Maladie de BIERMER

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Pr. E. KAFANDO.

Université JKZ, UFR/SDS – Laboratoire d’Hématologie

LA MALADIE DE BIERMER
Prérequis : érythropoïèse, métabolisme de la vitamine B12 et de l’acide folique,
physiologie du globule rouge
Objectifs :
1) Définir l’anémie de Biermer
2) Citer trois groupes de signes cliniques de la maladie de Biermer
3) Décrire trois résultats de l’hémogramme de l’anémie de Biermer
4) Citer quatre diagnostics différentiels de la maladie de Biermer
5) Enumérer trois examens biologique du diagnostic positif de la maladie de
Biermer
6) Enoncer les principes du traitement de la maladie de Biermer
1. Généralités
1.1. Définition
La maladie de Biermer est une gastrite atrophique auto-immune responsable d’une
carence en vitamine B12 par malabsorption de la vitamine B12 par défaut de
sécrétion en facteur intrinsèque gastrique. Elle est souvent associée à une maladie
dysimmunitaire (diabète, thyroïdites d’Hashimoto…)
1.2. Intérêt
L’intérêt de notre leçon est triple
 Epidémiologique : Elle est plus fréquente chez la femme et est surtout
découverte vers 60 ans, antécédents de pathologie auto-immune : thyroïdite
d’Hashimoto, maladie de Basedow, diabète insulino-dépendant, lupus, syndrome de
Sjögren, vitiligo …
 Thérapeutique : traitement à vie de vitamine B12 par voie injectable
 Pronostic : surveillance régulière, car la maladie de Biermer fait le lit du cancer
Gastrique.
1.3. Rappels
La vitamine B12 est d’origine alimentaire. Elle permet la régénération des
coenzymes foliques impliqués dans la biosynthèse du thymidylate, constituant de
l’ADN.

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1.4. Physiopathologie
En absence de vitamine B12 la synthèse de la thymine est perturbée. Cette
perturbation est particulièrement sensible pour les tissus à renouvellement rapide :
o Hématopoïèse : ces anomalies intéressent les globules blancs, les
Plaquettes et sont plus marquées sue les globules rouges
 asynchronisme de maturation nucléo-cytoplasmique
Le défaut de reduplication de l’ADN entraine un allongement considérable du cycle
cellulaire, qui se traduit par des anomalies nucléaires (chromatine paraissant encore
immature, perlée, ponctuée) tandis que la maturation cytoplasmique se poursuit
normalement). Ceci aboutit à un asynchronisme de maturation nucléocytoplasmique :
cellules de grande taille avec noyau d’aspect « immature » contrastant avec un
cytoplasme de maturité avancée que l’on appelle mégaloblastes.
 processus d’avortement intramédullaire donnant un contraste
entre une moelle riche et le taux faible de réticulocytes (pancytopénie périphérique)
Nombreuses cellules en lyse sur les frottis : les mégaloblastes meurent très
précocement (apoptose), expliquant l’aspect « bleu » (nombreuses cellules
immatures) et le contraste avec une pancytopénie périphérique. Ceci correspond à
l’hémolyse intramédullaire.
o Neurologiques : perturbation du métabolisme cytoplasmique des
neurones induit des troubles neurologiques.
o Digestif : Perturbation au niveau du tractus digestif à l’origine de
troubles digestifs
Le mécanisme auto immun est à l’origine de l’atrophie gastrique. On observe une
apparition
 d’anticorps anti cellules pariétales gastriques dans le sérum,
 d’anticorps anti FI dirigés contre le récepteur de la vitamine B12

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Diagnostic positif
1.5. Signes cliniques
1.5.1. Circonstances de découverte :
Elle survient le plus souvent après 60 ans et serait plus fréquente chez la femme.
On note une altération de l'état général, asthénie, pâleur, dyspnée d'effort, asthénie
qui révèle le syndrome anémique,
Il peut s’agir d’une anorexie spécifique (dégoût pour la viande, graisses), ou des
vomissements. L’interrogatoire recherchera
o Existence de grande dénutrition,
o Diarrhées chroniques, un alcoolisme,
o Résection digestive,
o Existence de troubles dyspeptiques (alternance de diarrhée capricieuse
et constipation)
1.5.2. Examen clinique
1.5.2.1. Syndrome anémique est en général au premier plan :
o bien supporté car d'installation progressive
o pâleur cutanéo-muqueuse
o signes hypoxiques habituels (tachycardie, dyspnée …).
o isolé du point de vue hématologique
 sans fièvre ni symptomatologie hémorragique.
 sans adénopathie ou de splénomégalie
o Parfois un ictère trompeur peut être présent (lors d’une hémolyse intra-
médullaire importante).
1.5.2.2. Signes digestifs
Ils sont fréquents traduisant l’atteinte de la muqueuse gastrique.
• Glossite atrophique de Hunter (rare) : langue lisse, dépapillée, rouge, brillante,
brûlure linguale, gène douloureuse à l’alimentation, goût métallique
• Sécheresse buccale, aphtes à répétition,
• Douleurs abdominales peuvent être présentes
2.2.2.3. Signes neurologiques
Ils sont rares mais plus graves. Ils sont en effet invalidants et peu ou pas réversibles
 Troubles de la sensibilité profonde (par dégénérescence myélinique)
 Paresthésies des extrémités des membres inférieurs, augmentation des

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réflexes ostéo-tendineux (vifs et exagérés)


 Atteinte pyramidale, signes ataxo spamodiques
 Syndrome cordonal postérieur

2.2.2.4. Signes cutanés : Mélanodernie peut s’observer chez le sujet noir

1.6. Signes biologiques


Les examens biologiques doivent être réalisés avant tout traitement vitaminique ou
transfusionnel
1.6.1. Hémogramme
o anémie : d’intensité profonde 50 à 60 g/l
o macrocytose franche avec un VGM > 120fl
o normochrome : CCMH normale
o aregénérative : réticulocytes < 150G/L
 Leucocytes : leuco-neutropénie
 Plaquettes : Thrombopénie
Tableau de pancytopénie
 Frottis sanguin
o Anomalies érythrocytaires évocatrices de dysérythropoïèse
 Anisocytose,
 anisochromie
 poïkilocytose
 ponctuations basophiles
 pseudo-schizocytes
 parfois érythroblastes
o Polynucléaires hyperlobés déplacement de la formule d’Arneth
vers la droite c.a.d. la présence polynucléaires à plus de 5 lobes)
o Macrothrombocytes
Ce tableau classique fait d’une bicytopénie ou d’une pancytopénie avec
macrocytose franche va imposer la réalisation du myélogramme et des
dosages vitaminiques
Il est obligatoire devant ce tableau de pancytopénie. Il va montrer :
 Au faible grossissement

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o Moelle très riche contrastant avec la pancytopénie (Insuffisance


médullaire qualitative)
o Les mégacaryocytes sont de taille augmentée, noyau également
hyperlobé.
o Moelle est « bleue » du fait d’un excès de cellules immatures très
basophiles et un nombre plus modéré de cellules plus matures (retard de division
cellulaire) il existe un avortement intra medullaire des formes les plus matures)
 Au fort grossissement (100)
o affirmer la mégaloblastose médullaire
o asynchronisme de maturation nucléo-cytoplasmique qui intéresse les
trois lignées mais prédominant sur la lignée érythroblastique
o signes de dysérythropoïèse marqué :
 érythroblastes sont augmentés, représentant plus de 25% des
cellules nucléées.
 érythoblastes de morphologie normale accompagnant les
mégaloblastes caractéristiques :
• Grande taille (25 à 27 μ),
• Cytoplasme abondant se chargeant avec retard mais
normalement en hémoglobine
• Noyau gros à la chromatine fine, dispersée en petits
points (« aspect perlé »),
• Troubles de l’expulsion du noyau avec des érythroblastes
acidophiles comportant des noyaux fragmentés, anneaux de Cabot et corps de Jolly.
 images de division des érythroblastes en excès
 une coloration de perls peut montrer quelques rings
sidéroblastes
o La dysgranulopoïèse montre une augmentation de taille des
myélocytes et des métamyélocytes au noyau anormalement allongé (rubanné) avec
des granulocytes matures au noyau hypersegmenté chromatine lâche peu motté
o Absence d’envahissement par des cellules blastiques.

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Au total, le myélogramme permet d’affirmer le diagnostic d’anémie mégaloblastique


sans en préciser ni l’origine (déficit en B12 ou en folates) ni le mécanisme. Ce
tableau d’anémie mégaloblastique doit nous faire réaliser les dosages vitaminiques.

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1.6.2. Dosage vitaminique B12 et acide folique

 Dosage de la vitamine B12 plasmatique revient abaissé < à 100


pg/ mL.
 Dosage des folates sériques en parallèle

1.6.3. Autres examens biologiques


 Signes d’hémolyse intra-médullaire
o augmentation des LDH,
o diminution de l’haptoglobine,
o augmentations de la bilirubine totale et de la bilirubine libre en
o augmentation du fer sérique
 Bilan martial (recherche de carence associée)
 Groupage sanguin et bilan pré-transfusionnel
 La coloration de Perls
Confirme la dysérythropoïèse, avec excès de sidéroblastes à plus de 3 grains et
quelques sidéroblastes en couronne représentant moins de 15% des sidéroblastes
en couronne.

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2.3. Diagnostic de la maladie de Biermer


2.3.1. Fibroscopie oeso-gastro-duodénale et biopsie de la muqueuse
Montre une gastrite atrophique irrréversible siégeant au niveau du fundus. Une
biopsie de muqueuse est faite à la recherche d’un adénocarcinome gastrique
(augmentation du risque de cancer gastrique).
Au cours de la fibroscopie, un tubage gastrique peut être effectué. Il aprécie :
• le défaut de sécrétion gastrique et constate l’achlorhydrie (diminution de
l’acidité gastrique histamino résistante) avec pH élevé compris entre 5 à 7, alors qu’il
est normalement de 1 à 2.
• Achylie : diminution de la sécrétion gastrique
• Le dosage du facteur intrinsèque montre son absence

2.3.2. Immunologie
• Présence d’auto Ac sériques anti cellules pariétales gastriques retrouvés dans
90% des cas mais non spécifiques du Biermer car présents dans d’autres maladies
auto immunes
• Présence d’auto Ac anti-FI moins fréquents mais plus spécifiques (50% des
cas). Ils sont de deux types.
o Auto Ac anti-FI type 1 (bloquants) : spécifiques de la maladie de
Biermer, bloquent le site de fixation de la vitamine B12 sur le facteur intrinsèque
empêchant la formation du complexe B12-FI.
o Auto Ac anti-FI type II (précipitants IgG +++, IgA) : se fixent sur le FI et
empêchent la liaison du complexe au récepteur iléal
• Recherche d’anticorps anti ADN, et d’Ac anti thyroïdien (Biermer se voit avec
les dysimmunités), dosage de la TSH.

2.3.3. Dosage de la gastrine sérique


ll est normale ou augmentée et signe l’hyperplasie endocrine de la muqueuse antrale

2.3.4. Le test de Schilling : peu pratiqué actuellement.

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3. Diagnostic différentiel
Il se fera avec les principales étiologies des macrocytoses (cf. anémie macrocytaires)
Les autres causes de déficit en vitamine B12

o Carence d’apport : Rare car cela nécessite un régime prolongé et


strict sans alimentation d’origine animale (végétaliens).
o Les autres troubles de l’absorption liés au FI : Les gastrectomies
totales

4. Traitement
4.1. Buts
Apporté la vitamine B12 par un traitement substitutif à vie par voie parentérale.
4.2. Moyens
L’hydroxocobalamine est mieux retenue et plus active que la cyanocobalamine.
• Traitement d’attaque :
o vitamine B12 par voie intramusculaire 1000 µg /j pendant 7 jours
o puis 1000 µg / semaine pendant un mois
• Traitement d’entretien : 1000 µg /mois à vie
 Administration parallèlement de folate (Tardyferon B9)
• Administration concomitante de fer per os pour prévenir la carence martiale

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4.3. Surveillance
Les patients doivent être informés du risque que leur ferait courir une interruption
thérapeutique. Un arrêt du traitement est suivi d’une rechute.
o Aggravation des troubles hématologiques
o Agravation des troubles neurologiques. Lorsque le syndrome neurologique
est installé la régression des symptômes par apport de vitamine B12 est très
modeste.
o Agravation de la glossite
L’atrophie gastrique => prédispose au cancer gastrique imposant une surveillance
fibroscopie annuelle.
Surveiller la fonction thyroïdienne (TSH et Ac anti-thyroïdiens)
4.4. Résultats
L’évolution est favorable. Après la première injection de vit B12 on observe une
normalisation des LDH en 24-48 heures, une crise réticulocytaire au 8ème jour de
traitement, et une normalisation de l’hémoglobine plus tardivement (6 à 10 semaines)
avec normalisation progressive du VGM. Le taux de leucocytes et de plaquettes va
revenir à la normale et la mégaloblastose va disparaître de la moelle osseuse.
Normalisation de tout le tableau après deux mois de traitement.

Conclusion
La maladie de Biermer se traduit par une insuffisance médullaire, qui est
complètement résolutive au traitement par vitamine B12 en quelques semaines.

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