Amiard-Chevrel Agitprop
Amiard-Chevrel Agitprop
Amiard-Chevrel Agitprop
soviétique
Amiard-Chevrel Claudine. Le théâtre et le peuple en Russie soviétique de 1917 à 1930. In: Cahiers du monde russe et
soviétique, vol. 9, n°3-4, Juillet-Décembre 1968. pp. 365-385;
doi : 10.3406/cmr.1968.1760
http://www.persee.fr/doc/cmr_0008-0160_1968_num_9_3_1760
DE I917 A I93O
(Contribution
1. M. Andrianova,
à l'histoireКduistorii
théâtreteatra
au front
na fronte
pendantv la
period
guerregrašdanskoj
civile), Moscou-
vojny
Leningrad, Trudy gosudarstvennogo central'nogo muzeja im. Bahrušina,
Iskusstvo, 1941, pp. 77-78.
2. A. A. Mgebrov, Žizn' v teátre (La vie au théâtre), Moscou-Leningrad,
Academia, 1929-1932, II.
3. M. Andrianova, op. cit., p. 92.
4. Chiffres empruntés à M. I. Mogilevskij, « Moskovskie teatry v cifrah »
(Les théâtres de Moscou en chiffres), in Teatry Moskvy 1917-1927 (Les théâtres
de Moscou de igiy à 1927), Moscou, izd. Rabotnik prosveščenija, 1928, pp. 13-14.
368 CLAUDINE AMIARD-CHEVREL
Nombre moyen de
Nombre
Titre des pièces de spectateurs
représentations spectateurs par
saisons par saison
par saison
représentation
4e éd.,
1. P.1920,
M. Keržencev,
156 p. Tvorčeskij teatr (Le théâtre créateur), Petrograd, Giz,
2. Ibid.
3. Klubnaja scena, 5, 1927, p. 9.
378 CLAUDINE AMIARD-CHEVREL
1. B. Gusman, « Pjať let sinej blůzy » (Cinq années de blouse bleue), Pravda,
16. x. 1928.
2. Cf. exemples détaillés dans H. Carter, op. cit., chap. : « The Proletcult
Theatre
bjulleten' » hudožestvennogo
; aussi dans Sinjaja
otdela bluza
GPP,(revue),
I, novembre-décembre
1924-1928, ou dans
1926.Repertuarnyj
LE THÉÂTRE DE I917 A I93O 381
année. Sur les 400 pièces ainsi offertes au théâtre villageois, les sujets
se répartissaient ainsi : 85 % de pièces de propagande, 10 % de pièces
de mœurs et 5 % de divers. L'auteur de ce rapport place en regard
le niveau des œuvres : 70 % de qualité artistique très faible, 20 % de
qualité médiocre, 10 % de qualité artistique satisfaisante. Encore
faudrait-il s'entendre sur la valeur exacte des qualificatifs !
Au moment de la collectivisation, le théâtre rural reçoit le renfort
de troupes professionnelles, chargées simultanément de créer et
d'entraîner les troupes locales d'amateurs — ou de troupes bien
organisées d'amateurs citadins. Il suffira de citer un exemple : pour le
Jour de la collectivisation (Den' kollektivizacii), en septembre 1929,
15 cercles d'amateurs des syndicats de Leningrad partent en kultpohod
(campagne culturelle) dans les villages, imités par des artistes
professionnels ; le mouvement vise les régions de Pskov, Luga,
Novgorod, etc.1 Mais plus que les autres, le théâtre rural manquait de cadres,
demeurait isolé et particulièrement vulnérable à l'action des éléments
bourgeois qui subsistaient à la campagne ; son public était plus
arriéré.
Par sa nature même, le théâtre « auto-actif » portait en lui les
germes de sa perte. A la longue, la multiplication des spectacles
d'agitation, une présentation bâclée maintenaient sa qualité artistique
au niveau le plus bas. Ce que l'ouvrier et le paysan inculte pouvaient
accepter en 1919, ils ne l'acceptaient plus dix ans après. Une
propagande trop sommaire et trop souvent assénée leur avait rompu les
oreilles, et ce qu'ils attendaient du théâtre, c'était une satisfaction
esthétique et une ouverture vers le monde extérieur. Les excès du
Proletkult achevaient de dérouter un public peu averti et attirèrent
les foudres officielles. Le Proletkult, à qui le Parti ne pardonnait pas
son indépendance ombrageuse, sombra avec toutes les organisations
prolétariennes en 19322. De fait, le théâtre populaire avait, à sa
manière, reflété l'évolution du Parti : la liberté de création et
d'organisation qui était la règle du vivant de Lénine — ce qui ne veut pas
dire absence de critique — fut peu à peu entravée, puis supprimée,
au fur et à mesure que le Parti trouvait son unité interne et prenait
le visage que nous lui connaissons de nos jours encore.
Les syndicats de leur côté ne se sont préoccupés des clubs que
dans la seconde moitié des années 20, justement pour contrebalancer
l'influence du Proletkult. Ils se sont attachés à en élever le niveau,
à en assurer le contrôle idéologique, tout en allégeant leur
participation aux campagnes politiques. A cet effet, ils créèrent une revue :
Scène du club (Klubnaja scena) en 1927, s'efforcèrent de veiller à
D'un point de vue plus général, les cercles ont eu le mérite d'attirer
des gens qui n'auraient pas eu la possibilité de fréquenter les théâtres
centraux et encore moins d'affronter le métier. Ils ont éveillé la
vocation de jeunes acteurs qui sont passés ensuite au théâtre
professionnel où certains d'entre eux ont fait une belle carrière, comme
B. Ščukin, M. I. Babanova, V. P. Mareckaja et beaucoup d'autres.
De la même façon, des auteurs y ont fait leurs premières armes (comme
A. N. Afinogenov ou V. M. Kiršon) et ont amené par la suite sur les
grandes scènes de nouveaux thèmes et de nouveaux personnages
nés de la vie du peuple. Les cercles assuraient ainsi un recrutement
populaire au théâtre professionnel, justifiant les espoirs des
organisations prolétariennes dans un renouvellement complet de la profession.
Du reste, par ses formes, par les hommes qui l'inspiraient, le théâtre
amateur n'était pas toujours très éloigné d'une certaine fraction du
théâtre professionnel. Par esprit militant ou par un élan généreux,
des hommes de théâtre exceptionnels trouvèrent dans les clubs un
moyen de se lier au peuple, de l'aider à s'exprimer de façon originale
et de puiser à une source fraîche des éléments d'un art théâtral
populaire. Vahtangov, pourtant gravement malade, apporta son talent
et son expérience à de nombreux clubs. Meyerhold, l'esthète des
scènes impériales, le metteur en scène du symbolisme, avait adhéré
de toute son âme à la révolution. Transposant sur scène les plus
récentes tendances des arts plastiques d'Europe et de Russie, il
s'efforçait d'exprimer le travail collectif des ouvriers, le monde mécanisé
des usines, l'idéologie révolutionnaire (jusqu'à entrecouper ses
spectacles d'actes de pure agitation). Il patronna en outre le théâtre du
Proletkult de Moscou pendant quelque temps, et surtout, il créa
en 1920 ses « Ateliers théâtraux expérimentaux d'État » (Gosudarst-
vennye eksperimental'nye teatral'nye masterskie im. Mejerhol'da) :
il y procédait à des recherches particulières pour le théâtre amateur,
LE THÉÂTRE DE I917 A I93O 385
Paris, 1968.
Claudine Amiard-Chevrel.
à l'occasion
1. Dans de
la Pravda,
leur 4e anniversaire.
27.vm.1g24, un article est consacré à ces ateliers,