A Rétention Des Protéines Dans Le Réticulum Endoplasmique

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MINI-SYNTHESE

médecine/sciences 1 993 ; 9 : 1249-52

La rétention des protéines


dans le réticulum endoplasmique

La cellule eucaryote est divisée en protéines empruntant cette voie. preCipitation, permet de distinguer
compartiments intracellulaires déli­ Ainsi, les hydrolases acides quittent une protéine du réticulum d'une
mités par des membranes. Chaque les saccules trans de l'appareil de protéine transportée plus en aval de
compartiment contient des consti­ Golgi dans des vésicules qui iront la voie vacuolaire centrale, en véri­
tuants cellulaires, protéines et lipi­ fusionner avec les lysosomes [ 1 ] . Les fiant qu'elle n'a pas subi l'action des
des, qui lui sont propres et y rem­ enzymes de la glycosylation sont mannosidases des saccules médians
plissent des fonctions spécifiques. insérées, soit dans les différentes sac­ de l'appareil de Golgi. La délétion
Cette compartimentation implique cules de l'appareil de Golgi, soit, de la courte séquence KDEL provo­
donc un mécanisme de ségrégation pour les enzymes impliquées dans que la sécrétion des protéines
des constituants cellulaires qui doi­ les premières étapes de la glycosyla­ mutées. De plus, l'ajout du tétrapep­
vent être insérés dans le comparti­ tion, dans le réticulum endoplasmi­ tide KDEL à l'extrémité C-terminale
ment approprié. Les protéines, en que. C'est dans cet organite que se du lysozyme entraîne la rétention de
particulier, doivent être acheminées retrouvent aussi les protéines aidant cette protéine dont la forme non
depuis leur lieu de synthèse sur les au repliement de la chaîne peptidi­ mutée est normalement sécrétée.
ribosomes du cytosol jusqu'à leur que en croissance. Cette classe de Ces observations indiquent que le
destination finale dans l'un ou protéines résidentes du réticulum tétrapeptide KDEL agit comme
l ' autre de ces compartiments endoplasmique est particulièrement signal de rétention au réticulum
cellulaires. intéressante et on commence à com­ endoplasmique lorsqu'il est placé à
La voie vacuolaire centrale constitue prendre le mécanisme qui les l ' extrém i té C-ter m i n al e d ' u n e
une artère particulièrement encom­ retient dans cet organite. Parmi ces protéine.
brée de la circulation des protéines protéines, on retrouve la BiP (immu­ Dans les premières expériences du
dans la cellule. Les protéines noglobulin binding protein, Grp78 ) , la groupe de Pelham, le signal de
empruntant cette voie sont d'abord Grp94 (glucose-related protein 94 kDa) rétention dans la levure Saccharomy­
insérées dans la membrane ou en et la PDI (protein disulfide isomerase). ces œrevisiae ( HDEL*) fut ajouté à
solution dans la lumière du réticu­ l'extrémité C-terminale du lysozyme.
lum endoplasmique. De là, les pro­ Le signal Cependant, cette addition n'entraîna
téines sont ensuite transportées vers pas la rétention de la protéine chi­
L'examen des séquences de plu­ mère dans le réticulum endoplasmi­
l'appareil de Golgi, les lysosomes, les sieurs protéines retenues en solution que de cellules de mammifères. Les
granules de sécrétion ou la surface dans le réticulum a permis de cons­ auteurs en conclurent que le signal
cellulaire. On admet généralement tater qu'elles possédaient toutes à de rétention des protéines de mam­
que l'insertion dans une des gran­ leur extrémité C-terminale le tétra­ mifères n'était pas interchangeable
des voies du transport intracellulaire, peptide KDEL ( Lys-Asp-Glu-Leu) avec celui des protéines de la levure.
ou sa rétention dans un comparti­ ( [2] , m/s n° 7, vol. 3, p. 423 ; m/s Quelques données récentes sont
ment cellulaire, dépendent de la n° 7, vol. 6, p. 702) . Cette observation venues contredire ce résultat. En
présence d'un signal dans la struc­ a été le point de départ d'une série effet, Robbi et Beaufay [3] ont mon­
ture de cette protéine. Ce signal est d'expériences faisant appel aux tech­ tré que différentes carboxylestérases
reconnu par une machinerie char­ niques de biologie moléculaire et de mammifères avec pour extrémité
gée de trier les protéines et de les permettant de déterminer la locali­ C-terminale HIEL * , HTEL * et
acheminer jusqu'à leur destination sation de protéines mutantes ou chi­ HVEL* sont retenues dans le réticu­
finale. Une protéine dépourvue de mères après transfection dans un lum endoplasmique lorsqu'elles sont
signal serait acheminée librement système hétérologue. Cette localisa­ transfectées dans des cellules COS.
jusqu'à la surface cellulaire qui sem­ tion est établie par immunofluores­
ble ainsi constituer la voie par cence, ou par marquage métaboli­
défaut du transport intracellulaire. que suivi d'immunoprécipitation et
L'appareil de Golgi semble consti­ d'une analyse électrophorétique. En
tuer une plaque tournante dans la immunofluorescence, on observe un * Code à une lettre des acides aminés : A : A la ;
C : Cys ; D : Asp ; E : Glu ; F : PM ; G : Gly ; H :
voie vacuolaire centrale et serait le marquage fibrillé qui est typique du His ; l : Ile ; K : Lys ; L : Leu ; M : Met ; N : Asn ;
lieu où sont prises la plupart des réticulum endoplasmique ; le mar­ P : Pro ; Q : Gln ; R : Arg ; S : Ser ; T : Thr ; V :
décisions concernant le routage des quage métabolique, suivi d'immune- Val ; W : Trp ; Y : Tyr.
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La séquence HVEL de l 'esté rase pl Le mécanisme implique l'action d'un récepteur
6,4 peut être mutée en HDEL sans reconnaissant spécifiquement les
affecter pour autant la rétention de D'après l'analyse des schémas de protéines munies du signal KDEL à
l'enzyme. En revanche, le mutant phosphorylation, Pelham avait mon­ leur sortie du réticulum endoplasmi­
HVER* n'est pas retenu : 50 % des tré qu'une chimère cathepsine-D­ que. L'interaction ligand-récepteur
protéines sont sécrétées 3 heures SEKDEL passait par le cis-Golgi entraînerait la formation de vésicu­
après leur synthèse. Cette sécrétion avant de retourner au réticulum les de transport vers le réticulum
est lente mais significative : un endoplasmique [7] . En effet, la pro­ endoplasmique. Ce mécanisme serait
mutant PDI dont l'extrémité KDEL* téine mutante peut être marquée au semblable à celui décrit pour
a été changée en QEDL* est sécrété phosphate radioactif et ce marquage
l'endocytose [8] .
à la même vitesse [ 4] . D 'ailleurs, il disparaît après traitement à
est intéressant de noter ici que l'endoglycosidase H, suggérant une
l'addition de la séquence SEKDEL * action de la N-acétylglucosaminyl-1- Le récepteur
à deux protéines normalement phosphotransférase, un marqueur L'analyse de souches mutantes de
sécrétées, l'hormone de croissance du cis-Golgi. Pelham proposait alors levure incapables de retenir les pro­
et la sous-unité a de la gonadotro­ que la rétention dans le réticulum téines du réticulum endoplasmique
pine chorionique, ne conduit pas à est un processus dynamique qui ( BiP, par exemple, est sécrété) a
la rétention des protéines mutantes
dans le réticulum endoplasmique
mais entraîne plutôt une diminution
dramatique de la vitesse de sécré­

A • Conditions norMales B • Surexpresslon ERD2


tion [ 4] . Bien que la cause majeure
de la rétention dans le réticulum
soit la présence du tétrapeptide C­
terminal KDEL, la conformation
protéique autour de ce signal sem­ Voie par défaut Voie par défaut
ble aussi affecter l'efficacité du
processus [ 5] .
t
8
De leur côté, Andres et al. [6] , cher­
chant à définir un consensus pour
le signal de rétention, ont établi une
série de lignées AtT-20 exprimant
des constructions de diverses séquen­
ces C-terminales fusionnées à un � �
(
eDEL�� J
neuropeptide Y L'addition des tétra­
gène rapporteur , le prépro­

peptides KDEL, QDEL, KEDL et


KDEI inhibe la maturation et la
sécrétion des neuropeptides Y
mutants. L'observation par immuno­
fluorescence de ces mutants mar­ Réticulum /\1\1\KD EL
qués suggère une localisation au endoplasmique
niveau du réticulum endoplasmique.
Récepteur 1 1 Récepteur Protéine munie
J\1\/\.KDEL
Y
En revanche, la distribution intracel­
lulaire, la maturation et la sécrétion libre '-y-1 occupe du signal KDEL
de la chimère prépro-neuropeptide
Y-KDEY* sont similaires à celles du Figure 1 . La rétention des protéines dans le réticulum endoplasmique.
précurseur non muté. A la lumière A. Conditions normales : les protéines munies du signal KDEL et le récep­
de ces résultats, les auteurs propo­ teur ERD2 voyagent ensemble du réticulum endop/asmique au cis-Golgi.
sent qu'un signal de rétention dans Selon le modèle actuel, la liaison du ligand induit un changement de con­
le réticulum endoplasmique doit formation du récepteur. Cet effet entraÎne la formation de vésicules desti­
contenir un acide aminé chargé nées à la voie rétrograde, c'est-à-dire le retour des protéines KDEL dans la
négativement (acide aspartique ou lumière du réticulum endoplasmique et le recyclage du récepteur KDEL. B.
Surexpression du récepteur : la surexpression du récepteur ERD2 aug­
glutamique) à l'avant-dernière posi­ mente la capacité de rétention du système et permet la capture de protéi­
tion du tétrapeptide et une large nes normalement faiblement retenues comme la chimère lysozyme D DEL.
chaîne latérale aliphatique (leucine De plus, la surabondance du récepteur dans les saccules go/giens inhibe loca­
ou isoleuci n e ) à la dernière lement l'association des coatomers aux membranes, ce qui favorise le tra­
position. fic vésiculaire vers la voie rétrograde.
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permis l' identification, par complé­ culum endoplasmique, a permis de lette serait responsable de la réten­
mentation, du gène codant pour le distinguer les deux voies de trans­ tion de protéines membranaires
récepteur KDEL [9] . Le gène erd2 port hors du Golgi. La voie antéro­ dans le réticulum endoplasmique.
(pour endoplasmic reticulum retention grade vers la surface, sensible à la Une telle association a été démon­
difective) code pour une protéine bréfeldine A, requiert le bourgeon­ trée in vitro dans le cas de la queue
relativement hydrophobe de 26 kDa, nement de vésicules enrobées de cytosolique de E3/ l9K [ 1 5] .
non glycosylée et essentielle à la protéines de type coatomer, tandis
croissance. La surexpression d'une que la voie rétrograde utilise des Conclusion
protéine HDEL sature le système de vésicules dépourvues de coatomers et
rétention et entraîne par consé­ n'est donc pas sensible à la bréfel­ Grâce aux méthodes de dissection
quent la sécrétion partielle des pro­ dine A. L'équipe de Klausner a moléculaire et au travail de plusieurs
téines normalement retenues dans le montré que la surexpression de équipes, les mécanismes de la réten­
réticulum. La surexpression de ELP- 1 , un homologue de ERD2, tion des protéines solubles dans le
ERD2 empêche ces fuites de se pro­ mimait l'effet de la bréfeldine réticulum endoplasmique sont en
duire, vraisemblablement en aug­ A [ 1 2] . Ces auteurs ont proposé que grande partie élucidés : les princi­
mentant la capacité du système de la surabondance du récepteur ELP- 1 paux acteurs, le signal KDEL et le
rétention (figure 1). Par la technique dans les saccules de l'appareil de récepteur ERD2, sont bien connus.
de PCR, Lewis et Pelham ont iden­ Golgi inhibe localement l'association Il reste maintenant à trouver quel
tifié l'homologue humain du récep­ des facteurs coatomers aux membra­ signal et quel récepteur rapportent
teur HDEL [ 1 0] . La protéine de nes et entraîne la formation de vési­ la paire KDElrERD2 du ci.rGolgi au
mammifère présente 50 % d'identité cules de transport non enrobées, réticulum endoplasmique. Il y a fort
avec sa cousine ERD2. Les études destinées par conséquent à la voie à parier que ces recherches débor­
fonctionnelles sur ce récepteur rétrograde [ 1 3] . dent sur l'ensemble du trafic mem­
hypothétique n'ont pas tardé à sui­ branaire et révèlent plus avant le
vre [ 1 1 ) . D'abord, comme il avait Un mot sur la rétention des protéi­ dynamisme et l'interdépendance des
été observé chez la levure, la surex­ nes transmembranaires dans le réti­ organites cellulaires. Cette approche
pression du récepteur permet la culum endoplasmique sera probablement en mesure de
rétention de protéines normalement nous livrer les secrets des voies de
faiblement retenues, par exemple la Les six derniers acides aminés ciblage vers d'autres compartiments
chimère lysozyme-.QDEL. Ensuite, le (DEKKMP*) de la queue cytosolique cellulaires. Sans doute, à l 'instar de
récepteur est localisé au niveau de de la protéine adénovirale E3/ 1 9K la mucolipidose de type II causée
l'appareil de Golgi et la surexpres­ sont nécessaires à la rétention de par le ciblage défectueux des enzy­
sion de ligands KDEL cause une cette protéine transmembranaire mes lysosomiales, d'autres maladies

mécanismes de tri intracellulaire •


redistribution du récepteur vers le dans le réticulum endoplasmi­ sont dues à des aberrations dans les
réticulum endoplasmique. Enfin, que [ 1 4] , où elle se fixe aux antigè­
l'introduction de mutations précises nes de classe 1 du complexe majeur
dans la séquence du récepteur d'histocompatibilité et en empêche
change sa spécificité. Il semble donc le transport intracellulaire. Si on
probable qu'il y ait interaction greffe la queue cytosolique de cette
directe entre les protéines présen­ protéine à un marqueur de la sur­
tant la séquence KDEL et le récep­ face cellulaire (CDS) , la protéine
teur chargé de les rediriger vers le chimère est retenue dans le réticu­
réticulum endoplasmique. On peut lum endoplasmique. L'analyse détail­
imaginer que le récepteur adopte lée d'un grand nombre de mutants

qu'il est ou non lié à un ligand. Le lysines placées en position -3 et -4


deux conformations distinctes selon CD8-E3/ 19K a montré que deux

récepteur libre est transporté du de l'extrémité de la queue cytosoli­


réticulum vers l'appareil de Golgi que étaient essentielles à la réten­
tandis que la forme liée est recon­ tion des protéines mutantes dans le
nue par le système de transport en réticulum endoplasmique. Le signal
sens inverse ( transport rétrograde) . est fortement spécifique puisque ni
une histidine, ni une arginine ne
Des expériences récentes sont peuvent occuper l'une ou l'autre de Christian Lanctôt
venues raffmer ce modèle. L'utilisa­ Philippe Crine
ces positions sans entraîner une
tion de la bréfeldine A, une drogue Département de biochimie, faculté de
perte de la rétention.
qui inhibe l'association des facteurs médecine, université de Montréal, CP
cytosoliques de type coatomers aux On a suggéré qu'une interaction 6128, Succursale A, Montréal, Qy,ébec,
vésicules de transport et entraîne la entre la queue cytosolique de la pro­ H3G 3]7 Canada.
fusion de l'appareil de Golgi au réti- téine et les éléments du cytosque-
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TIRÉS A PART ------

C. Lanctôt.
1 252 m/s n° 11 vol. 9, novembre 93

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