particulars, even about the Sacred
Legion" of the intellectuals. This narration of the Ypsilanti's
dreamers encounter with the Turkish army is worthy of being
considered among the best sources. Walsh believes that Greece, when
brought to life again by England and her allies, will undoubtedly
commemorate this noble sacrifice by erecting a monument. He
recollects of having assisted, in a public place at Pera, at the execution
of Iordaki (Georgaki), the chief aide of the young Phanariote leader;
this is a mistake: the executed one, whose end he had seen, was
Pharmaki, the other chieftain of the resistance in Moldavia.
Finally, from Salatruc, where he musters enough courage to
enter the post-house, he crosses the boundary line through the Turnu-
Ros defile, where the sight of a splendidly wild scenery provokes the
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traveller's cries of admiration. When a goitrous tells him the
particulars of his infirmity, he thinks that the mountaineers, whose
words he reproduces, speak latin. And, again, he uses Roumanian
words to convey the information of the Postmaster about the feeble-
minded ones abounding in that region. He is refused in latin" a coup
of coffee by a young woman who has never tested the beverage.
After giving some details about the peasant customs and the
highway crosses, Strafford's secretary makes his exit from Wallachia,
but not without feeling himself obliged to render a description, full of
new things and of personal remembrances, apart of the usual
archaeological and historical nonsenses: he mentions, together with
the inscription upon it, one of the sabers of the ill-fated prince
Constantin Brancoveanu which was offered to him for sale; we have
not noticed it quite recently when Messrs. C. Marinesco, general
Rosetti and myself have presented the copies kept in the museums of
several countries. He names the Phanariotes he had known during his
long stay in Constantinople, such has the "hetman" Alexander
Mavrocordato, the husband of princess Smaragda Mourousi, the
other Alexander, one of the leaders of revived Greece, Demeter
Mourousi the evergete", whose cultural creations he enumerates,
the drogman Constantine Nourousi, sacrificed in 1821, his brother,
the interpret of the arsenal, the two Callimachis, whose beautiful
palaces are described, the Soutzos, the old prince Caragea etc. His
notes on the country are poor, but correct. The author does not
overlook the intention of prince Constantine Maurocordato to write
a Roumanian grammar and he has seen the latinising dictionary
printed by the Roumanians of Transylvania at Buda.
He meets, while held at the Austrian quarantine, a Swiss
merchant of Pera and a young Wallachian nobleman. They read the
kill time Walter Scott's novels, "The Pirate" and "Kenilworth",
translated into french and coming from Bucharest libraires.
The "latin" appears again in conversations with Roumanian
shepherds of that Transylvanian border, who, before wishing him
"bund noapte" (good night), play for his pleasure on their blowpipes.
It even happens that a woman of this race, and her child all wrapped
up as a real ball of cotton, has the honour of being given a ride in the
carriage of the English diplomatist. The barbarian latin" supplies
again the conversation. Gypsies are also noticed upon the road, and
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here is the opportunity to describe this odd race to such an extent that
he even speaks about their tongue.
At Sibiiu (Hermanstadt), Walsh has the occasion to speak
english with a "Greek" who is in fact the rich Roumanian merchant
Zenobius Popp whose library he admires;' he asks for an english
liturgy which is given to him together with a greek as well as french
copy. The morning "schnaps" is offered to him by someone speaking
the latin of schools. Now comes the turn of the Saxons to be
presented. It is only in the Banat that Walsh will meet again the
Roumanian shepherd. At Pesth, however, he praises the church, the
school of the nation and takes an interest in the Roumanian
publications.
The standard English work on this period was to be that
prepared by the English Consul himself, Mr. Blutte, and it was in a
sense favourable to the Roumanians.
He was at Valenii-de-Munte, a little township in the Prahova
district, after the cholera epidemic which ravaged the two
Principalities, during the summer of the year 1833 and he was living
with his secretary, Stamati Zamora, the Boyar Constantin Filipescu,
who had the rank of Major in the new Wallachian army, and the
village schoolmaster, J. G. Gorjan, who was a zealous translator of
French literature and to whom he instructed the education of an
adopted son after he had assured himself of his ability by visiting his
school at Valeni. On his return to Bucharest Blutte gave to the
schoolmaster "a very voluminous manuscript" in French, dealing with
the future of the Principalities, and he asked him to see that it was
only published after he had been gone some time from the countries
of the Danube. Filipescu added to it what he could remember of his
conversations with his friend. It was only, however, in 1856 that
Gorjan, who was publishing a calendar, found it necessary to translate
into Roumanian the parts dealing with the general aspects of the
country and he characteristics of the inhabitants. He was working so
in connection with the movement wich was destined to bring about
the union of the two countries. As these parts are of special interest,
we will try to present the original which may be considered
unfortunately as irretrievably lost:
"The territory of the Roumanian Principalities is as classic as
Italy itself, and traces of Roman occupation can be found above and
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under ground and furnish ample evidence even to the most obtuse
historian. Nothing is wanting to go to prove in all good faith that these
regions reflected the full glory of the world's greatest conquerors
whose traces have survived up to our own days and will survive for
ever. This is especially true of Little Wallachia, where at almost every
step one is confronted with all kinds of significant souvenirs which
make doubt impossible.
"The natives of the Principalities which were colonised by
Trajan and the succeeding Emperors during the early part of the
second century of the Christian era, whose ancestors intermarried
with the Dacian aborigines, afford a clear proof even to-day that the
race is Dacian in origin. Among other proofs of this origin may be
mentioned the similarity in costume and appearance to the Dacians
sculptured on the column of Trajan at Rome, their skill as horsemen
especially bareback, their coolness in meeting danger and their
deftness in the construction of houses, mills and carts after but a
cursory glance at them as also in the making of their own clothes.
Other traits in common with the Dacians are their fondness for
underground dwellings and their nourishment, dish made of milk,
sour cabbage and vinegar, and again their habit of travelling with
their cooking pots in order to be able at a moment's notice to prepare
themselves a meal. No other nation present this character. They show
great courage in quickly breaking in horses or any other animal
however unruly, great hospitality to anyone of whatever race and
great heroism, as is exemplified in their character and their songs.
They have no in-born fear of passing in the deepest night through the
thickest and loneliest forests, of crossing the most dangerous
mountains or the vastest and darkest deserst where they sleep quite
happily as though they were in their own homes. Lastly we find some
old proverbs and words peculiar to this language and which do not
occur in the languages of the other peoples with which they have
come in contact during the course of centuries so that it may be
considered that they are their very own. The likeness is clearest seen,
however, in their marked inclination and marvellous genius for the
fine arts, such as music especially sad music , dancing, oratory,
poetry, painting, sculpture and architecture; by the splendid way in
which they carry their weapons and the movement of them swift as
lightning; by the amazing speed with which they understand learn and
imitate anything whatsoever, manifesting the most unparagonable
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facilitiy of spirit; by their deep sincerity; by the very name which they
have adopted and by the name of "Roumanian Country" which they
have given to their country and lastly by the quantity of Latin and
Italian names which are preserved and employed in their native
language and which they keep and use as in their mother tongue, the
same names as the Romans used seventeen or eighteen centuries
before our time. If we stop to consider all these and many other
characteristics we find even to-day unmistakable signs of their Latin
and Italian origin...
"So.these two brave peoples being brought into contact with one
another and intermingling through the course of centuries have come
to make up and represent the Daco-Roumanian people now
numbering more than ten millions and having two great and godly
sacred claims on the country; the one a more than forty centuries old
right of heredity, the other the right of colonisation and the
preservation of the Daco-Roumanian laws for seventeen centuries up
to the present day through the weapons and the strength of their own
public opinion.
"A blending, a concentration of greatest courage, highest genius,
rarest humanity, most evengelical hospitality and affability go to
make up the Daco-Roumanian character. In spite of their small army
and the scarcity of their soldiers and political leaders the Daco-
Roumanians have always been the most invincible vanguard of all
Europe and have prevented it from falling a prey to the numberless
invasions of Asiatic tribes which have poured in on Europe in a
human torrent and have swept across, having here the only route by
which they could pour their devastating hordes over the whole
continent. All the impetus and great ferocity of these barbarian
invasions has spent itself here, for it has always met with strong
opposition and has been extinguished like a ball of fire which has
dropped into the ocean. I will not discuss Roumanian civilisation,
which may without difficulty in time reach the highest pit...
"Under the protection of the Daco-Roumanians the two
Principalities have been and still are the refuge of the unfortunate
and of those cruelly oppressed by a barbarous and fanatical yoke,
Alas! those who, thanks to the kindness of the natives, have been
allowed to associate with them and to accumulate wealth, to attain
high rank and titles of best nobility, to speak their own tongue and
proclaim the whole of their own nationality, freely enjoying all the
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privileges of the natives, who have gone through battle and escaped
death by the sword and fire or being sold into slavery, those very
people have become and are still becoming enemies and the most
relentless traitors of their benefactors...
"In short I give you my word of honour that the western powers
will very soon give to the Principalities much more importance and
procure them a greater durability as now... The peace and rest
throughout Europe is dependant on the consolidation. of the
Principalities upon national privileges" '".
*
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wrote: "She is mistress of the Black Sea by the Treaty of Unkiar-
Skelessi, and of the Danube Delta by the Treaty of Adrianople"'".
England, however, said David Urquart, the secretary to the
British Embassy at Constantinople, presently in Bucharest, could
only recognise the principle of free navigation on the rivers, as set out
in the Treaty of Viena '". However, as France and Austria were also
implicated in it, no headway was made for the time being '45.
The English had already begun to realise that the Danube
presented the shortest route to Asia 146. Even at Belgrade, Colonel
Hodges played an imprtant part in diplomatically opposing Russian
influence.
It is interesting to .note that already eight years before
Palmerston gave his support to the scheme for the formation of a
state of Roumania, of a new. Roumania, Peter Poenaru 147, a
Wallachian student, whom Blutte praises greatly as having
distinguished himself from his compatriots by adopting for his own
country what was best and most useful in the civilisation of the west,
and who was later the organiser of the Wallachian high-school
system, went to England to see the marvels of modern industry and at
the same time to study the laws and the development of public
instruction. Our readers will be glad to have the opportunity of
reading his whole report which was written from London on the 27'h
of October, 1831148:
"I have been back three days now from by mineralogical
expeditions to various parts of England. My stay in this country is
longer than I had intended, in the first place because Mr. Pillet for
some unaccountable reason made me wait in London nearly three
months for the money you had instructed him to bring me and in the
second place because I have found in this country better means and
greater facilities for study than I had anticipated. I have prolonged my
stay as long as my finances would allow.
"The time I have spent in London has not been spent idly, for on
every side I have seen things which have roused my admiration and
which have made me long to get to the bottom of all these marvels
both in industry and legislation, and indeed in every sort of
organisation which tends to make man's social existence the most
agreable possible.
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"The main objet of my study in this capital has been to get to
know the methods which are employed to encourage public
instruction.
"You know, Sir, there are fewer schools of higher study than in
France or Germany, but primary schools are much more widely
disseminated than in any other country with perhaps the exception of
Austria. Some of these schools are suported by the state, but the
majority are run by philantrophic societies. In these schools the youth
of both sexes not only receive free instruction, but are even lodged,
fed and clothed by the various societies. I have not seen a single
village in all the parts of England through which I have journeyed
which has not got its school labelled "Charity School supported by
voluntary contribution": and it the towns there are a multitude of
literary, scientific and industrial associations, which encourage the
sciences and the arts and crafts.
"In addition to taking these measures to educate their citizens,
the English are always ready to aid the unfortunate: for it is again by
voluntary contribution that they keep up every kind of charitable
institution, such as hospitals, homes of retrait and others. This spirit
of association is helping in good works does great credit to the
English people. As to industrial and commercial associations which
are to be found, throughout this country, whatever their primary
object is, they have contributed hardly less to the moral and physical
greatness of this people. You know, Sir, that everything here is in the
hands of companies, so that the governement does not have to
overtax the workig classes in order to be in a position to make roads,
canals and other works of public utility. To increase the fund of
charitable institutions they employ also other methods worthy of
praise: sometimes collections in church after the clergyman has
spoken about this special object to this parishioners, sometimes by
public meetings where lectures are given and at which a collection is
taken, again from time to time by brilliant fetes where amusements
are given which are paid for, a part of the proceeds going towards the
expenses of the fte and the remainder being given to some charitable
institution. Small as my means were, I managed once to give one
pound for the right of participation to one of the most striking fates.
It was a garden party given in one of the most beautiful gardens in
London, in aid of a boarding shool for poor girls which was supported
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by a women's society. To increase the amount realised, ladies were
asked to brig some of their own handwork, to be sold at the fte for
the benefit of the society. The garden had been exquisitely
ornamented with a variety of foreign and home-grown plants with
brightly-coloured flowers, most deliciously scented, arranged in
groups and in other ways. Here and there a band could be heard
playing from somewhere hidden among the flowers which scented the
air with their perfume prepared by chemical means. Tables were set
out everywere, covered with many kinds of delicious fruit and other
kinds of choice refreshements which one could eat to one's heart's
content.
"The fte started at three o'clock in the afternoon and towards
six, when all the crowd had arrived, other tables were set under tents
decorated with garlands and crowns made of various flowers. After
the ladies had placed their work on these tables, those who were
members of the society drew lots for the tables and started selling by
auction the things which had been brought. The proceedigs amused
the crowd and the gain must have been considerable, as I saw many
objects- sold at ten times their intrisic value, since those who had the
means bid against one another for the things which had been made by
the ladies who were members of the high society or were noted for
their talents and beauty. When the sale was over and the sun had set,
a multitude of artificial lights were lit, which shone through many-
coloured glasses arranged in different ways.. This brilliant
illumination greatly added to the atraction of the fte, which lasted till
eleven at night, when everyone left in a pleasant frame of mind for
having aided the scheme for the education of the fair sex, and also for
having had such an enjoyable time.
"After studying the method used for spreading knowledge, I
turned my attention to the beauties of the town and I greatly admired
the magnificent bridges, built on such a tremendous scale; yet looking
so graceful, as also the fine streets, which are so beautifully clean that
they cannot but render the air one breathes more wholesome. But
what I think so very pleasant and useful that I have failed to find in
other towns, are the open spaces. You have noticed, Sir, how gay the
gardens are and how regularly and with what elegance the houses are
built round them, as also the charming appearance of the flower-beds
in their midst, where the people living close by can take pleasant and
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shady walks and enjoy the fresh air in the summer. I greatly admired
also the use they make of gas for lighting purposes, and I visited one
of the gasworks, where I studied their methods and made sketches of
the machinery in use. In England this method of lighting is in general
use, and in all the towns in the kingdom the streets, shops and fatories
are lit by gas extracted fron coke. Since this is not as abundant in
other countries as it in England, there will never be much competition
in them between the use of gas and oil. I know for instance that in
Paris you. have to pay for gas in a shop more than twice as much as
you pay for oil.
"I have lately heard of an important new discovery. It would be
the application, on a large scale and at a very cheap figure, of a
process which is known on a small scale in laboratories for extracting
hydrogen gas from the descomposition of water.
"If this process were to be successful, there would not be a
habited part of the globe which could not be lit by gas.
"On the 10th of August, as I had received a part of the money, I
was expecting, I left London to visit the mines and metal works in this
country. I went first to Birmingham in the county of Staffordshire,
where I inspected one of England's most famous factories for the
construction of steam machinery: and it is from here that they provide
the manufacturies of the greater part of Europe with this class of
machinery. I made enquiries as to the price and the means of
transporting them to our country, should we need them, and I also
tried to find out on what terms the workmen would consent to
accompany such machinery to its destination to work it in our own
country: for, as you rightly said, one would risk one's life and fortune,
should these machines be manned by men as inexperienced in that
kind of works as our men at home.
"I returned to London from Birmingham to draw aut what
remained of the money you had sent me, as I was afraid of having it
transmitted to Birmingham, for fear there might be some loss on the
way or some other mistake, as in the case of Mr. Pillet. After having
drawn the money I hastened to leave the capital again and once more
went through Birmingham to Manchester in Lancashire. Here I
stopped to see the spinning industry in this town, which, as you
already know, supplies all the markets of the world. In addition to the
cotton factories, which are the most magnificent and numerous to be
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seen, there are some for woollen goods, and I was particularly
interested in these, for they are the only kind which could be
introduced with success into our country.
"From Manchester I went to Liverpool and I made the journey
in a new way which is one of the wonders of the time. It is now nearly
a year since a company established a railway between Manchester
and Lierpool by means of which travellers and merchandise are
transported backwards and forwards between these two towns in
steam carriage. Twenty carriages attached to one another and
coveying about 240 people are drawn along at once and by only one
single steam engine, and so quickly too does the train move that the
best racehorse could not follow it at a fast gallop. In spite of this the
motion is very gentle, and one would scarcely notice the carriages
moving were it not for the noise of the wheels and the objects
disappearing as soon as they come into sight, so that one is made to
believe that everything is moving save the carriages themselves. The
distance between Manchester and Liverpool is about thirty-two
English miles and this is covered by the steam engine in only one
hour, while by the fastest coaches it could not be done in less than
four. The cost by coach is ten pounds, but the railway company have
diminished this price to one tenth, which means that you can travel
thirty-two miles for only one pound. This is why all other means of
transport between these two towns have decreased in importance and
the number of passengers by steamcarriage has greatly increased, for
all those who used to walk all the way for the sake of economy find it
is even cheaper to go by steamcoach.
"The same applies to the transport of goods. Everythig is sent by
steamcoach, even cattle by hundrets go by this method; cattle, sheep
and even horses are transported by coach and that so quickly that
they seem to be flying. The railway track on which the two lines run
has been laid down almost horizontally everywhere, and, when one
realises the tremendous work which this has entailed, one is apt to get
lost among the maze of figures of the number of men who have been
engaged as workmen and the sums of money spent on the work itself.
First of all the route runs across the marshes for a considerable
distance, and it has been necessary here to dig very far down to get to
a firm basis, then deep valleys have had to be levelled up and the
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ground, which was in several places above the level, has had to be cut
through and tunnels made which are lit by gas.
"The capital sunk in this splendid enterprise is one million
pounds sterling and it is believed that the company already makes a
profit of 12 1/2%, which seems to be increasing, for they are still
building new locomotives to satisfy the demands made by the
transport between these two towns, which are essentially commercial.
There is a question of continuing this route from Manchester and
Birmingham to London and it is reckoned that it will cost the huge
sum of thirty million sterling. There is no doubt that these means of
transport which offer such tremendous advantages to trade will grow
before the end of the century, and it will not only develop further in
England alone, but in several other civilised countries. When all the
nations have cooperated towards the advancement of industry and
better means of transport, we will be able to go from Hermannstadt
to London in less than three days.
"In the neighbourhood of Liverpool there is a smelting factory,
where I watched them melt down lead to extract from it the silver.
The ore they use is brought partly from English mines, more
especially from Cornwall, but the greater part comes from Brazil.
This latter yields 60% lead and two milionth silver. After extracting
the silver, the lead is made into slabs or pipes which are used for the
distribution of gas and water in the towns. The work at this factory is
wonderfully organised, but I am told that the returns are poor: for the
mines in Brazil are now in the hands of a British company and the
silver and gold bearing ore is consequently worked on the spot, so
that it cannot any longer be bought cheaply to be refined here.
"I went from Liverpool by a steamboat to Holywell and from
there to Mold, in the province of Wales. Near these towns there are
lead mines, which cover a wide area, and there are many furnances
for smelting .the metal. Underground work here is very handicapped
because of the existence of numerous springs which are opened up
during the escavations. These are very ingeniously drained by
machinery worked either by water or steam. These 'difficulties greatly
increase the expenses, and it is difficult to sell the metal at a profit, for
Spain commands a better market than England on account of its
numerous mines which are easier to exploit. This has forced several
English companies to abandon their work, and of all those still in
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existence there is only one in the neighbourhood of Mold which
makes a profit, partly because it has very great capital behind it, and
parity because the works are very skillfully supervised by the
manager, Mr. J. Taylor, who is the cleverest mining engineer in
England. This gentleman is the manager of a great number of mines
not only in England, but also in Colombia and Brazil. Mr. J. Taylor
gave me a number of letters of introduction, to enable me to visit any
places which I wished to see, in order to gain the information which
was the object of my journey.
"From Mold I went to MerthyrTydvill, which is noted for its
great iron factories. This district is rich in coal and iron, which are
found in separate and successive strata immediately under the soil, so
that by merely stooping so to speak one can pick up one or the other,
an advantage but rarely found in other iron-manufacturing countries.
After bringing in the iron ore and the coal, the first operation to
which they are submitted is that of desulphuration by partial
combustion. The iron is roasted in a great number of kilns, but the
coal is burnt in the open, in long closely-set banks, which cover a great
area. After this the roasted ore and the coal which has become coke
are thrown into blast furnaces, from which is obtained the cast iron.
This is once more thrown into a furnace together with the coke, and
undergoes another process of fusion to refine it and yet a third to
forge it.
"These fires are kept continually burning, so that from a higher
position looking down on them at night one cannot imagine anything
more awful even in hell. On the one hand the closely piled-up burning
coal forms what appears to be a uniform mass of flames, looking very
much like a lake of fire, on the other the countless furnaces look like
the craters of volcanoes belching forth smoke and flame and letting
the liquid iron pour out at the base. Again moving between these fires
you can see the workmen looking like spectres, all black and armed
whith iron rods whith which they poke the fires, as though wishing to
build up a fire to consume the doomed on the day of judgment.
"The machines used for the working of the iron are of such
gigantic size and power, that on first seeing them in motion one is
filled with awe and admiration. The bellows are of 250 horse power
each and the wind they make in the furnaces makes a terrifying noise.
Other machines which turn the cylinders through which the iron
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passes for the forging are of 300 horse power, and they work at such
a speed that they can forge in one minute twenty iron bars eighteen
to twenty feet long. Formerly the work was done by steam hammers,
but they were only able to make one bar a minute. It is to the English
that we owe the discovery of these cylinders and the first to use them
made money quickly: but later on, when several capitalists hastened
to build this kind of forge, so many were built that there was a glut in
the iron market and, in order to sell, prices had to be reduced and
became very low. A ton of iron, that is 2400 pounds, now only costs
five pounds, whereas in 1825 the price was fourteen pounds a ton.
Ever since their introduction production has risen rapidly, and during
the year 1827 the quantity of iron produced in England was raised to
690.000 tons, Now several companies have ceased work and they have
lost enormously. Other companies sell their goods at a loss and only
continue working because they hope that, when the present political
crisis is over, there will be a greater demand for English iron on the
continent. I think, however, that this is a line in which British
commerce has had its day, for, instead of finding new markets for her
iron, she has lost even her old ones, since in several countries can now
be found equally good forges as there are in England: and, judging
from the work I saw done in France to establish this industry on a
large scale, I am sure that very soon that country will no longer need
prohibitive duties for this branch of her industry and will declare
open war on the British iron trade.
"From MerthyrTydvill I went to Swansea. In the
neighbourhood of this sea port there are many copper foundries
which are provided with raw material from Cornwall. These are the
only foundries in England where copper is smelted at a fair profit, but
at the expence of the surrounding country, for the smoke from the
smelting furnaces dries up and chokes the vegetation. Very
considerable sums of money have been spent on many occasions in
trying to find some means of using up the smoke inside the furnaces,
but up till now they have met with no success:
"I went from Swansea to Redruth in Cornwall and, hoping to
save time and money, I did not travel by land, for that means a
roundabout journey, but I went instead by sailing boat. We were out
at sea, however, for six days instead of twenty hours: for shortly after
leaving harbour, we encountered a strong headwind and it did not
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change throughout the whole of our course. I realised then the value
of steam engines for navigation also, for steamships always follow a
straight course whatever the direction of the wind. I visited numerous
tin and copper mines in the neighbourhood of Redruth and Truro.
The work of extraction, the hauling and the washing are here
admirably done, as the engineers who supervise the work know their
business thoroughly and the men of Cornwall are used to the mines
and have been miners for generations, so that they have acquired
great skill in their work which they do with all their might. Payment
is made on piece work, not by the day, but according to the quantity
and quality of work done, so that naturally they want to get as much
done as possible and to do it as well as possible. The copper ore
extracted in Cornwall is sent to be cast elsewhere, in the districts
where there is coal, for this fuel does not exist in Cornwall, all the
country being of a primitive formation. As for the tin ore, there are
foundries in Cornwall for this metal, as it is much more easily melted
than copper, needs a smaller quantity of coal fuel, which is imported
from Wales.
"From Redruth I went to Falmouth, and from there to London
by steamboat in forty-five hours. The day after tomorrow I am
leaving for Paris and from there I go to Bucharest. I do not think I
shall be able to go by the Seine, for I am afraid I shall be too short of
funds to make a tour in France. I could have made a profitable
geological survery, but I doubt whether they are there more advanced
in metal working than in England".
*
* *
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First Campineanu went to Constantinople, where he had an
interview with Sturza's representative, a Greek named Aristarchi,
and with Baron Roussin, the French Ambassador to the Porte. The
latter was opposed to the scheme, but in spite of all the leader of the
national Wallachian opposition went to Paris and to London.
Unfortunately there are no accouts anywhere of the course of his
negotiations there.
His plan, however, was known to the Turks; who decided by a
firman that he was to be sent to Philippopolis as a political exile, but,
in order to protect him from this sentence and get him out of danger,
the Austrian Governement called him back to Vienna which he had
already left.
Alexander Ghica, whom Campineanu had planned to
overthrow, generously pleaded for his enemy with his patrons at
Constantinople and procured a free pardon for him 162. Campineanu
was imprisoned for some time in the Wallachian convent at
Margineni, and a popular song of the period ran as follows:
"Brothers, let us go to Margineanu to deliver Campineanu". He was
released in 1841 thanks to Russian intervention ".
In September the Prince was constrained to give answer to the
new Russian Consul, Titov, but this answers proved satisfactorily
that, although he had spoken to Colson in January, he could not be
held responsible for "the rumours that got abroad in Bucarest, in
Paris or in London, where alone the question of the union of the two
Principalities and a Slav League could be raised" l".
On this whole subject there only remains Colson's secret
pamphlet entitled "A prcis of the Moldavian and Wallachian rights",
published in August 1839 and distributed among a very limited
number of people. It is really a memoir of Campineanu's party and
the first manifesto of the Roumanian unionists 165 The pamphlet
nearly cost Michael Sturza the Tsar's good will: for he was overheard
to say that "with the aid of some Cossacks I will get rid of this
Hospodar"1".
Once again Russia took up the idea of the union of the two
Principalities. Ruckmann, the Russian Consul, who had managed to
get himself thoroughly disliked by a number Or people and who had
also lost his prestige by marrying a Roumanian who was the divorced
wife of a boyar, was replaced by Titov and later by another real
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Russian, whose manners were more engaging than those of this
German, Dashkov. We have already seen that Nicholas I intervened
to bring about Campineanu's release. The Wallachians were given to
understand that the naturalisation of General Kisselev would be
appreciated: the ex-plenipotentiary governor, was popular with the
aristocracy but had in 1831 declined the honour. The idea was
spreading that he was to be chosen as the Prince of the future state of
Moldavia and Wallachia: but at this point the Tsar's son-in-law, the
Duke of Leuchtenberg, was put forward as a candidate 167. The
"Augsburg Gazette" of April 13 and 27 th speaks of the Dacian
Kingdom which might possibly be formed
Colquhoun had thoroughly compromised himself in the
Campineanu affair and by the lively altercation with Ghica over an
encounter which his Greek secretary, Asprea, had with the
Wallaehian police. In fact Ghica went so far as to say that henceforth
he would have to sever all personal relations with Colquhoun. Certain
ill-timed publications made the breach still wider 169. The English
Government of course backed up their representative 170 and
Palmerston made no reply in answer to the Prince's complaints 171. In
1804 Colquhoun left for Constantinople, where he had to account to
the British Ambassador for his behaviour 172. He returned, however,
bearing a firman which Ghica refused to acknowledge "3. In
September, 1841, Colquhoun once more left the Principalities, this
time for London: and the Prince immediately took the opportunity to
write an explanatory letter to Lloyd (the Vice-Consul at Braila, who
was acting for his superior during his absence) in which he insinuated
that Colquhoun had been the sole cause of the mis-understanting".
Once more the British Ministry sided with its representative, and so
the unfortunate Prince had to submit to all the formalities provided
by the firman and take back his "unsavoury remarks"175. Lloyd had
now replaced Colquhoun, for the latter had completed his term of
office. A few months later Ghica was dismissed by he two powers on
whom his authority rested.
The Frence Consul was, therefore, the only confidant of the
Prince, who, after the Campineanu affair, was forced to look for
friends among the foreign agents. Chateaugiron was replaced by
Billecocq, a romantio restless, conceited character, who was dreaming
of playing an important role and hoped to be able to make of his poor
appointment in Bucharest the first stepping stone towards it.
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As for the Wallachian opposition, it had dissappeared, for its
leaders did not fancy any more improvements and Campineanu was
serving the Russian cause.
Dissatisfaction now spread to other classes, for instance
professors such as John Eliad and students such as Nicholas Balcescu,
who were not as yet in touch with the Consulates of western Europe.
In addition Billecocq was too busy to support Prince Alexander
Ghica's interest against his successor, a brilliant young boyar named
George Bibesco 176. The acting representative of Great Britain was
unfortunately lacking in the essential qualities of a diplomat and was
incapable of appreciating the aspirations of a nation in the throes of
a national revival.
On his return during Bibesco's reign Colquhoun was received
with contemptuous criticism by his French colleague'''. He gave every
reason for it, for some months later he started paying court to the
Prince's eldest daughter aged nineteen, which once more caused an
unpleasant situation between the Wallachian Court and the British
Consulate 1". The young Princess was consequently married to a
boyar named Filipescu 179. However in 1846 Colquhoun had the
satisfaction of being asked to take over charge of the French
Consulate from Billecocq, who was thoroughly upset at having been
defeated by his old enemy Bibesco. The bad relations between the
Consul and the Prince 18, however, continued.
Although the new movement for liberty which the Roumanians
initiated in 1848 was directed against the Russian protectorate it
received, in an epoch of new interests, no support from any of the
consulates of the western liberal powers. When Michael Sturza
arrested the young men who had been plotting against him the only
action taken by the British agents in the Principalities was to afford
shelter to certain of their leaders at the house of the British Vice-
Consul at Braila. They were to be sent into exile in some remote part
of the Turkish Empire. Among those who owed them their liberty
was Alexander Cuza who was destined to become about ten years
later the first ruler of the united Principalities of Roumania which had
been dreamt of for so long. The Vice-Consul Cunningham, who had
also represented French interests', was so anxious to help the young
victims to escape Sturza's vengeance that he took a party of armed
Ionians with him in ,a boat on the Danube and they permitted the
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revolutionaries to escape1". These young men later went westwards
to make their nation's interests more widely known'. The prisoners
had been in fear of execution on their arrival at Macin, on the Turkish
bank of the Danube. They appealed 184 at Constantinople to the
British Ambassador to intervene for the release of their friends who
were still in the clutches of the man who had formerly hoped to
become King of the united Principalities with the help of the
revolutionaries in Bucharest and with the support of Great Britain.
When later Eliad and some of his supporters hoisted the flag of
revolution at Islaz on the Danube and young men freshly back from
. Paris forced Bibesco to leave the capital, Grant, a chief clerk of the
British Consulate, offered them some advice. C.A. Rosetti, one of the
young leaders of the improvised republic, afterwards married Grant's
sister, a heroic woman who became devoted to her husband's cause.
Neither British or French Consuls, however, showed any signs of
interest in the affair.
Nevertheless, the Russian Consuls took strenuous measures to
organise an invasion by the Turko-Russian armies which did in fact
three months afterwards stifle the Wallachian revolt, a revolt made in
the name of the very principles which Palmerston had officially
recognised nine years before, one of which was "the formation of
such institutions as to make the people of the Banat, the
Transylvanians and the people of the Bucovina reunited with the
Wallachians"". The British Agent, however, did nothing but follow
the lead of the Consul of the new French Republic, de Rion.
Colquhoun was content only to recomend John Ghica to the British
Ambassador at the Porte: he was the son of a great boyar and was
also a former professor at Jassy. Thirty years later he was made
Roumanian Minister in London and was there a typical partisan of
the old British conservative and Turcophile policy in the new
Roumanian state which he was fortunate enough in helping to form.
There were Turks like Emin Eftendi, the first interpreter at the
Porte, who were of opinion that "it would be most expedient in the
interests of the Porte to unite the two Principalities into a single state
and to set it on a strong war footing capable of resisting Russia and
Austria" 187. But, though the Charg d'Affaires at the British Embassy
was contesting the right of the Tsar to order the occupation of the
Principalities, he made Ghica wait until the arrival of the new
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Ambassador, Stratford Canning, who was destined for so many years
to be the Christian dictator of the Bosphorus '.
"The Porte", wrote the agent of the revolution, "wishes us well
and France and England will not fail to counsel it in our favour, but,
should anything serious arise and Russia ride the high horse, you will
be left in the lurch" 189. This was exactly what happened '. In spite of
the intervention of Canning, Suleiman Pasha was sent by the Porte to
hold an enquiry as if it were only the case of an insurrection".
Although, however, against the approval of Canning it was
Colquhoun who went to Giurgiu at the beginning of August to
protest against the entry of Turkish troops into Wallachia ', their
entry could not be stoped and Canning had already pronounced
sentence. They must give up their democratic ideas 1" as
contaminated by their connection with the anarchic regime in Paris
which brought back a Napoleonic Empire as the sole means of
restoring authority. In the House of Commons Palmerston, who had
already brought forward the question of the future of the
Principalities, replied to a question by expressing the opinion that
Russia by her intervention had comitted no act contrary to the
treaties, and that she could but give way to the express demand of the
Prince of Moldavia and that for the rest there was no question of
annexation as it was only a temporary arrangement 194 .
After the enthusiastic reception given to Suleiman they naturally
had to accept Fouad, the new representative of the Sultan and the
future Grand Vizir of the era of the reforms, the Tanzimat. He started
by firing on the firemen of Bucharest who had come out to greet the
Turkish troops as their comrades (September). The notables of
Bucharest and afterward the Regency appointed by the former
Turkish Commissioner in place of the provisional republican
governement had chosen Colquhoun to intervene on their behalf with
Fouad. He received from the Ottoman plenipotentiary himself the
short declaration that in accordance with custom a Caimacam would
have to be installed on the ruins of the revolutionary regime and that
for the rest the population would enjoy a general amnesty.
He laid stress on nothing else, for he had no power to do so 195.
The revolution was at an end and the leaders were glad to escape
imprisonment and to seek refuge in the west and there to start that
ceaseless propaganda which had as its aim the formation of a
307
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Roumania one and indivisible, which their fathers had demanded of
the English and French already in 1839.
London was without a representative to spread this propaganda.
It was in consequence of the lack of exchange of culture between the
two countries; a further reason was the close ties which bound the
Roumanian renaissance to French literature and French ideals, for
the leaders of this renaissance sought shelter in Paris, a centre which
some of them already knew in their student days, and they made it the
hub of their activities on behalf of their country. At one time they
thought of sending John Ghica to England to spread propaganda on
behalf of Roumania, since he spoke English '. Shortly afterwards,
however, he received from the Turks a commission to carry out
reforms in the island of Samos in the capacity of a christian Bey. Both
A. G. Golescu, one of the most enthusiastic of the band, and Rosetti
wished to undertake this mission personally''.
Colquhoun, who had continued to carry out his duties as British
Consul during the time of the Regency, had not interfered any more
with his French colleague. At the very moment when Ghica himself
was declaring that the sympathies of certain Turks were being
squandered in vain against the indifference of the English 1" the
Consul was contenting himself with sending the money of the
treasury which was deposited with him as well as the correspondence
of the exiles. It was the security of these very exiles which he had
sought from the Commandant of the Turkish army, the renegade
Croation Omer Pasha 199 Eliad and Major Tell, members of the old
government, had found an asylum at his house 200. He brought all his
personal weight to bear with George Magheru who, as general,
"captain" under the fallen government, was in command of several
thousands peasant soldiers in Oltenia, to get him to lay down his arms
and not to start on a campaign which "could not but be fatal to the
whole of Wallachia". The peasant soldiers dispersed weeping with
rage.
The invitation presented by Grant met with great success 201.
Canning hald already imposed his eastern policy on England, a policy
blindly 202, ruthlessly turcophile. He was the sole and undisputed
master of England's eastern policy both before and after the Crimean
war which was to be the crowning success of his policy.
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During the months which preceded the installation of the new
Princes, the duration of whose reign was fixed at seven years their
predecessors had a life tenure, apart of course from removal or
revolution, Barbu Stirbey in Wallachia and Gregory Alexander
Ghica in Moldavia, Colquhoun took it upon himself to defend those
who had been compromised during the revolution against Russia's
arbitrary action whose troops had reunited with those of the Ottoman
Empire. Stratford Canning himself had to interfere to stop these
measures which even affected British subjects 203. He was afraid that
the Principalities would pass under the sovereignty of the Tsar, he
who wished to keep them at all costs and whatever the sentiments of
the inhabitants under the authority of the Sultan 204. On the 2341 of
November 1849 then he spoke vigorously in the name of France as
well as England pointing to the guarantee of the integrity of the
Ottoman Empire which those two powers had given in concert with
Russia at the end of the Egyptian crisis of 1841205 .
Already before the end of the year A. G. Golescu had arrived in
London and had been able to get inserted in the "Morning Herald" a
long article on the Wallachian revolution 206. He bade his readers
remember the-services rendered by the Roumanians during the XV'
century, when, by their heroic defence of the Danube and the
Carpathians, Christianity had been saved from the Turks. He also
reminded them of their treaties with the Porte which guaranteed their
'autonomy and pointed out that it was the duty of Europe to give them
back their ancient sovereignty, if only to hinder Russia's expansion
towards Constantinople. The recent revolution had been imposed on
this unfortunate people by the western powers and by Turkey herself:
for she had demanded actions as a proof of their discontent with the
protection of Russia. Should there not be a complete overhauling of
her constitution at a moment when Turkey was herself working on
the reform of her own? "We thought that we should be rebelling
against the spirit of the age and the will of God, if we did not enter in
the broad path which Providence had opened for humanity" 207. As he
was addressing himself to a conservative public, Golescu reminded it
that this movement presented none of the excesses of the revolutions
in Paris and Galicia, it being quite simply what he called, nearly in the
following terms, "a declaration before God of principles, a great
popular demonstration and a national festivity". It seemed that
309
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r'rovidence herself had intervened to prevent violence and the
shedding of blood. Tribute had been sent to the Porte, the Sultan
being styled "Gracious Sovereign", Suleiman Pasha had been
recieved as a protector of the new liberty, while sacrificing to him
their form of governement and being willing to accept from the Porte
changes in their constitution, Russia had not been insulted, and they
spoke of their perpetual gratitude to this same Russia in the event of
the Tsar renouncing his protectorate, which was stifling Roumanian
national aspirations. Unfortunately Turkey was not backed up even
by the liberal powers and consequently had given way to Russian
diplomacy and had reestablished with violence an order of things
which was completely odious.
One could not stricture too severely the desertion of England,
France and Germany, of the Parliament of Frankfort and, of the
countries of liberty. It was a crime against their own interests to
abandon a people who by this geographical position were able to be
so useful to them. If, however, they persisted in their indifference,
there would come a second revolution on the Danube, and the whole
Ottoman Empire would be embroiled. More than that, for "our little
country is the keystone to the great European edifice" 208. An appeal
was made to all brother nations and to Russia herself, with a view to
staving off this catastrophe. A short historical sketch and a warm
appeal to English feelings was added by the editor of the newspaper.
Golescu, however, soon left London and the Roumanian propaganda
ceased almost before it had begun'".
In March 1849, however, the question of the Principalities was
debated in the House of Commons. Lord D. Stuart asked for the
reasons why Russia was still occupying the Principalities, although
she had declared herself willing to evacuate them after the
establishment of order; he was considering the question simply from
the point of view of Turkey's rights and the interests of British
commerce. Lord Palmerston renewed the assurance that everything
which concerned the territorial integrity of Turkeys was very dear to
his heart, and that he was not at all disposed towards any
dismemberment of the Sultan's State, nor could he allow others to
gain advantage from such dismemberment. British commerce within
the Empire was steadily growing. He was also happy to be able to
announce that as, a matter of fact, in accordance with information
310
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which he had received from the Porte, the Tsar's troops were to be
withdrawn as soon as the internal situation of the two countries was
sufficiently consolidated. The opinion of the Minister, who apreciated
the prudent policy followed by Russia during these troubled times
and her decision not to interfere in any way, was as formerly that the
Ministry at St. Petersburg did not visualise any change of frontiers. It
was only a question of time. He added that, in so far as the demands
of the Roumanians were concerned, demands which he failed to
outline, it was without doubt the intention of the Porte to introduce
"such better conditions and reforms as were necessary".
It should be made clear that one of the members of Parliament
added that, if the aims of Nicholas were different to those which had
just been outlined, there would certainly be a naval war with England,
who would fight to prevent the confiscation of the lower Danube 21.
The "Morning Chronicle" admitted, however, that Rusia was
authorised by the Treaty of Adrianople to intervene in the
Principalities, even against the wish of the sovereign power'.
As a matter of fact, the Imperial troops began to withdraw in
1850, but they were soon recalled to this side of the Pruth. The claim
of the Tsar to the right to protect all the members of the "Greco-Slav
Church" in the territories of the Sultan, as was made clear by the
mision of Menshikov, threatened the independence of Turkey. The
principal aims of Stratford Canning were therefore directly and
brutally reached. He did all in his power to encourage the Turkish
Ministers, accustomed to give way, and it was he, the all-powerful
Ambassador at Constantinople, who declared war on the Emperor of
the North, a war which the Ministry in London could but note and
carry out. And this after he had roused France into activity, France so
intimately bound to the protection of the Catholics in the East.
The war ended in victory; a great and long-delayed victory over
Russia. The diplomats of Europe met first at Vienna for preliminary
discussions and then in Paris to reexamine under the control of the
imperial France of Napoleon III those clauses of the Treaty of Vienna
(1814) which were made under Austrian leadership and which were
hostile to the France of the days of Napoleon I. At that time England,
it is true, following the system which had changed the political
constitution of France, proposed to ask the inhabitants of the
Principalities their opinion about the reforms which Palmerston had
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talked of four years before. and which Turkey had never taken
seriously. Palmerston was even one of the chief promoters of the idea
of union, but he had no intention of damaging the rights of Turkey by
the establishment of a united country of Roumania, with its own
constitutional rights independent of Turkey. Canning opposed this
with all the weight of his influence and the Roumanian propaganda in
London was not effective enough to enlist a public sympathy great
enough to outweigh the opposition of that clever, self-willed
diplomat.
The reports of Thouvenel, the French Ambassador at the Porte,
give us daily accounts of Napoleon's endeavours to enforce his point
of view, that of the union of the two Principalities, and so triumph
over the inexorable determination of the British delegate. The Porte
was being encouraged openly by Canning and also secretly only by
the Austrian Ambassador, who feared that the united Danubian state
would form a powerful support for the claims of the three million
Roumanians vhom Austria was despotically retaining in a condition
of inferiority. Tile Porte consequently resisted all the blandishments
brought to bear on it.
Nicholas Vogorides, a young and ambitious Greek, who aspired
to the throne, was nominated to the office of second Caimacam of
Moldavia and was appointed to preside at the election of the "divan
ad hoc" ("an assembly for a particular purpose") which was supposed
to voice the wishes of the Roumanians of that Principality. This young
'Greek was bribed to forge the lists, and the Vizir was to ratify the
election held in this dishonest way: but at this point Napoleon
comanded Thouvenel to strike his flag and set sail for France. This
threatening pressure was needed to quash the electoral lists, and as
would seem natural, the assembly chosen on such an entirely new
foundation expressed their formal wish to establish the union.
The Emperor of the French had interviewed Queen Victoria at
Osborne and, in order to obtain the support of the Court and the
Ministry in spite of Canning, had made extensive concessions as
regards the constitution of the new state. This union was to be
composed of two Princes,. two assemblies; two armies; a legislative
committee sitting at Focani on the borders of Moldavia and
Wallachia and a sash attached to the separate flags.
312
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This was all that materialized from so great a scheme. England
had won the rubber and in no essential was unchanging Turkey
changed.
Although England was determined to maintain the integrity of
Turkey, she did not hesitate to interfere in Roumanian affairs.
Colquhoun had become the most experienced and influential of the
Consuls in Bucharest. He notified Constantinople and London that
the leasehold of new lands had been granted to the Austrian
Steamboat Navigation Company of the Danube and this caused
England to protest, accusing Prince Ghica, the former reigning
Prince, who had become Caimacam of Wallachia, of having
supported these trespasses. The Constitutionnel of 19' February 1856
asserts that England had as candidate for the Union the price of
SavoyCarignano, Colquhoun did criticise in his usual vivacious way
the behaviour of the Austrian troops who since 1854 had taken
advantage of the war and had established themselves in the
Principalities, based on the clauses of a formal treaty with Turkey
who seemed for fear only Russian annexation'''.
However they changed their mind, and in the summer of 1857
the Consul eulogised the Austrian General Marziani at a banquet,
while the British representative on the -committee of enquiry which
had been sent along the Danube from Constantinople he was none
other than Sir Henry Bulwer joined his Austrian and Turkish
, colleagues in complaining that all the sympathy of the people was
directed towards the French delegates 213. Although he was living in a
country house at Pacani near Bucharest which belonged to the
Caimacan, Bulwer did not hesitate to declare himself an enemy of the
man who allowed such libellous actions to be directed against his own
personal dignity. He sent his own nephew Captain Bulwer as a special
deputy with this message to Ghica". This malignant attitude was also
adopted by the secretary Dalyell, who replaced Colquhoun after he
had been sent for to London for a conference in 1857. When the latter
returned, he declared Ghica responsible for the manifestation of
sympathy with the French which had been pretty general and full of
enthusiasm. He found all sorts of shortcomings in his former protg,
shortcomings as an administrator which were not altogether
imaginary 215. Henry Churchill, the Consul at Jassy, for his part
protested vehemently against the replacement of one of the three
313
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new Caimacams called to preside at the election of the Prince, for he
was supposed to be but lukewarm in support of the union'. This was
the attitude adopted by the English politicians towards an under-
estimated and insufficiently understood cause. It was in vain that
Gladstone supported by Deasy on May 4 th 1858 spoke in the House
of Commons, describing to the members not only the international
situation as regards the Principalities, but also the national movement
of the Roumanians, which deserved al least as much attention as the
Serbian movement which was on foot at,the same time. The Under-
Secretary of the Foreign Office treated the matter in a rather off-
hand manner, and Lord John Russel used his influence to encourage
the apprehensions of Turkey. Disraeli, a member of the cabinet,
declared that he wished to abide by the agreement made with France
and even Palmerston remarked that he could only interpret the
demand for a foreign Prince for Roumania as a design to set up in
Bucharest either a Russian Prince or someone depended on Russia
that is to say the Duke of Leuchtenberg whom Stirbey himself had
supported when he stood as a candidate in 1848. So the House voted
against Gladstone's motion by 292 votes to 114, a motion which
should have brought about a solemn demonstration in sympathy with
the unionist cause'''.
Subsequently the Roumanians unexpectedly took the initiative.
The Moldavians had in January 1859 elected as their PrinCe a "new
man", Alexander Cuza, and on the following February 5 the '
Wallachians unanimously voted for the same man. This brought
about a personal union under one Prince and it was this Prince who
had the will and the resources to bring abut the real union of the two
Principalities. "All the agents of the guaranteeing powers", wrote the
French Consul Bedard, "met that day in the diplomats gallery, and,
in spite of the different opinions among us, I am convinced that none
of us were present at these moving demonstrations without being
greatly affected by them" 218. Colquhoun saw the union of Moldavia
and Wallachia take effect under the Moldavian Prince in 1859.
Twenty years before, his government had conceived this union under
Michael Sturza. Bulwer had immediately sent- him a telegram:
"Double election is recommended as an exceptional case to the
approval of the Porte and will probably be assented to" 21y.
314
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He had not received any instructions to protest against this
roundabout way of achieving the object which the unionists had set
before themselves. Besides, the rules of procedure had been
scrupulously observed and even the Porte found nothing to say when
confronted by the "fait accompli". Two years later the Porte formally
recognised Roumania as a state, with Cuza as its Prince during his
lifetime. The role of the British agents became immediately of less
importance, and they were now simply Consuls like other agents and
had no charge of diplomatic affairs. We would like to know what
Colquhoun and his successors reported about that seven years reign,
a reign which introduced the secularisation of the lands in Roumania
held by the Greek Convents of Turkey and the establishment of
peasant ownership, a reign which was brought to an end in February,
1866, by a forced abdication.
Charles of Hohenzollern, of the Catholic branch of Sigmaringen,
was elected as the new Prince. On his mother's side he was, like the
Leuchtenbergs, a descendant of the Beauharnais, he was also a
descendant of the Murat family and a political dependent of
Napoleon III. This gave the Porte, ruled as it was by the leaders of the
nationalist Tarizimat, an excuse for claiming securities from the new
Roumania whose independence had so often been discussed of late.
At Constantinople it was felt that the new "Hospodar", nominated by
firman and invested by the Sultan, should realise that his state was an
integral part of the Ottoman Empire, and that consequently he had
no right to assume any of the privileges belonging to sovereign
Princes, as for instance coining money, creating orders, concludind
treaties or havind .direct relations with foreign powers. From the
beginning England, and France too, was on the side of Turkey, whose
absolute territorial integrity and all prerogatives they jealousy
guarded'. Canning's influence was still felt at the British Embassy at
Constantinople "1. Roumania sought her independence, she was
therefore an enemy to the order established in the East by the English
victory of 1856. Consequently every diplomatic means was
permissible to check the realisation of her aspirations. Lord Lyons,
the influential British Ambassador in Turkey, helped to obtain the
recognition of Charles I as Prince of Roumania, giving him his
support, although he was really of his colleague's opinion'. He had,
however, to intervene shortly afterwards in order to dissuade the
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Roumanian Government from helping the Bulgarian revolutionaries
who were fighting for the freedom of their country '''. His successor,
Sir H. Elliot, adopted an even more severe attitude towards
Roumania whenever he thought the state meant to free itself from
the bonds which were holding it to decrepit Turkey ' He even
advised the Grand Vizier to rate the Roumanians about their
supposed encroachments on the Danube in 1873 '.
English interests in the Principalities were purely economic. As
early as 1867, when the question first arose of laying down the
network of railways which the countries around the Danube had been
awaiting for some time, some Englishmen joined the Austrian and
asked for the Openheim concession. Already under Prince Cuza the
Barkley and Stanforth Company had signed an agreement for the
construction of iron briges which were not as a matter of fact built 226.
One must remember too that the railway line between Cernavoda
and Constanza in the Turkish Dobrudja was constructed by the
British. Hartley, an engineer who will be mentioned again later on,
planned a double railway line running along the Pruth from Jassy to
Galatz 227. The Crawley Concession an English Company had
already been given the construction of the GiurgiuBucharest line
was the cause of lengthy discussions and came to an unfortunate end.
Another question which interested the English public was that
of the position of the 300,000 Jews, mostly of German origin and
speaking a Galician dialect and consequently completely cut off from
the Roumanian peasants. The majority of these Jews had settled in
the country in the eighteenth and early nineteenth centuries and they
made often their living as retail dealers at the expense of the
labouring classes. Powerful agitation which was set on foot in western
Europe, aimed at compelling the Roumanian Government to grant
them full political rights, a thing these people who were simply bent
on gain had not thought of claiming before, for they were always
given full civil rights. Moses Montefiori, who was an enthusiastic
supporter of this movement, travelled on the Danube in 1867. On his
return without having gone as far as Moldavia he loyally declared in
London that the Jews had never been persecuted and that the prince
assured him that he would never have tolerated it 228. However, the
English intervened energetically whenever anti-Jewish disturbances
were as much as rumoured'.
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Eventually England was represented by Sir Charles Hartley, an
engineer whose name will never be forgotten in connection with the
works undertaken at the mouth of the Danube for the European
Commission. At one time there was even an idea of asking him to
lend his experience and knowledge for the building of a large seaport
at a village called Jibriani in Southern Bessarabia which was then
united to Roumania. The cost of the undertaking would not have
exceeded twenty millions 23.
The Prince of Roumania, accompanied by his young wife, paid
an incognito visit to London in 1874 during his journey in western
Europe, after he had overcome the first great difficulties of his new
career. Princess Elizabeth was not reveived by Queen Victoria, who
"was on the point of starting for Scotland", nor by Lord Derby, the
foreign Minister, who was away, but by Princess Louise, the wife of
the Marquess of Lorne, the Prince and Princess of Wales and the
Duke of Edinburgh and his wife, the Grand-Duchess Marie, between
whom and the Roumanian prince a mariage had been planned, the
cause of his visit to Livadia '. Max Muller, the great philologist,
conducted the royal party to Oxford. While they were at Chislehurst,
the Prince, who owed his throne to Napoleon III, laid a wreath on the
Emperor's tomb. Charles I also met Canning who was eighty-six years
of age and scarcely able to sustain a clear conversation for any lenght
of time.
At a banquet given in the honour of the Congress of Orientalists
Charles I made a speech showing how his country was he shortest cut
to the East, in this way bringing it into evidence tand to the notice of
the reme mbs of the congress who had formerly not taken the Balkan
States into consideration as a possible route. "Roumania", writes
Charles I, "is here a terra incognita, and the sympathy for Turkey so
great that it is utterly useless to try to combat so deep-rooted a
prejudice. I have, however, established friendly relations with some
influential Englishmen. "Nevertheless the Prince was never
recognised as possessing the status of an independent sovereign who
could be in personal relations with foreign countries.
This attitude was maintained during the Turkish crisis brought
about in 1875 by Austrian agitation, the aim of which was to make
Francis Joseph a Catholic Emperor of the East, and also by the revolt
of the- Bosnians and Herzogovinians in 1875 and 1876. It is well
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known that. England made great efforts to prevent Andrassy's
schemes of decentralisation and of European protectorship from
injuring the declining dignity of Turkey. At the conference at
Constantinople held after the Serbian defeats of 1876 Lord Salisbury
used his great authority to thwart the designs of the all-powerful
Russian Ambassador Ignatiev. The shortsightedness of constitutional
Turkey and the foolish assurance of Midhat Pasha and his partizans,
which was certainly not in keeping with the resolutions of the
London conference, together with the pan-slavonic intrigues brought
about war between Russia and Turkey in April, 1877, a war which
had been dreaded for so long.
Politically Roumania had been at first absolutely neutral. By this
attitude she expected that her traditional rights as a sovereign country
would be recognised and also that she would obtain concessions on
the Danube, as for instance the mouth of the river which she had to
abandon and which the Paris Congress had at first declared to be
united to Moldavia, but had afterwards been given to the Sultan. In
November 1876, John Ghica, who was thoroughly pro-Turkish and an
admirer of England, was sent to put before Lord Salisbury these
modest claims. In 1863 England would gladly have supported the
candidature of this friend 'of Canning against Prince Cuza Z. All that
Was wanted by Roumania was to strengthen this country and use it as
a barrier in the interests of the great powers against attempts made
from time to time to upset the peace of Europe and the political
equilibrium of the East, fortifying it against Russia's intention of
invading the country and Turkey's ill-will, made more impossible by
her obstinate conceit. We only wished to strengthen the country and
insure the safety of our future, nothing more. "Europe's guarantee",
said Ghica's instructions, "as it stands at the present moment and as
it emerges from the Treaties of Paris concerning Roumania, does not
suffice and it would be in the interest of all Europe that it should be
made more effective". But the answer was that Europe followed its
own programme and could not undertake to do anything outside it
and also that the time chosen for such action was not appropriate for
dealing with the questions touching the lower Danube. The English
Minister was already acquainted with the Tsar's resolution to have
the three districts of southern Bessarabia returned to him. These
districts .were Cahul, Bolgrad and Ismail and it was by the Treaty of
318
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Paris, 1856, that they had been given back to Moldavia from which
they had been separated in 1812 233. It was in consequence of the
slights brought on the Prince by the Ottoman Constitution of 1876 no
less than in the interests of the country and its historical associations
that a convention with Russia was concluded. This was all the more
necessary for the Tsar's troops would have in any case crossed the
Pruth. England expressed indignation at this act of "treason". None
of the politicians whom the Prince had consulted in April had
mentioned England. Those who did not wish to collaborate with
Russia sought Austrian support and as a matter of fact Austria had
already signed a secret agreement with her rival, abandoning to her
the Bessarabian districts in exchange for Bosnia and Herzegovina
which she actually secured.
We ceased to sound England's intentions during the war which
gave Roumania glorious victories under Plevna, but brought about its
final spoliation: the only compensation she got was the Dobrudja and
that was accepted much against her inclination. Even then the
Chancellor Gortshakov, exasperated by the claims of the
Roumanians, threatened to disarm the troops which had saved the
army of the Grand Duke Nicholas in August, 1877. Everybody knew
England's attitude; being allied to Russia, Roumania could not ask
for the meditation of a third party, all the more so as this measure was
to be antagonistic to Russia which Roumania was following in her
new Balcan crusade.
Although Lord Beaconsfield held Palmerston's political views,
he prevented the Tsar's troops from landing at Constantinople by
stationing the British fleet there, but he was careful to humour the
Tsar as much as possible. At the Congress of Berlin, England was
represented by Disraeli himself, who merely asked for the
"emancipation of the Roumanian Jews", as though they were an
ancient, autonomous and subjugated race. Further England persisted
in refusing to recognise Roumania as an independent country, before
the question of the Jews had been settled by a vote of the Chamber
admitting individual Jews to Roumanian citizenship. The new British
Minister White had received instructions to hasten the execution of
this part of the Treaty of Berlin. On the other hand, when there was
a question between Russia and Roumania concerning the settling of
the boundaries of the Dobrudja to the west of Silistria, Colonel
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Home, the British delegate sided with Roumania, asking that the
town itself should be given to hers.
For nealry forthy years since February, 1880, England had been
represented by a Plenipotentiary Minister. Roumania sent John
Ghica to London and he was there as his country's representative for
over ten years. Even after Princes Marie, daughter of the Duke of
Edinburgh, married the Roumanian Crown Prince Ferdinand, the
relations between England and Roumania were never very close.
However during the last few years intellectual relations have
existed between the two countries. Mr. Seton Watson (Scotus Viator)
has been strongly and actively interested to the rights of the
Roumanians in Hungary, and this has brought him to understand the
Roumanian point of view. His writings made the Roumanian cause
more widely known than it had ever been before. Also during this
period several Roumanian translations of English works have been
published, in particular some of Carlyle's works. All this is merely a
beginning. The English language had only just become optional in the
Roumanian schools and there was no professorship of English
literature in our Universities. There is not even a complete and
satisfactory translation of the works of Shakespeare 236. England's
economic activities on the Danube and in the Black Sea had not
grown in keeping with the particulary favourable circumstances; in
fact English commerce in the east of Europe generally has not
progressed as one would have wished. Already during Cuza's reign
C.A. Rosetti spoke of the possible intervention of British capital not
only in the railways, but also in commerce and in the oil-fields, on
which attention was concentrated only thirty years later when English
was much inferior to German and American capital and did not even
reach the total of Dutch capital. Its intervention was also spoken of in
connection with the exploitation of mines, which were eventually left
entirely to native enterprise; forests too, which had been
treacherously handed over to Austrian-Magyar enterprise, and also
the canalisation of rivers not even yet started, and finnaly the
municipal works in those Roumanian towns which were in lull
evolution. "We hold", Rosetti said, developing as early as 1864 his
ideas for the future which had been influenced by personal contact
with the English, "we hold with England, for England means liberty,
she is the one great industrial country and we perish because our
320
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treasures remain undeveloped". Not to mention the question of the
Danube which ought to have been placed "at the disposal of the
commerce and the industry of the freest of nations the one great
interest of Roumania, material and moral", and for the English "a
mighty California, an America in Europe"; England was about to
give in to Austria, the vanguard of German interests! An attempt on
the part of Roumania to participate in the London Exhibition of 1862
was thwarted by Turkish intrigue, for it had not got the support of the
British Government.
In the realms of finance the first Roumanian loan of L. 656.000
at 15 1/2% was obtained under Cuza and was concluded with the
Lonon bankers, Stern Brothers. The loan was over subscribed.
During the reign of Charles, England alone ventured to stamp copper
coins for the Principality; we have already noticed that the Porte did
not wish to recognise this right. Until the last few years when nickel
coins were introduced, these ten centimes pieces were still in
circulations. They were beautifully minted and not at all unlike the
corresponding British coins in appearance and value. Later, however,
Roumania became entirely dependent on the German Stock
Exchange.
Roumania's alliance with the Entente, the courage her peasants
showed and her complete self-sacrifice were perhaps needed to show
the greatest of the world's powers the qualities of a nation of fourteen
million souls and the justice of its cause.
There result was attained. No influence of an interested
propaganda can change it to the disavantage of the most obvious
national and historical justice.
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Ill[ustrisi]mo S[ignore], amico n[ostro] collendissimo
Don Stefano Bugdano Despot Prencipe di Moldavia Transalpina, Marchese di
Craiova, Baron libero di Ianoviz.
Stefano P[rncipe]
FoL 142.
2.
Sacra Regia Maiestas, D'[omi]ne mei clementissimae
Don Stephanus BUgdanus Despot, Moldaviae Transalpinae Princeps et
Marchio Craiovae, Baro Liber Ianoviz.
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sic insculptum pectori, ut nihl apud me certius esse possit, et quod non tantum
Regiae M[aesta]ti, sed et rebus omnibus ad illam pertinentibus illius M[aiesta]tis
gratia firmamentis proposito non dubito confiteri; annulis inquam, sigillis,
inscritionibus, l[ite]ris, cubiculoq[ue] regio eundem deferre honorem ex maior[um]
meor[um] instituto ita sum comparatus, ut totam plane vitam, ab ineunte etate in
hisce, peregerim, perpetua quadam animi mei incita, inviolata q[ue] reverentia.
Quid de consanguineis v[est]ris, mihi semper observanda M[ aies]tas, quos semper
ha animi observantia colui, ut V[est]ram Regiam M[aiestat]em in illorum vultibus
inscultam intuerer, amarem et reverer? Nec unq[uam] mea tali reverentia et onore
divelli potuo etiam si millia periculor[um] et mors ipsa mihi foret obeunda. Atq[ue]
at ad rem accedam, a fidelisimo v[est]ro apud summum Turcor[um] Imperato[rem]
orator[em] Thomas Glover ostensae sunt mihi l[ite]rae scialesberiensis comitis
supremiq[uae] v[est]ri cancellarii eo animi sensu conscriptae, acsi Sacra
Serenissimaq[ue] M[aies]tas summopere a me scire exoptet, et se certiorem fieri
iusserit, quid intercesserit inter Madamam Arabellam Stuardam et me, et mirari
vehementer Vestram inquit Regiam M[aiesta]tem quod matrimonium cum ipsa
tentaverim aliquando, nulla accepta venia, ac inscia penitus Ser[enissi]ma V[estra]
M[aiesta]te, cum scirem quo consanguinitatis gradu V[estr]ae Sacrae Serenitati sit
devincta, et eo magis hoc absurdum esse, cum ipse sim Venetijs cuidam aliae
matrimonio coniunctus, expectare insuper Regiam V[est]ram M[aiesta]tem
certiorem per literas fieri, ac plenam ex me veritatem audire, quem adusque
terminum processerim, si quid ipsi spoponderim, si aliquam auri argenti[que]
quantitatem acceperim, quibus personis fuerim usus, et cur iniuriam tali tantaeq[ue]
dominae inferre volerim, et quid in super ultra mihi favoris quid gratiae aut auxilii
sperandum aut expectandum a Regia V[est]ra M[aies]ta ipse mihi ducam, cum talia
ac tanta sim aggressus. In his omnibus M[aiesta]tem Regiae Celsitudinis V[est]rae
expectare certiorem per literas a me fieri. 0 scelesas hominum linguas, o pectora
nefarijs sceleribus et emeritate plena. Quibus omnibus calumnijs cum respondere
sit animus illud priu[s] proferam: omnia ista figmenta summa esse mendacia. Illud
unum inter haec omnia aliquid veritatis habet me aliquando Venetijs cuidamur
graecae mulieri promississe, quae cum fidem non observaret, indecens
indignumque putavi manus sanguine ipsius, ut mos est Italis, imbuere, cum
praecipue libeat per certos recona probatos testes, idest de non observata fide apud
Patriarcam, supremumque totius Graecaeorum gentis iudicem ipsam deferre et, re
ab ipso bene cognita, et perspecta illam repudiare, datoque illi repudii libello, aliam
ducere uxorem, illique etiam fas est alium ducere maritum. Hic gentis graecae, hic
iudiciorum in hac causa publicus eventus, quod et mihi contigit iam, ab annis sex eo
scilicet tempore, quo, carceribus vinculisque per tres annos detentus iussu summi
Turcarum Imperatoris, in arce asiana commorarer multo sciliet ante quam Angliam
vestrosque regious aditus petivi, quod ut pro rato, certoque Vestra ducat apud se
regia Maiestas eiusdem Patriarchae, l[ite]rae, supraemique graecae gentis iudicis
literas secundo iam ex ipsius authenticis libris extractas et maiusculis suae manus
literis obsignatas istis nostris inclusas nec non et vestri fidelissimi oratoris et
or[ator]i galici ac veneti subscriptione firmatas summa diligentia mittendas curavi,
inquibus rei totius per actae veritatem me que non solum vinculo solutum, sed et
alteri con iungi posse et fas esse sole ipso clarius intueri licelit. Sed ad quid est hec
omnia enarro cum mihi ipse in animum induxerim nunq[uam] me uxorem ducere
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dum fortuna mea adversis iactat fluctibus, dumque non fuero a vitam mei
principatus sedem adeptus, nam tunc natalibus meis dignam uxorem a Regia
M[aiestate] Vestra petere non dubitabo.
Sed ut aliud ineam principium et ad illa quae a me expetuntur proprius
accedam, fateor obsequia Madamae Arabellae Sturdae me libenter praestitisse,
invississe frequentius, ipsius eximias virtutes summa attentione contemplatum
fuisse, ipsius suavissimis moribus fuisse delectatum, animi prudentiam mentisque
acumen admiratum fuisse, summo desiderio tantae dominae matrimoniuin optasse
meis natalibus non impare, atque si Deus Optimus Maximus permississet, proposui
aliquando, cum regnum paternum occupassem, illam petiturum, sed deerat
temporis opportunitas. Pro sinde sic expectandum mihi erat et tancendum; sed a
quo petiturum me proposui a patre penes quem ipsius esset facultas, a v[est]ra nem
pe ser[enissi]ma M[aesta]ta qui p[at]ris et d[omi]ni loco suppremam in illam
regiamque obtinet potestatem, nihil igitur inter ipsam, a me quod fas non fuerit
intercessit nihi praeters publicas salutationes et concinna, decentiai modestaque
verba, quae et meo et ipsius natalibus convenirent, nihil quod Ser[enissi]me
V[est]rae Maiestate foret, ut non placeret. Sed adquid hic mentionem de muneribus
faciam cum inter quae subsidijs V[est]rae Sacre liberalissimaeque Maiestatis vitam
duceremus. Aut quid rei hic est cum amicorum interventu, cum et ipsa et ego
perfecte italicum sermonem calleremus, poteramus inter nos nullo intreprete
mentem animumque significare, sed Deum Optimum Maximum testor de nulla re
mentionem incedisse quae foret ut Regiae V[est]rae Maiestati non placeret,
praecipue cum nihil eo temporis adversa fortuna mihi reliquum fecerit praeter
spem quae etiam in vim Serenissimae Vestrae M[aesta] tis erat reposita. Vestigia
tantum virtutum Madamae Arabellae, quae nunquam aboleri poterunt meo pectori
insculpta remansere. Quid de inimicis dicam, qui summa impudentia temeritateque
audent tot in me proferre convitia, a meis natalibus aliena, sed quod magis, dolor
tantae dominae natalibus penitus adversa promisi insuper, et statis, certisquae
verbis et iuramento me ipsum obstrinxi, sicut, et denuo me ipsum obstrigo fore me
fidelem ad mortem usquae vitamque Vestrae Maiestatis auspicijs semper ductorum
vestris subijici legibus et praeceptis, et nihil, non solum operae completurum, sed
nec animi cogititatione obiturum quod non foret ut placeat Regiae Vestrae.
Quae ergo tanta hostium malignorum impudentia? Quare summa temeritatis
et audacia sub tali tantoque principe? Quare, cum sapientissima sit Regia Vestra
Maiestas, non dubbito quin iustissima, unde flagitiosis hominibus, hostibus sceles-
tissimis, qui aliorum quietem temere perturbant enixe peto ut talem indicat
poenam, qualem, ipsorum nefaria facinora, et note infamiae inustae puris
innocuisque hominibus merentur, et postulant? Et quid aliud nisi ut vindicem iram
iustissime Maiestatis Vestrae experiantur, utdiscant obtrectatores pessimi de tali,
ac tanto nobilissime quale est ispius Madame Arabellae, non solum non obloqui,
sed et omnino tacere. Quod si istae non satisfaciunt animo placatissimae Serenitatis
Vestrae, esse in Angliam et in aulam regiam, expeditissimus advolo, obvolutus
genibus Serenimime Maiestatis Vestrae, ut meum purissimum sincerummquae
animum luce clarius demostrem, caputque meum iustissimo Maiestatis V[est]rae
gladio subiiciam, Moldaviae regnum post tergum obmittens pro tante talisque
Madamae fama et honore. Precor igitur iustissimam Maiestatem Vestram ut
existimet maximum esse illius crimen et vindice ira dignissimum eum qui scellera
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confugit et falsa obloquitur ore impudico, Sup lex igitur servus Maiestatis Vestrae
fidelis, fideique meae erga Serenissima Maiestatem Vestram perpetuus defensor et
propugnator, praecor ut vindicem vestram iram venenosissimi hostes experiantur,
et me grato ventorum aspectu intueri meisque istis literis respondere non
dedignetuor.
Datum Constantiopoli, die 23 aprilis 1610.
Sacrae Regiae Maiestatis Vestrae fidelissimus et obbedientissimus servus.
Steffanus Princeps
Fol. 151 Vo.
3.
Illustrissimo signore nostro collendissimo,
Don Stephano Bogdano Despot, Principe di Moldavia Transalpina,
Marchese di Cragiova, Barrone libero di Ianviz, etc.
Per dar relatione alla Ill[ustrissi]na Sig[nor]ia V[ost]ra, i son gionto qui a
Venetia per la Idio gratia et che mi sono racapitate littere di Constantinopoli,
dandone conto della morte di miei adversarii. Impero questa settimana spero di
partirmene. Poiche Idio per la sua gran misericordia consumma et destrugge li miei
adversarii, spero nella sua Divina Maesta di ottenere it nostro paterno dominio.
Per tanto Vostra Segnoria Illustrissima, per la sua solita affettione che porta verso
la persona nostra, sia contento di scriver una lettera all, ambasciatore Glover,
accio che sia vigilante al negotio nostro. Et con questo fine mi raccomando alla
solita sua gratia.
Di Venetia,li 7 febraro 1607.
Di Vostra Signoria Illustrissimo affetuossissimo per servirla.
Steffanus Princepe
Turkei V. S. P.
Fol. 95
4.
All, Illustrisimo mio signore, it signore conte di Salsberi, segretario della
Sacra Corona di Gran Bertagna, consiliere secreto di Sua Maesta nostro signore.
Sacra Regia Maesth Patrone nostro clementissimo,
Don Stefano pugdano Despot, Prencipe di Moldavia Transalpina, Marchese di
Craiova, Barone libero di Ianoviz.
Volendo per debbito nostro dar relatione alla M[aes]th V[ost]ra del nostro
arrivo in questa citta e non potendo not fin hora scrivere ogni particolarith comme
li nostri negotii vadino, dalle lettere del signor cavalerio Thomaso Glover,
ambasciator fidelissimo della Maesta V[ost]ra in questa Porta, alle quali
ciremettiamo, intenders meglio li particulari, sperando in Dio che fra pochi giorni
con it favore delle lettere della Maesta Vostra, qual lettere per pih riputatione
saranno presentate di mano propria del sodetto ambasciator Glover in mano de
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Gran Turco, otterremo it nostro paterno stato. Per it che, mentre vivremo, saremo
obligatissimo alla Maesth Vostra, si come noi procuraremo dimostrarcelo in tutto it
tempo della vita nostra fidele et obbediente. Cosi supplichiamo la Maesth Vostra di
non abbandonarci con la sua solita dementia. Di Constantinopoli, li XVI di giugno
1608.
Steffan() Principe
Turkei VI, S. P.
Fol. 33..
5.
Serenissima Maesth Patrona Nostra Clementissima.
Don Stefano Bugdano Despot, Prencipe di Moldavia Transalpina, Marchese di
Craiova, Barone libero di Janoviz.
Essendo debbito nostro, come quel fedel servitore che consecrassimo alla
Maesth Vostra Serenissima la nostro servitu, darglie conto che siamo gionti in
questa Porta, et, non potendo scriver tutte le particolarith come passino li nostri
negotii, et sapendo noi che alla Serenissima Maesth Vostra era stato detto che si
trattava dell'impossibbile et che era cosa improbabbile che potessimo ottenere it
nostro paterno stato, hora le diciamo che, piacendo at Signor Iddio, con it favor
delle lettere della Serenissima Maesth del re della Gran Bertagna, nostro Sig[no]re,
quaff per piu reputatione del negotio saranno dal signor ambasciator Glover
presentate in mano del Gran Turco, esperiamo in posseso, sendo le cose molto ben
disposte, come da altre nostre littere che a quel'hora scriveremo alla Maesth Vostra
Serenissima: intenders, con le quali la pregaremo, come con la presente la
preghiamo, di prevalerse della persona nostra, come di un suo fidelissimo servitore,
accio possiamo mostrarle, se le nostre offerte riusciranno, come ce le dedicassimo
mentre ci ritrovavimo da Vostro Maesth Serenissima, alla quae facciamo
humilissima riverenza, supplicandola conservarci nella sua pristina gratia. Di
Constantinopoli, li XVI di gugno 1608.
Steffano Principe
Ibid., fol. 35
6.
Illustrissimo Signore, Amico nostro osservandissimo,
Don Stefano Bugdano Despot, Prencipe di Moldavia Transalpina, Marchese di
Craiova, Barone libero di Ianoviz.
Mancaressimo... primo conto del felice arrivo nostro in questa Porta a Vostra
Sig[nor]ia Ill[ustrissi]ma, ancorche si[...] trattenimentohavuto da quelli Prencipi
germani, quel trattenimento e stato contro it voler nostro, non potendo far demeno,
dicendo a Vostra Signoria Illustrissima che le littere della Maesta del Redella Gran
Bretagna, nostro signore, non sono state ancora presentate, havendo prima voluto
dispor bene tute le cose, et poi dall, Illustrissimo s[ign]or ambasciator Glover, per
maggior riputatione, saranno presentate in mano proprie del Gran Turco, et,
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perche dalle l[ette]re che detto sig[nor] ambasciator scrive a Sua Maiesta intenderh
tutte le particolarith, per non tediarla, ce remetteremo a quelle, pregando Vostra
Signoria Illustrissima di conservarci nella sua solita gratia et affettione et spesso
tenerci ricordato presso Sua Maesta, nostro patrone. Con qual fine nella solita
gratia di Vostra Signoria Illustrissima ci raccommandiamo.
Di Constantinopoli, li XVI di giugno 1608.
Steffano P[rincipe].
Ibid., fol. 37
7.
Illustrissimo Signore, Colendissimo
Don Stefano Bugdano Despot, Prencipe di Moldavia Transalpina, Marchese di
Craiova, Barone Libero di Ianoviz.
8.
Sacrae Regiae potentissimae utriusque Britaniae
Maiestati, nostro clementissimo, serenissimoque domino.,
Don Stephanus Bugdanus Despot, Moldaviae Transalpinae Princeps, Marchio
Craiovae, liber Baro di Ianuiz.
Luce ipsa carius est me, Stephanum Moldaviae Principem, Maiestati Vestrae
ex animo, institutoque famulari et, ut libenissime spopondimus, vobis vestrisque
regiis iussis semper militare vobisque et vestro nutui vivere et mori, dummodo
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Vestra Regia Maiestas iubere dignetur. Nunc -pro nummorum egregia illa copia,
quam suo fidelissimo oratori Thomas Glover perscripsit, quae impendi deberet pro
recuperatione avitae nostre sedis ed iterum restitui Sacrae Vestrae Maiestati juxta
sponsionem a nobis factam, pars una ipsorum nummorum depositi loco data est
cum multo maiori summa, quam nobis amici hic monsulmani iam diu statuerit quod
Principatus Moldaviae et Transalpinae mutentur, et principes qui hodie
dominantur illis regionibus aliis cedant. Expectant tamen Ali Bassa, Budae
praesidentem, nostrum non solum familia rissimum, sed eum quo etiam in arte
militari conviximus simulque eidem Imperatori Turcarum militavimus. Speramus
Dei omnipotentis nutu nos omnia quae desideramus facile consecuturos et ex eo
praecipue quo fidelissimus vester orator Thomas Glover, vligiliis, erumnis,
laboribus defatigationibus que continues pro[pre] tanta obtinenda minime parcit
iuxta praeceptum mandatumque Serenitatis Vestrae. Tantum hoc Serenissimam
Maiestatem Vestram scire ac cognoscere vehementer expotamus quod copia illa
nummor[um] a Maiestate Vestar in hunc usum erogatorum frustra nunquam
impendetur. Interim tantum Regiae Maestatis Vestrae exoro ut literas pro hoc
nostro negotio huic Imperatori Turcarum denuo mittere dignetur, et, si de
successibus huius Imperii nihil Maiestati Vestrae scribimus, est quod fidelissimus
orator Thomas Glover continuo hoc facit, et genua pedesque Maiestatis Vestrae
supplices obvoluti exosculamur. Datum in civitate Constantinopoli's, ex edibus
fidelissimi oratoris praedicte Maestatis Vestrae, die 13 ianuarii, anno a Nativitate
Domini Nostri Iesu hr[isti] 1610.
Sacrae Regiae Maiestatis Vestrae
Servus fidelissimus
Servicio paratissimus
Stephanus P[rinceps].
Ibid., fol
9.
Addi 30 Novembre 1610, in Constantinopoli.
Io Vincentio Marino sono venuto dia mia propria volunth nella casa dell
Illustrissimo signore ambasciattore inghlese it signor Thomaso Glover, et, essendo
prima frate, ho butato l'habbito della religione papista et per gratia dell signore
illustrissimo ambasciattore m'ha dato due mute di drappi et m'ha fatto dar
elemosina dalli signori inghlesi 40 tallori, et ho predicato l'evanghelio tre volte in
casa sua segondo rito inghlese contro li papisti; doppoi vinti giorni sono stato
chiamato per parlar con due Padri Iesuiti, li quali m'hanno persuaso a scriver una
lettera al Papa raccommandando me a Sua Santita, domandando perdono di quello
errore che io ho predicato contra Sua Santita. Dopoi alquanti giorno essendo
capitato un Spagnuolo in casa dell, Illustrissimo ambasciattore quale si dava all
detto Illustrissimo signore ambasciattore che era Italino ciicendo che volea
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tratenersi alquanti giorno in che passasse in Italia col primo passagio, et, havendollo
io Vincentio sopra detto scoperto per Spagnuolo et per mal huomo et spia, he)
andato et l'o accusato al subassi di Gallata, et lo detto subassi mi volea dar 50
ducatti, et io non li volsi accetare, ma solamente mi contentava che fusse preso, et
per tal effetto lo menai io sopra d[etto] Vincenzo fuor di casa del Signor
lllustrissimo ambasciattore, et, trovando fuori li Turchi, lo presero per mio ordine
havendomi (sic) et di pia it sopra detto subassi et altri Turchi m'hanno persuaso che
io andassi in Divano del Gran Signore et diventar Turco hora. Il signor Illustrissimo
ambasciattore havendo scoperto questo tratato che io trattava con li Turchi et
dimbrando ancora qualche volte con donne turche, et non solamente io, ma
havendomi tentato it diavolo di menar in mia compagna giovani christiani per haver
da fare con Turche, et questo errore confesso haver fatto con mia volunta propria.
Et ho fatto questo scritto de tutti li mei errori et appresentato al signor
Ill[ustrissi]mo ambasciattore questa mia scrittura, cinsegnandola in sua mano
propria in presenza del eccellentissimo Principe de Moldavia et altri ritrovanti
signori. Io, Vincenzo Marino, ho scritto la presente di mia mano propria.
We the underwritten testify and approve that the above written is the true
coppy of Vincenzo Marino his own handwritting and besides that in our presence
that only by words of mouth confessed the verie same within written subiect, but
manie other moste grosse crimes he hath and would have comitted if tyme and
occasion had suffered him.
George Dandford. Nat li Butler.
Roger Britridge. Sampson Xenopoth.
Edward Kirlepan. Mathias Nlyert (?)
Thomas Lambe. James...
Lames Kollok. Richard Methward.
Walter Yonnye. William Dercho.
Sidney Willonghbie. Edw. Stringen.
Henry Leake.
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rebusque pro vota feliciter succedentibus, dicto Stephano Bogdano patriam
eiusdem (quod Deus benigne concedat) restituendam duximus eidemque fide
nostra principali spondemus. Nos totis viribus, omni auxilio eundem promovere et
tueri studebimus ac modo ad Nos venire properet, neque ipsum Stephanum
Bogdan, neque barones familiares aut servos suos ad manus quorumpiam
trademus, sed in nostram specialem protectionem et tutelam recipiemus prout
assecuramus, affidamus at que certificamus hac nostra mediante. Datum in civitate
nostra cibiniensi, die duodecima mensis maij 1611.
Gabriel Princeps.
Locus sigilli.
Fol. 227 recto: Copy of the (lettere) Prince of Transilvania hath given to Stephano Bogdan,
Prince of Bogdania.
8.
Gabriel, Dei gratia Transilvaniae, Valachiae Transalpineque princeps,
partium regni Hungariae dominus et Siculorum comes.
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sibi persuadeat in nostram constanter recipiemus tutelam Qua de re litteras nostras
assecuratorias singulari vinculo necessitudinis v[es...]tre signatas dedimus ad
Stephanum Kevveosy, oratorem n[ostrum], Portae Splendidae Suae Caesareae
Maiestatis continue inhaer entem. Igitur Illustrissima Dominatio Vestra rem
vehementer etiam atque etiam sollicitet ut Turcarum ac Tartarorum praesidium
acceleret, ne nobis occasio praecipiatur affulgens. Eadem Illustrissima Dominatio
Vestra foelicissime florentissimeque valeat. Datum in civitate nostra cibnieniensi,
die tricesima mensis mai anno Domini 1611.
Illustrissime Dominationis Vestrae benevolus
Gabriel Princeps.
30 Mai 1611: Mustrissimo Domino Stephano Bogdan, regni Moldaviae legittimo heredi ac nobis
observandissimo.
Fa 228.
11.
Sire,
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vouldront jamais cognoistre ny recepvoire pour prince, dont j'espere s'esuivera que
ce qu'avecque grande peine et despences on n'a peu mener a bout, par la
Providence divine reussira a nostre contentement sans que Nous Nous y penssions.
Sire, vos premiers faveures et liberalites a mon endroict m'ont donne la
hardiesse, presumant en votre clemence ordinaire, de vouloir aggrandir l'obligation
que je doibs a Votre Majeste pour une seule requeste, c'est que, voyant que
l'ambassadeur de Votre Majeste en ceste Porte s'est sy fidelement employe en ceste
affaire qu'il se soit engage de tout son bien pour plus de trante mille cequins en
Vostre service, a mon occasion, it plaise a Votre Majeste de sa compassion royale
de le vouloire soulaiger en quelque partie de ses sy grandes pertes, en luy remettant,
s'il luy plaist, ces dix mil escus que Votre Majeste avoit avance pour me fair obtenir
ma Principaute; quoy faisant, oultre que Votre Majeste obligera perpetuellement
ung pauvre infortune Prince comme moy, je m'oblige de plus, sy jamais Dieu me
donne la grace de retourner en mon pals, de le payer fidellement avecque le droict
annuelle de quoy je me suis oblige a Votre Majeste, esperant que votre royale
splendeur, claire par tout le monde en ces vertus, et par moings singuliere et
signal& en celle de la liberalite (vertu la plus convenable aux Princes), ne
permetera par la clairete de sa benignite de s'eclipser a l'endroict des siens, et telles
principalement qui se sont fidelement employes au service de Votre Majeste. Je fais
fin et prie Dieu, Sire, de vous conserver en longue et heureuse vie et vous donner
le comble de toutes felicites avecque l'accomplissement de tous vos royales desires.
De Votre Majeste
Tres-humble et trios-obeissant et trios -fidele serviteur.
Stephanus Bogdan Despot, legitimus princeps Moldavie.
Constantinople, le XVI-me de Novembre 1611.
Monsieur,
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seigneur Thomas Glover, ambassadeur pour Sa Majeste icy, pour promover nostre
cause, n'y ayant pas seulement employe de dix mille escus de Sa Majeste, mais aussi
plus de trante mille cequins du sien propre, lesquels, combien que l'affaire jusques
icy soit mal reussye, it avoit aussi despense ou service de Sa Majeste, mais de cela it
n'en pretend nulle recompense. Seulement ce en quoy je tacherois d'aggrandir
l'obligation que je vous doibs c'est de vous prier, Monsieur, d'avoir esgard aux
grandes pertes qu'il soutient pour avoir voulu avancer le service de Sa Majeste.
C'est un cas de conscience, et j'espere que Vostre Grandeur Comme ,seigneur
benigne et liberal, ne manquera pas tart plus a nostre humble intercessions
d'interceder aupres de Sa Majeste afin qu'il luy plaise de sa liberalite royale de luy
quitter ces dix nulle escus qu'il a despences . Sa Majeste, voyant la grand somme
qu'il a adjouste du sien, je n'en doubte point que Vostre Grandeur ne se cache pas
qu'on peult rien faire en se payer sans despense, et espere que Votre Grandeur,
considerant l'esquite de nostre humble resqueste, ne laissera pas obliger un
infortune prince, qui n'espargnera pat son sang en votre service, quand l'occasion
se presentera. Avec cecy faisans fin, je prie a Dieu, Monsieur, de vous conserver en
longue et heureuse vie a sa glorie, le salut de notre ame et bien de touts les fidels
sujects de Sa Majeste. Vous baisant tres humblement les mains, je demeure,
Monsieur, votre tres affections serviteur
Stephanus Bogdan,
Legitimus Princeps Moldaviae.
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1. See C.J. Jyrecek, Die Heerstrasse von Belgrad nach Constantinopel und
die Balkan-passe, Prague 1877, and J. Nistor, Die auswartigen Handelsbeziehungen
der Moldau im XIV, XV und XVI Jahrhundert, p. 83 sqq.The continuation
appeared as Handel und Wandel in der Moldau bis zum Ende des 16. Jahrhundert,
CernAuti 1912. His studies under the title: Dans Moldauische Zollwesen im 15. und
16. Jahrhundert, in Schmoller's Jahrbuch fiir Gesetzgebung, Verwaltung und
Volkswirtschaft im Deutschen Reiche", 1912.
2. My Philippe de Mezieres et la croisade au XIV-e siecle, pp. 269,279,334,
366; Hurmuzaki, Documente XV, 1912, pp. 1821-1822, no. II.
3. Rymer, Foedera, 3-d edition, IV, 4, p. 1928; VI pp. 7-8.
4. My Geschichte des Osmanischen Reiches, III, pp. 252-253.
5. Purchas his pilgrimes, 1625, chapter IV, p. 1420; Beza, in the English
historical review", XXXII, pp. 278-279.
6. The principal navigations, voiages, traffiques and discoveries of the
English nation, etc., by Richard Hakluyt, ed. 1598, II, 2, pp. 196-198 (new edition
1809-1811; third recently by Dent in London; these pages in my volume XI of
Hurmuzaki, Documente, XI, pp. 194-195, No. cccxx).
7. lorga, Actes et fragments, I, pp. 37-39.
8. Hurmuzachi, XI, p. 632, note 2: one of his agents was killed, 1579, in
Constantinople.
9. Hurmuzaki, XI, p. 632, note 2.
10. Ibid., p. 651, no. LXXXIX; Hakluyt, I, pp. 320,436.
11. Hurmuzaki, XI, p. 822: 30 Martii. Kam ein Engellender Kauffman hiher:
schicktt ime auff Befel ein Mall grienn Fisch, Weinn, Czippo".
12. Hakluyt, II, pp. 289-290; Hurmuzaki, III, part. 1, p. 108, no. CXIV; p. 122,
no. CVII.
13. My Hurmuzaki, XI, p. 776, note 2; my Gesch. Des Osmanischen
Reiches, III.
14. Hurmuzaki, XI, p. 744, note 2; p. 750, note 1.
15. Ibid., p. 309,. no CCCXXXV; pp. 316-367, no. CCCCXLVI.
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16. Brown, l'Oc. cit., pp. 41-42, No. 89; pp. 44-45, No. 96; p. 58,'W 131;4):407,
No. 221; p. 114, No. 237; p. 140; Hurmuzaki, III, letters from 10 July, 10 August
1592,14 February, 2 October and 22 November 1593. Barton was to present himself
before the Turkish judges, as pledge of the Moldavian prince Aaron, against the
heirs of a merchant Charles Elman, Venetian subject, who was one of Aaron's
creditors; Brown, p. 128 sqq. For a belt of smaragds pledged for other smaragds, a
jewelled sword, a dagger etc., ibid., p. 130, no. 289.
17. Wolfgang Beth len, Historia, IV, pp. 274-278 (after the notes of the agent
Peter the Armenian).
1.8. Hurmuzaki, XII, p, 35, no. LXXXIV; then pp. 54-55,69-74.
19. Credentials in Hurmuzaki, III, part. 2, pp. 158-159. No. CLXXVIII;
pp. 304-305, No. CCCLIV (false date; briefly after another ms. in Hurmuzaki XII,
pp. 112-113, No. CLXXX; cf. ibid., pp. 193-194, No. CCXCVI). Barton had
relations to Italians who were employed in the commerce of furs through the
principalities: Sebastiano and Luciano di Biagio. He intended to buy in
Transylvania a coach and horses for his voyage with the Sultan. Cf. also p. 194,
note 1.
20. Ibid., pp. 239-240, no. CCCLIII.
21. Ibid., pp. 243-244, no. CCCLIX. Cf. ibid., p. 290, note 2; p. 230.
22. Ibid., pp. 297, no. CCCCXLIII.
23. Ibid., p. 260; Brown, loc. cit., p. 262, No. 559.
24. Ibid., p. 269, No. 577. The Barton's letter (5 may), ibid., pp. 268-269, No. 576.
25. Ibid., p. 272, No. 585.
26. My Hurmuzaki, XII, p. 329, No. CCCCXVII; Brown, loc. cit., p. 303,
No. 643; p. 304, No. 647 (cf. Hurmuzaki, III, pp. 518-520). The letters of the vicary,
ibid., XVIII; cf. vol. XIX, at the same date.
27. Ibid., XII, p. 451, No. DCCVI, DCCVIII; p. 457, No. DCCXIX; p. 479,
No. DCCLXI; p. 480, No. DCCLXII; p. 558, No. CXXII. He was disposed to take
the common way through Danzig; ibid., pp. 521-522, No. DCCCXXXV-VI.
28. Cf. Andrew Veress, Relationes Nun tiorum Apostolicorum in
Transilvaniam missorum a Clemente VIII, Budapest 1909, pp. 84, 86, and my
Geschichte des Osmanischen Reiches, III.
29. Purchas his pilgrimes, II, chap. VIII. A new edition of the notes was given
recently. In American history Smith is a foremost personality.
30. Hurmuzaki, XII, p. 644, No. MN.
31. Barbier de Xivrey, Lettres missives de Henry IV, III, pp. 430-431;
Hurmuzaki, Supplement I, part 1, pp. 107-108. Two letters of him in my Actes et
fragments, I, pp. 40-42. Cf. my essay on the Pretenders", Memories of the
Roumanian Academy", XIX, p. 229 sqq. another on the oriental adventurers in
France, 16-th century" in the French Bulletin of the same Academy, 1930.
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32. He visited Amsterdam, Hurmuzaki, XI, p. XCIV and note 7. Cf. ibid., pp.
199-200, No. CCCXXVIII; p. 294-295, No. CCCXXXIII; pp. 239-242; p. 243, No.
CCCXXXIII; p. 709, note 1. cf. ibid., XII, p. 107, No. CCXV.
33. Venetian reports in Hurmuzaki, IV, part 2; our Pretenders", loc. cit., p.
251 sqq.
34. Hurmuzaki, IV, part 2, pp. 262-263, No. CCXXXVI.
35. Papiu Harlan, Tesauru de monumente istorice, III, Bucharest, 1860, p. 46.
36. Papiu Dalian, loc. cit., pp. 49-50.
37. The documental proofs in the appendix, No. I.
38. Hurmuzaki, IV, pp. 415-416.
39. Ibid., part 2, p. 209.
40. Ibid., pp. 304-305, No. CCCVIII; my Studii Ii documente, XX, p. 379, No.
CCCXIV p. 384; No. CCCXIV pp. 496-497, No. XVI.
41. Hurmuzaki, IV, part 2, p. 308 sqq; Brown's Calendar (1601-1613), Nos
134, 173, 239, 242, 318, 344, 368.
42. Hurmuzaki, IV, part 1, pp. 444-446, No. CCCLXXIX.
43. My Studii Si Documente, IV, pp. 157-158.
44. Hurmuzaki, Suplement I, part 1, p. 135.
45. Ibid., IV, part 2, p. 333, No. CCCXXXV.
46. Hurmuzaki, IV, part 2, p. 319, No. CCCXXVII; my Pretenders", p. 78.
47. Hurmuzaki, IV, part 2, p. 331, No. CCCXLIII. Cf. Iorga, Gesch. des osm.
Reiches, III, p. 393 sqq; Brown, loc. cit., No. 405, 444-445, 457.
48. Hurmuzaki, IV, part 2, pp. 332-338; Supplement I, part 1, p. 14; our essay
on Elisabeth, wife of Jeremy MovilA, in the Memories of the Roumanian
Academy", XXXII, p. 1053 sqq.
49. Beza, in the English Historical Review, XXXI, pp. 277-278.
a) J. Botez in the review Via fa Romfineasca of Jassy, 1915, p. 399.
b) Encyclopaedia Britannica, XXV, p. 1048. The documents recently
discovered by miss Elvira Georgescu are published in the Appendix.
50. My Actes et fragments, I, pp. 63, 194. He was asked for searching in
Constantinople the deliverance of the Polish prisoners gained by the Turks in their
campaign of Moldavia, 1620.
51. Beza, loc. cit., p. 278.
52. Cornelio Magni, Quanto di pih curios() e vago hb potuto racorre etc.,
Parma, 1678, pp. 51, 116-117, 119, 122 Cf. Barozzi and Berchet, Relazioni al senato
veneto, II, pp. 173-174, 230 sqq.
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53. Mss. Egerton, in the British Museum, 1042, fol. 156-158; published by M.
Gaster in the review Archiva societ5tii tiintifice i literare din Iai" p. 233.
54. Beza, loc. cit., p. 280.
55. My Actes et fragments, I, p. 304, year 1695.
56. Edmund Chishull, Travels in Turkey and back to England, London, 1747,
reprinted for this part in my Revue historique du Sud-Est Europeen", vol. I, p.
402.
57. But cf. Chishull, in the Revue", p. 405.
58. Chishull speaks of a toast for the Sultan, the second for the German
Emperor, the third for the English Queen.
59. A visit to the new convent of Cotroceni, p. 406. The description of
Bucharest, p. 408.
60. The description given by Chishull is published, as said, anew by me in my
"Revue historique de Sud-Est Europeen", I.
61. The proofs in Nicholas Nilles, Symbolue ad illustrandam historiam, II etc.
62. Chishull visites the convent of Dealu.
63. Chronicle of Radu Greceanu, Viata lui Constantin Brancoveanu,
pp. 111-114.
64. My Actes ct fragments, I, p. 309.
65. Ibid, I, p. 348.
66. Hurmuzaki, Supplement I, part I, p. 517, No. 755.
67. Ibid., p. 516, No. 753.
68. Iorga, Actes et fragments, I, pp. 353, 355, 358, 360, 369.
69. Turkish: sons of princes.
70. Chronicle of Alexander Amiras, in Kogalniceanu, Letopisetele
Moldovei, III, p. 172.
71. Voyages depuis St. Petersbourg en Russie dans diverses con trees de
l'Asie, III, Paris, 1766; Codrescu, Uricariul, XXIV, Jassy, 1895, pp. 215 sqq.
72. Cf. Hurmuzaki, Supplement II, pp. 608 sqq. 655. The Prussian king tried
to bind commercial relations with the Turks through the medium of the English
Ambassador, ibid., p. 701.
73. Ibid., I, pp. 709, No. 1002.
74. Add. mss. 6808, fol. 65; 6851, fol. 85, published in my Actes et fragments,
I, pp. 377-378.
75. Giornale di un viaggio da Constantinopoli in Polonia, Bassano 1784;
Codrescu, Uricariul, XXIV, p. 255 sqq.
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76. Pp. 281, sqq; Iorga, Documentele familiei Callimachi, I, p. 20, No. IX
Cf. vol. II, pp. 288 -289, 291 -292; ibid., p. 445, No. 68.
76 a. Ibid., p. 446, No. 79.
77. Sir George Larpent, Turkey, its history and progress, London, 1854, I, pp.
375 sqq., apud Beza, loc. cit.., p. 281.
78. Roumanian translation from Russian by Serge Pletcheev (published at
Petersbourg in 1776 and 1778), in Hasdeu, Archiva Istorica, I, pp. 183-191. The
English original could not be obtained by me.
79. British Museum, B. IV, 7, in my Actes et fragments, I, pp. 380-382;
British Museum, R. II, 178. Cf. my Actes et fragments, I, pp. 375-377. See also my
"Hurmuzaki ", X, Preface.
80. Hurmuzaki, Supplement, I, part. I, pp. 808,868.
81. Cf. Hurmuzaki, Fragmente, V, pp. 266-267; my Actes et fragments, II, pp.
33-34,76.
82. My Documente Callimachi, II, pp. 274-275.
83. Ibid., p. 277, No. 98 sqq.; p. 309.
84. Ibid., p. 302, No. 158.
85. Voyages de Milady Craven a Constatinople par la Crimee en 1786, Paris,
1789. A new edition was just published.
86. Pp. 225-226.
87. Ibid., p. 260.
88. Pp. 298-299.
89. My Actes et fragments, II, pp: 260-261.
90. Ibid., p. 301.
91. Ibid., p. 306.
92. Travels through some parts of Germany, Poland, Moldavia and Turkey,
London, 1818.
93. Travels in various countries of Europe, Asia and Africa, London,
1810-1823, II, p. 582; cf. Beza, loc. cit., p. 282.
94. My Actes et fragments, II, p. 394, No. 3.
95. Ibid., II, p. 431.
96. Ibid., p. 527.
97. Ibid., p. 200.
98. Wilkinson, An Account, p. 283.
99. My "Hurmuzaki", X, p. 411, note 3. Cf. p. 199 sqq.
100. French translations, 1821,1824,1831. An Italian account, Milano, 1821.
At Craiova Lorenzo Giacomelli was both "stamste" of England and France.
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101. My "Hurmuzaki", X, p. 67, No. 83, Cf. ibid., I, p. 83, No. 110.
102. P. 5 and note.
103. Pp. 27-28.
104. P. 40, note.
105. P. 16.
106. P. 98.
107. Pp. 130-131.
108. Pp. 265-266.
109. Ibid., pp. 79-82.
110. Ibid., p. 85.
111. Travels in Georgia, Persia, Armenia, ancient Babylonia etc., during the
years 1818, 1819 and 1820, 2 vol., grand in 8, London, 1822.
112. Journey, from Moscow to Constantinople in the years 1817, 1818,
London 1819.
113. P. 155.
114. P. 168 sqq.
115. Pp. 178-179.
116. The signature of Wilkinson in my Hurmuzaki, X, p. LXV.
117. Hurmuzaki, X, pp 138-139, No. 182. His brother was Austrian consul at .
Saloniki.
118. Ibid., p. 145, no. 190. Cf. p. 159, No. 200.
119. Ibid., p. 155, No. 208.
120. Ibid., pp. 177-178, No. 241.
121. Ibid., p. 424.
122. Ibid., p. 350, No. 416.
123. Ibid., p. 355, No. 424. Cf. p. 357 No. 429; p. 363, No. 436; p. 364, No. 438;
p. 365, No. 440.
124. Ibid., p. 368, No. 444; p. 376, No. 458.
125. Ibid., p. 443, No. 535. Cf. Ibid., p. 449, No. 541; XVII, p. 56, No. 60.
Cf. p. 90, No. 129.
126. Ibid., pp. 182,279, Cf. p. 230, No. 359; p: 276, No. 416.
127. Ibid., X, p. 461, No. 563.
128. Ibid., XVII, p. 333.
129. Voyage en Turquie et a Constantinople, French translation, Paris 1828;
2d. edition 1854; Germain, 1828; Dutch 1829.
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130. Calendar "Cazania" of Gorjan, year 1856; reproduced in my Revista
Istorica, I, p. 136. sqq. - Some of these ideas also in the memoirs of Bois-le-Comte,
Hurmuzaki, XVII.
131. Hurmuzaki, ibid., p. 374.
132. Ibid., p. 381.
133. Ibid., p. 435; Cf. ibid., p. 662.
134. Ibid., p. 421. Later on a Bosi, a Scotto, represented in Piatra, in
Botoani, the English interests also, ibid., pp. 660,676.
135. Ibid., p. 440.
136. Ibid., p. 512.
137. Ibid., pp. 513-515.
138. Ibid., pp. 652, No. 651.
139. Ibid., p. 465.
140. Ibid., p. 600.
141. Ibid., pp. 622-623, No. 634. Cf. ibid., pp. 625,627, No. 638.
142. Ibid., pp. 634 sqq.,628 sqq.
143. Ibid., p. 636.
144. Ibid., p. 638, No. 642.
145. Ibid., p. 660, No. 657.
146. Ibid., p. 665, No. 660.
147. Ibid., p. 681, No. 671; p. 709, No. 693; pp. 679-680; p. 722, No. 706.
148. Published by us in french, "Memoires of the Roumanian Academy",
literary section, XXVIII, p. 250 sqq. Cf. lorga, Studii qi documente, VIII, p. 164
No. 198 (and pp. 100-101, No. 164).
149. Hurmuzaki, XVII, p. 683, No. 673.
150. Ibid., p. 706, sqq.
151. Ibid., p. 707.
152. The role of the vice-consul of Jassy, Gardner, was by far less important
(but see ibid., p. 665, No. 660).
153. Ibid., p. 718, No. 703.
154. Ibid., p. 729.
155. Ibid., p. 720, No. 705.
156. Ibid., pp. 727-728, No. 713.
157. Ibid., pp. 729-730.
158. Ibid., pp. 733-734, No. 717.
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159. Ibid., p. 739, No. 720.
160. Ibid., p. 738.
161. Ibid., p. 732, No. 717.
162. Ibid., pp. 739,742,743,764,769.
163. Ibid., pp. 803,804, No. 778.
164. Ibid., p. 750, No. 733. Colquhoun was in June at the baths at Mehadia;
ibid., p. 743, No. 725.
165. Ibid., pp. 755-756, No. 738. He published also Coup d'oeil sur l'etat
des populations chretiennes de la Turquie d'Europe", De l'etat present et de
l'avenir des principautes de Moldavie et de Wallachie" (1839) and, in his old age, a
pamphlet Nationalite et regeneration des paysans moldo-vallaques" (Paris, 1862).
166. Ibid., pp. 778-779, No. 758.
167. Ibid., p. 808, No. 782.
168. Ibid., pp. 804-805, nos. 770-780. Cf. ibid., p. 809, No. 782.
169. Ibid., p. 771.
170. Ibid., p. 774, No. 754.
171. Ibid., p. 781.
172. Ibid., p. 783, No. 761.
173. Ibid., p. 789, No. 766-767; p. 792, No. 769; pp. 812-813, No. 786;
pp. 814-815.
174. Ibid., p. 824, No. 795; p. 825, No. 797; p. 831 sqq.
175. Ibid., p. 835.
176. See our Histoire des relations entre la France et les Roumains, p. 118 sqq.
177. Hurmuzaki, XVII, p. 928.
178. Ibid., pp. 1035-1036.
179. Ibid., pp. 1036-1037, No. 975. On an oficial voyage of Colquhoun in
Moldavia, ibid., pp. 1038-1040, No. 978.
180. Ibid., p. 1088, No. 1026; p. 1089 sqq.
181. Ibid., pp. 1094-1095, No. 1053.
182. Ibid., p. 269.
183. Anul 1848, I, pp. 244 sqq., 257 sqq., 261 sqq.
184. Ibid., p. 279. Later Cunningham was to preside the committee for
maintaining the order in Braila; ibid., pp. 660-661.
185. Ibid., I, p. 338.
186. Ibid., II, p. 645.
187. Ibid., p. 605.
188. Ibid., pp. 607-608.
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189. Ibid., p. 610. On the 16-th (28-th) June Colquhuon was sure the Cossaks
will arrive; p. 625. A very friendly letter of him against the old boyars Ibid., p. 665.
190. A memoir of Ghica addresed to the ambassadors of France and
England, ibid., II, pp. 197-201.
191. Ibid., p. 445.
192. Ibid., p. 677 Cf. ibid., p. 686.
193. Ibid., IV, pp. 31-32.
194. Ibid., last volum, pp. CX-CXI
195. Ibid., IV, p. 351, sqq. Cf. ibid, pp. 373-374.
196. Ibid., IV, p. 325.
197. Ibid., pp. 69, 381-382; V, pp. 415, 547.
198. Ibid., N, p. 349.
199. Ibid., pp. 425, 449; V, pp. 164, 303, 659; VI, p. 246, note 1.
200. Ibid., p. 13.
201. Ibid., IV, pp. 537-538, 573, 583-584, 585, 601; V, p. 90.
202. Ibid., p. 760.
203. Ibid., pp. 382, 389, 419-421. The Cossaks did arrest the merchant
Asprea; p. 419. Protest of Colquhoun for a quarrel in Braila in the time of general
desarmment; pp. 470-471, 492-493.
204. Ibid., pp. 421-422.
205. Ibid., pp. 486-488; cf. ibid., p. 489.
206. Ibid., p. 565. sqq.
207. Ibid., p. 568.
208. Ibid., p. 567.
209. Ibid., p. 710.
210. Ibid., VI, pp. 147-150.
211. Ibid., p. 156.
212. Sturdza and Skupiewski, Actes et documents, IX, pp. 1-4.
213. Ibid., p.
214. Ibid., pp. 13-14.
215. Ibid., pp. 84-87, 90, 133, 173, 215.
216. Ibid., VIII, pp. 123 sqq., 145.
217. Ibid., VII, p. 60; IX p. 51 sqq. Cf. Anu11848, V, p. 678.
218. Sturdza and Skupievski, IX, p. 275.
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219. Xenopol. Domnia lui Cuza-Voda, II, p. 273. To the Turks was given the
counsel not to risk a military intervention; ibid., p. 274.
220. On the affair of the Servian weapons which passed though Roumania,
1863, and the commanding intervention of Bulwer, as ambassador in
Constantinople, Xenopol, Cuza-Voda, I, p. 247 sqq.
221. The old diplomatist was nevertheless to speak, may 1876, for the
confessional parity in Turkey, comprised in the decrets of 1853, which was
provoked by his influence; A us dem Leben King Karls von Rumanien (will be cited:
"Charles I-st), III, p. 54. For the action of the consul in Budapest ibid., I, p. 119 sqq.
222. Ibid., II, p. 283. Cf. ibid., pp. 144, 178.
223. Ibid., p. 203.
224. Ibid., II, pp. 333, 340.
225. Ibid., I, p. 186.
226. Ch. Vogel in the Revue des deux mondes, 1875, p. 426.
227. Sturdza and Skupiewski, II, pp. 227, 412.
228. Ibid., I, pp. 218-219.
229. Ibid., pp. 265, 268.
230. Ibid., p. 308.
231. Ibid., p. 388 sqq; cf. pp. 390-391.
232. Xenopol, Cuza-Voda, I, p. 274, note 43.
233. Our Politica externa a lui Carol I. For the project of a commercial
convention, Carol I, II, p. 64.
234. Mission of Demeter Bratianu to London for this scope in the first month
of 1879.
235. Bratianu and Kogainiceanu, presented to Beaconsfield, obtained only
this answer: "In politics the ingratitude is oftentimes the reward for the best
services"; Charles I, IV pp. 74-75. Cf. ibid., p. 128.
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CONTENTS
Chapter L
Occasional intercourse before the XVII century 227
Chapter II
English travelers in the seventeenth century 245
Chapter III
English visitors in the days of the phanariots 253
Chapter IV
The period of roumain national revival 281
344
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HISTOIRE
DES
RELATIONS RUSSO-ROUMAINES
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Ce livre a ete publie d'apres la premiere edition: N. Iorga
Histoire des relations russo-roumaines,
Inprimerie Neamul Romanesc; Iassy, 1917.
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CHAPITRE I
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Du reste ces theories sont completement controuvees. Et ce
n'est pas un autre inter& politique qui les repousse, mais seulement
la verite des faits, constatee, it est vrai, par une methode qui n'est pas
celle de M. Hrouchevski et de ses eleves et amis de Galicie.
Les anciens Daces, comme leurs congeneres, les Getes, etablis
sur les rives 'names du Danube, alors que leurs fretes occupaient
surtout la citadelle transylvaine, etaient des Thraces, et, s'il y a des
similitudes entre l'aspect physique, le vetement, l'habitation, les
occupations economiques et les tendances artistiques des Ruthenes et
entre celles des Roumains, descendants de ces ancetres thraces, it faut
en chercher l'explication dans ce sang thrace lui-meme qui coule dans
les veines de ces Slaves occidentaux, comme, du reste, dans celui des
Serbes et des Bulgares. L'influence romaine, qui a completement
denationalise Daces et Getes en leur pretant un langage latin, ne peut
pas etre traitee comme un incident quelconque dans une continuite
de vie slave sur ce territoire; on peut admettre seulement qu'elle n'a
atteint que faiblement ces Thraces, ces Daces d'au-dela des
frontieres", auxquels les Ruthenes doivent en partie leur existance. Il
est bien vrai que les Antes et les Venedes ont habite ces garages ou
ils ont laisse un tres grand nombre de traces, dans le langage des
Roumains d'aujourd'hui aussi bien que dans la nomenclature
geographique des districts qui s'etendent aussi bien sur la Bucovine et
le Nord de la Bessarabie que sur la partie voisine de la Moldavie,
jusque dans la proximite de Jassy; mais ils furent, apres leur
migrations vers le Sud, des le VI-e siecle, completement remplaces
par des elements de race thraco-latine, qui conserverent dans les
villages dont le nom finit en -gut/ l'ancienne desinance petit-russiene
en -ovce, qu'ils adopterent, du reste, comme suffixe propre, souvent
ajoute a des radicaux d'origine indigene.
Nous ne croyons pas a la possibilite d'un Etat ukranien", dont
le nom bizarre, se rattachant a l'epopee de paysans et d'aventuriers
pillards des Cosaques, montre bien le caractere ambigu et mal assure
de la chose elle-meme qu'il cherche a recouvrir. Mais les Russes
resteront toujours les voisins des Roumains et les Roumains ne
cesseront jamais d'tre les voisins des Russes. Sur nombre de points
it n'y a pas seulement voisinage, it y a cohabitation. S'imaginer qu'on.
arrivera jamais sur un de ces territores a realiser l'unite
ethnographique, l'homogeneite de la population en faisant entrer les
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uns, de bon gre ou de force, dans Ia forme nationale des autres est une
illusion, non seulement vaine, mais aussi malfaisante. Un long pass
le prouve et, si un grand nombre de Russes se sont perdus avant le
XIV-e siecle dans la masse roumaine, du cote de cette Moldavie
septentrionale, si, apres l'annexion de la Bucovine moldave,
roumanie, a 1'Autriche, en 1775, un nombre tout aussi grand de
Roumains, surtout entre le Pruth et le Ceremus (Czeremos), se sont
confondus dans le torrent de l'invasion galicienne provoquee et
favorisee constamment par l'Etat, dans ses etranges combinaisons
d'ethnographie politique, le temps este presque pass oh ces
transfigurations ethniques a la minute etaient encore possibles. Il ne
faut pas seulement se resigner, des deux cotes, a des relations
reciproques, mais a chercher plutot dans leur sincerite et leur intimite
un element de resistance contre l'envahisseur magyar dans le
Marmoros ou allemand et juif dans la Bucovine et de
collaboration fraternelle dans cette vaste oeuvre de civilisation qui
commence a peine dans ces belles et fertiles regions. Or, pour arriver
a ce but, it faut abandonner ces theories exclusivistes dont la faussete
historique n'est egalee que par leurs consequences pratiques
defavorables aux.deux nations.
Jusqu'au IX-e siecle les Roumains et les Russes nous ne dirons
pas: les Russes d'Occident, car il n'y avait pas encore cette distinction,
qui ne fut creee que par Ia conquete tatare et son influence
multilaterale eurent une organisation politique de tout point
pareille et ressemblant a celle des Slaves de 1'Occident des Balcans,
de la race serbo-croate, ainsi qu'a celle des anciens habitans de la
Pannonie. Des Voevodes conduisaient les villages vivant d'une vie
patriarcale, entre des individus qui derivaient du meme ancetre et
fondateur. Its se reunissaient seulement pour l'oeuvre de defense ou
pour des incursions dans le voisinage, pour des raids pouvant
rapporter gloire et butin. Du reste, ces Voevodes eux-memes
n'6taient, ainsi que le montre leur nom lui-meme, que des chefs
guerriers, les fonctions pacifiques du juge, du collecteur de la dime
pour les besoins de la communaute 6tant tonfiees au cneze, dont le
nom, recouvrant les memes attributions, se rencontre, a travers les
distinctions nationales, des rivages de l'Adriatique jusqu'au loin dans
la steppe de I'Europe orientale. Les Magyars eux-memes, quand ils
vinrent s'etablir dans cette Pannonie dont ils absorberent la
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population primitive slave, et plus tard dans la Transylvanie, berceau
de la race roumaine, echangerent leur premiere organisation de
migrations pillardes contre ce systeme de cnezes et de Voevodes; on
sait que le saint roi Etienne, de creation apostolique romaine, avait
commence par etre le simple Voevode Vojk (le nom se rencontre
aussi bien chez les Slaves que chez les Roumains). ,-
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Mais ces formes, ces conceptions politiques, ces pratiques
culturelles avaient envahi depuis longtemps le monde roumain lui-
meme. On y avait toujour reconnu, invoque et servi l'empereur
legitime, meme a travers l'usurpation passagere des intrus bulgares.
L'Eglise byzantine avait ete toujours acceptee dans ses rites aussi
bien que dans son hierarchie. Les premiers parmi ces "paysans du
Danube" s'etaient peut-etre dj ornes du titre touranien de boiars,
emprunte aux Bulgares.
De cette fawn l'ancienne continuite patriarcale, de civilisation
primitive, entre Russes et Roumains se poursuivait, en se completant
et en se compliquant d'autres influences, sous cette forme superieure
des emprunts byzantins, faits directement a Constantinople ou par le
moyen de l'intermediare, de l'imitateur grossier qui fut le Bulgare.
Cela dura encore pendant deux siecles, jusqu'a l'invasion tatare.
Le violent flux des Mongols, qui ne fut arrete ni par la barriere
des Carpathes, ni par la ligne de separation du Danube, penetrant
jusqu'aux rivages de l'Adriatique et aux confins du vaste monde
germanique, submergea aussi bien les Russes que les Roumains. Les
deux nations firent partip egalement du nouvel Empire asiatique
etabli sur des bases empruntees a la Chine millenaire. Si les cnezes
russes, ramperent a la Horde" pour y porter leur argent, leurs
cadeaux, parfois meme leur tete coupable, un Nogg, un Toktai, les
chefs imperiaux eux-memes de cette Horde, etablirent leur residence
sur la rive roumaine du Danube, d'oli ils pouvaient controler les
mouvements des Etats balcaniques, ou ils intervenaient souvent pour
epouser des princesses de Byzance ou pour imposer des Tzars" de
leur race a Trnovo. Et, si les Russes ont emprunte a cette domination
qui dura plus d'un sicle une conception nouvelle de l'Etat, tout un
nouvel ordre de l'administration et des finances et cette tendance de
transposer le centre de,gravite de leur vie politique vers 1'Orient, de
Kiev a Moscou, si l'Etat en sortit transfigure a la mongole, les
Roumains, qui avaient encore vers 1330 la domination directe des
Tatars dans le grand port du Dniester, Cetatea-Alba, l'Akkerman des
Khans, et dans certaines parties orientales de leur territoire, en
heriterent leur regime douanier ainsi que des termes .tatars le
prouvent suffisamment, certains elements du droit penal et meme,
peut-etre, des idees politiques. Sans compter l'institution de
l'esclavage, avec ces Tziganes, ces Tatarasi (Petits-Tatars); importes
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par l'invasion de Dschinguiz-Khan, qui les avait recueillis dans
1'Hindoustan pour en faire les armuries, les artisans et les musiciens
ambulants de la conquete.
Pendant ce laps de temps la vie russe libre s'6tait refugiee vers
l'Ouest, ou i'attendait l'influence et aussi l'ambition, les tendances
conquerantes du royaume apostolique de Hongrie, vassal du Saint-
Siege. Un royaume de la Russie Rouge se forma ainsi, d'apres le
modele magyar et ayant parfois a sa tete des princes allies, apparentes
aux Arpadiens. Halicz florissait a une poque oil on ne parlait pas
encore de Lvov (Lemberg) et de Krakov (Cracovie), et Byzance
entretenait des relations avec cette nouvelle royate dont l'orthodoxie
resistait, opiniatre et preservatrice de l'independance, aux assauts de
la propagande catholique au service de la Hongrie.
Or ce royaume detenait les sources du Dniester, du Sereth et du
Pruth. II devait tendre fatalement vers la domination de ce Danube,
dont le nom retentissait dans l'anciennce Chanson d'Igor. // y eut sans
doute un moment, que n'eclairent pas les chroniques ou les
documents, ou une nouvelle unite orthodoxe russo-roumaine
semblait devoir s'etablir entre les protentions tatares de l'Est et la
menace hongroise a l'Ouest.
Alors la Lithuanie palenne, puis la Pologne catholique, sub-
germanique intervinrent pour faire tourner a leur profit le proces de
decomposition qui touchait a sa fin. Ce ne fut dorenavant que par le
moyen de cette Pologne, confondue avec la Lithuanie, absorbee sous
le rapport politique aussi, que les deux nations purent se connaftre et
?influencer sans pouvoir se soutenir.
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CHAPITRE II
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epoque ou les chefs militaires de cette race avaient fourni, en Hongrie
meme, a la Couronne ses meilleurs defenseurs, des Vo6vodes
d'outre-monts. Un Drago, venu du Marmoros, et son fils qui portait
le nom de Sasul (le Saxon") a s'etablirent ainsi, comme simples
capitaines gouvernant au nom du roi, a Baia, ancienne colonie de
Saxons employes a l'exploitation des mines d'argent, sur la riviere de
la Moldova. La nouvelle province s'appelait dans le langage des
indigenes, qui, comme les Slaves, s'orientaient d'apres les rivieres
seules, le pays de la Moldova, la Moldavie (cf. la Moldau tcheque).
Une nouvelle immigration roumaine donna un autre caractere a
cette Moldavie. L'afflux de la population russe dans le Marmoros
avait amene de profonds changements dans cette province; un esprit
d'initiative et d'aventure animait maintenant les chefs des villages,
auxquels venait d'tre reve'lee la possibilite remuneratrice des
colonisations. Le Voevode Bogdan, depuis longtemps habitu a la
rebellion, reunit autour de lui un groupe d'aventuriers et s'en alla,
sans autre permission que celle qu'il avait demandee a son propre
courage, dans cette nouvelle province roumaine a peine delivree des
Tatars pour y fonder, sur les ruines de la province hongroise, tres
facile a d6truire, surtout par des congeneres mieux doues, un nouvel
Etat roumain (vers 1360).
Il y avait dj dans les montagnes de la Valachie des le
commencement de ce XIV-e sicle une principaute de tout le pays
roumain", creation nationale spontanee, fondee sur la base de
l'ancienne idee imperiale romaine qui survivait dans le peuple
l'Empire detruit, par la reunion des Vo6vodats existant sur la rive
droite et la rive gauche de l'Olt. Cette premiere Roumanie", ayant
pour capitale Arge, dans la montagne, devait s'etendre vers l'Est
jusqu'a la frontiere ethnique des habitations de la race. La nouvelle
Moldavie l'en empecha, car elle devait durer, vaincre et conquerir.
La Valachie, plus ancienne, etait orientee en ce qui concerne ses
institutions superieures, la langue de l'Eglise et de l'Etat, le style de
la chancellerie, d'apres ces Etats slaves d'au-delh du Danube qui
avaient continue jusqu'a ce moment la grande tradition de Byzance.
Elle avait des bolars; le prince, Grand-Voevode dans son titre officiel
domn, dominus", pour les siens, etait entoure d'une Cour oh it y
avait le logothete, le vestiaire, le comes (comis"), le stratege, le
dvornic (dvor, cour"; c'etait le comes sacri palatii, le majordome); on
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chantait dans reglise la messe en slavon et les diplomes etaient
delivres dans une forme qui ne differait en rien de celle qui etait
employee pour les Tzars de Trnovo ou pour les Kres serbes; des
moines balcaniques elevaient, avec le concours des princes,' les
premiers couvents de langue slavone, a Vodita et a Tismana. Quant
la Moldavie, apres avoir pass sans doute par une phase latine, ainsi
qu'on pouvait l'attendre de la part de fondateurs venus de Hongrie,
elle fut gagnee aussi a ces formes slavones, mais cette fois ce ne fut
plus par l'intermediaire serbo-bulgare, qui agissait cependant aussi,
venant de la Valachie voisine.
Bientot I'ancienne Russie Rouge parut s'are refugiee sur ce
nouveau territoire, et cela sans rencontrer, comme dans le Marmoros,
les formes etrangeres imposees par une autorite superieure.
Il n'y avait de ce cote-ci comme premiere assise que la tradition
populaire, dans le domaine de 1'Etat, de l'Eglise, de la societe; it fallait
bien la respecter, mais elle ne contenait pas d'inspiration pour les
besoins nouveaux d'une vie politique cilment organisee. Tout fut
emprunte donc a cette ancienne civilisation russe qui avait pass sans
aucun changement de Kiev a Halicz. Si les premiers moines lettres
vinrent de Valachie, de l'ecole du Serbo-Grec Nicodeme, ils ne
parvinrent pas a conquerir l'organisation ecclesiastique moldave par
le premier &ague de Cetatea-Alba, puis de Suceava, Joseph, qu'en se
rattachant au Siege russe de Halicz. Une tentative polonaise
d'introduire dans la principaute le rite catholique, par la propagande
des Dominicains et des Franciscains, qui reussirent a fonder et a faire
accepter par le prince Latzco, fils de Bogdan, l'eveche catholique de
Sereth, se brisa contre la resistance du pays. La femme de ce
Vo6vode, qui ne concentit pas a changer de religion, parait avoir ete
une descendante des cnezes de la Russie Rouge. Une autre femme,
Marguerite ou Musata, probablement fille de Latzco, se distingua par
l'appui permanent accorde aux Freres precheurs, mais elle n'arriva
qu'a leur faire accorder des revenus par son fils, le prince Pierre, tout
aussi ferme dans son orthodoxie que l'avaient ete, malgre leurs
demonstrations catholiques, inspirees par la crainte de la Pologne, ses
predecesseurs.
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On n'a pas d'actes ecrits de la part de Bogdan ou de Latzco. Les
plus anciens des privileges moldaves qui nous aient ete conserves sont
dis a Roman, frere de Pierre dont it a ete question ci-dessus. Its ne
sont, dans le titre du prince, dans les formules de donation, dans les
particularites dialectales, qui contiennent des elements empruntes au
parler populaire des Petits-Russiens, dans leur aspect calligraphique
lui-meme, que la reproduction des diplomes accord& par les
Koriatovitsch de Galicie.
Et ce n'est pas tout. L'hierarchie civile variee et precise qu'on
retrouve dans la Valachie manque dans cette autre principaute. Il faut
attendre que le mouvement de civilisation commence dans les
couvents produise son influence sur la vie politique pour avoir sous
Alexandre-le-Bon, fils de Roman et prince pendant bien trente ans, a
partir du commencement d'un nouveau siecle, un ordre permanent
des dignitaires du pays. Sous ses predecesseurs cet ordre est supplee
par la confusion qui a touj ours regne dans la Galicie, ou on etait
seulement, a la lithuanienne, noble, c'est-a-dire guerrier.
Arretons-nous un moment aux noms eux-memes. Si celui de
Bogdan se rencontre dans les Balcans aussi, Latzco est un nom petit-
russien et Roman l'est tout aussi bien, alors que ceux de Pierre et
d'Etienne, autre frere, rappelent les saints protecteurs de la Hongrie,
dont une des provinces avait ete le berceau de la novelle dynastie.
Parmi les boyars aussi les noms russes ne manquent guere. Et,
lorsqu'il s'agit de les caracteriser par leur lieu d'origine, par leur bien-
fonds, c'est la forme de la chancellerie de Halicz qui est employee
pour marquer la derivation.
Il y eut meme quelque chose de plus. On essaya a la mort de
Latzco, qui ne laissait pas d'heritier male, d'un etablissement
dynastique russe en Moldavie.
On ne saura probablement jamais ce qu'il en fut de ce regne
moldave du cneze Yourg Koriatovitsch que les anciennes listes des
princes, conservees et commemorees dans les eglises, ne voulurent
pas admettre parmi les maitres legitimes du pays. On peut poursuivre
les evenements de sa vie dans les chroniques russes de Lithuanie. En
Moldavie it fut appele par les boyars, et on a pu soupconner qu'ils
furent determines a cet acte par la crainte du catholicisme polonais;
on a cru qu'il avait epouse une fille de Latzco, bien qu'on ne puisse
citer aucune preuve documentaire; au contraire son nom aurait figure
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dans les listes mentionnees plus haut si un mariage l'avait rattache
la dynastie legitime. Il parait avoir peri dans une revolte; on montrait
deux siecle plus tard aux voyageurs strangers pres de la vale de
Bar lad un tombeau qui aurait ete le sien, s'il faut en croire le
temoignage de Stryikowski, le chroniqueur polonais, qui a bien pu
commettre une confusion. Un diplome de lui accords a un
combattant contre les Tatars sur le Dniester n'est qu'une falsification
pour laquelle on a employe les actes authentiques de la chancellerie
des Koriatovitsch.
Pendant quelque temps la Lithuanie, reunie a la Pologne par le
mariage du cneze Jagello avec Hedvige, heritiere, par sa mere, du
grand roi Casimir, conserva tout son heritage politique, qui etait en
grande partie russe. Elle put esperer meme, apres la mort de Jagello,
devenu le prince chretien Vladislav, s'elever a une nouvelle et
glorieuse independance, ornee de la couronne royale que le grand
prince Vito ld demanda a son allie, l'empereur Sigismund, et qu'il fut
sur le point d'obtenir. Les traditions lithuaniennes vivaient aussi dans
la carriere d'aventures de SvidrigaIlo, parent du meme Vladislay.
Mais deja sous le second Vladislav, et surtout sous Casimir, son frere,
la Pologne latine et catholique commenca son oeuvre opiniatre de
substitution.
On sait que la Lithuanie ne fut absorb6e constitutionnellement
qu'en 1568, et encore sous Alexandre, un des fils de Casimir, elle
parut avoir un regain de vie, jusqu'a ce que ce prince herita par la
mort de son frere Jean-Albert de la couronne de Pologne aussi. Mais
ce n'etait lk qu'une survivance formelle a une mission historique qui
etait bien finie, et pour toujours. Ce qui existait cependant, parce qu'il
n'y avait pas de puissance capable de la detruire, c'etait la vie
populaire, la vie religieuse, la vie nationale du peuple russe, et cela
bien que ses anciens chefs, les cnezes, eussent pass bientot dans les
rangs de l'aristocratie polonaise, autour d'une Cour qui fut armee, au
XVI-e et au XVII-e siecles, par tout le prestige d'intellectualite et
d'art de la Renaissance occidentale, venue d'Italie.
L'epoque etait bien finie ou la MoldaVie naissante empruntait
la civilisation orthodoxe, plus ancienne, de cette Russie de Halicz.
Sous Alexandre-le-Bon et, apres des annees de troubles affreux, sous
son grand petit-fils et successeur Etienne (1457-1504), la nouvelle
principaute eut un ordre des dignitaires &calque d'apres celui de
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Byzance, qui, aussi par des relations directes, entre le Siege
metropolitain de Suceava et celui du Patriarche ecumenique de
Constantinople et entre Jean VIII, empereur constantinopolitain,
qui, revenant d'Occident, traversa la Moldavie, et Alexandre lui-
meme, donna aux "Voevodes et seigneurs" une conception imperiale
de leur pouvoir qui les amena a s'intituler autocrates". Tout en
gardant l'ancien style diplomatique, elle n'avait plus besoin
d'emprunter a la Russie occidentale les scribes de ses nombreux
diplomes. Un art calligraphique original surgit dans les ecoles des
cloitres moldave et aussi dans la chancellerie princiere qui remplaca
l'ancienne ecriture menue et ramassee par des lignes plus elegantes,
dans lesquelles commence a paraltre une influence occidentale. Ces
cloitres ont servi de mod'ele a ceux qui vegeterent dans des conditions
moins favorables en Galicie, en Podolie, dans la Russie polonaise; des
manuscrits venus de Moldavie s'y retrouvent de nos jours. L'art
byzantin, dans la reliure, dans Ia sculpture des objets d'eglise, dans Ia
broderie des parements, est directement emprunte a .Byzance et cubit
sur ce nouveau terrain des influences qui lui donnent un nouvel
aspect, dont commencent a peine a s'interesser les historiens de la
civilisation. Si, plus tard, le travail material est du, non plus seulement
aux moines roumains, mais aux orfevres de Lemberg et aussi aux
brodeuses grecques de Constantinople, les dessins eux-memes sont
strictement d'apas la tradition qui venait de s'etablir en Moldavie.
On aura enfin a Lemberg meme, vers le milieu du XVI-e siecle, grace
a la piete liberale du Cretois Constantin Corniacte, grand-douanier
de Moldavie, une eglise valaque", c'est-a-dire moldave, dont la
peinture elle-meme etait due a des maitres venus de Moldavie; cette
eglise fut, du reste, l'objet de soins continuels de la part de tous les
princes qui regnerent a Suceava, puis a Jassy: ils lui firent don de
cloches et de tout ce qui pouvait servir au sevice divin; ils releverent
ses murs ebranles et ne manquerent jamais de lui servir une
importante pension. La confratemite stauropygiale de cette vile etait
soutenue exclusivement par ces patrons. Quelquefois des pretendants
moldaves executes par l'ordre du roi de Pologne, pour obeir aux
injonctions du Sultan, trouverent leur place de repos dans cette eglise.
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L'hierarchie moldave etait arrivee, du reste, a jouer envers les
eglises russes asorganisees le role qu'avait joue jadis envers l'Eglise
de Moldavie en plein travail d'organisation l'Eglise russe de Halicz.
Un document polonais reconnait formellement que les pretres
galiciens venaient habituellement demander leur consecration aux
eveques moldaves. Plus tard ce fut a Jassy que se reunit, en 1594, le
synode destine a contrebalancer les succes de la propagande des
Jesuites,parmi les Russes de Pologne.
L'Etat moldave avait compris, depuis ses commencements, une
population petit-rusienne, qui s'etait confondue cependant avec la
majorite des habitants de la principaute. Partie de Baia cette
principaute s'etait d'abord &endue vers 1'Est, englobant tour a tour
les villes de creation allemande et armenienne, comme Lemberg elle-
meme, de Sereth et de Suceava, qui avaient mene jusque la, sans
doute, une existence autonome. Elle descendit bient6t le cours du
Sereth et du Pruth pour arriver, vers 1390 encore, sur les bords de la
Mer Noire. La frontiere orientale &ail vers la meme poque le
Dniester et les pays deserts" de la Bassarabie meridionale
d'aujourd'hui devenaient l'apanage des boiars moldaves.
Mais le pays n'etait pas encore contenu dans les limites
naturelles capables d'tre defendues contre un retour offensif des
puissances dont les Voevodes avaient employe le declin ou le desarroi
momentane pour etendre d'une maniere si rapide unique dans
l'histoire des colonisations politiques leur domaine. Il y avait au
Nord une porte ouverte a l'etranger, c'est-a-dire au roi de Pologne
aux tendances envahissantes. Pour avoir le cours sup6rieur du Pruth
et du Dniester it aurait fallu pouvoir entretenir des garnisons, non
seulement dans les forteresses de Hotin (Choczim pour les Polonais),
de Chmielow, de Tetina, pres de la ville actuelle de Czernowitz, mais
aussi dans les centres de commerce, plus importants, de Kolomea et
de Sniatyn.
Ce fut pour le prince Pierre le grand probleme militaire et
politique que cette acquisition des regions qui portent le nom de
Szepenik (en roumain ipinti), de PocUtie (Angle") et de Halicz
elle-meme. L'historie des contrats qui reglerent le sort de cette
marche moldave ne peut pas etre retracee dans les bornes restreintes
de cette exposition sommaire. Pour avoir ces territoires, le Voevode
employa le moment ou la possession polonaise dans le Sud de la
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Galicie etait encore mal assuree. Dans ce vacuum de domination it fit
petretrer l'expansion naturelle de sa principaute. Pour le roi de
Pologne, qui devait tenir a sauvegarder son prestige, it ne pouvait pas
etre question d'une simple cession; celui qui desirait avoir le terrain
conteste et dispute devait faire acte de vassalite et, en plus, cacher
sour une forme quelconque son agrandissement. Le systeme fut
employe aussi par l'empereur Sigismond lorsqu'il abdiqua entre les
mains de son ami et defenseur Frederic de Zollern ses droits sur la
Marche du Branderbourg: preter une somme d'argent au suzerain,
recevoir la province, qui etait de fait vendue, comme gage et n'insister
jamais sur un paiement qui n'etait guere dans les intentions de
l'emprunteur non plus. Pierre compta donc a Jagello, auquel it fit
hommage dans ce seul but, et pas comme au successeur legitime du
roi Louis de Hongrie, son ancien souverain, une somme de 3 000
roubles d'argent. En echange it eut le droit d'occuper le territoirde
Halicz et se mit aussitot en possession de cette region de Szepenik,
pour que son successeur Alexandre eut la Pocutie entiere.
Si la Pocutie ffit rest& entre les mains de ses successeurs, la
proportion de la population russe dans 1'Etat moldave taut ete
absorbee. Mais, si Etienne-le-Grand reprit vers la fin de ses jours
Kolomea et Sniatyn, restituees au roi de Pologne par les fils indignes
d'Alexandre, dans leurs querelles interminables, le fils d'Etienne lui-
meme, Bogdan, ne sut pas mieux conserver cet important heritage: it
le sacrifia au vain espoir d'une alliance avec Elisabeth, fille du roi
Casimir, et, malgre tous ses efforts, il n'eut ni la terre, ni la dame. Le
district de Szepenik resta seul incorpore a la Moldavie et it fut plus
tard englobe, avec d'autres regions, dans l'acquisition autrichienne de
1775 qui prit le nom de Bucovine.
Mais de ce cote l'expansion roumaine etait depuis Iongtemps
completement victorieuse. L'element russe n'existait plus, dans
quelques dizaines d'annees, que comme un lointain souvenir, entre
dj dans la legende, qui parlait du solitaire Latzco, fondateur
d'Itcani pres de Suceava, a l'epoque oil fut creee la principaute
moldave. Et meme les migrations des patres moldaves, suivant, vers
le Nord, la ligne des Carpathes, avaient penetre tres loin dans le
territoire galicien lui-meme, ou les noms roumains de nombre de pics
les rappellent encore a notre souvenir. Les Houtzoules actuels,
portant un nom d'origine evidemment roumaine (Hutul articule
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donne comme radical Hut, qu'il faut rapprocher de Mot, nom de la
population roumaine de l'Ouest de la Transylvanie), ont, sans doute,
du sang moldave dans leurs veines, bien qu'ils parlent un dialecte
petit-russien.
Mais, au moment meme ou les princes moldaves du XV-e du
XVI-e siecle se faisaient suivre au retour de leurs incursions dans les
districts voisins de la Pologne par de nombreux paysans ruthenes, qui
venaient volontiers habiter une terre are, sous un maitre de leur
propre rite oriental, des proprietaires polonais attiraient par des
privileges extraordinairement favorables des millierss de Roumains,
surtout des patres, qui abandonnaient leurs ocupations anterieures,
sur des terres qu'il fallait defrichep pour l'agriculture. Reste-t-il
encore quelque chose de ces villages de colonisation valaque"? Pas
plus que des villages de transplantation ruthene crees par Etienne-le-
Grand, Bogdan et son autre fils Pierre Rare (? 1546). // y avait
comme un mouvement de compensation, qui permettait aux deux
Etats d'arrive r a des frontieres plus nettes sans qu'une des races qui
habitaient les territoires limitrophes elk perdu quelque chose dans sa
proportion envers l'autre.
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CHAPITRE III
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CHAPITRE IV
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riche noble magyar, catholique ou reformee. Les principales relations
de la famille etaient en Pologne, oh elle passa de longues annees
d'exil, et Jeremie y avait acquis une terre &endue, celle de Uscie, ou
on retrouve souvent les siens.
Ce fut cependant un de ces Movila, le propre fils de Simeon et
de cette Magyare, Pierre (1597-1647), qu'on appelait en Moldavie du
diminutif Petrascu, qui etait destine a relever l'Eglise orthodoxe de
Russie et a la consolider pour toujours, a lui donner la force suffisante
pour gagner Moscou elle-meme, menacee a son tour par les efforts
opiniatres de la propagande jesuite. Pour comprendre ce fait, it faut
tenir compte du sejour des siens en Galicie pendant les annees de
malheur et se rappeler l'image de cette ville de Lvov a la fin du XVI-e
et au commencement du XVII-e siecles, qui abritait, aupres des
nombreux Juifs, Armeniens, Allemands et Polonais, qui en etaient les
principaux marchands, des Moldaves, des Valaques 'name, venus en
quete d'affaires, avec leurs chariots de marchandises orientales, des
boiars echappes au. massacre de leur parti ou aux persecutions d'un
nouveau prince, des conspirateurs qui preparaient sous l'egide du roi
de Pologne un nouveau regne, des princes fuyards meme, des veuves
de Voevodes qui picurraient leurs maris executes par l'ordre de ce
roi, des jeunes pretendants et les princesses, leurs, sceurs, ainsi que la
nuee de Grecs et de Levantins, de Crete, de Chypre, de Rhodes, qui
vivait-dans leur proximite et sous leur patronage. Il y avait donc tout
un milieu orthodoxe dans lequel Pierre passa les premieres annees de
sa vie.
Il espera pendant longtemps pouvoir recueillir Pheritage
moldave de son pere, et on connait tres bien les efforts qu'il fit dans
ce sens aupres des puissants de Constantinople, qui appreciaient
cependant les cadeaux, plusimportants, des princes en fonctions. Un
moment vint oh ses illusions disparurent. Le jeune Voevode Petracu
devint l'humble moine Pierre. Un monnastere moldave n'aurait pas
pu abriter son orgueil rentre, son ame brisee par la defaite, son
renoncement, avide d'une nouvelle activite conquerante; celui qui
avait. voulu etre prince n'avait plus de place dans le pays retenu par
un autre. De l'autre cote du Dniester, le rejeton des Movila avait des
amis et des parents memes, car les trois files de Jeremie avaient ete
mariees dans ces riches families d'origine russe qui entretenaient des
relations frequentes avec la Moldavie, et une d'entre elles avait
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epouse un Wiszniewiecki, ayant dans ses veines le sang de l'ancienne
dynastie moldave. Pierre prit l'habit dans le clbre couvent de
Petschersca pres de Kiev. Et, grace au puissant appui de ses
protecteurs, it arriva a etre bientot le chef meme de cette Eglise russe
dans les Etats du roi de Pologne, un chef assez riche d'argent et de
parente pour pouvoir opposer victorieusement aux moments de
danger son autorite personnelle aux menaces qui visaient son Siege
archiepiscopal.
Il n'y a pas de Russe cultive qui ne connaisse la grande oeuvre
pulturelle accomplie h Kiev par ce prelat qui mourut avant d'avoir
atteint un age avance, oeuvre sans laquelle on ne pourrait pas
s'expliquer la renaissance russe du XVII-e siecle elle-meme, dans la
Moscovie du Tzar aussi bien que dans ces districts polonais soumis h
sa crosse. Il reforma son clerge, sur les bases de stricte orthodoxie, de
conservation du dogme immuable et du rite ancien, qu'avait
consolidees l'action des agents venus de Constantinople et de
Jerusalem; it fut fondateur d'ecole et createur d'imprimerie. Les
produits de ses presses, de beaux livres au type lisible pour des
lecteurs habitus aux manuscrits, se rencontrent d'un bout a l'autre
de l'orthodoxie, au Nord du Danube au moins, et ses coreligionnaires
apprirent leur Catechisme d'apres l'opuscule qu'il fit corriger par des
th6ologiens grecs et adopter par le synode de Jassy, en 1642.
Car it n'oublia jamais sa patrie, qu'il visita meme quelquefois, en
cachette, pour verifier l'administration des biens-fonds qu'il y
conservait. Ce synode de Jassy fut tenu sous la protection du riche
prince regnant, Basile Lupu, qui s'enorgueillissait de jouer sous ce
rapport aussi le role imperial que lui attribuaient ses panegyriste et
qu'il remplit en effet par les dons faits h l'Eglise de Constantinople et
par la discipline qu'il retablit dans son sein et controla severement; it
fut plus important par ses consequences culturelles, pour le
resserrement des liens entre Russes et Roumains, que par la
purification du dogme, qu'il devait realiser. Conine a l'assemblee de
1594, les eveques des deux nations se rencontrerent et echangerent
leurs vues sur la conduite qu'il fallait suivre pour pouvoir resister aux
doctrines heterodoxes qui venaient, non seulement de la
Transylvanie des princes calvins en mal de proselytisme, mais aussi de
Constantinople lui-meme, oti le Patriarche Cyrille Lucaris s'etait jet6,
pour sauver son Eglise, et surtout sa nation grecque, d'une influence
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catholique, qui &ail aussi influence levantine, d'esprit et de langue
latine, dans les bras de la Reforme. Mais surtout ils se demanderent
un concurs reciproque pour orner leurs Eglises de ces elements de
culture superieure qui avaient aide jusqu'ici les progres de leurs
adversaires.
Il y eut bientot une imprimerie moldave a Jassy, qui emprunta
Kiev, non seulement le format de ses publications, le mod'ele de ses
frontispices, mais aussi les caracteres typographiques. Une ecole de
slavon fut ouverte, ayant aussi des cours de grec ancien, et, si, en fait
de connaissances classiques, i1 y avait a Jassy quelqu'un
probablement le logothete Eustratius capable de traduire, dans un
style qui ressemble au francais d'Amyot, la riche phrase d'Herodote,
it fallut que des maitres russes s'etablissent dans la Capita le moldave
pour y former des eleves capables de renouveler l'emploi dans les
documents de cette ancienne forme solennelle du slavon qui avait ete
abandonnee, par necessite, au profit de la langue vulgaire. On connait
les noms de ces professeurs, Somme Sophronius Potschatzki, qui
furent des clercs formes par Pierre Movila. Et, comme, a la 'name
poque, le zele pieux du prince enrichissait Jassy de nouveaux
monuments religieux, d'un luxe dans les ornements incOnnu
jusqu'alors, Basile Lupu fit venir pour les images sacrees, des artistes
russes qui avaient suivi les lecons des peintres de l'Occident.
Des le regne de Miron Barnowski, apres 1620, le Metropolite
Barlaam avait ete charg de chercher en Russie, chez le Tzar, que ce
prince intitulait: frere d'armes dans le combat pour la foi
orthodoxe", de ces peintres d'icones, d'une nouvelle et meilleure
fawn. Its lui etaient necessaires pour les fondations de sa piete
inlassable, le couvent de Dragomirna, dil plutot au zele de son
archeveque, Anastase Crimca, un grand calligraphe et miniaturiste de
son poque , et les eglises de 1'Assomption, de S. Georges, de
S. Jean-le-Nouveau, dont deux sont connues sous les noms de
Barnowski, a Jassy, de Barnova, dans les environs de cette Capitale,
alors que la troisieme doit etre la simple maison de prieres, batie
cependant en pierres, de Toporauti, dans la Bucovine actuelle. On ne
les eut pas, cette fois, les artistes moscovites, mais en 1636, Basile
Lupu lui-meme faisait executer des icones pour les eglises des Trois
Hierarques et de_ Golia par le maitre Nazaire, de Moscou, et en les
reclamant, it faisait cadeau au Tzar d'un cheval arabe. En 1638 le
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prince s'occupait aussi d'oeuvres de sculpture, pour la premiere des
eglises citees, qu'il avait commandoes a Moscou, et it fit venir a Jassy
les peintres Sidor Pospeko et Jacques Gavrilov, puis Dacia Yakovlev
et Proca Nekitine, a un moment oil les images moscovites etaient
desirees aussi par le prince valaque Mathieu. Le Tzar devenait ainsi
un des bienfaiteurs des fondations de Basile'. La Russie moscovite
restituait ainsi a la Moldavie un ancien emprunt, car it ne pouvait pas
y avoir a la fin du sicle pr6cedent de peintres d'eglise d'un style plus
pur dans le respect des traditions et plus vivant dans l'emploi des
elements pris a la Renaissance que ceux auxquels on doit les
inimitables fresques de Sucevita, fondation de cette meme famille des
Movila.
Celui qui presida a cette belle oeuvre de culture religieuse, le
Metropolite Barlaam, auteur d'un recueil de preches pour les
dimanches et les grandes fetes, etait le fils d'un paysan du cote de
Putna; it suivait dans son travail fecond une direction qui 6tait depuis
longtemps celle de 1'Eglise roumaine elle-meme, dans ses differentes
provinces, de Moldavie aussi bien que de Valachie et de
Transylvanie. Bien que charg de missions a I'etranger chez les
nouveaux Cosaques de Bogdan Chmielnicki aussi s'etait forme
uniquement a l'ecole patriarcale de ces couvents de la montagne,
Secul, Neamt, qui conservaient le mieux, et d'une maniere plus
complete, les anciennes traditions. Mais it est evident que le mod'ele
suivi par lui dans toute son activite est le grand archeveque de Kiev,
qui avait pour lui aussi le prestige particulier de l'ancienne dynastie
moldave, dont it faisait partie. Du reste, Barlaam avait visite, ainsi
qu'il a ete dit, la Moscovie elle-meme, et, lorsqu'il se decida a publier
sa traduction en roumain de l'Explication des Evangiles, it demanda
l'appui du Tzar'.
Ce courant se perpetua en Moldavie pendant tout le dix-
septierne sicle. La Valachie, gouvernee par le bon vieux prince pieux
qui fut Mathieu Basarab, ne tarda pas a se soumettre aux memes
influences. Il y eut de ce cote aussi une culture religieuse aux memes
caracteres dominants: retablissement du slavon dans les diplornes
princiers, flit -ce meme a l'aide des formulaires en deux langues dont
it a ete conserve, ou des recueils de mots, de vrais dictionnaires
comme celui qui est du au moine Mardarius de Cozia; renouvellement
par de nouvelles editions du tresor des livres liturgiques en slavon;
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creation d'imprimeries princieres; voire meme un commencement
d'activite litteraire profane, au moins par des traductions (on a, en
Valachie, celle de PImitation de Jesus-Christ" et de Barlaam et
Joasaph"), mais en se ralliant au mouvement general de la culture
slavone ressuscitee et en ignorant en ce qui conceme au moins cette
Valachie l'essor fatal de la litterature en langue vulgaire, qui devait,
cependant, preparer elle seule l'avenir national.
La principaute valaque, qui compta comme &agues nombre de
personnages pieux et actifs, ne peut presenter aucun type ressemblant
a celui du Metropolite moldave Barlaam. Le grande lettre a la Cour
simple, mais non armee d'ambition, du prince Mathieu est le propre
beau frere de celui-ci, le frere de la princesse Helene, Udrite (ce qui,
selon lui-meme, aurait signifie: Oreste) Nasturel. On ne connait pas
les circonstances dans lesquelles it parfit son education, mais it n'etait
pas seulement un bon connaisseur du slavon, mais aussi un vrai Russe
en ce qui concerne le style de ses traductions pedantes et de ses
prefaces grandiloquentes. Son aspect litteraire suffirait pour faire voir
l'etendue et la profondeur .de l'influence qu'exergait sur les pays
roumains ce frere exile qui &ail Pierre Movila, dont on a, en echange,
des notices intimes redigees en roumain.
On a attribue .une origine galicienne au vrai successeur de
Barlaam sur le trone archiepiscopal de Moldavie, Dosithee, d'abord,
pendant quelques annees, eveque de Roman. Le nom de sa mere,
Misira, parait indiquer aussi une descendendance arminienne, qui
indiquerait la meme direction. Il connassait parfaitement le slavon et
avait dans son style de traducteut du grec, du slavon, du polonais
des particularites qui paraissent avoir une saveur etrangere. Le latin
ne lui etait pas inconnu, ce latin que les clercs d'Orient dedaignaient
comme dangereux pour leur conscience. Il parle des paysages de
Russie, du couvent de Petschersca a Kiev, comme les ayant visites lui-
meme. L'influence galicienne, russe est visible dans son oeuvre
entiere, qui est une des plus grandes et durables chez les Roumains.
Il n'y a pas jusqu'a l'impression de ses ecrits qui ne soit en relation
avec cette influence determinate. Une partie de ces ouvrages, qui ne
pouvaient pas etre d'abord imprimes en Moldavie, ou l'ancienne
imprimerie de Basile Lupu et de Barlaam avait disparu au cours des
luttes civiles apres la chute de Basile Lupu, dut paraItre a Ouniev,
dans la Russie polonaise, ou les moines avaient etabli une bonne
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typographie en caracteres cyrilliques. Lorsqu'enfin, plus tard, it eut la
joie, longtemps attendue, de pouvoir faire imprimer ses livres en
Moldavie meme, it demanda en Russie, cette fois au Patriarche de
Moscou lui-meme et au Tzar, en 1679, les elements de sa fondation
typographique, qui se maintint et s'entrichit meme, sous des formes
differentes, apres sa mort. En 1691, it dut quitter la Moldavie avec les
armees du roi Jean Sobieski, qu'il avait saluees au nom de l'avenir
moldave, et sa retraite a Stryi, puis a Zolkiew, le maintint jusqu'a la
fin de ses jours, en 1964, au milieu des Russes de Pologne. Il n'avait
oublie non plus le Tzar dans sa detresse, et it lui demanda par lettre
de vouloir bien faire quelque chose pour apaiser la tempete de sa
misere". Dans cet exil it avait completement abandons son activite
comme ecrivain roumain et it s'appliquait a donner des versions
slavones des Lettres de Saint-Ignace le Theophore, des
Commentaires de Simeon de Thessalonique et des Oraisons de Saint
Jean ChrysostOme5. Un neveau de Dosithee, qui invoquait aussi des
parents de Lemberg, comme le nomme Cyriaque Papara: Pachome
Ispanowski, arriva a etre plus tard eveque de Voroneje 6.
Telle fut, dans son ensemble, l'ceuvre accomplie par le Moldave
Pierre Movila, et elle devait regenerer plus tard la vie hierachique de
la Russie moscovite elle-meme. Un bon connaisseur de cette Russie,
Anatole Leroy-Beaulieu, ecrivait ce qui suit: Ne pouvant, comme
la guerre ou dans l'administration, y employer des strangers, Pierre-
le7Grand se servit pour la reforme de l'Eglise, de Petits-Russiens
eleves a l'Academie de Kiev, sous l'influence de l'Europe"7.
Deja la Moldavie avait donne des letres a la Russie; tel ce Pamva
Berinde, dont le nom rappelle celui d'un ancien pretendant au trone,
a l'epoque d'Etienne-le-Grand, Berindeiu (ce nom de famille se
recontre encore en Roumanie).
Mais celui qui profita le plus, dans la seconde moitie du siecle, a
la culture leque naissante de la Russie moscovite fut le Spatar
Nicolas Milescu.
Originaire du district de Vasluiu, d'une famille noble, mais assez
mediocre, it a dil suivre les lecons d'Eustratius et des maitres slavons
du couvent des Trois Hierarques. Mais it les depassa de beaucoup.
Capable de traduire avec la meme facilite du grec et du slavon,
connaissant aussi le latin et meme le turc, it avait, ce qui manquait aux
autres lettres Lie Moldavie, des connaissances theologiques serieuses,
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un discernement sax dans les questions controversees du dogme et un
inter& special pour ce mlange de traditions archaiques, de
superstitions naives, d'arithmetique et de divination chancelante en
ce qui concerne la nature, qui etait pour ces pays et pour la Russie
elle-meme a cette poque la seule et vraie science.
Mais it avait aussi des ambitions d'une autre espece, et elles
etaient dangereuses. Servit-il seulement, ainsi que le pretend la
chronique, la cause d'un prince, contre l'autre, qui conserva le
pouvoir et se jeta vengeur contre les adherents de son rival? Ou bien,
grace a un secret de famille qui ne nous est pas connu, eut-il pour sa
propre personne des visees sur le trone moldave? On serait dispose a
incliner vers cette seconde hypothese, car le chatiment qui lui fut
inflige par le prince Etienne, fils de Basile Lupu, fut cette mutilation
du nez qui n'atteignait guere que ceux qui par cette difformation
etaient desormais incapables de se presenter decemment devant le
peuple comme ses maitres.
Ce jeune et riche seigneur, confident d'Etienne jusqu'alors, qui
emerveillait les bourgeois de Jassy par la splendeur du harnachement
de ses chevaux et des carrosses atteles selon Petiquette princiere,
quitta pour toujours son pays. Il n'en etait pas, du reste, a son premier
voyage. Des 1657 il avait accompagne en Occident Georges Etienne,
prince exile de Moldavie, et il parait avoir employe ses loisirs aupres
de ce dernier dans sa retraite de Stettin en Pomeranie pour donner
une traduction des Ecritures, d'apres le texte grec, traduction dont on
vient de decouvrir le manuscrit. On le retrouve a Stockholm, oh it fut
consulte par l'ambassadeur de France sur les differences entre le
dogme oriental et celui des Occidentaux, en relation avec la grande
querelle des jansenistes, ce qui lui fournit l'occasion de rediger un
petit ecrit de theologie au titre symbolique. Louis XIV lui-meme
recut cet emissaire de son malheureux cousin" moldave 8.
Apres sa mutilation, Nicolas Milescu, le Spatar de jadis se rendit
en Russie, a Moscou sous le regne du Tzar Alexis, dont il fut d'abord
le translateur au bureau des ambassadeurs". Plus tard, une mission
lui fut confiee en Chine, dans le grand Kite` inconnu et mysterieux.
Il en revint rapportant un ecrit qui est tout un livre de description
geographique riche et precise, ce livre qui fut ensuite traduit en grec,
a l'occasion du sejour que fit le traducteur a Moscou, par le diacre
Crysanthe Notaras, alors simple desservant de cette Eglise de
Jerusalem dont il allait etre le Patriarche et un des plus brillants parmi
les chefs de l'Orient orthodoxe.
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Neculce, boiar moldave, qui passa, apres 1711, plusieurs annees
en Russie, comme epave de la guerre perdue par le Tzar Pierre contre
les Turcs, raconte volontiers qu'au retours apres un sejour de deux
au trois ans" dans l'Extreme Orient, Milescu fut depouille par les
boiars, administrateurs de l'Empire le lendemain de la mort d'Alexis,
des brillants cadeaux qu'il rapportait: un vase tout plein de pierres
precieuses, un diamant de la grosseur d'un ceuf de colombe", et qu'on
le dirigea, en exile, avers cette Siberie dont il etait revenu en
explorateur heureux. Mais le jeune empereur Pierre, averti de la
misere dans laquelle it se trouvait, aurait demande aux senateurs: oh
est mon maitre, celui qui a ete mon premier precepteur? Faites-le
venir sans retard". Il l'accueillit joyeusement, lui fit rendre son avoir
et racheta pour le Tresor imperial le gros diamant des Chinois, qui
aurait ete paye quatre-vingt bourses de ducats. De plus, Pierre lui
aurait fait la faveur de couper de sa propre main la barbe de celui qui
avait garde jusqu'alors ce signe principal de la dignite orientale.
Necule ne se trompait pas, sans doute, lorsqu'il ecrivait a la fin de sa
notice: Et le Camus \recut jusque pendant le second regne en
Moldavie du prince Michel Racovita, et ce ne fut qu'a ce moment
qu'il mourut. Et l'Empereux lui fit grand honneur a sa mort, et le
regretta beaucoup, car it etait bien utile a cette poque. Ledit Camus
laissa apres lui des fils et des petits-fils, et certains d'entre eux
arriverent a etre polcovnics dans l'armee; car it s'etait marie la-bas,
epousant une Moscovite. Et trois fils de son frere le suivirent, quittant
la Moldavie, et ils s'etablirent aupres de leur oncle, et ils eurent leur
grace de la part de l'Empire, et y morurent".
De fait, Nicolas Milescu, en dehors de ses merites d'explorateur,
que tel Allemand, presente par M. Briickner, lui a disputes, est digne
d'attention, dans le developpement de la civilisation russe, par la
version slave qu'il donna des anciens livres de la science" byzantine,
opuscules traitant des signes precurseurs des evenements ou du role
que jouent les Sibylles dans la marche du sort humain. Il est possible
que de ce labeur du compilateur moldave ait profite d'abord a
l'enseignement dont le futur Pierre-le-Grand fut l'objet.
A ce moment la lettre moscovite, d'une belle coupure ronde,
etait employee, non seulement en Moldavie, .mais aussi dans la
Valachie voisine, oil l'oeuvre du typographe etait remplie par un
moine originaire de l'Iberie, dans le Caucase, Anthime, qui, revenant
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du Mont-Athos, s'etait etabli sous la protection du grand patron de la
culture orientale, jusqu'a Tiflis, en Georgie, et aux monasteres de la
Syrie et de l'Arabie chretienne , le riche prince eclaire qui fut
Constantin Brancoveanu (1688-1714). Dans sa personnalite
complexe d'artiste it apportait parmi les Roumains des elements
empruntes aussi bien a Byzance, qui survivant suf la Montagne
Sainte, qu'a Pheritage de l'ancienne civilisation armenienne,
laquelle se rattachait son Iberie. Mais ce connaisseur du vieux slavon
pouvait bien avoir aussi d'autres liens avec la Moscovie que cet
emprunt de caracteres typographiques. On vient de retrouver dans
une bibliotheque de Kiev, qui conserve aussi un portrait inedit de
Jeremie MovilA, un manuscrit admirablement historie" de
miniatures par ce moine qui devint superieur du couvent de Snagov,
puis eveque de Ramnic et enfin Metropolite de Valachie. En tout cas,
it fut un des agents de la politique chretienne" dans le pays,
travaillant en 1711 pour les Russes et pour les Imperiaux autrichiens
en 1716, ce qui amena sa destitution, suivie par une mort mysterieuse,
entre les mains des Turcs.
Mais ceci nous mene a l'exposition de ces relations politiques
des Roumains avec la Moscovie qui commencent dj avec Pepoque
d'Etienne-le-Grand.
NOTES
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CHAPITRE V
NOTES
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CHAPITRE VI
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Principautes pour soutenir les deux princes. Le Tzar fit preter
serment a l'emissaire et ordonna au Voevode de Viatca, Jean
Andreevitsch Chovanski, de secourir la Moldavie, alors que les
Cosaques, ses vassaux, sous Romadanski de Bielgorode et sous Ivan
Samoilovitsch, se dirigeront contre Dorochenko, qui etait alors
encore maitre de l'Ucraine. La soumission des Principautes etait
cependant acceptee, le 10 mars 1674, seulement sous la reserve de
n'avoir pas fait dj la soumission au roi de Pologne. Des
ambasadeurs solennels, eveques et boiars, auraient du venir pour
conclure un traite formel, mais les circonstances ne le permirent
jamais7.
Suivant les traces de ce burgrave Parvu qui vers 1680 avait
penetre dans le pays cosaque jusqu'a Pereiaslavl, les troupes des
princes de Moldavie et de Valachie se dirigerent, en 1677 et 1678,
apres la conclusion de la paix polono-turque de Zurawna (1676),
contre Tschechrine, defendue par les Cosaques dependant du Tzar,
sous Romadanowski.
Ces auxiliaires furent employes pour batir les forteresses
destinees a defendre la nouvelle frontiere sur le Dnieper jusqu'en
1680-1681, quand fut signee la paix avec les Moscovites, a Radzin.
Cette paix, qui laissait Kiev elle-meme au Tzar, donnait aux Turcs ces
chteaux qui avaient vu tout aussi bien la turbulence des anciens
Nisoves que les exploits plus recents du Hetmanroi Bogdan.
Chmielnicki. Mais les populations qui y habitaient, a Nimirov, a
Sobotov, a Tzicounovca, etaient habituOes depuis leur revolte
couronnee de succes a une vie de liberte et de privileges; leur imposer
un maitre musulman, un simple gouverneur paien pouvait etre
dangereux. Or, comme le tr'es riche prince de Moldavie, Duca, un
natif de Roumelie, venait d'arriver, en 1681, a Constantinople pour
terminer des affaires pendantes et racheter son droit d'exploiter la
principaute pour ses vastes entrepiises de commerce, on pensa et it
y pensa probablement lui-meme, dans l'interet meme de ce
commerce, a lui confier contre l'argent et avec l'engagement d'un
tribut, l'administration de ce territoire que l'energie pleine
d'initiative du Vizir Achmed Keupreuli venait d'ajouter a l'Empire.
L'union de l'Ucraine a la Moldavie avait ete dj decidee vers la fin
de juin, et ce n'est qu'apres un mois que Duca fit son entree. a
Constantinople, oil l'attendait un drapeu d'investiture de plus a cote
des deux qui symbolisaient le pouvoir sur la principaute de Moldavie.
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Rev en audience par le Sultan le 12 aalt, it chevaucha en grande
pompe, vetu d'un riche habit de brocart fourre de zibelines, a travers
les rues de la Capita le ottomane,.et parmi ses conseillers qui recurent
des cadeaux a cette occasion it y avait aussi huit Cosaques, auxquels
cependant on ne fit pas, comme aux boyars, les honneurs du vetement
de ceremonie usuel dans ces circonstances, le caftan.
De retour, le Hetman-prince, qui fit envoyer a Constantinople le
pauvre Georges Chmielnicki, s'occupa aussitot d'organiser sa
nouvelle possession. Un Grec, de l'espece de Stamatello mentionne
plus haut, Jean Draguinitsch, fut etabli comme vicaire, et apres
quelque temps, les Cosaques purent saluer de leurs acclamations le
nouveau maitre, qui venait leur apporter la bonne nouvelle que la
Porte ne voulait pas de tribut, mais seulement un concours militaire
en cas de guerre. Il y eut aussi un banquet plantureux a Nimirov en
octobre; Duca ne manqua pas de conserver l'administration
anterieure, par les magistrate des villes, les polcovnics, les sotnics, les
juges et les ecrivains ou pissairs (avec un pissar general"); it
demandait seulement que les proces fussent juges en derniere
instance a son Siege de Jassy. Un palais fut bati pres du Dniester, a
Tzicounovca, en face de Soroca, et les agents princiers commencerent
une vaste exploitation agricole que le pays n'avait jamais connue,
avec des troupeaux de moutons et de bates a comes, des ruches
d'abeilles, des fabriques de biere et d'eau-de-vie. Des privileges tres
etendus amenerent la prompte colonisation de ce pays jusqu'alors
Presque desert. On attribuait meme a cet habile administrateur
l'intention de passer, au moment du danger turc, en Ucraine et puis
a Moscou meme".
En 1683 les Turcs assiegeaient Vienne. Parmi les troupes
amenees par le prince de Moldavie dans le camp turc it y avait aussi
des Cosaques, plusieurs polcs". Un certain Dorochine etait reste
pour garder la nouvelle province. Duca, bientot prisonnier, au retour,
des Polonais, ne devait plus jamais la revoir: la bande de Kunicki,
nouveau Hetman au service du roi Jean Sobieski, qui esperait gagner,
dans cette croisade, tout le pays jusqu'au Danube, avait restitue a la
Pologne ce territoire ou la domination moldave n'avait ate qu'un
incident passager. Kunicki fut cependant remplace par un Moldave,
Mochila, et le titre de l'Ucraine resta dans les sceaux des princes
moldaves jusqu'en 1685.
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faut rattacher aussi a cet incident, qui ne manque pas d'interet,
les nombreuses emigrations des paysans moldaves, cribles d'impots;
vers cette liberte", de l'Ucraine qui appelait sans cesse de nouveaux
travailleurs pour un sol d'une inepuisable richesse. Les chroniques
l'affirment formellement, et peut-etre faut-il y voir la seule origine de
cette nombreuse population roumaine qui occupe, non seulement les
bourgs de la rive gauche du Dniester, comme Dubasari, mais aussi un
grand nombre de villages dans cette province dont Kherson est la
capitale, jusqu'au Boug mere.
NOTES
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CHAPITRE VII
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heritier de son oncle, mirent fin a ces agissements. Et aussitot, malgre
la guerre, voici que la politique moscovite ne se preoccupe du Sud
qu'en ce qui concerne ses tendances vers Azov et la Mer Noire.
On avait 'name a cette Cour de Brancoveanu, sans cesse
travaillee par des intrigues allemandes, turques et meme polonaises et
soumise plustot, grace aux etudes faites par le puissant conseiller du
nouveau prince qui fut Constantin Cantacuzene, son oncle, a des
influences occidentales, une repulsion marquee a l'egard de la
personne du Tzar. Un agent envoye par Auguste de Saxe en 1696 le
dit expressement: les Valaques ne regardent pas volontiers, dans leurs
plans d'avenir, de ce cote -la, le dominateur moscovite etant un
seigneur d'une discipline par trop severe (ein Herr von alizu
strenger Disziplin"). Non qu'ils eussent desire vivre dans une
anarchie comme celle qui brisait les dernieres forces de la Pologne,
mais la Valachie, comme la Moldavie etait, pour ainsi dire, un pays
d'Etats", oiz chaque categorie sociale avait sa situation bien marquee,
et ces fiers nobles valaques, disposant de terres &endues et ayant dj
la prerogative de se perpetuer dans les fonctions, n'enviaient guere le
sort de ces boIars russes dont la carriere etait exclusivement entre les
mains du maitre ayant le droit de les rejeter dans le neant.
Si plus tard, apres 1709, un nouveau courant favorable a la
Russie se dessine dans les Principautes, it n'a pas une origine locale,
ni !name, pour ainsi dire, une origine politique. Rien n'etait arrive
dans le developpement du regne de Brancoveanu, .domino par le
soiici unique d'un prudent opportunisme, ni pendant les regnes
changeants qui lui correspondent en Moldavie, trop courts pour
l'eclosion d'une pensee politique, en etat de provoquer une action
dirigee vers un changement de domination qui aurait allege les
charges, releve situation actuelle et garanti l'avenir. Il y avait bien
l'ancien sentiment chretien, le desk d'une comunaute permanente
avec les coreligionnaires, mais cela ne suffisait pas pour qu'ils se
cherchassent un patron, et surtout du cote ou personne n'etait venu
les soliciter jusqu'alors.
Il en etait tout autrement sur cette terre roumaine non-libre de
la Transylvanie, oil de plus en plus une classe intellectuelle, qui
commencait a se former, le clerge a sa tete, s'impatientait de
l'esclavage. Les voyages a Moscou ou meme seulement jusqu'a
Poutivla, d'oti on avait rapporte, vers 1640, un Metropolite, n'avaient
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pas eu le seul resultat d'enrichir les eglises. L'action des Brancovitsch
avait laisse des traces profondes dans le souvenir des contemporains,
et les souffrances de Sabbas, jete en prison et maltraite, ne resterent
pas steriles. Toute une generation se forma ayant ces spectacles sous
les yeux: generation rebelle, animee de l'esprit de l'aventure,
passionnee pour l'orthodoxie et eblouie par la Moscow lointaine d'un
autre Empereur. Ce fut a Braov que naquit Theodore Corbea,
ecrivain et poete a ses heures, traducteur des Psaumes, qui devint le
chancelier de Pierre-le-Grand pour le latin. La propagande des
Jesuites, qui amenerent l'union de l'Eglise roumaine de Transylvanie
au Siege de Rome, et les violences qui s'ensuivirent de la part des
Imperiaux, devenus des 1891 les maitres de la province, ne firent
qu'accroitre la force de ce mouvement.
Or, un autre Corbea, David, etait aide-de-camp de Michel
Cantacuzene, Spatar, grand-general, du prince valaque, dont ce boIar
aussi etait l'oncle du cote maternel; it fut employe comme un des
principaux agents pour provoquer et entretenir la resistance contre
l'Union. Et, au moment oil l'appui de l'Eglise russe etait demande
pour cette oposition a l'Union, dont la direction officielle etait prise
par la Valachie, Golovkine, ministre du Tzar, adressait ses premieres
lettres aux freres Cantacuzene.
A ce moment (MA, oil, dans la terrible catastrophe qui avait
atteint la Moldavie par suite de cette guerre entre les Turcs et les
Polonais qui ne paraissait plus devoir finir, des hegoumenes des
grands monasteres anciens, Putna, Sucevita, des moines de Ranov,
de Bisericani, de Humor, de Coula et meme leurs collegues valaques,
de Cozia, de Vintila-Voda se dirigeaient en suppliants vers la Cour du
Tzar, le Metropolite de Valachie, Theodore, adressa un appel
desespere pour implorer le secours de la plus grande Puissance
orthodoxe, dans les souffrances de ses freres transylvains. En 1700 it
invoquait donc resolument contre les Imperiaux qui insultaient et
menagaient ces Valaques pour avoir eu la hardiesse de se meler des
affaires de leurs conationnaux le defenseur et l'abri, l'esperance et la
joie de tout le peuple orthodoxe".
Deja sous le regne d'un autre Cantemir, le frere able, Antiochus,
en 1700, Emilien Vosnitzine, le premier ambassadeur qui, partant
d'Azov, se rendit a Constantinople par mer, traversa Jassy a son
retour, comme si, des le debut, une relation necessaire se Et etablie
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entre l'amitie moldave et les esperances russes d'arriver au
Tzarigrade des legendes3. Et la chronique moldave sait aussi le nom
de celui qui resta aupres de la Porte pour transformer l'armistice dans
un traite pour trente ans, Tscheredgev4. Sous le prince Constantin
Duca, successeur d'Antiochus, le cneze Demetre Galitzine, ayant
accompli a son tour une mission a Constantinople, leva sur les fonts
de bapteme un fils du prince, qui paya de son trone cette liaison, ses
ennemis lui ayant atribu6 un sens politique, qu'elle n'avait
probablement pas 5. Comme it avait envoye du sel et du vin dans
l'ancien pays des Cosaques, gouverne jadis par son pere, dont it avait
donc les instincts de marchand, on parla d'une entente avec Galitzine
pour se refugier de ce cote "(1703), et les Turcs se saisirent de sa
personne 6. Plus tard, un de ses fils entra au service du Tzar,
probablement celui que Galitzine se sentait le devoir de proteger 7.
Enfin lorsque le Tzar Pierre se rendit, en 1709, au cours de sa
campagne de Pologne, a Zolkiew, oil se conservaient les ossements de
Saint Jean le Nouveau, pris par Jean Sobieski a Suceava, Antiochus
Cantemir, qui occupait a ce moment de nouveau, le trone moldave,
eut l'intention de lui deputer le Ban Savin Zmucila, un ancien
auxiliaire de Kunicki, pour lui demander la restitution de ces reliques8.
Mais le jour etait prochain ou la defaite de Poultava allait jeter
Charles XII sur le territoire turc pres de la forteresse de Bender,
arrachee en 1538 par Soliman-le-Magnifique au moldave Pierre
Rare, et les princes de Moldavie durent prendre une attitude tant
soit peu franche a l'egard de cette nouvelle Puissance, rapidement
envahissante, qui s'approchait a coup de victoires de leurs frontieres
et ne paraissait pas devoir s'y arreter.
Un autre motif, concernant specialement les Moldaves, decida
aussi Pierre-le-Grand a risquer sa fortune sur les bords du Pruth. A
cette poque, constate un chroniqueur, beaucoup de Moldaves et de
fils de bolars allaient meriter des gages: les uns chez les Moscovites,
les autres chez les Polonais, certains chez RakOczy et certains enfin
chez le Suedois, pour leur gain" 9.
Le plus grand nombre de ces jeunes soldats d'aventure avaient
servi le roi Sobieski dans ses chevauchees contre les Turcs, et une
compagnie moldave, portant un uniforme special, figure dans son
arm6e. Les renseignements ne manquent pas sur ces auxiliaires
roumains, dont une partie venait de Valachie aussi. Dans l'armee de
Charles XII un Valaque se fit remarquer, cc Sandu Coltea, qui, pris
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par les Russes, passa quelque temps en Siberie, ou it s'allia avec
Mirovitsch, un des captifs cosaques; it essaya de s'echapper et, libere
a la fin de la guerre, it demanda de pouvoir quitter la Suede, ou it ne
trouvait pas une eglise de son rite pour y faire la priere quotidienne.
Parmi les rangs des Russes it y avait un Apostol Chigheciu,
ancien soldat de Sobieski dont on a conserve le contrat conclu avec
les officiers du Tzar, auxquels it promettait d'amener certains soldats,
payes d'une somme fixe par mois '. Il faut citer aussi les deux Hajdau,
parents d'Etienne Petriceicu, dont ils conservaient le sabre dolt,
Michel Ganul, qui epousa la fille du rochmistre" polonais Jean Luc
ou Lupaco Murgulet, le Ban Savin, Andronic Isar et d'autres ".
Comme des Suedois et des Polonais avaient cherche un refuge
du cote de Cernauti, le Tzar ne voulut pas tolerer leur sejour dans
cette region limitrophe ou ils pouvaient combiner des incursions. Il
donna l'ordre a son brigadier Cropotov, qui conduisait des troupes de
cavalerie legere, et a un des capitaines roumains de son armee,
Constantin Turculet, ancien auxiliaire de Sobieski lui-meme, de les en
chasser. Its s'acquitterent de leur mission, mais le prince regnant,
Michel Racovita, accuse d'avoir averti et favorise les Moscovites,
perdit le pouvoir. Il avait cependant reussi a faire partir les auxiliaires
moldaves des Russes, qui avaient occupe les grands couvents du Nord
et la vallee, si importante dant les luttes actuelles, du Campulung
moldave, oil, avant la paix de 1699, les Polonais etaient restes une
dizaine d'annees.
Pour le moment l'intervention du Khan, ennemi des agissements
du roi de Suede, qui etait devenu de plus en plus un hote incommode,
empecha un conflit entre les Turcs et les Russes, que cherchait a
&after aussi, de toute son habilete et de toute son influence, le
nouveau prince moldave, Nicolas Mavrocordato, ancien drogman de
la Porte. La treve avec le Tzar fut prolongee pour trente ans au
commencement de Pannee 1710. Mavrocordato n'eut d'autres
deplaisirs que ceux que lui causait la presence turbulente, dans sa
Capitale elle-meme des Cosaques du Hetman Mazeppa, qui venait de
mourir, laissant ses soldats sous les ordres de Woinarowski, de
Wotkawinski et surtout de celui qui fut son successeur, Philippe
Orlik; des Polonais, et meme des Tatars, de la suite du Voevode de
Kiev, Joseph Potocki, y avaient aussi leurs quartiers, qui coiltaient
cher au pays. Les pillards et les insoumis ne furent, cependant, guere
menages.
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Mais la guerre contre le Tzar approchait. Tout un parti
Constantinople la desirait, esperant retablir l'ancienne gloire des
armies ottomanes. Le Grand-Vizir pieux et pacifique Nouman
Keupreuli fut 'emplace par un homme rude et violent, d'un
temperament guerrier, Baltadschi-Mohammed, originaire de la rata,
de la province" moldave de Hotin. Le Khan etait dj gagne a la
cause. Un nouveau prince moldave fut choisi par son influence dans
la personne, de tout point remarquable, de Demetrius Cantemir, un
savant orientaliste, qui connaissait cependant trop bien ces Turcs de
decadence pour les aimer et d'autant moins croire a leur avenir. Il
feignit de prende sur lui la mission de preparer l'expedition
vengeresse et de se saisir de la personne de Brancoveanu, suspect
d'avoir entretenu des relations avec la Tzar, par le moyen des moines
vagabonds et surtout de ces marchands qui venaient, non seulement
a Kilia sur le Danube inferieur, mais aussi dans les villes et aux foires
de la Valachie; it etait suspecte surtout d'avoir des richesses qui
auraient ete singulierement appreciees a Constantinople.
La decision de Cantemir fut pressee, a la suite de la rupture
entre ses patrons et les Russes, par les pretentions des Turcs, qui,
apres lui avoir promis l'exemption de tribut, ne cessaient pas de lui
demander, journellement, de l'argent, des provisions et tout ce qui
etait necessaire a l'expedition prochaine, par les denonciations de
Brancoveanu, qui cherchait a se montrer plus fidele que celui qui
devait surveiller et punir sa propre infidelite, et surtout par les
congeils de ces jeunes nobles de la classe des "mazils" descendants
d'anciens boIars vivant a la campagne qui etaient revenus de
Pologne, ou ils avaient combattu pour le Tzar avec la certitude que
cette nouvelle force politique devra vaincre necessairement l'Empire
branlant des Sultans. Ces guerriers d'aventure, parmi lesquels se
trouvait le pere du futur prince Jean Callimachi le nom de la famille,
non grecise encore, etait alors Calmaul avaient, du reste, des
camarades, comme Turculet et Chigheciu, comme Gregoire Ivanenco
et son frere, qui etaient rest& sous les drapeaux moscovites. Parmi le
grands boIars eux-mimes it y avait des chaleureux amis de la Russie:
le Hetman Antiochus Jora, chef des troupes moldaves, dont le
nombre avait ete accru tout denierement, et le Metropolite Gideon,
qui suivait dans cette attitude la tradition de Barlaam et Dosithee. Ce
parti chretien s'etait adresse 'name directement au Tzar, denoncant
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les sentiments turcs du prince et lui offrant un apport de 10 000
Roumains et les moyens d'entretenir 15 000 autres soldats s'il est
dispos6 a refaire la campagne de Jean Sobieski, se dirigeant avec une
puissante armee contre ce Boudschac tatare qui avait amene aussi
Petriceicu et Serban Cantacuzene a demander le secours du Tzar '2.
On predend, de bonne source, que Pierre-le-Grand lui-meme
aurait envoye en Moldavie, comme simple iriformateur
probablement, son medecin, le Grec Polykala. En tout cas, Demetrius
ne tarda pas a deputer des emissaires aupres du puissant voisin,
emissaires qu'il avait pris la precaution d'annoncer aux Turcs eux-
mernes comme des fideles espions. Deux des anciens soldats du Tzar
furent charges de cette mission, dont le caractere apparait par le seul
choix fait dans leur personne: Elie Abaza et Jean Mirescul, dont le
premier devait vivre en Russie, apres la catastrophe russe du Pruth,
de longues annees aussi comme moine a Kiev dechire par le desir de
revoir enfin sa patrie. Bient6t apres, un capitaine Procope eut meme
les pleins-pouvoirs pour conclure un traite.
On a ce traite, signe le 13/24 avril 1711. Le Tzar etait dispose, se
trouvant en guerre avec les Infideles, violateurs d'un traite a peine
conclu, a liberer ce bon peuple moldave, ainsi que d'autres nations
chretiennes soumises a des souffrances barbares", ainsi que l'avait
demande Demetrius lui-meme, qui avait soumis meme la forme
complete de l'acte a signer. On rencontre dans les clauses, qui sont
nombreuses et precises, ainsi qu'on pouvait l'attendre d'un prince si
cultive, certaines qui se rencontrent dans les traites anterieurs entre
Roumains et Moscovites: promesse de regagner pour la Moldavie les
forteresses ocupees par les Turcs, maintien du regime politique et
financier, complete autonomie, gouvemement par une dynastie
indigene, cooperation militaire, soutenue cependant, cette fois, par le
seul Tresor imperial. On distingue cependant clairement, d'un bout a
l'autre, la conception dynastique et autocratique que s'etait formee
Cantemir de son pouvoir. A la condition de rester ortodoxe et fidele,
it sera un souverain absolu, ayant les villes de sa principaute a sa
disposition; les nobles et tous les sujets de la Principaute de
Moldavie seront soumis a ses ordres, sans aucune opposition, sous
aucun pretexte"; les Cantemir heriteront de son pouvoir, jusqu'aux
fils posthumes. La protection imperiale sera maintenue, 'name si la
Pricipaute devait revenir aux Turcs; en cas de defaite, Demetrius sera
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recu dans les Etats imperiaux et it obtiendra, non seulement des
moyens de s'entretenir, mais aussi des proprietes et des palais"
equivalant a ce qu'il aurait abandonnees a Constantinople, et cela a
Moscou meme ".
Ce n'etaient cependant que des preliminaires; Demetrius
declara les accepter dans la forme de ce libelle et it deputa dans ce but
un nouvel ambassadeur, d'un rang plus eleve, Etienne Lucas ou
Loucoulenco, qui etait le beau-frere du Hetman Neculce le
chroniqueur. Le traite solennel devait etre conclu jusqu'a la fin du
mois de mai et publie seulement apres Pentree des armees russes ei
Moldavie. Pour tromper les Turcs, on lui donna aussi une mission en
Pologne, aupres du Hetman Adam Sieniawski, qu'il s'agissait de
gagner a la cause du roi Stanislas, la creature de Charles XII".
Cette fois cependant les intentions du prince avaient cil
supporter l'influence determinante, du Conseil de ses boiars. Il n'est
plus question seulement du maitre absolu et de sa dynastie. Les
nobles ont pris, a leur tour, leurs mesures de precaution: ils sont
inamovibles, sauf le cas d'une culpabilite reconnue par jugement; it
faut une sentence du Conseil et, en plus, l'approbation du
Metropolite pour les punir; toute la classe, jusqu'aux mazils", sera
epargnee par la dime et, en echange, elle aura le droit de recueillir
celle des paysans non libres; it ne lui sera pas fait de concurrence par
l'immixtion des Moscovites, comme fonctionnaires ou comme
proprietaires terriens 15. Lucas revint avec une chaine d'or et une
medaille pour le prince et avec une proclamation qui devait etre
communiquee plus tard au pays.
Rassure par cet acte de soumission conditionnelle, Cantemir fit
la meme chose que son voisin valaque, qui celui-la n'avait pas meme
conclu d'accord avec l'empereur, peut-etre son maitre futur.
Brancoveanu avait arrete ses troupes dans le camp d'Urlati; Cantemir
rassembla les siennes dans le voisinage immediat de Jassy, -pres du
monastere de Frumoasa.
Les Russes s'avancaient cependant, avant que les Turcs fussent
parvenus au gue du Danube, a Isaccea. Le moment etait venu ou it
fallait bien se declarer, en ce qui concerne le prince de Moldavie au
moins. Procope et un autre officier se rendirent aupres de
Cheremetev, qui commandait les troupes du Tzar a Mohilev, ils
demand'erent au nom de leur maitre qu'une avant-garde moscovite
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vienne se saisir de sa personne, pour se &gager ainsi de toute
responsabilite envers les Turcs. Le 1-er juin n. st. ce petit corps de
3 000 hommes, accompagne par les 500 cavaliers moldaves de
Chigheciu, etait a Zagarancea pres de Jassy, et la poursuite des Tures
commencait. Demetrius etait sorti a la rencontre de ses hotes, qu'il
conduisit dans sa Capitale, deux jours plus tard.
A cette occasion enfin it fit sa declaration, scellant desormais ses
actes d'un nouveau sceau latin, comme prince de Moldavie par la
grace de Dieu". Aussitot l'armee moldave commenca a s'organiser,
sur le compte du Tresor russe,, qui offrait au simple soldat cinq
roubles par moiss", outre un assez important paiement initial. Le
peuple accourut sous les drapeaux, et les mazils" avides de gloire en
furent les officiers"16.
Deja la proclamation de Demetrius Cantemir a ses eveques, ses
boIars, son armee et a tous les habitants du pays de Moldavie" avait
ete affichee, annoncant l'arrivee de l'armee russe, qui se dirigeait
vers le pont qui a ete contruit au prix de notre sang". Le prince
rappelait tout ce que l'ennemi de la Sainte Croix" avait perpetre aux
&pens du pays, des le moment ob. Bogdan, fils d'Etienne avait admis
le payement d'un tribut: les milliers d'habitants traines en esclavage,
les outrages ehontes, les efforts d'amener les princes et les boIars a la
foi de 'Islam, les imp6ts accrus et sans cesse renouveles. Il faut donc
s'unir au Tzar, comme ses compagnons d'armes, et se rendre aussitot
du cote du Danube pour arreter l'assaut de la tyrannie et de l'invasion
des Turcs". Tous ceux qui portent le nom de chretien" doivent le
faire sans retard, sous peine de confiscation des biens, car it faut
mettre sur pied une armee de 10 000 hommes. Le 15 juillet est le
dernier terme. Celui qui restera encore dans la clientele ottomane
sera meme puni de mort. Et un manifeste, un universel", etait
mentionne, qui promettait a la Moldavie liberee les forteresses qu'elle
avait perduesn.
Bientot Cheremetev lui-meme passa le Dniester a Rachcov,
ayant dans sa suite Dolgorouki et le Ragusan Sabbas, qui avait
negocie la revolte des Yougo-slaves; it conduisait une armee de
15 000 hommes. A son passage par la Bessarabie, les mazils" de
cette contree vinrent lui offrir leurs services. Le 6/17 juin, Cantemir,
accompagne par Lucas et Neculce, venait rencontrer le general
moscovite et lui offrir un cheval arabe. D'autres troupes suivirent,
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avec le general Janus. Et, avant que son allie moldave eat pu
soupconner l'approche de ce redoutable potentat, Pierre lui-merne,
conduit par les Moldaves Savin Zmucila et Paul Rugink se presentait
aux barrieres de Jassy. A peine le Metropolite Gedeon eut-il le temps
d'accourir pour asperger d'eau benite celui qui arrivait au nom du
Christ liberateur.
Le Tzar se rendit aussitot au Palais, ou, un peu plus tard, la
princesse Cassandre, fille de erban Cantacuzene, fit les honneurs de
ses appartements a Catherine, la compagne de Pierre. Il visita le bain
turc, d'ancienne fondation, datant de la fin du seizieme siecle. Au
retour, i1 trouva Cantemir au bas de l'escalier. Ayant rect.' de sa part
le baise-main, it ne se borna pas a lui rendre le baiser, sur le front,
mail it lui montra dans un seul geste sa puissance personnelle et
politique, le levant en l'air d'une seule main.
Le lendemain, Pierre, accompagne de trois officiers seulement,
visita les eglises de Jassy, etant rep au son des cloches, au milieu
d'une grande affluence de peuple. Il declara reconnaitre dans Pedifice
de Golia, telle qu'elle etait a ce moment, une triple influence:
polonaise c'est-a-dire occidentale grecque et russe nous dirions,
d'un seul mot: byzantine. II y eut ensuite un grand banquet, qui reunit
aux princes, au chancelier Golovkine et aux generaux russes:
Galitzine, Dolgorouki, Ronne, Weisbach, au secretaire Chafirov,
Sabbas le Ragusan deux hOtes orientaux, dont l'un envoye par
Brancoveanu et l'autre qui avait deserte, dans la compagnie de David
Corbea, les drapeaux valaques pour s'offrir au Tzar: Constantin
Castriote, qui paraissait se rappeler que ce nom avait ete celui de
l'heroique Scanderbeg, et Thomas Cantacuzene.
Pour ne pas s'arroger le droit d'occuper la premiere place, Pierre
y installa le chancelier qui", ecrit la chronique moldave, fut le seul
a observer le jefine prescrit par l'Eglise". Il exigea que Cantemir prat
la place suivante et it n'occupa lui-meme que la troisieme; pour la
seconde fois le prince baisa la -main du Tzar, qui l'embrassa
paternellement sur le front. Le premier verre fut leve par le Moldave,
que sont puissant allie remercia de la 'name facon. Thomas
Cantacuzene et son compagnon valaque se trouvaient a la gauche de
Pierre. Ce Souverain daigna verser lui-merne dans les verres des
boiars ces vins de Cotnari et d'Odobeti qui etaient la gloire du pays.
Dans ses appartements, la princesse festoyait Catherine,
l'Imperatrice".
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Le lendemain, le Metropolite Gedeon accueillait le Tzar a
l'eglise des Trois Hierarques, ou Pierre se rendit pour faire ses
devotions aux reliques de Sainte Parasceve, it refusa d'occuper le
siege princier et ecouta comme le plus humble des fideles l'office
celebre a son intention. Cantemir vint retrouver son hOte qui s'etait
derobe a son attention. Il lui fit passer en revue cette nouvelle armee
moldave. Puis ce fut le tour de la Metropole, batie par le femme du
prince Duca, de Golia, de Saint-Nicolas, l'eglise d'Etienne-le-
Grand, restauree, vers 1670, par Antoine Rosetti.
Avant de feter a son tour ses allies, dans le camp de Tutora, sur
le Pruth, Pierre voulut arranger enfin ce differend qui avait separe
jusqu'ici le prince, amateur du pouvoir absolu, et ses boiars, qui, se
rappelant les anciennes coutumes, en etaient arrives a raver de
republiques a la mode polonaise. Non seulement Demetre, frere de
Michel Racovita, qui y etait naturellement interesse, mais aussi le
vieux Iordaki Rosetti s'opposerent opiniatrement a Ia clause
concernant la dynastie. Dieu seul est eternel", opposa-t-il aux
arguments de Golovkine et du Ragusan. Il fut arrete et dirige vers
Kiev, oa it sejourna pendant longtemps comme traitre a son prince.
Le banquet pour le second anniversaire de la bataille de
Poultava eut lieu au milieu de Parrnee, cinquante deux canons
accompagnerent les prieres, dites par le .Metropolite Gedeon. On
s'assit sur le rebord des tranchees. Le Tzar presidait; Cantemir etait
entre Golovkine et Cheremetev; quinze boiars se trouvaient parmi les
invites. On servit du champagne, et les Moldaves s'enivrerent. Tout le
monde dormit a la belle etoile, parmi les tables couvertes encore des
restes du festin.
Le lendemain fut publie le traite, sur le contenu duquel on s'etait
entendu dans le camp. A Jassy meme le clerge et la noblesse se
rassembl'erent dans Ia petite eglise qui se trouvait au dessus de la
porte du palais. Cantemir prit place dans son siege princier, ayant a
ses cotes le secretaire Sabbas, qui devait rendre compte a son maitre
de la ceremonie. Les clauses furent lues une a une et admises par
('assistance.
Pierre etait decide, a ce qu'il parait, a se diriger vers Focani,
pour exercer une pression irresistible sur Brancoveanu, encore
chancelant, et lui faire ouvrir le pays a ses armees; d'autant plus que
la Moldavie n'etait pas en etat, ainsi qu'il avait pu le constater, de
nourrir sa nombreuse armee, alors que la Valachie avait eu une
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recolte normale. Deja le general Ronne avait ete dirige, dans la
compagnie de Cropotov, avec ses Moldaves, et de Thomas
Cantacuzene, vers la forteresse de Braila, qu'il n'arriva cependant
occuper que le 14/25 juillet. Mais le prince valaque, indigne de la
faveur dont jouissait ce Cantacuzene qui ambitionnait son Siege, se
hata de retourner a Targovite, l'ancienne Capita le du pays, avec la
permission des Turcs, auxquels it finit mais seulement apres leur
victoire par livrer ses provisions, qu'il avait d'abord dirigees vers le
camp moscovite a Falciiu '8.
Ceux-ci avaient pass dj le Danube. II fallut donc leur livrer
bataille dans des circonstances absolument defavorables, sur le rivage
du Pruth, a proximite du Boudschac desert et sans eau, sur lequel
s'etaient abattues, en plus, les sauterelles.
Deja les Tatars de l'avant-garde avaient surpris, a la fin du mois
de juin, les Moldaves d'Ivanenco et les Valaques du capitaine Iene.
En Moldavie meme, le boIar Lupu Costachi s'etait retranche dans le
couvent de Bursuci pour y attendre, et it fallut envoyer Chigheciu
pour essayer de l'en deloger. Rencontrant les forces principales du
Vizir, le general Janus recut l'ordre du Tzar de se retirer vers les
quartiers de ce prince, a l'embouchure du Prutet. Demetrius
Cantemir prit sur lui de retarder l'avance des ennemis; it avait avec lui
2 000 des siens, un certain nombre de Cosaques du Dnieper et du Don
et 4 000 Russes , forces insuffisantes pour pouvoir etre vraiment
utiles a l'armee. Un grand nombre parmi ceux qui formaient cette
arriere-garde hardie tomberent sous les coups des Tatars, qui se
disperserent en pillant a travers cette pauvre Moldavie sans defense.
On s'arreta, apres la reunion avec l'infanterie du general
Repnine, pour livrer le combat a StAnilqti, pres de la ville de Hui.
Le Tzar lui-meme considerait la situation comme desesperee, a cause
du dispersement de ses forces et de la superiorite numerique des
Turcs, qui disposaient aussi d'une bonne artillerie. Neculce, le
conseiller principal de Cantemir, assure qu'il aurait voulu laisser le
commandement a Cheremetev et essayer de retourner dans ses Etats
avec une escorte de deux cents dragons et. cent Moldaves", par la
Transylvanie et la Hongrie, ce dont l'aurait dissuade le prince
moldave.
Le combat fut, de fait, une defensive de plusieurs jours, avec de
grosses pertes au cours de la retraite. Les Moldaves sortaient du camp
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fortifie pour provoquer les Tatars et ouvrir la voie; leurs sacrifices
fureut enormes, et ils les accepterent de bon cceur. Its amenaient en
plus de l'eau et des provisions, des troupeaux de btes, a l'armee.
Cantemir, qui avait assists a la victoire de Zenta, remportee par le
prince Thigene sur le Sultan recommandait une poussee energique
contre le centre ennemi, represents par les janissaires. Le general
Weidemann l'essaya, mais it tomba au milieu des siens. Mame apres
que les negociations ouvertes par des propositions russes, qui
contenaient la cession du pays jusqu'au Danube et des
dedommagements pour les devastations des Tatars, eussent ete
ouvertes, et dissuada le Tzar de conclure hativement cette paix
&favorable.
Elle fut cependant acceptee, et Cantemir dut se considerer
comme heureux d'avoir pu sauver sa propre personne, que les Turcs
reclamaient hautement comme celle d'un traitre. Apres avoir visite
une derniere fois Jassy dj envahie par des bandes turco-tatares, et
y avoir pris, avec sa femme, le sceptre d'argent du pays" qui doit
se trouver quelque part en Russie alla rejoindre celui qui n'etait
plus dorenavant son allie politique, mais bien son maatre et patron.
Le dernier parmi les chefs russes qui evacua la Moldavie fut
Winne, dont la marche se poursuivit par Cernauti et Hotin. Une
partie des Moldaves avaient accompagne leur prince; d'autres se
trouvaient dans l'armee du Tzar. A Galatz les envahisseurs avaient
deterre dans l'eglise de S. Georges le corps du Hetman Mazeppa,
dont on voit encore les armes, l'aigle des Cosaques, sur la pierre qui
recouvrait jadis ses ossements. A leur suite venait comme
administrateur de la province Jean, fare de Nicolas Mavrocordato.
Son frere, qui lui succeda bientot, n'eut pas de repit jusqu'au depart
force de Charles XII, qui abandonna Bender apres le kalabalik",
l'echaufourree qu'on sait, avec les Tatars et les Turcs, en 1714.
Demetrius Cantemir, escorts par deux cents dragons, fut etabli
d'abord, pour l'hiver", a Kharckov, puis au-dela du Dnieper et du
pays des Cosaques, dans une place de refuge, une slobodka" pas
d'Azov, ainsi qu'il l'aurait demands lui-meme, d'apres le conseil de
certains des Moldaves qui connaissaient la place comme etant
commode". Bien fourni de provisions on lui donnait", ecrit
Neculce, tant de vivres a lui eta tous les Moldaves qu'ils n'arrivaient
pas a les consumer", it obtint le domaine, compose de treize villages,
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du general polonais Szydlowski, avec des etangs, des moulins, des
champs fertiles, des troupeaux, des ruches d'abeilles et deux a trois
cents serfs pour chaque village, domaine abandonne ensuite a son
entourage. Son prestige, assure le 'name chroniquer, etait superieur a
celui de tous les grands de la Cour, qui en etaient arrives a le hair. Les
Cosaques qui habitaient le pays protesterent aussi aupres d'Apraxine,
gouverneur d'Azov, contre ce nouveau maitre, qui aurait desire
former dans cette region de Kharkov comme un nouveau pays"
autonome, colonise par ses Moldaves. Apraxine lui-meme et son
collegue Cheremetev s'opposerent a la realisation de ce projet, jetant
des doutes sur la constance de Cantemir lui-meme dans son
attachement a la cause chretienne et objectant les dangeres qui
pouvaient resulter de cet etablissement d'une nation etrangere,
tendances changeantes, dans le voisinage meme d'Azov a peine
conquise sur les Tures. L'ancien prince moldave fut dedommage par
mille dvors" dans la province meme de Moscovie, avec cinquante
villages et cinquante mille serfs en dependant et, en plus, deux belles
maisons a Petersbourg elle-meme; six mille roubles devaient servir a
l'entretien de la maison princiere.
En 1713 sa femme mourut, et it epousa la princesse Anastasie,
fille du feld-marechal Ivan Troubetzkoi. A cette poque it avait ete
dj charg d'organiser l'Academie Imperia le de Petersbourg,
d'apres le modele de celle de Berlin, pour laquelle it avait ecrit en
latin une riche Description de la Moldavie". Comme Pierre-le-
Grand avait entrepris une expedition en Perse, it l'accompagna en
qualite de conseiller scientifique; mais it n'eut pas le loisir de r6diger
ses notes, comme, du reste, it ne vecut pass assez pour publier sa
grande Chronique des Moldo-Valaques", a laquelle it avait travaille
aussi en Russie. La mort le surprit encore jeune en 1723.
Il avait dj perdu dans son exil ses fils Pierre et Jean. Un
troisieme fils, Mathieu, marie a une comtesse, mourut dans les rangs
de l'armee en 1771. Constantin, capitaine de la Garde, dont la femme
etait Anastasie, fille de Demetre Galitzine, s'etait dj eteint en 1747,
alors qu'un autre frere, le brigadier Serge, etait encore vivant vers
1780. De ses deux filles, Marie (t 1720) et Smaragde (t 1757), la
premiere avait ete demoiselle d'honneur de la Tzarine ". Une autre
Smaragde, du second manage (t 1761), fut l'epouse de Demetre
Mikhailovitsch Galitzine.
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Mais le plus clbre de ses enfants et le seul qui herita de son
grand talent d'ecrivain, de sa disposition extraordinaire a apprendre
les langues etrangeres fut Antiochus. I1 representa le Tzar, comme
ambassadeur, a Paris et a Londres et prit soin des editions en langues
occidentales de l'ouvrage de son pere sur 1'Histoire de 1'Empire
Ottoman. Doue d'un remarquable esprit d'observation it ecrivit,
d'apres les modeles francais du dix-septieme siecle, des satires d'une
haute envergure, dans lesquelles, tout de meme, revit la Russie de
Pierre-le-Grand et de ses successeurs imediats, avec tous ses &faits
et tous ses ridicules. Ii peut etre considers comme le vrai fondateur de
la literature russe moderne, ainsi que Nicolas Milescu fut le premier
compilateur d'ouvrages scientifiques en Moscovie.
Thomas Cantacuzene fut plus heureux. Cree general des son
arrivee a Petersbourg, avec des gages de cinq mille roubles par an, it
avait sous ses ordres un certain nombre de villages, correspondant
ceux qu'il avait abandonn6s. Puis on lui fit donner en 1718 pour
habitation permanente ce bourg de Pereiaslavl, confisque a la famille
rebelle des Mirovitsch, qui avait vu au XVI-e siecle les troupes
moldaves de Parvu, venues pour punir les Cosaques de leurs
incursions 21. Il mourut en 1721. Son fils fut eleve dans les traditions
russes et servit, comme beaucoup d'autres rejetons princiers de race
etrangere, dans les armees du Tzar; mais i1 ne survecut pas a son pere.
Thomas avait ete accompagne dans sa retraite par le frere de sa
femme Mathieu Herescu, qui, s'etant mane en Russie, fonda une
famille assez bien conne. Son fils fut ce poste, tout aussi polyglotte
qu'Antiochus Cantemir, mais ayant un talent inferieur a celui de son
compatriote moldave, que la litterature russe connait sous le nom de
Cherascov.
NOTES
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8. Nicolas Costin, p. 53.
9. Neculce, p. 273.
10. Hasdeu, Archiva istorica, I, pp. 83-84.
11. Iorga, Basarabia noastra, p. 83.
12. Neculce, pp. 304-305.
13. Polnoe sobrante zakonov, IV, p. 659; Mitilineu, oeuvr. cite, p. 74; Sturdza,
oeuvr. cite, p. 15 et suiv.
14. Voy. la chronique d'Amira Storia del soggiorno di Carlo XII in Turchia,
parue, par nos soins, a Bucarest et a Stockholm en 1905.
15. Neculce, p. 306.
16. Voy. notre memoire Charles XII, Pierre-le-Grand et nos pays, dans les
Annales de l'Academie Roumaine", XXXI.
17. Hurmuzaki, Supplement I, VI, IX (pp. 454-455, no. DCXXXI). Dans une
forme meilleure, avec traduction, dans le memoire cite, pp. 100-102, 126-127.
18. Chronique roumaine de Radu Greceanu, ed. St. Grecianu, et Neculce, p. 320.
19. Neculce, p. 332.
20. N. Iorga, Genealogia Cantacuzinilor, pp. 419-421.
21. Neculce et Genealogia Cantacuzinilor, pp. 353-35.
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CHAPITRE VIII
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vivaient ensemble dans le Banat, delivre en 1718 de la domination
turque; ils etaient soumis assez souvent a l'autorite du meme eveque,
qui etait ordinairement un Serbe. De l'autre cote de la riviere du
Maros, vers Gross-Wadein, 1'Oradea -Mare des Roumains, des
eveques vagabonds de meme nation faisaient une concurrence
victorieuse auk chefs unis reconnus par la Couronne, et, lorsqu'on dut
se resoudre enfin a creer un vicariat national uni pour les seuls
Roumains, l'agitatidn serbe n'en continua pas moins contre ce vicaire
lui-meme. Les Serbes, forts de leurs droits intangibles. n'hesiterent
pas a nouer des relations avec les Roumains de Transylvanie aussi et,
alors que les delegues de l'eglise de Saint Nicolas de Braov se
rendaient devant le Metropolite slave qu'ils preferaient a l'eveque
roumain uni, au renegat religieux et a l'usurpateur, un eveque serbe,
celui de Crouchedol, Nicanor Melentievitsch, venait presqu'-of-
ficiellement visiter cette Eglise rest& fidele a la foi des ancetres.
Or, les Serbes continuaient a maintenir la tradition de Georges
Brancovitsch, qui &all l'orientation vers la ville sacree de Moscou,
residence de l'Empereur chretien de l'Orient. Cet Empereur leur
envoyait des subsides pour leurs Sieges episcopaux et leurs
monasteres, et un maitre d'ecole venu de Moscou avait pose les
fondements de cette ecole slavone" ou slavono-serbe" qui devait
creer aussi une langue litteraire propre pour la nation, alors que
1'Autriche entendait la soumettre seulement a cette culture
germanique qu'elle representait en Orient. Lorsque l'oeuvre de
propagande religieuse arriva a etre par trop genante, un assez grand
nombre de ces soldats a titre hereditaire quitterent les confins de la
Hongrie pour aller chercher en Russie 'name d'autres domiciles, oh
leur confession aurait ete celle des autres habitants et oh l'Etat meme
se posait comme but principal de la representer et de l'etendre. De ce
mouvement resulta, sur les territoires rest& deserts a la suite des
longues guerres, la Nouvelle Serbie du Dnieper, avec de vrais
nouveaux Cosaques de provenance yougoslave. Les deputes religieux
de la Serbie autrichienne frequentaient sans cesse cette Cour
imperiale russe, a laquelle ils presentaient leurs doleances et dont ils
attendaient meme une delivrance prochaine. Car it ne faut pas oublier
qu'on a attribue a Pierre-le-Grand lui-meme l'intention de se tourner,
apres en avoir fini avec les Turcs, vers la Transylvanie et la Hongrie
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meme pour realiser le grand Etat orthodoxe, reedition de Byzance,
dont plus d'un lettre russe revait dans ses pensees d'avenir9.
Deja vers 1700 les habitants orthodoxes d'Hermannstadt-Sibiu,
dont les Autrichiens firent la Capita le de la Transylvanie, s'etaient
adresses au Tzar pour pouvoir batir une eglise de leur confession. Les
voyages en Russie des pretres de l'eglise de Braov continuaient. Un
de ces pretres, Eustatius, qui se faisait nommer, selon le coutume
russe, Vassilievitsch, laissa dans la Capita le russe, la Stolitza", ainsi
que la nommaient ordinairement les Roumains, son fils pour y
apprendre le slavon, et ce jeune ecolier devint un des premiers
codificateurs de la langue roumaine, tout en etant l'organisateur,
apres 1760, de l'enseignement roumain dans les centres orthodoxes,
Demetre Eustatievitsch, le premier parmi les Roumains, si on ne
compte pas Udrite Nasturel, qui recut une education exclusivement
russe. On a de lui aussi des traductions de differents ouvrages. Le
vieux pretre avait rapporte les dons habituels, qui permirent de
reparer et d'agrandir son eglise, ainsi que le fait voir l'inscription
nouvelle du frontispice, qui porte le nom de la Tzarine Elisabeth, fille
de Pierre-le-Grand.
Mais apres 1740 on ne se borne plus a demander seulement de
l'argent, des livres et des parements d'eglise. Le troisieme des
eveques roumains unis fut un temperament hardi et chaleureux, pret
a aller jusqu'au martyre pour defendre ce qu'il savait bien etre son
droit et son devoir. Jean Innocent Micu, dit Klein, simple fils de serf,
s'erigea en representant de sa nation entiere et it rappela
energiquement, sans discontinuer, aux fonctionnaires denues
d'initiative et surtout a la Cour de Vienne elle-meme la principale
condition, parmi celles dont on avait fait dependre cette reunion des
Roumains a 1'Eglise catholique: regalisation politique et sociale avec
les autres habitants de cette Transylvanie dont ils n'etaient pas
seulement les habitants les plus nombreux, les plus laborieux et les
plus &voiles, mais aussi les plus anciens. Bafoue, empeche de parler,
menace par ses adversaires nationaux, it allait etre arrete a Vienne,
ou it s'etait rendu sans ordre, lorsqu'il se dirigea vers Rome, oh it ne
trouva ni justice, ni 'name entretien, mais seulement un abri pour sa
vie brisee, qui se prolongea encore, opiniatre, au milieu de toute
espece de miseres et de souffrances, pendant vingt ans.
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Sa disparition fut le signal d'un immense mouvemerit
d'indignation de la part des paysans roumains, qui demandaient leur
eveque". Un moine bosniaque, Bessarion Sara, traversa la province,
acclame comme un saint par ces pauvres gens, qui ne comprenaient
pas un seul mot a sa propagande rustique d'illettre. Radu ou
Rodolphe Cantacuzene avait fait venir de Russie son frere
Constantin, et ils avaient machine, avec le Patriarche serbe lui-meme,
un grand complot destine a rendre a l'orthodoxie son ancienne valeur
politique, et non seulement dans les Etats du Sultan pgen, mais aussi
dans ceux de l'Empereur catholique. Sera fut arrete et disparut.
Constantin Cantacuzene, moins avise due son frere a l'heure ou le
complot fut decouvert, entra dans la prison d'Etat de Gratz, avec son
secretaire, le petit boiar Vlad Botulescu de Malaiesti, qui avait ete
d'abord celui de 1'Eglise metropolitaine serbe. D'autres mecontents
echapperent aux agents de 1'Autriche, et parmi eux ce Nicolas
Balomir, un clerc influent, qui avait revetu, des dignites importantes,
ou ce pretre Jean d'Aciliu, ce Nicodeme de Belgrade, qu'on retrouve
en Russie a ce moment decisif pour le sort de 1'Eglise roumaine
orthodoxe en Transylvanie.
Des petitions venant de cette province demandaient a ce
puissant protecteur tout indique la nomination d'un eveque .serbe
pour les orthodoxes roumains; it s'agissait peut-etre dj de
Geannadius Vassilievitsch, exarque de Slavonie. Une intervention
russe a Vienne ne manqua pas d'effet, au moment ou les deux Cours
etaient intimement alliees. Le decret autrichien du 7 novembre 1750,
confirme le 11 decembre suivant, etait une legon de tolerance faite
aux autorites persecutrices: it prometait une nouvelle delimitation
officielle entre les territoires qui revenaient aux deux hierarchies,
mais ne creait ,rien en principe, car it reconnaissait seulement
l'existence des Eglises non unies de Sibiu, de Brasov et de Fagaras
(Fogaras), sans rien decider sur le point, capital, de la fondation d'un
nouvel &creche orthodoxe.
Ce qui signifiait que les masses populaires, profondement
mecontentes et agitees sans cesse par les Serbes, allaient continuer
ces troubles qui exasperaient l'officialite autrichienne et terrorisaient
dans leurs chteaux les nobles hongrois, proprietaires de ces serfs. Ce
fut en vain que la Cour declara nettement, en 1756, que les Serbes
n'ont rien a voir en Transylvanie, leurs privileges ne touchant pas
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cette province; le Metropolite Nenadovitsch ne se donna pas pour
battu; it persista dans sa lutte opiniatre, qui ne reussit qu'a delivrer ces
vieux croyants" roumains d'un joug sans les soumettre cependant
un autre. Au commencement de la guerre de Sept ans, ou rien n'etait
plus redoute que de nouveaux troubles populaires, it menaca
hardiment d'une emigration generale en Russie.
De nouveau, d'apres le conseil du pretre Jean maintenant Ivan
Abramovitsch, revenu dans sa patrie, l'eveque serbe fut demande
formellement, par ecrit, en 1758, a l'Imperatrice Elisabeth, patronne
de l'orthodoxie; cette fois cependant on ne plaidait plus seulement en
faveur de l'hierarchie serbe: le nouveau chef religieux devait etre
nomm6 par la Tzarine elle-meme et dependre aussi du synode russe.
Comme temoignage de leur reconnaissance, les petitionnaires
s'offraient a fournir a la Russie un regiment de hussards de leur race.
Cette petition fut saisie par les Serbes et presentee a la Cour de
Vienne, et, bien que celle-ci fut decidee a maintenir une certaine
tollerance et meme a accorder aux Roumains non-unis un eveque
autonome" la revolte des paysans se ralluma, en 1759, avec une
violence extraordinaire, sous la conduite d'un chef audacieux, le
pretre Sophronius, du village de Cioara, qui arriva a etre un veritable
prince revolutionnaire de sa nation.
Il fallut bien proceder, des 1761, en meme temps que les troupes
intervenaient enfin energiquement pour retablir l'ordre,
l'installation de cet eveque depuis longtemps promis. Ce fut le Serbe
Denis Novakovitsch, qui avait administre jusqu'alors ce bizarre
diocese serbe de Hongrie qui reunissait les Ratz" de Bude et les
colonistes des champs de Mohacs". Mais, comme des mesures
avaient ete prises contre Sophronius, trop dangereux pour jouir de la
grace qu'on lui avait accordee au commencement, l'irritation des
paysans continua. Des lettres myterieuses venues de la part de cet
apotre, qui s'etait refugie en Valachie, l'entretenaient, le
transformant meme dans une vraie revolte sociale, puisqu'il &ail
question de detruire le servage maudit ". Des relations secretes se
poursuivaient entre les paysans et ces exiles qui s'etaient etablis dans
le pays roumain voisin, sans rompre les anciennes attaches avec la
Russie de quelques-uns parmis eux.
En 1768 un appel revolutionnaire etait distribue par les villes et
les villages de Transylvanie, au nom de l'orthodoxie persecutee;
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l'histoire de l'Union y etait presentee avec une passion vengeresse, et
la figure meme du martyre Klein n'etait pas epargnee, comme etant,
tout de meme, pour l'agitateur, inseparable de cette Union profane,
qu'on abhorrait. On affirmait hautement les anciennes relations
hierachiques avec les Principautes, et n'oubliait pas non plus le
chapitre des combats du bon propliete" Sophronius. Mais, en ce qui
concerne l'avenir, it ne peut y avoir qu'un unique espoir. Dj dans la
Pologne, oh les orthodoxes s'efforcent de secouer le joug catholique,
brillent les sabres", liberateurs des Ruses. Le repas" sera consume
la-bas, et plus tard les memes viendront prendre leur collation du
soir" dans cette Transylvanie opprimee ".
Et cette piece jugee comme digne d'tre conservee par un pretre
roumain du Banat, Michel Popovici, qui vint a son tour admirer les
splendeurs de la Stolitza", avec ses parades militaires, sa Cour
imposante, ses statues et ses musees, choses absolument nouvelles
pour ce visiteur, qui s'empressa de les mettre par ecrie.
Il faut attribuer sans doute a ce grand mouvement religieux
sincere l'intervention russe en Pologne sous la nouvelle Imperatrice
Catherine II. Et, si, provoquant une conflit avec la Turquie, que le
parti de la guerre a Constantinople, avait ete le seul a desirer, it eut
des consequences extremement importantes pour les Principautes
elles-memes, it faut l'attribuer a ces moines refugies de Transylvanie,
a ces exiles aigris par la persection. Un certain Damascene etait
hegoumene d'Argq lorsque la guerre eclata, et on le vit a la tete des
troupes russes qui entrerent a Bucarest; a Viero, pres de Piteti, le
superior etait Sophronius lui-meme. Pour la seconde fois ce fut donc
par les souffrances, la rovolte et les esperances de la Transylvanie que
la Russie combattante en trait en relations avec les pays roumains du
Danube.
Personne dans les Principautes memes n'avait demande l'appui
de la Tzarine. Les princes phanariotes du moment etaient parmi les
meilleurs, et ils etaient animes des idees de la philosophie"
philantropique et raormatrice de l'Occident. Les deux Callimachi,
Jean et son fils, Gregoire, Moldaves d'origine, furent des maitres
modestes et doux; leur contemporain Gregoire Alexandre Ghica
avait des visees superieures en ce qui concerne l'administration. Si,
des le commencement de la guerre, it y eut neanmoins un parti
russe" a Jassy et a Bucarest, la Russie elle-meme l'avait cree,
prevoyant une guerre fatale.
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faut tenir compte du fait que ce major Nazaire Karazine qui
devait occuper Bucarest sans combat avait paru en Valachie quelques
mois auparavant et qu'il avait visite l'hegoumene d'Arge, aupres
duquel it resta, feignant d'tre malade, pendant longtemps;
l'hegoumene fut, d'apres le propre temoignage de la Chronique des
Cantacuzene, celui qui lui recommanda de ne s'adresser a nul autre
qu'aux chefs de la famille a ce moment, Parvu, Grand-Ban, et Michel,
Tresorier. Le prince Alexandre Ghica, le jeune petit-fils de Gregoire II
fit venir a Bucarest cet emisaire, dont il avait decouvert les menees, et
le sauva de la poursuite des Turcs. Ce fut a ce dernier moment, avant
de partir, que le major eut une entrevue avec Parvu, qu'il reussit
gagner et auquel i1 confia des manifestes imprimes, qui devaient etre
distribues aux Serbes et aux Bulgares. Ceci arriva au commencement
du printemps de Farm& 1768.
La guerre eclata bientot, et Gregoire Ghica III vint remplacer
son jeune et inexp6rient neveu. Il confia la charge de chef de la milice
a Parvu Cantacuzene, ce qui donnait a ce dernier le moyen d'tre
encore plus utile aux Russes. Travesti en moine, Karazine etait de
nouveau revenu a Arge, et il alla avec l'hegoumene porter a Parvu _
une lettre de l'Imperatrice, datee du 19 janvier a. st. 1769.
Le boIar valaque y etait presente comme celui qui aurait desire
sauver sa patrie et celle de tous les voisins chretiens de la maudite
sujetion turque". L'idee slave" avait dj gagne de l'influence sur les
cercles officiels on avait dj en roumain des vies de Pierre-le-
Grand et meme des chroniques russes, non slavones" ", et
l'Imperatrice parlait donc d'une nation slavone" dont la delivrance
se prepare par la guerre qui vient d'eclater. Parvu devait conduire
dans leurs efforts tous ces orthodoxes, ces Slavons qui se trouvent
sous la domination de la Turquie", gagnant ainsi la reconnaissance de
ceux qui lui devront leur salut. Lui envoyant une croix d'or, Catherine
lui promettait, si l'entreprise n'aboutissait pas, un asile assure dans
ses Etats. Le manifeste qui etait attach a cette missive concei-nait,
comme nations slavones orthodoxes vivant sous la domination
turque", les habitants de la Cara-Valachie, de la Valachie
proprement dite, de la Bulgarie, de la Bosnie, de l'Herzegovine, de la
Mac6donie, de 1'Albanie et d'autres provinces. turques". Selon la
theorie officielle, toutes ces nations seraient venues de Russie",
dont leur nom 'name de Slavons". En cette qualito nouvelle, aussi
bien qu'en celle d'orthodoxes, on leur demandait, non seulement de
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preparer des provisions, mais d'organiser une insurrection generale".
Parvu repondit, au mois de mai, renseignant, en meme temps, le feld-
marechal, Alexandre Galitzine, sur Petat des Tures et les moyens
qu'on pourrait employer pour accomplir l'oeuvre de delivrance et
insistant sur les exces inouis commis par des soldats ottomans au
milieu des Roumains; plus tard il reunit a ses instantes prieres de
secours l'intervention par ecrit des eveques de la Valachie, qui
avaient dj ecrit, en janvier, au prince Repnine a Varsovie. II
indiquait comme une oeuvre necessaire la conquete de Braila. Il faut
signaler que les chefs de rEglise valaque parlaient aussi des
esperances formees par les Bulgares, les Serbes, les nations
d'Albanie, de Macedoine, de Thrace et de Grece" et faisaient
entrevoir une prosperite inouie pour leur patrie delivree, digne de
devenir alors l'objet d'admiration de l'Europe ".
En Moldavie, le Metropolite etait le seul a entretenir des
relations avec le commandant des armees russes Alexandre Galitzine,
qui le remerciait, le 21 juillet, pour les souhaits dont il avait
accompagne son arrive sous les murs de Hotin. Une simple lettre, du
reste, destinee a l'assurer de ses sympathies personnelles et de la
recompense qui attendra son devouement, sans envoyer aucune
proclamation et recommander aucun mouvement. S'il y eut des
volontaires moldaves, comme le capitaine Elie de Lapuna et la
plupart des Arnautes de la garde du prince Gregoire Callimachi, nul
ne s'etait preoccupe de mettre en branle le mecontenement des
habitants contre les extorsions incessantes de leurs maitres turcs.
Callimachi, dont la fidelite paraissait douteuse et qui, en tout
cas, n'avait pas repondu par ses services a l'attente de ces derniers,
perdit le trone et dans quelques semaines sa tete &ail expos& a
Constantinople comme celle d'un traitre et d'un transgresseur des
ordres du Sultan. Des le mois de juillet le vieux Constantin
Mavrocordato, presque aveugle, avait ete nomme prince de
Moldavie, mais il ne passa que quelques semaines a Jassy. La retraite
des Turcs l'amena a Galatz, oh il devait recevoir dans un combat cette
blessure a la tete, a laquelle il succomba dans sa Capitale meme
comme prisonnier.
A la suite d'une patrouille de Cosaques command& par Jean
Sacklate, un Roumains de Transylvanie 17, les Russes des generaux
Elmpt et Prozorovski entrerent a Jassy en septembre, regus par le
Metropolite a une grande distance de la ville dont il apportait les
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clefs, it avait meme implore leur approche, car les troupes se tenaient
encore a Botoani, pour empecher les ravages des trainards turcs et
tatars. Ce prelat, Gabriel, etait le propre oncle du prince Callimachi
et ses agissements aussi avaient pu compromettre ce dernier; ancien
eveque de Salonique, it avait vecu dans un milieu oti rien n'etait au-
dessus des interets de la foi orthodoxe. Les troupes defilerent par les
rues de Jassy, le sabre au daft, accompagnant les representants du
pays, qui allerent aussitot preter a la Metropolie le serment
1'Imperatrice et a son heritier, dcuit l'armee venait defendre et
soutenir la foi chretienne qui soupire sous le joug des mahometans".
Pour montrer qu'il ne s'agissait pas d'un passage, mais bien d'une
prise en possession, les districts durent envoyer des actes en regle,
contenant ce meme serment prate par chaque ville et village. Une
statistique generale fut ordonnee, le clerge en tete. Des prix fixes
furent etablis pour les denrees. La garnison de la Capita le, car les
deux generaux revinrent dans leurs quartiers, fut confiee d'abord a un
polcovnic du nom de Horvat le nom parait indiquer un Roumain ou
un Slave de Hongrie, puis au vieux general de Stoffeln, qui
succomba, au printemps, a la peste. Le commandement se trouvait a
Miroslava, sur une des collines environnantes. L'administration civile
etait composee, en 1770, du Metropolit, du Vornic Jean Sturdza et
d'un des fils de Jean Neculce, Alexandre.
Pour la nouvelle organisation de la Principaute une comission,
composee du chef de l'Eglise moldave et de deux boiars de premiere
classe, devait se presenter devant l'Imperatrice elle-meme, qui s'etait
reserve la decision. De fait on envoya a Petersbourg l'eveque de Hui
seulement, Innocent, accompagne des superieurs de So lca, le
chroniquer et compilateur Barthelemy Mazareanu, et de Moldovita,
Benoit; les boiars avaient choisi Jean (Ianaki) Mil lo (Mil lot), Francais
d'origine, et Jean Paladi, boiar qui avait fait des etudes et qui avait
des livres latins classiques dans sa biblioteque. Lupu Bal, dont on
avait voulu venerer le grand age, s'excusa a cause de la longuer du
chemin 18 Leurs lettres de creance etaient adressees comme a la
nouvelle Souveraine du pays, delivre de la servitude des barbares
impies" ".
A ce moment les troupes russes se trouvaient dj a Bucarest.
On avait commence d'abord par la formation de detachements de
volontaires. Puis des emissaires furent envoyes a Focani pour avertir
les commandants russes que les Turcs se preparent a les attaquer par
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surprise. AussitOt un corps d'exp6ditions fut improvise; iI contenait
seulement 700 volontaires roumains et albanais, soutenus par vingt-
quatre Cosaques: le comandant fut Elie le Moldave, aux cotes duquel
chevauchait l'hegoumene d'Arge, cette fois encore principal
organisateur du complot; au lieu de drapeaux it y avait deux draps
blancs lies a des perches. Parvu Cantacuzene les accueillit aux sons de
toutes les cloches, avec 200 Arnautes de la garde valaque; la
population de la ville, dressee dans ce sens par le meme, se jeta sur les
Turcs presents dans la ville, dont le nombre se serait eleve a 5 000
hommes, mais qui n'attendaient guere cette surprise de la part de
leurs fid'eles sujets. 300 soldats r6sisterent seuls devant le palais du
prince pendant toute le nuit; on en trouva soixante sur la place. La
residence princiere fut visitee par les envahisseurs et par la foule
avide de butin 20; quant au prince, qui n'avait rien fait pour empecher
ce coup de theatre, on le decouvrit", d'apres sa propre demande,
dans le magazin d'un marchand, au khan de Serban-Voda. Apres
quelques jours ii fut envoy& au quartier du comte Roumientzov,
commandant-supreme; son jeune fils, son frere Mathieu, Alexandre,
le fils du prince Jean Mavrocordato it allait etre Voevode lui aussi
et finir ses jours en Russie, le Postelnic Ventura et les deux
medecins de la Cour, des Grecs, formaient la suite du prisonnier. Les
bolars se haterent de prendre, pour ne pas etre compromis dans
l'aventure, le chemin qui menait en Transylvanie, chez les Imperiaux.
La conduite des affaires restait exclusivement entre les mains de
Paine des Cantacuzene, qui fut reduit a employer seulement des
bo'fars de seconde et de troisieme classe. Damascene et Sophronius ne
quitterent pas non plus Bucarest, ou etait venu s'etablir aussi l'eveque
de Buzau. L'eveque de Ramnic, Gregoire, qui avait accompagne jadis
.de sa recommandation les exiles transylvains qui se rendaient en
Russie, faisait partie aussi de ce petit groupe qui avait le courage de
soutenir ouvertement la politique de l'orthodoxie.
Quant au Metropolite, qui portait le meme nom de Gregoire, it
fut mis, le 11 novembre, a la tete de la deputation valaque qui devait
presenter a Petersbourg les voeux de la nation; it etait assiste de deux
pi-eats, l'un Roumain, l'autre Grec, qui devaient etre tour a tour
eveques de Ramnic, C6saire et Philarete; les boIars etaient
representes par le descendant du prince Constantin Bracoveanu,
Nicolas, seigneur tres riche et d'une grande influence, et par Michel
Cantacuzene, frere et, des le debut, complice de Parvu'.
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. Les deux delegations arriverent apres avoir visite le general
Roumientzov dans la Capita le russe au mois de mars 1770 (mais
Jean Paladi &ail mort en chemin"). Au jour fixe pour leur audience
solennelle, le dimanche des Rameaux (28 mars), ils furent amenes au
Palais dans quatre voitures de gala, attelees de six chevaux et garnies
de laquais en grand uniforme. Le vice-chancelier, comte Panine,
originaire des Pagnini de Lucques, les recut et les fit conduire par le
marechal de la Cour a l'eglise, ou l'Imperatrice elle-meme assistait au
service divin. Suivit la reception dans la salle du trone, Catherine
attendant debout ses nouveaux fideles roumains. D'un cote etaient
ranges les ministres et les hauts dignitaires, de l'autre les dames
d'honneur. S'etant places separement, d'apres leur pays d'origine, les
delegues s'inclinerent profondement devant la Souveraine de leur
choix, et l'eveque de Hui, un beau parleur,*qui avait discute avec le
pretre du Banat, soutenant la these contraire a l'hierarchie serbe,
presenta les hommages de la Moldavie; le Metropolite valaque suivit
avec sa harangue au nom du second pays roumain".
De fait, les envoyes etaient charges de faire connaitre toutes les
souffrances, les craintes et les esperances de cette nation souvent
eprouvee par le malheur. Il etait question du danger qui menacait a
cause des forteresses retenues encore par les Turcs, Bender et Braila,
au droit qu'avait la MoldaVie a se reannexer le territoire usurpe par
les Turcs, des impOts qui pesaient sur les marchands, des abus et des
exces das a certains soldats de passage en Moldavie, qui prennent
sans aucune forme tout ce qu'ils rencontrent en chemin, Mail et
,autres choses", plus qu'il ne leur serait necessaire, des volontaires et
des Cosaques qui font que les pauvres doivent quitter leurs
chaumieres pour s'abriter dans les forets; le Metropolite aurait desire
regagner les reliques, emportees de Pologne par son predecesseur
Dosithee, de Saint Jean le Nouveau. Les veuves des boIars
demandaient a cette femme qui detenait le pouvoir supreme d'tre
exemptees de toute servitude envers l'armee liberatrice et de pouvoir
s'adresser directement, dans leurs besoins au Siege imperial'.
La mission moldave presenta donc, en dehors du voeu principal,
. que leur pays soit compris dans le nombre des autres esclaves et
sujets de Sa Majeste" 25, tout un programme politique et social pour
l'avenir de cette patrie, a laquelle Catherine II avait daigne faire des
promesses sollennelles, par ses lettres du 16 decembre a. st.,
imprimees ensuite et publiees, en janvier, dans tous les districts. Il
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devait y avoir seulement un comite administratif aristocratique",
compose de douze boiars, dont six auraient a s'occuper des finances;
les fonctions de gouverneurs, de juges, de percepteurs d'impots
seraient reservees a cette meme classe; les rejetons de la noblesse
auraient le droit de se former dans des situations a la Cour; l'election
devrait donner des fonctionnaires pour un an ou pour trois ans; de
nouvelles lois seraient redigees, en tenant compte des institutions
imperiales de Byzance et des coutumes non &rites du pays; certains
des droits des anciens princes: investiture des boiars, perception des
droits regaliens, commandement de Parmee, qui sera desormais
composee de Russes, passeront au general imperial qui aura sa
residence a Jassy et qui servira d'intermediaire avec la Cour ". On
rappelait qu'en dehors de quantites enormes de provisions cette
pauvre Moldavie visit& par les Turcs et les Tatars avait deja donne
4 500 soldats et on ajoutait qu'elle pourrait bien en fournir 12 000
autres et payer de son Tresor 8 000 soldats russes".
Quant aux Valaques, ils debutaient par la demande formelle de
l'annexion, sans y adjoindre au moms des conditions d'autonomie:
que notre pays soit reuni aux provinces dominees par le tres-
puissant Empire de Russie et qu'on ne le laisse pas, a la conclusion de
la paix, retomber dans la sujetion tyranniques des Agarenes." Il y
aura tout simplement, a la place de l'anarchie, due aux empietements
des Turcs, les lois et les etablisements de la Russie, sans y rien
changer". Le systeme des finances et des douanes sera celui de la
Russie, tout en conservant pour quelque temps l'ancienne dime des
produits; les couvents garderont leurs proprietes, mais le pays sera
soumis sous le rapport religieux a l'autorite du Saint Synode. On se
contente, en echange, en ce qui concerne les boiars eux-mernes, du
privilege d'tre officiers, dans l'armee de 20 000 hommes qu'ils
s'offrent a lever, de fournir la moitie du nombre des juges, d'tre
alleges du poids ecrasant de leurs dettes envers des creanciers
pour la plupart strangers, de conserver leurs privileges et de jouir de
la grace imperiale", de garder leurs esclaves tzigans, de pouvoir
voyager librement en Russie et, pour le pays, d'avoir des Academies
de sciences, d'arts et de langues". Comme Parvu Cantacuzene venait
de tomber dans un combat livre aux Turcs pres du couvent de
Comana, on proposait un comite de gouvernement compose de douze
membres, dont quatre auraient la direction supreme, sous le controle
du general commandant en chef ". On ajoutait des denonciations
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passionees contre les perfides" qui ne doivent pas etre admis au
service imperial, contre les hegoumenes d'Arges et de Vieros, qui ne
gardent pas leur dignite de membres du clerge et s'abaissent a des
faits absolument incovenants, rassemblant des volontaires, accroisant
leurs bandes et s'en servant pour leurs interets particuliers, se
vengeant avec acharnement contre leurs ennemis, commetant des
injustices dignes des brigands et pillant, au plus grand deshonneur et
a la plus grande honte de leur mission comme moines" ". Les
emissaires s'efforcerent plus tard de compromettre la personne,
dangereuse pour leurs esperances ambitieuses, de celui qui avait ete
leur prince ". Its auraient desire pour se recommander a leurs
compatriotes qu'on confirmat par une proclamation de
l'Imperatrice le succes de leur mission".
Catherine II fit repondre dans ces propres termes: S. M.
l'Imperatrice accepte avec sa bienveillance speciale de Monarque
envers la population moldave et valaque, leur soumission et leur
serment de fidelite et gracieusement promet a tous les habitants en
general et a chacun en particulier, comme a des chretiens d'une meme
foi religieuse, de conserver les deux Principautes, la Moldavie et la
Valachie, sous tous les rapports, selon leurs anciens etablissements.
La tres-gracieuse Souveraine desire se convaincre que, de leur cote,
ils se rendront dignes toujours, conformement a leur devoir, de la
protection et de la defense de son sceptre, montrant un zele fidele, en
remplissant leur serment et en acroissant selon leur moyens restreints
les forces de ses armes contre celui qui a viole la paix et est l'ennemi
de son Empire et de tous les chretiens".
Suivit le baise-main de la part des membres de ces deux
delegations. Puis, par le moyen du drogman Krouta, qui avait etabli
les premiers rapports avec le Metropolite moldave, l'Imperatrice
parla a Michel Cantacuzene, le consolant de la mort de son frere, dont
les merites pour la cause chretienne seront recompenses, dans la
personne du survivant. Les delegues parurent aussi devant le Grand-
Duc heritier, age de treize ans, qui repeta une formule d'assurances
leur egard.
Les visites aux ministres occuperent le jour suivant; on visita les
deux Tschernichev, Orlov, Bezemski, le Hetman Razoumovski,
Panine, le feld-marechal Galitzine ". Les membres du clerge prirent
part le 4 avril au service divin dans le monastere de St. Alexandre
Newski pour assister ensuite, le lundi des Paques, a la messe dans
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l'eglise meme de la Cour. Its s'emerveillerent, le 11 en entendant le
bruit du canon qui annoncait l'ouverture de la navigation sur la Neva.
Le 15, le pretre montra a ses collegues les appartements du Palais: les
joyaux de la couronne, la grande salle qui avait les murs et les portes
recouverts de miroirs et les pales dores, et une autre salle ou on voit
le portrait de l'Empereur Pierre et toute la bataille de Poultava et les
combats contre les Suedois et plusieurs autres evenements qui se sont
passes sur le continent, et de meme les batailles sur mer, avec la flotte
des vaisseaux; tout cela se trouve sur les murs, mais en tissus, et non
en peinture, travaille avec un grand art indicible". Un autre jour, it y
eut visite des jardins imperiaux et de l'orangerie, ou on admira les
oiseaux rares et les animaux, ainsi que l'horloge au mecanisme
ingenieux et la table qui sert d'elle-meme, puis aussi visite de la
residence d'ete, de la Kunstkammer" avec la statue de Pierre-le-
Grand et la bibliotheque imperiale,, de la maison simple du grand
Empereur, du monastere bati par Elisabeth, sa fille, du palais de
Peterhof.
Les clercs roumains officierent aussi dans l'eglise de Kazan, le
jour de la naissance de l'Imperatrice, a la reception qui suivit assistait
aussi le prince de Valachie prisonnier, qui etait traits avec les plus
grands egards, etant loge dans un hotel propre et entretenu aux frais
de la Cour ", et dont le fils avait 6t6 recu dans le corps des cadets; it
devait etre envoys ensuite, comme conseiller indigene, sous les
dehors de meditateur, a l'armee de Roumientzov. Les hotes roumains
assisterent a la benediction de la Neva, au lancement d'un nouveau
vaisseau de guerre, muni de soixante-six canons, a l'action de graces
pour la victoire de la flotte russe en Morse. Ghica et l'eveque de Hui,
ainsi que les hegoumenes, furent invites aussi au banquet donne par
Catherine le jour du nom de son fils, a la fin de juin. Il y eut une
audition musicale, oil on chanta en francais et en italien , des jeunes
filles, et surtout, ecrit le pieux moine de Solca, une jeune fille qui
avait une voix si admirable qu'on ne pourrait pas en faire
suffisamment l'eloge." L'ete de Petersbourg avec ses longs jours
qu'interrompt a peine une nuit lumineuse, furent aussi un sujet
d'admiration pour ces strangers: du 15 mai jusqu'au 8 juillet", ajoute
le meme, le ciel etant tres serein et tres pur, on n'observa plus
d'etoiles au ciel car, it n'y avait meme plus de nuit".
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Ce ne fut que dans la seconde moitie de ce mois que partirent les
Roumains: d'abord l'eveque avec Mil lo, puis le prince Ghica, enfin les
hegoumenes aussi, que l'Imperatrice, d'apres l'intervetion des pretres
de la Cour, Tatichtschev et le confesseur Jean, avait combles de dons
pour les monasteres". Jusqu'au bout l'influent ministre Panine avait
ete leur protecteur chaleureux, comme si l'Italien avait decouvert
dans ces Valaques et Moldaves perdus parmi les sujets slaves du
Sultan des lointains freres de race.
Deja avant leur retour, une .victoire avait ete gagnee contre les
Turcs et les Tatars le 1-er aout n. st. a Cartal, pros de la place meme
ou Pierre-le-Grand avait subi sa defaite 36, mais les troupes
commandoes par le boIar Emmanuel Giani, dont on venait de faire un
prince de Valachie, menagaient Bucarest elle-meme. Les chefs du
parti russe, un Bal, un Vatatzes, l'eveque de Buzau, s'etaient retires
a Jassy avec les troupes du general Zametine, appele par
Roumientzov pour prendre part a la bataille decisive; un troisieme
Cantacuzene, Raducanu, combattit, a la tete des volontaires valaques,
dans cette bataille. Le vieux boIar Pana Filipescu avait cherche un
refuge dans les montagnes; it se reunit a son collegue Nicolas
Dudescu pour venir aussi aupres des Russes en Moldavie. Giani fut
invite par les adversaires politiques eux-memes a prendre possession
de la Capitale pour empecher les exces de la soldatesque ottomane.
Mais dans quelques semaines les Russes du general Goudovitsch
chasserent a Craiova ce vassal du Sultan. Le gouvernement des douze
boIars, ayant, le 13/25 novembre, a sa tete Michel Cantacuzene,
commenca aussitot a fonctionner. De son cote, Raducanu
Cantacuzene rassembla tout un regiment de husards volontaires des
deux provinces, auxquels it reunit meme des Roumains de
Transylvanie, et mit a la disposition de Roumientzov ces troupes, qui
se distinguerent par une bravoure extraordinaire, sauvant sous
Silistre, en 1773, a un moment de supreme danger, une aile de l'armee
russe cern& par l'ennemi et reprenant, en outre, toute l'artilerie
perdue 38. Bientot, Patiomkine conquit aussi les cinq districts de
l'Oltenie, etablissant dans Craiova une administration de quatre
bo'fars: un Geanogiu, un Prascoveanu, vieux boiar pretendant au .
qu'apres 1830..
Revenant aux boIars compromis envers le Sultan par leur
adherence a la Russie ceux qui, en tout cas, ne pouvaient plus rester
sous la domination turque et leurs families emigrerent. Les deux fils
de Raducanu Cantacuz'ene, Jean et Nicolas, dont le dernier avait servi
dans le regiment de hussards de son pere, resterent sous les drapeaux
de l'Imperatrice; Jean, officier de grenadiers, joua meme un role
politique, comme adherent de l'Autriche, dans la nouvelle guerre
contre les Turcs, qui eclata vingt ans plus tard 65. Les deux freres
etaient revenus dans leur pays en 1783. Michel, frere de Raducanu,
qui n'avait plus rempli sa mission, apres la nouvelle que le traite est
dj conclu, devint general-major des armees russes et conseiller
d'Etat, jouissant aussi de la possession d'un domaine de 2 000 serfs du
cote de Mogilev. Au depart, en 1776, it etait accompagne des fils de
Raducanu, de son propre gendre, Vatatzes, de son petit-fils Parvu
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Cantacuzene. Sa fille Luxandra epousa plus tard un Grec de Russie,
Melissino, qu'on rencontre plus tard comme major, dans Parmee
russe de Moldavie". Vatatzes, qui avait rois fils et deux filles, resta
aussi, jusqu'au bout, au service de la Tzarine. Quant au jeune Parvu,
it mourut a dix-sept ans comme page, etant enterre au monastere de
Nevski".
Ghica devint, grace aussi a l'appui du roi de Prusse, prince de
Moldavie; &nonce pour avoir repris ses relations avec les Russes, it
fut tue en 1777 par un envoye du Sultan dans sa Capita le de Jassy".
Son fils, eleve a Petersbourg, mourut a Constantinople. Parmi ses
parents, Iordaki, fils du prince Scar late, finit en Russie, oil sa soeur
avait epouse le riche Albanais Pano Maruzzi, qui portait le titre de
marquis". Et enfin Alexandre Mavrocordato obtint plus tard le trone
moldave pour provoquer par sa retraite en Russie Peclosion d'une
nouvelle guerre contre les Turcs.
NOTES
1. Neculce, p. 338.
2. P. 338.
3 P. 391.
4. Voy. Hurmuzaki, X, pp. VIIVIII
5. Neculce, pp. 340, 408.
6. Ibid., p. 408.
7. Neculce, pp. 408-409; Mannstein, Memoires de Mfinnich.
8. Genealogia Cantacuzinilor, p. 418.
9. Cf, N. Iorga, Actes et fragments, I.
10. Silviu Dragomir, dans l'Annuaire" du Seminaire de Sibiu et dans la
Revista Teologica, III.
11. N. Iorga, Sate qi preoti in Ardeal, passim Cf., N. Iorga, Histoire des
Roumains de Transylvanie et de Hongrie, II.
12. N. Iorga, brochure sur le voyage du pretre Michel Popovici; tirage a
part du journal Tribuna" d'Arad.
13. Ibid.
14. Voy. Revista Istorica, I, pp. 19-20.
15. Genealogia Cantacuzinilor, p. 156 et suiv.
16. Genealogia Cantacuzinilor, p. 437 et suiv.; specielement p. 441.
17. Arhiva romfineasca, I, p. 132.
18. Arhiva romfineascfi, I, pp. 146, 152.
19. Ibid., pp. 152-157.
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20. Voy. les excuses de Parvu envers Roumientzov, Genealogia
Cantacuzinilor, pp. 445-447.
21. Genealogia Cantacuzinilor, p. 170 et suiv.; Neamul Romanesc literar,
1911, p. 146 et suiv.
22. L'itineraire de Moldaves, dans 1'Arhiva romaneasca, I, p. 250 et suiv.
Dimitralco Cantemir les festoya a Kiev (p. 253).
23. Ibid., I, p. 197 et suiv.
24. Ibid., p. 158 et suiv.
25. P. 198.
26. Ibid., pp. 202-205.
27. Ibid., pp. 209,210.
28. Ibid., p. 210 et suiv.
29. Genealogia Cantacuzinilor, p. 459.
30. P. 465 et suiv.
31. Ibid., pp. 479-481.
32. Genealogia Cantacuzinilor, pp. 183-184.
33. Ibid., pp. 183-184.
34. N. Iorga, Actes et fragments, II, pp. 25-26.
35. Arhiva romaneasca, I, pp. 250-262. Ibid. p. 262 et suiv.
36. Ibid., p. 225 et suiv.
37. Genealogia Cantacuzinilor, p. 184 et suiv.
38. Ibid., pp. 187-188. Il mourut d'un accident de chasse au cours de la guerre
(pp. 189-190).
39. Ibid., pp. 189-190; Actes et fragments, II, pp. 29-30.
40. N. Iorga, Actes et fragments, II, p. 31.
41. Ibid., p. 65.
42. Ibid., pp. 85-86.
43. Ibid., p. 30.
44. Ibid., p. 37.
45. Ibid., p. 38.
46. Ibid., p. 42, pp. 44,45,48.
47. Ibid., p. 52.
48. Ibid., p. 54.
49. Ibid., p. 57.
50. Ibid., p. 61.
51. Genealogia Cantacuzinilor, p. 485 et suiv.; cf. Literatura i arta romans,
V, p. 759, et suiv.
52. N. Iorga, Actes et fragments, II, p. 69.
53. Ibid., pp. 69-70.
54. Genealogia Cantacuzinilor, p. 518 et suiv.
55. Ibid., pp. 512 et suiv., 532-535.
56. Acte qi fragmente, II, pp. 71-72.
57. Genealogia Cantacuzinilor, p. 515 et suiv.
58. Ibid., pp. 512-513.
59. Ibid., p. 522 et suiv.
60. Ibid., pp. 101-102.
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61. Ibid., 523-524,529 et suiv.
62. Ibid., p. 525 et suiv.
63. Arhiva romaneasca, I, pp. 239-243.
64. Genealogia Cantacuzinilor, p. 537 et suiv.
65. Genealogia Cantacuzinilor, p. 190.
66. Genealogia Cantacuzinilor, pp. 198-199,201 et suiv., 386.
67. Ibid., p. 401.
68. Sur ses dernieres relations avec la Russie, voy. St. Berechet dans le
Neamul romfinesc literar, 1911, pp. 35-36.
69. Genealogia Cantacuzinilor, pp. 191-197.
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CHAPITRE IX
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jours plus tard: cette independance obtenue, 1'Empereur aurait
l'assistance de la Russie lorsqu'il voudrait faire eprouver le meme
sort a ces provinces qu'eprouvent maintenant les provinces
independantes des Tatars, de la part de la Russie". Le roi de Prusse
lui-meme etait absolument convaincu de ce fait; l'Imperatrice aurait
consenti a ce grand sacrifice, dangereux, pour la mission qui attendait
son Empire, seulement pour pouvoir installer son petit-fils comme
monarque orthodoxe a Byzance, dont le brillant fantome hantait sa
vieillesse romantique.
De fait, la situation future des Principautes restera indecise, mail
le temoignage unanime de gens si bien informes et si en mesure de
porter un jugement sur les intentions secretes des Allies ne manque
pas de valeur pour pouvoir apprecier de quel cote vint, pour cette
nouvelle guerre, l'initiative de la conquete et de l'annexion.
Pour le moment la Russie s'etait bornee a consolider et a
accroitre, par un nouveau privilege de la Porte, les droits des deux
Principautes (janvier 1784). Aussitot apres on soupgonnait l'intention
qu'aurait 1'Empereur de demander aux Tures cette ()Italie que la
convoitise autrichienne n'avait jamais perdue de vue 6. En 1785 on
craignait a Constantinople l'invasion de treize regiments imperiaux
dans les Principautes; it aurait ete question au moins d'etendre vers le
Sud les frontieres de la Bucovine recemment acquise7.
En avril, le roi de Prusse s'occupait serieusement des vues que
1'Empereur doit avoir principalement sur la Moldavie et sur la
Valachie"; it n'aurait attendu que la fin des affaires de Hollande pour
s'attribuer, par la force des armes, la Moldavie entiere, dont la Porte
n'aurait pas ete eloignee de lui ceder une partie, si l'Autriche n'aurait
pas prefere un fragment de Valachie 8. Ces bruits reviennent avec
insistance et precision en 1786: it avait ete question d'un nouveau
cordon" sanitaire comme celui qui avait fixe les frontieres de la
Bucovine 9; certains parmi les Russes etaient disposes a reconnaitre
dans cette annexion de la Bucovine comme un prelevement de droit
sur les Principautes entieres '. C'est en Autriche que s'etaient enfuis,
du reste, les fils du prince valaque Alexandre Ypsilanti, dont le
precepteur avait ete le futur consul imperial a Bucarest, et tel bolar
de la Principaute avait ete invite aux fetes donnees a Braov-
Kronstadt, tout pres de la frontiere, a l'occasion du voyage en
sylvanie de Joseph II.
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Quant a la Russie, elle protestait tout doucement lorsqu'un des
princes phanariotes etait, non pas destitue, car c'aurait ate porter
atteinte aux traites, mais admis a se retirer, d'apres ses propres
instances, ainsi que ce fut le cas, en Moldavie, pour Constantin
Morousi et Alexandre, fils de Constantin Mavrocordato et, en
Valachie, pour Ypsilanti et son successeur Michel Soutzo, tous
demissionnaires". Et on constate avec etonnement que, pour
affirmer son caractere de co-protectrice, l'Autriche faisait presenter
par l'internonce des protestations de tout point semblables, qui
n'avaient que le defaut de ne s'appuyer sur aucune convention
internationale ". Ce que reclama en 1786 l'ambassadeur de
l'Imperatrice, Boulgacov, ce fut seulement que la Russie soit
dorenavant informee prealablement des motifs qui determinaient
une destitution" 12. Les Russes", ecrivait, en decembre 1786, le
ministre prussien aupres de la Porte, ne sont comptes pour rien: dans
ces sortes de choses" ". Le nouveau prince de Valachie, Nicolas
Maurogeni (Mavrogheni), un insulaire et non un Phanariote, et un
simple parvenu de basse extraction, avait ate choisi contre la volonte
expresse de l'ambassadeur de Russie pour prepare': contre l'Autriche
une guerre qu'on devinait dj etre prochaine.
Mais, au commencement de Pannee 1787, Alexandre, fils de
Jean Mavrocordato, et l'ancien. eleve des ecoles militaires de
Petersbourg, se disposait a quitter furtivement la Principaute pour
passer en Russie. Depuis quelque temps le consul Severine, qui avait
eu un conflit avec ce prince Maurogeni, personnage, du reste, peu
accommodant, qui avait ate, en plus, offense par Lachcarev, de passage
par Bucarest, s'etait retire a Jassy, demandant hautement
satisfaction' ". On soupconnait Mavrocordato, ainsi qu'on l'avait fait
pour Gregoire Ghica, a cause de son sejour a Petersbourg, de vouloir
livrer le pays a l'Imperatrice, et it connaissait dj son acte de
destitution, qui, ecartant le subterfuge habituel de la demission",
declarait, franchemeht gull a fallu le deposer, puisque la destinee l'a
voulu ainsi". Le vice-consul Salonski avait favorise ouvertement la
fuite du traitre", auquel on avait prepare le sort affreux de son oncle 15.
Une escorte de carabiniers qui l'attendait avait fait la garde
d'honneur a Mavrocordate jusqu'a Kiev, oil it alla se presenter a
l'Imperatrice, a laquelle it avait prate jadis comme soldat le serment
de fidelite 16.11 avait depuis longtemps un protecteur dans la personne
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du tout-puissant favori de Catherine, Patiomkine, devenu prince de la
Crimee transformee en Tauride, car, des 1770, celui-ci avait eu,
comme chef de troupes, des relations etroites avec les Principautes ".
Deux de ses parents, Georges et Constantin Duca, furent arretes plus
tard, comme complices, a Jassy 18.
Mais l'Empereur n'en continuait pas moins ses agissements.
L'agent actuel d'Autriche", ecrit le representant du roi de Prusse en
Moldavie, introduisit dans l'oraison qu'il a faite au (nouveau) prince
a sa premiere audience, son Souverain a peu pres comme co-
protecteur de ces pays" 19. Ypsilanti etait considers, du reste, comme
bon Autrichien" 20. Parmi les nouvelles de Cherson, oil Joseph II
etait alle retrouver son alliee, on trouve avec etonnement celle que
le jeune fils du duc de Toscane", neveu de l'Empereur, avait des
gouverneurs et des maitres grecs ainsi que celui du GrandDuc de
Russie"".
Mais la Porte s'etait plainte de la conduite des consuls russes,
demandant leur changement, et elle avait reclame que Mavrocordato
lui fut livre'; ces pretentions furent aussitot repoussees. Au milieu du
mois d'aoilt, le consul de Russie etait donc arrete a Bucarest ainsi que
son lieutenant a Jassy et le nouvel agent etabli a Kilia, la guerre avait
ele (Maar& par le Sultan a l'Imperatrice le 13.
L'Autriche avait su si bien se reserver, qu'elle paraissait n'avoir
rien fait pour provoquer le conflit; elle ne se decida a soutenir de ses
forces son allie qu'apres six mois, le 9 fevrier de Vann& suivante.
Catherine II avait ete contrainte de permettre l'expansion
autrichienne en Bosnie et dans l'Oltenie, et meme au-dela. Le roi de
Prusse, preoccupe d'avoir Danzig et Thorn, mettait tout en
mouvement pour realiser le projet de son ministre Herzberg, qui
contenait la cession des Principautes a l'Autriche (contre la Galicie
restituee a la Pologne), alors que la Russie n'aurait eu que la
confirmation de sa situation en Crimee et, en outre, les forteresses
turques du Boudschac. Une grande farce historique avait ete jouee
que le sort devait transformer cependant dans une deplorable
tragedie pour ses auteurs.
Jusqu'a ce moment, bien que Salonski eut paru sur le Dniester
avec 2 000 volontaires ", aucun Russe n'avait pass la frontiere.
Aussitot apres cette declaration de guerre les Autrichiens parurent
devant Hotin, pour arrondir leur Bucovine et surtout pour empecher
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les Russes de s'y loger; l'Oltenie fut attaquee simultanement, et des
troupes imperiales descendirent du cote de Campulung en Valachie.
C'etait dj la maniere rapide". Des proclamations imprimees a
Braov appelaient les chretiens sujets an Sultan a la revolte, et un
parti de boiars s'empressa d'accueillir les liberateurs 25. Les fils de
Raducanu Cantacuzene, le fidele auxiliaire des Russes, Jean et
Constantin, anciens officiers dans l'arm6e de l'Imperatrice
orthodoxe, s'etaient empresses de demander l'entree des Imperiaux,
catholiques dans ce district de Prahova, oh ils avaient leurs
possessions; ils se felicitaient d'tre les premiers sujets" de Joseph II.
Il fallut prendre a plusieurs reprises des mesures de precaution contre
l'aristocratie valaque, avide d'un changement.
Aussitot apres le depart de Jassy de l'agent autrichien Metzburg,
le Metropolite Leon, le chef de l'Eglise orthodoxe, qui aurait do
invoquer, d'apres les traditions du pass, une seule protection, celle
de la Russie , car dj, en automme, des Turcs, des soldats, avaient
ete tues dans une emeute au milieu de la Capitale moldave , ecrivit
au representant de 1'Empereur comme au seul defenseur des interets
de son pays. Leon Gheuca, qui avait cependant entretenu des
relations avec Dosithee Obradovitsbh, le createur de la litterature
serbe moderne, declarait, au nom du prince lui-meme, qui l'avait
invite a faire cette demarche, que tout notre appui et tout notre
espoir apres Dieu reposent seulement sur la haute grace de ce
puissant et chretien Empire" (1-er fevrier a. st. 1789) ". Quelques
jours plus tard, apres que les armees autrichiennes eussent pass la
frontiere, Leon revenait a la charge, invoquant cette sehle protection
possible pour sa patrie menacee par l'invasion turque vengeresse ".
Ypsilanti lui-meme, qui faisait semblant d'inviter la population a
affronter un ennemi qu'il appelait de tous ses voeux, etait decide at
abandonner cette cause ottomane qu'il avait pendant longtemps
servie, dans la ferme croyance que l'esprit grec pourrait eveiller et
soutenir l'inertie turque, et a chercher un abri dans le camp des seuls
chretiens qui se trouvaient dj, en liberateurs, sur le sol moldave.
Depuis longtemps it etait d'entente avec Metzburg, qu'il avait
consulte dans des entrevues secretes, demandant instamment l'envoi
d'une armee d'invasion pour le delivrer du poids insupportable de ce
gouvernement devenu impossible. Il priait Dieu", 6crit l'agent lui-
meme, a chaque heure qu'une armde imperiale entrat la premiere
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dans le pays et l'occupat." Et it ajoutait en decembre: Le voeu de la
nation entiere est d'accord avec le sien, et toute la Moldavie attend sa
delivrance, son bonheur et son existence de la seule Cour imperiale"".
Les agents princiers agitaient sans cesse a Cernauti pour accelerer la
decision. Le 19 avril a. st. leur maitre avait enfin la chance de pouvoir
se laisser prendre par les soldats du major Fabri, venu de Botosani; on
le dirigea sur Briinn, ou it resta jusqu'a la conclusion de la paix29. Jassy
fut occupee par les troupes de l'Empereur.
Cette occupation fut cependant tres breve; une puissante armee
turque, qui etait accompagnee par Emmanuel Giani comme prince ad
hoc, s'avancait vers la Capita le, oti le nouveau Voevode devait passer
seulement quelques mois. Ce ne fut qu'au mois de juin 1788 que les
Russes entrerent a leur tour en Moldavie, sous les ordres de
Roumientzov. Profitant du moment oil l'armee du GrandVizir etait
allee reconquerir Hotin, ils surprirent Jassy. Des Grecs et d'autres
rebelles", les auraient soutenus dans cette entreprise ". Un Divan,
compose de trois Sturdza, de deux Cantacuzene, de deux Ghica, d'un
Rosetti, d'un Bals, et d'un Catargi, avait la conduite des affaires.
Aussitot les troupes de l'Imperatrice prirent le chemin de
Focsani, oil les attendait cependant la resistance acharnee de
Maurogeni, qui n'avait pas hesite a envahir la Transylvanie, appelant
par des manifestes opposes aux manifestes imperiaux la population
mecontente du regime allemand a la liberte.
Le commandement supreme des armees russes fut confie en
1789 h Patiomkine. Il apparut a Jassy, distributant largement h tout le
monde, l'argent de sa munificence, comme un vrai monarque
oriental", accompagne d'une suite qui ne cedait pas en clat a sa
propre splendeur. Les fetes se suivaient sans cesse, et la niece du
dictateur, la eomtesse Branicka, avait ete appelee pour les presider en
vraie reine de ces spectacles inoubliables pour un pays qu'on voulait
gagner en l'eblouissant. Le prince Emmanuel s'etait rendu au
marechal. Des le printemps on soupconnait dans les cercles bien
inform& de l'etranger que celui-ci aspire a devenir souverain de la
Moldavie et de la Valachie" ".
Les Autrichiens, que Roumientzov dj avait aides a se saisir de
Hotin, ne garderent, comme simple mesure de tolerance de la part
des Russes, que les districts de Dorohoiu, de Herta, de Suceava, de
Neamt et de Roman; leur commandant, le prince de Cobourg, avait
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etabli dans la ville 'name de Roman le siege de cette administration
imperiale, dans laquelle it etait conseille par le boiar Constantin Bal,
dit Ciuntu ". Its etaient cependant incapables d'avancer, en se
saisissant des districts inferieurs de cette Moldavie occidentale entre
le Sereth et les Carpathes, d'autant moins de la Valachie, qui leur
avait ete cedee dans le projet definitif du partage.
Il fallut l'avance des Russes, commandos maintenant par
Souvorov, victorieux dj a Galatz aussi pour permettre aux
Autrichiens, de gagner, a Focani, leur premiere victoire dans cette
guerre", selon la propre expression de Souvorov lui-meme. La
victoire de RamnicuSarat, contre le GrandVizir qui avait prepare
une revanche eclatante, fut due a la seule intervention du general
russe revenu sur cette ligne d'une importance decisive; son
monument eleve sur la place meme de ce grand fait d'armes
commemorait avant cette guerre le merite decisif du chef des armees
russes. Le succes des Autrichiens a Martineti, dans le voisinage, avait
ete determine uniquement par l'energie des mouvements de leurs
allies (11 septembre a. st.).
Deja les chefs du parti chretien en Valachie, Jean Cantacuzene,
Campineanu, avaient quitte leur asile en Transylvanie. Mais ces
vainqueurs de seconde main qui etaient les Imperieux avancaient
avec toute la prudence de leur incapacite et de leur manque de
courage. Ce ne fut qu'apres de longs tatonnements que le lieutenant-
colonel Fischler entra a Bucarest le 4 novembre; cinq jour, plus tard
le prince de Cobourg y etait recu solennellement, et it formait un
Conseil de boIars pour l'administration, le Metropolite a sa tete; le
general Enzenberg, ancien gouverneur de Bucovine, en etait, comme
vice-president, le chef reel.
On avait demande aussitot le serment formel, comme dans le cas
d'une annexion definitive, au nom des anciens droits de suzerainete
de la Hongrie33. Il etait valable aussi pour l'Oltenie, dont le Divan ne
fut organise qu'au mois de mars.
Jean Cantacuzene n'entendait pas cependant recevoir seulement
un titre, une decoration, un diplome quelconque pour ses services.
Peu a peu it se detacha de l'Autriche pour se rappeler ses anciennes
relations avec les Russes. mois de fevrier 1790 it se trouvait en
Moldavie et it parlait a Patiomkine lui-meme, qui pensait a tout autre
chose, du droit d'elire leurs princes qu'avaient eu les anciens boIars,
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de la possibilite de reunir Valaques et Moldaves dans un seul Etat
chretien, grand et puissant"; alors que son frere devenait seulement
lieutenant-colonel de volontaires au service de Joseph II, Jean revait
de la couronne de cette nouvelle Principaute unique". Il voulait tout
au moins la realisation complete, pour cette nation roumaine" dont
l'existence etait proclamee pour la premiere fois, du programme
elabore par son oncle Michel, en 1772: plutot que de revenir
l'ancienne servitude, cette nation" aurait prefere le sort de Lima et
de Lisbonne", ces villes que des tremblements de terre avaient tout
recemment detruites".
Pendant ce temps les Autrichiens maintenaient leur
administration de Roman, qui refusait de se soumettre aux decisions
de ce Divan de Jassy que presidait, en 1791, Lachcarev, l'ancien
consul imperial. L'espoir de tirer parti des circonstances, de mettre
profit l'indolence fastueuse et dissipatrice de Patiomkine pour
arrondir de ce cote, dans les limites qu'on avait deja volues en 1774,
la Bucovine, la Moldavie autrichienne", se maintenait dans l'esprit
du commandant imperial et royal, l'officier Erngeleith, qui s'habituait
comme Enzenberg, du reste, et le prince de Cobourg lui-meme,
signer en caracteres cyriliques et en langue roumaine. Et cela au
moment meme oh les Autrichiens devaient demander l'intervention
de Souvorov, qui entra a Bucarest en ete pour sauver la domination
de leurs armes dans cette Valachie, menacee maintenant par une
nouvelle et grande invasion turque. Les Russes, qui maltraitaient, du
reste, dans les rues de la Capita le ces allies qu'ils meprisaient,
auraient ete meme obliges a livrer une bataille, decisive, au Grand-
Vizir, si l'armistice de Reichenbach, impose par les Puissances
mezliatrices a la suite des troubles de Paris, n'avait mis fin pour le
moment a la guerre ". Jamais pretentions plus arrogantes n'avaient
ete moins bien servies par une arm6e que dans cette expedition qui
devait transformer tout le territoire roumain, de Hotin a Orsova, en
province de 1'Empereur.
Patiomkine tranchait encore a Jassy du souverain: it avait vendu
ses biens de Russie, faisant venir en Moldavie, vers la fin de l'annee
1790, lorsqu'on avait deja conclu l'armistice de Giurgiu entre
Autrichiens et Turcs, tout ce qui lui restait en meubles, garderobe et
livres" 37. Les Autrichiens venaient de lui ceder leurs volontaires
albanais et roumains 38. Il etait question de fonder un royaume de
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Dacie, dont it aurait ete le prince independant. Nous reproduirons a
ce sujet les renseignements que nous donnions la-dessus dans un
ouvrage destine a faire voir le developpement de l'idee de l'unite
politique roumaine.
Le prince de Ligne proposait, dans une conversation politique,
Patiomkine de le faire prince de Moldavie et de Valachie" s'il
consent seulement a marcher lui-meme vers le Danube et a diriger
vers Bucarest les forces de Roumientzov; s'il n'y consent pas, eh bien
que les Principautes vivent desormais independantes sous la
protection commune de la Russie et de l'Autriche.
Ceci se passait en 1788. En 1789, Hertzberg, le tout-puissant
ministre prussien, ecrit ce qui suit au representant du roi a
Constantinople: Je viens d'apprendre que le prince Patiomkine
aspire a devenir souverain de la Moldavie et de la Valachie, ce qui ne
conviendrait a aucune Puissance qu'a lui seul. Il ne sera aussi soutenu
par aucune" ". Et, peu de temps apres, le 28 decembre 1789,
Catherine offrait formellement a son allie de constituer ;,la
Bessarabie, la Moldavie et la Valachie" comme Etat libre et
independant", sous un prince orthodoxe, fondant ainsi une barriere"
aux ambitions de tous les voisins et une garantie reelle pour l'avenir40 .
Le roi de Prusse croyait de fait a l'intention qu'avait l'Imperatrice de
donner cette Principaute independante, sous la domination d'un
prince du rite grec, qui est sans doute le prince Patiomkine. Mais on
admettait deja que cette Dacie pourrait avoir un maitre d'une origine
plus illustre que le Prince de Tauride. Le 12 mars, de Golz, ministre
prussien a Petersbourg, risquait dj cette autre hypothese, prevoyant
le dedommagement prochain du favori par sa nomination comme
Hetman des Cosaques de la Mer Noire: Si les vues ambitieuses du,
prince Patiomkine", ecrit-il, permettaient de croire qu'il cut renonce
a toute idee de souverainete, it serait tres vraisemblable que la
principaute qu'on veut fonder fat destinee au prince Constantin.
Surtout si l'esperance d'aller un jour a Constantinople n'est point
encore perdue, cette possession pourrait servir de marchepied pour
marcher au trone de Byzance"".
L'Autriche avait deja pris son parti, desertant la cause
commune, par la conclusion de la paix separee de Sichtov. Cette
guerre elle l'avait provoquee pour laisser la Russie seule entrer en
lice et pour l'abandonner seule devant l'ennemi. L'Imperatrice
pouvait abandonner d'autant plus une lutte dans laquelle elle n!avait
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eu qu'un vague projet d'expansion sans avoir cherche a gagner la
population qu'il se serait agi d'annexer, une guerre, coilteuse pour
elle, qui lui aurait donne, en fin de compte, comme principal resultat,
le voisinage de sa rivale, sur le Danube, sinon sur le Dniester meme,
sur le Pruth ou, peut-etre, sur le Sereth. Le 11 aoilt 1791 on signait
dj avec la Porte, a cause des difficult& provoques par la Revolution
frangaise, l'armistice de Galatz.
Patiomkine etait a ce moment, brise par la maladie qu'il devait
ses exces. A quarante verstes de Jassy, qu'il avait quittee pour
changer d'air, it expirait en pleine campagne. Son corps fut ramene
dans la Capita le moldave, oil le favori disgracie avait espere
gouverner, en roi; on conserve encore dans Peglise de Golia la plaque
de bronze qui indique qu'on y avait laisse ce coeur de passions
inassouvies et de grandes ambitions.
Le traite de paix entre la Russie et la Porte fut conclu le 9 janvier
1792, a Jassy meme, oil les representants de l'Imperatrice, les
generaux Ribas et SamoIlov, assist& de Lachcarev, s'etaient
rencontres avec les 'names delegues turcs qui avaient conclu le traite
de Sichtov. La Moldavie retournait, comme en 1774, sous la
domination du Sultan, mais cette fois it n'y avait aucun parti de boIars
pour protester contre cet acte, au nom des services rendus a la Russie;
la plus grande partie de l'aristocratie moldave et valaque s'etait
laissee prendre aux vaines promesses de l'Autriche, qui avait fait sa
paix sans mentionner d'un seul mot les int-eras de ces Roumains
'qu'elle avait compromis et Ifichement abandonnos. Elle n'oublia pas
cependant, des la fin l'annee 1792, de provoquer une nouvelle
delimitation tout a son avantage.
La Russie en agit cependant autrement. L'article 4 du traite
prevoyait la confirmation de tous les privileges anterieurs en faveur,
de la Moldavie, l'exemption des arrieres de toutes les charges et la
permission du depart pour tous ceux qui avaient servi les armees
chretiennes. Un nouveau firman du aussi aux efforts de la Puissance
qui rentrait dans ses droits de protection garantissait les habitants des
deux provinces contre les abus qui s'etaient introduits dans les
derniers temps aux &pens des anciennes coutumes, surtout dans les
relations de commerce entre Turcs et Roumains.
Alexandre Jean Mavrocordato resta, bien entendu, en Russie,
(Ai on lui crea un etablissement plus ou moins correspondant a ce qu'il
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avait abandonne; on a des lettres de lui qui ne contiennent cependant
rien de relatif a la politique. Ce reveur s'etait resigne; it ecrivait des
lettres en beau style classique et rimait des morceaux poetiques
l'usage de tout le monde; son volume grec anonyme, Le Bosphore
au Borysthene", n'a rien qui indique un souci de la vie reelle. Il etait
tout aussi peu Moldave" que son contemporain Michel
Matveevitsch Cherascov (1733-1807), un Herescu, dont les nombreux
ecrits, des poemes epiques aux sujets tires de l'histoire russe, des
romans imit6s de Fenelon et de Marmontel, sont d'une facture
internationale quelconque. Un des boIars Stourdza, allait s'etablir en
Russie, sans y perdre son caractere national, mais son fils, Alexandre,
et sa soeur, la comtesse d'Ebling, ne representent dans leur activite
intellectuelle que l'orthodoxie russe, teinte d'un leger mysticisme, et
une forme empruntee a cette civilisation occidentale que leur pore
avait aussi connue. Des 1788, le Metropolite Leon venant de mourir,
les Russes avaient attribue son Siege a Gabriel Banulescu, originaire
de Campulung en Bucovine, et entre temps, un Russe, Ambroise,
occupa ce Siege; apres le depart des armees imperiales, Gabriel dut
chercher lui aussi un abri aupres de ses protecteurs, qui lui donnerent
une charge 6quivalente dans l'Empire, en Crimee, puis a Kiev ".
Ces quelques nouveaux venus n'eurent pas de relations avec
ceux qui les avaient precedes sur la terre etrangere, ceux dont nous
avons dj pule et auxquels it ne faut pas ajouter les fils du prince
Constantin Cantacuzene, mort au sortir de la prison de Gratz, car le
major Alexandre et le capitaine Avram etaient morts, en 1772 et en
1781, le premier a Buzau, l'autre a Moscou, sans posterite. Personne
de ces exiles ne trouvait en soi-meme le desir de garder le contact
avec son pays, et l'officialite russe ne pensait guere a leur imposer,,
pour le succes de sa politique, cette tache.
On avait cependant pense a creer, d'apres le mod'ele
encourageant de la Nouvelle Serbie, une Nouvelle Moldavie entre le
Dniester et le Boug, vraie principaute qui aurait ete confiee it
Mavrocordato. Un grand nombre d'emigrants vinrent s'y etablir
aussitot apres la conclusion de la paix, et ils accrurent le nombre de
l'ancienne population roumaine fixee dans cette region'. On parlait
des deux tiers des habitants de la Moldavie" ". Plus tard des migrs
polonais, qui sejoumerent un moment en Moldavie, demandaient, en
echange, a la Porte la creation d'une nouvelle principaute pour leur
propre nations dans ces memes contrees'.
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En dehors des apprehensions provoquees par cette presence des
migrs sur le territoire moldave,n'y a plus rien qui rappelle
l'occupation russe dans ces regions: aucun souvenir, aucune
esperance, aucune demande de la part des Roumains, et de la part des
Russes aucun projet de conquete. On peut bien croire qu'il en aurait
ete autrement si l'Empire avait poursuivi cette politique d'inlassable
convoitise a leur egard dont on fait une de lignes principales de
l'histoire de la Russie a cette poque. On se bornait, du cote des
Russes, a avoir des protgs et des agents, des instruments et des
complices dans ce monde phanariote qui fournissait, au hasard des
relations personnelles avec les hauts dignitaires turcs et les
ambassadeurs strangers, des drogmans a la Porte et aux deux
Principautes des hospodars", qui etaient, de fait, tout aussi peu
fideles aux uns et aux autres.
Les grands changements provoques par la Revolution frangaise
faillirent amener en 1799 les 10 000 Russes du general Hermann en
Moldavie pour se rendre en Albanie ". Mais les Principautes
n'entraient que rarement, et d'une maniere tout a fait subsidiaire,
dans ces calculs politiques aventureux, aux resultats epherneres, qui
devaient creer pour d'autres nations des formations comme les
Provinces Illyriennes ou comme la nouvelle Pologne de Napoleon.
Occupee des grands interets europeens que la Revolution et l'Empire
entremelaient incessamment sans arriver jamais a cette solution
definitive qui aurait pu etre seulement la reconnaissance complete et
reelle du droit national, dans sa signification concrete et organique, la
Russie laissait les hordes de Pasvantoglu, le Pachna rebelle de Vidin,
qui entretenait des relations avec les Francais, et celles des earls,
chefs independants des anciennes forteresses de la rive droite du
Danube, poursuivre leurs incursions devastatrices en Valachie.
Ce fut seulement apres le grand pillage de 1802, lorsque le prince
Michel Sutu (Soutzo) et les boiars furent reduits a s'enfuir en
Transylvanie, abandonnant cette Capitale, que les brigands n'oserent
pas occuper, entre les mains des vagabonds et des mauvais sujets
indigenes, que le representant du Tzar Paul, successeur de Catherine,
se decida a rappeler aux Tures ce droit de protection sur les
Principautes dont la Russie etait autrefois si jalouse.
A ce moment l'Autriche aussi s'etait de nouveau preoccupee des
pays du Danube, qu'elle avait abandonnes d'une maniere si lache en
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1791. II s'agissait d'un etablissement pour le Grand-Duc de Toscane,
qui avait perdu, en 1801, par le traits de Luneville, impose par
Bonaparte, ses Etats. Le Reis-Effendi parlait, au mois de juillet 1802,
a l'ambassadeur du roi de Prusse de certains projets, qui couraient
jusque dans les rues de Paris", d'indemniser" dans la Valachie,
peine echappee aux horreurs du pillage, quelque prince lese"; la
France aurait pris l'initiative de cette transplantation dynastique,
contre laquelle la Porte protestait energiquement ". II parait avoir
ete question, sans doute, du projet d'indemniser la Maison
d'Autriche, aux &pens de la Porte, par les Principautes de la
Moldavie et de la Valachie", ecrivait le roi de Prusse, le 23 aolit
suivant, pour faire savoir a son representant aupres du Sultan que ce
projet doit etre considers comme annulle par la compensation
accord& au Grand-Duc en Allemagne meme ". Il avait fallu
cependant une publication nouvelle dans le Moniteur" pour rassurer
la Porte a ce sujet50.
Il fallait retablir maintenant l'ordre en Valachie. Sutu avait ete
exile comme incapable, dans l'Ile de Chalki. Une amnistie etait
necessaire pour permettre aux boIars emigres de revenir dans leur
patrie, et on allait proceder a l'installation d'un nouveau prince.
Ayant intervenu d'abord en faveur des fuyards de Transylvanie,
l'ambassadeur russe Tamara s'empressa de proposer comme futur
prince valaque quelqu'un qui, soutenu par la Prusse aussi, avait ete
jadis depose sans que les motifs de cette resolution eussent ete
presentes a l'ambassade et qui, excellent administrateur, etait, disait-
sollicite par les suffrages" d'une Principaute et rappels par les
regrets" de l'autre: Constantin, fils d'Alexandre Ypsilanti, et le
client le plus constamment fid'ele de la Cour imperiale. La Russie'
pouvait parler aussi comme alliee de l'Empire ottoman en faveur de
ce prince. Sa Majeste Imperiale", n'oubliait pas de dire
l'ambassadeur, ne pretend s'arroger aucun droit pour la nomination
des princes, ni en attribuer aux Valaques et aux Moldaves; mais
l'interet qu'elle doit a ces deux provinces lui fait voir un moyen
certain d'assurer le bien-etre de l'une ou de l'autre dans la
nomination du prince Ypsilanti a celle des deux Principautes que
quittera 1'Hospodar Soutzo", administrateur", .pendant quelques
mois, de ces deux provinces".
Aussitot apres avoir gagne ce point, Ypsilanti ayant ete nomme
a Bucarest, la France et la Russie avaient soutenu pour le Siege
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moldave Alexandre Mourousi. La Russie fit presenter par son consul
a Jassy, H. de Bolcounov, les plaintes des deux pays contre les abus
sans nombre commis par les princes anterieurs et surtout par le
gouvernement ottoman, au mepris complet des privileges accordes
par les traites et les firmans.
Le resultat de cette intervention fut le renouvellement de tous
ces privileges, en partant du traite de Keutschuk- KaInardschi, mais
sans aucune mention de ces anciens traites conclus par les
Principautes elles-memes que les boIars avaient pretendu retrouver
en 1772. A la suite de cette confirmation il est dit expressement que
l'ambassadeur de Russe a demande l'addition" de certains articles
nouveaux, et, a savoir, d'apres le droit qu'a cette Puissance
d'interceder en faveur des deux provinces, droit accorde par les
articles du traite qui existe entre elle et la Sublime Porte". Il &all
etabli pour la premiere fois que le Hospodar" regnera sept ans
entiers, a moins de delft avere" et verifie" par l'ambassade
imperiale aussi bien que par le gouvernement ottoman: il serait
alors, mais dans ce seul cas, permis de le deposer". Ce prince devra
prendre en consideration" les representations du consul de Russie,
qui ne prend pas encore le titre de Puissance protectrice, en ce qui
concerne l'assiette des impots, qui restera celle dj fixee par le sened
de 1783 et tous les points fixes dans le nouveau privilege. Ces points
concernent surtout les provisions qui doivent etre fournies a la
Turquie dans des proportions et a un prix qu'il ne sera plus permis de
changer, et les droits des boaIrs, des indigenes surtout, qui resteront
les vrais maitres du pays, leurs collegues grecs n'etant que toleres,
de fixer le budget, d'administrer les revenus des hopitaux, ecoles,
chemins et autres objets semblables, particuliers a la province" et
ceux des fondations pieuses, de defendre leurs biens contre l'appetit
des princes. En plus, cette intervention russe assurait a la Moldavie et
a la Valachie le retour de ces biens-fonds usurp& dans le rayon des
forteresses turques qui avaient ete, a plusieurs repriies, reclames par
les anciens proprietaires.
Il n'y avait dans ce privilege, le plus large qui cut ete accorde aux
Principautes a l'epoque des Phanariotes, rien de specialement
favorable aux interets de la Russie elle-meme; fl ne contenait que
l'accomplissement des vceux exprimes a plusieurs reprises par les
boiars des deux pays; il ne faisait qu'etablir la base solide d'un
gouvernement qui aurait fait une part egale aux droits traditionnels
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de l'aristocratie indigene et a l'autorite, necessaire, d'un prince qui
n'aurait pas vecu sous la menace incessante d'une destitution pour les
motifs les plus futijes et meme sans autre motif que celui d'un caprice
victorieux ou d'un inter& opinatre. En agir ainsi avec les Principautes
c'etait certainement le meilleur moyen de se gagner une influence
profonde et durable sur l'esprit de tous ceux qui etaient capables de
concevoir un avenir d'ordre et de securite pour leur patrie.
Si le consul de Russie a Jassy s'evertuait a demolir le trone de
Mourousi, considers comme agent de l'empereur des Francais ",
aucune autre immixtion de la Russie ne venait detruire l'impression
produite par cette intervention efficace. De plus en plus Ypsilanti, qui
soutenait la revolte serbe encourage par la Russie, devenait un
element important pour la politique russe en Orient, et on pensait
dj, peut-etre, a renouveler en sa faveur ce projet de l'Union des
Principautes, y compris la Serbie meme, par l'inspiration et sous
l'influence permanente de la Russie, qui avait &hone sous la forme
de la candidature etrangere de Patiomkine.
Il avait ete question cependant d'un passage des Russes par les
Principautes, en 1805, lorsque la Turquie paraissait disposee a
renouveler, avec la Russie elle-meme et l'Angleterre, les conventions
de 1789 et 1799 dirigees contre Napoleon. Au mois de septembre, les
regiments russes se seraient trouves aux frontieres de la Moldavie,
dans le but de commencer une action militaire, sous les ordres du
general Michelson; on aurait pris dj des mesures pour etablir les
magazins de provisions necessaires a une armee de 25 000 hommes.
Deux armees se seraient saisies des Principautes, au premier signal
d'attaque et de menace que donnerait la France". Et, quant a
l'ennemi que la Porte avait en vue a ce moment, c'etait encore
l'Autriche; on suivait avec apprehension les pour-parlers qui
continuaient entre le ministre des Affaires Etrangeres du Tzar et le
general Meerveldt, ambassadeur d'Autriche a Petersbourg, car on
craignait un arrangement entre la France et l'Autriche sur un
agrandissement (celui de l'Autriche aux &pens de la Porte"). Il fallut
que Meerveldt fit des declarations solennelles pour dissiper ces
suspicions; mais dj les Francais etaient en Dalmatie, menacant les
interets nouveaux que la Russie venait de se creer en Serbie".
Des le commencement de cette nouvelle armee 1806 la
penetration francaise, autant que les intrigues de l'Autriche, avait fait
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discuter dans le Conseil du Tzar l'idee d'une occupation des
Principautes, pour se premunir contre une offensive turque que
Napoleon cherchait a provoquer de tous ses moyens 55. On s'etait
decide a ne plus tolerer les raids du Pacha de Vidin en Valachie; des
troupes se rassemblaient a Odessa pout empecher Pentree des
Francais en Moree; les Bouches de Cattaro recevaient une garnison
russe, alors que le drapeau de l'Empire etait arbore. dans les ports de
l'Albanie ".
On paraissait vouloir proceder du cote de Napoleon au partage
des Etats du Sultan, et la Russie ne pouvait pas manquer a l'appel. Ce
qu'on faisait n'etait done pas un nouveau chapitre de l'expansion
consequente de cette Puissance en Orient ou elle avait eu toujours
l'initiative, mais bien un incident naturel de cette politique de
bouleversement inauguree par celui que son genie venait de faire
l'arbitre de l'Europe. Une convention franco-russe venait a peine
d'tre conclue le 20 juillet et les Russes avaient evacue Cattaro,
lorsque Sebastiani, le representant de l'Empereur a Constantinople,
amena, en septembre, la Porte a violer ouvertement les engagements
pris en 1802 en destituant aussi bien Mourousi que Constantin
Ypsilanti, comme traitres a ses interets.
Cet acte est qualifie par l'ambassadeur de Russie comme etant
certainement l'attaque la plus directe portee a la dignitee, aux interets
et aux droits de la Russie" et it en attendait, si une revocation
n'intervenait pas aussitOt, une rupture formelle" ". Or, cette
revocation la Turquie ne pouvait pas la conceder, sous la pression
menagante de celui qui etait devenu maitre de ses destinees.
L'Angleterre s'y employa cependant si energiquement, que
Mourousi, revenu hardiment a Constantinople, et meme Ypsilanti,
qui s'etait enfui en Russie, furent retablis, le 17 octobre.
Mais des le 23, une note russe avait signifie au Divan
l'occupation des Principautes, comme mesure de precaution,
commandee par la necessite la plus absolue". Un peu plus tard une
nouvelle declaration corroborait la premiere; elle ajoutait cependant
Passurance la plus formelle que Sa Majeste Imperiale sera prate a
retirer ses troupes des deux Principautes aussitot que la Porte aura
donne une fois la satisfaction sur tous les griefs que la Cour imperiale
est en droit de former a sa charge, d'apres les stipulations les plus
precises qui subsistent entre les deux Empires ""
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C'etait, it est vrai, un peu vague, et la Russie, qui etait de
nouveau en guerre avec la France, pouvait prolonger d'une maniere
indefinie cette occupation, attendant que l'attitude de Napoleon, qui
avait voulu l'ecarter de tout projet d'agrandissement en Orient, se Mt
precisee. A la fin de l'annee, la diplomatie du Tzar s'etait bornee
demander encore, comme condition indispensable d'une evacuation,
le maintien du repos et de la tranquillite dans les deux provinces et
sur les frontieres des possessions russes", la liberte du passage du
pavilion russe", et le renouvellement du traite avec l'Angleterre"'.
Or, le 5 janvier 18071a Porte declarait la guerre a la Russie, non
pour l'occupation 'name du territoire roumain, mais, d'une maniere si
maihabile, pour ces privileges memes de 1802 qui auraient rendu la
nomination du Voevode dans ces deux provinces de la part de la
Porte un objet de derision'.
Le vieil Alexandre Ypsilanti allait expier le crime de son fils. Le
general Dolgorouki entra a Jassy seulement le 29 novembre 1806, et
les forteresses de Bessarabie, Hotin, Bender, recurent des garnisons
russes. -
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vieux projet de la Dade. La Transylvanie", ecrit, de Hermannstadt-
Sibiu, le 3 novembre, le diplomate prussien Senft de Pilsach, allait
etre cal& par la Maison d'Autriche et join te a la Moldavie et a la
Valachie, sous le nom de royaume des Daces pour appartenir au
Grand-Duc Constantin de Russie"". Si c'etait bien l'intention de la
Russie Kiriko l'affirmait publiquement, l'Autriche, de son cote ou
au moins de l'Oltenie ", poursuivait la seule annexion de ces
provinces et le roi de Prusse soupconnait que Napoleon avait ete
gagne a ce projet. De fait, it faisait dependre la liberation de la Prusse,
occupee par ses armees, de l'abandon des Principautes par la Russie".
Pour gagner l'Autriche elle-meme a sa politique, la Russie alla
plus loin. Elle donna, desirant empecher l'annexion pure et simple,
une quatrieme forme au projet de la Dacie, et la fit longuement
discuter, en 1808 et meme pendant Farm& suivante. Apres
qu'Ypsilanti partit de Bucarest pour s'etablir a Kiev, on lui donna
quatre-vingt villages de serfs, du domaine de la Petschersca 72, ou it
devait mourir 73, se forma un projet de mariage entre la Grande-
Duchesse Catherine" sceur d'Alexandre I-er, et de celle qui refusa
d'epouser Napoleon, et l'archiduc Jean" frere de l'Empereur
Francois I-er et la futur vicaire imperial de 1848, a condition que
l'archiduc s'etablisse ici (a Petersbourg)", ecrit un diplomate tres bien
informe, la Russie voulant alors lui abandonner la souverainete de
la Moldavie et de la Valachie et aplanir par cet arrangement les
contestations qui pourraient s'elever a cet egard entre les deux Cours"'.
On parle de ce projet en avril et en mai 1808. Comme l'archiduc Jean
ne se montrait pas dispose a devenir prince souverain" de la
Roumanie future, on pensa aussi a un des freres de l'Imperatrice,
seconde femme de Francois, Ferdinand. Vraisemblablement"
ecrivait le meme ambassadeur, s'agit-il de donner a ce prince une
existence independante, et l'on suppose que la possession de la
Moldavie et de la Valachie pourrait bien lui tomber en partage, si le
mariage projete a lieu " 75. Encore une fois cependant, Vienne, qui
avait ses projets particuliers et exclusifs, ne montra que peu
d'empressement " ". Au mois d'avril 1809, cet archiduc Ferdinand
etait destine a marcher avec la noblesse hongroise, appelee en armes,
de concert avec des Turcs sous les ordres d'officiers francais, en
Moldavie, contre les Russes, s'ils s'avisaient d'attaquer l'Autriche. A
cette poque la Grande-Duchesse qui devait etre reine sur le Danube
roumain epousait le prince d'Oldenboure.
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Jusqu'a ce moment les Russes n'avaient eu aucune relation plus
intime avec les Roumains que la petition sporadique mentionnee plus
haut. Elle ne leur avait rien propose et n'avait jamais consulte leurs
preferences. On ne trouve ni petitons, ni projets de plus haute
envergure. La situation generale &ail trop changeante pour pouvoir
s'engager comme a Pepoque, dj lointaine, par, les id6es et les
sentiments aussi bien que par l'espace, de Catherine II. Les attaches
des boiars a la cause russe ne furent donc que purement accidentelles.
A Bender, qui fut facilement conquise, les troupes imperiales avaient
eu le concours d'un Catargiu; un prince Cantacuzene, ataman des
Cosaques, se trouvait dans le detachement qui se saisit d'Akkerman;
une troupe indigene fut organisee par un autre membre de cette
meme famille. Ce ne fut cependant que par les avantages que leur
rapportait la domination russe qu'un parti devoue au Tzar se forma 4
Jassy et surtout a Bucarest. Parmi ses membres, des Ghica, des
Brancoveanu, des Graditeanu, certains avaient encore d'autres
motifs de se ranger de ce cote-la; on expliquait l'attitude de
Constantin Filipescu, non seulement par ses instincts dominateurs,
mais aussi par une certaine situation de famille peu avouable.
Constantin Varlaam, factotum des generaux Prozorowski et
Miloradovitsch, avait pass sa jeunesse, comme officier russe,
Moscou et a Petersbourg et, enfin, le Metropolite Ignace avait,
comme tous les Grecs, des sympathies nationales pour la grande
Puissance orthodoxe, qui devait les delivrer du joug ottoman sans
devenir jamais la voisine menacante du nouvel Etat hellenique ".
Mais des le mois de fevrier 1809 des conferences russo-turques
avaient et6 ouvertes a Jassy et la diplomatie du Tzar reclamait
imperieusement, s'appuyant sur l'amitie francaise, la cession des
Principautes 79. L'entrevue d'Erfurth (12 octobre 1808), reedition de
celle de Tilsit, avait sce116 le sort de l'Empire ottoman et,
conformement aux prescriptions de l'acte secret conclu a cette
occasion, Sa Majeste I'Empereur Napoleon reconnalt la reunion de
la Valachie et de la Moldavie et les limites de l'Empire russe de ce
cote portees jusqu'au Danube". Des le mois d'octobre precedent,
l'ambassadeur de France a Constantinople, Latour-Maubourg, recut
l'ordre formel de soutenir cette demande ". La guerre d'Espagne
avait rendu Napoleon particulierement traitable sur ce point, et la
guerre que lui avait declaree l'Autriche devait bientot le rendre
encore plus.
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En avril cependant les hostilites avaient dj repris, le Grand-
Vizir lui-meme preparant une offensive; on croyait que les Russes
evacueront la Valachie ". Un ultimatum du Tzar fut refuse,
deliberemment, par le Sultan, au mois d'adit. Les attaques russes
contre Braila, Giurgiu et Kladovo echouerent tour a tour.
Prozorowski succomba a remotion de ses defaites. Son succeseur,
Bagration, qui epousa une Vacarescu, pendant son sejour a
Bucarest, fut plus heureux. Il arriva h se saisir de Braila, oil les Turcs
furent massacres sans pitie, sinon de la forteresse d'IsmaIl, sur
laquelle.planait encore l'ancienne gloire de son premier conquerant
Souvorov. De son cote, Iseev , le commandant de ces Russes de
l'Oltenie, qui etaient soutenus par une insurrection roumaine, parmi
les chefs de laquelle on rencontre ce petit-boIars, fils de paysan,
Tudor Vladimirescu, destine a conduire en 1821 le grand mouvement
de liberation sociale et politique de la classe rurale entrait dans
Kladovo et dans Negotine aussi. Le successeur de Bagration, rappele
en Pologne, Kamenski, homme rude et dur, sans pitie pour lui-meme
et pour les autres, introduisit une discipline rigide non seulement dans
l'armee, qu'il.mena dans la Dobroudscha et au siege de Silistrie, mais
dans la vie civile 'name, defendant les bals, la musique et jusqu'aux
promenades des boIars dans les rues de Bucarest, alors qu'il
ordonnait a ses soldats de ne pas faire souffrir la population
roumaine. Pendant qu'Isaiev continuait ses succes le long du Danube,
le marechal prenait aussi, en 1809 et 1810, Turtucaia-Toutrakan,
Bazardschik (maijuin 1810) et Cavarna, Sichtov et Rasgrade (juin),
Silistrie, voire meme Trnovo, l'ancienne Capitale des Tzars bulgars.
Un grand butin fut gagne a Roustschouk, qui fut saccagee; les soldats
s'etaient tellement enrichis qu'ils jetaient dedaigneusement un ducat
pour un morceau de pain et une mesure de yin. La reedition de
Giurgiu et de Silistrie ne pouvait plus tarder (octobre), et Ismail,
affamee, ouvrait de nouveau se portes aux Russes 82.
Des le mois de mai 1810 la Russie avait fait connaitre
formellement l'annexion des deux Principautes, les agents consulaires
furent invites a quitter leurs postes. Le Metropolite Dosithee Philitis
avait ete remplace, comme partisan des Turcs, par le Grec Ignace, des
le mois de janvier; on croyait a Vienne qu'il avait complote avec
Ypsilanti pour le maintien de cette situation ambigue qui devait
preparer le royaume de Dacie". Le poste de vice-president du
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gouvernement valaque avait ete confie a un simple officier, le general
Engelhardt Sur les nouvelles editions des livres liturgiques, sur
les frontispices des eglises qu'on inaugurait, le Tzar figurait comme
maitre legitime, comme hospodar" des deux pays, reunis desormais
sous sa sujetion.
Au mois de juin 1810 on maintenait du cote de la Russie les
anciennes conditions de paix, que Kamenski lui-meme communiquait
au ministre prussien de Werther: la rive gauche du Danube pour
frontiere, une Constitution pour les Serviens et vingt millions piastres
de dedommagements" ". On etait presque stir a Petersbourg que les
Turcs, menaces jusqu'aux approches de Choumla et de Varna,
finiront par se resigner au sort qu'on voulait leur faire, et Napoleon
declarait de nouveau, par son ambassadeur, le prince Kourakine,
gull serait charme de voir l'Empire russe agrandi des Principautes
de Moldavie et de Valachie" ". Il preparait dj de nouvelles
annexions en Allemagne a titre de compensation'. Un peu plus tard
on declarait officiellement, de Petersbourg, aux Cours amies que la
cession des Principautes, offerte par Napoleon a son allie, etait
aunique condition sine qua non de la paix "v.
Comme l'Empereur des Francais n'etait pas arrive a arracher
aux Turcs cette concession, l'Autriche avait ete assuree par le Tzar
que la Russie ne soutiendra pas la France dans les efforts qu'elle
faisait pour detruire la Monarchie. En octobre 1810 cette meme
Autriche, reconciliee apparemment a son grand ennemi, alliee a la
dynastic meme du nouvel Empire revolutionnaire par le mariage de
Marie-Louise avec Napoleon, faisait de son mieux a Constantinople
pour convaincre les Turcs qu'ils pouvaient bien demander des
conditions paix meilleures. Je crois", ecrivait Werther, que cette
Puissance finira par traverser entierement les projets de l'empereur
Alexandre sur les provinces de la rive gauche du Danube"". La seule
frontiere admissible est le Dniester, declarait officiellement le Reis-
Effendi: si la Russie ne veut pas l'admettre, eh bien on defendra
jusqu'a l'extremite chaque pouce de terrain "".
On vit bientot le motif de cette 'intervention peu amicale.
L'Autriche s'etait dj assuree de l'appui de Napoleon pour
empecher Fetablissement de la Russie en Serbie et toute expansion
ulterieure sur le Danube. En meme temps elle faisait sentir a cette
ancienne rivale qu'on pourrait trouver un accommodement et le Tzar
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lui offrait de s'arranger volontiers avec elle pour les districts de la
Valachie qui pourraient etre a sa convenance". Vienne s'obstina
cependant a refuser toute entente la-dessus, les Principautes devaient
etre restituees tout simplement h leurs anciens maitres9.
Des le commencement de l'annee 1811 l'ancien ambassadeur
russe h Constantinople, Italinski, se tenait a Bucarest; un delegue
turc, Hamid-Effendi, arriva dans cette ville au mois de juin. On voyait
bien, d'un cote et de l'autre, la propension a reprendre les
negociations 91. Cette fois, on etait stir des mauvaises intentions de
Napoleon, de plus en plus menacant et pret plutot a installer son
beau-pere autrichien sur ce Danube inferieur repris aux Russes
malgre une acceptation formelle de leur etablissement. L'Autriche
refusait une seconde fois de donner cette acceptation. On
commengait donc a rabattre des anciennes pretentions de 1810: la
Russie se serait contentee de la Moldavie seule, et l'empereur
Alexandre aurait 'name parle aux Autrichiens, en avril, de la
frontiere du Pruthn. Hamid etait venu seulement apres que la Porte
efit ete avertie des concessions qu'on pourrait bien lui faire.
Il ne s'agissait donc plus d'une absorption des Principautes, mais
seulement d'une mesure destinee a empecher dorenavant toute
offensive turque venue de ces forteresses qui depuis trois siecles
environ clefendaient la frontiere de I'Empire ottoman, de Hotin
Akkerman et a Ismail. On ne faisait qu'etendre sur une surface
unitaire, jusqu'a une limite naturelle, ce nom de Bessarabie qui
s'appliquait jadis au seul Boudschac, a la steppe au-dessus des
bouches du Danube. Cette extension de la nomenclature
geographique datait, du reste, de l'epoque de Catherine II dj quand
on etablissait la consulat russe pour la Moldavie, la Valachie et la
Bessarabie comme province separee des deux autres. Tout le
territoire moldave qui se trouvait compris entre les anciennes reas
leur etait reuni dans cette conception.
La Porte continua cependant a se montrer inflexible. Ce fut le
premier et le dernier mot du negociateur envoys a Bucarest. Il avait
les ordres les plus prcis du Grand-Vizir de retourner sur-le-champ,
si l'on ne se desistait pas de cette pretention ". Italinski et son
nouveau coll'egue, le vieux general Koutouzov, qui avait negocie jadis
la paix de Jassy, demanderent un terme pour en avertir, par courrier
special, 1'Empereur. Le Vizir tanga son delegue d'avoir cede sur ce
point. Les Russes prenaient cependant a l'egard des sujets strangers
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dans les Principautes des mesures dont un souverain peut seul avoir
l'initiative ". Depuis longtemps dj Gabriel BAnulescu revenu de
Russie, exercait les pouvoirs religieux supremes dans les deux
Principautes, comme delegue officiel du Saint-Synode russe.
Hamid quitta Bucarest encore en wait, et Italinski,
completement decourage, demandait son rappel '. On etait sir a
Constantinople que Napoleon attaquera le Tzar et on voulait gagner
du temps.
Ce qui changea la situation fut le mouvement hardi du general
Morcov qui reussit a cerner, en octobre, Parmee du Vizir dans une Ile
du Danube.
Des negociations furent ouvertes alors a Giurgiu, entre Italinski,
le general Sabandev et le drogman Joseph Fonton, d'un cote, avec les
trois delegues du vaincu, qui savait bien ne pas pouvoir opposer aux
Russes une autre armee, mais s'attendait a les voir partir eux-memes
pour faire face a un danger plus pressant. Certains croyaient dj
qu'on s'entendra sur la frontiere du Pruth, mais on parlait encore a
Petersbourg de celle du Danube. Le Pruth ou la guerre; Ismail seule
aurait suffi pour vous payer la guerre; or vous avez quatre forteresses
et une belle province", fut la decision officielle du Grand-Vizir, qui
attendait a Roustschouk. Bien que les Turcs cernes eussent ete
contraints de capituler, Koutouzov, paraissait avoir gagne aussi le
territoire entre le Pruth et le Sereth; on pretendait cependant, du cote
des Turcs, conserver, avec les bouches du Danube, Ismail et Kilia. Le
14 decembre le general russe entrait a Bucarest au son des cloches et
au bruit du canon, en restaurateur de la paix. On assurait, malgre
Parrivee des plenipotentiaires turcs, qu'on n'attend que la ratification
du Tzar. Or Alexandre ne voulut pas abandonner les forteresses du
Bas-Danube. En fevrir 1812 ('armistice fut rompu par Koutouzov, qui
considerait dj comme simples prisonniers de guerre ces Turcs dans
lesquels il avait d'abord reconnu des hotes. Le Sultan, de son cote,
avait oppose de nouveau sa resolution inebranlable de ne plus
reculer.
Napoleon preparait dj son invasion. Le Tzar consentit a
renoncer au delta danubien. Des le mois d'avril une partie des
troupes russes durent quitter furtivement la ligne du Danube, oU il ne
fallait pas meme penser a une nouvelle offensive. Ce qui accroissait
les apprehensions des Russes etait la certitude qu'on avait de
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l'entente, conclue au mois de mars 1812, entre la France et 1'Autriche,
qui n'avait jamais perdu de vue les Principautes.
Si Andreossy, l'ambassadeur, longtemps attendu, de Napoleon,
etait arrive a Constantinople a ce moment, les Turcs auraient pu
conclure une paix qui n'aurait pas diminue leur territoire. Mais des
retards inexplicables dans le voyage de cet emissaire inspirerent a la
Porte une defiance bien naturalle. Elle craignit de perdre cette
conjoncture favorable, tout de meme, aux interets turcs.
D'autant plus qu'Alexandre I-er s'etait decide a brusquer les
choses coute que coOte en envoyant un nouveau plenipotentiaire dans
la personne de l'amiral Tschitschagov, son intime: it devait menacer
les ennemis d'une nouvelle expedition et meme de la revolte des Grec
et de tous les orthodoxes. C'etait pour la premiere fois qu'on pensait
que des nations existent sur ces territoires envahis ou menaces.
Les Grecs Capo-d'Istria et Barozzi, le Roumain Scar late Sturdza
et son fils, Alexandre, jeune homme des meilleurs esperances,
l'accompagnaient dans ce but. Et le Tzar parlait en meme temps avec
compassion des horreurs" qui avaient ete commises contre une
population inoffensive, secourable 'name jusqu'a la derniere limite de
ses moyens: it ne voulait plus les tolerer.
Tschitschagov commandant en chef de Parmee du Danube, de
la flotte de la Mer Noire et gouverneur general des Principautes de
Moldavie et de Valachie", etait a Jassy seulement, lorsque
Koutouzov, qui n'entendait pas que ce jeune rival lui ravit l'honneur
de conclure la paix .qui devait couronner ses victoires, annonca
l'Empereur qu'il venait de s'entendre avec les Turcs en acceptant les
conditions que ces derniers avaient presentees au mois de novembre
dernier et qui contenaient la cession de la Bessarabie seule, mais avec
Kilia et Ismail.' Le 28 mai n. st. les preliminaires avaient ete dj
signes. Les Turcs se consolaient avec l'idee que, si Napoleon allait
briser la Russie, ils pouvaient bien tirer parti des trois mois fixes pour
revacuation du territoire qu'ils avaient abandonne. En juillet, comme
l'expedition francaise trainait en longueur, les ratifications furent
echangees, a Bucarest meme. On s'etait borne a executer comme
traitres les deux Mourousi, auxiliares des n.egociations. I1 faut
mentionner aussi que, de leur cote, les Russes avaient voulu employer
leur presence dans les Principautes pour aller en Transylvanie punk
la trahison de l'Autriche".
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Voici dans quels termes Tschitschagov annoncait, le 14 aolit, le
depart de ses troupes aux Divans des deux pays: L'armee du Danube
quitte votre pays. La guerre qui l'avait conduite parmi vous est
terminee. Vous allez jouir de votre repos, sous les lois d'un
gouvernement auquel vous etes accoutumes et qui doit, par
consequent, vous convenir (!). Vous avez soutenu le fardeau de la
guerre avec constance et liberalite, vos sacrifices sont connus. Leurs
motifs vous honorent et Sa Majeste l'Empereur Alexandre vous est
reconnaissant. Le bonheur de votre patrie a ete l'objet de sa
sollicitude paternelle. Vous en avez eu des preuves. Ses intentions
vous etaient favorables. Napoleon, l'ennemi de l'independance des
nations et des Souverains, traine l'Europe enchainee sur les plaines
immenses de la Russie. La brave armee qui a commande votre
admiration par ses exploits militaires, va cueillir de nouveaux lauriers.
Accompagnez-la de vos vceux" ".
Pendant ces six ann6es de l'occupation russe un certain nombre
de Moldaves avaient ete employes dans l'administration du pays et
dans la conduite des troupes. Elie Catargiu, proprietaire de terres sur
le Dniester, avait le rang d'un general; Emmanuel Bal, de Sirauti,
dans les memes parages, etait colonel. Un Roumain de cette
Bessarabie qu'on venait d'annexer, Dicescul, fut chef de la police a
Jassy. Il faut citer aussi un general-lieutenant du nom de Nicori ;a ".
Mais ce fut tout. Les membres des deux Divans ne furent inities,
sous Ypsilanti ou sous les generaux qui le remplacerent, a ancun des
secrets de la politique imperiale, qui, du reste, manquait
ompletement de direction et attendait a chaque moment que les
evenements eux-memes lui indiquassent la voie a suivre. Au lieu
d'avoir, comme du temps de Catherine, des conciliabules avec les
chefs de l'aristocratie indigene pour leur demander leur opinion et
leur faire exprimer des vceux, des conflits regrettables eclaterent avec
quelques uns d'entre eux comme Iordachi Catargiu, qui, a peine
revenu de Paris, fut emmene au-dela du Dniester, comme le vieux
Vestiaire Roznovanu, qui fut battu et traine par la barbe au milieu du
Divan, comme le poete Conachi, un des nobles les plus influents et les
plus dignes d'estime, et meme ce Metropolite Benjamin Costachi qui
est la plus belle figure de son poque. Si Rodofinikine, le diplomate
d'origine grecque qui avait joue un grand role a Belgrade, proposa la
redaction d'une adresse au Souverain de la Russie pour lui demander
l'annexion de la Moldavie a ses Etats, nous n'avons pas cet acte et
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nous ne pouvons juger ni de son contenu, ni de la valeur que
pouvaient lui donner les signatures apposees au-dessous ".
Aussi la reunion de la Bessarabie a l'Empire d'Alexandre I-er
n'amena-t-elle guere une des ces fortes emigrations de boIars qui
auraient entrene sous Catherine II des centaines de sujets des
premiers rangs, ayant quitte le district qui restait sous la domination
paIenne. Cependant on avait confie toutes les fonctions a des
Moldaves; le gouverneur fut Scarlate Stourdza, assistd de Mathieu
Crupenschi; des membres des families Stourdza, Catargiu, Ghica,
Bal, Dimanchi, Leon, Varnav, pour ne citer que les noms les plus
connus, eurent l'administration des districts et la charge de recueillir
les impots. Si le Siege episcopal du Boudschak, oil on avait etabli des
Bulgares, fut confie au Grec Demetre Soulima, Gabriel Banulescu fut
le premier eveque de Hotin et de ce bourg de Kicheniev, dont, a cause
de sa situation centrale, on avait fait la capitale de la nouvelle province.
Il n'y eut, neanmoins, aucun empressement de la part des grands
propridtaires qui avaient des possessions, d'un cote du Pruth et de
l'autre, de venir s'etablir sous le sceptre de l'Empereur chretien. Les
boiars se plaignirent au nouveau prince etabli par la Porte, Scarlate
Callimachi, de ce que la meilleure partie du pays, Fame meme et la
force de l'approvisionnement, plus que Ia moitie de Ia Principaute, en
un mot la partie plaine et le cceur de la Moldavie", eut ete detach&
du domaine de Voevodes, obliges cependant a repondre au Tresor
ottoman la meme somme de l'impot, ils se montrerent leses dans leurs
interets par la nouvelle frontiere et ils eurent la naivete de proposer
qu'ude partie de la Valachie, jusqu'a la riviere de l'Ialomita, soit
reunie aux districts qui restaient encore a cette Moldavie mutilee,
incapable de soutenir ses anciennes charges 100.
Lorsque Ia Porte ordonna une option, fixant un terme assez bref,
un grand nombre des chefs de l'aristocratie prefererent vendre leurs
biens, a un prix tout a fait inferieur, aux paysans memes ou bien aux
Grecs speculateurs, et ils demeurerent a Jassy, dans la Moldavie
turque", aupres du hospodar grec". A la tete des migrs' on trouve
Jean Bal, Iordaki Cantacuzene et Constantin. Paladi; Constantin
Mavrocordato, qui avait *declare vouloir s'etablir en Bessarabie,
changea d'opinion. Si on trouve parmi les nobles bessarabiens, munis
desormais des privileges de la noblesse russe, un grand nombre de
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rims connus, meme des Ghica (Constantin et Etienne), des
Cantacuzene (Constantin), des Stourdza (Jean), des Mil lo, des
Rosetti (Basile), des Casimir, des RAcanu, des Rusu, des Iamandi,
des Leondari, sans compter les representants des families moins
importantes, it ne s'agit pas d'immigres, mais bien de personnes,
d'une importance politique et sociale mediocre, que l'occupation
avait trouvees sur les seules possessions terriennes qui leur
'.
appartenaient Et, parmi ces petits bolars meme, it y eut plus d'un
qu'un penchant naturel fit repasser le Pruth, pour ne pas se separer
de ces institutions seculaires dont Tschitschagov avait reconnu le
droit aux sympathies constantes de la nation. D'autant plus que des
1813 le gouverneur n'etait plus Stourdza le Moldave, mais bien un
general d'origine finlandaise mais marie a une parente de son
predecesseur Harting.
L'atmosphere meme de la vie publique etait restee moldave. La
Constitution accordee par l'Empereur Alexandre, lors de son
apparition a Kicheniev, en 1818, Constitution qui repose sur les
anciennes coutumes, fut publiee en roumain aussi bien qu'en russe.
On avait conserve dans les eglises la liturgie roumaine, et on faisait
venir de Moldavie les livres usuels.
Les actes prives etaient rediges dans la meme langue que par le
passe, et on l'employait, cette langue, aussi dans des contrats
confirm& par l'administration, dans les actes des tribunaux. Les
sceaux meme des offices avaient des inscriptions roumaines. Ce fut un
Grec de Valachie, Manega, qui eut meme le soin de la legislation
nouvelle, tout a fait originale, qui a ete plus recemment etudiee par
l'historien, meme de ces evenements, le Roumain de Bessarabie
Kasso (Casu), ancien ministre de 1'Empire.
Mais tout cela ne contribuait pas a maintenir les anciennes
relations avec les regions sises entre le Pruth et les Carpathes. Loin de
chercher a suivre l'exemple de l'Autriche, qui employait sa province
de langue roumaine a attirer les autres Moldaves soumis a l'arbitraire
turc et a l'avidite grecque, la Russie, en etablissant sur la nouvelle
frontiere une quarantaine presque permanente, paraissait, au
contraire, vouloir empecher toutes relations entre les deux fragments
de l'ancienne Moldavie. Ii ne faudrait pas d'autre preuve pour faire
voir que, cette fois aussi, it n'y avait pas la continuation qu'on
s'imagine d'une politique consequente mettant tout en oeuvre pour
arriver a une annexion entiere et definitive.
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NOTES
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39. Ibid., p. 270.
40. Hurmuzaki, Suppl. I 2, p. 73, no. CXXVIII.
41. Actes et fragments, II, pp. 292-3. Ibid., p. 296 et suiv.
42. Actes et fragments, II, pp. 344-345 et suiv.; Stefanelli, dans les Anna les
de PAcademie Roumaine, XXIII; N. Iorga, Istoria Bisericii romfine, II, p. 195.
43. Genealogia Cantacuzinilor, p. 339.
44. Actes et fragments, II, p. 339.
45. Ibid., p. 341.
46. Ibid., p. 351. Cf. N. Iorga, Documents Callimachi, II, Preface.
47. Actes et fragments, II, p. 36.
48. Ibid., pp. 367-369.
49. Ibid., p. 369.
50. Ibid., pp. 369-370.
51. Ibid., pp. 371-372.
52. Ibid., p. 394.
53. Actes et fragments, II, pp. 402,465.
54. Ibid., p. 406.
55. Ibid., pp. 406-407.
56. Ibid., pp. 408-409.
57. Actes et fragments, p. 409.
58. Actes et fragments, pp. 411-412. Ibid., pp. 412-413.
59. Ibid., pp. 451-416.
60. Actes et fragments, p. 418.
61. Ibid., pp. 418-420.
62. R. Rosetti, dans les Anna les de PAcademie Roumaine, XXXI,
pp. 488-491.
63. Voy. Iorga, Relations des Roumains avec les Serbes, Bucarest, 1914.
64. Idem Actes et fragments, II, p. 425.
65. Ibid., p. 423 et suiv.
66. Ibid., pp. 425-427.
67. Ibid., II, p. 436.
68. V. A. TJrechia, Istoria Romani lor, IX, pp. 176-177.
69. Actes et fragments, II, p. 443.
70. Sturdza ouvr. cite, I, p. 911.
71 Actes et fragments, II, p. 435,439.
72. Denis PEcclesiarque, dans Papiu, Tesaur, II, p. 218.
73. Voy. aussi Langeron, dans Hurmuzaki, Suppl. 13, p. 110.
74. Actes et fragments, II, pp. 436-437.
75. Ibid., p. 440.
76. Ibid., p. 441.
77. Ibid., p. 445.
78. Anna les de PAcademie Roumaine, XXXII, p. 182.
79. Actes et fragments, II, p. 444.
80. Hurmuzaki, Suppl. II, pp. 523-577.
81. Actes, et fragments, II, a cette date.
82. Denis PEcclesiarque, loc. cit., pp. 219-220.
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83. Actes et fragments, II, p. 448.
84. Ibid.
85. Ibid, pp. 451,452. Memes declarations, pp. 456-7.
86. Ibid., II, p. 457.
87. Ibid., p. 452.
88. Ibid., p, 543. Cf. p. 458.
89. Ibid., p. 454.
90. Actes et fragments, II, p. 456.
91. Ibid., pp. 458-459.
92. Ibid., II, p. 459.
93. Ibid., p. 463.
94. Ibid., p. 463 et suiv.
95. Ibid., pp. 463-466.
96. Anna les citees, p. 160 et suiv.
97. Actes et fragments, II, pp. 485-486.
98. Voy. notre ouvrage roumain sur la Bessarabie, p. 142.
99. R. Rosetti, dans les Anna les de l'Academie Roumaine", XXXI:
Archives des Senateurs de Kicheniev".
100. Codrescu, Uricariul, IV, p. 343 et suiv.
101. N. Iorga, Bassarabie", p. 160 et suiv.
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CHAPITRE X
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Joltoukhine murut a Bucarest, et sa succession fut confiee a un
personnage qui ne lui ressemblait guere, le general Paul Kisselev.
Le traite d'Andrinople contenait des clauses de la plus grande
importance pour les Principautes. El les obtenaient la liberte absolue
d'un commerce mis a l'abri des violentes et injustes requisitions
turques, la restitution du territoire occupe par les forteresses a la
place desquelles s'eleverent les belles villes au plan regulier, trace par
des ingenieurs russes, de Braila, de Giurgiu, de Turnu-Magurele. Et
enfin les princes, elus par le pays dans les assemblees nationales,
devaient garder les freins du gouvernement pendant leur vie entiere.
Mais Kisselev ambitionnait encore plus. Les cinq annees
d'occupation qui suivirent jusqu'au paiement complet des
dedommagements prevus par le traite, furent employes a des oeuvres
d'utilite publique, selon le systeme napoleonien, teller que les
Principautes n'en avaient jamais vues. Des chaussees furent tracees et
executees par le travail des paysans, des promenades publiques
embellirent et rendirent plus saines les villes, un service sanitaire
mieux ordonne mit fin aux ravages affreux des maladies qui avaient
commence a sevir pendant la guerre. Jassy, qui, moins heureuse que
Bucarest, avait encore son ancien pave de bois, fut transformee: it y
eut un beau pave de pierre etabli par la nouvelle municipalite
qu'avait exhortee et controlee le president; les premiers trottoirs et
les premiers travaux de canalisation de la Capita le moldave datent de
cette epoque. Lorsqu'il quitta les Principautes, cet ami de la nation
.fut reconduit jusqu'au Pruth, avec reconnaissance, en vrai
bienfaiteur, par les membres de la societe moldave, qui avaient donne
une derniere fete en son honneur. II partit en recommandant
chacun de ses colaborateurs roumains, qu'il embrassa avec effusion,
l'interat de leur patrie, comme si elle avait ete la sienne propre". Un
vieux boiar, auteur de la derniere chronique moldave, s'exprimait,
plus de vingt ans apres son depart, dans les termes suivants sur cette
administration eclairee et active: L'administration du comte
Kisselev a ete benie par toutes les classes du peuple roumain, autant
qu'a dure son exercice et longtemps apres. On lui avait decerne
l'indigenat de ce pays qu'il avait voulu transformer par ses soins
assidus, creant, pour ainsi dire, un ordre nouveau, inseparable de sa
memoire" 14.
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Cet administrateur d'un grand talent et d'un devouement absolu
a sa mission etait plutot un des derniers eleves de cette philosophie"
d'Etat du dix-huitieme siecle a laquelle l'humanite doit sans doute de
profondes erreurs de conception, des tourments atroces dans la
realisation de ses projets, mais aussi un grand nombre des
etablissements utiles sur lesquels repose encore la vie des societes
modernes.
Annexioniste convaincu, ayant sans cesse devant ses yeux ces
grands Empires unitaires, d'une discipline parfaite, dont Napoleon
avait offert a l'humanite le dernier et grandiose spectacle, it ne croyait
guere ni au droit de vie des petites nations, ni a la possibilite des petits
Etats de se maintenir contre les feroces appetits de leurs voisins.
Mais, en attendant ce qui, selon lui, devait se passer inevitablement,
tot ou tard, it voulait, non seulement justifier la confiance du Tzar,
son Souverain, mais aussi remplir cette oeuvre de justice et d'ordre,
d'amour pour le prochain et de civilisation bienfaisante, en donnant,
sur la base des prescriptions d'Akkerman, aux Principautes, avec les
boIars d'ancien regime, mais lit -ce meme contre les boIars, la
meilleure constitution qui serait possible, eu egard a leur pass, et
conciliable aussi avec les intereSs du grand Empire dont it etait le
representant et le mandataire.
Apres avoir remplace le grand Divan mal discipline et
desoriente par une assemblee de fonctionnaires, composee des
anciens membres des Departements judiciaires", apres avoir
detache les deux sections administratives de celle qui devait avoir
seulement la distribution de la justice, it nomma, de concert avec cette
assemblee, les membres des comites qui devaient elaborer le
Reglement, et it faut reconnaitre que son choix fut excellent (le
comite moldave comprenait, outre deux vieux boIars plutot
indifferents, Michel Sturdza et Conachi). Les partis n'en cesserent pas
leur agitation, certains voulant la Republique aristocratique et
certains autres une Constitution libre et dernocratique", et ils
allerent jusqu'a fomenter des troubles, mais la main du president-
plenipotentiaire, si elle n'etait pas lourde, comme celle de son
predecesseur et meme de son lieutenant, le general Mircovitsch, n'en
etait pas moins ferme. La comission fut press& de finir le plutot
possible un travail extremement difficile par le besoin d'embrasser
toute une vie nationale et de concilier a chaque pas les traditions
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sacrees du pass avec ces normes nouvelles de la vie politique qui,
resolument hostiles a tout ce qui rappelait l'ancien regime, ne
derivaient que des principes de la pensee philosophique moderne.
Des le mois d'avril 1830, les deux Reglements etaient termines, une
Assemblee generale extraordinaire fut rassembl6e pour en approuver
le contenu et puis l'ouvrage legislatif fut presente solennellement a
Petersbourg par Michel Sturdza et le Logothete valaque Vellaras,
assist& du secretaire de la comission moldave, Georges Asaki, le
principal representant du nouveau mouvement de culture a Jassy.
On a porte des jugements bien differents sur ce Reglement qui
finit par etre juge, non plus pour tout le bien qui etait compris dans
ses nombreaux articles aussi bien que dans la conception generale qui
s'en detachait, mais pour tous les abus qu'il ne pouvait pas empecher
et qui, se cachant derriere ses formes, paraissaient venir de son
essence meme. De fait it correspond, beaucoup plus qu'aux intentions
de la Russie, a la situation de fait dans les Principautes elles-memes.
Ce n'est que le dernier terme d'une longue agitation interieure pour
l'etablissement d'un nouvel ordre de choses, et it entremele des
interets qu'il n'avait pas ete en etat de concilier. On y voit tres bien le
respect pour la paperasserie impressionnante, le mepris pour ce qui
n'est pas &fit", la passion des oisifs pour les complications inutiles, --
le desk de parader avec son opposition, dans des assemblees dirigees
contre le prince, qui sera un autre, et aussi, dans l'ordre social, le desk
des grands proprietaires de ne donner au paysan qu'autant de liberte
qu'il en faut pour mieux profiter de son travail. Ci et la on entrevoit
des conceptions dont l'heure n'etait pas encore venue, mais qu'il
fallait mentionner pour prouver qu'on ne les a pas oubliees, comme
celle de l'Union des Principautes, preparee dans le Reglement par la
presqu'identite des institutions et indiquee meme comme but dernier
du developpement de ces pays. Si l'ancienne boIarie est remplatee
par les fonctionnaires tout en esperant pouvoir reserver les
fonctions surtout aux anciens bdars et a leur descendents , it ne faut
pas oublier que c'etait un point principal dans le programme du parti
turc" de Jassy en 1824.
Et cependant, si les Principautes allaient gagner par ces
nouvelles lois un aspect plus moderne, c'etait le. consul russe qui en
allait retirer le plus grand profit. Car le Reglement Organique c'est la
charte du Protectorat proconsulaire. Kisselev l'avait-il voulu? Avait-
il cede aux inspirations de ce bureaucrate diplomatique qui etait
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Minciaky, president des deux comites? Peut-etre bien. Mais, comme
on ne voulait plus du prince autocrate et comme on n'avait pas le
courage de plonger dans la democratie, fit -ce meme dans celle des
boiars egalises en droit, comme on continuait a se suspecter et a
s'entre-detruire, annullant de la sorte, dans un jeu complique
d'attributions, tout pouvoir reel, it y avait une place vide dans le
nouvel Etat. Il ne faut pas s'etonner si le consul n'hesita pas a la
prendre pour lui et si, n'ayant pas de rival sans cesse devant soi, it
developpa, le seul, une activite unitaire et consequente qui en fit le
vrai maitre du pays.
Mais pour la Russie elle-meme it y avait un desavantage. Ce
consul, qui n'etait pas toujours un homme bien eleve, mais, dans la
plupart des cas, un fonctionnaire quelconque, de modeste provenance
etrangere meme, que cette autorite sans bornes enivrait
necessairement, ce potentat irresponsable, que personne ne
surveillait de trop pres, se donnait tous les airs d'un parvenu, qui
entend que rien ne soit refuse a sa serenissime importance,
demandant, en meme temps, d'un geste imperieux, l'encens des
hommages et l'argent des pourboires, sans remercier d'un seul
sourire les sujets de son controle tout-puissant. Or, ce prince avait
dans le pass le plus recent des exemples d'autocratie bien seduisants,
ces boiars, etaient accoutumes a etre traites avec tous les egards das
une aristocratie hereditaire; ils souffraient enormement, non
seulement des atteintes portees a leur dignite personelle par des
attitudes insupportables, mais aussi pour tout geste incovenant qui
blessait leur orgueil si sensible. Comme on ne pouvait pas protester
sans s'attirer des denonciations qui pouvaient amener pour le boiar
l'exclusion des affaires et pour le prince la destitution Alexandre
Ghica fut destitue formellement en 1842, pour avoir &pin au consul
on se taisait longtemps, on endurait sans resignation, pour faire
retomber le poids des haines accumulees, non pas contre ce consul de
passage, qui disparaissait d'un jour a l'autre pour transmettre la
meme morgue arrogante a son successeur, mais contre le puissant
Etat que representaient ces agents et dont les intentions , fussent-
elles memes resolument et invariablement annexionistes, ne
tendaient pas precisement a se faire des ennemis dans cet Orient dant
la conquete ne pouvait pas etre cependant tres proche.
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Les relations entre Russes et Roumains s'etaient reduites
malheureusement a ces conflits incessants entre le consul, d'un cote,
et, de l'autre, un prince ennemi des boIars, ou des boiars ennemis du
prince. Et cependant it y avait aussi autre chose, des deux cotes. Il y
avait chez les Roumains une conscience nationale en plein
mouvement d'ascension, produisant presque spontanement une
litterature moderne, interessante au moins pour les voisins, et, de
l'autre, une civilisation russe nationale que le romantisme avait fait
&lore avec une puissance admirable et qui par nombre de ses
elements se rapprochait de l'etat d'ame de la societe roumaine a la
meme poque.
On nous permettra de negliger le menage consulaire, monotone
et desagreable, qui attire l'attention de l'historien sur des
personnages mediocres accomplissant une besogne antipathique,
pour nous tourner un moment vers ce mouvement des esprits.
Nous avons vu ce que, des les jours de Pierre Moghilk la Rusie
devait aux lettres de la Moldavie. Pendant la premiere guerre de
Catherine II, un moine russe qui avait visite le Mont-Athos s'etait
etabli d'abord dans le couvent de Dragomirna, en Bucovine, puis
dans celui de Neamt, et Paisii Velitschanski fut le reformateur de la
vie monacale entiere des Roumains par ses regles de vie en commun
et par ses exhortations au labeur des mains et a celui de l'esprit; son
tombeau venere fut creuse dans l'eglise d'Etienne-le-Grand, et une
plaque de marbre ouvragee comme celle des Voevodes, recouvre ses
restes. Un pretre russe, Michel Strilbitzki, aide par son fils, fut alors,
meme qu'il remplissait un role politique secret, imprimeur actif des
livres d'eglise qu'il ornait d'estampes et qu'il reliait meme '5.
Mais a ce moment, dans la premiere moitie du XIX-e siecle, d'un
cote et de l'autre it y avait une energie nationale a reveiller par le
grand spectacle d'un pass qui n'etait pas encore oublie dans les
masses du peuple, puisqu'elles en parlaient dans leurs ballades et
dans leurs recits, et tout un monde present d'abus et d'exces,
tragiques dans leur ensemble, carniques dans leur detail, qu'on ne
pouvait attaquer que de biais par la satire masquee de la fable ou par
l'allegorie sournoise qui cache son but pour mieux l'atteindre.
Pour lui parler de son pass, la Russie eut Karamzine (mort en
1826), qui devint cependint un enthousiaste de l'ancien regime,
meme dans ce qu'il avait de cruel et d'injuste, admirant l'originalite
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pittoresque de ses malheurs et de ses crimes et le sens national
profond dans lequel it croyait avoir decouvert aussi, non seulement
une legitimation morale, mais aussi la valeur d'un guide pour l'avenir.
Ce fut aussi par un historien que commenca, de fait, la litterature
militante des Roumains, mais Michel Kogalniceanu, dont l'Histoire
des Roumains", parue a Berlin en 1834, et les Fragments des
chroniques moldaves et valaques" ne resterent ni ineonnus ni inutiles
aux audits russes en quete d'information etrangere, avait fait ses
etudes a Luneville et a Berlin, a une poque oh le liberalisme
seduisait la jeunesse entiere, et, s'il ne sacrifia jamais a ces entites
abstractes qui font oublier le caractere concret des vraies vies
nationales, it tira de cette inspiration occidentale de sa jeunesse un
amour de la liberte, une profonde compassion pour les souffrances du
peuple, une conviction profonde que ce n'est que par la satisfaction
entiere de ses droits qu'on peut etablir une societe saine et un Etat
solide, qui en firent, non seulement un historien remarquable, un
grand ecrivain et un inimitable orateur, mais aussi un homme d'Etat,
appele a ouvrir de nouvelles voies aux progres de son peuple.
Les premiers poetes russes qui abandonnerent les splendeurs
froides de l'ode pour exprimer dans les vers eplores de Pelegie de
vagues aspirations vers un autre ideal, eurent dans Basile Carlova, le
chantre des ruines de Targovite, ancienne Capitale de la Valachie,
un pendant roumain. C'etait un jeune officier et, de meme qu'en
Russie Pouchkine, Lermontov, plus tard Tolstoi se formerent dans
l'air de liberte aventereuse, de mepris pour la vie, qui animait les
armees, Carlova lui-meme et ses contemporains, Gregoire
Alexandrescu, C.A. Rosetti, Hrisovenghi, commencerent par servir
sous les drapeaux de la nouvelle milice moldo-valaque, que le regime
du Reglement organisa, sous tous les rapports, d'apres le mod'ele
russe. Si cette autre armee n'eut pas pour faire battre les coeurs et
revolutionner les times des campagnes en terre lointaine, l'emotion
des batailles, le frisson de la victoire, les plus belles esperances
agitaient leurs ailes sous les couleurs nouvellement deployees des
premiers regiments roumains. Il en resulta le meme vague a Fame",
la meme soif de l'inconnu, de ce qui n'a jamais ete encore ressenti, le
meme essor vers des hauteurs dont on n'apercevait pas les cimes, bref
le meme romantisme, lamartinien lorsqu'il pleurait et, lorsqu'il
provoquait le monde entier, byronien.
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II y a cependant une difference entre cette litterature des jeunes
guerriers romantiques, dans un pays et dans l'autre. L'element epique
qui a done a la nouvelle poesie russe les poemes de Pouchkine et les
recits de Lermontov manque chez les Roumains, dont la nouvelle
armee n'avait pas eu de nouvelles guerres a soutenir, se bornant
encore a contempler melancoliquement ces etendards sous lesquels la
victoire n'etait pas encore revenue. Et cependant un des poetes
moldaves qui ont connu le russe, Constantin Negruzzi, s'essaiera de
celebrer dans les alexandrins pompeaux d'un chant heroique, auquel
manque le souffle, Pepoque d'Etienne-le-Grand lui-meme, en
evoquant dans l'Ecuyer Purice" (Aprodul Purice) un des episodes
de la vieille epopee. L'inspiration russe, venue de Pouschkine lui-
meme, est evidente.
Les travers de la societe russe avaient ete satirises par le
fabuliste Krylov (mort en 1844), qui emprunte le langage de Phedre,
le vague moraliste, et du malicieux bonhomme La Fontaine pour
frapper dur, sinon droit aussi, sur le vices de la vie politique sociale et
meme litteraire, de ses contemporains; ses animaux le protegeaient
contre la vengeance de ceux qui avaient a se plaindre de cette verve
railleuse et mechante. Il se trouva un Roumain de Bessarabie pour
faire entrer ce genre dans la litt6rature naissante de la Roumanie
moderne. Alecu Donici, dont le pere avait vecu dans l'ancienne
Moldavie obeissant a un seul maitre, avait merle dans le nouveau
milieu bessarabien de sa jeunesse une existence sans clat; it fut
cependant ausi officier de Farm& qui comptait dans son sein les plus
grands esprits de Pepoque. Pouchkine lui-meme habita quelque
temps, en 1821, quand it saluait dans le mouvement grec l'heure de
l'esperance et de la liberte" '6, ce vieux nid moldave de Kicheniev,
peine transforms par l'ouverture de larges rues de colonisation a
travers les cours des spacieuses maisons seigneuriales, qui logerent
aussi ses ennuis et ses aventures; it dult a ce sejour au milieu des races
du Sud dont le sang bouillonait comme son sang demi-negre
l'inspiration du Chas le noir", de la Grecque fatale et des longs
convois de Tziganes a travers la steppe, avec l'heureux amant
desabuse du monde de la bohemienne Zamfira. Cependant
l'apologue est benigne sous ce traducteur, qui n'ose pas meme
adapter, en donnant s belle forme roumaine fluide, digne parfois du
grand modele frangais lointain, aux creations de Krylov.
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S'il y eut cependant un autre, en Valachie, qui, mene dans cette
voie par la lecture de La Fontaine lui-meme, sinon par celle des
imitations de Donici, sut faire de la fable une satire immortelle et de
cette satire un des grands instruments de progres de sa nation.
Gregoire Alexandrescu, un traducteur de Voltaire, un lyrique un peu
pale et vieillot a ses heures, ne doit sa grande ,reputation, bien
meritee, qu'au grandiose essor d'une evocation historique, celle de
Mircea l'Ancien, pres de sa tombe au monastere de Cozia, et surtout
a ces fables oh se retrouve cette societe du Reglement Organique ou
la ruse et la morgue se disputaient le terrain dans la carriere des
honneurs, ouverte desormais a toutes les ambitions.
Parmi les ecrivains roumains nes dans les Principautes, Negruzzi,
qui avait aussi des relations de famine avec la Bessarabie, est le seul
qui eut connu le russe. On le voit bien, non seulement par ce fragment
6pique que nous citions plus haut, mais aussi par une tres bonne
traduction des Satires d'Antiochus Cantemir, travail difficile, dans
lequel it eut l'aide de Donici, et meme par le cadre bessarabien dans
lequel it place certaines de ses nouvelles ainsi que par la maniere dont
it entend les tourner.
Il y aurait eu cependant toute une categorie de lettres qui
pouvaient prendre sur eux ce travail fecond de mediation entre les
deux litteratures: ces Moldaves d'au-dela du Pruth, qui n'avaient pas
perdu dans cette Bessarabie, ou vers 1870 encore la langue roumaine
' &ail employee dans la revue officielle de l'archeveque, aucune des
attaches avec le corps mOme de leur nation.
Donici fut le seul qui travailla pendant quelque temps dans cette
direction; mais it s'etait etabli encore jeune a Jassy, et it ne fut plus en
mesure de continuer cette oeuvre, a laquelle it n'avait pense, du reste
qu'accidentellement. Les autres ne pouvaient pas le faire non plus, eu
egard aux conditions particulieres de cette province, oh la langue
russe ne penetra que bien tard, et dans les villes seules, et oh les
enfants des families plus riches recevaient une education qui n'etait ni
russe, ni roumaine, mais bien frangaise. Ainsi Alecu Russo fut un
eleve des ecoles de la Suisse, dont it rapporta la rhetorique mystique
de Lamennais, et un fin esprit critique, ayant un sens pour la realite
qui en fit un des meilleurs juges des probl'emes de son poque.
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Mais ce fut en Moldavie qu'il se manifesta lui aussi, en Moldavie
exclusivement. Si Alexandre Hajdau, qui rappela, h Hotin, dans un
discours clebre, h. la Russie ses anciens emprunts de culture a la
Moldavie '7, n'habita jamais la principaute mais it passa quelque
temps en Bucovine , s'il etait par sa tradition de famille meme un
Polonais, c'est dans l'esprit de la nouvelle Pologne de Mickiewitz et
de Lelewel plutot que dans celui de Ia Russie, dj agitee par le
panslavisme vers la fin du regne de Nicolas I, que se forma son fils
Bogdan, qui passant de l'autre cote du Pruth, des 1857, devait etre le
premier slaviste du pays et un de ses premiers ecrivains, comme
historien, comme philologue, comme poete et penseur, gardant d'un
bout a l'autre de sa longue activite si feconde une note d'originalite
qui ne rattache a aucun pays son romantisme inventif, capricieux et
mordant. Il n'y eut a l'exception du fabuliste, de gauches allures,
Sarbu qu'un seul Bessarabien typique, n'ayant quitte son district, sa
ville de sejour, sa fonction que pour de courtes excursions en
Moldavie. Ce fut Constantin Stamati. Lisant sans cesse, it s'amusait a
tourner en roumain ce que dans les litteratures etrangeres et aussi
dans cette litterature russe, qu'il connaisait et appreciait, avait attire
particulierement son attention. Il s'essaya lui-meme, pour son propre
plaisir, dans des compositions originales, oil on sent plus d'une fois
l'influence des mod'eles russes; ses ecrits furent publies a Jassy, tres
tard, et leur forme imparfaite, autant que leur caractere &ranger,
evident, nuisirent a leur diffusion.
Dans la litterature russe, quelques notes du chant populaire
roumain, quelques souvenirs du pass moldave, quelques details
pittoresques de la vie des villages passerent seulement, d'une maniere
pint& obscure, par les articles que le meme Alexandre Hasdeu ou tel
antiquaire russe de Bessarabie firent imprimer dans des revues d'une
moindre importance.
Les relations entre Roumains et Russes devaient se bonier dons
aux injections des consuls et aux timides protestions des hospodars.
Michel Sturdza lui-meme, devenu prince en 1834, par Ia volonte du
gouvernement imperial, defendit avec une profonde conviction, d'un
bout h l'autre de son administration, les prerogatives de la Puissance
protectrice, allant jusqu'a supprimer par une censure imbecile toute
allusion desagreable" h la Russie, flit -ce meme la mention dans un
journal des rigoureux hivers du Nord, mais it eut aussi a souffrir des
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intemperances de langage et de conduite de ce consul 'Besack, qui
n'etait pas plus Russe que son collegue valaque Rtichkmann,
principal promoteur de tous les malentendus et de tous les
froissements qui irriterent sous le regne d'Alexandre Ghica la societe
de Bucarest, h laquelle it s'etait mele aussi par son mariage
malheureux avec une Roumaine. Toute une generation, et justement
celle qui crea dans cet esprit de liberte et d'enthousiasme que nous
avons caracterise plus haut, la nouvelle litterature, ne connut du
monde russe que cette mesquine tyrannie diplomatique des
chancelleries consulaires.
Elle fut, en outre, elevee en Occident, oh le conflit turco-
egyptien avait fait des Puissances maritimes les adversaires
irreconciliables et acharnees de cette Russie envahissante, a laquelle
it fallait interdire l'acces de 170rient orthodoxe, oh elle entendait
dominer de plus en plus ouvertement, par une interpretation hardie
des anciens traites. Si ces principaux representants de la lutte
nationale des Roumains furent, a l'exception de Kogalniceanu, qui
ne confondait pas Besack et Riickmann ou meme leur conational
Nesselrode avec .le Tzar et la Russie elle-meme, des adversaires
declares de cette Russie, ils n'y etaient pas port& seulement par leurs
apprehensions a regard d'une politique d'annexions a laquelle on
n'avait pas renonce dans certains cercles de Petersbourg meme, mais
aussi par l'ideal de liberte, de parlementarisme, dd formes liberales
dans la vie de l'Etat, dont ils s'etaient penetres pendant leurs etudes
meme et aussi, sans qu'ils s'en rendissent compte d'une maniere plus
nette, par l'influence qu'exerga sur leur jeunesse, encline a l'imitation,
cet antagonisme entre la France et l'Angleterre, d'un cote, et
l'Empire de Nicolas I-er, de l'autre, qui devait avoir dans quelques
annees les consequences les plus graves pour leur patrie.
Et, enfin, it ne faut pas oublier que, si la Russie avait a Jassy et a
Bucarest des consuls rompus a l'intrigue, ces Puissances liberales y
envoyaient des representants, comme Bilecocq, par exemple, dont le
fracas habituel n'empechait pas les menees secretes; on se rendait
bien la monnaie entre les concurrents pour la domination de cette
Turquie incapable de se maintenir sans un appui auquel elle trouvait
doux de s'abandonner completement ".
La societe russe ne se faisait voir dans ces contrees belles et
interessantes que par de rares voyageurs. Tel d'entre eux, comme le
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prince Koltzov-Massalski, contracta un mariage dans le societe de
Bucarest; la femme de ce visiteur occasionnel des Principautes fut la
celebre Dora d'Istria, dont les ecrits, de contenu varie, gagnerent
l'estime de l'Europe occidentale a son poque; mais, quant au
manage lui-meme, it ne fut pas plus hereux que celui de la princesse
Mathilde Bonaparte avec le prince Demidov. Celui-ci visita, a
l'epoque du Reglement Organique, les pays roumains, amenant avec
lui un artiste francais qui devait en immortaliser les aspects, Raffet
lui-meme. Les pages qu'il redigea ou fit rediger sur ce monde
moldo-valaque, qui lui offrit des receptions, des concerts, des
promenades et lui parla de ses esperances, contiennent des
renseignements presqu'exacts sur le pass roumain, des statistiques
utiles, quelques observations de moeurs et des descriptions de
monuments. Il faut y remarquer cependant, en contraste avec la
critique niaisement spirituelle des Occidentaux, qui voulaient
retrouver partout leurs qualit6s sans rien de leurs defauts, qu'ils
s'etaient accouturnes a ne plus distinguer les notes de bon sens du
touriste russe sur l'aimable distinction de cette societe cultivee, qui
n'epargnait rien, meme sans preoccupations de vanite, pour distraire
l'etranger et rendre agreable son sejour, quitte a retrouver dans son
ouvrage cette ironie cinglante, cette caricature mechante dont on
etait coutumier. Mais Demidov n'a pas saisi mieux que les autres ce
lent travail de preparation des Ames qui devait creer une nouvelle
Roumanie morale et preparer les formes politiques capables de la
representer; it ne connut des preoccupations intimes de ces Moldo-
Valaques, si accueillants, que ce qu'on lui laissa entendre dans le
bruissements discret des conversations de salon. II ne vit les ecrivains
qu'au passage, dans cette societe melee que ne pouvait pas dominer
leur esprit de renovation.
Il ne faut pas oublier non plus ces jeunes gens de l'aristocratie
qui, a un moment ou des Russes jouaient encore un grand role dans
l'organisation des milices roumaines, allaient continuer Petude de
leur mtier 'a Petersbourg, mais dans un milieu special, ou ne
penetrait rien des influences du dehors.
L'orthodoxie etait encore la grande source de vertus et d'efforts
pour le peuple russe, mais la haute societe, elevee aussi en Occident
ou par des maitres venus de cette lointaine Europe", dans la lecture
des ecrits du romantisme francais et anglais, s'en etait detachee
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completement. Il en etait de meme pour les boIars roumains, et
sourtout pour ceux qui commencaient sous le Reglement Organique,
qu'ils haissaient generalement parce qu'il ne s'appelait pas
Constitution, leur vie publique. On pouvait bien s'entendre, mais en
dehors de l'individualite nationale des uns et des autres et des
croyances, des sentiments qui l'animaient dans les masses
profondement conservatrices, donc en dehors de soi-meme.
Il y avait bien un clerge du meme rite dans les deux pays.
Benjamin Costachi eut des relations avec ses collegues russes aussi,
qu'il avait visites en Bessarabie; dans ses grands travaux litteraires,
consacres a l'edition et a l'interpretation des Ecritures, it recourut
aussi a leur concours. De jeunes eleves de son seminaire a Socola,
comme les freres Scriban, Philarete et Neophyte, plus tard comme le
protosyncelle Melchisedec, ensuite eveque de Roman et un
remarquable historien, furent diriges vers les ecoles de theologie de
la Russie avec laquelle ils garderent toujours de puissantes attaches.
Comme le monastere de Neamt avait en Bessarabie sa succursale du
Nouveau-Neamt, comme des biens-fonds appartanaient dans cette
province aux riches monasteres moldaves, it y avait des motifs de
relations incessantes entre les deux Eglises, comme, du reste, ces
memes questions de propriete discutee et disputee amenerent plus
d'une fois devant les instances russes des personnages moldaves du
plus haut rang, comme, entre autres, le futur succeseur de Michel
Sturdza, Gregoire Ghica. On a des interventions de la part des
archeveques de Kicheniev aupres des Metropolites de Jassy pour la
reparation des eglises en ruines, et meme,cet Antoine, qui commenca
a detruire le caractere national de son Eglise, employait parfois un
style roumain, tres correct, dans cette correspondance, par laquelle it
demandait aussi des typographes de Neamt pour l'imprimerie qu'il
voulait retablir dans sa residence ".
Recourir a l'appui du grand protecteur de l'orthodoxie etait le
moyen supreme de quiconque croyait, dans les Principautes, souffrir
pour sa cause. On sinteressa vivement a Petersbourg aux
changements introduits dans l'Eglise moldave par Michel Sturdza,
qui-, du reste, en ecartant la personne, genante par son prestige, du
grand Metropolite Benjamin, avait en vue la creation d'une
administration d'Etat des biens ecclesiastiques qui correspondait au
modele russe. Comme on tendait, dans ces mesures, aussi a eloigner
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les moines grecs qui avaient dispose jusqu'ici d'une maniere abusive
et scandaleuse des biens des couvents dedies" aux Lieux Saints,
comme on voulait rendre utiles a la societe les revenus de ces riches
terres retenues pour son usage exclusif par l'etranger rapace, ces
orthodoxes d'Orient avaient aussi des doleances a presenter a
l'Empereur de leur foi, et Petersbourg devait, dans Pinter& de son
influence en Orient, intervenir dans cette querelle ou it cherchait
vainement a menager les deux parties.
Et, lorsqu'il est question de ce contact permanent en relation
avec l'orthodoxie, it faut tenir compte toujours de ce fait, qu'il y avait
dans l'entourage de l'Empereur un personage tres influent, d'une
grande erudition et d'une conviction religieuse profonde, qui, en
soutenant contre l'Europe les vieilles traditions russes dans ce
domaine aussi, n'oubliait ni son origine moldave, ni ses annees
d'enfance passees a Jassy, ni la parente etroite qui le liait au prince-
regnant de son pays natal. Il s'agit d'Alexandre de Sturdza, dont, a
une poque ob. Asaki transposait en roumain l'Histoire de Russie par
Kaidanov, on mettait par de bonnes traductions les oeuvres a la
disposition du public roumain".
Pour faire connaitre les aspects sous lesquels se presentaient les
pays roumains aux yeux d'un clerc russe audit et non preoccupe, a la
veille du mouvement de 1848, qui etait destine a amener la fin du
protectorat et la realisation de l'ideal de liberte et d'unite nationale,
nous signalerons quelques traits dominants de la description qu'en
donna, dans ses int6ressantes notes de voyage, l'eveque Porphyrius
Ouspenski, qui etait alors au commencement de sa carriere
d'explorateur passionne et interesse des choses anciennes de l'Orient.
Il trouve en Valachie un pays qui renalt a la vie", une terre
fertile, un peuple sain et simple"; les villages dont les maisons sont
sises des deux cotes de la rue, lui rappellent sa propre Russie, et it
s'attendrit en croyant reconnaitre le sang slave dans les beaux enfants
qui prennent leurs ebats autour du voyageur &ranger. Mais it deplore
l'ignorance du clerge monacal, preoccupe uniquement des biens de
cette terre, le manque d'interet que temoigne le vicaire metropolitain
lui-meme, Niphon, le futur archeveque clbre pour ses richesses; en
ce qui concerne le pass de son Eglise: l'orthodoxie en Valachie est
aveugle", ecrira-t-il. Parfois it regrette l'abandon des traditions de
l'art ancien, remplacees par les innovations temeraires du mauvais
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gctit, qu'introduisaient des architectes fournis par l'Autriche voisine.
La musique vocale lui &plait souverainement, bien que le chef de la
chapelle princiere eat fait ses etudes a Kicheniev. On lui parlait de
l'indifference du gouvernement pour l'Eglise, des projets municipaux
qui atteignaient sans aucune piete les anciens murs des eglises et des
cloitres, mais le savant russe se declare pour' ces travaux
d'embellissement et contre l'opiniatrete avide des moines grecs, qu'il
avait, du reste, tees bien connus en Orient. On reconnaissait a la
Russie, dans ce monde special, le merite d'avoir ecarte la peste par les
quarantaines etablies sur le Danube, d'avoir introduit l'ordre dans
les villes et villages" et d'avoir affranchi l'Eglise orthodoxe du joug
turc". Ouspenski est tout etonne cependant de constater que
personne ne lui demande des renseignements sur cette grande Eglise
russe qu'il representait. Je m'explique", dit-il, ce fait, par leur
simplicite, qui leur interdit de pareils soucis, et par l'ancien isolement
du clerge russe envers celui d'Orient."
En ce qui concerne le pass, le voyageur russe savait bien que la
grace divine s'etait montree a l'Eglise orthodoxe d'Orient dans cette
patrie des Roumains, Dieu ayant inspire aux princes et aux boIars des
Principautes le zele necessaire pour soutenir l'orthodoxie en Turquie,
par leurs riches dons pendant ces temps de malheur ou l'Islam
menagait de destruction la chretiente orientale". Et it trouvait des
paroles de profonde reconnaissance pour caracteriser cette grande
oeuvre de charite: D'apres les intentions divines, les hierarques de
l'Orient et les monasteres ont trouve en Moldavie et en Valachie
consolation, reconfort et leur pain quotidien. // y des peuples apotres,
it y a des peuples martyrs; it y a des peuples qui travaillent pour
l'Eglise de Dieu. Ces bons ouvriers ce sont les Roumains Que Dieu,
le pere de la misericorde, les benisse donc de tous ses bienfaits... Tout
le clerge oriental doit sentir et apprecier hautement le labeur
bienveillant des Roumains et leur repondre par de ferventes prieres a
Dieu."
Pour avoir des informations plus precises sur ce pass, le moine
s'adressa a cet ecrivain laborieux qui a pu etre nomme la pere de la
litterature roumaine moderne", Jean Eliad ou, ainsi qu'il en etait dj
arrive a ecrire son nom: Heliade (Radulescu). Il n'etait pas encore
devenu le grand ennemi de l'influence russe, l'accusateur energique
du Protectorat, s'erigeant dans son exil apres l'insucces du
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mouvement de 1848 en ennemi personnel du Tzar, le Romanov"
contre lequel lui, Eliad, avait a soutenir le bon combat pour
l'independance de sa nation. Il n'etait pas arrive non plus a ces
interpretations individuelles de la Bible oil une erudition a bon
marche se mele aux illusions mystiques dans un chaos indechiffrable.
C'etait professeur d'ancien style, le succeseur de Georges LazAr,
l'apotre, venu de Transylvanie, de cette renovation" nationale ,
l'imprimeur surveillant le travail fecond de ses presses, le journaliste
menant de pair son information quotidienne et des travaux litteraires
d'une plus haute envergure. Il recommanda a Petranger la lecture de
l'Histoire de Valachie par Aaron Florian, en ajoutant cependant
qu'il ne l'approuve pas, ayant ete redigee d'apres des modeles
allemands" (le livre d'Engel), ou plutot celle de l'ouvrage grec du a
Denis Photeinos (Photino); il promettait de lui faire parvenir par le
consulat l'ouvrage roumain, tres rare, du transylvain Pierre Maior sur
les commencements de l'histoire de la nation. Puis il se perdit dans
des considerations melancoliques sur tout ce qui manquait encore a
son pays.
A Jassy, qui lui apparut dans le lointain sous la forme des deux
agrafes arrondies qui attachent la ceinture des prelats, Ouspenski alla
chercher Philarete Scriban, alors directeur du Seminaire et auteur
d'une Histoire de cette Eglise, qu'il ne trouva pas chez lui.
rattendais, de Philarete les connaissances necessaires sur l'etat
actuel de l'Eglise orthodoxe dans les deux Principautes, sur la vie et
la maniere de penser des bolars d'ici, sur le caractere et les aptitudes
des Roumains, sur les monasteres et les ecoles". A Golia il trouva la
plaque, que nous avons dj mentionnee, portant la date de la mort
du tout-puissant Patiomkine. Aux Trois Hierarques il admira la
beaute tout particuliere de ces pierres sculptees une a une et ornees
de dessins orientaux et il adora, comme jadis le grand Empereur du
pass russe, les reliques de Sainte Parasceve, un moine de
Cephalonie, superieur du couvent, soutint devant lui avec hauteur le
droit de propriete absolue que le Mont-Athos aurait eu sur les
proprietes &endues de ce monastere. Les chrysobulles", fut la
reponse du voyageur russe, n'enlevent pas a l'autorite dirigeante
dans les Principautes le droit legal de demander aux couvents une
certaine partie de leurs revenus pour les besoins publics. Tout
proprietaire terrien, quel qu'il flit, doit aimer sa patrie, respecter,les
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autorites que Dieu y a etablies et soutenir par tous les moyens leurs
projets et entreprises utiles; autrement aucun Etat, aucun
Gouvernement ne pourrait se consolider... L'empire des Phanariotes
est pass et le temps est venu oh les Roumains, doivent dominer...
Vos fermiers sont, peut-etre, tous de Grecs recemment venus et
enrichis aux &pens des Roumains... Vos archimandrites et vos
hegoumenes, qui administrent ces biens, envoient aux Lieux Saints
une tres faible partie des revenus et en consomment tout seuls la plus
grande partie... Les moines de Simopetra, a la Montagne Sainte,
vivent d'apres les regles les plus rigoureuses de la vie en commun, et
leur exarque de Bucarest n'aurait plus qu'a danser aux sons du piano
que j'ai trouve dans sa cellule." Mais vos consuls", objecta
l'interlocuteur, Rackmann et un autre, ont pris les ducats de cet
exarque et l'ont maintenu, a l'encontre du desir exprime par le
couvent de Simopetra lui-meme." Et, un peu plus loin: En Russie on
s'est saisi des biens conventuels; it parait que votre Gouvernement
veut faire la meme chose des qu'il prendra possession des deux
Principautes" Ce n'est pas nous", fut la reponse d'Ouspenski, qui
jugerons a qui Dieu confiera les Principautes."
Et it avait raison. Au mois de mai 1848 la plupart des jeunes gens
qui faisaient leurs etudes a Paris se trouvaient de retour a Bucarest
apres avoir vu les scenes revolutionnaires qui avaient mis fin au
regime de la royaute, pourtant constitutionnelle, de Louis-Philippe.
Its croyaient pouvoir transplanter tout cela, par la meme methode,
dans leur pays, oubliant une seule chose: qu'ils n'avaient a leur
disposition ni un peuple d'ouvriers mecontents et batailleurs, ni une
bourgeoisie nationale, cultivee et ambitieuse du pouvoir, ni cette
tradition d'opposition permanente que la grande Revolution avait
transmise, pour la venger, au regime qui l'avait etouffee. Leur espoir
supreme etait de pouvoir creer une seule Roumanie liberale,
republicaine, contenant aussi les freres moldaves et ces freres de
Transylvanie qui se preparaient pour la violente insurrection
populaire devant les venger de la longue oppression magyare. Mais
Jassy les liberaux n'etaient pas precisement des revolutionnaires, et
Kogalniceanu, leur vrai chef, forme a une 'autre ecole politique, dans
un autre milieu, s'il ne voulait plus de Michel Sturdza, jadis son
patron et son bienfaiteur, attendait cependant de la stricte
observation du Reglement, oeuvre souverainement utile selon lui, le
redressement de tous les torts.
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S'il y eut donc a Jassy seulement des assemblees de protestation
contre de mauvais administrateurs et une repression grossiere de la
part du gouvernement, qui fit enfermer dans les couvents, puis
chasser a l'etranger les chefs de cette jeunesse, Bucarest eut un
attentat contre le prince Georges Bibescu, tout aussi Russe" que son
coll'egue moldave, mais un peu Francais" aussi; et, apres le
soulevement militaire d'Islaz, une petite localite sur le Danube,
l'abdication du meme, qui fut remplace par un Gouvernement
provisoire, Eliad se trouvant a la tete de cette jeunesse animee de
sentiments et d'idees tout a fait differents des siens. La legalite selon
le Reglement avait cesse en Valachie, et le consul Duhamel; d'une
famille d'emigres frangais, quitta la Capita le.
Il ne devait revenir qu'avec les armees destinees a retablir, avec
l'ordre trouble pendant quatre mois par la noble aventure
romantique de cette jeunesse, la legalite selon les traites et les
conventions. En meme temps que les Turcs passaient le Danube,
accueillis en amis pour en faire les rivaux des Russes et ils
comprirent si bien le sens &heat de cette reception qu'ils
massacrerent sans scrupule, sur la colline de Spirea a Bucarest, la
compagnie de pompiers rangee pour leur rendre les honneurs
militaires, ces derniers reprenaient le chemin du Pruth. Mais cette
fois ils n'etaient plus des liberateurs venus contre le mauvais esprit
frangais" qui secouait de nouveau la vieille Europe; ceux auxquels on
en voulait etaient ces jeunes Roumains, odieux fauteurs de troubles,
qu'il fallait expulser et maintenir dans l'exil pour mettre fin a des
revendications inadmissibles. Le bureaucrate allemand Nesselrode
lui-meme avait declare que cette nationalite roumaine, devant les
traditions de laquelle s'etait incline Pierre-le-Grand et que
Catherine II avait voulu soutenir dans son avenir legitime en creant
ce royaume de Dacie dont avait songe aussi son petit-fils
Alexandre I-er, n'existe 'pas. On ne saurait pas dire si on esperait
encore cette annexion dont parlait le moine de Jassy en 1864 et
qu'Ouspenski laissait au jugement impenetrable de la Providence,
mais ce dont it s'agissait maintenant c'etait d'empecher par des
changements constitutionnels la reviviscence des troubles, qui
pouvaient etre contagieux, dans le voisinage. Tout en pensant
Favenir de la Valachie", ainsi que le disait la proclamation affichee,
le 15 septembre a. st., par le general Luders, sur la seule base possible,
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d'un gouvernement legitime", soutenu par la partie bien-pensante"
de la nation, on proceda avec la Porte a la conclusion de ce traite de
garantie, signe le 1-er mai a. st., a Balta-Liman et par lequel,
reconnaissant aux Principautes seulement le privilege d'une
administration distincte et certaines autres immunites locales", on
donnait au Sultan le droit de nommer des princes pour sept ans,
d'apres un mode specialement concerto, pour cette fois, entre les
deux Cours". Les assemblees nationales, remuantes et dangereuses,
seront remplacees par des comites speciaux, par de simples Conseils
ou Divan ad-hoc, formes des boIars les plus notables et les plus dignes
de confiance, ainsi que de quelques membres du haut dere'.
L'occupation des deux pays par des troupes dont on fixait le nombre
pour l'epoque avant et apres le retablissement de la tranquillite",
obtenait une valeur legale; des commissaires generaux, controleurs de
l'activite des princes et de la sagesse du pays, fonctionneront pendant
ce terme septennaire.
La Russie rappelait la Turquie dans les Principautes, mais pour
la premiere fois elle s'etait creee une situation de parite absolue dans
leur protection. II n'y avait plus de souverain" et de protecteur",
une egale sollicitude" avait amene des deux cotes des mesures
preservatrices. On avait reserve au Sultan la nomination des princes,
mais c'etait le seul reste de l'ancien regime pour ces Principautes que,
du reste, le cordon des quarantaines, sous les ordres d'un officier
nomme selon les indications de Petersbourg, le general Mavros, avait
detachees aussi materiellement du corps de l'Empire ottoman. En ce
faisant, on ne s'apercevait pas tant la diplomatie est myope dans ses
triomphes que, si les deux pays devaient regarder avec la 'name
aversion les deux corps d'armee etrangere vivant a ses &pens, les
exiles, la partie pensante de la nation, feront retomber tout le poids
de leur rancune sur la Russie seule, qui avait pris l'initiative de cette
intervention militaire, et ces exiles, et non les princes nommes,
Gregoire Ghica pour la Moldavie et pour la Valachie le zele et
capable auxiliaire de Kisselev, Barbu Stirbei (Stirbey), representaient
l'avenir. Les consuls de France et d'Angleterre le savaient bien,
accordant, 'name apres le coup d'Etat du prince-president, leur appui
a la cause vaincue. On avait commis, du reste, la maladresse de faire
retentir par la persecution des plaintes qu'on aurait pu etouffer sur le
Danube, a Paris eta Londres, ou grondait dj la haine contre la
Russie.
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II y eut, en langue francaise, toute une eclosion de litterature
roumaine revolutionnaire dirigee contre la Russie, a commencer
surtout par les ecrits fatidiques du vieil Eliad, dechu de son siege de
tribun et de dictateur. Des amis de la Turquie, comme Jean Ghica
(il signe son opuscule de l'anagramme Chainoi), des jeunes radicaux,
comme Rosetti et les deux Bratianu, Jean et Demetre, doux reveurs
de republiques danubiennes, collaborerent de toute leur energie
nationale a cette oeuvre. Abattre la Russie c'etait le seul moyen
d'arriver a la liberte. La logique des circonstances imposait cette
conception.
Combattre la Russie etait cependant pour la jeunesse francaise
de cette poque une nouvelle affirmation de la decision inebranlable
qu'on avait prise de maintenir a tout prix, et meme contre les
envahissements possibles du nouveau regime imperial, les conquetes
de la Revolution. L'immense majorite des publicistes parisiens
embrassa donc cette cause des Roumains, qui etait aussi celle des
Polonais et des Magyars meme, dont la revolution victorieuse contre
l'Autriche n'avait et6 supprimee que par l'entree des soldats du Tzar.
De fait la guerre se pr6parait dans les esprits, et it fallut seulement les
incidents de 1853-1854 pour la faire &later.
Cette fois encore ce fut l'Autriche qui, revenue de son role de
gardienne de la paix europeenne, devait mettre le feu aux poudres.
Comme elle ne pouvait plus croire au devouement des Hongrois, elle
cherchait un appui dans les autres nations soumises a la plume de ses
bureaucrates. Or Roumains et Slaves, opprimes par la fievre de
domination desdits Hongrois, etaient accourus en 1848 pour replacer
sur son trone branlant, qu'on sut bien etayer de constitutions
changeantes, ce bon jeune homme innocent qui etait l'Empereur
Francois-Joseph. Eh bien, s'ils avaient ete fideles, it fallait leur en
demander encore plus, en faire les piliers &rases d'un nouvel ordre
d'Etat qui se serait appuye en premiere ligne sur leur bonne volonte
solide. Et, comme on trouvait qu'il fallait etendre le plus possible
cette base pour la rendre plus solide, on arriva a l'idee magnifique de
les reunir, dans le meme esclavage tres clu*ien et absolument
philanthropique, a leurs freres qui vivaient, d'apres leurs anciennes
coutumes nationales, sous le joug turc", dans les Balcans et sur le
Danube, en Bosnie-Herzegovine et dans les Principautes.
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faut mentionner aussi que, a Pepoque meme ou fut decrete le
Reglement Organique, l'Autriche avait montre qu'elle n'entend pas
se desinteresser des Principautes. Lorsqu'une revolte des paysans
eclata contre les prescriptions des nouvelles lois qui avaient ete
interpretees a leur ignorance par des agitateurs, ceux parmi les
insures qui, ayant pris, du reste, l'initiative du mouvement, se
montrerent les plus opiniatres, allant jusqu'a livrer bataille aux
Cosaques, furent les Hongrois de Sabauani et d'autres centres
catholiques du district de Roman'. Ajoutons qu'un second groupe de
Hongrois, excite par les revolutionnaires de la Republique magyare
en 1848, qui entrerent, sous le commandement du Polonais Bern, du
cote de Slanic et d'Ocna, combattit a Oneti contre les uhlans et les
chasseurs russes du general Moller'.
On essaya d'arriver au but par un grand coup hardi, selon le
systeme russe, que la timidite perfide de l'Autriche n'avait pas connu
jusqu'alors. Le comte de Leiningen, aide-de-camp de l'Empereur, fut
envoye a Constantinople pour demander que l'execution militaire
entreprise contre le Montenegro flit arretee dans le terme de
quelques jours. La Porte, intimidee, acquiesca a ce voeu imperial qui
ne venait pas, cette fois, de Petersbourg.
Mais cela signifiait substituer au prestige russe dans les Balcans
le prestige autrichien. Une autre Puissance protectrice" avait surgi,
et elle s'etait faite obeir. La Russie devait une reponse comme cela
allait se passer plus d'un demi-siecle plus tard , et elle ne tarda pas a
la donner. Tirant parti d'une querelle de moines, qui trainait depuis
longtemps, sur les eglises et les places des Lieux Saints, elle envoya
Mentschicov, avec sa morgue et son esprit de provocation bien
connus, pour signifier aux Turcs qu'elle entend resoudre, une fois
pour toutes, cette question dans son principe meme, en s'attribuant la
protection exclusive et efficace de l'Eglise greco-slave" et de tous les
chretiens qui s'y rattachent, d'un bout a l'autre des possessions du
Sultan. Or l'Angleterre et la France de Napoleon III offrirent a la
Turquie, -qu'elles tenaient depuis quelque temps en tutelle, leur
appui. L'envoye du Tzar menaca, attendit, protesta et s'en retourna
annoncant par son depart une guerre prochaine.
La general Ivine avait a peine evacue les Principautes, au
printemps de l'annee 1850, lorsque l'ordre du Tzar Nicolas fit saisir de
nouveau, en juillet 1853, par les troupes russes de Dannenberg ce
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gage habituel contre Popiniatrete des refus turcs. Un peu plus tard, le
general Gortschacov arriva a Jassy et fit marcher les deux corps
d'armee qui se trouvaient sous ses ordres. Gregoire Ghica etait
encore garde comme prince du territoire occup6, et ce ne fut qu'apres
la tardive declaration de guerre de la Porte qu'il fut &charge de ses
fonctions, le general Ouroussov lui 6tant substitue (28 septembre).
Il n'y avait eu aucune communication entre Russes et Roumains
pendant cette longue occupation anti-revolutionnaire; les
commandants des armees imperiales s'etaient bornes a frequenter
des salons ou leurs collegues turcs, lorsqu'ils parlaient le francais et
avaient Pusage du monde", jouissaient des memes avantages;
comme it n'y avait pas de guerre, it etait permis de se distraire et, a un
des banquets qu'ils se firent decerner, quelqu'un parmi les officiers
russes eut le mauvais goilt de porter un toast en l'honneur des dames,
la plus belle recompense du guerrier". Tout au plus belle se laissait-
on impregner dans les conversations ayes les jeunes bolars de Pesprit
francais", prohibe dans la patrie elle-meme. Il n'y eut pas meme,
parmi ces officiers, quelqu'un qui fit attire par le pittoresque de cette
vie moldo-valaque ou quelque slaviste fouilleur d'archives, comme ce
Wile line, un historien de renom, qui fut le premier a publier des
chrysobulles slavons des anciens princes. Apres 1853 it n'en fut pas
autrement.
Il n'y avait plus malgre les efforts d'Ouroussov en Moldavie
de Kisselev pour rendre au moins utile au pays l'autorite sans
controle de la force militaire etrangere. Et 'name, aupres du nouveau
commandant, le general Andre de Budberg, qui s'installa en mars
1854, ayant pour lieutenant le comte d'Osten-Sacken, comme chef du
gouvemement des deux Principautes, on ne trouve pas plus un consul
ayant pour les mceurs roumaines et pour le pass de ces regions cet
interet qui avait amene, sous Michel Sturdza, un Kontzebue a faire
connaitre a l'Europe occidentale, par l'Allemagne dont it etait
originaire et dont it ecrivait la langue, les meilleurs produits de la
nouvelle litterature, exprimant Fame meme d'un peuple en pleine
renaissance nationale; le nouveau consul etait l'allemand Giers.
Quand aux relations politiques proprement dites entre les Russes et
ceux auxquels. Pierre-le-Grand et Catherine II s'etaient adresses
comme a des freres chretiens unis par l'orthodoxie commune,
Budberg s'etait empresse de faire aux boIars moldaves un beau
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discours pacifique, leur recommandant de s'en tenir a leur devoir et a
leurs affaires, sans se meler de celles des Puissances en conflit, qui
connaissent seules leurs interets", la politique exterieure etant,
d'apres son avis, une dure affaire'.
L'Autriche avait fait tout ce qui etait en son pouvoir dans le but
d'empecher cette occupation menacante pour ses propres projets; elle
avait propose avec acharnement un arrangement direct" et avait
depute au Tzar le general Gyulay pour le dissuader de prendre une
decision irreparable. Elle soutint chaleureusement le projet
Bourqueney", par lequel la Russie aurait recu une satisfaction
publique et brillante sans faire marcher ses armees. Lorsqu'elle apprit
leur entre a Jassy, elle s'ingenia donc a trouver le moyen de les en
faire sortir. Lorsque le projet Buol, qui paraissait pouvoir etre
accepte par la Russie, fut abandonne, apres la celebre declaration
secrete" de Nesselrode, que tout de meme on n'executerait pas les
engagements qu'on aurait pris, l'entrevue des deux Empereurs
Olmiltz, les visites de Frangois-Joseph et du roi de Prusse a Varsovie,
puis celle du Tzai lui-meme a Berlin, etaient destinees a mettre fin au
conflit et a empecher Petablissement `des Russes sur le Danube.
Cependant on avait eu la declaration de guerre de la Turquie et la
sommation faite a Gortschacov de quitter les Principautes jusqu'au 24
octobre.
La Cour de Vienne ne se decouragea pas cependant pour si peu,
et elle proposait a la Russie, au commencement de la nouvelle armee,
des negociations directes, sous son influence mediatrice.
Le comte Orlov, qui vint de la part du Tzar en janvier 1854, fut
averti qu'il fallait cependant renoncer aux pays roumains, meme si la
Russie avait admis l'etablissement autrichien dans les Balcans. En
fevrier, puis en mars, les Puissances maritimes se mirent de la partie,
exigeant l'abandon irrunediat du territoire occup6, oli des combats
acharnes s'etaient livres, dans l'Oltenie, pres de Calafat, avec des
resulats assez defavorables pour Dannenberg. Sur cette evacuation
elles s'entendirent des 9 mars, a Vienne, avec l'Autriche et la Prusse
elle-meme.
La France offrait deja les Principautes a l'Autriche en echange
pour la liberte de l'Italie, et le ministre prussien a Londres, Bunsen,
faisait entrer dans le lot de Frangois-Joseph aussi la Bessarabie
entiere et les territoires qui s'etendent jusqu'en Crimee. Paskievitsch,
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le vieux guerrier de 1828, qui venait de faire son entre en Moldavie,
et le conseiller strategique des armees russes, le Suisse de Jomini,
etaient d'avis qu'il faut en finir avec les pieges de cette rivale
opiniatre, en lui declarant la guerre.
L'Autriche repondit a ses projets en prenant la decision
d'occuper elle-meme les Principautes dont elle esperait bien ne
devoir jamais sortir.
Une derniere invitation fut adressee a Nicolas I-er au moment
oti les Turcs, conseilles et commandos par des Anglais, repoussaient
energiquement l'attaque russe contre Silistrie (juin). Au nom de
l'Allemagne entiere, dont elle s'erigeait en representante attitre, et
avec l'assentiment forme' de la Prusse, l'Autriche demandait la
liberation de ce Danube, qu'elle dominait depuis vingt ans par sa
navigation a vapeur et qui devait etre le Danube allemand". En
meme temps, pour empecher les troupes des Puissances occidentales,
qui avaient declare la guerre au Tzar, d'entrei elles-memes dans ce
territoire convoite par son ambition, la Cour de Vienne s'empressa de
se faire accorder par la Turquie le droit d'en expulser, au besoin, les
Russes, d'y retablir les princes nommes par le Sultan, qui s'etaient
refugies tous les deux sur son territoire, et de tenir la Moldavie et la
Valachie sous, sa bonne garde jusqu'a la paix (convention de
Boiadschi-Keui; 14 juin).
Les Russes avaient commence dj, en juillet, a renvoyer leurs
armees. Lorsqu'ils abandonnerent Jassy, Budberg eut la mauvaise
inspiration d'inviter la milice moldave a suivre les drapeaux du Tzar
dans la retraite au-dela du Pruth; le commandant de l'artilerie,
capitaine Filipescu, refusa de se soumettre a cet ordre illegal. Il fut
arrete et Menu en Russie; 10 000 hommes des troupes imperiales
cernerent les Moldaves et les contraignirent a deposer les armes.
Cette scene regrettable fit une profonde impression dans le pays, et
les adversaires de la politique russe ne manquerent pas de l'exploiter
dans la presse de l'Occident. Le 4/16 septembre it n'y avait plus un
Russe dans les Principautes. Au millieu du mois d'aout, les
Autrichiens de Hess et de Coronini se presenterent pour les
remplacer. En septembre, les deux Capitales furent occupees en
grande solennite. Les contemporains, roumains et strangers,
constatent le manque complet de sympathie de la part de la
population.
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On proceda lentement, mais methodiquement, a la prise en
possession du pays entier, pour le present, mais aussi pour l'avenir.
Les princes retablis furent vigoureusement empeches de prendre des
mesures tendant au retour de l'ancien ordre de choses, de
l'autonomie nationale visant a l'independance. De plus en plus on
chercha a reduire le role des Turcs, qui avaient aussi des troupes
d'occupation, que Hess traitait de hordes barbares", soutenant une
administration asiatique". Il etait question de crier un parti
autrichien" surtout en Moldavie, en accordant au gouvernement des
emprunts favorables; les nouveaux chemins de fer devaient rattacher
les Principautes, par Varciorova, Predeal et Burdujeni, avec
l'Autriche seule. Apres une protection" bienfaisante, soutenue par
une puissante armee, on aurait travaille, par des moyens
economiques, a la conquete morale", puis l'annexion se serait peut-
etre imposee de soi-mime; elle n'etait pas, du reste, absolument
necessaire pour faire de ces provinces un territoire d'exploitation au
profit de l'Autriche bienfaisante. Le general autrichien Ficquelmont
allait prouver, dans sa brochure La politique de la Russie et les
Principautes Danubiennes", que ce droit revient a 1'Autriche seule,
qui, par la possession de la Bucovine et de la Transylvanie, &tient les
sources des rivieres qui arrosent ces pays. Et cet Etat ne voulait plus
desormais etre inquiete dans cette possession de territoires roumains
par ces idees de nationalite qui commencaient a murk dans l'esprit
des nouvelles generations roumaines. En tout cas, la Russie devait
'etre ecartee des bouches du Danube, fleuve allemand", ffit-ce mime
pour y installer, sous un controle europeen, la faible Moldavie,
agrandie de territoires bessarabiens, retrocedes par le Tzar, ou la
Turquie en decadence".
Or, la victoire des Puissances maritimes en Crimee, gagnee au
prix de si grands efforts, amena, non la cession a l'Autriche de tout le
reste du territoire habite par les Roumains, jusqu'au Dniester, mais
bien, dans le sens des idees que Napoleon III n'avait pas ete en
mesure d'appliquer ailleurs, la formation d'un Etat national roumain,
fit -ce mime, dans la premiere conception de cette oeuvre, sous
l'aspect d'une simple confederation moldo-valaque. Malgre tous ses
efforts, ses lenteurs calculees, ses retards diplomatiques, 1'Autriche
fut contrainte a vider le terrain, sans laisser un seul regret la oh
aucune,,esperance ne l'avait appelee. Elle ne laissa pas mime, en
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dehors du service telegraphique, rien qui rappelat le sejour pendant
presque trois ans de ses armees sur le territoire des Principautes.
Mais jusqu'au bout, son agent a Jassy, le baron Goedel, lutta
contre Pict& de l'Union, essayant de susciter, par les moyens d'une
corruption qui ne savait meme pas etre genereuse, un parti autrichien
favorable au separatisme moldave. Avec la Turquie, qui revait de
faire ressusciter, par un organisme administratif moderne, copie
d'apres celui de l'Empire frangais, l'ancienne unite de la grande
poque conquerante, avec l'Angleterre, dont la pens& politique en
ce qui concerne cet Orient chretien d'Europe s'etait fig& dans le
dogme de l'inviolabilite territoriale des dominations du Sultan, elle se
consacra a une oeuvre negative qui ne pouvait pas atteindre son but.
Tous ceux qui s'efforcerent, cedant a des motifs differents, de rendre
l'Union roumaine impossible, ou au moins imparfaite, trouverent un
appui dans la chancellerie, perpetuellement intrigante, de l'Agence.
La Porte venait de creer Caimacam pour la Moldavie, avec la mission
de presider l'Assemblee, le Divan ad-hoc" qui devait manifester les
voeux de la nation, le jeune Grec Nicolas Vogorides, epoux de la fille
du riche Conachi et interesse lui-meme a l'insucces du parti national
unioniste par son ambition de revetir la caftan des hospodars". II fit
des elections scandaleuses, dont le resultat devait etre une Assemblee
nettement separatiste; son principal auxiliaire fut necessairement
Goedel.
Napoleon III fit casser le resultat de cette falsification electorale,
menagant de rompre les relations avec ce miserable Etat turc que sa
volonte venait d'arracher a la ruing; un Divan, qui correspondait
vraiement a la volonte des Moldaves, fut elu, mais, si le terrain etait
definitivement perdu a Jassy, on ne discontinua pas les intrigues a
Constantinople meme jusqu'a ce que les Assemblees qui devaient
donner deux princes aux deux pays s'entendirent pour concentrer
leurs voeux sur le candidat du parti unioniste moldave, Alexandre
Jean Cuza, le fait accompli du 24 janvier a. st. 1859, que l'Europe,
represent& dans le conferences de Paris, dut reconnaitre.
La diplomatie russe n'avait qu'une voie a suivre: contrecarrer les
projets de I'Autriche, se venger de l'agression .manquee de 1854,
empecher des futures immixtions sur le Danube. Si cela signifiait
soutenir l'Union, favoriser l'accomplissement des voeux les plus
chaleureux des Roumains, d'autant mieux, aurait-on pu dire. c'aurait
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ete, en effet, continuer cette belle politique du XVIII-e siecle qui
commencait par etudier avec sympathie Petat des esprits de la nation
pour se gagner des sympathies en employant la puissance russe a la
realisation de ce programme. Malheureusement on avait &passe ce
point de vue pour faire par la diplomatie la politique de cette seule
diplomatie, renforcee dans les interets et les prejuges de sa caste. Ce
n'etait pas en tout cas le Grec francise de Basily, representant de la
Russie aux conferences speciales de Bucarest, qui aurait pu se
rappeler une tradition ou tenter des innovations sur ce sujet. Or, ce
qui est accompli seulement sous l'impulsion d'un sentiment negatif
contre un tiers ne cite pas precisement pour celui qui en est oblige
quand meme, une dette de reconnaissance.
Du reste, ces Principautes Unies, cette Roumanie, avaient ete
creees comme un chatiment de la Russie, comme un instrument
contre ses ambitions en Orient, .comme un empechement a ses
interets sur le Danube inferieur, dans la Mer Noire et vers les detroits
des eaux libres du Sud. On s'en rendait compte a Bucarest aussi bien
qu'a Petersbourg. L'oeil soupconneux. de l'Empereur des Francais,
gardien jaloux de sa creation politique, veillait, du reste, a ce que le
pass Mt completement oublie par ceux qui devaient preparer aux .
Roumains un avenir. Et, comme les representants de la Roumanie
nouvelle etaient, du prince au dernier sous-prefet, les eleves, par voie
directe ou indirecte, des ecoles liberales de l'Occident, ils acceptaient
avec plaisir de jouer un role qui correspondait si bien a leurs propres
sentiments.
Du cote de la Russie donc, qui voyait dans 1'Etat danubien uni
et libre l'image 'name de sa defaite et de son humiliation, it y eut
l'appui accorde aux moines grecs reclamant les biens-fonds
secularises" par Cuza et au clerge monacal, le Metropolite moldave
Sophronius a sa tete, auquel it avait impose une constitution laique.
De l'autre cote, le gouvernement de Cuza, et le prince lui-meme,
avait des relations avec Dunin-Borkowski et le parti revolutionnaire
polonais, qui considerait le souverain danubien comme un de ses
principaux protecteurs. Ce fut seulement lorsqu'une troupe armee
d'insurges de cette nation entra sur le territoire roumain, qu'il fallut
mettre fin a cette politique, par trop compromettante; it y eut un
combat formel a Costangalia, qui finit par la victoire, plutot genante,
et sous plus d'un rapport, des troupes roumaines.
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On demandait dj au prince elu en 1859 de se decider a quitter
sa situation pour faire place, dans l'interet meme du pays, h un
successeur appartenant a quelque dynastie etrangere, qui offrirait de
meilleures garanties d'impartialite et de continuite politique. Des
sources dignes de foi affirment que Cuza, qui ne tenait guere a son
trone apres avoir accompli ces actes qui formeront toujours sa gloire
la plus pure: affirmation de l'Union roumaine, reconnue par la Porte
en sa personne, expulsion des moines grecs et delivrance
economique, meme si incomplete, du paysan, se serait dj
entendu avec la Russie pour etablir a sa place, au moment opportun,
un des ducs de Leuchtenberg, Serge, qui, ayant des attaches
bonapartistes, descendaient, par leur mere, la Grande-Duchesse
Marie, de Nicolas I. Or, ce rapprochement d'un gouvernement
autocratique etait pour les radicaux, le plus grand crime de la part
d'un chef d'Etat qu'ils n'avaient jamais entoure de leurs sympathies.
Depuis longtemps le terrain avait ete prepare h Paris pour un
changement de regime en Roumanie; le nouveau chef d'accusation
contre Cuza devait emporter la partie. Un complot militaire fut
fomente et, grace a la tolerance indolente, au mepris a l'egard de ses
adversaires que professait le prince, it reussit. Alexandre Jean I-er fut
detrone le 11 fevrier a. st. 1866; it consentit en souriant a signer l'acte
d'abdication qu'on lui avait present&
Son successeur fut un prince allemand, de la branche rhenane,
catholique, de Hohenzollern; bien que fils d'un premier ministre
prussien, Charles I-er avait garde de sa descendance francaise par les
femmes une grand-mere appartenait aux Murat et l'autre aux
Beauharnais des attaches puissantes avec la France et surtout avec
les Napoleonides revenus au pouvoir. Son election, admise par le roi
Guillaume, toleree ironiquement par Bismarck, qui n'y voyait pas
precisement un atout de sa politique, fut chaleureusement accept&
par l'Empereur des Francais.
Cela marquait, des le debut, le caractere de sa politique. Si Cuza
avait ete anti-russe par son devoir de reconnaissance envers le
principal protecteur, envers le createur presque, en fait d'appui
&ranger, de son pays, le prince Charles le fut, non seulement comme
allie de famille et protg de Napoleon, qui ne s'etait pas encore
reconcilie avec la Russie, dont it soupconnait les agissements en
Orient et dont it savait bien les efforts incessants de se &gager des
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prescriptions genantes et profondement humiliantes du traite de
Paris, mais aussi comme prince allemand.
La Russie n'avait pas manque, du reste, de legitimer par son
attitude la plus recente cette politique. Une conference s'etait reunie
a Paris apres l'acte de fevrier pour prendre une resolution sur l'avenir
de cette Roumanie dont la base legale meme venait d'tre ebranlee
par la victoire des conspirateurs. Il fut question, ainsi qu'on le voit par
les explications du general La Marmora, president du Conseil italien
a cette poque, de passer les Principautes a l'Autriche, selon l'ancien
projet de compensations pour l'Italie subjuguee: on aurait paye sur le
Danube la rancon de Denise; l'Italie s'y serait pretee, bien qu'a
contrecoeur, l'Empereur n'aurait pas dit non et Bismarck n'accordait
pas une trop grande importance a cette affaire de troc, dont
l'immoralite n'avait rien de choquant pour sa conscience. On alla
jusqu'a envisager la possibilite d'etablir a Bucarest, a Jassy les princes
allemands depossedes pour que, en echange de ses bons offices au
profit d'une entente generale pacifique, la France imperiale eilt les
deux rives du Rhin.
La Russie garda une attitude assez reservee. Mais on voyait bien
que le traite de Paris lui pesait, qu'elle voulait. que toute trace de sa
defaite fut effadee par le retour de l'ancien ordre de choses dans cette
Roumanie qu'on avait improvisee a ses moments de supreme
faiblesse pour la tourner contre l'avenir national russe. Ses
diplomates auraient voulu que la reunion des Principautes dispartit
avec le personnage meme au nom duquel elle avait ete proclamee,
comme un acte definitif de la part des Roumains eux-memes, mais
sans que cette conception eat ete admise par la Turquie elle -meme,
qui se presentait comme proprietaire legitime, et par ses amis. Et on
attribuait a des influences venues de Petersbourg cette revoke, ayant
le Metropolite Callinique a sa tete, qui ensanglanta, en mai 1866, les
rues de Jassy, avant l'election d'un nouveau prince, pour orner de la
couronne moldave la pauvre tete legere de ce Nicolas Roznoveanu
qui avait debute dans la vie publique, comme Bibescu, son
contemporain plus heureux, en recitant un discours francais devant
Ribeaupierre, de passage en Moldavie.
A ce moment ce qui decidait de la politique russe ce n'etaient
plus les souvenirs du romantisme orthodoxe de ce dix-huitieme siecle
completement oublie, ni meme les traditions plus recentes de la
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revanche, personnifiee dans les individualites elles-rnemes qui se
trouvaient a la tete des affaires, ,Gortschacov, devenu un chancelier
tout-puissant, et Jomini, le reorganisateur de l'armee. Et, de l'autre
cote, ce puissant sentiment de race dans le plus large sens du mot, cet
envahissant panslavisme, qui, venant de Karamzine, etait represents
vers 1860-1870 par une grande partie de la diplomatie Ignatiev,
ambassadeur a Constantinople, en etait tout impregne et de la Cour
elle-meme, alors que l'Qpinion publique ne vibrait qu'au recit des
souffrances de ces freres slaves" orthodoxes ou non, ceci etait
devenu un point secondaire qu'il s'agissait de delivrer. Or, les
Roumains, par la Bessarabie retrocedee, qu'ils detenaient, avec ses
anciens habitants roumains et ses nouveaux colons bulgares, sinon
par la constitution meme de leur Etat, entraient dans le programme
froidement negatif des premiers sans faire partie du programme
chaleureusement positif des derniers.
Il y eut donc, pendant le nouveau regne, selon les vicissitudes de
la politique francaise elle-meme envers la Russie, la mission a
Petersbourg, en 1868, de Jean Cantacuzene et de cette persona grata
que devait etre l'eveque Melchisedec, qui paraissaient s'y etre rendus
seulement pour y traiter de la situation de l'Eglise roumaine laicisee,
de l'affaire pendante des couvents de Bessarabie et des questions
d'administration limitrophe, d'anciennes dettes qui tranaient et de
tribunaux consulaires. Puis it y eut un projet de mariage entre le
prince Charles et la Grande-Duchesse Marie, fille d'Alexandre II,
projet bientot abandonn6. On d6cida un voyage a Livadia pour ne pas
donner un caractere trop engageant a ce voyage a Pesth et a Vienne
qui mit les bases d'une entente entre les Roumains et les interets
magyars, represent6s, avec une finesse seduisante, par le chancelier,
tout autrichien en apparence, qui fut Andrassy (1869). Et puis, rien.
Rien jusqu'a cette revolte de l'Herzegovine, puis de la Bosnie,
qui mit de nouveau sur le tapis la vieille question d'Orient".
Les peuples de la P6ninsule, les Serbes, qui s'etaient mis en
premiere ligne par la noble ambition et l'esprit hardiment
organisateur du prince Michel, les Grecs qui revaient d'annexions en
Epire et en Thessalie aussi bien qu'en Crete, les. Bulgares prets aux
revoltes liberatrices, s'etaient tournes plus d'une fois vers les
Roumains, comme vers leurs aines et leurs anciens bienfaiteurs. Le
nouveau Gouvernement s'arreta a leur egard aux simples actes de
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politesse internationale; le trait6 conclu avec Michel, trait6 dans
lequel on ignore encore le texte des conditions secretes, fut bientot
oublie. Derriere toutes ces agitations Charles I-er soupconnait le
parti panslaviste" et ses intrigues, et son aversion pour ce parti
rouge" fit perdre a l'ancien carbonaro Bratianu lui-meme, pour un
laps de temps, l'influence exercee par lui, grace a sa personnalite
captivante, sur un prince qu'il avait presque choisi et, en tout cas,
introduit dans le pays. Un Ministere de concentration conservatrice,
avec Demetre Ghica a sa tete, fut celui qui conclut, en 1869, pour
s'assurer au moins un appui a l'etranger, le pacte, necessaire peut-titre
a son heure, mais fatal dans ses consequences, meme les plus
immediates, avec l'Autriche dualiste, formee en 1867. On voit le
prince chercher un appui, contre ses difficultes interieures et
exterieures, dans une protection commune de la France, de
l'Angleterre et de la Prusse, qui aurait resolu aussi sur d'autres points
cette question d'Orient ". De Paris on lui avait indique, des 1869,
Vienne et les cercles politiques hongrois comme suivant une politique
orientale qui etait celle de la France 'name. S'abstenir de toute
immixtion dans les affaires de Transylvanie" etait la premiere
condition pour pouvoir s'entendre avec les nouveaux amis auxquels it
fallait donc s'habituer".
On etait convaincu a Vienne de s'etre definitivement engage
avec la Roumanie, qui s'attendait a des relations de bon voisinage,
possibles, selon l'opinion de ses chefs, si les deux parties se
'maintenaient sur le terrain du droit et du respect reciproque" ". La
diplomatie autrichienne n'avait plus qu'un seul souci: maintenir les
amis roumains dans des sentiments d'incertitude soupconneuse
Pegard de la Russie. On le vit bien en 1870, lorsque le pays \recut
quelques mois dans Papprehension d'un passage du Pruth par les
Russes, ce qui d6termina le ministere conservateur, qui suivait les
conseils perfides du Cabinet de Vienne, a faire des propositions
d'alliance aux Turcs, et it alla meme jusqu'a admettre le passage du
Danube par les armees du Sultan et le concours des troupes
roumaines, flit -ce meme sous les ordres d'un Pacha quelconque.
Il fallait bien le faire, puisque, a en croire Andrassy, le bon
apotre, Gortschacov etait decide, non seulement a faire envahir le
territoire roumain, mais a briser .l'Union de 1859 et a ramener les
Principautes a leur ancienne existence politique touj ours menacee.
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Au contraire, l'Autriche, non contente de faire de cette existence et
du libre developpement de la nation roumaine, entre les frontieres du
nouvel Etat, une des bases de sa politique, etait disposee meme a le
consolider en donnant au prince et a son Gouvernement, avec
l'assentiment de l'Europe, le moyen de vaincre, par des changements
constitutionnels devenus indispensables, les difficultes interieures.
Dans le mouvement revolutionnaire, republicain, de Ploieti,
provoque par la fausse nouvelle d'une victoire francaise, ce qui aurait
permis de se defaire d'un prince prussien, on pouvait indiquer aussi,
a travers l'action criminelle des rouges" radicaux, l'influence,
toujours aux aguets, du panslavisme".
Rassure de ce cote par l'engagement de 1869, Andrassy pouvait
se tourner donc vers les Balcans pour y reprendre cette politique de
1854 qui avait failli donner a Francois-Joseph la domination de la
Peninsule et celle du Danube allemand" en plus.
En 1874, le raccordement des lignes de chemin de fer avait ete
accorde, contre l'opinion publique, a l'Autriche, mais des 1875 elle
concluait une convention avec la Turquie concernant les travaux a
accomplir pour ouvrir aux Portes-de-fer la navigation du Danube. La
Roumanie protesta, parlant de ses droits de souverainete sur son
territoire. La diplomatie viennoise sut arrachercependant, au cours
de la meme anhee, au pays si profondement blesse par cette attitude,
la premiere convention de commerce. II y avait bien des clauses qui
permettaient l'asservissement economique du pays, mais on etait tres
satisfait de s'etre fait reconnaltre, a l'encontre des pretentions
arrogantes de la Turquie, comme Etat gardant le droit de conclure au
moins ces conventions que la Porte elle-meme avait concedees, tout
en defendant formellement les traites, dans l'acte de reconnaissance
du prince Charles. Ceci n'empecha pas cependant Bismarck de
replacer la Roumanie dans les limites de la souverainete du Sultan
lorsqu'il menacait de s'adresser a ce dernier si on tardait encore a
dedommager les actionnaires allemands de l'aventure de chemins de
fer reussie, dans ce bon pays credule, par l'escroc Strousberg, ce Juif
d'origine allemande qui finit un peu plus tard par echouer dans une
prison russe.
La revolte de la Bosnie et de l'Herzegovine eclata en 1875. Ces
deux provinces etaient, sans doute, accablees d'impots, et
l'administration turque n'a jamais ete consideree que comme la
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forme officielle de l'abus. Il y avait, sans compter l'agitation des
emissaires serbes qui revaient d'une Yougoslavie independante, bien
des motifs a un soulevement. Mais ces quelques milliers de paysans,
rassembles au hasard sous la conduite de tel aventurier &ranger ou
de tel chef indigene improvise, n'auraient pu guere resister pendant
deux ans a une armee ottomane bien equip& et conduite d'apres les
normes europeennes sans un appui &ranger puissant et continuel.
On le chercha, bien entendu, dans le panslavisme". Les Turcs
publierent a Pesth un recueil de documents pour prouver que
l'impulsion etait venue de la Russie, l'ennemie hereditaire. Ignatiev,
celui qui parlait de Pautonomie ou l'anatomie" qu'il faut imposer au
Sultan, etait le grand coupable. Mais quiconque se rend compte de
Petat des armees russes a ce moment et meme du peu d'unite qui
regnait dans l'action diplomatique reconnaltra qu'il faut s'adresser
ailleurs.
Or tous les indices designent la nouvelle Autriche, qui essayait
encore une fois d'echapper a une preponderance magyare par trop
exclusive. Deja en 1873 le jeune prince serbe Milan, qui avait ete
amene a Livadia avant d'avoir visite son suzerain turc a
Constantinople, fut attire a Vienne aussi, dans les memes
circonstances. L'Exposition Universe lle avait fourni un pretexte pour
manquer encore une fois au devoir de politesse envers le Sultan. Sous
un autre pretexte, celui de soigner sa sante dans une station balneaire
en Occident, le prince fit, en 1874, son second voyage de Vienne,
'apres que la nation eat ete revolt& par le manque d'egard, qui avait
ete temoigne a son chef au cours de son voyage en Turquie. Un
Ministere serbe dut quitter le pouvoir pour avoir deplu a la Cour
imperiale, et, lorsqu'il s'agit d'un traite de commerce avec la Serbie,
l'Autriche le renvoya dedaigneusement a un avenir plus lointain,
comme s'il s'etait agi de faire une grace au petit Etat danubien. Le
journal Politik" parlait ouvertement a ce moment de l'intention
qu'on avait a Vienne de fonder un autre Yougoslavie que celle dont
on revait a Belgrade, un Etat pan-serbe sous la souverainete d'un
archiduc-roi, fut-ce meme au prix de permettre a la Russie un
etablissement similaire en Bulgarie.
Le 2 avril de Pannee suivante, 1875, l'empereur Francois-Joseph,
qui avait rencontre l'opposition des Serbes de la principaute,
commenga ce voyage en Dalmatie qui signifiait bien autre chose que
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la visite de ses propres possessions. Il voulait presenter a la
veneration des Balcans leur futur souverain chretien, leur Tzar de
nuance occidentale, qui venait deloger l'influence de l'autre, ce Tzar
oriental qui tardait a accourir pour l'oeuvre de delivrance. Aux
festivites de Cattaro, Milan n'avait pas ete invite, et toutes les
attentions, d'un caractere particulierement flatteur, se tournaient vers
le jeune prince du Montenegro et vers le representant du prince de
Roumanie, qui en fut tout &Joni. Je suis content de la Roumanie",
daigna dire Francois-Joseph a ce dernier. Vous marchez dans une
bonne voie, et la stabilite que vows devez au prince sera toujours le
plus s fir garant de progres. Vous avez des hommes vraiement
capables. Nous avons beaucoup d'affaires entre les deux pays, mais je
suis rassure a present. Cela va mal en Serbie. La Skouptschina est
composee d'hommes ignorants. La Serbie n'a pas d'hommes. Je suis
fort content du prince du Montenegro. Il s'est vraiement bien
conduit. C'est un digne homme (!).""
Quelques mois plus tard, la revolte eclatait parmi ceux des
chretiens balcaniques qui etaient les voisins immediats des
possessions autrichiennes. Le consul imperial se mela aussitOt de
l'affaire, offrant de prendre sur lui la mediation. Le general Rodich fit
de maniere que les insurges ne se trouvassent jamais sans armes, sans
munitions et a court d'autres moyens. Et, de son cote, Andrassy
entretint pendant ces deux ans l'Europe entiere de son projet de
reformer la Turquie, de lui octroyer, de Vienne, la nouvelle charte de
son existence politique, qu'il aurait sauvee, non sans en avoir ete
recompenee dans le sens qu'on peut dj entrevoir. Ici on croit
generalement", ecrivait l'agent de Roumanie a Belgrade, a la date du
troisieme depart pour Vienne, en vue d'y celebrer son mariage, de
Milan, enfin gracie par le futur Empereur de tous les Balcans, que
l'Autriche est l'auteur des menees de Herzegovine ou qu'elle cherche
a en profiter".
Pendant ce temps la Russie officielle gardait une expectative
presque timide, Ignatiev seul continuait une politique qui
representait plutot sa personne et servait plutot son ambition de
paraitre le maitre de la situation. De Petersbourg on n'avait jamais
envoye en Roumanie d'autres conseils que ceux de la patience.
En 1874 Stremoncov, chef du Departement asiatique, recevant
George Filipescu, envoye du prince Charles et on l'avait accepte
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dans cette qualite, malgre les violentes protestations turques,
assurait que la Russie ne considere pas les Roumains comme des
dindons qu'on engraisse pour en faire une meilleure bouchee",
qu'elle n'a merne jamais eu l'intention d'une annexion. Toute
augmentation de territoire", ajoutait-il, ne pourrait qu'etre fatale a
1'Empire. Aucun gouvernement n'oserait en assumer la
responsabilite... Pour ce qui est de la Roumanie, elle a toujours ete de
la part de la Russie, l'objet d'une bienveillance desinteressee."
Le projet Andrassy et le grand fracas dont it fut accompagn6 par
une diplomatie qui aime la mise en scene ne provoqua aucune
jalousie. Lorsqu'il fallut acquiescer aussi aux voeux de 1'Angleterre,
qui voulait sauver a tout prix et contre n'importe quel ennemi
commencer, bien entendu, par le panslavisme" son ancienne
cliente, le Cabinet de Petersbourg admit aussi ces conferences de
Constantinople, dans lesquelles Salisbury, depute, avec toute son
importance, pour y representer les interets de son pays, devait jouer
le premier role, qui avait echappe pour le moment au pacificateur
autrichien. Or, Midhat-Pacha se mit de la partie, et it signifia aux
membres de la conference qui travaillaient a leur inutile oeuvre
laborieuse, cette Constitution ottomane qui degageait la Turquie des
obligations prises alors que ses populations, n'etant pas des facteurs
dans un regime de liberte, en etaient reduites a invoquer la
philanthropie des coreligionnaires chretiens. La Russie laissa faire, et
elle paraissait disposee a prolonger des negociations qui auraient
empeche peut-titre, retarde a coup stir, la rupture.
NOTES
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8. Hurmuzaki, X, p. 397.
9. Ibid., p. 439.
10. Ibid., p. 445 et suiv.
11. Draghici, Istoria Moldovei, II, pp. 172-173.
12. Ibid., pp. 175-176.
13. Ibid., pp. 178-179.
14. Draghici, ouvr. cite, pp. 188-189.
15. Voy. sur Strilbitzki l'etude de M. Emile Picot dans les Melanges de
1'Ecole des langues orientales vivantes", et sur Pasii, N. Iorga, Histoire de la
litterature roumaine au XVIII-e siecle (en roumain) II, p. 390 et suiv.
16. St. Berechet, dans le Neamul Romanesc literar, armee 1910, p. 713 et
suiv.
17. Il titait aussi Milescu, M. St. Berechet nous signale dans le Viestnik
Evropy de Pannee 1828 son proces pour cette coupe d'or chinoise dont pane
Neculce.
18. Voy. N. Iorga, Histoire des relations entre la France et les Roumains,
p. 115 et suiv.
19. Calendarul Neamului Romanesc", armee 1917, p. 104 et suiv.
20. Cf. aussi revue Drum Drept, armee 1913, p. 37 et suiv., editee par
N. Iorga. .
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CHAPITRE XI
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Bratianu et KogAlniceanu furent donc entendus" a Berlin pour
que le congres n'en maintint pas moins ses resolutions dont l'extreme
delicatesse ne pouvait pas etre atteinte sans remettre en question tous
ces problemes sur lesquels on ne s'etait entendu que trop
peniblement. La Bessarabie ne fut pas cedee, elle fut evacuee; en
echange, les Roumains entrerent dans la Dobroudscha comme dans
une conquete de leurs armes. Pour avoir la frontiere de Sud de cette
nouvelle province, on eut a passer par de nouvelles epreuves; du cote
de Silistrie on avait occupe Arab-Tabia, et it fallut l'abandonner sous
la menace d'une attaque des troupes russes qui etaient encore restees
en Bulgarie.
Ce pays fut pendant vingt ans comme un champ d'experience
pour la diplomatie imperiale. Les relations avec la Roumanie
devaient etre dorenavant dominees par l'aspect sous lequel se
presentait a un moment donne ce probleme bulgare. Apres la chute
d'Alexandre de Battenberg it y eut de nouveau le projet d'Union
personnelle avec la Roumanie, mais cette fois it etait l'oeuvre du parti
anti-russe de la Principaute voisine. Heureusement it echoua.
La politique de Gortschacov lui avait survecu, cette dure
politique de territoires, sans aucune conception des droits nationaux,
qui n'etait elle-meme que la continuation de l'ancienne politique de
Nesselrode, le collegue de Metternich et son emule. La Roumanie,
consider& en dehors de la nation qu'elle representait et qui est la
plus nombreuse du Sud-Est europeen, ne pouvait etre dans cette
maniere de considerer les choses qu'un simple empechement, un
. obstacle qu'il faut &after a la premiere occasion.
La nation russe elle-meme avait proteste contre l'attitude de
cette diplomatie en 1878; elle avait exprime nettement son opinion
qu'il aurait fallu poser franchement les bases d'une action qui
demandait aux Roumains aussi bieri qu'aux Russes le sacrifice de leur
sang, qu'on aurait le devoir de les dedommager largement dans cette
Peninsule des Balcans ou ils avaient retabli leur ancienne reputation
de bravoure. Comme cependant it n'y avait pas de relations suivies
entre les deux pays ni meme des relations economiques ce fut
la diplomatie de decider. L'attitude des chefs de son action a
Petersbourg menerent la Roumanie, Malgre les liens etroits d'un
pass encore recent, dans le camp des Puissances Centrales, des 1884,
de meme que, un peu auparavant, l'attitude de la France envers les
interets africains de cette Italie moderne, qui etait cependant un peu
sa creation, mena cette derniere, contre toutes ses traditions et,
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malgre d'autres interets, de beaucoup superieurs, dans ce meme camp
allemand et magyar, oh it n'y avait pas d'autre place pour des nations
latines que celle d'un isolement surveille de pres.
Des relations intellectuelles n'avaient pas ete non plus etablies.
Si les Roumains furent parmi les lecteurs les plus assidus de cette
litterature russe moderne des grands romanciers, d'une si profonde et
douloureuse humanite, it faut l'attribuer a ces traductions francaises
qui lui donnerent une valeur universelle. Elle n'en exerga pas moins
une profonde influence sur tout ce qu'on a ecrit chez nous des 1890.
Cette influence bienfaisante ne peut pas, bien entendu, etre mise en
meme ligne que celle qui donna a une partie de l'agitation radicale en
Roumanie, tour h tour, le caractere socialiste, represents d'abord par
la revue Contemporanul" de Jassy, fondee par un Americain affilie
au nihilisme, puis celui du nouveau courant des amis du peuple", des
narodnics. Ces propagateurs de l'esprit qui anime une partie de la
societe russe n'ont pas amens, par suite des antagonismes memes
qu'ils representent, la sympathie que merite ce monde immense ou
germent peut-etre les meilleurs semences d'avenir pour l'humanite".
Il y a trois ans que le Tzar Nicolas II est venu a Constanta voir
ce que la Roumanie a accompli sur cette terre de la Dobroudscha
qu'elle avait payee de son sang et de son heritage ancestral en 1877.
Une brutale usurpation pese. aujourd'hui sur la place meme ob se sont
rencontres le chef des armees de Plevna et le petit-fils d'Alexandre II;
ceux qui, apres avoir devaste ce territoire, l'occupent aujourd'hui,
representent envers les Russes aussi bien qu'envers les Roumains
l'oubli ehonte de tout devoir de reconnaissance. Une revanche
prochaine mettra fin a cet attentat et prononcera la sanction
necessaire.
Cette victoire sera gagnee, au nom des principes les plus sacres,
au nom de l'humanite menacee dans ses droits et dans son avenir, par
les efforts supremes des deux nations qui auront combattu cette fois
avec toutes les forces et tout l'elan des masses populaires elles-
'names. El les s'en rappelleront pour nouer des liens qui ne seront pas
des chaines, et pourront durer dons eternelement pour le bien de cet
Orient oh ce n'est pas la methode allemande" servie par les hordes
bulgares et turques qui accomplira l'oeuvre de civilisation si
longtemps retardee. Et cette communaute de civilisation sera plus
utile pour tout le monde que l'idee slave" et que la diplomatie de
tendances napoleonniennes, toujours tatonnant vers les annexions,
des Allemands et de leurs eleves en Russie, jusqu'a Nesselrode, a
Gortschacov eta Giers.
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NOTES
1. Ibid., pp. 133, 135, note 1.
2. Ibid., pp. 142-143.
3. Ibid., p. 144 note 1.
4. Ibid., p. 150 et suiv.
5. Ibid., p. 148.
6. Ibid., p. 154 et suiv.
7. Ibid., p. 158 note 1.
8. Ibid., p. 159, note 1.
9. Ibid., p. 160.
10. Aus dem Leben Konig Karts, III, p. 52.
11. Politica externs a Regelui Carol, pp. 162-163.
12. Ibid., p. 165 et suiv.
13. Ibid., p. 146, note 2.
14. Ibid., pp. 168-170, 173-174.
15. Ibid., pp. 174-175; Aus dem Leben Konig Karts, III, pp. 89-91.
16. Revue des deux mondes, ann6e 1915, IV, p. 245 et suiv.; notre Buletin
de l'Institut pour l'etude de l'Europe sud-orientale", III, p. 135 et suiv.
17.. Politica Regelui Carol, pp. 173-174, 188.
18. Ibid., p. 175.
19. Ibid., p. 125.
20. Ibid., p. 199.
21. Ibid., p. 199.
22. Ibid., pp. 192-196.
23. Ibid., p:222, note 1.
24. Aus dem Leben Koning Karts, III, pp. 174-175.
25. Politica extern a Regelui Carol, p. 227.
26. Ibid., p. 225.
27. Ibid., p. 228, note 1.
28. Ibid., p. 235 et suiv.
29. Ibid., p. 237, note 1.
30. Ibid., p. 238, note 3.
31. Ibid., pp. 238-239.
32. Ibid., p. 258, note 1.
33. Ibid., pp. 265-266.
34. Ibid., p. 27 (d'apres Aus dem Leben KOnig Karts, III, p. 456).
35. Aus dem Leben Kiinig Karis, IIi, p. 457.
36. Politica externa a Regelui Carol, p. 273 et suiv.
37. Aus dem Leben Kiinig Karts, IV, pp. 18, 87, 96.
38. Ibid., p. 263.
39. Ibid., pp. 272, 278.
40. Ibid., p. 285.
41. Ibid., p. 288.
42 La litterature roumaine a dte plus recemment seulement l'objet d'articles
fugitifs dans la Gazette de Bessarabie" de 1860, 1861, 1866, 1867, 1868 par
Hornatzki, Tanski et surtout Filatov. Quelques pages dans l'Histoire de la
litterature universelle" par Vladimir Zlatov (vol. III). Cf. Licea, dans le Neamul
Romanesc Literar, V, pp. 719-721.
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TABLE DES MATI3RES
Chapitre I
Premieres formes de la communaute russo - roumaine 347
Chapitre II
Premieres relations politiques entre les Roumains et les Russes. Echanges de
civilisation 354
Chapitre III
Communaute russo-roumaine d'activite militaire aventuriere. Cosaques du
Dnieper et leurs relations avec les Roumains 364
Chapitre IV
Communaute culturale orthodoxe entre Russes et Roumains 37C
Chapitre V
Premieres relations entre la Moldavie et la Russie moscovite 381
Chapitre VI
Les Roumains et les revolutions de l'Ucraine 388
Chapitre VII
Pierre-le-Grand et les Roumains 399
Chapitre VIII
Les Roumains et la Russie apres Pierre-le-Grand 418
Chapitre IX
Projets de partage de la Turquie et nouvelle intervention
russe sur le Danube. Seconde guerre de Catherine II contre les Turcs.
Alexandre I-er et les projets de Napoleon en Turquie 450
Chapitre X
La Rus.sie et l'agitation constitutionnelle dans les pays roumains jusqu'a
I'Union des Principautes 483
Chapitre XI
La Russie et l'Independance roumaine 529
544
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TABLE DES MATIERES
Histoire des relations entre la France et les Roumains 3
Histoire des relations anglo-roumaines 121
A history of anglo-roumanian relation 223
Histoire des relations russo-roumaines 345
545
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It
f I
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