Chanut-Guieu Guieu 2011 CGPME
Chanut-Guieu Guieu 2011 CGPME
Chanut-Guieu Guieu 2011 CGPME
Cécile CHANUT-GUIEU
[email protected]
Maître de Conférences
Aix-Marseille Université CNRS-LEST UMR 6123
IUT d’Aix-en-Provence, Département GEA Gap
Pôle universitaire – rue Bayard – 05000 Gap
04 92 53 78 27 – 04 92 53 29 48
Gilles GUIEU
[email protected]
Professeur des Universités
Aix-Marseille Université CRET-LOG (EA 881)
IUT d’Aix-en-Provence, Département GEA Gap
Pôle universitaire – rue Bayard – 05000 Gap
04 92 53 78 27 – 04 92 53 29 48
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Résumé :
Après avoir défini la notion d’hypercroissance (1), les auteurs dressent un état des lieux des
traits psychologiques caractéristiques des dirigeants qui ont été identifiés par de nombreux
auteurs. Pour la plupart, les traits caractéristiques des dirigeants ont un lien direct avec la
croissance de l’entreprise, pour d’autres, l’impact est peu marqué, voire inexistant (2).
Ils concluent à une forte prégnance du dirigeant dans la croissance rapide de son entreprise
mais invitent à asseoir plus encore ces constats issus de la littérature par de plus amples
investigations empiriques.
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Introduction
La société Groupon, fondée en 2008 à Chicago par Andrew Mason, s’est spécialisée en
vendant par internet une vieille recette, celle de l’achat groupé. Grâce à ce modèle viral, le site
s’est développé à vitesse exponentielle, réalisant 760 millions de dollars en 2010. Aussi, son
fondateur, Andrew Mason est-il considéré comme le nouveau Mark Zuckerberg, créateur de
Facebook, à la différence qu’il est diplômé de Northwestern et non de Harvard, et qu’il est
musicien plutôt qu’informaticien. Le magazine économique Forbes a d’ailleurs présenté
Groupon comme la croissance la plus rapide de l’histoire, surclassant ses homologues virtuels
Facebook, Amazon ou même Google (Forbes, 30 Août 2010).
Dans les deux cas, américain et français, la place occupée par le dirigeant dans la croissance
est centrale : il oriente l’entreprise alors même qu’elle se transforme sous l’effet de son
développement rapide. Si le dirigeant choisit de ne pas faire grossir son entreprise, celle-ci ne
grossit pas. La croissance rapide serait-elle une affaire de dirigeant ? Faut-il un visionnaire
expansionniste pour voir la firme se développer à grande vitesse ? Ces dirigeants sont-ils si
particuliers, à tel point, comme c’est le cas dans l’histoire récente de Manitou, qu’il faille s’en
séparer en période de crise ?
C’est à ces quelques questions que va chercher à répondre ce chapitre. Pour ce faire, l’analyse
sera menée en trois temps : après avoir examiné les débats autour de la définition de la PME
en hypercroissance, nous examinerons les caractéristiques du dirigeant, avant de poser la
question du caractère central de la psychologie du dirigeant de l’entreprise en
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hypercroissance. Les auteurs termineront en invitant à une investigation empirique des traits
psychologiques des dirigeants de PME en forte croissance.
Le repérage des entreprises en hypercroissance n’est pas un objectif facile. Les définitions en
sont nombreuses et leurs explications tout autant. L’hypercroissance peut être définie comme
une forme exagérée de la croissance de l’entreprise, marquée par une progression très rapide
de sa taille. Pendant un épisode d’hypercroissance, l’entreprise va doubler de taille en moins
de quatre ans. Les modalités de mesure de cette croissance rapide sont multiples et sujettes à
débat : augmentation de l’effectif, augmentation du chiffre d’affaires, augmentation du total
du bilan ; mesures réalisées en valeur ou réalisées en taux de croissance.
Les débats sont nombreux pour définir l’entreprise en hypercroissance, au point qu’il est
difficile d’en sortir une définition consensuelle. Fischer et al. (1998) la caractérisent comme
une entreprise ayant eu une croissance de plus de 20% par an pendant au moins cinq années.
Upton et al. (2001) qualifient d’entreprises en hypercroissance celles qui croissent plus vite
que 80% des entreprises du même pays. Dans les travaux de Betbèze et al. (2006), plusieurs
possibilités de définition sont proposées. La croissance du chiffre d’affaires peut être soit de
plus de 45% en quatre ans, soit de plus de 100% en quatre ans, soit de plus de 10 % chaque
année pendant quatre ans, ou enfin de plus de 20% chaque année pendant quatre ans. Par
ailleurs, ils qualifieront de gazelles les entreprises qui croissent deux ou trois fois plus vite
que les concurrents de leur secteur. Enfin, pour Maritz (2008), l’hypercroissance ne sera
considérée comme telle que si le niveau de croissance dépasse 30% par an pendant trois ans.
Dans la préface à l’ouvrage de Julien (2002) sur les PME en hypercroissance, Patrice Ouellet,
de l’Observatoire de Développement économique du Canada réfute le mythe radical qui leur
est attaché, qui voudrait que ces PME sont de jeunes entreprises des secteurs de haute
technologie, nécessairement fondées sur une forte innovation, et uniquement le produit
d’entrepreneurs visionnaires et charismatiques, animés par le seul changement et l’objectif de
maximisation des ventes et des profits. « Si ces caractéristiques correspondent bien à
beaucoup d’entreprises en hypercroissance, souvent les plus visibles, de nombreuses autres ne
relèvent pas de ces catégories. L’hypercroissance se retrouve donc aussi dans des secteurs
faiblement innovants, avec des dirigeants peu charismatiques, plutôt axés sur la stabilité »
(Brulhart et al., 2011). A ce titre, l’évocation conjointe en introduction de ce chapitre de
Groupon et de Manitou est là pour marquer cette diversité de conditions des PME en
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hypercroissance. Récemment, Henrekson et Johansson (2010) ont complété cette analyse en
montrant que le phénomène affecte plus les entreprises jeunes. Ils les ont repérées dans de
nombreux secteurs d’activités, notamment dans les services. En revanche, elles ne sont pas
nécessairement plus présentes dans les activités à haute technologie.
Au final, les éléments sectoriels ou définissant le type d’entreprise semblent ne pas être
significatifs pour expliquer l’hypercroissance. Quels seraient alors les modèles explicatifs
repérés dans la littérature ?
L’explication de l’hypercroissance est tout autant débattue. Dans la littérature, deux types de
modèles définissent l’hypercroissance des PME. Certains la présentent comme un processus
modifiant les paramètres de la PME, qui passe par différentes étapes de croissance (Mustar,
2002 ; Delmar et al., 2003). A l’opposé, on trouve des modèles de variance, plutôt basés sur
des raisons expliquant la forte croissance (Julien, 2002 ; Chan et al., 2006 ; Wiklund et al.,
2009). Chanut-Guieu et Guieu (2011) décrivent la trajectoire d’hypercroissance comme une
succession de phases, à l’occasion desquelles l’entreprise se modèle (entre 3 et 6 phases).
Delmar et al. (2003), à la suite de Churchill et Lewis (1983), ont critiqué ces modèles par
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étapes, considérant que les PME en hypercroissance connaissent un développement
hétérogène.
Sims et O’Regan (2006) considèrent la recherche sur les PME en croissance rapide peu
concluante, car n’offrant pas une compréhension contextuelle. Ils proposent de déterminer de
manière visuelle les « empreintes de la croissance » (footprints) des entreprises en matière de
changement de nombre d’employés, de profit, de chiffre d’affaires et de marge. Leurs
principaux résultats sont que les gazelles sont plutôt des entreprises jeunes, de moins de
quinze ans, dont le dirigeant – qui est un propriétaire-dirigeant dans la grande majorité des cas
– a moins de 50 ans1, et dont le capital reste fermé. Une étude de terrain qualitative, réalisée
par entretiens avec les DG, leur permet d’identifier que les facteurs clés de succès sont l’auto-
organisation et l’agilité. Même si leur étude comporte des limites, ils mettent en évidence que
les facteurs identifiés comme porteurs de croissance rapide sont le service au client,
l’identification de nouveaux marchés, les réseaux de relations, la planification stratégique, la
communication interne, l’agilité. Les travaux de Julien et al. (2002) aboutissent à des traits
similaires, en identifiant quatre axes caractérisant les PME à forte croissance : une direction
expérimentée et communicative, des liens de proximité avec les clients, une organisation
décentralisée, participative et apprenante, le recours simultané aux ressources de
l’environnement et de l’entreprise.
Pour Morrison et al. (2003, p. 419), il existe des facteurs facilitateurs, mais aussi inhibiteurs
de croissance, sur trois plans : l’intention, la capacité, l’opportunité. Mais ils placent la
question de l’intention au centre du déclenchement de la croissance, l’intention générant et
modifiant les capacités entrepreneuriales et organisationnelles, qui à leur tour sont opérantes
dès qu’une opportunité se présente. Pour cette interprétation, ils se basent sur les travaux de
Gray (2000), selon lequel les intentions du dirigeant jouent un rôle pivot, car le dirigeant tient
à incarner son rôle économique et social.
Etudiant les différences entre PME à forte croissance et celles à faible croissance, Barringer et
Jones montrent que quatre groupes de variables jouent un rôle : le profil de l’entrepreneur, les
attributs de l’entreprise, les pratiques de management et la gestion des ressources humaines.
Plus spécifiquement, les dirigeants des gazelles sont significativement mieux éduqués, plus
orientés vers l’entrepreneuriat, et plus expérimentés dans le secteur d’activité considéré que
les entreprises à faible croissance (Barringer et Jones, 2005). La motivation à croître de la part
1
Ce qui diffère de l’analyse du cabinet KPMG (2009), qui note que « l’âge du capitaine n’est pas un facteur
d’érosion de la croissance » (p. 14), puisque l’âge moyen est de 50 ans.
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des dirigeants est un facteur de la croissance en termes d’emplois, mais pas en termes de
chiffre d’affaires (Delmar et Wiklund, 2008).
Les expériences professionnelles antérieures du dirigeant sont des facteurs explicatifs des
différences de management financier entre PME en croissance rapide : plus le dirigeant est
expérimenté, plus il met en place des dispositifs visant à protéger l’entreprise contre les
risques d’une trop grande pression financière (Teyssier, 2010).
On voit donc toute la place occupée par les dirigeants pour être capables de combiner
l’équilibre procuré par la logique dominante et les déséquilibres engendrés par les stratégies
paradoxales. Aussi, ces dirigeants sont-ils des personnages particuliers ? Leurs traits
caractéristiques sont-ils différents de ceux d’entreprises plus classiques ?
Une explication centrée sur le dirigeant est privilégiée par quelques travaux. Pour Sadler-
Smith et al. (2003), le style entrepreneurial (versus non-entrepreneurial, c'est-à-dire
managérial) identifié dans les PME en croissance rapide est spécifique, au contraire des
entreprises à croissance moyenne, pour lesquelles aucun style particulier n’est repéré. Ils
privilégient une approche par les comportements plutôt que par les traits, plus communément
utilisée dans la littérature sur les dirigeants de PME. Pour Chan et al. (2006), « les dirigeants
des PME en croissance rapide tendent à avoir des styles similaires » (p. 429).
On peut considérer que l’une des clés de la trajectoire d’hypercroissance réside dans le sur-
optimisme affiché par leurs dirigeants, friands de générer et de saisir les opportunités de
croissance. De Meza et Southey (1996) ont identifié le phénomène de l’optimisme
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entrepreneurial, mais Hmieleski et Baron (2009) ont récemment montré que cet optimisme
n’était pas source de performance.
Ainsi, Chanut-Guieu et Guieu, dans le cadre d’une étude récente, ont interrogé les dirigeants
de PME sur leurs perspectives de croissance. Les résultats affichés par les dirigeants
d’entreprise en faible ou en forte croissance sont significativement différents. Les dirigeants
de PME en hypercroissance sont plus optimistes que leurs homologues affichant une
croissance plus faible. Pourtant, quel est le sens de la relation : est-ce la croissance qui génère
l’optimisme ou l’optimisme qui génère la croissance ? Plus vraisemblablement est-on en
présence d’une relation circulaire, l’optimisme favorisant la croissance, qui vient à son tour
renforcer l’optimisme du dirigeant. « Le goût de la prise de risque, même si elle reste
mesurée, amène le dirigeant à se lancer de nouveau, notamment sur des stratégies
d’innovation produit et de réorganisation. Les bons résultats passés le confortent dans ses
choix tout en renforçant son optimisme qui sera, à son tour, un facteur favorisant la
performance » (Chanut-Guieu, Guieu, 2010, p. 231). Leur relation à la croissance passée de
leur entreprise est particulière : ils ne s’attendaient pas à une telle croissance, et sont plutôt
surpris par son niveau élevé. Récemment, leur « obsession de la croissance » aurait permis
aux dirigeants des entreprises en croissance rapide de surmonter la crise (KPMG, 2010).
Ainsi, Chanut-Guieu et Guieu (2010) ont identifié une singularité particulière aux PME en
hypercroissance. S’attendant à trouver de nombreuses différences avec leurs homologues en
faible croissance, ils n’identifient au final qu’un seul élément déterminant de leur singularité :
le caractère optimiste et confiant de leur dirigeant. Au-delà de cette observation récente et
isolée, existe-t-il des éléments récurrents caractérisant les dirigeants des PME en
hypercroissance ?
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Filion (2007, p. 63) et Jaouen (2008) ont recensé les principales typologies existantes des
années 1970 aux années 2000 (voir tableau 1).
De nombreux auteurs se sont penchés sur la relation entre les caractéristiques des dirigeants et
la croissance des entreprises. Janssen (2011) a identifié six sous-catégories principales : « Les
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caractéristiques psychologiques, ou traits, du dirigeant, son expertise, son historique familial,
ses motivations, ses caractéristiques démographiques et la présence d’une équipe de
dirigeants » (Janssen, 2011, p. 92). Nous allons nous focaliser uniquement sur les traits du
dirigeant en gardant à l’esprit que d’autres catégories sont également des facteurs importants
de la croissance des entreprises.
Ginn et Sexton (1990) ont comparé les profils des dirigeants des entreprises à croissance
rapide et à croissance plus lente. Leurs résultats indiquent que les fondateurs des entreprises à
forte croissance présentent des préférences psychologiques significativement différentes de
celles de leurs homologues à faible croissante. Les fondateurs d’entreprises à forte croissance
préfèrent avoir une approche intuitive de leurs possibilités futures lorsqu’ils collectent de
l’information, et une approche planifiée et organisée lorsqu’il s’agit de dessiner des
conclusions. Ces préférences représentent des facettes psychologiques les plus fréquemment
utilisées dans la planification stratégique et la planification de la croissance.
Ils sont rejoints dans leur analyse par les résultats de Wiklund et al. (2009) qui présentent des
résultats intéressants dans leur modèle intégratif de la croissance en montrant le lien entre
attitude du dirigeant et croissance de l’entreprise. Ainsi, « l’attitude du dirigeant vis-à-vis de
la croissance a un impact positif direct et indirect sur la croissance » (p.6).
Ce même constat a également été mis en avant par Chanut-Guieu et Guieu (2011a) qui ont
établi un lien entre le caractère « bien trempé » des dirigeants et l’hypercroissance de leur
entreprise. Ils associent activisme, indépendance et fort besoin de reconnaissance. Ils sont
souvent visionnaires, font preuve d’un fort taux d’optimisme, d’un esprit d’aventure prononcé
et d’un goût du risque évident mais raisonné. Ce sont autant de caractéristiques qui les
poussent à faire des choix stratégiques ambitieux mais néanmoins réfléchis et régulièrement
réévalués. Leurs fortes capacités d’anticipation, de clairvoyance et d’organisation sont
également de précieuses alliées pour des prises de décisions qui doivent souvent être rapides
tout autant qu’efficaces, et qui vont servir leur volonté de croissance, supérieure à leur volonté
de rentabilité. Ils sont aidés en cela par plusieurs facteurs dichotomiques, en ce sens qu’ils
combinent simultanément des contraires (Chanut-Guieu, Guieu, 2011b).
Le travail d’équipe est fondé sur la complémentarité et la confiance avec les collaborateurs, ce
qui permet au dirigeant de libérer son esprit du besoin de surveillance. Les coûts de
coordination sont alors bien moindres grâce à la confiance, ce qui leur permet de consacrer
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leur énergie à la quête de la croissance future, bien plus qu’au contrôle de l’action des
subordonnés. Le dirigeant gagne ainsi en liberté individuelle d’action. Le succès des
dirigeants d’entreprises en hypercroissance réside largement dans la volonté et la capacité à
saisir des opportunités (Davidsson, 1989). L’équipe doit également développer la capacité à
raisonner de façon indépendante, à l’instar de son dirigeant (Nicholls-Nixon, 2005).
Le second facteur est l’ambidextrie du dirigeant, capable de simultanément orienter
l’entreprise dans une voie classique, connue, sans toutefois se fermer des possibilités de pistes
nouvelles, beaucoup plus singulières. Cette combinaison de logique dominante et de stratégies
paradoxales est caractéristique des modes de gestion des dirigeants des PME en
hypercroissance, notamment étudiés dans le cadre de l’entreprise Electro (Chanut-Guieu et
al., 2009).
Le troisième facteur identifié est la combinaison d’une forte volonté d’indépendance et le
besoin de la reconnaissance d’autrui du caractère exceptionnel de la croissance réalisée. Ce
besoin d’autonomie les incite à retarder l’ouverture du capital jusqu’à ce que cela soit
vraiment nécessaire. Cette indépendance, si elle permet au dirigeant de continuer à guider
comme bon lui semble son entreprise, lui permet aussi souvent d’être leader d’opinion dans
son secteur géographique ou d’activité. Dans la typologie fameuse proposée par Marchesnay
(1992), les dirigeants de PME en hypercroissance sont bien plus souvent des CAP
(Croissance, autonomie de décision, pérennité) que des PIC (Pérennité, indépendance
financière, croissance).
Dans son étude 2009, KPMG arrive à des conclusions proches. Les parcours préalables sont
divers, avec des formations aux niveaux et aux contenus variés. En revanche, l’étude révèle
l’homogénéité des profils des dirigeants des entreprises en haute croissance. Ils adoptent une
« attitude conquérante », ils ont le goût du risque, sont volontaires, affichent une focalisation
sur la croissance, et déclarent partager la gouvernance avec l’encadrement (collaborateurs
proches, comité de direction ou encore conseil de surveillance).
Conclusion
Si le profil que nous avons cherché à dessiner paraît homogène, il n’est, selon quelques
auteurs, pas pour autant distinctif. Quelques études tentent de distinguer les dirigeants des
entreprises en fonction de la croissance générée. Pourtant, les résultats restent limités.
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Davidsson (1989) considère que la motivation est un facteur central dans l’explication des
taux de croissance et de l’acte entrepreneurial en général. Shaver et Scott en précisent le
contenu en donnant une définition fondée sur les observations anciennes de Murray (1938) :
locus de contrôle interne, forte propension à la prise de risque, forte tolérance à l’ambiguïté,
fort besoin d’autonomie, de domination et d’indépendance, la capacité à produire des efforts
intenses et durables, esprit de compétition, volonté d’apprendre.
Littunen et Virtanen (2006) ont cherché à identifier les différences entre les entreprises en
croissance ou sans croissance. Leur étude fait partie d’un projet longitudinal plus large, dans
lequel le développement de 200 PME des secteurs de la métallurgie et des services est suivi
depuis leur création en 1990. Les caractéristiques de personnalité et les facteurs
environnementaux n’expliquent pas la croissance mais l’expérience, la formation et la
motivation sont des variables importantes qui différentient les entreprises en croissance de
celles qui ne le sont pas. Au final, Littunen et Virtanen (2006) indiquent que les traits de
personnalité permettant de définir les dirigeants ne sont pas significatifs pour distinguer les
entreprises en croissance de celles qui ne le sont pas.
Ces résultats restent cependant marginaux et limités à quelques auteurs. La plupart des
résultats issus de la revue de littérature que nous venons d’évoquer s’accordent en effet à
penser qu’il ressort un profil type du dirigeant d’entreprise en hypercroissance : ce dernier est
doté d’un fort caractère, d’une persévérance et d’une agilité certaines. Sa « multi-
ambidextrie » lui permet notamment d’allier savoir-faire et innovation, opportunisme et
maitrise du risque, intuition et expérience, auto-organisation et partage des tâches. Autant de
qualités indispensables pour gérer au quotidien la croissance d’une PME.
Mais il convient de confirmer plus avant les diverses études qui ont déjà été réalisées afin
d’en asseoir la scientificité.
Aussi, deux bases de données seront traitées pour avoir des éléments directement tirés du
terrain des PME en hypercroissance. Premièrement, un questionnaire réalisé en collaboration
avec l’équipe Coactis des Universités de Lyon 2 et de Saint-Etienne, dans le cadre du
programme de recherche « Trajectoires d’hypercroissance », financé par l’ANR, a été
administré grâce à l’aide de l’AGEFOS en 2010. Deuxièmement, des entretiens réalisés en
2008 et 2009 auprès d’une quarantaine de dirigeants appartenant à dix entreprises rhônalpines
et provençales en hypercroissance. Une partie des résultats est résumée dans le présent
ouvrage dans le chapitre de I. Prim-Allaz et al. intitulé « Des paliers de croissance au
potentiel de développement des PME ». Ces éléments empiriques viendront étayer cet état des
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lieux tout comme le feront les différentes études menées par d’autres chercheurs sur la
croissance rapide des PME.
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