9 Bbiermer

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Hématologie biologique (Pr Marc Zandecki) Faculté de Médecine – CHU 49000 Angers France

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Maladie de Biermer
(et autres carences en vitamine B12)
Sommaire :

- Définition
- Aspects cliniques généraux de la maladie de Biermer
- Hémogramme
- Myélogramme
- Biochimie
- Fibroscopie
- Autres situations de carence en vitamine B12
- Diagnostic différentiel avec les autres macrocytoses
- Traitement

Définition
Le déficit en vitamine B12 est particulièrement fréquent chez le sujet âgé, il a 2 étiologies
principales :

- La maladie de Biermer (30 – 40% des cas)


- La non dissociation de la B12 de ses protéines porteuses (maldigestion ; > 60% des
cas)

Pas de définition consensuelle de la M. de Biermer : c’est une maladie à caractère auto-


immun avec :
- gastrite atrophique
- achlorhydrie histamino-résistante
- défaut de facteur intrinsèque
- malabsorption de la vitamine B12 avec diminution de la concentration en vit. B12
sanguine

La vitamine B12 permet la régénération des coenzymes foliques impliqués dans la


biosynthèse du thymidylate, constituant de l’ADN. Cette perturbation est particulièrement
sensible pour les tissus à renouvellement rapide (hématopoïèse; tractus digestif). Par ailleurs
la perturbation du métabolisme cytoplasmique des neurones (mal élucidé: défaut de
régénération de l’homocystéine ?) induit des troubles neurologiques

1. Aspects cliniques généraux de la maladie de Biermer


Elle survient chez des personnes plutôt âgées (moyenne = 60 ans), avec une
prédominance féminine (1.5/1). Elle atteint principalement les européens, les personnes aux
yeux bleus ou de groupe A (la prévalence est d’environ 1.5% chez les patients de > 60 ans).
Des facteurs génétiques interviennent.

Le syndrome anémique d'installation progressive, insidieuse, est le point d’appel


principal: asthénie, pâleur, dyspnée...Un subictère est fréquent, lié à l’hémolyse
intramédullaire excessive

Absence d’adénopathie et d’hépato-splénomégalie.

Ce seront parfois des signes en rapport avec l'atrophie des muqueuses digestives qui
sont mis en avant (glossite atrophique avec sécheresse buccale, brûlures, langue lisse,
rouge, brillante, dépapillée; dysphagie, douleurs abdominales, troubles dyspeptiques,

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constipation, diarrhée), ou une symptomatologie neurologique (paresthésies, troubles de la


sensibilité profonde par dégénérescence myélinique)

Rechercher une maladie auto-immune associée: diabète de type I, thyroïdite

2. Hémogramme
- Anémie:

l’hémoglobine peut être très basse, parfois < 4 g/dl


VGM élevé, jusqu’à 145 fl
normochrome.
non régénérative (réticulocytes bas)

- Leucopénie , avec neutropénie (jusque 0,5 G/L)

- Thrombopénie (parfois < 50 G/L)


(Le tableau complet est celui d’une pancytopénie macrocytaire non régénérative)

- Frottis sanguin :

* anomalies érythrocytaires: anisocytose, polychromatophilie, macro ovalocytes


(morphologie différente de celle des réticulocytes), poïkilocytose.
Dans les formes les plus sévères, avec Hb < 6 g/dl, on observe des hématies fragmentées
ressemblant à des schizocytes et parfois quelques érythroblastes.

* anomalies morphologiques des granulocytes: présence de granulocytes neutrophiles


de taille augmentée avec noyau hyperlobé (6 – 12 lobes), appelés macropolycytes ou
pléiocaryocytes [responsables de la déviation à droite de la formule d'Arneth par hyper
segmentation nucléaire]

* Présence de plaquettes géantes

Remarque :
Dans les formes sévères (Hb < 6 g/dl) on retrouve des schizocytes, une thrombopénie, des
signes d’anémie hémolytique, correspondant à une « pseudo microangiopathie
thrombotique » (10% des cas)

3. Myélogramme
Moelle très riche, paraissant « bleue » au faible grossissement, du fait d’un excès de
cellules immatures très basophiles et un nombre plus modéré de cellules plus matures.

- Mégacaryocytes : nombre diminué ; taille normale ou augmentée mais difficile à apprécier


car cellules fragiles

- Erythroblastes : nombre variable de 15 à 70%, avec mégaloblastose et autres signes de


dysérythropoïèse.

Quand la carence n’est pas totalement installée deux populations d’érythroblastes (normaux
et mégaloblastiques) peuvent coexister

Les autres signes de dysérythropoïèse sont présents : excès de mitoses (anormales), corps
de Howell Jolly, nombreuses cellules en lyse sur les frottis (les mégaloblastes meurent très

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précocement par apoptose). Cette hémolyse intra médullaire se traduit par des signes
cliniques (ictère) et biologiques (bilirubine, LDH) d’hémolyse.

[physiopathologie: le défaut de reduplication de l’ADN entraîne un allongement considérable


de la durée du cycle cellulaire qui se traduit par des anomalies nucléaires = chromatine
d’aspect immature, perlée, ponctuée, tandis que la maturation cytoplasmique se poursuit
normalement (cytoplasmes géants). C’est l’asynchronisme de maturation nucléo
cytoplasmique (cellules de grande taille avec noyau d’aspect « immature » et cytoplasme de
maturité avancée). Ce mécanisme aboutit aux mégaloblastes (aspect particulièrement net au
stade polychromatophile)].

- Lignée granulocytaire: augmentation de taille des myélocytes et métamyélocytes, ces


derniers avec un noyau anormalement allongé en ruban.
La coloration de Perls n’est pas utile en pratique. Elle montrerait un excès de sidéroblastes à
plus de 3 grains et quelques sidéroblastes en couronne (< 5 %)

divers aspects des mégaloblastes et de la dysérythropoïèse dans la moelle osseuse

Métamyélocytes géants et polynucléaires neutrophiles au noyau hypersegmenté

4. Biochimie
4.1. Dosage de la vitamine B12 plasmatique: essentiellement par techniques de
compétition
Valeurs normales : 200 - 800 pg/ml
Définition standardisée de la carence : cobalamine sérique < 200 pg/ml confirmée à 2
reprises, ou en association à une homocystéinémie > 13 µmol/l.

Dans la M. de Biermer le taux moyen de B12 sérique est de 75 pg/ml

Remarques :
* des résultats de dosages proches des valeurs inférieures de la normale doivent être
interprétés avec prudence (des valeurs normales basses n’excluent pas un début de
carence ; voir plus loin les autres situations de carence en vitamine B12)
* on dose les folates sériques en parallèle, dont la valeur est normale ou augmentée,
alors que les folates érythrocytaires sont souvent bas

4.2. Signes de l'hémolyse intramédullaire:

Augmentation de la bilirubine libre sérique et du fer sérique, diminution de


l'haptoglobine, augmentation massive des LDH (> 30 x N)

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- un bilan martial est utile (fer sérique et capacité totale de fixation de la sidérophiline) pour
apprécier les réserves martiales
NB : l’achlorhydrie gastrique diminue la dissociation du fer alimentaire et la transformation en
fer ferreux, pouvant aboutir à la carence martiale, soit associée à la carence en B12, soit
ultérieurement, lors de la phase de correction de l’anémie.

4.3. Le test de Schilling:

Peu pratiqué actuellement. Il consiste, en parallèle de l’injection d’une dose de


charge en vit B12 pour éviter une absorption non spécifique, de faire absorber de la vit B12
radiomarquée et de suivre la radioactivité urinaire, quasi absente dans la maladie de
Biermer. On peut renouveler le test en faisant absorber de la B12 couplée à du facteur
intrinsèque ce qui normalise le test (on peut également réaliser le test en 1 étape avec de la
B12 marquée avec 2 isotopes différents du cobalt)

4.4. Dosage de la gastrine sérique :

Augmentée jusqu’à > 100 fois la normale (liée au défaut de sécrétion dans le liquide
gastrique; bien différencier d’avec le traitement antisécrétoire, qui est l’autre cause majeure
d’augmentation de la gastrinémie)

4.5. Autres techniques.

Tubage gastrique: apprécie le défaut de sécrétion gastrique et constate l’achlorhydrie avec


pH élevé (5 à 7, alors qu’il est normalement de 1 à 2) (cette achlorhydrie est histamino-
résistante).
Dosage du facteur intrinsèque dans le liquide gastrique: absence
NB : les tubages gastriques sont de moins en moins réalisés

Recherche de signes d’auto-immunité.


* Recherche d’Ac sériques anti – facteur intrinsèque: de type I ou bloquants,
empêchant la formation du complexe B12-FI (spécifiques de la maladie de Biermer) ou de
type II ou facilitants (empêchent la liaison au récepteur iléal). Retrouvés dans 70% des cas,
ils sont donc peu sensibles mais très spécifiques de la maladie.
* Recherche d’Ac anti cellules pariétales gastriques (dirigés contre une ATPase des
cellules pariétales): grande sensibilité (90%) mais faible spécificité (retrouvés chez 15% des
femmes de > 65 ans).
* la maladie de Biermer est souvent associée à un diabète de type I et/ou une
affection thyroïdienne auto-immune (expliquant la positivité fréquente des Ac anti cellules
thyroïdiennes)

5. La fibroscopie gastrique.
* Recherche de signes de gastrite atrophique fundique auto-immune, avec infiltrat
inflammatoire de cellules mononucléées, destruction glandulaire locale et métaplasie
pylorique ou intestinale (atrophie sévère et définitive).
* Recherche de signes d’infection à Helicobacter pylori (on peut compléter par une recherche
d’Ac sériques anti H pylori)
* Recherche de polypes ou d’autres lésions (polypes et de tumeurs endocrines à cellules
entérochromaffine-like (EC-Lomes).

6. Les 3 critères de diagnostic de la maladie de Biermer


Quels sont les 3 critères du diagnostic de maladie de Biermer ?

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1) carence en vitamine B12 (dosages)


2) par maladie gastrique (achloryhdrie totale histamino-résistante au tubage)
3) déficit de sécretion du facteur intrinsèque démontré par
- soit dosage direct par le tubage gastrique
- soit par le test de Schilling avec et sans facteur intrinsèque
- soit par la présence d'anticorps anti-facteur intrinsèque dans le sérum et/ou
le suc gastrique (spécifique mais absent dans au moins 30 % des cas)

NB: la fîbroscopie n'a pas d'intérêt diagnostique. Elle a un intérêt pronostique à la recherche
d'une dégénérescence.

7. Déficits en vitamine B12 en dehors de la maladie de Biermer :


Représentent > 60% des cas de valeurs inférieures à la normale.
Le taux moyen est de 150 pg/ml
L’anémie n’est pas toujours présente, et le VGM peut être encore normal [de plus, dans les
syndromes de maldigestion on peut retrouver une association avec la carence martiale, qui
minore le VGM].

Les principales étiologies sont :

régime végétalien strict depuis plusieurs années (rares)


les syndromes de maldigestion ou de non dissociation de la B12 de ses protéines
porteuses sont les situations les plus fréquentes :
gastrite atrophique non biermérienne, infection chronique à H pylori,
gastrectomie, by-pass gastrique
insuffisance pancréatique externe (éthylisme…)
éthylisme chronique
prise chronique d’antiacides
pullulations microbiennes, SIDA

[exceptionnellement on pourra envisager, surtout chez l’enfant, des déficits congénitaux en


transcobalamine II ou en d’autres enzymes du métabolisme cellulaire]
NB : un traitement par B12 orale est envisageable dans certaines des circonstances ci-
dessous, mais la compliance étant imparfaite, un traitement parentéral est souvent réalisé)

8. Diagnostic différentiel (voir « principales étiologies des macrocytoses »)


- Les exceptionnels déficits congénitaux en vit B12 ou perturbant le métabolisme des folates
- Les carences en folates (dosages)
- Les traitements médicamenteux (enquête)
- les syndromes myélodysplasiques (signes morphologiques de myélodysplasie, blastes)
- L’hypothyroïdie (clinique,…dosages hormonaux)
- les anémies hémolytiques très régénératives
- Erreurs des automates : agglutinines froides, grandes hyperleucocytoses, hyperglycémies.

9. Traitement de la maladie de Biermer


Hydroxo ou cyanocobalamine par voie intramusculaire
Traitement d’attaque (hydroxocobalamine 1000 µg/j tous les 2j x 6 (reconstitution des
réserves) puis 1000 µg/mois à vie. Pour la cyanocobalamine : 1 inj de 1000 µg / j pendant
10 j, puis 1 injection par semaine jusqu’à correction de l’anémie.
Après la première injection de vit B12 (ou après le test de Schilling au cours duquel on
injecte une forte dose de B12) on observe une normalisation des LDH en 24-48 heures, une

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crise réticulocytaire au 8ème jour de traitement, et une normalisation plus tardive de


l’hémoglobine (6 à 10 semaines) avec normalisation progressive du VGM
Réaliser un hémogramme et bilan martial en cours de ttt (4 – 8 semaines) pour rechercher
une éventuelle carence, et traiter celle-ci éventuellement

NB: le risque de cancer gastrique est légèrement augmenté, surtout chez les pts ayant des signes de
dysplasie au diagnostic (10% des cas). On constate surtout dans l’évolution du Biermer une
augmentation du nombre des polypes et de tumeurs endocrines à cellules entérochromaffine-like (EC-
Lomes). Ces tumeurs ont un effet métastasiant faible (doser par principe la chromogranine A) mais on
conseille leur ablation (même si nombreuses) chez les pts jeunes (éviter la gastrectomie totale).En
l’absence de dysplasie ou de lésion cancéreuse initiale:suivi endoscopique tous les 3 – 5 ans chez les
sujets jeunes.
Eradication de H pylori s’il est présent.

Références utiles : Federici et coll, Rev Med Interne, 2006, sous presse
(M Zandecki, sept 2006)

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