10 Thalass
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Les β thalassémies.
Sommaire :
- Physiopathologie
- β thalassémie majeure, homozygote (M de Cooley)
- β thalassémie intermédiaire
- β thalassémie hétérozygote
- formes apparentées aux β thalassémies
1. Physiopathologie
1.1. Aspects moléculaires
Au cours de l’ontogenèse :
Lors du passage de l’état embryonnaire à l’état fœtal :
Commutation ε → γ et ζ → α (vers 10 semaines de gestation)
Les divers gènes de globine sont petits (3 exons et 2 introns) et régulés de manière classique (avec
promoteurs, activateurs, silencers) et des facteurs de transcription (FT ; GATA-1 et NF-E2) activent
ces gènes. Un grand nombre d’anomalies moléculaires peut perturber l’expression d’un ou plusieurs
gènes de globine.
Il y a un seul gène β sur chaque chromosome 11 (qui porte aussi les gènes ε, δ, et γ) ; la
région régulatrice particulière appelée LCR (locus central region) contient les sites hypersensibles sur
lesquels se fixent les FT.
Remarque : les délétions complètes de gènes β sont rares, à l’inverse des α thalassémies
L’inactivation totale ou partielle d’un ou des 2 gènes β aboutit aux divers phénotypes.
Remarques.
- A côté des mutations il existe plusieurs anomalies structurales. Les plus importantes sont le
résultat d’un crossing over inégal entre les gènes δ et β, aboutissant à la formation des gènes Lepore
(produisant une globine avec partie N terminale de δ et C terminale de β) et anti Lepore (l’inverse).
Ces 2 gènes ayant également diverses sous structures, ils donnent naissance à plusieurs types d’Hb
anormales. Les gènes Lepore et anti Lepore ont une aptitude à la production de chaîne de globine
respectivement 10 et 5 fois moindre que celle du gène β globine normal.
Chez l’hétérozygote la diminution de synthèse d’Hb se traduit par la production d’hématies de taille
réduite (microcytose) et un peu hypochromes.
- pâleur cutanéo-muqueuse
- subictère ou ictère.
- Hépatosplénomégalie
2.2. Hémogramme
- Anémie majeure (4 à 7 g/dl), microcytaire (60 – 70 fl) et hypochrome ; liée à une érythropoïèse
inefficace et une hyperhémolyse.
Réticulocytes en nombre normal (< 100 giga/l).
- Sur frottis, microcytes, poïkilocytose avec annulocytes, leptocytes (= hématies en cible aplaties,
de grande taille et très pâles), hématies cible, ponctuations basophiles, et érythroblastémie.
- Leucocytes : nombre normal (veiller aux érythroblastes qui peuvent perturber la numération
leucocytaire) ; parfois hyperleucocytose d’entraînement.
2.3. Myélogramme.
Hyperplasie érythroblastique considérable (60 à 90% d’érythroblastes). On peut observer des
dysmorphies des érythroblastes (présence d’une région claire dans le cytoplasme, correspondant à la
chaîne α précipitée). L’excès de chaîne α favorise l’apoptose des érythroblastes. Erythropoïèse
inefficace. Les histiocytes macrophages sont nombreux et surchargés en fer (en pratique : moelle peu
utile au diagnostic).
2.4. Biochimie.
Sidérémie et ferritinémie élevées, et bilan d’hémolyse perturbé (bilirubine libre, haptoglobine
et LDH sont augmentées)
Electrophorèse de l’hémoglobine :
β 0 thalassémie :
HbF = 50 à 95 % (cette Hb a une affinité accrue pour l’O2)
Hb A2 = 3 à 7%
β+ thalassémie (et double hétérozygote (β 0/β+):
Hb F = 50 à 80%
Hb A = 5 à 45 %
Hb A2 = 3 à 7 %
2.5. Autres.
- Résistance globulaire osmotique : augmentée.
- Recherche de corps de Heinz (coloration avec cristal violet) positive : précipitation de l’excès
de chaînes α normales dans les GR.
- Test de Kleihauer. Résistance de l’Hb F à la dénaturation acide ou alcaline : ici on retrouve une
répartition hétérogène de l’HbF dans les hématies.
- L’allogreffe est possible avec un donneur familial, même si ce dernier est hétérozygote
(greffe de sang de cordon ou médullaire) : c’est la seule technique curatrice.
- Réactivation de la synthèse d’Hb F : avec l’azacytidine ou ses analogues, ou l’hydrea, ou la
5 fluorouracile. Mais effets carcinogènes. Encore au stade expérimental.
3. β thalassémie intermédiaire
Correspond à un ensemble de situations génotypiques pour lesquelles il n’y a pas de
dépendance transfusionnelle :
Remarques :
- L’association α thal avec une β thalassémie homozygote induit un phénotype atténué pouvant
correspondre à celui d’une β thal intermédiaire (surtout quand il s’agit d’une α thal mineure et d’une β+
thalassémie
- Un hétérozygote composé avec 2 gènes de β thal sévère et persistance héréditaire de l’Hb fœtale
présente un phénotype de β thal intermédiaire.
4. β thalassémie hétérozygote.
Etat asymptomatique.
Il a été rapporté un nombre accru de complications thrombotiques dans les β thal mineures.
4.1. Hémogramme.
Sur frottis : microcytose, hypochromie, quelques cellules cibles, pas ou peu d’anisopoïkilocytose ;
parfois 1-2% d’érythroblastes.
Remarques.
- quelques hématies ponctuées chez les pts d’origine méditerranéenne, mais pas chez les
noirs et les asiatiques.
- Hb un peu plus faible chez l’hétérozygote β0 (11.5 g/dl) que chez l’hétérozygote β+ (12.5
g/dl), expliquant l’anémie modérée chez certains patients.
Il existe souvent une augmentation de l’absorption du fer, qui aggrave la surcharge en fer chez les
patients hémochromatosiques.
En cas de carence martiale associée (rare), il y a parfois diminution de synthèse de toutes les
chaînes, et le profil électrophorétique peut redevenir transitoirement normal. A contrôler après
correction du déficit en fer.
Un conseil génétique en pays d’endémie peut être proposé : un taux d’Hb A2>3,5% et un
hémogramme avec microcytose suffisent à détecter un porteur hétérozygote de β thalassémie.
Un crossing over inégal aboutit aux chaînes de globines fusionnées δβ (Lepore) et βδ (anti-Lepore).
A l’électrophorèse, l’hémoglobine Lepore migre près de l’hémoglobine S (et un peu plus rapidement
que A2).
Chez l’homozygote, absence d’Hb A et A2, présence d’Hb F (75%) et d’Hb Lepore.
Chez l’hétérozygote : entre 10 et 20 % d’Hb anormale et 2-5% d’Hb F.
- Thalassémies δβ. Reliées le plus souvent à la délétion d’une partie du cluster génique qui
implique les gènes δ et β, on observe une production réduite ou absente des chaînes δ et β. La
conséquence en est une augmentation de la synthèse de chaîne γ pour essayer de compenser le
déficit en β globine. (assez grande fréquence en Grèce).
* hétérozygote :
Pas de signes cliniques.
Hémogramme subnormal (pas ou très peu d’anémie)
Electrophorèse de l’Hb : Hb A2 : N ou dim. et Hb F : 5 – 20 %
- Thalassémies δ . Diverses mutations sur les gènes δ aboutissent à une diminution (δ+ thal) ou à
une absence totale (δ0 thal) de synthèse de chaîne δ. Il n’y a pas de traduction clinique.
Etat non pathologique au cours duquel les gènes γ demeurent actifs au cours de la vie
adulte : il persiste une quantité élevée (5 – 30 %) d’HbF chez un adulte en l’absence de toute
anomalie hématologique.
Elle est liée à divers types de délétions (qui retirent) ou de mutations (qui inhibent) les gènes δ et β.
Remarque : il existe des formes délétionnelles (délétion des gènes β et δ) où les gènes Gγ et Aγ sont
simultanément exprimés (rapprochement d’une séquence activatrice « enhancer » située en 3’ et
normalement trop éloignée pour agir sur ces gènes) et des formes non délétionnelles où soit le gène
Gγ soit le gène Aγ demeure actif (mutation ponctuelle du promoteur d’un des deux gènes).
Les α thalassémies.
Sommaire :
- Physiopathologie
- 4 gènes α atteints : α° thalassémie homozygote (hydrops fœtal )
- 3 gènes α atteints : Hémoglobinose H :
- 2 gènes α atteints : α thalassémie mineure ou de type 1
- 1 gène α atteint : α thalassémie silencieuse ou de type 2
- Association α thalassémie et drépanocytose
- Diagnostic différentiel des syndromes thalassémiques, et conseil génétique
1. Physiopathologie
On trouve sur chaque chromosome 16 (16p13.3) 2 gènes α, presque identiques l’un à l’autre. Le gène
α1 est en 3’ et le gène α2 est en 5’ : le niveau de transcription est 2,5 fois plus élevé pour le gène α 2.
Remarque : les α thal ont rarement une origine non délétionnelle : mutations ponctuelles ou
altérations oligonucléotidiques. La plus fréquente est la mutation Constant Spring (Asie du SE) où un
codon « stop » est changé, aboutissant à une chaîne α plus longue. Le phénotype est celui d’une
absence de synthèse de chaîne α par le chromosome correspondant.
Excès relatif de production des chaînes γ et β lié au défaut plus ou moins majeur de chaîne α :
Il se forme des tétramères γ4 (Hb Bart) et β4 (Hb H), relativement stables.
L’érythropoïèse inefficace est moins intense que pour les β thal, mais la composante hémolytique
est plus nette. Les GR sont rigides et hyperhydratés : ils contiennent des tétramères β4 (Hb H) ce qui
induit une élimination plus rapide par la rate. Ces tétramères sont colorables avec les colorants
supravitaux (bleu de crésyl brillant) : les GR apparaissent avec de nombreuses grosses ponctuations,
avec parfois un aspect en balle de golf (aspect plus net chez les splénectomisés).
Le fœtus ne peut produire ni Hb F ni Hb A, et l’Hb Bart γ4 ne fixe pas l’O2, ce qui explique
l’incompatibilité avec la vie extra utérine.
Hémogramme : anémie majeure, avec hémoglobine = 3 – 8 g/dl ; VGM < 80 – 90 fl. Erythroblastose
sanguine majeure > 100 / 100 leucocytes), avec anisopoïkilocytose majeure, hématies cibles,
hypochromie…
Electrophorèse de l’Hb :
Hb Bart’s (γ4), Hb H (β4) et Hb Portland chez le fœtus ou à la naissance.
Fréquente en Asie du SE (gène « -- » fréquent), un peu moins au Moyen Orient et rare en Afrique
(gène « -- » rare).
3.1. Clinique
Anémie hémolytique dès la naissance.
Splénomégalie constante, hépatomégalie moins nette.
Ictère.
Le traitement est rarement nécessaire, mais il faut surveiller le risque infectieux et l’utilisation
de médicaments oxydants qui peuvent amplifier l’anémie, et provoquer des crises hémolytiques. La
grossesse majore l’anémie.
On retrouve les corps de Heinz : l’incubation des globules rouges une heure à 37° C dans le
bleu de crésyl brillant montre des précipités ponctués ayant parfois un aspect en balle de golf dans
quelques GR ( = précipités d’hémoglobine H (=β4) instable).
3.4. Autres.
S’observe au cours de LAM, érythroleucémies, SMD (ARSI), LAL. Surtout sujets âgés et hommes ;
pas d’anomalie de structure des gènes alpha, mais diminution de la quantité de mRNA des chaînes
alpha
Aspect de double population érythrocytaire à l’hémogramme
Electrophorèse :
A la naissance jusqu’à 5 % d’hémoglobine Bart’s.
Normale chez l’adulte (quelquefois diminution de A2 : < 2%, et hémoglobine F normale)
Diagnostic de certitude : soit sur les antécédents familiaux, soit étude in vitro de la biosynthèse
des chaînes α (irréalisable en routine), soit biologie moléculaire.
Pour le conseil génétique il faut bien séparer l’ α thal mineure et les thal β et δ mineures
Hb S hétérozygote et -α/αα 30 – 35 %
Hb S hétérozygote et -α/-α 20 – 30 %
(le gène -- est très rare dans la race noire et l’HbS avec hémoglobinose H est très rare)
Diagnostic différentiel
Eliminer les autres causes d’anémie hémolytique avec la réaction de Coombs, la résistance
osmotique, l’autohémolyse (hémoglobinose H acquise !), les enzymopathies.
Eliminer les autres causes de microcytose : carence martiale, inflammation, les
hémoglobinoses C, D, et E (exceptionnellement une anémie sidéroblastique, mais il y a souvent une
double population de GR)
Les techniques moléculaires permettent chez les pts dépendants des transfusions une définition
précise de l’anomalie en cause, étape essentielle au ttt le plus approprié.
Elles aident aussi le conseil génétique, en sachant qu’il n’y a pas toujours une relation étroite entre
phénotype, et génotype : dans toutes les situations difficiles il faut associer clinique, hématologie et
génétique.
L’analyse de la synthèse des chaînes de globine in vitro est réalisable (laboratoires très spécialisés)
Le diagnostic anténatal ainsi que celui des 4 niveaux de délétion est possible par PCR.
Le prélèvement de villosités chorioniques permet un diagnostic anténatal à 10 – 12 semaines.