Article JVE-Échanges
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Article JVE-Échanges
e-ISSN : 2957-7411
ÉCHANGES
ÉCHANGES
VOLUME 2 : SCIENCES HUMAINES
N° 21 Décembre 2023
Éditeur
Laboratoire d’Analyse des Mutations Politico-juridiques, Économiques et Sociales
(LAMPES)
Faculté des Sciences de l’Homme et de la Société
Université de Lomé
01 BP 1515 Lomé
www.lampes-ul.net
COMITÉ SCIENTIFIQUE
Pr Koutchoukalo TCHASSIM
Pr Octave Nicoué BROOHM
Pr Iba Bilina BALLONG
Pr Komla NUBUKPO
Pr François D. GBIKPI
Pr Laurence FAVIER
Pr Doh Ludovic FIÉ
COMITÉ DE LECTURE
Contact
6
SOMMAIRE
SOMMAIRE .................................................................................................................. 13
SCIENCES HUMAINES ............................................................................................. 291
TYPES DE FAMILLES, TYPES DE PRATIQUES PARENTALES ET
DÉVIANCES DES ÉLÈVES DE L’ENSEIGNEMENT SECONDAIRE DU
LYCÉE MUNICIPAL D’ATTÉCOUBÉ (ABIDJAN), Doppon Ali COULIBALY
(Université Félix Houphouët-Boigny - RCI) .......................................................... 293
PRODUCTION DE DÉCHETS DANS LA COMMUNE DE KOZAH1(TOGO) :
ÉTAT DES LIEUX ET IMPLICATIONS, Gountante DANSOIP (Université de
Kara –Togo) ........................................................................................................... 314
LA QUESTION DE L’INTÉGRATION DES VALEURS D’ÉCO-CITOYENNETÉ
À L’ÉCOLE : UNE ÉTUDE CHEZ LES ÉLÈVES DU PRIMAIRE DANS LA
VILLE DE LOMÉ AU TOGO, Kobina DJIAMONGOU, Namiyate YABOURI
(Université de Lomé - Togo) .................................................................................. 329
LA RÉGIONALISATION DE LA SÉCURITÉ COLLECTIVE EN AFRIQUE :
D’UNE ARCHITECTURE CONTINENTALE À UN RÉGIONALISME DE TYPE
CONJONCTUREL, Éric Wilson FOFACK (Université de Dschang - Cameroun) 344
IMPACT SOCIOÉCONOMIQUE ET VULNERABILITÉS DE LA FILIÈRE
PONDEUSE DANS LA SOUS-PRÉFECTURE D’AGNIBILÉKROU (EST DE LA
CÔTE D’IVOIRE), Aya Suzanne KONAN (Université Alassane Ouattara Bouaké -
RCI) ........................................................................................................................ 360
AMELIORER LE DIALOGUE ENTRE CHERCHEURS, ACTEURS PAR LA
RECHERCHE ACTION PARTICIPATIVE : L’EXPÉRIENCE DU PROJET
INTERUNIVERSITAIRE CIBLE SUR LES PERSONNES ÂGÉES À BOBO-
DIOULASSO (BURKINA FASO), Blahima KONATE (Centre Muraz – B.-F) .. 386
ÉVALUATION À MI-PARCOURS D’UN PROJET D’ACCÈS À L’ÉNERGIE EN
MILIEU RURAL : CAS DU PROJET « EMPOWERING COMMUNITIES 2 » AU
TOGO, Ayemi Akessime LAWANI, Mamadou BOUKARI, N’detigma KATA,
Sena ALOUKA, Annette Luttah ALUORA (Université de Kara, Jeunes Volontaires
pour l’Environnement) - Togo................................................................................ 401
LES FANTE ET LA CACAOCULTURE EN CÔTE D’IVOIRE (1870-1958),
Mathieu MIESSAN (Université Alassane Ouattara-Bouaké - RCI)....................... 422
MARIAGES D’ENFANTS AU TOGO : INFLUENCES NORMATIVES,
NÉGOCIATIONS CULTURELLES ET CHOIX DE RÉFÉRENTIELS
AXIOLOGIQUES, Mahamondou N’DJAMBARA, Atiyihwè AWESSO (Université
de Lomé - TOGO) .................................................................................................. 441
STYLES DE LEADERSHIP DES CHEFS D’ÉTABLISSEMENTS ET LE
CLIMAT SCOLAIRE DANS LA SISSILI, P. Marie Bernadin OUEDRAOGO,
13
Parfait D.S. KABORE, Hamidou SANNA (Université Thomas SANKARA, DGESS
du Ministère de Transition Digitale) – B. F ............................................................ 461
CONDUITE DU CHANGEMENT DANS LA MISE EN PLACE D’UN SYSTÈME
D’INFORMATIONS DES RESSOURCES HUMAINES, Badji OUYI (Université
de Lomé – Togo) .................................................................................................... 478
ORPAILLAGE AU SUD-OUEST DU BURKINA FASO : UNE ÉVOLUTION AU
DÉTRIMENT DE LA FEMME ET DE L’ENVIRONNEMENT CHEZ LES LOBI
ET LES BIRIFOR, Nonna Anne DAH (Université Nazi-Boni/Bobo Dioulasso - B.-
F), Domèbèimwin Vivien SOMDA (Unité Universitaire à Abidjan UCAO-UUA -
RCI) ........................................................................................................................ 493
LES ARTS PLASTIQUES, UN LEVIER D’INNOVATION ET DE
DÉVELOPPEMENT DES INDUSTRIES CULTURELLES ET CRÉATIVES EN
CÔTE D’IVOIRE, Kignigouoni Dieudonné Espérance TOURÉ (Institut National
Supérieur des Arts et de l’Action Culturelle (INSAAC) – RCI) ............................ 511
CATEGORIE PROFESSIONNELLE, GENRE ET PERCEPTION DES
DISCRIMINATIONS EN MILIEU DE TRAVAIL BURKINABE : CAS DE
L’ONATEL-SA, Kinanya Donatien TOURE, Yao René YAO, Awa NABALOUM
(Université Félix Houphouët Boigny_Abidjan – RCI) ........................................... 529
EMPRUNTS ET CODE-SWITCHING DANS LE DISCOURS DES VENDEURS
DE PRODUITS DE SANTE DANS LES CARS INTERURBAINS AU BURKINA
FASO : LES LANGUES NATIONALES AU SECOURS DU FRANÇAIS, Daouda
TRAORÉ (Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique – B.-F)
................................................................................................................................ 544
LA MUSIQUE ENREGISTRÉE FACE AUX ENJEUX DU NUMÉRIQUE : DE
LA TRANSFORMATION À L’HYBRIDATION, Fabrice Guy ZIGANE, Jacob
Yarassoula YARABATIOULA (Université Joseph KI-ZERBO – B.-F) ............... 560
SOCIDO-SODIRO, UN EXEMPLE INABOUTI DE DÉVELOPPEMENT
RÉGIONAL AGRO-INDUSTRIEL ET COMMERCIAL DANS LE NORD-
OUEST IVOIRIEN (ODIENNE) : 1979-1999, Valy YEO, Ladji KAMATE
(Université Félix Houphouët-Boigny – RCI) ......................................................... 575
LE MARCHÉ CONGOLAIS DU BOIS D’ŒUVRE (1899 À 1963), Philippe
MAKITAS, Joseph ZIDI (Université Marien Ngouabi - République du Congo) .. 595
LE JAPON ET LE DÉVELOPPEMENT DES INFRASTRUTURES ROUTIÈRES
ET PORTUAIRES EN CÔTE D’IVOIRE (1982-2023), Adjoua Marie-France
KOUAME, N’dri Laurent KOUAKOU (Université Alassane Ouattara RCI)........ 616
14
ÉVALUATION À MI-PARCOURS D’UN PROJET D’ACCÈS À
L’ÉNERGIE EN MILIEU RURAL : CAS DU PROJET « EMPOWERING
COMMUNITIES 2 » AU TOGO, Ayemi Akessime LAWANI, Mamadou
BOUKARI, N’detigma KATA, Sena ALOUKA, Annette Luttah ALUORA
(Université de Kara, Jeunes Volontaires pour l’Environnement) - Togo
[email protected]
Résumé
L’accès des populations aux différentes formes d’énergie (électricité ou
énergie de cuisson) constitue actuellement un des défis majeurs pour le continent
africain. La biomasse reste la principale source de l’énergie de cuisson, avec ses
conséquences néfastes sur les écosystèmes environnementaux et sur la santé des
populations. Cet article a eu pour objectif d’évaluer un projet d’accès à l’énergie
mise en œuvre par une organisation non gouvernementale (ONG) pour la
vulgarisation des foyers améliorés et des kits solaires dans les zones rurales du
Togo. Une méthodologie de type mixte a été utilisée, alliant questionnaires et
entretiens semi-directifs. Au terme de l’analyse, il en est ressorti que les principales
réussites du projet ont trait à l’implication des communautés bénéficiaires, aux taux
élevés d’adoption des foyers améliorés par les ménages, et à l’organisation des
femmes en groupements d’épargne et de crédit, contribuant ainsi à leur
autonomisation. Toutefois, les analyses ont permis de faire ressortir des points
d’amélioration relatifs aux matériaux utilisés pour les foyers. Il a également été
recommandé à l’ONG de développer de nouvelles collaborations pour assurer la
pérennisation du projet.
Mots clés : Foyers améliorés, kits solaires, environnement, épargne rurale, JVE,
Togo
MID-TERM EVALUATION OF A RURAL ENERGY ACCESS PROJECT:
THE CASE OF THE “EMPOWERING COMMUNITIES 2” PROJECT IN
TOGO
Abstract
Securing public access to various forms of energy (electricity or cooking
energy) is currently one of the major challenges facing the African continent.
Biomass remains the main source of cooking energy, with its harmful
consequences on environmental ecosystems and the health of populations. The aim
of this article was to evaluate an energy access project implemented by a non-
governmental organization (NGO) to popularize improved stoves and solar kits in
rural Togo. A mixed methodology was used, combining questionnaires and semi-
structured interviews. At the end of the analysis, it emerged that the project’s main
successes related to the involvement of beneficiary communities, the high rates of
adoption of improved stoves by households, and the organization of women into
savings and credit groups, thus contributing to their empowerment. However, the
analyses highlighted areas for improvement in terms of the materials used for the
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Luttah ALUORA / Évaluation à mi-parcours d’un projet d’accès à l’énergie en milieu rural : Cas du
projet « empowering communities 2 » au Togo / revue Échanges, n° 021, décembre 2023
stoves. The NGO was also advised to develop new collaborations to ensure the
sustainability of the project.
Key words: Improved stoves, solar kits, environment, rural savings, JVE, Togo.
Introduction
L’accès à l’énergie constitue aujourd’hui une des priorités des pays en
développement, surtout ceux en Afrique subsaharienne. Malgré des avancées
notables ces dernières années, l’Afrique reste le continent où les populations ont le
moins accès à l’énergie. Concernant l’électricité, nonobstant les énormes
potentialités du continent en diverses sources d’énergie traditionnelle (pétrole,
charbon, Uranium) et renouvelable (éolienne, solaire, géothermique, etc.), près de
la moitié de la population africaine n’a toujours pas accès à l’électricité (Banque
mondiale, 2022). Pour ce qui a trait à l’énergie utilisée pour la cuisson, le retard
que connait le continent africain est également grand. Il était estimé en 2022 que
plus de 850 millions d’Africains dépendaient encore du bois et du charbon de bois
comme source d’énergie primaire ou secondaire pour la préparation des aliments
(IPCC, 2022). Le bois et ses dérivés sont utilisés pour la cuisson par la quasi-
totalité des ménages en milieu rural. L’Afrique subsaharienne produit à elle seule
65 % du charbon de bois dans le monde (K. Mensah et al., 2022), et au vu des
tendances actuelles, l’utilisation du charbon de bois devrait rester élevée au cours
des prochaines décennies (J. Rose et al. 2022). Avec la coupe des arbres pour
obtenir le bois de chauffe ou fabriquer du charbon de bois, ces sources d’énergie de
cuisson ont un impact très néfaste sur le couvert végétal en Afrique (J. Alfaro et al.,
2018). Par ailleurs, les risques sur la santé sont également non négligeables (P. Sola
et al. 2017), car la fumée qui se dégage de la combustion du bois est néfaste tant
pour la voie respiratoire que les yeux (O. Bede-Ojimadu et O. Orisakwe 2020).
Cela affecte plus les femmes qui sont en première ligne dans l’utilisation de cette
matière première pour la cuisson. Toutefois, il est difficile aux États d’interdire
cette activité de façon absolue à cause du nombre d’emplois provenant de la
production du charbon de bois, et du fait qu’il s’agit d’une activité économique de
subsistance pour de nombreux ménages pauvres (V. Putti et al., 2015 ; F. Vollmer
et al., 2017). Les tentatives de régulations du secteur n’ont eu qu’un impact très
limité dans la plupart des pays concernés (J. Rose et al., 2022).
Avec une population de 8 095 498 habitants (RGPH, 2022), et un indice de
développement humain qui le classe dans la catégorie « développement humain
faible » (162ème sur 189 pays en 2021) (PNUD, 2022), le Togo fait également face à
ce défi d’accès à l’électricité. Le pays a certes connu des améliorations ces
dernières années, avec un taux d’accès à l’électricité qui est passé de 17 % en 2000
à 55,7 % en 2021 (Banque mondiale, 2021). L’on note toutefois une grande
disparité entre le taux d’accès dans les zones urbaines et celui dans les zones
rurales qui étaient respectivement de 96 % et 24 % en 2021 (Banque mondiale,
2022). Le taux d’urbanisation étant de 42 % au Togo, et le niveau de pauvreté en
milieu rural étant estimé au double de celui en milieu urbain, l’ampleur de l’écart
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Ayemi Akessime LAWANI, Mamadou BOUKARI, N’detigma KATA, Sena ALOUKA, Annette
Luttah ALUORA / Évaluation à mi-parcours d’un projet d’accès à l’énergie en milieu rural : Cas du
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reste très élevée en nombre absolu. Des recherches menées au Togo ont également
montré un accès inégal à l’électricité entre différents groupes sociaux, les plus
pauvres ayant un accès plus restreint (A. Tchagnao et N. Bayale 2021). Au vu des
récentes tendances, l’objectif du pays d’aboutir à un taux d’électrification de 75 %
en 2025 apparait difficile à atteindre. Le Togo n’échappe pas également à la
dynamique régionale en ce qui concerne l’énergie de cuisson, avec la biomasse
représentant en 2009, 97 % de la consommation énergétique totale de la population
(Fin Mark Trust, 2017), entrainant des impacts importants sur les dégradations des
forêts et savanes (A. Kaina et al. 2018).
Face à ces défis, l’accès à l’énergie reste donc au cœur des efforts de
développement des pays africains en général, et du Togo en particulier. Ces enjeux
sont d’ailleurs centraux dans un contexte de changement climatique où l’utilisation
des énergies fossiles est décriée et celles des énergies renouvelables encouragées.
Dans le cadre des objectifs de développement durable (ODD), les pays africains
ont pris plusieurs initiatives pour faciliter l’accès à l’énergie (ODD 7) et financer
des projets d’infrastructures d’électricité (ODD 9). L’État togolais s’est fixé
comme objectif dans le cadre de la Feuille de route gouvernementale 2020-2025
(Projet 27) le « Développement de capacités de production durables et fiables,
notamment dans le solaire et l’hydroélectrique, et le renforcement correspondant
du réseau de transport et de distribution ». Diverses initiatives ont ainsi vu le jour,
avec notamment le projet d’électrification rurale CIZO initié par l’État en
partenariat avec des acteurs du secteur privé pour fournir des kits solaires à des
coûts abordables aux populations rurales. Des organisations non gouvernementales
(ONG) togolaises contribuent également à ces efforts en initiant des projets pour
faciliter l’accès à l’énergie. Le projet « Empowering Communities 2 » en est un
exemple, et cet article a eu pour objectif de faire une évaluation à mi-parcours
dudit projet. Il sera présenté dans les paragraphes suivants d’abord le contexte du
projet, ainsi que les objectifs poursuivis par l’évaluation effectuée. Ensuite,
l’approche méthodologique sera exposée, suivi des résultats de l’analyse. Enfin, il
sera mené une discussion autour des principaux résultats de l’étude.
1. Problématique
Le projet « Empowering Communities » a été lancé depuis 2017, afin de
relever le défi de l’accès à l’énergie abordable au Togo, surtout en milieu rural.
Après une première phase de mise en œuvre qui a couvert la période 2017 à 2020,
la seconde phase « Empowering Communities 2 » a été initiée pour une période de
2021 à 2025. Financé par l’Agence norvégienne de coopération au développement
(NORAD) à travers l’organisation Naturvernforbundet (NNV), le projet est mis en
œuvre dans trois pays africains (Mozambique, Nigéria, Togo). Au Togo, le projet
est porté par l’ONG Jeunes Volontaires pour l’Environnement (JVE), une
organisation fondée depuis 2001et qui intervient sur diverses thématiques qui
peuvent être regroupées en trois axes : (i) énergie, climat et développement ; (ii)
gestion des ressources naturelles ; et (iii) écocitoyenneté.
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guide d’entretien a également été élaboré avec des questions ouvertes destinées à
ces diverses cibles. Tout au long de cette revue documentaire et de l’élaboration
des questionnaires et guide d’entretien, divers échanges ont eu lieu avec des
personnes-ressources clés de JVE, surtout la division chargée des projets et la
direction exécutive. Avant le terrain, les agents de collecte ont été formés sur
l’utilisation du questionnaire et du guide d’entretien.
2.2 Étape de terrain
L’étape de terrain a d’abord débuté par une première collecte de données
tests en utilisant un formulaire Kobo en ligne qui a été rempli par un échantillon de
personnes du staff de JVE (cinq personnes) et des bénéficiaires (sept personnes).
Ensuite, il y a eu une visite faite au siège de l’ONG JVE, au cours de laquelle le
staff de l’ONG a fait une présentation détaillée du projet « Empowering
Community 2 », de ses activités clés et des indicateurs de performance utilisés. Les
réponses provenant de ce questionnaire test ainsi que les échanges avec le
personnel de JVE ont permis de réajuster le questionnaire et le guide d’entretien
final utilisé pour la suite de la collecte.
Le choix des sites de collecte a ensuite été fait après cette première étape
sur la base de représentativité régionale du territoire national. L’on s’est également
assuré que les sites choisis permettaient d’avoir accès aux différentes formes de
mise en œuvre du projet (foyers, kits solaires, groupements d’épargne, écosystème
végétal, etc.). D’autres critères d’ordre pratique ont également été pris en compte
(distance, accessibilité, capacité à mobiliser les bénéficiaires en un temps court). Le
Tableau I présente les sites qui ont ainsi été retenus pour la collecte. Il faut noter
que cette première évaluation s’est focalisée sur la partie sud du pays, notamment
les régions maritimes et des plateaux.
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les écarts et erreurs durant le terrain. Le Tableau II présente les outils de collecte
utilisés et les tailles des échantillons.
3. Résultats et discussions
3.1 Résultats
Suite à l’analyse des données recueillies, les principaux résultats présentés
ici sont relatifs aux plateformes multipartites de gestion des écosystèmes, à l’accès
aux foyers améliorés et aux kits solaires, et aux épargnes constituées par les
ménages.
3.1.1 Durabilité dans l’exploitation de la forêt et des autres ressources
naturelles clés de la communauté.
L’analyse des données a permis de noter que des mesures concrètes ont été
prises pour gérer durablement les ressources naturelles. Les analyses ont fait
ressortir une augmentation du nombre d’accords entre les communautés et JVE, et
au sein des communautés sur les questions de gestion de ressources. Au moment de
l’évaluation, JVE avait déjà signé des conventions de partenariats avec plusieurs
collectivités locales (communes). Ces conventions ont permis à l’ONG d’être
impliquée dans l’élaboration des plans de développement communaux desdites
collectivités. Cela a facilité l’élaboration des plans d’action pour la gestion durable
de leurs ressources naturelles. Par ailleurs, l’on a pu remarquer une augmentation
non seulement du nombre des plateformes locales multipartites, mais aussi du
nombre de parties prenantes participant activement à ces plateformes. Le
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Tableau III fait une synthèse permettant de constater les améliorations obtenues sur
divers indicateurs relatifs au fonctionnement des plateformes. Non seulement le
nombre de plateformes a augmenté, mais la proportion des parties prenantes locales
impliquées s’est également accrue.
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Images : (a) Foyer amélioré à bois de chauffe ; (b) Cheminées de foyer amélioré à bois
de chauffe ; (c) Bois de chauffe utilisé dans les foyers améliorés ; (d) Foyer amélioré à
charbon de bois.
L’accès aux foyers améliorés est lié non seulement à leur disponibilité,
mais aussi à leurs coûts d’acquisition par les ménages. Les analyses des données
ont donc également porté sur la perception des bénéficiaires relativement aux coûts
des foyers. À ce propos, comme l’illustre la Figure 1, 53 % des bénéficiaires
enquêtés jugent les prix abordables ou moins chers. L’on note cependant une
proportion non négligeable (46,6 %) qui juge les prix un peu ou très chers.
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Images : (e) Focus Group avec un groupement de femmes Vô 1 ; (f) Focus Group avec
un groupement de femmes Kpélé.
3.1.3 Capacités financières accrues des ménages
L’analyse des données recueillies montre que les sommes dépensées pour
acheter le charbon de bois ou le bois de chauffe se sont réduites depuis le début du
projet. Cela entraine ainsi une baisse des dépenses liées à l’achat de ces matières
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premières pour la cuisson. Cela contribue à accroitre le revenu annuel moyen des
ménages. En moins de deux ans, les sommes moyennes annuelles dépensées par les
ménages pour l’achat du charbon de bois et du bois de chauffe ont été très réduites
suite à l’adoption des foyers améliorés par les ménages (Tableau VI).
Tableau VI. Sommes dépensées
Données de Janvier
Indicateurs
départ 2023
Somme dépensée pour charbon de bois
75 000 32 500
(FCFA/année)
Somme dépensée pour bois de chauffe
96 000 52 800
(FCFA/année)
Revenu annuel en espèces du ménage
240 000 283 200
(FCFA/année)
Source : Données de terrain, 2023
Les économies ainsi faites par les ménages ont constitué des épargnes au
sein de groupements organisés par le projet. En effet, les enquêtes de terrain ont
montré que le projet a suscité la redynamisation des groupements d’épargne et de
crédit existants, et la création de nouveaux groupements. Comme présenté dans le
Tableau VII, cela entraine une augmentation des épargnes personnelles des
bénéficiaires. Plus encore, ces groupements octroient des crédits à leurs membres à
des taux d’épargne (en moyenne 8 %) qui sont bien en dessous des taux bancaires.
Les femmes constituent la cible principale de la vulgarisation des foyers améliorés,
car étant les principales, et très souvent les seules, utilisatrices des foyers dans les
ménages. Ces groupements d’épargne et de crédit contribuent à l’autonomisation
financière des femmes. Les groupements de femmes rencontrées à Kpélé et dans le
Vo ont déclaré réaliser une épargne moyenne de 38 000 FCFA par an. Durant les
entretiens, ces femmes ont déclaré avoir pu lancer des activités économiques
(maraichage, savonnerie, commerce de céréale, etc.) grâce à ces épargnes et aux
crédits que cela leur a permis de faire.
Tableau VII. Groupes d’épargne et de crédit
Janvier
Indicateurs Données de départ
2023
Nombre de groupes d’épargne et de
crédit créés et ayant achevé leur 14 20
premier cycle d’épargne
Augmentation annuelle en % de
7
l’épargne par personne
Source : Données de terrain, 2023
Les analyses se sont également intéressées à la connexion des groupes
d’épargne et de crédit aux services bancaires formels. Les données collectées ont
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une conservation contrôlée de l’extérieur sont largement moins probants que ceux
produits par des efforts où les peuples autochtones et les communautés locales
jouent un rôle central dans la protection ou la restauration de la biodiversité (N.
Dawson et al. 2021). L’exécution participative du projet constitue donc l’une de ses
principales forces.
Les ménages bénéficiaires du projet « Empowering Communities 2 » ont
pour la plupart déclaré avoir observé une baisse significative de leurs dépenses
énergétiques suite à l’utilisation des foyers améliorés. La mise en œuvre du projet a
permis aux bénéficiaires, surtout aux femmes, de faire des économies en termes de
dépenses énergétiques. Ces observations confirment celles d’études dans d’autres
pays (D. Negashet al., 2021). Dans certains contextes, l’usage des foyers améliorés
est même plus économique que celui du gaz butane. C’est ce qui ressort des
analyses de A. Neema Ciza et de ses coauteurs menées à Bukavu en République
Démocratique du Congo. Suite à leurs analyses des effets de l’utilisation des foyers
améliorés sur le niveau de vie des ménages, ces auteurs notent que, comparée à
l’utilisation du gaz butane, l’utilisation des foyers améliorés à charbon de bois
consommait une proportion plus faible du budget des dépenses alimentaires (A.
Neema Ciza et al., 2019). La présente étude permet également de confirmer dans le
contexte togolais des observations faites ailleurs relatives au fait que les foyers
améliorés peuvent faire gagner du temps et réduire les corvées, surtout pour les
femmes (K. Jagoe et al., 2020 ; P. Krishnapriya et al., 2021). Les données
recueillies dans le cadre de cette étude ont en effet montré que les ménages qui
utilisent les foyers améliorés dans les zones bénéficiaires ont réduit le temps
consacré au ramassage du bois et à la cuisson. Cette réduction en temps pour les
tâches domestiques permet aux femmes de se consacrer à d’autres activités
génératrices de revenus, contribuant ainsi à accroitre leur autonomie (P. Jacquemot,
2019). En outre, la baisse des problèmes respiratoires notée par les bénéficiaires
corrobore les résultats d’autres recherches qui ont porté sur les effets sur la santé
des fourneaux à biomasse. Pour des recherches menées dans divers pays en
développement et utilisant différentes méthodes (K. Cundale et al., 2017 ; K. Dutta
et al., 2007 ; R. Pratiti et al., 2020), les fourneaux améliorés atténuent ces effets sur
le court terme.
En ce qui a trait à la vulgarisation des lampes solaires, cela permet aux
communautés de bénéficier de l’accès à l’information ou à de plus longues heures
de travail nocturne. Les résultats des données collectées dans le cadre de
l’évaluation du projet « Empowering Communities 2 » viennent confirmer des
études menées dans d’autres pays. En Inde par exemple, R. Sharma et ses coauteurs
ont montré que dans les milieux ruraux, les lampes solaires ont permis d’accroitre
le temps d’étude des enfants scolarisés (Sharma et al., 2019). Plus encore, cette
même étude a montré que les dépenses mensuelles liées à l’achat du pétrole
lampant ont baissé (R. Sharma et al., 2019). Au Kenya également, N. Wagner et
ses coauteurs tirent des conclusions similaires après avoir mené leurs analyses sur
des données provenant de plus de 1000 ménages (N. Wagner et al., 2021). Dans la
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projet « empowering communities 2 » au Togo / revue Échanges, n° 021, décembre 2023
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Ayemi Akessime LAWANI, Mamadou BOUKARI, N’detigma KATA, Sena ALOUKA, Annette
Luttah ALUORA / Évaluation à mi-parcours d’un projet d’accès à l’énergie en milieu rural : Cas du
projet « empowering communities 2 » au Togo / revue Échanges, n° 021, décembre 2023
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Ayemi Akessime LAWANI, Mamadou BOUKARI, N’detigma KATA, Sena ALOUKA, Annette
Luttah ALUORA / Évaluation à mi-parcours d’un projet d’accès à l’énergie en milieu rural : Cas du
projet « empowering communities 2 » au Togo / revue Échanges, n° 021, décembre 2023
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