Perceptions Public

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perceptions du public

des cinémas Art et Essai


analyse qualitative

octobre 2006
Cette étude a été réalisée par :

Daniel Bô, Claire-Marie Lévèque, Simon Moutairou

12 bis, rue Desaix 75015 PARIS


Tél : 01.45.67.62.06
Fax : 01.45.67.41.44
www.qualiquanti.com

sur une commande du :

Centre national de la cinématographie


Service des études, des statistiques et de la prospective

Emmanuel Cocq, Benoît Danard, Caroline Jeanneau, Sophie Jardillier

12 rue de Lübeck 75784 Paris Cedex 16


Tél : 01.44.34.38.26
Fax : 01.44.34.34.55
www.cnc.fr

2 perceptions du public des cinémas Art et Essai


perceptions du public des cinémas Art et Essai 3
Sommaire

SOMMAIRE ................................................................................................................................. 4

OBJECTIFS ................................................................................................................................. 5

MÉTHODOLOGIE ......................................................................................................................... 6

SYNTHÈSE ................................................................................................................................. 7

I. LE PUBLIC DU CINÉMA D’ART ET ESSAI ................................................................................. 12


A. Les caractéristiques et attitudes du public Art et Essai................................................. 12
B. Les motivations vis-à-vis du cinéma Art et Essai .......................................................... 13

II. PERCEPTION DE L’ART ET ESSAI .......................................................................................... 16


A. Définition de la notion d’Art et Essai pour les spectateurs ............................................ 16
B. L’expression « Art et Essai » ........................................................................................ 17
C. L’image de l’Art et Essai ............................................................................................... 19

III. VÉCU ET PRATIQUES AUTOUR DU CINÉMA D’ART ET ESSAI..................................................... 20


A. Evolution de la consommation de cinéma d’Art et Essai .............................................. 20
B. Le cinéma d’Art et Essai et le jeune public ................................................................... 22
C. Impacts du cinéma d’Art et Essai en vidéo sur la fréquentation des salles .................. 22
D. Les modalités de consommation du cinéma d’Art et Essai........................................... 23
E. S’informer sur le cinéma d’Art et Essai ......................................................................... 24
F. Les types d’informations attendues par les spectateurs ............................................... 27

IV.PERCEPTION DE L’OFFRE DE FILMS ART ET ESSAI ................................................................. 30


A. Identification des films Art et Essai par les spectateurs ................................................ 30
B. Perception de l’offre de films Art et Essai ..................................................................... 32
C. Perception de la classification Art et Essai pour les films ............................................. 32

V. PERCEPTION DES ÉTABLISSEMENTS ART ET ESSAI ............................................................... 34


A. Typologie du parc de salles .......................................................................................... 34
B. Les noms des établissements Art et Essai ................................................................... 36
C. L’ambiance et le confort ................................................................................................ 37
D. La politique tarifaire.......................................................................................................41
E. La programmation ......................................................................................................... 42
F. Les animations et axes de renouvellement attendus .................................................... 45
G. Les projections en plein air ........................................................................................... 48

VI.COMMUNICATION ET INFORMATION SUR L’OFFRE ART ET ESSAI ............................................. 49


A. Les labels utilisés pour l’Art et Essai............................................................................. 49
B. Perception globale de la communication ...................................................................... 50
C. Les outils de communication existants ......................................................................... 51

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Objectifs

Le Centre national de la cinématographie a souhaité mener une étude qualitative sur le


public des salles Art et Essai afin d’appréhender la diversité de la perception des spectateurs
vis à vis des établissements cinématographiques classés Art et Essai. Cette étude a été
réalisée par l’institut QualiQuanti

L’étude examine en priorité :

- l’image de ce circuit de distribution par rapport au circuit commercial ;

- les comportements des spectateurs de ces salles ;

- les perceptions vis-à-vis du confort et de la taille des écrans de ces salles ;

- le fonctionnement des salles Art et Essai comme salles de proximité ou comme lieux
de vie ;

- les perceptions de la programmation et de l’animation (choix des films, accueil,


composition de l’avant séance, cycles, valeur ajoutée éditoriale, diffusion de courts-
métrages, …) ;

- les perceptions vis-à-vis des politiques commerciales et de la communication de ces


établissements (prix des places, cartes de fidélité, politique horaire, affichage, relations
avec les spectateurs) ;

- les attentes du public vis-à-vis du cinéma d’Art et Essai en général.

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Méthodologie

Cette étude qualitative s’appuie sur trois réunions de groupes qui se sont tenues au cours du
mois d’octobre 2005.
Le premier groupe, réuni à Paris, a rassemblé 7 femmes et 3 hommes âgés de 24 à 54 ans
pour une discussion de 4 heures. Le deuxième groupe, organisé à Lille, réunissait 5 femmes
et 3 hommes âgés de 23 à 57 ans. La réunion a duré 3h45. Enfin, le dernier groupe, réuni à
Nantes pendant 3h45 également, rassemblait 6 femmes et 3 hommes âgés de 30 à 56 ans.
Au cours de ces réunions, ces spectateurs, sous l’égide d’un animateur, se sont exprimés
sur leurs expériences et leurs attentes vis-à-vis du cinéma d’Art et Essai.

Le recrutement des participants s’est effectué selon quatre critères :


- être spectateur régulier ou occasionnel de films d’Art et Essai en salles (avoir vu au
moins une dizaine de films au cours de l’année 2005) ;
- fréquenter plusieurs salles de cinémas ;
- être âgé de 25 à 55 ans ;
- avec une légère dominante féminine.

Cette phase de réunions a été complétée par une enquête d’approfondissement administrée
par Internet auprès de 228 spectateurs Art et Essai. Le questionnaire, d’une durée de 20
minutes, comportait des questions fermées et quelques questions ouvertes dont les
réponses ont fait l’objet d’une analyse qualitative systématique.

Avertissement
Comme toute étude qualitative s’appuyant sur des réunions de groupes, cette étude ne fait
que restituer des avis exprimés par les spectateurs interrogés, sans aucun parti pris, et les
analyses exposées dans ce document ne prétendent à aucun objectif d’exhaustivité.

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Synthèse

Le Centre national de la cinématographie a souhaité mener une étude qualitative sur le


public du cinéma d’Art et Essai : ses motivations, ses pratiques de consommation, ses
perceptions de l’offre, son expérience des établissements et ses attentes. Cette étude a été
réalisée par l’institut QualiQuanti.

L’Art et Essai : un cinéma extrêmement valorisé qui suscite un fort attachement


Les origines du goût pour l’Art et Essai sont souvent anciennes et familiales, avec une
initiation des spectateurs qui peut remonter à l’enfance, une pratique culturelle et une
sensibilité qui se transmettent souvent de génération en génération. Les premières
expériences de cinéma Art et Essai sont souvent marquantes pour les spectateurs, qui sont
capables de citer plusieurs films les ayant profondément touchés.
Le cinéma d’Art et Essai est porteur de valeurs positives très fortes : la culture, l’ouverture
d’esprit, l’expérience artistique, la réflexion, l’émotion, l’exigence, la créativité, etc. Pour les
spectateurs, c’est un cinéma qui se veut « œuvre », qui propose une vision, un point de vue
d’auteur, qui touche réellement le spectateur, voire le bouscule dans le bon sens du terme.
Le cinéma d’Art et Essai est vécu par les spectateurs comme une expérience extrêmement
stimulante et hautement satisfaisante : c’est un cinéma qui est très fidélisant, amenant un
public assidu.
La qualité et la richesse de l’offre Art et Essai en France (étendue du parc d’établissements
et programmation) sont perçues par le public comme une véritable chance en comparaison à
d’autres pays, notamment anglo-saxons.

L’Art et Essai n’est pas une catégorie objective, elle est potentiellement très ouverte
La catégorie Art et Essai est assez difficilement délimitable pour les spectateurs. Elle se
situe entre deux pôles :
- avant tout, la notion d’Art et Essai est principalement définie par une série
d’oppositions parfois manichéennes avec le cinéma grand public ou « commercial »,
avec des critères assez exigeants, puristes, voire un peu élitistes ;
- dans le même temps, elle peut être très ouverte, incluant une grande variété de films,
dès lors qu’ils apportent un bénéfice d’ordre artistique, intellectuel et émotionnel, sans
exclure nécessairement le plaisir divertissant.

Pour les spectateurs, la notion d’Art et Essai couvre donc une palette très diversifiée de
cinémas, entre un pôle « puriste » et un pôle « ouvert », avec des films ancrés dans la
sphère « auteur » de façon plus ou moins nette.
Ainsi, ils reconnaissent des films clairement Art et Essai et des films clairement commerciaux
mais, entre les deux, existe une nébuleuse de films dont la nature est incertaine. Certains
spectateurs acceptent de voir qualifiés d’Art et Essai des films très accessibles au grand

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public, dans une volonté d’ouverture ; d’autres, plus puristes, plus parisiens, considèrent que
l’Art et Essai ne devrait pas se vulgariser.
Cette absence de frontière claire et la nature subjective de la catégorie Art et Essai est un
point positif ; elle évite de « ghettoïser » ce cinéma dont la majorité des spectateurs
attendent de la mixité et une certaine ouverture, que ce soit en termes de salles ou de films.

Les pratiques spécifiques du public Art et Essai


Une sortie qui nécessite de l’organisation
La programmation des cinémas d’Art et Essai est plus complexe que celle du réseau
commercial (une salle sur une semaine, horaires systématiques et fixes,…) : le choix d’une
séance Art et Essai est donc plus délicat pour les spectateurs (durée d’affiche plus courte,
horaires limités,…).
L’Art et Essai souffre également d’un accès à l’information plus compliqué compte tenu de la
dispersion de l’offre. La sortie cinématographique nécessite donc une attitude plus
volontariste et demande un effort d’organisation. Dans la pratique, les spectateurs sont
parfois frustrés de ce manque de facilité, tout en valorisant cette spécificité d’un cinéma qui
« se mérite ».

Une fréquentation multi-salles


Compte tenu de l’offre très abondante à Paris, les spectateurs parisiens et franciliens
fréquentent trois salles différentes au minimum. En province, la grande majorité des
spectateurs ne fréquentent qu’un à deux cinémas assidûment. Il peut cependant leur arriver
de faire plusieurs kilomètres pour une programmation motivante.

Une sortie plutôt solitaire


Alors que les films grand public sont en général vus à plusieurs -en famille, avec des amis-,
les films Art et Essai sont plutôt l’objet d’une sortie en solitaire. Cette pratique fait écho à la
dimension intime et au mode de réception individuel de ce type de cinéma, en opposition
avec la notion de ‘’culture de masse’’.

La recherche de la V.O.
Les spectateurs associent fortement la notion d’Art et Essai à la version originale, comme
seul moyen d’appréhender l’œuvre originale. Pour un film Art et Essai, ils choisissent en très
grande majorité la version originale alors qu’une même proportion d’entre eux peuvent opter
pour la version doublée d’un film grand public.

Le DVD : un moyen complémentaire d’accès à l’Art et Essai


La majorité des spectateurs interviewés déclare que leur consommation vidéo n’a pas
d’incidence sur leur fréquentation des salles Art et Essai. Plus encore que le grand public,
les amateurs de cinéma d’Art et Essai insistent sur le caractère incomparable d’une
projection en salle, trop précieuse et irremplaçable pour eux. Le DVD est néanmoins
apprécié pour découvrir un auteur, avoir systématiquement accès à la version originale, voir
des films qui ne sont pas ou plus programmés en salles, accéder aux commentaires de
réalisateurs, etc.

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L’Art et Essai et le jeune public
Dans l’image actuelle du cinéma d’Art et Essai, la notion de divertissement et de légèreté est
aujourd’hui relativement exclue. Ainsi, de nombreux parents n’associent pas spontanément
ce type de cinéma avec des films que pourraient voir leurs enfants. Le cinéma d’Art et Essai
comporte pourtant des affinités avec le jeune public :
- des salles plus intimes et à dimension humaine, moins impressionnantes que les
grands complexes ;
- une offre importante et variée de films d’animation peu connus des jeunes
spectateurs français, alors qu’ils sont déjà bien familiarisés avec ces univers formels ;
- des grands classiques intemporels et universels (ex : Peau d’Âne, les Chaplin, …)
toujours en mesure de séduire le jeune public d’aujourd’hui.

Les parents spectateurs attendent des salles Art et Essai des programmations originales, en
particulier dans le domaine du film d’animation, et qui soient complémentaires avec les
programmes pour enfants accessibles à la télévision.
Les salles qui valorisent bien leur programmation pour enfants trouvent un public fidèle et
très satisfait, notamment lorsque les projections sont accompagnées d’une animation, sous
forme de goûter ou de discussion pédagogique par exemple. Pour les parents amateurs de
cinéma d’Art et Essai, il est très important d’encourager la cinéphilie de leurs enfants.

L’établissement Art et Essai : un lieu « à part »


Les spécificités des salles Art et Essai constituent un aspect important dans les motivations
des spectateurs. En effet, l’établissement Art et Essai est vécu comme un lieu à part.
Il représente une certaine conception de la salle de cinéma, comme havre de calme et de
réflexion, à l’opposé de l’ambiance commerciale, épileptique et publicitaire des complexes
grand public. De même, les salles, très souvent anciennes, sont ressenties comme étant
chargées d’histoire et de culture. Cette dimension leur confère un charme très apprécié des
spectateurs. Par ailleurs, leur dimension « humaine » permet de les identifier comme des
lieux intimes adaptés à une réception plus qualitative et plus profonde des œuvres. Eloignée
des standards modernes des complexes, la salle Art et Essai apparaît comme un écrin pour
une œuvre différente ; elle contribue à affirmer le statut « à part » des films Art et Essai, qui
se découvrent davantage qu’ils ne se consomment.

Des salles particulières en termes d’ambiance et de confort


Une ambiance authentique
Pour les spectateurs, l’ambiance des salles Art et Essai est un point de différenciation
majeur d’avec les cinémas « commerciaux » : une ambiance plus humaine, moins anonyme,
un côté rétro, le charme de lieux chargés d’un vécu, un décorum plus sobre, une dimension
culturelle faisant du film la seule motivation.
L’ambiance des salles Art et Essai est en général très appréciée. Elle semble
particulièrement satisfaisante dans les cinémas de banlieue parisienne, jugés souvent très
conviviaux. En revanche, les spectateurs reprochent principalement un déficit relationnel
dans l’accueil, dont ils pourraient attendrent, dans l’idéal, une fonction d’information et de
prescription sur les films.

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Le confort physique limité est la contrepartie du bien-être culturel
Le confort des salles Art et Essai est en moyenne jugé beaucoup moins bon que celui des
réseaux commerciaux. Ceci est particulièrement ressenti à Paris.
Toutefois, certains spectateurs sont plus indulgents sur le confort des salles Art et Essai car :
- le confort « à l’ancienne » peut jouer comme un signe sympathique participant au
charme des salles chargées historiquement ;
- le film prime sur ses conditions de réception : le véritable confort est perçu dans la
sobriété qui entoure la réception du film, l’absence de décorum et la déconnexion
d’avec un univers consumériste.

Néanmoins, il existe un risque que le confort des grandes salles, de plus en plus modernes,
augmente le niveau d’attente des spectateurs pour les salles Art et Essai. Ils sont nombreux
à considérer que le confort devrait également être une préoccupation des petites salles Art et
Essai.

Les animations : les établissements comme lieux culturels


Les spectateurs sont friands d’animations dans les salles et autour des films Art et Essai.
Ces dernières doivent cependant être motivées par une vraie teneur culturelle en lien direct
avec le film, et se garder d’aller vers des expressions commerciales.
Les animations les plus valorisées sont (par ordre décroissant d’attente) : la présence de
membres de l’équipe du film, les festivals, les avant-premières, les cycles de réalisateurs, les
débats avec le public, la diffusion de courts métrages.

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Perceptions du public des cinémas Art et Essai

I. Le public du cinéma d’Art et Essai

A. Les caractéristiques et attitudes du public Art et Essai


Parmi les spectateurs des établissements Art et Essai, deux types de publics peuvent être
identifiés.
Les spectateurs parisiens et franciliens sont assez particuliers dans leurs pratiques et leurs
attitudes de « bons élèves » de l’Art et Essai. Ils se caractérisent par une très bonne culture
cinématographique, des goûts relativement « pointus », une fréquentation répartie dans de
multiples salles, un niveau d’exigence élevé. Ces spectateurs ont une définition assez stricte
et fermée du cinéma d’Art et Essai. Les spectateurs de province ont des goûts
cinématographiques beaucoup plus ouverts. Ils présentent des profils plus diversifiés et
rejètent un cinéma trop difficile d’accès et élitiste. Ces spectateurs ont une vision plus souple
de l’Art et Essai.
Ainsi, le public du cinéma de l’Art et Essai se distingue par une affinité plus ou moins
prononcée selon les individus avec certains comportements et attitudes culturels.

Un public qui recouvre deux types de spectateurs


Les « puristes » Les « tolérants »
Un public assez homogène, avec une très bonne Ils ont des profils plus diversifiés, ils sont plus ouverts
culture cinématographique, des goûts relativement en matière de goûts cinématographiques et expriment
pointus, un niveau d’exigence élevé, voire un peu un rejet du cinéma trop difficile d’accès et élitiste.
élitiste.
Ces spectateurs ont une définition assez stricte et Ces spectateurs ont une vision plus ouverte et plus
exigeante du cinéma d’Art et Essai (avec des critères large de ce qu’est le cinéma d’Art et Essai (avec des
plutôt académiques) critères plutôt expérienciels)
Un profil plutôt parisien Un profil plutôt rencontré à Lille, Nantes
Les points communs :
Une affinité avec certains comportements et attitudes culturels :
- un niveau culturel plutôt élevé, une ouverture d’esprit et une curiosité pour l’autre ;
- un appétit de culture et une certaine exigence intellectuelle ;
- la lecture régulière de la presse quotidienne et culturelle ;
- une très nette préférence pour la version originale, une cinéphilie prononcée ;
- un rejet de la culture vue comme objet de consommation ;
- une sensibilité artistique.

En termes de pratiques culturelles


Les spectateurs Art et Essai lisent régulièrement la presse quotidienne, notamment
Libération et Le Monde pour les parisiens et la presse régionale pour les spectateurs de
province. Ils lisent la presse culturelle (Télérama –très répandu au sein du public Art et
Essai, les Cahiers du cinéma –pour un public un peu plus restreint). Ils préfèrent les films en

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version originale. Ce sont des cinéphiles avertis, souvent depuis l’adolescence, voire depuis
l’enfance.

En termes d’aspirations intellectuelles


Les spectateurs Art et Essai présentent un appétit de culture et de matière à réflexion qui se
distingue de la recherche du pur divertissement. Ils estiment que la culture requiert un
minimum d’effort et de discipline, qu’elle n’est pas « prédigérée ». Ils présentent une certaine
exigence intellectuelle, un intérêt pour l’approche analytique des œuvres, pour le décodage,
la compréhension des signes, du sens, des messages. Ils bénéficient, enfin, d’un niveau
culturel général plutôt élevé.

En termes d’attitudes et de vision du monde


Les spectateurs Art et Essai présentent une ouverture et une curiosité d’esprit, pour des
cinémas d’autres régions du monde, d’autres cultures, d’autres époques. Ils affichent une
philosophie « moderne » qui rejète la culture de masse comme objet de consommation, une
attitude quelque peu alter-mondialiste. Ils présentent une sensibilité artistique et esthétique.

B. Les motivations vis-à-vis du cinéma Art et Essai


Par rapport au cinéma commercial, les spectateurs Art et Essai établissent dans leurs
motivations des distinctions à différents niveaux :

Le film Art et Essai est appréhendé comme une œuvre. Matière à réflexion, il est crédité d’un
vrai bénéfice personnel et culturel. Il est vécu comme une invitation à la découverte, tant sur
le plan intellectuel et esthétique qu’émotionnel. La relation au film est vécue comme une
expérience, une rencontre, dans laquelle le spectateur est actif et partie prenante. Avec le
film « grand public » au contraire, le spectateur est davantage dans une posture de détente
et de réception d’un divertissement, voire de « consommation d’un produit ».

Un film réellement « choisi », et de façon personnelle


La relation au film Art et Essai révèle une véritable intimité. Elle résulte d’un choix
personnel : le spectateur vient au film par affection particulière pour un réalisateur, une
époque, un pays, par intérêt pour le thème traité. Compte tenu de la faible visibilité des films
Art et Essai dans les médias, le choix nécessite une démarche de la part du spectateur.

Compte tenu de leur accessibilité limitée (horaires, durée de programmation), les films Art et
Essai impliquent un minimum d’effort de la part du spectateur. Celui-ci doit s’organiser pour
les voir. En comparaison, le film « grand public » semble moins choisi, il s’impose davantage
au spectateur. Grâce à une promotion importante, ces œuvres sont visibles à peu près
partout, sur une durée relativement longue. Le choix d’aller voir un film grand public peut
même résulter d’une pression sociale, notamment insufflée par les médias, qui rend certains
films incontournables, indépendamment de leur qualité artistique.

perceptions du public des cinémas Art et Essai 13


La consommation d’un film grand public en salle est un acte aisé ne nécessitant pas d’effort
particulier d’organisation. Parfois même, le film n’est pas choisi à l’avance, la décision
s’effectuant devant le cinéma.
Les spectateurs ont le sentiment d’aller voir un film Art et Essai, alors qu’ils disent « aller au
cinéma » pour les films grand public.

Compte tenu de la qualité des films considérés comme Art et Essai, les spectateurs se
déclarent moins souvent déçus avec ce type de films qu’avec les films grand public pour
lesquels l’intérêt et la satisfaction sont plus aléatoires, notamment en raison du fort risque de
décalage entre une promotion importante et attractive et la réalité du film.

Cette forte satisfaction vis-à-vis du cinéma Art et Essai se traduit par un effet d’entraînement
des spectateurs pour aller voir d’autres films Art et Essai dans ces établissements
cinématographiques.

L’établissement Art et Essai : un lieu « à part »


Les spécificités des salles Art et Essai constituent un aspect important dans les motivations
des spectateurs. En effet, l’établissement Art et Essai est vécu comme un lieu à part.
Il représente une certaine conception de la salle de cinéma, comme havre de calme et de
réflexion, à l’opposé de l’ambiance commerciale, épileptique et publicitaire des complexes
grand public. De même, les salles, très souvent anciennes, sont ressenties comme étant
chargées d’histoire et de culture. Cette dimension leur confère un charme très apprécié des
spectateurs. Par ailleurs, leur dimension « humaine » permet de les identifier comme des
lieux intimes adaptés à une réception plus qualitative et plus profonde des œuvres. Eloignée
des standards modernes des complexes, la salle Art et Essai apparaît comme un écrin pour
une œuvre différente ; elle contribue à affirmer le statut « à part » des films Art et Essai, qui
se découvrent davantage qu’ils ne se consomment.

Un public respectueux et « éduqué » à recevoir les films comme des œuvres


Dans les salles Art et Essai, les spectateurs apprécient de partager la projection avec un
public qui possède les mêmes motivations vis-à-vis du cinéma, un public plus concerné, plus
respectueux et enclin à apprécier les films comme des œuvres. Au contraire, l’ambiance
consumériste de certaines salles grand public (notamment les téléphones qui sonnent, le
pop-corn, les spectateurs qui quittent la salle) est perçue comme inadaptée pour apprécier
un film Art et Essai.

Une motivation d’ordre « militant »


La fréquentation des salles Art et Essai s’appuie sur une motivation proche de l’engagement
pour la défense d’une conception de l’œuvre cinématographique comme création pure,
éloignée des impératifs économiques. Lorsqu’un même film est projeté à la fois dans une
salle Art et Essai et dans un grand réseau, de nombreux spectateurs amateurs d’Art et Essai
choisissent les petites salles, qui « ont besoin d’eux pour continuer à exister ».

14 perceptions du public des cinémas Art et Essai


Le choix de la programmation par la salle
Les spectateurs Art et Essai perçoivent la programmation des cinémas grand public comme
uniforme et guidée par des impératifs commerciaux et médiatiques, sans valeur ajoutée
éditoriale. Au contraire, dans un établissement Art et Essai, la programmation est perçue
comme motivée par une vraie ligne éditoriale, avec des films sélectionnés pour leur intérêt et
leur qualité. Ce phénomène constitue une motivation importante pour les spectateurs. Ils ont
le sentiment qu’on leur propose une sélection de films véritablement choisis et qu’il y a une
personne derrière ce choix (par opposition au système global et anonyme caractérisant les
films commerciaux).

DIVERSITE DES MOTIVATIONS


Cinéma Art et Essai Cinéma grand public / commercial
Le film vu comme une œuvre, comme le résultat d’un Le film vu comme un produit destiné à divertir et à faire
travail des entrées
Posture de découverte, de rencontre, de réflexion Posture de consommation
Univers de la détente, du divertissement
Le film est choisi personnellement (affection pour un Un choix davantage social : des films devenus
réalisateur, intérêt pour le thème,…). incontournables par la pression sociale et les médias,
indépendamment de leur qualité
Un lieu à part, préservé et chargé symboliquement Des ensembles standardisés, sans charme particulier
Plus petit, plus intime mais avec un très bon niveau de confort et des
prestations
Un public plus respectueux, plus concerné Un mode de consommation moins codifié, un public
consumériste
Une vraie sélection éditoriale des films, choisis pour leur Une programmation uniforme, sans ligne éditoriale.
qualité et leur intérêt artistique. Sentiment de films sélectionnés pour leur potentiel
commercial.
Des motivations d’ordre militant, d’aide à la survie des Un choix de facilité
petites salles
La motivation pour le film préexiste à la motivation d’aller La motivation « d’aller au cinéma » domine : le film est
au cinéma : le film est choisi en amont, pour lui-même, et souvent choisi devant le cinéma.
la sortie demande un effort d’organisation
Une forte satisfaction et un effet d’entraînement pour aller Risque de déception plus fort quant à la qualité des films
voir d’autres films
« On va voir un film » « On va au cinéma »

perceptions du public des cinémas Art et Essai 15


II. Perception de l’Art et Essai

A. Définition de la notion d’Art et Essai pour les spectateurs


En premier lieu, les spectateurs définissent l’Art et Essai par opposition au cinéma grand
public et fédérateur, aux films commerciaux, aux films vus comme des produits et non
comme des œuvres.
Plus précisément, les spectateurs cernent la notion d’Art et Essai par ses différents aspects.
Littéralement, elle renvoie à un cinéma qui se veut artistique, et propose une vision, un vrai
point de vue. Elle comporte l’idée de films qui cherchent à faire avancer l’art
cinématographique, à en explorer les possibilités et à en repousser les limites. Pour les
spectateurs, la notion d’Art et Essai renvoie à un cinéma « d’auteur », qui exprime la vision
personnelle d’un artiste, sans perspective fédératrice et commerciale, particulièrement
concerné par le développement d’une idée, d’un message. C’est aussi un cinéma qui suscite
une vraie émotion ou une réflexion particulière, qui touche vraiment le spectateur,
indépendamment du fait d’avoir apprécié ou non le film. Pour les spectateurs, le cinéma d’Art
et Essai est particulièrement attaché aux aspects esthétiques : il a tendance à s’affranchir
des grands genres de classification des films « commerciaux » (comédie, action, thriller,
polar, science-fiction, horreur…). C’est un cinéma indépendant du point de vue économique
et à petits budgets, à la différence des films de studios et des grosses productions. Il
présente les cinématographies du monde et d’autres cultures quasi inexistantes dans le
cinéma « commercial » majoritairement américain et français. L’Art et Essai est une
appellation qui inclut également les films de patrimoine. C’est un cinéma exigeant à tous
points de vue.

Pour les spectateurs, la notion d’Art et Essai est souvent en opposition manichéenne avec le
cinéma commercial, dans une définition assez stricte, avec de nombreux critères (artistiques,
économiques, etc).
Une partie des spectateurs jugent cependant que la notion d’Art et Essai est potentiellement
plus ouverte et peut couvrir une grande variété de films, dès lors qu’ils apportent un bénéfice
d’ordre artistique, intellectuel, émotionnel, sur un mode qui ne soit pas celui du « prêt à
consommer ».

Ainsi, la notion d’Art et Essai couvre en réalité une palette diversifiée de cinémas entre deux
pôles opposés :
- un pôle « puriste » : intellectuel, anti-commercial, un peu élitiste, exigeant,
- un pôle plus « ouvert », plus accessible, avec des critères moins stricts, où l’aspect
divertissant n’est pas totalement exclu.

16 perceptions du public des cinémas Art et Essai


B. L’expression « Art et Essai »
Utilisation de l’expression « Art et Essai » par les spectateurs
La plupart des spectateurs interviewés n’utilisent pas spontanément l’expression « Art et
Essai ». Ils ont du mal à s’identifier comme public du cinéma d’Art et Essai. Naturellement, ils
caractérisent plutôt le type de film qu’ils vont voir par son auteur (un Woody Allen, un
Godard) ou par son titre directement. Ils peuvent aussi le définir par son thème, sa
nationalité s’il est étranger ou son époque s’il est ancien. Enfin, ils peuvent le caractériser
par le nom du cinéma dans lequel ils vont voir le film (ces cinémas étant en général connus
dans les villes pour programmer du cinéma d’Art et Essai).
« Souvent le nom de la salle suffit pour décrire le type de film »
« Si je dis je vais au Métropole, ça dit déjà le genre de films, c’est pas ce qu’on
va trouver chez UGC ou Gaumont. »

Les spectateurs interviewés ne se satisfont pas vraiment de la terminologie « Art et Essai »


pour désigner le cinéma qu’ils apprécient. Ils sont amenés à l’employer par défaut et par
convention, pour signifier la différence ou l’opposition avec le cinéma dit « commercial ».
Néanmoins, aucune expression alternative à « Art et Essai » n’est jugée vraiment
satisfaisante, a fortiori pour désigner à la fois les films et les salles. Les spectateurs
proposent des synonymes comme :
- « cinéma d’auteur ». Cette expression est la plus à même de désigner le cinéma d’Art et
Essai pour les spectateurs, mais elle présente des connotations un peu élitistes, de
manque d’accessibilité.
- « cinéma indépendant ». Cette dénomination tend à enfermer la notion d’Art et Essai
dans une définition liée à un modèle économique, et à la positionner à la marge.
- « cinéma culturel ». Cet adjectif sous-tend également une dimension élitiste. Il comporte
un aspect institutionnel un peu froid et peut exclure la notion de divertissement.

Les différentes évocations de l’expression « Art et Essai »


L’expression « Art et Essai » souffre aujourd’hui de connotations négatives auprès des
spectateurs interviewés, amateurs de ce type de cinéma, et a fortiori auprès des spectateurs
plus grand public. D’une manière générale, l’expression « Art et Essai » qui est utilisée à la
fois pour les films et pour les salles, est perçue comme désuète, voire rétrograde. Elle
présente des connotations de froideur et d’absence de plaisir.

Appliquée aux films, l’expression « Art et Essai » peut renvoyer à des œuvres
expérimentales, ennuyeuses, où la recherche esthétique s’opère au détriment du
divertissement.
« Un peu intellectuel (« essai »), dans le sens négatif, chiant »
« Parfois ennuyeux »
« Lent »
« Technique »
« Contemplatif »

perceptions du public des cinémas Art et Essai 17


Cette expression évoque un cinéma exigeant, qui se veut « intellectuel », élitiste, voire
intolérant vis-à-vis du divertissement et du cinéma « facile ». Elle peut suggérer un univers
rébarbatif, hermétique, froid, triste, voire torturé.
« Pour s’instruire mais pas pour se divertir. »
« Des films noirs, torturés. »
« Des univers sombres, tristes. »

L’expression évoque également pour certains un label institutionnel et subventionné, proche


du système des musées et du patrimoine, avec en conséquence des connotations
d’ancienneté et d’immobilisme.
Appliquée aux salles, l’expression « Art et Essai » véhicule, pour certains spectateurs,
l’image de salles un peu vieilles, datant de plusieurs décennies. Elle induit l’image de salles
peu confortables et poussiéreuses et évoque des salles de petites capacité, un peu
confinées. Elle suggère un public peu nombreux, assez typé et homogène. Elle renvoie à
des salles strictement réservées à ce type de cinéma.

LES CONNOTATIONS DE L’EXPRESSION « ART ET ESSAI »


Appliquée aux films / au cinéma Appliquée aux salles
Expérimentaux, ennuyeux, torturés Salles un peu vieilles
Exigeants, élitistes, intellectuels Peu confortables, voire rudimentaires, et poussiéreuses
Univers hermétiques, froids, tristes Petites capacités, confinées
Cinéma passéiste, peu moderne Public peu nombreux et typé « intello »
Institutionnel, ancienneté, immobilisme Avec une programmation excluant les autres types de cinémas

Des connotations négatives qui rendent l’expression trop réductrice


Compte tenu de ses connotations négatives, l’expression « Art et Essai » devient
extrêmement réductrice pour parler des univers cinématographiques que les spectateurs
apprécient, de leurs pratiques et de leur façon de percevoir le cinéma d’Art et Essai en
général.
Les spectateurs interviewés jugent que l’expression « Art et Essai » est réductrice et erronée
à plusieurs niveaux. D’une part, elle renvoie à des établissements qui seraient totalement
réservés aux films Art et Essai alors qu’un minimum de pluralisme est attendu. D’autre part,
elle désigne a priori un cinéma très ciblé et plutôt « pointu », alors que le cinéma apprécié
par le public Art et Essai peut englober une grande variété de films. Enfin, elle ne rend pas
compte de la réalité de l’offre de films officiellement recommandés Art et Essai, beaucoup
plus ouverte que l’expression ne le laisse entendre.

Les spectateurs regrettent que les connotations négatives de l’expression « Art et Essai »
enferment l’image de ce cinéma dans ses aspects puristes, vieillots ou élitistes et empêchent
de rendre compte d’une ouverture et d’une accessibilité plus grandes.

18 perceptions du public des cinémas Art et Essai


C. L’image de l’Art et Essai
L’image actuelle dominante
Le cinéma d’Art et Essai renvoie aujourd’hui une image ambivalente. Il porte l’ensemble des
valeurs positives de la culture : ouverture sur le monde, découverte d’autres cultures et
d’autres langues, expérience intense, modernité, exploration, esthétisme, renouveau
artistique, etc. L’expression « Art et Essai » est en elle-même très qualitative et contient ces
significations positives. Pourtant, le cinéma d’Art et Essai souffre d’une image trop élitiste. Il
est perçu comme un cinéma difficile d’accès, austère et renfermé sur lui-même, un peu
vieillot.
D’un point de vue pratique en effet, il existe une convergence de signes qui joue
défavorablement pour l’image du cinéma d’Art et Essai. Une majorité de salles portent des
noms anciens, faisant référence au passé cinématographique (J. Vigo, J. Renoir, A Gance,
M. Pagnol, A. Malraux, H. Langlois, Bourvil, J. Gabin, F. Truffaut, J-P. Sartre, J. Demy,
Raimu, L. Jouvet, …). Certains spectateurs associent les salles Art et Essai à des salles
souvent anciennes, non rénovées, avec un confort souvent limité, voire parfois rudimentaire.
Ils associent l’Art et Essai à des films peu connus, difficiles d’accès ou anciens.

Aujourd’hui, l’image du cinéma d’Art et Essai est cantonnée dans son pôle puriste, vieillot,
« intello » et un peu austère, et pas du tout sur ses valeurs d’ouverture et d’accessibilité.

L’évolution perçue de l’Art et Essai


Les spectateurs perçoivent plusieurs signes d’évolution qui tendent à modifier positivement
l’image du cinéma d’Art et Essai. Ils évoquent la modernisation des salles depuis quelques
années, notamment sur le plan du confort et de l’infrastructure technique. Ils citent le
développement de l’offre de films, en particulier une ouverture croissante sur le cinéma
étranger non américain :
« Il y a beaucoup plus de choix maintenant, des films, notamment asiatiques ou
autres. Pas que des films américains. »
« Il y a beaucoup plus d’horizons ouverts. »
« L’offre s’est intensifiée. »

Les spectateurs estiment que la plus grande mise en avant des réalisateurs, qui valorisent
les films comme œuvres d’auteur, améliore l’image de l’Art et Essai. De même, la
multiplication des événements de type festivals est perçue favorablement. Ces opérations
favorisent l’accès au grand public et manifestent une volonté d’animation et d’ouverture (par
opposition à l’immobilisme et l’aspect confidentiel). La plus grande implication des
municipalités et des réseaux de municipalités contribue à donner une image plus proche de
l’Art et Essai.

Par ailleurs, pour l’avenir, les spectateurs considèrent qu’un effort auprès du jeune public est
essentiel. Ils ont eux-mêmes été initiés au cinéma Art et Essai lorsqu’ils étaient jeunes et
considèrent que cette « éducation » doit se faire dès le plus jeune âge. Ils jugent primordial
de préserver le cinéma d’Art et Essai de la logique marchande du cinéma, en faisant
découvrir aux enfants des alternatives, aux films Disney notamment.

perceptions du public des cinémas Art et Essai 19


III. Vécu et pratiques autour du cinéma d’Art et Essai

A. Evolution de la consommation de cinéma d’Art et Essai


Les origines du goût pour l’Art et Essai
Deux grands modes d’initiation des spectateurs au cinéma d’Art et Essai peuvent être
identifiés :
- une initiation qui remonte à l’enfance, souvent assurée par les parents, eux-mêmes
amateurs de cinéma d’Art et Essai. Aller dans les salles d’Art et Essai représentait une
sortie culturelle et familiale, particulièrement adaptée pour les familles nombreuses
compte tenu des tarifs plus attractifs.
« Au studio 43, depuis que je suis toute petite, par ma mère. »
« Les parents qui nous emmenaient assez jeunes. On était cinq donc dans les
petites salles, c’était moins cher. Ca vient des parents essentiellement. »

- un goût survenu au moment de l’adolescence ou de la vie étudiante, par la recherche de


références propres à soi-même, par un appétit pour l’art, souvent lié à la stimulation
intellectuelle procurée par les études, ou encore, par l’initiation par des amis. Le prix
moins élevé des places de cinéma dans les petites salles favorise d’autant plus la venue
de ce public étudiant.
« Une amie au lycée qui adorait le ciné d’Art et Essai et elle m’a convertie. »
« En étant étudiante, quand je faisais mes études, prix attractifs donc on allait
plutôt là et les films US étaient encore plus critiqués que maintenant. »
« Par une amie : au début elle m’a fait découvrir des choses pas trop pointues et
j’y ai pris goût. »
« Par mon copain, qui adore et qui m’a fait découvrir. J’allais avec lui et
maintenant j’y ai vraiment pris goût moi toute seule. »

Les premières expériences de cinémas d’Art et Essai sont souvent mémorisées par les
spectateurs. Ils sont capables de citer plusieurs films les ayant marqués.
« Au lycée de Tourcoing, la charrette fantôme, qui était grand public et qui depuis
sont devenus cinémathèque / Art et Essai. »
« Elle m’emmenait voir des comédies dramatiques, et des films durs aussi : je
me souviens de Happiness, qui avait été assez choquant pour moi à l’époque, ou
Dead Man… »
« Enfant puis ado j’ai découvert des films comme Delicatessen, The Wall, puis
les études au lycée on était allés voir Festen. »

20 perceptions du public des cinémas Art et Essai


Evolution et consommation actuelle
L’évolution de la fréquentation des salles Art et Essai par les spectateurs au cours de leur vie
fait apparaître plusieurs observations. D’une manière générale, sur le long terme, les
spectateurs ont le sentiment que leur pratique Art et Essai s’est plutôt développée avec le
temps. Ils soulignent l’effet d’expérience du cinéma d’Art et Essai. La forte satisfaction tirée
de la vision de films de qualité les incite à en voir encore davantage. Certains spectateurs
soulignent que leur attirance pour l’Art et Essai est renforcée par le contexte
d’appauvrissement de l’offre télévisuelle.
Pour les jeunes adultes, la fréquentation et l’appétit pour les films Art et Essai augmentent
souvent au cours des études car ces dernières stimulent intellectuellement et immergent
dans un univers culturel. Les ressources financières limitées des étudiants les incitent à
privilégier les salles Art et Essai, dont les tarifs sont moins élevés. Par ailleurs, les études, en
particulier lorsqu’elles sont littéraires ou artistiques, donnent des clés et un bagage culturel
pour aborder les œuvres cinématographiques.
« Les études : parce qu’il faut être armé un minimum pour ce genre de film, il faut
une grille de lecture, ce ne sont pas des films prêts à consommer. »

Dans le contexte actuel de « marchandisation » des films grand public, aller voir un film d’Art
et Essai en salle est vécu de plus en plus comme un plaisir. Cela correspond à un vrai choix
personnel, culturel et valorisant.
« Mon budget ciné a augmenté, j’y vais davantage pour voir des choses qui
m’intéressent, des documentaires, plus souvent seule. C’est moi qui me choisis
mes petits films. »
« Une évolution personnelle de se donner les moyens d’aller voir des choses
qu’on choisit. »

Pour les parents spectateurs, la fréquentation des cinémas Art et Essai est en grande partie
corrélée à l’âge de leurs enfants. Lorsqu’ils sont très jeunes (moins de 8-10 ans), ils les
emmènent facilement voir des films Art et Essai pour enfants.
« On les initie à partir de tous petits, ils se laissent encore faire quand ils sont petits ! »

A l’approche de l’adolescence et après, les enfants sont généralement avides de découvrir


l’ambiance pop-corn et les films grand public. De fait, pour les accompagner, les parents
délaissent eux aussi les salles Art et Essai.
« Il y a un âge où ils veulent aller voir comme tout le monde. Ils y vont avec leurs
copains alors évidemment ce sont plutôt des films commerciaux, c’est ce qu’ils aiment
à cet âge. »

Lorsque les enfants sont grands et vont seuls au cinéma, les parents retrouvent davantage
de disponibilité et d’autonomie, se tournant à nouveau vers les salles Art et Essai.
« Elle est progressive : en fonction de la vie personnelle, les enfants qui grandissent,
on a plus de temps. »

perceptions du public des cinémas Art et Essai 21


B. Le cinéma d’Art et Essai et le jeune public
Dans la perception du cinéma d’Art et Essai, la notion de divertissement et de légèreté est
aujourd’hui relativement exclue. Ainsi, beaucoup de parents n’associent pas spontanément
ce type de cinéma avec des films que pourraient voir leurs enfants.
« On ne peut pas forcément y aller avec des enfants. »
« Ils ont besoin de divertissement, de choses légères. »
« Faudrait pas leur faire faire des cauchemars ! »

Néanmoins, le cinéma d’Art et Essai peut largement concerner un public d’enfants, dès lors
que les salles mettent en avant cette programmation. Les programmes à destination du
jeune public sont d’autant plus appréciés lorsqu’ils sont accompagnés d’une animation, sous
forme de goûter ou de discussion après la projection.
« Il y a des mercredis pour enfants avec goûter et ils discutent des films. »

D’une manière générale, les spectateurs regrettent le manque de films alternatifs à ceux des
circuits commerciaux pour les enfants. Le cinéma d’Art et Essai comporte cependant des
affinités importantes avec le public des enfants. En effet, les établissements disposent de
salles plus petites, plus intimes, à dimension humaine, moins impressionnantes pour un
jeune enfant que les salles des grands complexes.
« C’est facile, c’est proche. »
« Ce sont des salles tranquilles, c’est plus intime que dans les grands cinémas. »

Les films sont d’une qualité particulièrement adaptée au jeune public. Ainsi, les films
d’animation correspondent aux univers formels avec lesquels les enfants sont déjà
familiarisés. Les courts-métrages proposés dans ces salles correspondent à un format
accessible, adapté pour les enfants car ils exigent une attention sur un temps limité et
répondent à leur besoin de diversité. Les salles Art et Essai proposent également certains
grands classiques (ex : Peau d’Âne, les Chaplin, Laurel et Hardy, etc.) intemporels et
universels, qui continuent de satisfaire l’imaginaire des jeunes générations.

Les parents spectateurs attendent des salles Art et Essai une programmation de films
novateurs, en particulier dans le domaine du film d’animation, et complémentaires des offres
enfants proposées par la télévision.

C. Impacts du cinéma d’Art et Essai en vidéo sur la fréquentation des salles


La majorité des spectateurs interviewés déclare que leur consommation vidéo n’a pas
d’incidence sur leur fréquentation des salles Art et Essai. Plus encore que le grand public,
les spectateurs du cinéma d’Art et Essai insistent sur le caractère incomparable d’une
projection en salle par rapport au visionnage d’un DVD, en termes d’ambiance. Néanmoins,
dans le domaine Art et Essai, le support DVD est très apprécié. Il s’avère particulièrement
bien adapté aux attentes des spectateurs.
En effet, le DVD permet d’avoir systématiquement accès à la version originale, à laquelle les
spectateurs d’Art et Essai sont très attachés. Pour eux, le DVD offre la possibilité d’une
séance de rattrapage. Il présente l’avantage de permettre l’accès aux spécificités des films

22 perceptions du public des cinémas Art et Essai


Art et Essai en termes de complexité et de qualité (revoir plusieurs fois les films, faire des
arrêts sur image, voir plusieurs fois des scènes, etc.). Le DVD permet également de
découvrir des auteurs, notamment avec les coffrets réunissant plusieurs de leurs œuvres.
Enfin, les spectateurs de l’Art et Essai sont sensibles aux bonus des DVD, notamment les
commentaires audio de réalisateurs, particulièrement intéressants dans le cas de films Art et
Essai, et à la qualité technique du support, notamment pour les vieux films restaurés.

D. Les modalités de consommation du cinéma d’Art et Essai


Une fréquentation très assidue
Les spectateurs de cinéma d’Art et Essai sont généralement très assidus dans leur
consommation : la fréquentation des salles de cinéma est une pratique bien ancrée dans
leurs habitudes quotidiennes. D’ailleurs, la majorité des spectateurs rencontrés ont une salle
Art et Essai à proximité de leur domicile ; il leur est d’autant plus facile de s’y rendre très
régulièrement. Enfin, les films d’Art et Essai procurent une forte satisfaction, et incitent à aller
en voir d’autres : il s’agit d’un type de cinéma très fidélisant.

Les salles fréquentées


Compte tenu de l’offre très abondante à Paris, les spectateurs parisiens et franciliens
fréquentent trois salles différentes au minimum. En province, la grande majorité des
spectateurs ne fréquentent qu’une à deux salles assidûment.

Les processus de décision


Pour le cinéma grand public, les spectateurs choisissent une séance en fonction du film (je
veux voir tel film), de l’horaire (je suis disponible pour une séance à telle heure, quels films
correspondent ?) ou de la salle (quels films et quelles séances dans ce cinéma ?).
Les choix selon l’horaire et le film sont majoritaires et ont un poids relativement équivalent.
Cette approche dénote un comportement consumériste dans le sens où le spectateur
demande à l’offre de correspondre à ses besoins.

Pour le cinéma d’Art et Essai, certaines différences révèlent une attitude plus volontariste à
l’égard du film, une plus grande ouverture à la découverte. Le film est le critère de choix
prédominant. Les spectateurs insistent sur la primauté absolue du choix du film –de l’œuvre-
dans leur processus de décision. Ils choisissent avant tout un film. La programmation de la
salle à proximité de chez soi ou dont on apprécie particulièrement la ligne éditoriale est
également très souvent un critère de choix. Les spectateurs se laissent facilement tentés par
des films qu’ils ne connaissent pas mais qui bénéficient de la prescription de leur(s) salle(s)
favorite(s). Enfin, l’horaire peut également constituer une fenêtre d’entrée. Avides de cinéma
et de découverte, les spectateurs se laissent facilement tenter par un film dont l’horaire
correspond à leur créneau de disponibilité.
« C’est sympa de se faire une toile quand on a deux heures de battement. »
« Ca m’est déjà arrivé d’entrer dans un cinéma, comme ça, en passant devant,
parce que l’horaire correspondait et que je n’avais rien de prévu. »

perceptions du public des cinémas Art et Essai 23


Une sortie plutôt solitaire ou à deux
Si les films grand public sont la plupart du temps vus à plusieurs -comme une occasion de
sortie en famille ou entre amis-, les films d’Art et Essai, sont plutôt l’objet d’une sortie à deux,
voire, fréquemment, seul.
Etant donné leurs spécificités, les films d’Art et Essai sont en général moins accessibles à un
large public. Ainsi, les spectateurs ont parfois des difficultés à se faire accompagner pour
aller voir ce type de films. De plus, le film d’Art et Essai apparaît plutôt comme une œuvre
qui se reçoit de façon intime, individuelle, à l’opposé des films grand public qui ont une visée
fédératrice et participent d’une culture de masse. Enfin, compte tenu des horaires limités, les
spectateurs ont parfois du mal à s’organiser eux-mêmes pour une séance et encore
davantage à trouver des personnes disponibles pour les accompagner dans le créneau
choisi.

La recherche de la version originale


Les spectateurs associent fortement la notion d’Art et Essai à la version originale, seul
moyen d’appréhender l’œuvre originale. Pour un film d’Art et Essai, les spectateurs
choisissent en très grande majorité la version originale. A l’inverse, la même proportion de
ces spectateurs peuvent choisir la version doublée pour les films grand public.
Les seules réserves vis-à-vis de la version originale concernent les films mal sous-titrés ou
non sous-titrés et les films destinés à un public d’enfants.

E. S’informer sur le cinéma d’Art et Essai


Une information qui nécessite un effort
D’une manière générale, les spectateurs soulignent le manque d’information sur le cinéma
d’Art et Essai, surtout comparativement à la masse d’informations reçue pour le cinéma
grand public.
Ils estiment devoir fournir un effort pour trouver des informations sur le cinéma d’Art et Essai
alors qu’ils en reçoivent sans le vouloir, par tous les médias et de façon abondante, pour les
films grand public.
« Il y a un gros problème là-dessus. »
« On fait la démarche, mais ça ne vient pas à nous. »

Le manque d’information se fait surtout ressentir à Paris où l’offre est extrêmement


abondante ; les spectateurs doivent étudier avec soin différents supports pour repérer un film
et une séance.
« Il faut bien repérer. »
« Moi je stabilote. »
« Faut fouiller, faut chercher. C’est un boulot. »

Le manque d’information sur le cinéma d’Art et Essai s’exprime à trois niveaux : les
spectateurs déplorent la difficulté qu’ils rencontrent pour prendre connaissance de
l’existence même des films. C’est à ce niveau que les spectateurs ressentent le plus fort
déficit d’information. L’accès à des informations détaillées sur un film précis (résumé,

24 perceptions du public des cinémas Art et Essai


réalisateur, distribution, date de sortie, etc.) ainsi que le choix des séances possibles pour un
film précis fait également défaut.

En conclusion, le manque d’information sur le cinéma d’Art et Essai constitue un frein pour la
fréquentation des salles.
« Il manque un accès plus facile à l’information. »
« On doit faire un effort de déchiffrage, de récupération de brochure, etc. »
« C’est stressant, on passe notre temps à avoir peur que le film qu’on veut voir
ne soit plus à l’affiche, le temps de s’informer. »

A l’inverse, pour le cinéma commercial, ces trois niveaux d’information ne nécessitent pas
d’effort de la part des spectateurs. La sortie des films est très largement relayée par les
médias. Les spectateurs prennent ainsi connaissance de l’existence des films sans effort.
Cette promotion médiatique permet également de fournir des informations détaillées sur ces
films (thème, résumé, bandes-annonces, extraits, distribution). Par ailleurs, l’information sur
les séances ne constitue qu’un détail pratique en raison de la large diffusion de ces films
(dans tous les cinémas, à un grand nombre d’horaires, pendant plusieurs jours, voire
plusieurs semaines).

Ce déficit d’information constitue un stigmate important de l’image du cinéma d’Art et Essai.


La difficulté d’accès liée à l’exigence des films se double ainsi d’une difficulté pratique.
Les spectateurs ont une attitude ambivalente à l’égard de ce manque d’information propre au
cinéma d’Art et Essai :
- Une minorité, les plus puristes et élitistes -notamment à Paris- se satisfont de cette
situation. Ils valorisent l’idée d’un cinéma d’Art et Essai en marge du circuit médiatique
grand public. Ces spectateurs estiment qu’une plus forte médiatisation de ce cinéma
contribuerait à le « marchandiser » et à le déprécier.
« Ce sont des films qui se méritent ! »
« C’est pas plus mal, ça préserve d’un type de public qui viendrait. »
« C’est un effort, c’est ça qui est bien. »
« Ça demande un peu d’organisation. »
« C’est de la recherche. »

- Mais la majorité des spectateurs regrette le manque d’information sur le cinéma d’Art et
Essai et désire que ces films soient mieux valorisés.
« On n’est pas assez informés. Parfois, je regrette d’avoir raté des films qui ne
passent plus parce que je n’étais pas au courant en temps voulu. »
« Ca demande un effort, ça devrait être plus accessible. »

Les moyens utilisés pour s’informer sur l’Art et Essai


Les sources d’information sur le cinéma d’Art et Essai sont relativement nombreuses.
Toutefois, elles sont éparpillées sur différents supports, obligeant les spectateurs à un effort
de recherche. Par ailleurs, la plupart de ces sources ne mettent pas les films d’Art et Essai
au premier plan. Ainsi, la place qui leur est consacrée au sein des médias grand public est

perceptions du public des cinémas Art et Essai 25


souvent anecdotique. Enfin, l’information fournie est plus succincte que celle consentie pour
le cinéma grand public.

Après la presse (surtout locale), le bouche à oreille constitue pour beaucoup de spectateurs
une source d’information essentielle pour le cinéma d’Art et Essai. Ce phénomène est
particulièrement avéré dans le milieu estudiantin ou dans les professions artistiques et
culturelles. Le bouche à oreille s’impose également comme un moyen puissant de
prescription en faveur –ou en défaveur- des films.
Mais le bouche à oreille présente l’inconvénient d’informer de façon différée, ce qui conduit
souvent à rater le film compte tenu de leur durée limitée de vie en salles.
« Ca m’arrive de rater des films qui m’auraient intéressée car, quand on m’en parle,
c’est en général quelques jours ou une semaine après, et bien souvent ils ne passent
déjà plus. »

Les différentes sources d’information utilisées par les spectateurs pour l’Art et Essai
Par rapport aux spectateurs parisiens, les spectateurs de banlieue et de province se rendent
plus facilement dans les cinémas pour voir les affiches, les séances ou récupérer de la
documentation. Ils utilisent davantage la presse locale gratuite. Le recours à la radio, la
télévision et la presse écrite (Le Monde, Télérama,…) caractérise davantage les spectateurs
parisiens.

Les médias nationaux sont utilisés par tous les spectateurs (Parisiens et provinciaux). Les
spectateurs s’informent auprès de la presse culturelle : Télérama, les Inrockuptibles, les
Cahiers du cinéma, Positif, etc. Certains spectateurs, notamment parisiens, se défendent
parfois de lire la presse cinéma dédiée aux films très grand public comme Première ou
Studio.
« Moi je suis abonnée à Télérama, alors forcément, je regarde systématiquement
là. »
« Je lis beaucoup Positif, les Cahiers, … »

Ils consultent également la presse généraliste magazine, comme le Nouvel Observateur ou


Elle ou la presse quotidienne (Le Monde et Libération en majorité).
« Libération, le supplément du mercredi. »

Les spectateurs plébiscitent également la radio (France Culture et France Inter, notamment
le Masque et la Plume), la télévision (notamment Ubik sur France 5 et certaines émissions
d’ARTE) et Internet (Allociné surtout et les sites des salles).
« Le Masque et la Plume : ça balaie tout, c’est bien. »

Par ailleurs, les spectateurs parisiens s’informent de façon complémentaire auprès de la


presse pratique hebdomadaire (L’Officiel des spectacles, Pariscope et Zurban) et des
prospectus des salles, bien qu’elles soient peu nombreuses à en proposer et que les
prospectus y soient proposés en quantité limitée. Ils se renseignent aussi auprès de certains
instituts (par exemple, l’Institut finlandais, la Maison de l’Amérique Latine).

26 perceptions du public des cinémas Art et Essai


Pour les spectateurs provinciaux (à Lille et Nantes), les sources locales d’information
supplantent souvent les médias nationaux. Il s’agit principalement des quotidiens
régionaux (La Voix du Nord à Lille, Ouest France à Nantes) ou de titres gratuits comme
Sortir, qui centralise l’information culturelle de la région.
Ces spectateurs peuvent aussi recueillir l’information directement auprès des salles :
répondeurs téléphoniques des établissements, prospectus contenant le programme
hebdomadaire ou mensuel des salles. Dans ce cas, les spectateurs se procurent
facilement ces documents : sur place lorsqu’ils vont à une séance, par la poste lorsque la
salle propose ce service et qu’ils s’y sont inscrits, ou éventuellement chez les commerçants.

F. Les types d’informations attendues par les spectateurs


Les éléments d’information attendus
Les types d’informations attendus sur le cinéma d’Art et Essai sont sensiblement différents
de ceux concernant le cinéma grand public.

Les critères décisifs


Pour les films grand public, les spectateurs attendent en priorité des renseignements sur le
genre du film (comédie, suspense, etc). Par ailleurs, ils sont plutôt en recherche de bandes-
annonces et d’extraits.
Pour les films d’Art et Essai, la notion de genre étant moins pertinente, l’attente d’information
se concentre sur le thème ou le sujet du film, sous la forme d’un résumé court (4 à 5 lignes
dans un format proche de celui de L’Officiel des spectacles). Les spectateurs attendent
également des informations concernant l’auteur (filmographie, influences, personnalité,
démarche artistique, voire ses positions politiques). Il s’agit d’un critère particulièrement
déterminant pour le cinéma d’Art et Essai. Enfin, certains spectateurs recherchent des
éléments pour estimer la valeur du film d’un point de vue artistique (originalité, profondeur,
héritages cinématographiques, démarche de l’auteur, …).

Les bandes-annonces
D’une manière générale, le public de l’Art et Essai semble moins attiré par les bandes-
annonces car ces spectateurs cherchent à préserver au maximum leur expérience de
découverte de l’œuvre. En outre, ils déplorent la durée souvent trop longue des bandes-
annonces actuelles, en particulier pour les films commerciaux.
Pour les films Art et Essai, les bandes-annonces doivent être un moyen d’information de
l’existence des films et de leur thème. Les spectateurs expriment leur attente pour des
bandes-annonces courtes qui ne déflorent pas le film.
« Les bandes-annonces sont de plus en plus longues, trop explicites, on voit le
début, la fin. »
« Pour les films à petits budgets, on va plus les découvrir, je n’aime pas trop en
voir avant. »
« Moi je n’aime pas qu’on m’en dise trop. »

perceptions du public des cinémas Art et Essai 27


ELEMENTS D’INFORMATION RECHERCHES
Film Art et Essai Film grand public
Thème Genre

Auteur (filmographie, influences, personnalité, démarche Bande-annonce, extraits, interviews de


artistique, …) notamment au travers d’interviews ou promotion
d’articles

‘’Valeur’’ artistique

Critiques de presse et de spectateurs

Filmographies (réalisateur, acteurs)

Modèle de production, type de financement

Les informations attendues avant et après avoir vu le film


Les informations attendues par les spectateurs ne sont pas les mêmes avant de voir le film
et après l’avoir vu.

Informations attendues en amont du film Informations attendues en aval du film


Résumé Coulisses
Informations sur l’auteur Informations sur les lieux du tournage
Filmographies du réalisateur et des acteurs Anecdotes autour du film
Bande-annonce et affiche Extraits de la B.O. ou informations sur la musique
Avis de la presse Fiche technique
Avis de spectateurs Critiques de professionnels

Les critiques
Les spectateurs de cinéma d’Art et Essai sont en général de gros consommateurs de
médias, en particulier de presse. Ainsi, ils sont en contact avec les critiques de films (en
particulier à Paris, où ils sont davantage lecteurs du Monde et des Cahiers du cinéma).
Ces spectateurs abordent les critiques de manière ambiguë.
D’un côté, ils les utilisent comme une source d’information sur les films. Avant d’avoir vu le
film, ils tentent parfois de mettre de côté l’avis défendu pour ne glaner que les éléments
objectifs leur permettant de se faire leur propre idée. Mais d’un autre côté, ils les considèrent
aussi comme une source de prescription relative :
- les médias très grand public (par exemple Première ou le Parisien) qui recommandent
un film jouent parfois comme des repoussoirs, notamment pour les parisiens les plus
puristes.
« Si le Parisien trouve un film bon, je n’irai pas le voir. »
« Pour le reste, tout ce qui est presse, Première, etc., je suis très réticente parce
que j’ai toujours l’impression qu’on nous balance des films pas super. »

28 perceptions du public des cinémas Art et Essai


- les spectateurs s’attachent davantage aux chroniqueurs qu’au titre de presse ou à
l’émission. Par expérience, ils ont tissé des liens privilégiés avec des chroniqueurs précis.
« Je m’appuie beaucoup sur Télérama en prenant le contraire, il y a des
chroniqueurs avec qui je pense toujours le contraire ! »

- les critiques unanimes de la presse sont souvent source de méfiance.


« Quand ils sont tous d’accord, je flaire le film qui pue. »
« Moi, je fais attention aux chroniqueurs plus qu’au journal. »

Les récompenses et palmarès


Les amateurs de cinéma d’Art et Essai sont sensibles à certaines récompenses, qu’ils
interprètent comme un gage de qualité sur la valeur des films. Ainsi, même par simple
curiosité, les récompenses constituent une motivation supplémentaire pour découvrir un film.
Les récompenses auxquelles les spectateurs sont les plus sensibles sont les « Palmes » de
Cannes (ainsi que la Caméra d’Or du 1er film), les « Ours » de Berlin et les « Lions » de
Venise. Mais ils sont également réceptifs au Prix du public de chacun de ces festivals.
« Moi je suis sensible aux prix du public. »
« La Caméra d’Or, c’est un prix que j’affectionne beaucoup. »

En revanche, ils sont plutôt méfiants vis-à-vis des récompenses décernées lors du festival de
Deauville.

Les recommandations de spectateurs


Les spectateurs sont particulièrement sensibles aux avis d’autres spectateurs sur un film. Ils
les jugent très complémentaires de la critique officielle. Les témoignages de spectateurs sont
jugés pertinents. L’importance de leur nombre permet d’avoir une grande diversité
d’opinions. Ils sont un outil précieux pour appréhender la tendance.
Les spectateurs lisent ces critiques –principalement via Internet sur allocine.fr-, pour lequel le
système de notation (par la presse et les spectateurs) à l’aide d’étoiles est particulièrement
apprécié.
« De plus en plus je me fie aux étoiles des spectateurs. Etoiles des critiques /
étoiles des spectateurs »

perceptions du public des cinémas Art et Essai 29


IV. Perception de l’offre de films Art et Essai

A. Identification des films Art et Essai par les spectateurs


Perception des différents types de films Art et Essai
La nature « Art et Essai » d’un film s’oppose au caractère « commercial ». Les spectateurs
considèrent que le cinéma d’Art et Essai regroupe notamment :
- les films d’auteur, français ou internationaux, en particulier ceux contenant une
dimension esthétique ou un message forts ;
- les films exigeants et difficiles, qui demandent un certain « bagage » culturel ;
- les documentaires relevant d’une démarche artistique, ethnographique ou autre ;
- les films de patrimoine de grands réalisateurs, considérés comme des grands
classiques. Ils qualifient ces derniers de « films cinémathèque ».

Au contraire, les spectateurs ont tendance à exclure de l’univers Art et Essai les catégories
suivantes :
- les films d’un genre précis (le cinéma d’Art et Essai est perçu comme affranchi d’une
catégorisation selon les genres habituels du cinéma grand public) ;
- les films très grand public, fédérateurs, destinés à faire beaucoup d’entrées, taxés de prêts
à consommer : les « blockbusters » ;
- les dessins animés - alors que les « films d’animation » sont considérés comme pouvant
être des films Art et Essai compte tenu de leur valeur esthétique ;
- les documentaires pour lesquels la démarche artistique n’est pas évidente (ex : la Planète
bleue est jugé indéniablement esthétique mais ne contient pas vraiment de message et ne
peut pas être tout à fait considéré comme un film « d’auteur »).

Définition d’un film « d’Art et Essai » pour les spectateurs


La nature « Art et Essai » d’un film n’est pas une caractéristique objective pour le public.
Pour les spectateurs, il existe des films clairement commerciaux et des films clairement Art
et Essai, mais entre les deux, il y a une quantité de films dont la nature Art et Essai est
incertaine.
Ainsi, en dehors de certaines propriétés très générales (un film qui fait réfléchir, avec une
valeur artistique, …), les spectateurs ont parfois du mal à déterminer dans quelle catégorie
ils classeraient certains films.
Dans cette zone de flou, la perception du caractère « Art et Essai » d’un film repose souvent
sur des assimilations :
- à l’établissement cinématographique
Il peut exister une confusion entre l’établissement Art et Essai et les films : il suffit souvent
qu’un film soit programmé dans une salle considérée comme d’Art et Essai pour que le
film lui-même soit identifié comme étant Art et Essai.
« les films qui ne sortent qu’au Majestic ou au Métropole (salles Art et Essai de
Lille), ça veut dire que c’est pas de la daube. C’est une valeur sûre. »

30 perceptions du public des cinémas Art et Essai


- au réalisateur
La nature Art et Essai d’un film est souvent définie par le style, l’univers et la culture
artistiques de son réalisateur. Certains réalisateurs sont considérés comme typiquement
Art et Essai (par exemple Jim Jarmush ou Michael Haneke), et d’autres plutôt
commerciaux à l’instar de Steven Spielberg par exemple.

- au niveau de notoriété du réalisateur et des acteurs


Les spectateurs tendent à considérer qu’un film est Art et Essai si le réalisateur et les
acteurs sont peu ou pas connus du grand public, car le film ne capitalise pas sur une
image établie mais mise uniquement sur la qualité du travail cinématographique.

- avec le nombre d’entrées (et le nombre de copies pour les spectateurs les plus avertis).
Les spectateurs ont tendance à appréhender le faible nombre de copies -et a posteriori, le
nombre d’entrées- comme un critère pour statuer sur la nature Art et Essai d’un film.

- avec le type de production, la notion d’indépendance étant associée à l’Art et Essai alors
que la production des studios ou des groupes intégrés est assimilée au cinéma
commercial.

Pour de nombreux spectateurs, ce sont donc en grande partie des critères de notoriété
(réalisateur, acteurs, nombre de copies, nombre d’entrées,…) qui définissent la frontière
entre « Art et Essai » et « grand public ».
Ainsi, certains réalisateurs reconnus comme étant à l’origine des auteurs de films Art et
Essai (par exemple Martin Scorsese ou Steven Spielberg) peuvent devenir « grand public »
avec la notoriété.

EXEMPLES DE FILMS
Films situés dans la zone de flou :
Films jugés Art et Essai Films jugés commerciaux
entre Art et Essai et commercial
Films de patrimoine : International International
La Dolce Vita de Fellini, Broken Flowers Star Wars
La Notte d'Antonioni,… Match Point Le Seigneur des anneaux
International Mulholland Drive Tigre et Dragon
Dogville
Elephant France France
Bonbon el Perro La Haine Le Cinquième Elément
Gabrielle Taxi
France Jet Set
Rois et Reine
Caché
Demonlover

perceptions du public des cinémas Art et Essai 31


EXEMPLES DE REALISATEUR
Réalisateurs situés dans la zone de
Réalisateurs jugés Art et Essai Réalisateurs jugés commerciaux
flou : entre Art et Essai et commercial
International International International
Lars von Trier Jim Jarmush George Lucas
Gus Van Sant Woody Allen Peter Jackson
Peter Greenaway David Lynch Ang Lee

France France France


Arnaud Desplechin Mathieu Kassovitz Gérard Pirès
Michael Haneke Patrice Chéreau Luc Besson
Olivier Assayas Fabien Ontoniente

B. Perception de l’offre de films Art et Essai


Satisfaction vis-à-vis de l’offre disponible
A Paris et en banlieue, les spectateurs ont le sentiment de disposer d’une offre pléthorique et
extrêmement diversifiée en termes de style, de thème, d’époque, de nationalité. Hormis des
problèmes de disponibilité, les spectateurs parisiens n’ont pas de difficultés à trouver un film
susceptible de les intéresser.
À Nantes et à Lille, les spectateurs jugent l’offre globalement satisfaisante d’un point de vue
quantitatif et qualitatif. Ils déplorent parfois l’absence d’une offre de films dont ils ont entendu
parler dans des médias nationaux.
« Ca m’arrive souvent de repérer un film, de le guetter et qu’il ne soit jamais
programmé sur Nantes. Ca c’est décevant. »

Ce n’est pas tant l’offre réelle disponible qui pose problème, que parfois le manque de
communication sur l’existence de cette offre.

C. Perception de la classification Art et Essai pour les films


Connaissance du label « Art et Essai »
Le label « Art et Essai » appliqué aux films ne représente pas grand chose pour le public. De
manière spontanée, les spectateurs ignorent qu’il existe une recommandation officielle « Art
et Essai » décernée par une instance. De plus, les spectateurs disent aborder un film avant
tout par son sujet et son auteur, sans se préoccuper de son label Art et Essai. Ainsi, le fait de
savoir qu’un film est recommandé Art et Essai n’est ni une motivation ni un facteur
d’appréciation du film. En outre, la notion même d’Art et Essai demeure floue.
Les spectateurs supposent que des institutions comme le Ministère de la Culture, ou le CNC
attribuent la recommandation « Art et Essai » aux films. Ils considèrent néanmoins que
l’attribution du label « Art et Essai » à certains films est positive car elle exprime la
reconnaissance de la valeur de certains films, à la manière d’une récompense. De plus, le
label est perçu comme allant de pair avec une aide financière pour soutenir ce type de
cinéma. En outre, ce label peut être un moyen d’ouvrir et de moderniser l’image de l’Art et
Essai avec des films de qualité mais accessibles et attractifs.

32 perceptions du public des cinémas Art et Essai


Perception de la recommandation « Art et Essai »
A la lecture de la liste officielle des films recommandés Art et Essai sortis en 2003 et 2004,
les spectateurs sont surpris par l’étendue et la diversité des films recommandés Art et Essai.
Ils ont une réaction ambivalente à l’égard de ce classement. Il dessine une acception plus
ouverte et plus souple de l’expression « Art et Essai » en comparaison à son image
cantonnée dans un pôle plus puriste. Ainsi, ils sont agréablement surpris de voir que l’Art et
Essai recouvre en fait des films très variés et très accessibles, sortant de son image
complexe et élitiste. Parallèlement, cela fait écho au refus de certains spectateurs de
cloisonner les films dans des oppositions manichéennes, alors que la qualité d’un film est
indépendante d’une catégorisation Art et Essai ou commercial.
« La dichotomie entre films grand public et film d’Art et Essai est obsolète. »
« Il y a parfois des films produits par les majors américaines qui sont très
audacieux. »
« Par exemple, Elephant c’est de l’Art et Essai : moi j’ai adoré et c’était aussi un
succès commercial. »

Cette ouverture est également jugée bénéfique pour l’image du cinéma d’Art et Essai et peut
amener un public supplémentaire à s’y intéresser. Mais, à l’inverse, les spectateurs les plus
puristes ont le sentiment d’une ouverture trop importante susceptible de vulgariser l’Art et
Essai.
« Il y a des films que moi je n’aurais pas mis comme étant d’Art et Essai. »
« Je pense qu’on est pas du tout d’accord sur le terme Art et Essai. J’ai
l’impression que pour eux, il englobe quelque chose de très large alors que pour
nous c’est quelque chose de très restrictif. »

REACTIONS DES SPECTATEURS A LA LISTE DES FILMS RECOMMANDES ART ET ESSAI


2003-2004
Films jugés Art et Essai Films jugés « limite », « intermédiaires » Films jugés non Art et Essai
La Planète bleue A la petite semaine La Demoiselle d’honneur
Elephant Bon voyage The Eye
Respiro 21 grammes Hero
Frida Pas sur la bouche Swimming-Pool
La Petite Lili Kiki la petite sorcière Le Rôle de sa vie
Eternal Sunshine of the Spootless Mind Nathalie Solaris
The Magdalene Sisters 5 fois 2 Le Secret des poignards volants
La vie est un miracle Anything Else In the Cut
Rois et Reine Holy Lola Nos enfants chéris
La Jeune Fille à la perle Les Egarés
2046 Monsieur Schmidt
Clean Stupeurs et tremblements
L’Esquive La 25ème Heure
Quand la mer monte Loin du paradis
Il est plus facile pour un chameau… Confessions d’un homme dangereux
Dogville Les Fautes d’orthographe
10ème Chambre Les Lois de l’attraction
Printemps, été, automne (…) Petites Coupures
Carnets de voyage Dolls
Les Triplettes de Belleville La première fois que j’ai eu 20 ans
Lost in la Mancha
Coffee and cigarettes

perceptions du public des cinémas Art et Essai 33


V. Perception des établissements Art et Essai

A. Typologie du parc de salles


La grande hétérogénéité du parc
Le parc des établissements qualifiés d’Art et Essai par les spectateurs recouvre un ensemble
très hétérogène défini selon des critères de moyens, de niveau de confort, d’ancienneté et
de programmation plus ou moins « Art et Essai » ou « commercial ».

À Paris, l’offre de salles Art et Essai est relativement bien identifiée par les spectateurs. Il
existe en effet de nombreux établissements exclusivement ou quasiment dédiés à l’Art et
Essai, qu’il est facile d’identifier comme tels. Toutefois, il n’est pas toujours évident
d’associer un réseau de salles à une catégorie spécifique. UGC Les Halles est ainsi perçu
comme étant positionné sur l’Art et Essai alors que le réseau UGC dans son ensemble est
plutôt apparenté au cinéma commercial. De même, le MK2 Gambetta n’évoque pas du tout
une salle Art et Essai de par sa programmation alors que la marque MK2 dans son
ensemble est plutôt perçue comme un réseau Art et Essai.
En province, les spectateurs sont confrontés à une offre plus confuse. Le nombre
d’établissements susceptibles d’être considérés comme exclusivement –ou presque- Art et
Essai est plus limité (par exemple Le cinématographe à Nantes). De fait, pour les
spectateurs, la majorité des établissements propose une programmation mixte.

La configuration de l’offre d’établissements à Paris et en banlieue


Parmi l’ensemble des établissements parisiens d’Art et Essai, les spectateurs distinguent
plusieurs catégories :
- les salles très anciennes, voire vétustes qui mériteraient parfois d’être modernisées :
l’Epée de bois, le Studio Galande ;
- les cinémas « historiques » du Quartier Latin, dont la programmation est basée sur des
reprises et des rétrospectives : les Actions, les Reflets, le Champo ;
- les vieux cinémas « militants » comme le Mac Mahon, le Balzac ;
- les instituts audiovisuels, étatiques, exhaustifs, proches des institutions muséales :
Cinémathèque, Forum des Images ;
- une salle un peu à part qui ne passe que des exclusivités : l’Espace Saint-Michel ;
- les cinémas de « rattrapage », qui passent des films sortis il y a quelques mois et des
classiques avec une programmation cyclique : le Grand Pavois, le Saint-Lambert ;
- les grands écrans indépendants ayant de gros moyens et des installations de qualité :
l’Arlequin, l’Escurial, le Max Linder ;
- les salles « modernes » et multi-activités (restaurant, bar, expositions,…) : le Cinéma
des cinéastes, l’Entrepôt ;

34 perceptions du public des cinémas Art et Essai


Le réseau de cinémas MK2 est perçu comme étant un intermédiaire entre des
établissements clairement « Art et Essai » et ceux plus grand public. Selon les
spectateurs, ce statut « intermédiaire » du réseau MK2 tient à :
- une nature originelle Art et Essai avec une programmation très qualitative, en particulier
les MK2 Beaubourg et Hautefeuille, les autres programmant proportionnellement plus de
films grand public ;
- une proximité avec les réseaux UGC et Gaumont qualifiés de « commerciaux » :
● par le fait d’exister sous une marque qui les uniformise et leur donne une
connotation commerciale plus prononcée.
« Il y a le côté usine. »
« Ils sont tous déguisés pareils. »
« Les MK2 ne m’attirent pas. »
● par le choix d’une marque acronyme, qui a tendance à dépersonnaliser et à lisser
l’identité (par contraste avec des noms typés comme l’Action Christine ou
le Balzac).
« Il y a une marque, c’est ça le problème. »
« Ce n’est pas très personnel. »
« J’aime beaucoup Marin Karmitz, ça aurait été mieux. »
● en termes de niveau de confort et de prestations (modernité, friandises,…) : les
MK2 sont plus modernes.
● par une programmation mixte entre films Art et Essai et films grand public, qui
attirent un public varié -notamment des enfants- ce qui apporte une dimension
accessible et conviviale.
« C’est des salles où on peut emmener des plus jeunes. »
« Ça rend les choses beaucoup plus conviviales et beaucoup moins
élitistes. »

Les salles de banlieue font l’objet d’une classification différente des salles parisiennes. Les
spectateurs de banlieue distinguent les salles municipales de proximité, qui drainent un
public mixte et très diversifié, par opposition aux salles qui proposent une programmation
ambitieuse et très qualitative en particulier pour le jeune public. La diversité des animations
font de l’établissement cinématographique un lieu de vie culturel et de proximité (exemple :
le Méliès de Montreuil).
« Le Méliès ;c’est un cinéma de rencontres aussi, on rencontre le réalisateur
après, on le met avec les activistes. »

perceptions du public des cinémas Art et Essai 35


Un parc d’établissements très riche, étoffé et hétéroclite
Paris Banlieue Province
Un parc très dense et très hétérogène. Un parc plus limité mais marqué par Un parc marqué par une forte mixité
Pour les spectateurs parisiens, la une convivialité et une proximité plus Art et Essai / cinéma grand public
programmation est le critère majeur, grandes. Des établissements qui dans la programmation.
au-delà des caractéristiques physiques suscitent une satisfaction très forte de
des salles. la part de leur public.

Cinémas très anciens, voire vétustes Salles municipales de proximité De nombreux établissements à
(ex : Epée de bois) programmation mixte
Salles à programmation ambitieuse et
Salles historiques du Quartier Latin de grande qualité (ex : Le Méliès à Quelques salles dédiées Art et Essai
(ex : Champo) Montreuil) très qualitatives

Vieux cinémas militants (ex : Mac Quelques salles au sein de certaines


Mahon, Balzac) universités

Instituts audiovisuels (Cinémathèque,


Forum des images,…)

Cinémas de rattrapage (ex : Grand-


Pavois, St Lambert)

Grands écrans indépendants avec de


gros moyens (ex : L’Arlequin, Max
Linder)

Salles modernes multi-activités (ex :


L’entrepôt)

Les salles MK2 bénéficient d’un statut


intermédiaire

B. Les noms des établissements Art et Essai


Le nom des salles Art et Essai éclaire sur leur positionnement culturel. Il est fréquemment
fait référence à l’histoire cinématographique, notamment française : Gérard Philipe,
Jean Vigo, Jean Renoir, Abel Gance, Marcel Pagnol, Coluche, André Malraux,
Henri Langlois, Bourvil, Jean Gabin, François Truffaut, Jean-Paul Sartre, Jacques Demy,
Raimu, Louis Jouvet, Louis Delluc, Landowski, Jean Cocteau, Agnès Varda, Paul Eluard,
Jean Villard, Jean Marais, Jeanne Moreau, Jacques Tati, Jean Carmet, Vigny, Ronsard,
Rabelais, Jacques Brel ou encore l’Atalante, la Strada, Jour de fête, Cyrano, Cinéma
Paradisio, Les Lumières de la ville…
La plupart des noms évoquent des artistes du patrimoine représentant l’âge d’or du
cinéma français (après-guerre voire avant-guerre, avant le développement de la télévision
commerciale).

Il convient de noter une absence de marques nationales, à la différence des circuits


commerciaux comme Pathé, UGC ou Gaumont : les seules marques ou noms couvrant

36 perceptions du public des cinémas Art et Essai


plusieurs salles Art et Essai identifiées par les spectateurs sont MK2, Majestic, Action,
Rex, Diagonal, Utopia, CNP.
Il existe également des noms qui ancrent la salle dans la région ou dans la ville qui
l’héberge : CinéMassy, Ciné Breizh, le Luberon, …
Certains noms décrivent la polyvalence des salles : cinéma-théâtre, le théâtre, salle des
fêtes, centre d’art et de culture, espace culturel, Les deux scènes, etc.
De manière générale, les noms des salles d’Art et Essai les positionnent dans un univers,
très cinéphile, ancien, historique et estampillé « cinéma français ». La prédominance de ces
noms anciens participe à l’image désuète de l’Art et Essai. Elle peut amplifier la perception
de certains déficits d’infrastructure (confort limité, vétusté,…).
« Pour moi, ces noms donnent une image désuète du cinéma Art et Essai. »

Face à cet univers, les spectateurs ont deux attitudes ambivalentes.


Certains se révèlent particulièrement conservateurs par rapport à ces composantes
patrimoniales, anciennes et cinéphiles. Ils y perçoivent un charme rétro, une promesse de
forte qualité culturelle, voire une intention pédagogique.
« Il y a un côté rétro, moi j’aime bien. »
« Ça a peut être une vertu pédagogique pour faire connaître ou rappeler les
anciens noms du cinéma. »

Pour l’Art et Essai, les spectateurs restent attachés à des enseignes personnalisés qui ne
s’apparentent pas à des « chaînes » ou « marques » comme Gaumont ou UGC.
« Ce sont des noms moins locaux. »
« Ca fait chaîne comme des Novotel. »
« C’est décliné partout pareil. »
« Ca n’a pas de personnalité. »
« Pour l’Art et Essai, je trouve ça mieux qu’ils aient leur propre nom, que les
propriétaires se lâchent. »

D’autres spectateurs sont davantage dans une posture de recherche de modernisation afin
de favoriser l’attractivité, l’ouverture et l’accessibilité de l’Art et Essai. À cet égard, des noms
comme Images d’ailleurs ou Utopia sont particulièrement valorisés.
« Images d’ailleurs par exemple, c’est très prometteur, c’est beaucoup plus
moderne et vaste. »
« Utopia, c’est joli, ça ouvre. »
« Par rapport au concept d’utopie. »
« Ça sonne bien à l’oreille, ça se retient facilement, il y a quelque chose
d’universel. »

C. L’ambiance et le confort
L’ambiance dans les établissements Art et Essai
Pour les spectateurs, l’ambiance des établissements Art et Essai est un point de
différenciation majeur par rapport aux cinémas « commerciaux ». Elle constitue un véritable
avantage qualitatif et un motif de fidélisation. Elle est jugée importante et est appréciée par
neuf spectateurs sur dix.

perceptions du public des cinémas Art et Essai 37


L’ambiance des salles de cinéma Art et Essai est perçue comme :
- plus intime, plus feutrée, avec une dimension plus humaine et familiale par opposition
aux grands halls et aux immenses salles ;
« C’est plus chaleureux. »
« C’est agressif, le côté commercial, cette foule qui me fait peur, le grand hall. »
« La foule de Kinépolis, j’aime pas : tout ce monde aux caisses, ça me fait peur,
ça ne me rassure pas. »
« Au Gaumont, c’est le supermarché le samedi après-midi. »
« La foule, on se croirait au stade. »

- plus charmante, avec un côté rétro, le charme d’un lieu qui a vécu ;
« Ce sont des salles qui sont souvent anciennes, elles sont chargées. »
« Ca a beaucoup de charme. »

- plus respectueuse, avec un public plus concerné, plus discipliné (contrairement aux
portables qui sonnent, aux gens qui se lèvent, parlent et mangent du pop-corn) ;
« Au moins, ce sont de vrais amateurs de cinéma. »

- moins anonyme, plus productrice de lien social ;


« On ne se regarde plus, éventuellement on se parle avant ou après le film. »
« Dans les grandes salles, ça ne m’est jamais arrivé de pouvoir discuter, c’est
plus anonyme, chacun dans son fauteuil. »

- plus sobre et discrète, avec une dimension culturelle faisant du film la seule motivation,
sans aspects consuméristes, à la différence des complexes (effervescence, gadgets, foire
aux friandises, son trop fort, etc).

Toutefois, les spectateurs adressent deux types de reproches à l’ambiance des salles d’Art
et Essai . Ils déplorent tout d’abord un déficit relationnel concernant l’accueil : les spectateurs
–à Paris, en banlieue ou en province - regrettent souvent la piètre qualité de l’accueil (aux
caisses, à l’entrée des salles, etc). Les spectateurs attendent un accueil plus humain et plus
chaleureux.
« Pas toujours aimables. On prend son ticket et puis c’est tout. »
« Bientôt, on prendra son ticket dans un distributeur, il ne faut pas le souhaiter
mais ça pourrait arriver. J’espère pas ! »
« Ils vous ignorent, ils sont indifférents. C’est pas les clients qui les intéressent. »
« Ils ne sont pas là pour le relationnel, c’est clair. »

De plus, ils souhaiteraient que l’accueil des cinémas tienne un rôle d’information et de
conseil sur les films. À Nantes, les anciens spectateurs de l’Apollo se souviennent avec
nostalgie de la personne à la caisse qui conseillait les spectateurs en fonction de leurs goûts
cinématographiques :
« Elle était super : j’arrivais au cinéma sans savoir et elle me disait tel film vous
allez aimer, je vous conseille celui-ci, etc. Et après le film ou la fois d’après, on
retournait la voir pour discuter. Elle ne s’est jamais trompée dans les films qu’elle
m’a conseillés ! Elle connaissait ses clients à force. Ca c’était génial. »

38 perceptions du public des cinémas Art et Essai


Ils se souviennent également de l’ouvreuse qui accompagnait, plaçait les spectateurs dans
la salle et passait avec son panier de friandises avant la séance et pendant l’entracte :
« C’était à l’ancienne, ça avait vraiment du charme. »
« Ca manque maintenant, ces petites attentions. »

Ainsi, notamment dans certaines salles parisiennes, cet aspect confère au cinéma d’Art et
Essai une image un peu caricaturale et cloisonnée.
« Je trouve que c’est pas très varié, c’est un peu toujours le même genre de
personnes, faut pas se mentir. »

Les spectateurs apprécient particulièrement l’ambiance intime et authentique des salles d’Art
et Essai. Cependant, ils attendent que cette dimension chaleureuse s’accompagne d’un
accueil plus humain, plus « bavard », plus personnalisé.
Certains spectateurs soulignent que l’ambiance d’un établissement est un facteur important
dans la réception du film. Ainsi, il existe des affinités entre le type de film et le type de salle.
Pour les films ayant une dimension culturelle ou artistique forte, les petites salles d’Art et
Essai seront privilégiées pour leur ambiance. En revanche, pour les films plus divertissants
nécessitant une qualité sonore et une définition d’image excellente, les salles
« commerciales » peuvent être privilégiées. Leur décorum renforce en outre le contexte
divertissant recherché pour ce type de films.

Le confort des salles Art et Essai


Pour les salles Art et Essai, la majorité des spectateurs ont globalement une exigence
moindre en termes de confort car ils leurs attribuent une dimension culturelle forte (par
opposition à la consommation de plaisir propre aux complexes). Dans l’esprit du public Art et
Essai, il existe une sorte de parallèle entre la rigueur intellectuelle et artistique des films Art
et Essai et le manque de confort physique.
« Plus le film est vachement bien plus on se fait mal ! »
« C’est un peu comme « il faut souffrir pour être belle » »

Pour les spectateurs de l’Art et Essai, la qualité des films peut être l’unique motif de
satisfaction, indépendamment des conditions physiques de réception. Elle compenserait
presque le confort limité.
« On est plus tolérant de l’inconfort des cinémas d’Art et Essai, pas du tout dans
un multiplexe. »
« On est plus indulgents sur le confort Art et Essai, c’est pas ce qui est
important. »

De plus, l’ancienneté -valorisée- de la majorité des salles Art et Essai est perçue comme
justifiant ce confort moindre comparé aux complexes flambant neufs. Le confort limité de
certaines vieilles salles peut également être appréhendé comme un signe sympathique
participant à leur cachet et au charme d’une projection Art et Essai.
« Sinon, quand le degré minimum de confort n’est pas remis en cause, je trouve
ça plus sympa d’aller dans une petite salle Art et Essai. »

perceptions du public des cinémas Art et Essai 39


Par ailleurs, le prix moins élevé des places dans les petites salles Art et Essai excuse
également le niveau approximatif du confort.
« On peut faire un effort pour un bon film et parce que c’est moins cher. »

Ainsi, pour une partie du public, le vrai confort des salles Art et Essai réside dans la sobriété
entourant la réception du film, l’absence de décorum artificiel et la déconnexion avec un
univers consumériste (absence de publicité, de confiserie,…).
Néanmoins, pour certains spectateurs, le confort ne doit pas demeurer le monopole des
réseaux commerciaux. En effet, les films d’Art et Essai méritent d’être vus dans de bonnes
conditions de confort.
« Moi je suis plutôt exigeante, c’est pas parce qu’on va voir un film d’auteur que
ça doit être moins bien. »

De plus, un meilleur confort serait un outil d’attractivité et d’ouverture à un plus large public.
D’ailleurs, pour un film donné, certains spectateurs déclarent privilégier les salles modernes
des réseaux commerciaux aux petites salles d’Art et Essai pour des raisons de confort.
« Entre un cinéma indépendant et un cinéma de grosse programmation, s’il
programme le même film , moi je n’hésite pas, je vais dans la grande salle. »

Les attentes minimales en termes de confort dans les salles Art et Essai portent sur les
fauteuils et la propreté de l’établissement. En outre, les spectateurs exigent des salles
suffisamment vastes afin d’éviter l’impression de confinement ainsi qu’un espace suffisant
entre les rangées de fauteuils.
« Le Bastille, je n’y vais plus, ils ont refait la salle et il n’y a pas de place pour les
jambes. »

Ainsi, l’exigence de confort est moindre dans les salles d’Art et Essai car le film prime sur les
conditions de sa réception. En outre, le confort « à l’ancienne » participe du charme de ces
salles. Néanmoins, la modernisation des grandes salles et le gain de confort qui en résulte
augmente le niveau d’exigence des spectateurs à l’égard des salles Art et Essai. Ils sont
nombreux à considérer que le confort devrait également être une préoccupation des petites
salles Art et Essai.

D’un point de vue pratique, le manque de confort est davantage ressenti pour les salles
parisiennes, considérées dans leur ensemble ; les spectateurs de banlieue et de province
semblant globalement davantage satisfaits du confort des salles qu’ils fréquentent.

La qualité des infrastructures : les aspects techniques


Lors des projections dans les petites salles Art et Essai, les spectateurs sont souvent
confrontés à des défaillances techniques. Toutefois, ils soulignent que ces défaillances
concernent également les autres salles.

40 perceptions du public des cinémas Art et Essai


Les problèmes les plus gênants concernent l’arrêt du film pendant la projection, en particulier
quelques minutes seulement avant la fin. Les principaux problèmes relèvent également du
son (mauvaise synchronisation avec l’image, altération de la qualité sonore).
« Le son c’est ce qu’il y a de pire. »
« Quand on entend le son des autres salles, c’est terrible. »
« Quand ça touche au son, c’est gênant. »

Certains spectateurs déplorent aussi des problèmes de climatisation ou de chauffage . Enfin


d’autres problèmes techniques sont relevés, mais qui ne sont pas forcément imputables à la
salle (notamment des problèmes de sous-titrage).
« Le sous-titrage blanc sur blanc. »
« Le sous-titrage qui s’enlève. »
« Les sous-titrages sur les vieux films qu’on n’arrive pas à lire. »

D. La politique tarifaire
Dans les réseaux commerciaux de type UGC, Pathé, Gaumont, le prix moyen des places est
évalué par les spectateurs autour de 8 euros pour le plein tarif en province et entre 9 euros
et 10 euros à Paris.
Les places les moins chères sont obtenues par le biais d’outils de fidélisation proposés par
les établissements (carnet, carte d’abonnement…) ou par des tarifs préférentiels proposés à
certaines catégories de spectateurs ou pour certaines séances (étudiants, comité
d’entreprise, séances du matin…)

Perception des tarifs Art et Essai


Le prix moins élevé des places pour le cinéma d’Art et Essai est interprété de deux manières
différentes par les spectateurs.
D’un côté, ce prix moins élevé est jugé justifié car les spectateurs attribuent une mission de
service public, d’ouverture de la culture à tous dans les établissements Art et Essai. Dans
ces conditions, ces cinémas se doivent d’être accessibles au plus grand nombre. Par
ailleurs, selon les spectateurs, le niveau de prix plus bas se justifie par un confort moins bon
en moyenne, des salles plus petites et des infrastructures moins modernes. Par symétrie, les
spectateurs expliquent les tarifs plus élevés des cinémas commerciaux par la qualité des
infrastructures et la nécessité de les amortir.
D’un autre côté, certains considèrent que les cinémas commerciaux devraient être moins
chers que les salles Art et Essai car ces établissements programment un cinéma réalisant un
important volume d’entrées, s’appuient sur un nombre élevé de salles et disposent de
sources de revenus annexes (friandises, boissons,…). En outre, les films proposés sont
dans l’ensemble de moindre qualité et, dans une logique de « soutien militant, » il serait
presque normal de payer davantage pour le cinéma Art et Essai, plus fragile que le cinéma
commercial :
« Ca reste toujours trop cher même si je comprends qu'elles aient (les salles)
besoin de ces tarifs pour survivre. »
« Il y a des réductions certains jours et pour les demandeurs d'emploi. Mais
j'aimerais y aller plus souvent avec plus de séances à tarif réduit mais le cinéma
n'y survivrait pas sans doute. »

perceptions du public des cinémas Art et Essai 41


Les spectateurs perçoivent donc les tarifs moins élevés des salles Art et Essai de façon
ambivalente. Certes, ils valorisent ce tarif peu élevé qui encourage la prise de risque et
permet de découvrir des films à moindre coût. Toutefois, les spectateurs considèrent que les
films Art et Essai leur apportent plus que les œuvres traditionnelles. Ils expriment ainsi le
désir de soutenir le film et les petites salles en payant le tarif normal. Par ailleurs, le bouche
à oreille jouant un rôle essentiel pour l’initiation au cinéma d’Art et Essai, les spectateurs
sont en demande de systèmes tarifaires susceptibles d’encourager leur cinéphilie et celle de
leur entourage (par exemple, une place adulte = une entrée gratuite enfant).
« J’achète des carnets de dix non nominatifs, ça revient moins cher, du coup je
propose plus facilement à une amie de venir avec moi. Ca lui est même arrivé
après d’en acheter elle-même parce qu’elle y a pris goût. »

E. La programmation
La programmation dans le temps
Le cinéma commercial repose sur une programmation hebdomadaire simple : le film est
associé à une salle, la sortie s’effectue le mercredi et la durée d’exposition est au minimum
d’une semaine, les mêmes films sont disponibles en même temps dans la majorité des
établissements.

Au contraire, le cinéma Art et Essai fonctionne selon une logique de programmation


beaucoup plus complexe. L’offre de films est souvent dispersée dans plusieurs
établissements (sauf pour les films d’actualité qui bénéficient de nombreuses copies). Les
films sont programmés sur un nombre de cases horaires limité. La programmation s’opère
sur une durée en général assez courte (parfois sur une seule journée). Certains films ne
bénéficient même que d’une ou deux séances au cours d’une semaine donnée.

Les spectateurs de cinéma d’Art et Essai soulignent la complexité qu’ils ressentent à


anticiper une séance et à se repérer dans la programmation. Ils sont souvent frustrés de
rater des films pour des raisons d’organisation (pour ne pas avoir pu se libérer pour la
séance ou parce que les films sont retirés de l’affiche lorsqu’ils sont disponibles).
« Des fois c’est impossible et c’est dommage. »

En conséquence, dès qu’une opportunité de voir un film qui les intéressent se présente, ils
en profitent et ne diffèrent pas la séance.
« Si la séance me convient, je saute dessus, sinon je sais qu’il pourrait ne pas y
en avoir d’autres. »
« Moins de choix : donc c’est soit on peut, soit on peut pas. »

La politique horaire
Dans les grands réseaux commerciaux de type UGC / Gaumont, la politique horaire est
claire, stable et bien identifiée par les spectateurs. Ils savent que pratiquement tous les films
à l’affiche sur une période donnée seront visibles à des séances espacées de deux heures
environ entre 14h et 22h.
« C’est pas compliqué à l’UGC c’est 14h, 16h, 18h, 20h, 22h. On sait qu’on
pourra toujours trouver une séance qui nous convient pour voir un film. »

42 perceptions du public des cinémas Art et Essai


Au contraire dans les salles Art et Essai, les spectateurs ne perçoivent pas de politique
horaire stable. Ils ne peuvent pas anticiper les séances sans s’appuyer sur un programme.
« Ca demande plus d’organisation. »
« Il y a moins de séances dans la journée. »
« Les horaires sont moins précis. »
« Pas rare que deux films partagent la même salle. »

Le flou des horaires et de la programmation est particulièrement sensible à Paris (à


l’exception de quelques salles comme le MacMahon qui mise sur des horaires stables et
mémorisables). En banlieue et en province, les spectateurs ne fréquentent que deux à trois
salles, et parviennent ainsi à avoir quelques repères. Dans les petites salles des Ve et VIe
arrondissements de Paris, les spectateurs ont remarqué la prédominance des horaires de
journée, adaptés à une fréquentation étudiante. De nombreux spectateurs (y compris en
province) regrettent le manque de séances en soirée, notamment après 21h.
« C’est dommage, ça s’arrête à 21h (Lille). »
« Je trouve qu’ils devraient faire plus de séances plus tard, 22h ou même minuit.
En plus pour ce genre de films, c’est bien adapté. »

À Paris notamment, certains spectateurs déplorent que les séances ne commencent pas
toujours à l’heure dans les petites salles (jusqu’à 15 ou 20 minutes de retard). Ce type de
dysfonctionnements renforce l’image d’un cinéma dont l’organisation est artisanale, et ajoute
à la difficulté des spectateurs pour s’organiser pour une séance.
Si un film est programmé à la fois dans une salle Art et Essai et chez UGC et Gaumont,
certains spectateurs peuvent se tourner plus volontiers vers les réseaux commerciaux pour
avoir un plus grand choix d’horaires.
« Moi c’est surtout les horaires qui font que je vais aller chez UGC : parce qu’il y
a des séances plus tard et qu’il y a plus de plages au choix. »

La politique éditoriale
Une intention éditoriale qualitative
Pour les spectateurs, la programmation dans les réseaux grand public de type UGC ou
Gaumont résulte d’automatismes médiatico-commerciaux : il n’y pas de volonté éditoriale
qualitative propre à chaque établissement. Au contraire pour les salles Art et Essai, les
spectateurs perçoivent une vraie politique éditoriale propre à chaque établissement (ou
groupe d’établissements). Ils attribuent la ligne éditoriale au programmateur ou au
responsable de la salle.

perceptions du public des cinémas Art et Essai 43


Les spectateurs apprécient particulièrement que les programmateurs ou responsables de
salles interviennent pour parler d’un film. Ils sont perçus comme des amoureux du cinéma,
engagés, passionnés, militants et défenseurs du patrimoine cinématographique.
« Le Jean Vigot, le patron vient souvent dire un mot. »
« Soixante-huitard, à Savigny-sur-Orge, il parle très peu mais il s’occupe de tout.
Des fois, il sort dans la rue et demande aux gens s’ils ne veulent pas aller au
cinéma. »
« J’imagine un gros bonhomme sympathique, la pipe au bec, alors que pour
UGC : un businessman pas très sympathique. »
« Le patron du Mac Mahon, j’en ai entendu parlé, il paraît qu’il est très sympa,
très jovial. »
« Ils ont un engagement au-delà… C’est un croyant. »
« Un passionné, un défenseur des chefs d’œuvre en péril. »

À la différence des réseaux commerciaux, les établissements et salles Art et Essai doivent
prendre en compte la problématique de la fidélisation du public par leur programmation . Les
spectateurs sont sensibles aux choix éditoriaux audacieux. Ils ont tendance à être fidèles
aux salles dont ils perçoivent une ligne éditoriale affirmée. Cet aspect est particulièrement
avéré à Paris. D’autant que, ne pouvant pas être attentifs à la programmation d’une
multitude de salles, les spectateurs se concentrent sur celles où ils ont vécu les meilleures
expériences. Par ailleurs, ils apprécient que les programmateurs ou les responsables de
salle s’impliquent en venant à leur rencontre pour expliquer et valoriser leurs choix
éditoriaux.

Les programmations aménagées (cycles, festivals, rétrospectives)


Les spectateurs apprécient particulièrement les cycles, festivals ou rétrospectives. Ces
manifestations sont particulièrement attractives lorsqu’elles concernent un auteur, un pays,
une période, un thème, … que l’on apprécie. Ces initiatives vont de pair avec une
programmation particulière (étalée sur un mois en général ou condensée sur quelques
jours), ce qui leur permet d’être bien repérées par les spectateurs qui peuvent s’organiser
pour assister aux séances. Les programmations aménagées regroupent un grand nombre de
films parmi lesquels les spectateurs peuvent facilement faire leur choix. Rares sont ceux qui
assistent à l’ensemble des séances, mais cette abondance donne l’impression d’un
événement riche.
« Oui, mais je vais voir des films dans le cycle, pas tous les films du cycle. »
« c’est pas mal : c’est la quantité, on a le choix, on peut voir plusieurs spectacles,
des films qui ne viendraient pas sans le festival. »
« L’inconvénient, c’est qu’on ne peut pas tout voir. »

Ces manifestations permettent à l’établissement d’affirmer une volonté éditoriale


organisée autour d’un bénéfice culturel. Pour certains spectateurs, les cycles et
rétrospectives sont une occasion de parfaire leur culture cinématographique.
« Se refaire des bases, sur des thèmes, des auteurs. »

44 perceptions du public des cinémas Art et Essai


D’un point de vue tarifaire, les programmations de cycles, festivals ou rétrospectives sont
particulièrement attractives pour les spectateurs.
« Au Mans, il y a des week-end Woody Allen… On a un prix fixe pour trois films
de l’auteur. »

Les programmations de cycles, rétrospectives ou festivals sur une longue période (plusieurs
jours à un mois et demi) présentent des avantages pour les spectateurs et donc pour les
établissements car elles favorisent la fidélisation, permettent d’annoncer suffisamment à
l’avance les prochains événements et de communiquer sur des supports ayant une certaine
longévité. Du point de vue du spectateur, elles incitent à repérer les films programmés en
leur permettant de s’organiser pour être disponible.

Les programmations à caractère événementiel peuvent également exister sous forme de


cases dédiées, comme le font certains établissements, avec des séances franchisées un soir
de la semaine (par exemple « L’absurde Séance » du Katorza à Nantes, dédiée aux films
gore et d’épouvante).

F. Les animations et axes de renouvellement attendus


Les spectateurs attendent de multiples animations susceptibles de dynamiser l’image du
cinéma d’Art et Essai, le rendre plus attractif et encore plus intéressant. En province en
particulier, les spectateurs expriment une attente assez forte de faire des établissements Art
et Essai des lieux culturels plus conviviaux et pas seulement des lieux de projection. Deux
axes d’optimisation sont ainsi plébiscités :
- davantage d’animations autour de films ou de réalisateurs pour relier le cinéma à la vie
réelle ;
- davantage de convivialité dans les établissements pour en faire des lieux de vie et
d’échanges culturels.

Les types d’animations attendus


Pour les spectateurs, les animations doivent intégrer une vraie teneur culturelle en lien direct
avec le film. Elles ne doivent en aucun cas s’apparenter à une expression commerciale. Les
animations les plus valorisées sont (par ordre décroissant d’appréciation) :
1) la présence de membres de l’équipe du film
2) les festivals
3) les avant-premières
4) les cycles de réalisateurs
5) les débats avec le public
6) la diffusion courts métrages

Le moment de l’avant-séance
Les spectateurs sont favorables à une revalorisation de l’avant-séance. La diffusion de deux
ou trois bandes-annonces de films Art et Essai, de courts-métrages ou d’une ambiance
sonore en lien avec le film constituent les principales attentes à ce niveau. Toutefois, pour
les spectateurs, l’avant-séance doit être brève. Elle doit combler le temps mort existant entre

perceptions du public des cinémas Art et Essai 45


deux projections de film et non allonger la durée de la séance. Elle doit n’être qu'une entrée
en matière pour le film.

Animations autour d’un réalisateur


Les animations les plus pertinentes pour les spectateurs sont souvent celles axées sur un
réalisateur. Il peut s’agir d’une rencontre avec le réalisateur qui raconte son idée, son vécu
du film, le choix de ses acteurs, etc., ou encore d’une carte blanche donnée à un réalisateur
emblématique.

Animation sous forme de débats


Les débats sont perçus comme un type d’animation difficile à mettre en place de façon
attractive. D’une part, ils sont largement dépendant de la qualité des intervenants. D’autre
part, ils peuvent s’appuyer sur des registres décalés par rapport aux attentes des
spectateurs (soit trop élitistes, soit trop élémentaires).
« Faut être déjà un bon spécialiste pour s’intégrer dans un débat sur le film. »
« J’avoue, des fois, j’ai été un peu déçu par la teneur du débat, j’intervenais
pas… mais souvent les questions c’était bateau, on est timide. »

Les animations autour du film (avant ou après)


Les spectateurs sont avides d’animations susceptibles de relier le film à la réalité. La venue
d’artistes (issus d’autres arts), de personnes en lien direct avec le sujet du film, la mise en
place d’animations prolongeant le plaisir du film (dégustation de vin après Sideways), la
visite des lieux de tournage (l’Hôtel du Nord par exemple) contribuent à ce dynamisme.

La programmation de courts métrages


Une grande partie des spectateurs est demandeuse de courts métrages, avant le film ou
sous forme de festivals ou de nuits dédiées.

Les animations pour les enfants


Les parents sont très intéressés pour emmener leurs enfants à des séances couplées avec
un goûter ou un mini-échange à vocation pédagogique autour du film.

Les avant-premières
Les avant-premières sont appréciées parce qu’elles sont souvent l’occasion de rencontrer
les acteurs du film et créent un événement festif. Néanmoins, les spectateurs regrettent que
les séances d’avant-première soient souvent bondées et drainent un public qui ne vient pas
forcément pour le film.
« Faut déjà avoir la place. »
« Il y a trop de jeunes, c’est la cohue. »

Faire voter le public pour des films


Les manifestations qui permettent au public de participer sont valorisées. Les spectateurs
jugent attractives les soirées de projection avec à la clé un vote du public et une
récompense. L’implication du public est particulièrement attendue dans le cinéma d’Art et
Essai, qui est vécu comme un cinéma plus proche et plus impliquant que l’anonymat et la
culture de masse des blockbusters.

46 perceptions du public des cinémas Art et Essai


PERCEPTION DES ANIMATIONS PAR LES SPECTATEURS
Types d’animations Avantages appréciés
Présence de membres de l’équipe du film Un avantage comparatif par rapport aux complexes
(avant ou après la projection)

Festivals Un élément de lien, de convivialité

Avant-premières
Une source d’apprentissage, pour développer sa
Cycles de réalisateurs cinéphilie et/ou son regard sur le monde

Débats avec le public


Un bon moyen d’approfondir un film
Diffusion de courts métrages

Collation après la projection

Analyse de film par un expert

Carte blanche à un réalisateur

Concert combiné avec le film

Axes de renouvellement pour les salles Art et Essai


En ce qui concerne les établissements d’Art et Essai, les spectateurs (en particulier en
province) sont en attente d’une certaine modernisation. En premier lieu, cela implique un
meilleur confort. Cette modernisation concerne également la qualité acoustique et sonore
afin de permettre des conditions de visionnage optimales. Par ailleurs, les spectateurs
attendent un accueil plus chaleureux et de meilleure qualité (information et conseil sur les
films). A ce niveau, il convient de trouver un juste milieu entre un accueil trop discret et celui
trop actif caractéristique des multiplexes. Enfin, les attentes concernent la mise en place
d’espaces de détente et de convivialité (documentations sur les films, possibilité de
collations…). Cette attente est notamment exprimée par les spectateurs de province, mais
également par certains Parisiens qui apprécient les expériences d’établissements avec bar
ou restaurant. Une partie des spectateurs –les plus puristes et les plus anti-consommation,
notamment à Paris- rejettent pour le principe ce « marketing ».

En conclusion, il s’agit de trouver un juste équilibre entre la dimension familiale des petites
salles d’Art et Essai et la standardisation « marketée » des grands complexes. Une piste
consisterait à jouer la carte du lieu convivial à dimension humaine, d’un endroit d’échange
culturel sur les films et entre spectateurs qui ne soit pas seulement un lieu de projection. Il
s’agit d’un élément de différenciation très fort et qui répond aux attentes du public.

perceptions du public des cinémas Art et Essai 47


G. Les projections en plein air
Les spectateurs ayant assisté à des projections en plein air l’ont vécu comme une
expérience agréable, originale et intéressante.
Pour les spectateurs, le cinéma d’Art et Essai révèle une proximité importante avec la
projection en plein air. En effet, compte tenu des conditions climatiques, les projections en
plein air ont lieu pendant la période estivale, où l’offre de films Art et Essai est abondante. Le
plein air propose un contexte insolite pour un cinéma particulier, qui lui donne une dimension
événementielle, originale. Il constitue un environnement qui crée une communion physique
et matérielle en plus du partage intellectuel, artistique et sensoriel autour d’un film. Le public
apparaît comme plus vivant, où tout le monde est plus « ensemble », plus proche, où les
réactions du groupe sont davantage palpables (par opposition à l’individualité du fauteuil qui
isole).
« C’est très convivial. »
« Plus libéré : on entend les réactions des gens, on entend plus les gens réagir. »

Le plein air offre également un mode d’écoute du cinéma d’Art et Essai dans un décorum
très convivial et accessible, qui le sort de sa connotation poussiéreuse, élitiste et codifiée.
« C’est une approche moins formelle. »
« Déjà, c’est gratuit donc accessible à tous. »
« Il y avait aussi des clochards qui étaient là, je trouve ça super. »
« Socialement c’est très bien. »

Le plein air propose des projections –souvent- gratuites qui font écho à la vision des films
comme des œuvres pour tous. Ce phénomène tranche avec l’appréhension d’un produit
destiné aux seuls individus ayant un pouvoir d’achat conséquent. Cette déconnexion de
l’univers marchand s’accorde pleinement avec les valeurs défendues par les amateurs de
cinéma d’Art et Essai. Pour les spectateurs, les projections en plein air ont un côté
folklorique, populaire et amusant, qui fait écho à une image positive et affective du cinéma
(comme les « drive-in » américains dans les années 60).
« C’est américain. »
« C’est euphorisant. »
« Je me suis gelée mais je me suis dit, faut que je voie la fin du film, c’était
sympa. »

Ce mode de projection représente une bonne initiation au cinéma d’Art et Essai. Il est
susceptible de stimuler l’appétit pour ce cinéma et sa consommation en salle.
« Sur Villeneuve d’Asq, ils l’avaient fait gratuitement et du coup les gens pensent
plus à aller dans les salles. »
« Il y a plein de gens qui du coup sont venus après au cinéma. »

En revanche, les projections en plein air peuvent être frustrantes pour certains spectateurs
attachés à un certain confort.

48 perceptions du public des cinémas Art et Essai


VI. Communication et information sur l’offre Art et Essai

A. Les labels utilisés pour l’Art et Essai


La grande majorité des spectateurs interviewés n’avaient ni repéré les labels dans les
cinémas, ni même connaissance de leur existence. Seuls un ou deux spectateurs nantais
avaient déjà vu l’autocollant CNC dans son ancienne version (bleu foncé).
Les spectateurs ont du mal à identifier avec précision la signification réelle de cette
classification. Ils remarquent que les labels peuvent se recouper entre eux et que tous les
films ne sont pas classables dans l’une ou l’autre des catégories.
« Aller voir un film de Renoir pour moi, c’est une découverte à part entière et
c’est aussi du patrimoine. »

Par ailleurs, les spectateurs ont du mal à imaginer qu’une salle puisse se limiter à un seul
label, car son offre serait alors beaucoup trop réductrice.
« Ils sont clairs mais pas équilibrés : une seule salle ne peut pas se permettre de
faire un seul truc : si elle fait que Patrimoine et répertoire … ? c’est un peu
limité. »

Le label « Patrimoine et répertoire »


Pour les spectateurs, cette expression évoque bien l’idée d’une préservation de l’histoire du
cinéma. Toutefois, elle revêt un aspect passéiste et un manque de dynamisme. Elle présente
également une connotation scolaire et fastidieuse. L’expression évoque également l’univers
financier. Les spectateurs seraient plus favorables à une appellation plus simple :
« Patrimoine », afin de limiter l’effet vieillot et les connotations bancaires.

Le label « Recherche et découverte »


Le mot recherche a l’inconvénient de comporter des connotations scientifiques. Il peut
évoquer un cinéma difficile d’accès, expérimental.
« Ça fait recherche et développement. »
« Un côté scientifique, expérimental. Cinéma de laboratoire. »

Le mot « découverte » est lui très positif et attractif. Il évoque aussi bien l’exploration d’un
nouveau style porté par un cinéaste, que la découverte par le spectateur d’une approche ou
d’un thème particuliers.
Les spectateurs préféreraient simplement l’appellation « Découverte ». Celle-ci s’avère plus
positive, plus ouverte et non rébarbative.

Le label « Jeune public ».


Ce label est clair et sans équivoque.
« Très bien, ça évoque tout de suite les films pour les enfants. »

perceptions du public des cinémas Art et Essai 49


Il est compris comme indiquant que la salle est attentive à l’initiation cinéphilique des enfants
en leur sélectionnant une programmation adaptée. Pour les parents, le label fonctionne
comme un guide, leur donnant des idées de films pour les enfants, et comme une caution les
rassurant sur les œuvres visibles par les plus jeunes.
Ce label apporte aussi au CNC l’image d’une institution qui participe à une mission éducative
et pédagogique.

B. Perception globale de la communication


Un déficit de communication
Les spectateurs ressentent fortement le manque de communication autour du cinéma d’Art
et Essai, surtout en comparaison avec la communication massive déployée pour le cinéma
grand public.
Il existe en effet un vrai clivage quant à la perception de l’information : près de 8 spectateurs
sur 10 se disent mal informés sur l’Art et Essai, quand 9 sur 10 jugent être bien informés sur
le cinéma grand public. En effet, l’actualité Art et Essai est largement déconnectée de
l’actualité du cinéma commercial. Il en résulte une difficulté pour les spectateurs à se sentir
informés de l’existence des films et à se repérer dans l’offre.
Les spectateurs d’Ile de France s’estiment privilégiés par l’abondance de l’offre de films
proposée à Paris et en région parisienne. Face à cette offre pléthorique, ils ont toutefois
davantage de mal à se repérer que leurs homologues provinciaux. En province, les
spectateurs ont moins de choix, le nombre de salles et de films est plus limité. Ils ressentent
moins ce manque de communication pour les salles auxquelles ils sont habitués. Mais, ils
sont souvent déconnectés du programme des salles qu’ils fréquentent peu ou qui sont
éloignées de chez eux.

Une attente d’outils de communication sur l’Art et Essai


Face au problème de dispersion de l’offre, les spectateurs sont en forte demande d’un effort
de centralisation des offres Art et Essai. Cette attente est particulièrement sensible chez les
franciliens. Parallèlement, il existe un fort attachement aux moyens d’information locaux,
notamment aux différents documents édités par les établissements et disponibles dans les
salles. Les spectateurs en apprécient particulièrement la dimension artisanale, associative,
un peu militante et quasi-affective.
Idéalement, les deux modes de communication devraient coexister de façon
complémentaire :
- des moyens de communication centralisés pour toute l’information en amont sur les films
(panorama de l’actualité de l’Art et Essai, sorties, synopsis, etc.) afin de compenser le
déficit en comparaison à la médiatisation massive dont bénéficient les films grand public.
- des moyens de communication locaux et propres aux salles :
● pour renseigner de façon pratique sur leur programmation (dates, séances,
événements,…).
● comme outil pour les établissements afin de s’approprier une ligne éditoriale, avec
le choix de mettre certains films en avant de façon détaillée.

50 perceptions du public des cinémas Art et Essai


Attentes d’outils de communication centralisateurs
D’un point de vue pratique, les moyens de communication attendus pour centraliser
l’information sur l’Art et Essai sont imaginés en premier lieu comme un site Internet et une
newsletter . Cela pourrait également prendre la forme d’un magazine papier mis à disposition
dans les cinémas en région.
La centralisation de l’information permettrait notamment de jouer sur l’effet d’entraînement
en prescrivant un ensemble de films (ex : si vous avez aimé ce film, vous aimerez celui-là).
En outre, comme l’exposition aux bandes-annonces est beaucoup plus faible pour les films
d’Art et Essai que pour les films grand public, il y aurait une nécessité à développer la
diffusion de bandes-annonces. Elles pourraient être projetées en salle en début de séance,
ou remises aux spectateurs sous la forme d’un DVD. Enfin, des sites Internet de films ou un
site fédérateur pourraient proposer des bandes-annonces de films d’Art et Essai.
Les films d’Art et Essai étant moins valorisés par l’actualité, ils ont d’autant plus besoin de
cautions de qualité, de signes de « réassurance ». C’est un cinéma qui a besoin d’avoir des
labels comme des prix du public ou des recommandations d’experts.
La centralisation de l’information sur l’Art et Essai est nécessaire mais sa mise en œuvre doit
trouver un équilibre . La communication autour du cinéma d’Art et Essai doit le rendre
accessible comme le cinéma grand public. En revanche, elle doit le conserver comme un
cinéma particulier, reposant sur un mode de fonctionnement et un public particuliers, sans
pour autant le « ghettoïser ».

Attentes d’outils de communication locaux


Il y a une nécessité d’information « en push » de la part des salles. Celle-ci peut prendre la
forme de newsletters éditées par les salles ou de compilation des programmes des « salles
préférées » choisies par le spectateur.
En outre, les spectateurs perçoivent comme étant du ressort des établissements eux-mêmes
de mettre en valeur les films Art et Essai par des cycles, des animations, etc. dans les salles
de leur ville ou des environs.
La notion de confiance dans le programmateur, qui choisit et sélectionne les films, doit
également être valorisée. Les spectateurs sont très sensibles à la prescription des
professionnels (plus facilement en province, à l’image du libraire qui recommande des
lectures en fonction des goûts).

C. Les outils de communication existants


Internet
Internet est un moyen d’information largement utilisé par les spectateurs parisiens, un peu
moins par les spectateurs de province qui consultent davantage les moyens d’information
locaux. En effet, compte tenu de l’offre pléthorique à Paris, du nombre de salles et de leur
dispersion, Internet constitue un moyen de recherche centralisé très appréciable.

Allocine.fr
Aux yeux des spectateurs, ce site apparaît beaucoup plus exhaustif sur l’Art et Essai que
pourrait le laisser croire son image grand public et commerciale.
« J’avais un a priori, je ne pensais pas qu’il y avait le cinéma d’Art et Essai mais
en fait c’est complet, il y a vraiment tous les films. »

perceptions du public des cinémas Art et Essai 51


Cependant, il présente l’inconvénient de reléguer l’actualité de l’Art et Essai au second plan :
les spectateurs regrettent en effet d’avoir à passer d’abord par les premières pages
d’Allociné centrées sur le cinéma commercial pour trouver les salles et les films Art et Essai.
Allociné est notamment apprécié pour l’abondance d’avis qu’il propose sur un film donné :
- avec le système de notation par étoiles, de la presse (avec la revue de presse), et
surtout des spectateurs.
« j’aime bien, ils font une petite revue de presse, je la lis. »
« De plus en plus, je me fie aux étoiles des spectateurs. »

- avec des forums de spectateurs où les internautes s’expriment à propos des films non
traités par les médias officiels.
« Moi ce que j’aime bien, c’est qu’il y a toutes les salles et il y a les forums, où il y
a des gens qui parlent de films dont même la presse ne parle pas. »

Allociné est à la fois utilisé pour découvrir les sorties, trouver des informations sur les films,
et pour trouver une séance. Le Site assure une fonction à la fois informative et pratique.

Les sites de titres de presse comme telerama.fr, figaro.fr, cahiersducinema.com


Ces sites sont en général fréquentés par les acheteurs de ces mêmes titres en version
papier. Ils sont appréciés pour leur spécialisation sur les films qui intéressent le public Art et
Essai. Ils sont plutôt consultés pour découvrir les films et lire des critiques. Ils n’ont pas de
fonction pratique d’organisation de la séance.

Les sites des salles


Les sites des salles sont consultés par quelques spectateurs, davantage pour repérer les
sorties et les séances que pour s’informer en détail sur les films.
« J’y vais pour trouver les horaires. »

A Paris, les spectateurs ne visitent pas naturellement les sites Internet des salles Art et Essai
car il y en a trop et l’offre est dispersée. En banlieue ou en province, les sites Internet sont
fréquentés, notamment lorsqu’ils sont reliés au site de la municipalité.

Sur les sites de salles, la possibilité de s’inscrire à une newsletter envoyée régulièrement
pour informer des sorties, de la programmation, des événements, est très appréciée.
« Une newsletter, ça fait penser à aller voir un film. »
« Le Concorde, on s’inscrit et il t’envoie une newsletter. »
« Je reçois la newsletter du Métropole (Lille). Du coup j’ai tous les horaires. Elle
est hebdomadaire. C’est pratique. »

La newsletter est un outil particulièrement attendu et pertinent pour le cinéma d’Art et Essai :
en allant vers le spectateur, la newsletter permet de compenser en partie le déficit
d’information inhérent aux médias traditionnels.
« Les newsletters, c’est bien, ça vient vers nous. Des fois, ils mettent l’accent sur
quelque chose qui t’a échappé. »
« Ca peut informer sur un changement de dernière minute auquel on n’aurait pas
eu accès autrement, par exemple sur un horaire de séance. »

52 perceptions du public des cinémas Art et Essai


Il existe ainsi une attente que les salles transmettent l’information sur leur programmation
sous forme de newsletter. Ce mode de diffusion convient davantage que la démarche de
visiter régulièrement le site d’une salle.

Les petits guides pratiques : Pariscope et L’Officiel des spectacles


À Paris, ces deux hebdomadaires sont très largement consultés par les spectateurs, pour
repérer une séance, mais aussi pour avoir le résumé des films. Ils sont valorisés pour leur
caractère exhaustif et le traitement égalitaire entre les films dits commerciaux et les films Art
et Essai.
« On est sûr qu’il y a tous les films. C’est bien pour l’art et essai. »
« On sait qu’il y a tout. »
« C’est un traitement égalitaire pour tous les films. »
« Moi j’ai vraiment découvert le cinéma quand j’étais petite en apprenant par
cœur le Pariscope ! »

En contrepartie, ils exigent un effort de dépouillement et de repérage de la part des


spectateurs.
« Il faut fouiller un petit peu. »
« Il faut vraiment l’éplucher, cocher les pages, stabiloter. »

Pariscope est souvent préféré à L’Officiel des spectacles par les spectateurs interviewés. Ils
lui reprochent notamment son manque de clarté dans l’indication des horaires.
« Moi, j’aime pas la présentation de l’Officiel, j’ai cru un nombre incalculable de
fois que mon horaire était celui du film d’après. »
« L’Officiel / Pariscope : pour quelqu’un qui n’est abonné à rien, on est sûr qu’il y
a tout. L’Officiel est mieux. »

En province, le gratuit Sortir (le plus utilisé par les spectateurs interviewés) permet de
s’informer surtout sur les séances, mais aussi sur les films grâce à quelques résumés
concernant l’Art et Essai. A Nantes, le journal Pill’s est souvent cité par les spectateurs pour
son information relativement complète concernant l’Art et Essai.

Le répondeur téléphonique des salles


Ce moyen d’information est beaucoup utilisé par les spectateurs de province (de Lille et
Nantes).
« On est obligé de téléphoner. Là, au moins, on est sûr d’avoir les informations. »
« Moi je téléphone souvent au Concorde. C’est pratique. »

perceptions du public des cinémas Art et Essai 53


Les répondeurs téléphoniques ont l’avantage d’être toujours disponibles, rapides et à jour
puisque l’établissement lui-même l’enregistre. Ils sont une source d’information appréciée
des spectateurs, en particulier lorsqu’en plus de l’énoncé des séances, ils proposent un
résumé et renseignent sur le réalisateur du film.
« Pour le Métropole et le Majestic, ils donnent des résumés de films. »
« J’aime bien appeler directement, ils ont un répondeur qui est pas mal fait. »
« L’avantage, c’est qu’il suffit d’appeler et on est sûr d’avoir l’information, c’est
pratique. »
« C’est bien, ils mettent un résumé du film ; si ça nous intéresse, on sélectionne
et ils donnent un peu plus de détails. »

Les répondeurs téléphoniques sont perçus comme un service de proximité. Ils sont surtout
adaptés pour s’informer sur les séances une fois le film choisi, mais ne contribuent que
modestement à renseigner sur les films.

Les prospectus de programmation disponibles dans les salles


Ils sont perçus comme le moyen le plus sûr de s’informer sur la programmation des salles,
mais ne sont pas parfaitement appropriés car ils impliquent une fréquentation régulière de la
salle , puisque ces programmes sont souvent édités pour une semaine.
« Encore faut-il avoir une salle ou un commerçant les diffusant à proximité de
chez soi. »

Ce moyen d’information est efficace et très utilisé par les provinciaux qui disposent d’un
nombre limité de salles. Il l’est beaucoup moins par les parisiens, étant donnée la quantité
d’établissements Art et Essai à Paris.
Les spectateurs expriment leur attente de pouvoir s’inscrire dans les salles qu’ils fréquentent
pour recevoir le programme chez eux par la poste.
« Au cinématographe, il y avait un cahier où il suffisait de mettre son nom et son
adresse et on était dans leur listing pour qu’ils nous envoient le prospectus. »
« Le Méliès, je le reçois par la poste, il y a une petite critique, c’est vraiment clair,
ça donne toujours envie. En encart, il y a toutes les heures, c’est très pratique. »

Les prospectus mensuels sont particulièrement valorisés. Ils permettent aux spectateurs
d’avoir une vision d’ensemble de la programmation et donc une visibilité sur la durée de vie
des films à l’affiche. Ainsi, ils permettent aux spectateurs d’anticiper sur les séances qui leur
conviennent et de s’organiser en conséquence. De plus, comme ils sont mensuels
(seulement douze numéros par mois), les établissements en soignent particulièrement la
forme -beau design, papier de qualité-, faisant de ce document un objet que le spectateur a
envie de conserver (à la différence des feuillets A4 ou A5 ordinaires des prospectus
hebdomadaires).
« Le Cinématographe, c’est un papier glacé, il est très beau. »
« Graphiquement il est très beau, je le garde tous les mois. »
« Chez moi je reçois une feuille A4 pliée, mais je la jette, ça donne pas envie de
la garder une information comme ça, ça sert à rien. »

54 perceptions du public des cinémas Art et Essai


Les feuillets édités par des réseaux (ex : le magazine Trois couleurs de MK2) sont
considérés comme des sources d’information intéressantes mais tronquées, car orientées de
fait vers les films programmés dans ces réseaux uniquement.
« Le magasine Trois Couleurs du MK2, moi je le lis. »
« Moi, je m’en méfie un peu, je me dis qu’ils font de la pub pour leurs films, mais
je le lis quand même. »

Réactions spontanées aux fiches de l’AFCAE


À Nantes, la présence des fiches AFCAE est très bien repérée par les spectateurs, qui les
prennent très régulièrement à l’entrée des salles et les lisent avec intérêt, en survol avant le
film et en détail après le film. Elles sont souvent conservées.
« Ils ont 4 pages par film, c’est bien, c’est complet. »
« Le concept est très bien de décortiquer comme ça. »
« Il y a un côté objectif, le contraire de Trois Couleurs, où ils font la pub de films
qu’ils diffusent. »
« On a l’habitude d’en voir dans les cinémas. »
« C’est un plaisir de repartir avec une petite liasse de papier, par rapport à une
Newsletter. »
« Internet ne remplace pas le papier. »
« Souvent il n’y a qu’une brochure dans le cinéma. »
« L’interview, c’est précieux. »
« Les fiches techniques donnent toutes les infos dont on a besoin. »
« Ca va au-delà de là où on peut aller. »

Réactions spontanées aux fiches Ciné Diversité


« Arte fait partie des promotions. »
« Ça donne envie parce que c’est en couleur. »
« Très bonne idée l’interview du réalisateur. »
« Très intéressant mais pas très joli (mise en page, carrés rouges autour). »
« Le cadre blanc qui rétrécit l’affiche. »
« Un peu grand, il faut le plier. »
« J’entrerais sur des trucs très factuels dès l’entrée. »
« Quand on vous le donne dans la rue, le geste machinal, c’est pas de l’ouvrir,
c’est de le retourner, d’où l’intérêt de mettre le synopsis à la fin. »
« La qualité du papier détermine si on garde ou non le document. »
« La petite brochure avec la petite carte que les enfants peuvent envoyer, ça, ça
marche, c’est très bien. »
« Moi je préfère le Ciné Diversité / AFCAE : je trouve qu’il parle plus du film . La
brochure de l’AFCAE met trop l’AFCAE en avant. »
« A lire 10 minutes avant, par contre je le garderais pas, c’est un truc jetable. »
« Moins concrète »
« Plus austère. »
« Trop grande, le format est difficile à prendre en main. »
« C’est difficile à ramener chez soi, alors que c’est des fiches qu’on a envie de
conserver. »
« Il y a beaucoup de blancs. »

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