VLB Personnage Et Institution
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Études françaises
VLB
URI: https://id.erudit.org/iderudit/036780ar
DOI: https://doi.org/10.7202/036780ar
Publisher(s)
Les Presses de l'Université de Montréal
ISSN
0014-2085 (print)
1492-1405 (digital)
Tous droits réservés © Les Presses de l'Université de Montréal, 1983 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit
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BENOIT MELANÇON
que pratiquée, par exemple, par Northrop Frye3. Il va sans dire que
ces approches ne sont dissociées (arbitrairement) qu'aux fins de la
discussion; il y a fort à parier que plusieurs des «mythologies»
barthésiennes puisent aux mêmes sources fondamentales que certains
des archétypes de Frye.)
En 1972, Jean-Louis Major inaugurait les études mythologiques
québécoises en étudiant «comment des faits s'inscrivent dans une
rhétorique pour orienter la lecture d'une œuvre» (p. 534), celle de
Saint-Denys Garneau. Quelques années plus tard, Jacques
Marchand, s'attaquant à Claude Gauvreau, démontait le mécanisme
par lequel «une fascination hypnotique pour le personnage» permettait
d'entretenir «un silence unanime, révérencieux, face à l'œuvre elle-
même» (p. 11). Dans une perspective similaire, Nicole Deschamps,
Raymonde Héroux et Normand Villeneuve, dépouillant Maria
Chapdelaine de ses nombreuses strates idéologiques, montraient que
malgré le succès universel de ce Récit du Canadafrançais,«à la limite,
tout se passe comme si ce texte n'existait pas» (p. 9). De plus, l'absence
de données biographiques concernant Louis Hémon rendait possible
un procès d'occultation agissant directement sur le texte sans avoir à
«détourner» la vie de l'auteur, mais plutôt en créant cet auteur de
toutes pièces. Se fondant sur une définition psychanalytique du mythe,
Jean Larose pouvait dire du mythe de Nelligan qu'il est «un vrai
mythe, pérenne, vivant, fixé et populaire», car «nul autre que Nelligan
ne s'est imposé à tous comme figure du destin national» (p. 31-32)4.
Si différentes que puissent paraître ces approches (d'une étude à
la Etiemble chez Marchand à la réflexion psychanalytique chez
Larose), elles mettent toutes à jour l'occultation, voire la récupération
idéologique d'une œuvre. Elles dévoilent également une propension
(non) critique à remplacer l'étude de l'œuvre par celle de l'homme. La
réception critique de l'œuvre de Victor-Lévy Beaulieu nous semble
relever, jusqu 'à un certain point, du même phénomène de détournement.
3 Cette critique des mythes est «l'étude des principes structuraux de la littérature
elle-même, plus particulièrement de ses conventions, de ses genres, de ses archétypes ou
de ses images récurrentes» (p 502)
4 À tort, Larose croit que «c'est abusivement qu'on a pu parler de mythe pour
d'autres écrivains québécois (comme Gauvreau)» (p 31) Le^ exemples de Garneau et
Gauvreau (justement) prouvent le contraire II est vrai que dans le cas de Gauvreau le
mythe a moins à voir avec le «destin national» que dans le cas de Nelligan
VLB personnage et institution
Goulatromba
* *
Beaulieu, écrivain reconnu et fortement typé, est devenu en
quelques années une figure familière dans la société québécoise. On le
voit apparaître au détour de tel roman de Jean-Marie Poupart {le
Champion de cinq heures moins dix, Leméac, 1980, p. 87-88) ou de Jean
Daunais {les Douze Coups de mes nuits, Héritage, 1980, p. 162). Dans
une revue pour jeunes filles, Georges-Hébert Germain, en parlant de
Satan Belhumeur, avoue aimer «passionnément» Beaulieu, «un brave et
un vaillant» {Clin d'œil, février 1982, p. 38). VLB est (un) proche.
Dubois a déjà montré l'importance des prix littéraires dans une société
du spectacle (p. 98)9.
La télévision a certes joué un rôle important dans le phénomène
de reconnaissance qui entoure VLB. Comme Michel Tremblay,
Beaulieu est souvent l'invité d'émissions de variété (radio et
télévision); comme Claude Jasmin et Louis Caron, il a écrit des séries
pour la télévision (les As et Race de monde/). Le succès de ces séries,
particulièrement celui de la plus récente, est aisément repérable : la
publicité de VLB éditeur pour l'automne 1982 annonce une réédition
(pour le 25 e mille) de Race de monde/, le «roman le plus lu par [sic]
l'auteur de Blanche forcée et de Monsieur Melville» (le Devoir, 9 octobre
1982, p. 19). C 'est encore par le biais de la série télévisée que Beaulieu
devient un personnage de la «colonie» artistique montréalaise; des
articles lui sont en effet consacrés dans des journaux à potins tels Echos-
Vedettes ou Télé-Radiomonde. Sans les As et Race de monde/, l'auteur de
Monsieur Melville aurait-il pu jouir de cet «honneur»?
La familiarité souvent associée à son nom, Beaulieu la cultive
lui-même, qui n'hésite jamais à interpeller ses confrères écrivains,
morts et vivants. Les textes «Pour saluer Pierre Vadeboncoeur»
(1970), Pour saluer Victor Hugo (1971) et «Pour saluer un géant [Yves
Thériault]» (1981) disent le respect de VLB pour ses «ancêtres
littéraires», sa volonté de se hisser à leur niveau et, par le fait même,
son aspiration à obtenir un respect similaire.
15 Selon Marcel Bélanger, «le critique, surtout journalistique qui doit produire
rapidement sans avoir le temps d'approfondir (et la vitesse d'exécution exerce ici une
fonction aussi importante que dans l'association libre ou la création automatiste), se mire
dans l'œuvre dont il parle, y projette mythes et concepts en vogue\ toute cette masse d'idées
reçues, de clichés et de réflexes conditionnés qu'inévitablement, avec plus ou moins de lucidité,
nous véhiculons en chacun de nos gestes, en chacune de nos pensées et paroles» (p 241
Nous soulignons )
16 Études françaises, 19,1
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