Revue Generale de Droit Et Interdiscipli n.2 2018

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i

© Revue générale de droit et interdisciplinaire


Likasi 2018
Dépôt légal : 12.20.2018.66
IVème trimestre 2018
Presses universitaires de Likasi
Imprimerie UNILU-PRINT 2019

i
UNIVERSITE DE LIKASI

FACULTE DE DROIT
REVUE GENERALE DE DROIT ET INTERDISCIPLINAIRE

TABLE DES MATIERES


Volume 1 numéro 2 – 2018

Éditorial…………………………………………………………………………………………………221
Le statut juridique de la Déclaration universelle des droits de l’homme
dans le droit positif africain…………………………………………………….……………228
Joseph KAZADI MPIANA

Instruments internationaux des droits de la personne dans le système


juridique interne : une étude d’intégration et de mise en œuvre des
normativités internationales en droit congolais…………………………………….265
Pierre Félix KANDOLO ON’UFUKU WA KANDOLO

Repenser les systèmes de protection des droits de l’homme en Afrique à


l’aune de la codification du droit international africain…………………………293
Adolphe MUSULWA SENGA

Violation des droits de l’homme dans l’exploitation minière en République


démocratique du Congo : vers les atteintes aux principes d’égalité, de
justice et de la dignité humaine…………………………………………………………….315
Élisée TSHINYAM NZAV

Réseaux sociaux : réflexion sur l’émergence d’une nouvelle forme de


gouvernance des droits de l’homme en République démocratique du
Congo…………………………………………………………………………………………………329
Brozeck KANDOLO WA KANDOLO

ii
iii
Revue générale de droit et interdisciplinaire
Revue semestrielle de la faculté de droit

Directeur de publication

Pr Pierre Félix KANDOLO ON’UFUKU WA KANDOLO


Faculté de droit, Université de Likasi

Comité facultaire

Doyen de la Faculté de droit


Pr Léon MUSANS KAPEND-A-KATSHIW
Faculté des sciences sociales, politiques et administratives

Vice-doyen à l’enseignement
Loïc MBUYI ILUNGA, Chef de travaux, Faculté de droit

Vice-doyen à la recherche
Évodie KALENGA BAMBI, Chef de travaux, Faculté de droit

Comité des Assistants à la rédaction

ASUMANI NGENGELE Igor KAYIBU BECKER


Chef de travaux, Faculté de droit, Chef de travaux, Faculté de droit,
Université de Likasi Université de Likasi

Blaise BWANGA ANEMBALI Jeancord MWAMBA


Assistant, Faculté de droit, Université de Chef de travaux, Faculté de droit,
Likasi Université de Likasi

Paul TSHIBANGU
Assistant, Faculté de droit, Université de
Likasi

iv
Conseil scientifique
Pr Beaudouin WIKHA TSHIBINDI Dr Joseph DJEMBA KANDJO
Faculté de droit, Université de Lubumbashi Faculté de droit, Université de Montréal
Pr Daniel DJEDI DJONGAMBOLO Pr Joseph KAZADI MPIANA
Faculté de droit, Universités de Montréal et de Faculté de droit, Université de Lubumbashi
Djibouti Pr Joseph YAV KATSHUNG
Pr Dieudonné KALUBA DIBWA Faculté de droit, Université de Lubumbashi
Faculté de droit, Université de Kinshasa Pr Léon MUSANS KAPEND-A-KATSHIW
Pr Dieudonné LUABA KUNA Faculté des sciences sociales, politiques et
Faculté de droit, Université de Kinshasa administratives, Université de Likasi
Pr Éric NASSARAH Pr Marcel IMANI MAPOLI
Faculté de droit, Université de Cotonou Faculté de droit, Université Officielle de Bukavu
Pr Ghislain MABANGA MONGA Pr Médard LUYAMBA WA LEMBA
Faculté de droit, Université Paris X Nanterre Faculté de droit, Université de Lubumbashi
Pr Gilbert MUSANGAMWENYA WALYANGA Pr Patrick CONGO IBRAHIM
Faculté de droit, Université de Lubumbashi Faculté de droit, Université d’Ouagadougou
Pr Jean Pierre BAKATUAMBA BOKA Pr Pierre Félix KANDOLO ON’UFUKU wa
Faculté de droit, Université de Lubumbashi KANDOLO
Pr Jean Pierre KIFWABALA TEKILAZAYA Faculté de droit, Université de Likasi
Faculté de droit, Université de Lubumbashi Pr Twison FIMPA TUWIZANA
Pr Joana FALXA Faculté de droit, Université de Kinshasa
Faculté de droit, Université de Guyane Pr Victor KALUNGA TSHIKALA
Faculté de droit, Université de Lubumbashi

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(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

Éditorial

« La journée internationale des droits de la personne impose une


reconnaissance incontestée de la part de l’humanité »1
_____________________________

Monsieur le Doyen de la Faculté de droit de l’Université de Likasi,

Madame la Vice-doyenne chargée de la Recherche à la Faculté de droit de


l’Université de Likasi,

Cher(es) collègues enseignant(es) de la Faculté de droit et de l’Université de


Likasi,

Messieurs les chercheurs-intervenants dans cette Conférence,

Mesdemoiselles, Mesdames et Messieurs les étudiant(es) de l’Université de


Likasi,

Distingué.e.s invité.e.s, à vos titres et qualités respectifs,

Avant toute chose, permettez-moi de remercier Monsieur le Recteur de


cette Université et son Comité de gestion qui veillent à la bonne instruction de la
jeunesse congolaise composant l’ensemble de la communauté estudiantine
formée dans cette Université dont l’administration et la gestion leur sont
confiées. Leur savoir-faire permet aux chercheurs de toute discipline de réfléchir
sur des divers thèmes qui conduisent à un effort de valorisation de différentes
Facultés et à l’élévation de niveau de formation tant des chercheurs que des
étudiants.

Je voudrais, en second lieu, remercier les collègues-chercheurs qui ont


consacré de leur temps pour présenter les réflexions de haute qualité
intellectuelle publiées dans ce deuxième numéro de la Revue générale de droit
et interdisciplinaire de notre Faculté. Je pense aux Professeurs, Chefs de travaux

1
Cet éditorial est le discours préparé par le Professeur Pierre Félix Kandolo pour l’ouverture du
cycle des conférences sur la Journée internationale des droits de l’homme au Campus
universitaire de Likasi.

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et Assistants des Facultés de droit des Universités de Likasi et de Lubumbashi qui


n’ont pas hésité à répondre promptement à l’appel à contribution lancée depuis
le mois d’octobre 2018 pour commémorer les soixante-dix ans de la Déclaration
universelle des droits de l’homme. Rassurez-vous, chers collègues et
collaborateurs, que vous avez contribué, par vos réflexions, à l’émergence de
droit et à la formation de tous ceux qui vous liront, à cause des informations
combien pertinentes que vous y avez livrées. Recevez donc, au nom de notre
Revue, chacun pour ce qu’il a pu faire, l’expression de mes sentiments de
gratitude et mes remerciements les plus sincères.

Je dois avouer que ce deuxième numéro du premier volume de la Revue,


qui paraît au même moment que son premier numéro du même volume 1, est
un premier essai de publication au sein de notre Faculté. Il vient matérialiser la
vision et le souci de recherche qui anime tout chercheur pour l’honneur et la
réputation de la Faculté et de l’Université. Il permettra, je suis sûr, aux différents
chercheurs de la Faculté de droit de l’Université de Likasi, d’une part, de trouver
les orientations que nous souhaitons imprimer à la recherche au sein de notre
Faculté et, d’autre part, d’être incités à faire confiance à la Revue. Je voudrais
donc saisir cette occasion pour inviter particulièrement la communauté
académique et scientifique de l’Université de Likasi à participer aux nombreuses
activités qui seront régulièrement organisées par le Comité de rédaction de
cette Revue facultaire sous la houlette du Comité facultaire.

Pour revenir à l’évènement du jour, nous connaissons tous que la


Journée internationale des droits de l’homme est célébrée chaque année le 10
décembre, jour anniversaire de l’adoption par l’Assemblée générale des Nations
unies de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) en 1948. Le 10
décembre de cette année 2018, cette Journée internationale coïncide avec la
célébration du 70è anniversaire de cette Déclaration. Cette dernière est un
document fondateur qui a proclamé les droits inaliénables de chaque individu
en tant qu’être humain, sans distinction aucune, notamment de race, de
couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre
opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute
autre situation.

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Pour suivre les pas des chercheurs qui se sont réjoui de l’évènement et
qui ont organisé des conférences, des séminaires, des ateliers, des journées de
réflexion et autres évènements à travers les milieux universitaires du monde,
ceux de la Faculté de droit de l’Université de Likasi et de Lubumbashi se sont
organisés pour tenter de dresser le bilan de 70 ans de cette Déclaration et son
impact en République démocratique du Congo. Les textes contenus dans ce
numéro entrent dans ce cadre. En effet, rédigée par des personnes issues de
divers horizons juridiques et culturels et de toutes les régions du monde, la
DUDH présente des valeurs universelles et constitue un idéal commun à
atteindre par tous les peuples et par toutes les nations. Elle établit l’égalité en
dignité et en valeur de tous les êtres humains.

Cette Déclaration et l’attachement des États à ses principes ont permis


d’honorer la dignité de millions de personnes et de poser les fondations d’un
monde plus juste et plus prospère. Bien que ses promesses doivent encore être
pleinement réalisées, le simple fait qu’elle ait résisté à l’épreuve du temps
appelle les chercheurs de tous les coins du monde et de toutes les disciplines à y
consacrer un temps de réflexion nécessaire pour répandre sa connaissance à
tous les niveaux de la vie nationale. Les contributions apportées par les
chercheurs qui ont daigné intégrer leurs points de vue dans cette Revue
scientifique méritent d’être appréciées.

Pour appréhender les origines de la DUDH, il faut recourir peu à peu aux
soucis de légaliser et de protéger les conflits et les soulèvements populaires. En
effet, au cours de l’histoire, les conflits, qu’il s’agisse de guerres ou de
soulèvements populaires, ont souvent été une réaction à des traitements
inhumains et à l’injustice. La population de la RDC, avec les conflits armés et les
violences pré et post-électorales, peut témoigner des réactions qu’elle subit à
cause de ce genre d’évènements.

Le Cylindre de Cyrus, rédigé en 539 avant Jésus-Christ par Cyrus le Grand


de l’Empire achéménide de Perse (ancien Iran) après sa conquête de Babylone,
est souvent considéré comme le premier document des droits de La personne
qui ait combattu les injustices et promu la protection de l’être humain. Quant au
Pacte des vertueux (Hilf-al-fudul) conclus entre tribus arabes vers 590 après
Jésus-Christ, il est considéré comme l’une des premières alliances pour les droits

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de la personne. La Déclaration anglaise des droits de 1689, rédigée à la suite des


guerres civiles survenues dans le pays, a été le résultat de l’aspiration du peuple
à la démocratie. Un siècle plus tard exactement, la révolution française donna
lieu à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui proclamait
l’égalité universelle.

Plusieurs siècles avant 1948, l’Afrique s’était démarquée du monde par


l’adoption en 1222 de la Charte du Manden promulguée par Soundjata Keita,
alors à la tête du Royaume du Manden, situé au Mali actuel. Cette Charte est
fondamentale et extrêmement novatrice étant donné la place qu’elle accorde à
la vie humaine. Elle est l’une des plus anciennes constitutions au monde même
si elle n’existe que sous forme orale. Elle se compose d’un préambule et de sept
chapitres prônant notamment la paix sociale dans la diversité, l’inviolabilité de la
personne humaine, l’éducation, l’intégrité de la patrie, la sécurité alimentaire,
l’abolition de l’esclavage, la liberté d’expression et d’entreprise. Mais, malgré
l’existence de divers textes épars, que l’on peut retrouver dans l’évolution du
monde vers la civilisation et la protection de l’être humain, c’est à travers les
atrocités connues lors de la deuxième guerre mondiale que l’opinion
internationale toute entière, s’inquiétant des conséquences atroces de ces
guerres, réfléchit pour jurer de ne plus voir ces événements se répéter. C’est
ainsi qu’après la deuxième Guerre mondiale et après la création de
l’Organisation des Nations unies qui, elle, mettait fin à la Société des Nations
(SDN), jurant de ne plus jamais laisser se produire des atrocités comme celles
commises pendant ce deuxième conflit mondial, les dirigeants du monde entier
décidèrent de renforcer la Charte des Nations unies par une feuille de route
garantissant les droits de chaque personne, en tout lieu et en tout temps.

À l’origine, c’est à la Conférence des Nations unies sur l’Organisation


internationale tenue à San Francisco en 1945, que les représentants de Cuba, du
Mexique et du Panama avaient proposé l’adoption d’une Déclaration des droits
de l’homme fondamentaux. La Conférence n’avait pas pu donner suite à cette
proposition au motif qu’elle ne disposait pas du temps nécessaire pour l’étudier
en détail. En 1946, lors de la partie initiale de la première session de l’Assemblée
générale, tenue à Londres, le représentant du Panama a présenté un projet de
déclaration sur les droits de l’homme et les libertés fondamentales et a
demandé l’inscription de ce point à l’ordre du jour. Plus tard, dans la même

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(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

année, l’Assemblée a décidé de renvoyer le projet de déclaration au Conseil


économique et social pour que la Commission des droits de l’homme l’examine.
Le document qu’ils examinèrent et qui devint la DUDH, fit l’objet de la première
session de l’Assemblée générale en 1946. L’Assemblée examina le projet de
Déclaration sur les libertés et les droits fondamentaux et le transmit au Conseil
économique et social pour qu’il le soumette à l’examen de la Commission des
droits de l’homme afin qu’elle puisse préparer une Charte internationale des
droits.

A sa première session au début de 1947, la Commission des droits de


l’homme autorisa ses membres à formuler ce qu’elle qualifia de « projet
préliminaire de la Charte internationale des droits de l’homme ». Cette tâche fut
ultérieurement confiée officiellement à un comité de rédaction composé de
membres de la Commission en provenance de huit pays, sélectionnés en
fonction de critères de répartition géographique. À sa deuxième session, tenue à
Genève en décembre 1947, la Commission des droits de l’homme a décidé que
l’expression « Charte internationale des droits de l’homme » devrait s’appliquer
à l’ensemble des documents en préparation, à savoir une Déclaration sur les
droits de l’homme, une convention ou un pacte sur les droits de l’homme et les
mesures d’application. Du 24 mai au 15 juin 1948, la Commission a révisé le
projet de déclaration en tenant compte des observations des gouvernements.
Elle n’a pas eu le temps, toutefois, d’étudier le projet de pactes ou les mesures
d’application. Seul le projet de déclaration a donc été soumis, par
l’intermédiaire du Conseil économique et social.

La Commission des droits de l’homme comprenait 18 membres de divers


horizons politiques, culturels et religieux. C’est Eleanor Roosevelt, la veuve du
Président américain Franklin D. Roosevelt, qui présida le comité de rédaction de
la DUDH. A ses côtés se trouvaient le français René Cassin, qui écrivit le premier
texte de la Déclaration, le Rapporteur du comité, le Libanais Charles Malik, le
Vice-Président Peng Chung Chang de la Chine et John Humphrey du Canada,
Directeur de la Division des droits de l’homme des Nations Unies, qui prépara le
premier plan de la Déclaration. Mais c’est Mme Roosevelt qui a vraiment été la
force qui a permis l’adoption de la Déclaration.

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La Commission  dont les réunions ont lieu, en 1947 et 1948, à Lake


Success, près de New York, et à Genève  se donne pour tâche d’établir une
Charte internationale des droits de l’homme incluant une Déclaration des droits
de l’homme (les principes généraux des droits de l’homme) et une Convention
(les droits spécifiques et leurs limitations) bientôt rebaptisée Pacte relatif aux
droits de l’homme. La Commission se réunit pour la première fois en 1947. Le
texte final rédigé par René Cassin fut remis à la Commission des droits de
l’homme qui s’était réunie à Genève. Le projet de déclaration envoyé à tous les
États Membres de l’ONU pour qu’ils fassent des observations devait être connu
sous le nom de « projet de déclaration de Genève ». Le premier projet de
déclaration fut proposé en septembre 1948 avec la participation de plus de 50
États Membres à la rédaction finale.

Par sa résolution 217 A (III) du 10 décembre 1948, l’Assemblée générale,


en réunion à Paris (au Palais de Chaillot), adopta la Déclaration universelle des
droits de l’homme, avec les abstentions de huit pays, mais aucune contestation.
Sur les 56 pays alors membres de l’ONU, 48 voteront pour, et 8 s’abstiendront
dont Biélorussie, Tchécoslovaquie, Pologne, Arabie saoudite, Ukraine, Union
sud-africaine, Union soviétique et Yougoslavie. Le texte tout entier de la DUDH a
été composé en moins de deux ans. A une époque où le monde était divisé
entre le bloc de l’Est et celui de l’Occident, trouver un terrain d’entente sur ce
qui devait constituer l’essence de ce document fut une tâche colossale.
L’adoption de la DUDH ne fut pas applaudie de tous, y compris même d’États qui
avaient voté en sa faveur. Le débat opposant les droits civils et politiques aux
droits économiques, sociaux et culturels préfigurait déjà l’opposition par la suite
devenue plus acrimonieuse entre l’Est et l’Ouest jusqu’à la fin des années 80. La
portée juridique de la Déclaration fut également l’objet de discussions. Des
spécialistes du droit international, dont bon nombre souscrivaient aux objectifs
de la Déclaration, furent réticents à affirmer qu’elle devait lier les États, mais
cherchèrent néanmoins des moyens de renforcer sa valeur juridique.

Il faut savoir, de ce qui précède, que le français René Cassin a été l’un des
artisans majeurs de la rédaction de la future déclaration. Son projet, qui
constitue la base de la Déclaration adoptée l’année suivante, est inspiré à la fois
de la Déclaration (française) des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et

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d’un complément à cette déclaration, élaboré en 1936, par le congrès national


de la Ligue des droits de l’homme. Le texte proposé s’inspire des principes de
1789 sur les droits civils et politiques et introduit les droits économiques,
sociaux et culturels  le nombre réduit d’articles consacrés à ces droits (5 sur 30)
entraînera l’abstention, lors du vote, de l’Union soviétique et de ses alliés.

Qu’est-ce que la Déclaration universelle des droits de l’homme ?

Du préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme


(DUDH), il y a lieu de retenir que celle-ci est un document ayant des principes
qui constituent « un idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les
nations ». Il est un texte fondateur et essentiel pour le combat en faveur des
droits humains. Il représente une avancée majeure dans l’histoire de l’humanité
et un consensus inédit pour définir, caractériser et encadrer les droits inhérents
à toute personne humaine. Elle est un idéal de justice et de liberté sans une force
contraignante.

La forme de la Déclaration sera préférée à d’autres propositions car elle


n’a pas de force contraignante pour les États. Elle a le mérite de pouvoir être
adoptée rapidement, contrairement à des conventions ou des traités qui
nécessiteraient des discussions et des négociations sans doute longues et
difficiles avec les gouvernements. Constituée de 30 articles au total, la DUDH
contient les droits civils et politiques et les droits économiques, sociaux et
culturels, qui peuvent être exercés individuellement ou collectivement. Tout
était parti du préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme :
« Considérant qu’une conception commune de ces droits et libertés est de plus
haute importance pour remplir pleinement cet engagement ».

Bien que considérée d’un idéal relativement distant avec peu


d’obligations juridiques, la Déclaration universelle, énonçant les droits civils et
politiques, économiques, sociaux et culturels, a été suivie par d’autres
instruments internationaux et ceux de portée régionale qui contiennent des
règles des droits détaillées ayant force exécutoire. Il y a lieu de citer dans la
foulée les deux Pactes internationaux relatifs respectivement aux droits civils et
politiques d’une part, aux droits économiques, sociaux et culturels d’autre part,
adoptés le 16 décembre 1966.

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La lecture de son préambule et de l’ensemble de ses dispositions


consacrent le respect de la dignité humaine, les principes de la justice et de
l’égalité de tous et de toutes, car comme on peut le lire en son article premier :
« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont
doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un
esprit de fraternité ». C’est de ces différentes dispositions que cette année, les
Nations unies ont tiré le thème du 70è anniversaire par lequel je termine ce mot
: « Œuvrons pour l’égalité, la justice et la dignité humaine ».

Que vive l’Université de Likasi


Que vive la Faculté de droit de l’Université de Likasi
Que vivent les droits de l’Homme
Que vive la Revue générale de droit et interdisciplinaire.
Je vous remercie !
Likasi, le 10 décembre 2018
Pierre Félix KANDOLO ON’UFUKU WA KANDOLO
Professeur Associé, Directeur de publication

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Le statut juridique de la Déclaration universelle des droits de


l’homme dans le droit positif africain
______________________
JOSEPH KAZADI MPIANA

RESUMÉ

La Déclaration universelle des droits de l’homme constitue l’une des résolutions de


l’Assemblée générale des Nations unies célébrée avec faste chaque 10 ans. Son
rayonnement va au-delà de la nature juridique d’acte dérivé non obligatoire. Elle a
cependant acquis, au fil du temps, un statut dans le droit positif obligatoire des Etats et
elle est souvent invoquée et appliquée par les juridictions internationales, notamment
africaines. Dans cette brève réflexion nous nous proposons de cerner le statut de cette
Déclaration dans le droit interne des Etats africains et d’analyser son traitement dans le
contentieux africain des droits de l’homme.

MOTS-CLÉS
Déclaration universelle – droit positif africain – constitutionnalité –
constitutionnalisation - droits de l’homme – Constitution.
______________________

ABSTRACT
The Universal Declaration of Human Rights is one of the resolutions of the
United Nations General Assembly celebrated fastidly every 10 years. Its reach extends
beyond the legal nature of a non-compulsory derivative act. It has, however, acquired,
over time, a status in the compulsory positive law of States and is often invoked and
applied by international courts, particularly African ones. In this brief reflection we
propose to define the status of this Declaration in the domestic law of African States and
to analyse its treatment in the African human rights dispute.


Docteur en droit de l’Université de Rome La Sapienza (Italie), Professeur de droit public à la
Faculté de droit de l’Université de Lubumbashi et Professeur invité à la Faculté de droit des
Universités congolaises.

229
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KEY-WORDS :

Universal Declaration - African Positive Law – Constitutionality – Constitutionalization –


Human Rights – Constitution
______________________
SOMMAIRE
Le statut juridique de la Déclaration universelle des droits de l’homme dans le droit positif
africain
Joseph KAZADI MPIANA

RESUMÉ
MOTS-CLÉS
ABSTRACT
KEY-WORDS
INTRODUCTION
I CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LE BLOC DE CONSTITUTIONNALITÉ
A La convergence des composantes du bloc de constitutionnalité : quelques
tendances jurisprudentielles
B La convergence tenant compte de certaines spécificités nationales
C Le clair-obscur du bloc de constitutionnalité et ses limites
II LA DUDH DANS LA CONSTITUTIONNALISATION DES DROITS DE L’HOMME EN AFRIQUE
A Vertus et vices de la constitutionnalisation des droits de l’homme en Afrique
B Le préambule comme moteur d’insertion de la DUDH dans le bloc de
constitutionnalité
C La DUDH en tant que moyen d’interprétation des dispositions constitutionnelles
relatives aux droits de l’homme
III LE STATUT INTERNATIONAL DE LA DUDH ET SON APPLICATION DANS LE CONTENTIEUX
AFRICAIN DES DROITS DE L’HOMME
A La DUDH assimilée à un traité international ou au droit international coutumier
B Juridictions internationales africaines et la DUDH
CONCLUSION

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INTRODUCTION

La Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), adoptée par


l’Assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948 à Paris, ne cesse
de susciter des commentaires de nature diversifiée. Et pourtant l’Assemblée
générale a adopté au fil du temps plusieurs Déclarations dont la résonnance est
faible et ne bénéficiant pas de la même audience que celle de la DUDH1, de
surcroît une résolution non contraignante. Son intérêt réside, au-delà de l’idéal
commun à atteindre par les peuples, dans le fait qu’elle a servi de berceau à
l’émergence et au développement du droit international des droits de l’homme.
Comment est-elle perçue cette DUDH dans le contexte du droit positif africain
aussi bien étatique qu’international ?

La présente étude constitue une modeste réflexion sur le statut de la


DUDH dans le droit interne de quelques États africains et son application par les
juridictions internationales, principalement africaines. Il résulte de nos analyses
que la DUDH bénéficie d’un statut du droit contraignant dans le contexte du
droit positif africain. La DUDH est intégrée, dans l’ordre juridique des Etats
africains, de l’espace francophone notamment, au bloc de constitutionnalité
alors qu’elle est assimilée à un traité international ou tout au moins à un acte
dérivé obligatoire dans son traitement par certaines juridictions internationales
africaines. L’article est subdivisé en 3 sections. La première permet d’éclairer le
concept de « bloc de constitutionnalité » dans le contexte africain à travers
l’illustration de ses composantes dont la DUDH ; la deuxième analyse les
modalités de constitutionnalisation de la DUDH en Afrique. La troisième
examine le statut international de la DUDH et son application dans le
contentieux africain des droits de l’homme.

I CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LE BLOC DE CONSTITUTIONNALITÉ

Louis Favoreu est passé à la postérité comme le « théoricien » de


l’expression « bloc de constitutionnalité »2. Par cette expression, il convient

1
A titre illustratif, et nous limitant au domaine des droits de l’homme, nous pouvons citer la
Déclaration des droits de l’enfant ; la Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des
femmes, la Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions
forcées.
2
Bruno GENEVOIS, « Normes de référence du contrôle de constitutionnalité et respect de la
hiérarchie en leur sein », dans Guy BRAIBANT, L’Etat de droit. Mélanges en l’honneur de Guy
BRAIBANT, Paris, Dalloz, 1996, p.323-339, spéc. à la p. 323.

231
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d’entendre « l’ensemble des principes et des règles à valeur constitutionnelle


dont le respect s’impose au pouvoir législatif, et d’une manière générale à
toutes les autorités administratives et juridictionnelles ainsi, bien sûr, qu’aux
particuliers»3. En d’autres termes, en droit français, le bloc de constitutionnalité
signifie que « la Constitution ne se limite pas aux articles numérotés qui la
composent dans ses différents titres, mais intègre les textes auxquels fait
référence son Préambule : la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le
Préambule de la Constitution de 1946, ainsi que, sur renvoi de ce dernier, les
principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, et enfin, depuis
2005, la charte de l’environnement »4. Pour Jacques Chevallier, le bloc de
constitutionnalité est formé « d’un ensemble de règles placées sous la
protection des juridictions constitutionnelles et mises à l’abri de toute
intervention du législateur »5. Le bloc de constitutionnalité englobe ainsi toutes
les normes de référence par rapport auxquelles il convient d’apprécier la
constitutionnalité des lois ou mieux de certaines normes. En effet, le contrôle de
constitutionnalité ne s’exerce plus uniquement sur les lois, il s’étend, selon les
Etats, à d’autres normes ; en l’occurrence certains actes règlementaires,
administratifs, les règlements intérieurs des Chambres parlementaires, les
règlements intérieurs de certaines autorités administratives indépendantes ainsi
que de leurs actes règlementaires. Cet élargissement des normes susceptibles
de contrôle de constitutionnalité postule que l’expression « contrôle de
constitutionnalité des lois » soit substituée par celle de « contrôle de
constitutionnalité des normes ».
La nouvelle Constitution ivoirienne adoptée par voie référendaire le 30
octobre 2016 reconnaît l’expression « bloc de constitutionnalité », car elle
prévoit, à son article 126, alinéa 3 que « le Conseil constitutionnel est juge de la
conformité de la loi au bloc de constitutionnalité »6. Le juge constitutionnel
africain s’est approprié l’expression de bloc de constitutionnalité7. Dans son
arrêt n°2002-0107CC du 18 janvier 2002, la Cour constitutionnelle du Niger
statue que « le contrôle de la conformité d’un texte de loi à la Constitution doit
s’apprécier non seulement par rapport aux dispositions de la Constitution, mais

3
Louis FAVOREU, « Bloc de constitutionnalité », dans Olivier DUHAMEL et Yves MENY (dir.),
ère
Dictionnaire constitutionnel, Paris, PUF, 1 éd., 1992, p. 87.
4 ème
Michel DE VILLIERS et Armel LE DIVELLEC, Dictionnaire du Droit constitutionnel, 10 édition,
Paris, Sirey, 2015, p. 28.
5 ième
Jacques CHEVALLIER, L’Etat de droit, 4 édition, Paris, Montchrestien, 2003, p. 104.
6
Souligné par nous.
7
Delphine Edith Emmanuel ADOUKI, « Contribution à l’étude de l’autorité des décisions du
juge constitutionnel en Afrique », (2013) 95 RFDC, 611-638, 619.

232
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

aussi par rapport au contenu des textes et principes de valeur constitutionnelle


énumérés dans le Préambule de la Constitution qui forment avec elle, ce qu’il est
convenu d’appeler « bloc de constitutionnalité » »8.
L’analyse de la jurisprudence permet de dégager principalement deux
modèles de bloc de constitutionnalité : le modèle figé énumérant limitativement
les composantes du bloc de constitutionnalité. C’est le système français : il tient
principalement compte de son passé constitutionnel9. Le deuxième modèle est
celui en vigueur dans les Etats africains francophones dans lesquels le bloc de
constitutionnalité est ouvert ou mobile permettant au juge constitutionnel
d’étendre ses éléments constitutifs. C’est à ce modèle auquel nous consacrons
les lignes ci-dessous dans la mesure où la DUDH est intégrée dans la plupart des
Etats africains francophones dans le bloc de constitutionnalité à travers son
insertion dans le préambule.
En effet, la plupart des Etats africains insèrent dans leurs constitutions
une disposition en vertu de laquelle le préambule fait partie intégrante de la
Constitution. Bien que notre attention au préambule ne se focalise que dans sa
partie normative, nous pouvons relever que certaines composantes sont
communes ou tout au moins sont partagées par beaucoup d’Etats. Il s’agit, à
titre indicatif, de l’attachement à la DUDH et à la Charte africaine des droits de
l’homme. D’autres composantes sont liées aux préférences, à la communauté
des valeurs, à l’héritage constitutionnel, aux spécificités des Etats dans la
valorisation au sein du préambule de tel ou tel autre traité international. Les
préambules jouent désormais un rôle moteur dans l’intégration des droits et
libertés dans les Constitutions et sont intégrés dans le bloc de
constitutionnalité10.

8
Notre soulignement.
9
Les composantes de ce bloc en droit constitutionnel français sont : la Constitution stricto
sensu, la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le Préambule de la
Constitution de 1946, ainsi que, sur renvoi de ce dernier, les principes fondamentaux reconnus
par les lois de la République, et enfin, depuis 2005, la charte de l’environnement.
10
Jean-Nazaire TAMA, L’odyssée du constitutionnalisme en Afrique, Paris, L’Harmattan, 2015,
p. 109 ; BOUBACAR BA, « Le préambule de la Constitution et le juge constitutionnel en
Afrique », en ligne : <http://afrilex.u-bordeaux4.fr/le-preambule-de-la-constitution-et.html>
(consulté le 17 octobre 2017).

233
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

A La convergence des composantes du bloc de constitutionnalité :


quelques tendances jurisprudentielles

Outre la Constitution, la Cour constitutionnelle du Niger intègre dans le


bloc de constitutionnalité la Déclaration universelle des droits de l’homme ainsi
que la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples11. Elle y intègre en
outre le Pacte international relatif aux droits civils et politiques rappelé dans le
Préambule de la Constitution12. Dans son avis n° 21/CC du 23 juillet 2015, la Cour
constitutionnelle a relevé que les acquis de la conférence nationale souveraine
tels que consacrés, entre autres, par l’Acte fondamental n° XXI/CN portant
organisation des pouvoirs publics pendant la période de transition, font partie
intégrante de la Constitution.
La Charte africaine des droits de l’homme, annexée par ailleurs à la
Constitution béninoise du 11 décembre 1990, fait partie intégrante de ladite
Constitution. Les principes affirmés par cette Charte font également partie
intégrante de la Constitution du Congo-Brazzaville adoptée par référendum le 25
octobre 2015. Dans son arrêt n°AC023 du 15 juin 2017, la Cour constitutionnelle
de Guinée intègre dans le bloc de constitutionnalité la Charte africaine des
droits de l’homme et des Peuples.
Dans sa décision du 23 juin 1993 (affaire n° 2/C/93), le Conseil
constitutionnel du Sénégal avait apprécié la règle de la non-rétroactivité des lois
au regard de la Constitution, de la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen de 1789 et de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.
Cette décision est disponible en ligne. De même dans sa Décision n°1/C/2007 du
27 avril 2007, il déclare non conforme à la Constitution la modification de la loi
électorale du 27 mars 2007 instituant la parité dans la liste des candidats au
scrutin de représentation proportionnelle pour les élections législatives du fait
que l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen interdit
toute discrimination, notamment fondée sur le sexe13. De même dans son arrêt
n° AC 023 du 15 juin 2017, la Cour constitutionnelle de Guinée avait déclaré que

11
Cour constitutionnelle. Arrêts n°004/CC/MC du 02 mai 2014 ; n° 006/CC/MC du 15 mai
2014. Voy. aussi la Décision n° CI-2009-EP-026/28-10/CC/SG du 28 octobre 2009 du Conseil
constitutionnel ivoirien.
12
Cour constitutionnelle. Arrêts n°004/CC/MC du 02 mai 2014 ; n° 006/CC/MC du 15 mai
2014.
13
L’article 6 est ainsi libellé : « Tous les citoyens étant égaux, sont également admissibles à
toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et, sans autre distinction que
celle de leurs vertus et de leur talents ».

234
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

certaines dispositions de la loi organique sur les élections attribuant, en cas


d’égalité des voix le siège au candidat le plus âgé ou en cas d’égalité le siège
restant est attribué à la candidate femme ou à défaut au plus jeune candidat,
étaient contraires aux dispositions des articles 2 et 3 de la Charte africaine des
droits de l’homme et des peuple et aux articles 1 alinéas 2 et 8 de la Constitution
du fait que les dispositions de la loi introduisent des critères basés sur le sexe et
l’âge14.
Le juge constitutionnel gabonais, intègre, entre autres, dans le bloc de
constitutionnalité la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la
Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, la Charte africaine des
droits de l’homme et des Peuples de 1981 ainsi que la Charte nationale des
libertés de 1990 et la Constitution au sens strict bien entendu15.
Dans sa décision n° 01/D/CC du 20 août 1989, le Conseil constitutionnel
de l’Algérie avait inclus, parmi les normes de référence au contrôle de
constitutionnalité du code électoral, non seulement la Constitution, mais aussi
les deux Pactes relatifs aux droits de l’homme de 1966 ainsi que la Charte
africaine des droits de l’homme et des Peuples, instruments juridiques
internationaux ratifiés par l’Algérie et par conséquent intégrés dans le droit
positif algérien avec autorité supérieure à celle des lois16.
Dans sa décision du 12 juin 2015, la Haute Cour constitutionnelle de
Madagascar juge que la Déclaration universelle des droits de l’homme et le
Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966
« (…) s’imposent à l’ensemble du dispositif normatif malgache en application du
préambule de la Constitution qui les intègre au sein du bloc de
constitutionnalité »17. En outre, dans sa décision n°15-HCC/D3 du 3 mai 2018
portant sur la loi organique n°2018-008 relative au régime général des élections
et des référendums, elle relève que la loi organique soumise au contrôle de

14
A propos du principe d’égalité, Aubrey Sidney Adoua, “Le principe d’égalité dans le nouveau
constitutionnalisme africain” (2018) 1 Revue de la Recherche juridique-droit prospectif, 363.
15
Cour constitutionnelle du Gabon, arrêt du 28 février 1992.
16
Conseil constitutionnel de l’Algérie. Décision n° 01/D/CC du 20 août 1989 relative au code
électoral.
17
Haute Cour constitutionnelle (HCC) de Madagascar, Décision n° 24-HCC/D3 du 12 juin 2015
relative à la résolution de mise en accusation du président de la République Hery
Rajaonarimampianina. Cette décision est disponible en ligne : <http://www.hcc.gov.mg/
decisions/d3/decision-n24-hccd3-du-12-juin-2015-relative-a-la-resolution-de-mise-en-accusa
tion-du-president-de-la-republique-hery-rajaonarimampianina/> (consultée le 31 janvier
2016).

235
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

constitutionnalité est également tenue de se conformer au Pacte international


relatif aux droits civils et politiques, à la Déclaration universelle des droits de
l’homme, à la Charte africaine des droits de l’homme et des Peuples, à la Charte
africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance18.

B La convergence tenant compte de certaines spécificités nationales

L’Avant-projet de Constitution de la Vè République du Burkina Faso,


rédigé par une Commission constitutionnelle, et remis au Président de la
République, intègre dans le préambule, faisant partie de la Constitution, de
nombreuses références aux traités internationaux et régionaux des droits de
l’homme et pas nécessairement portant sur cette matière19.

Le Conseil constitutionnel ivoirien situe le bloc de constitutionnalité


d’abord dans le préambule de la Constitution avant de l’étendre à d’autres
traités internationaux non expressément visés par ledit préambule. Il a dégagé,
dans une perspective évolutive, le contenu du bloc de constitutionnalité en droit
ivoirien de manière quelque peu exagérée. Selon ledit Conseil, le bloc de
constitutionnalité doit s’entendre, « de la Constitution stricto sensu et de son
préambule, ainsi que des instruments juridiques internationaux énumérés dans
le préambule, notamment la Charte des Nations Unies de 1945, la Déclaration
Universelle des droits de l’homme, la Charte africaine des droits de l’homme et
des Peuples de 1981 et ses protocoles additionnels et l’Acte constitutif de

18
Notre soulignement. Dans d’autres décisions elle confirme ce « bloc de constitutionnalité »
sans citer la Déclaration universelle des droits de l’homme. Voy Décision n°16-HCC/D3 du 3
mai 2018 portant sur la loi organique n°2018-009 relative à l’élection du Président de la
République ; Décision n°17-HCC/D3 du 3 mai 2018 portant sur la loi organique n°2018-010
relative à l’élection des députés à l’Assemblée nationale.
19
Il s’agit de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance de l’Union
africaine adoptée le 30 janvier 2007 ; le Protocole CEDEAO du 21 décembre 2001 sur la
démocratie et la bonne gouvernance, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination à l’égard des femmes ; la Convention relative aux droits de l’enfant et la Charte
africaine des droits et du bien-être de l’enfant ; le principe de parité consacré par le Protocole
à la Charte africaine des droits de l’homme et des Peuples relatif aux droits de la femme en
Afrique du 11 juillet 2003 ; le principe de la participation active des jeunes à la vie de la nation
consacré par la Charte africaine de la jeunesse du 02 juillet 2006. Disponible en ligne :
<http://www.rtb.bf/wp-content/uploads/2017/01/Avant-projet-Constitution-der-der.pdf>
(consulté le 16 octobre 2018).

236
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

l’Union africaine de 2001 »20. Par ailleurs dans son Avis du 19 décembre 2017, il
donne un contenu plus élastique au bloc de constitutionnalité dont les
composantes sont énoncées dans le préambule de la Constitution, les
instruments juridiques internationaux relatifs notamment aux droits de l’homme
et à la justice auxquels la Côte d’Ivoire est partie. Que figurent au titre de ces
instruments internationaux, les Conventions de Genève du 12 août 1949 et le
traité de Rome instituant la Cour pénale internationale21.
En droit comparé africain, la notion de « bloc de constitutionnalité »
présente des contours plus élastiques par rapport au droit français et rejoint la
conception de J-M. Blanquer selon laquelle « ce qui compte est la réalisation de
l’ordre constitutionnel et non pas le respect formel d’une hiérarchie figée… la
Constitution n’est pas un bloc mais un système dont l’empire s’étend au-delà
des normes strictement constitutionnelles. Relèvent de la Constitution non
seulement la Constitution elle-même mais certaines règles qui en permettent la
mise en œuvre »22.

Certains Etats comme le Bénin, le Burkina Faso et le Mali, par exemple,


intègrent dans le bloc de constitutionnalité les respectives lois organiques sur
leur fonctionnement23. Hilaire Akerekoro écrit à ce propos :
« De ces considérations des juridictions constitutionnelles béninoise,
burkinabé et malienne, il ressort un effort d’affirmation de l’autorité de
la Constitution à partir du constat de la violation de la loi organique sur
la juridiction constitutionnelle par une disposition législative ou
réglementaire. Un tel effort participe du dynamisme de la jurisprudence

20
Conseil constitutionnel. Décision n° CI-2017-308/11-04/CC/SG du 11 avril 2017 relative au
recours en exception d’inconstitutionnalité de l’annexe fiscale de la loi de finances rectificative
n°2015-636 du 17 septembre 2015 portant modification du budget de l’Etat pour l’année 2015.
21
Conseil constitutionnel. Avis n° CI-2017-A-313/19-12/CC/SG du 19 décembre 2017.
22
Jean-Michel BLANQUER, « Bloc de constitutionnalité ou ordre constitutionnel ? », dans
Jacques ROBERT, Georges VEDEL et Xavier ROBERT (dir.) Mélanges Jacques Robert, Paris,
Montchrestien, 1998, p. 229-230, cité par St. BOLLE, « La Constitution GLELE en Afrique :
Modèle ou contre-modèle ? », dans Frédéric Joël AIVO (dir.), La Constitution béninoise du 11
décembre 1990 : un modèle pour l’Afrique ? Mélanges en l’honneur de Maurice Ahanhanzo-
Glélé, Paris, L’Harmattan, 2014, p. 251-272, spéc. à la p. 262.
23
Pour une étude consacrée au bloc de constitutionnalité au Bénin avec des renvois aussi en
droit comparé africain, Voy. Hilaire AKEREKORO, « La Cour constitutionnelle et le bloc de
constitutionnalité au Bénin », en ligne : <http://afrilex.u-bordeaux4.fr/la-cour-constitution
nelle-et-le.html> (consulté le 9 décembre 2016).

237
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

constitutionnelle béninoise qui opère une extension du bloc de


constitutionnalité complétant ainsi l’original reçu »24.
La Cour constitutionnelle du Bénin intègre au bloc de constitutionnalité même
sa jurisprudence25.

C Le clair-obscur du bloc de constitutionnalité et ses limites

Bien que l’expression « bloc de constitutionnalité » évoque une certaine


idée de trame, de cohérence et d’unité des normes de référence, il convient de
relever que l’origine ainsi que le contenu des normes de référence ne
présentent pas une homogénéité juridique ni ne brillent par leur clarté. Dès lors
le contrôle de constitutionnalité peut être apprécié en se fondant sur des
normes de référence dont l’affiliation ou la parenté avec la Constitution ne
relèvent pas nécessairement de l’évidence. C’est à juste titre qu’Adama Kpodar
soutient que « le contrôle de constitutionnalité conduit à une complexication, à
de possibles incohérences voire à une instabilité de la matrice référentielle. Le
contraire s’analyserait en une utopie du normativisme formel qui se
recroqueville sur la majesté organique de la production de la norme
référentielle, fût-elle jurisprudentielle »26.
Le juge constitutionnel dispose d’un large pouvoir d’appréciation aux fins
d’intégrer dans le bloc de constitutionnalité des normes qui, de son avis, en
feraient partie. Il en résulte une menace à la lisibilité du bloc référentiel et une
atteinte à la sécurité juridique27. Analysant l’incorporation, en 2005, de la Charte
européenne de l’environnement dans le Préambule de la Constitution française
(Déclaration des droits, Préambule de la Constitution de 1946 et ladite Charte),

24
Id., p. 15.
25
Cour Constitutionnelle du Bénin, Décision DCC 09-087 du 13 août 2009, Alphonse
MENONKPINZON ATOYO, Léon ATOYO et Daniel MENONKPINZON ATOYO : « La jurisprudence
de la Cour Constitutionnelle fait … partie intégrante du bloc de constitutionnalité (…). En
conséquence, … toute violation par commission ou par omission de ladite jurisprudence
équivaut à une violation de la Constitution ». Souligné par nous.
26
Adama KPODAR, « Contribution doctrinale sur la fausse vraie idée du contrôle de
constitutionnalité. Quand l’interprétation constitutionnelle menace la lisibilité du bloc
référentiel », OUMAROU NAREY (dir.), La justice constitutionnelle, Actes du colloque
international de l’ANDC, Paris, L’harmattan, 2016, p.213-232, spéc. à la p. 218.
27
Sur les menaces que fait peser le recours au bloc de constitutionnalité sur la lisibilité des
normes de référence, voy. Adama KPODAR, « Quand l’interprétation constitutionnelle menace
la lisibilité du bloc référentiel. Contribution doctrinale sur la fausse vraie idée du contrôle de
constitutionnalité », dans Constitutions, 2015, p. 7-19.

238
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

Michel Verpeaux en conteste l’idée de bloc de constitutionnalité à cause du


défaut d’homogénéité entre les différents textes auxquels renvoie le Préambule
et surtout à cause du caractère hétéroclite de cet ensemble insusceptible
d’envisager toute idée de bloc28. Il est rejoint dans cette critique par Dominique
Rousseau qui est formel : « un fait est certain : le bloc de constitutionnalité n’est
pas homogène. Certains éléments se contredisent dans leur contenu, d’autres
s’opposent par leur degré plus ou moins grand de précision… »29.
Il résulte de ce qui précède une dilution ou une banalisation du concept
« bloc de constitutionnalité » érodé par des normes hétérogènes et dont le
rapprochement avec la constitution n’est pas clairement établi. Mieux vaut
utiliser l’expression « Normes de référence » dans le contrôle de
constitutionnalité permettant de rendre compte de la complexité et de
l’hétérogénéité des normes visées par le juge constitutionnel. Autrement dit,
comment comprendre que les lois organiques, lesquelles doivent être
préalablement conformes à la Constitution, soient intégrées dans d’autres Etats
au bloc de constitutionnalité au même titre que la Constitution, les règlements
intérieurs des assemblées parlementaires, le Statut de Rome, les Conventions de
Genève de 1949 et même la jurisprudence des juridictions constitutionnelles ?
Cette érosion dénature l’idée du bloc de constitutionnalité. Cette
expression devrait, de l’avis de certains auteurs, être abandonnée, après avoir
joué un grand rôle au profit de l’expression simple de Constitution 30. Dans un
ouvrage co-publié avec Thierry Renoux, Louis Favoreu admet une certaine
« décadence » de cette expression lorsqu’il écrit que la notion de bloc de
constitutionnalité a eu pour fonction d’agréger des éléments apparemment
dissociés, et de les souder entre eux. Après une quinzaine d’années d’utilisation,
la notion a, semble-t-il, rempli sa fonction31.
Les principales dispositions de la DUDH ont été intégrées dans les
différentes Constitutions africaines concourant ainsi à leur
constitutionnalisation.

28
Michel VERPEAUX, « Constitution et lois constitutionnelles. Brèves réflexions à l’occasion de
quelques révisions récentes », dans Mélanges en l’honneur de Jean GICQUEL. Constitutions et
pouvoirs, Paris, Montchrestien, 2008, p. 593-601, spéc. à la p. 597.
29
Dominique ROUSSEAU, Droit du contentieux constitutionnel, Paris, Domat, LGDJ, 2013, p.
116 et s. cité par A. KPODAR, préc., note 26, p.223.
30
Louis FAVOREU et al., Droit constitutionnel, Paris, Dalloz, 2002, cité par St. BOLLE, préc., note
22, à la p. 260.
31
Louis FAVOREU et Thierry RENOUS, Le contentieux constitutionnel des actes administratifs,
Paris, Sirey, 1992, p. 29.

239
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

II LA DUDH DANS LA CONSTITUTIONNALISATION DES DROITS DE


L’HOMME EN AFRIQUE

A Vertus et vices de la constitutionnalisation des droits de l’homme en


Afrique

Les États africains ont, dans leur grande majorité, procédé à la


constitutionnalisation des droits de l’homme selon plusieurs techniques.
Étudiant la question des techniques de constitutionnalisation des droits de
l’homme dans les Constitutions africaines, Maurice Kamto retient deux
techniques : d’une part la technique de constitutionnalisation bloquée,
consistant en l’énoncé limitatif de tous les droits constitutionnalisés dans le
texte de la Constitution et, d’autre part, la technique de constitutionnalisation
ouverte, consistant en un renvoi constitutionnel à des instruments juridiques
internationaux de protection des droits de l’homme : c’est la technique dite du
bloc de constitutionnalité. Elle consiste aussi soit en une référence auxdits
instruments juridiques suivie d’une énonciation des droits fondamentaux dans la
Constitution et selon les cas, soit dans le préambule, soit dans le dispositif du
texte constitutionnel32. La plupart des Constituants africains adoptent l’une de
ces deux techniques ou même les deux à la fois33. La RDC a opté pour cette
seconde technique (liste ouverte) par le renvoi aux instruments juridiques
internationaux dans le préambule et l’énonciation des droits dans le corps de la
Constitution.
Dans une étude consacrée aux droits de l’homme dans l’ordre
constitutionnel burkinabé, Abdoulaye Soma souligne que la Charte africaine des
droits de l’homme et des peuples est intégrée au bloc de constitutionnalité vu

32
Maurice KAMTO, « Charte africaine, instruments internationaux de protection des droits de
l’homme, constitutions nationales : articulations respectives », Jean-François FLAUSS et
Elisabeth LAMBERT ABDELGAWAD, L’application nationale de la Charte africaine des droits de
l’homme et des peuples, Bruxelles, Bruylant, Nemesis, 2004, p.11-47, aux pages 33-35.
33
Alain ONDOUA, « L’internationalisation des Constitutions en Afrique subsaharienne
francophone et la protection des droits fondamentaux », Revue trimestrielle des droits de
l’homme , n° 98, 2014, pp. 437-457 ; A. SOMA, « L’applicabilité des traités internationaux de
protection des droits de l’homme dans le système constitutionnel du Burkina Faso », (2008) 16
Annuaire africain de droit international 313-342 ; Togba ZOGBELEMOU, « Constitutionnalisme
et droits de l’homme en Afrique noire francophone », (2010) 1 Revue Juridique et politique 98-
130 ; Alain Didier OLINGA, « L’aménagement des droits et libertés dans la Constitution
camerounaise révisée » (1996) Revue Universelle des droits de l’homme ; Marcel
WETSH’OKONDA KOSO, Perspectives des droits de l’homme dans la Constitution du 18 février
2006, Kinshasa, Editions de la Campagne pour les droits de l’homme au Congo, 2006, 96 p.

240
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

son élévation au rang de norme constitutionnelle34. Il en est de même de la


Constitution du Bénin du 11 décembre 1990 qui déclare que ladite Charte, par
ailleurs annexée à la Constitution, est partie intégrante de cette dernière35.
Cette inscription dans les Constitutions africaines des droits tirés des
conventions internationales et régionales des droits de l’homme d’une part ou
le renvoi exprès dans les préambules de certaines Constitutions d’autre part
contribue à l’émergence de ce qu’Alain Ondoua qualifie de « droit
constitutionnel international des droits fondamentaux en Afrique subsaharienne
francophone »36.
Cette dynamique de constitutionnalisation des Conventions
internationales relatives aux droits de l’homme s’observe aussi de manière
particulière dans d’autres États latino-américains et européens. A ce propos la
Convention européenne des droits de l’homme a fait l’objet d’une
constitutionnalisation par le biais de l’incorporation au niveau constitutionnel ou
quasi constitutionnel, à travers une loi, une décision juridictionnelle ou un
amendement constitutionnel. Dans certains États comme l’Espagne, elle est
intégrée dans le bloc de constitutionnalité37.
Les conventions internationales relatives aux droits de l’homme sont
introduites en droit interne selon le mécanisme mis en place par l’Etat de
réception qui détermine également les conditions de l’application desdits traités
en droit interne38. Le système international de protection des droits de l’homme
est devenu une partie du droit constitutionnel39.

34
A. SOMA, « L’applicabilité des traités internationaux de protection des droits de l’homme
dans le système constitutionnel du Burkina Faso », (2008) 14 Annuaire africain de droit
international 13-342.
35
Horace ADJOLOHOUN, Droits de l’homme et justice constitutionnelle en Afrique : le modèle
béninois, Paris, L’Harmattan, 2011.
36
A. ONDOUA, préc., note 33, p. 437-457, à la p. 443. Voy. aussi Évariste BOSHAB, « Les droits
fondamentaux dans les nouvelles Constitutions africaines : entre le constitutionnalisme et la
constitutionnalisation », dans Mélanges offerts au Doyen Charles CADOUX, Aix-Marseille,
PUAM, 1999, p. 49-66.
37
Voy. Alec STONE SWEET, « Sur la constitutionnalisation de la Convention européenne des
droits de l’homme : cinquante ans après son installation, la Cour européenne des droits de
er
l’homme conçue comme une Cour constitutionnelle » (1 octobre 2009) 80 Revue trimestrielle
des droits de l’homme 923-944, 935 -936.
38
Pour les différentes techniques d’intégration du droit international des droits de l’homme et
son application au sein des Etats, voy. Claudia SCIOTTI-LAM, L’applicabilité des traités
internationaux relatifs aux droits de l’homme en droit interne, Bruxelles, Bruylant, 2004 ; M.

241
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

Le renouveau constitutionnel en Afrique favorise la protection


juridictionnelle des droits de l’homme en dépit du faible attrait de leur
effectivité dans de nombreux États, comme en témoignent les contributions de
la doctrine40. L’expression « droits fondamentaux » attire tellement l’attention
de nombreux constituants africains qu’un auteur s’interroge si ces droits
constituent-ils une nouvelle catégorie juridique en Afrique41. Après une analyse
perspicace de la doctrine et de la jurisprudence africaines, l’auteur conclut que
« rien ne permet aujourd’hui de distinguer un droit fondamental d’un autre droit
de l’homme dans les systèmes juridiques des pays africains, malgré l’intérêt qui
s’attache à cette distinction. Leur droit constitutionnel ne prend en compte ni
l’importance ni la nécessité de respecter ce qui fait la spécificité des droits
fondamentaux »42.
Comme le fait remarquer Babacar Kante, « le droit des pays africains
confirme, dans une certaine mesure, la spécificité des droits fondamentaux
relative à leur consécration textuelle. Mais il reste laconique sur le deuxième
trait du fait que leur garantie semble relever de la compétence exclusive des
juridictions constitutionnelles qui ne protègent d’ailleurs pas suffisamment. Les
autres instances judiciaires, tant nationales qu’internationales, semblent en
retrait dans leur protection »43.
Sur le plan purement textuel, les Etats africains garantissent mieux les
droits de l’homme à travers leur consécration dans la Constitution même et la
garantie de leur protection assurée, avec diverses fortunes, par les Cours

KAMARA, « De l’applicabilité du droit international des droits de l’homme dans l’ordre


juridique interne », (2011) 1 Revue Juridique et Politique, 76-127.
39
St. GARDBAUM, « Human Rights as International Constitutional Rights » (2008) 19-4
European Journal of International Law 749-768, 752.
40
A titre indicatif, nous pouvons mentionner Marcel WETSH’OKONDA KOSO, La protection des
droits de l’homme par le juge constitutionnel congolais, Paris, l’Harmattan, 2016 ;
MOUHAMADOU MOUNIROU SY, La protection constitutionnelle des droits fondamentaux en
Afrique. L’exemple du Sénégal, Paris, L’Harmattan, 2007 ; A. BENGALY, La protection
juridictionnelle des droits de l’homme au Mali, Paris, L’Harmattan, 2015.
41
Boubacar KANTE, « Les droits fondamentaux constituent-ils une nouvelle catégorie juridique
en Afrique ? », En hommage au Professeur Jean-François Flauss. L’homme et le droit, Paris,
Pedone, 2014, p. 445-462.
42
Id., p. 449. Souligné par nous.
43
Ibid., p. 456. Voy. aussi dans une optique A.B. FALL, « Universalité des droits de l’homme et
pluralité juridique en Afrique. Analyse d’un paradoxe », La Constitution et les valeurs, Paris,
Dalloz, 2005, pp. 359-380.

242
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

constitutionnelles44. La constitutionnalisation des droits de l’homme constitue


un fait récurrent dans le système constitutionnel africain45. En effet la
constitutionnalisation des droits de l’homme doit s’interpréter juridiquement
comme « l’expression de la volonté du Constituant d’élever lesdits droits au rang
des normes les plus élevées dans l’ordonnancement juridique de l’Etat (…). Sous
ce rapport, les Etats africains sont allés plus loin sur le plan de l’articulation
formelle des droits que la plupart des pays occidentaux… »46.
Cependant, il convient de se garder d’établir un parallélisme entre la
consécration textuelle et la garantie effective. Cette observation a été par
ailleurs partagée par Jean-François Lachaume lorsqu’il affirme que « s’il suffisait
que les droits fondamentaux soient reconnus par les textes constitutionnels et
internationaux pour qu’ils soient respectés, il n’y aurait pratiquement que de

44
A. SOMA, « L’applicabilité des traités internationaux de protection des droits de l’homme
dans le système constitutionnel du Burkina Faso », Annuaire africain de droit international,
vol.14, 2006, p.325 ; Philippe XAVIER, « Les clauses de limitation et d’interprétation des droits
fondamentaux dans la Constitution sud-africaine de 1996 », Liber Amicorum Jean-Claude
Escarras. La communicabilité entre les systèmes juridiques, Bruxelles, Bruylant, 2005, pp.897-
926 ;Th. HOLO, « Emergence de la justice constitutionnelle », Pouvoirs, 2009, n°129, pp. 101-
114 ; Marie Madeleine MBORANTSUO, La contribution des cours constitutionnelles à l’État de
droit en Afrique, Paris, Economica, 2007. H. ADJOLOHOUN, préc., note 35 ; Robert S.M.
DOSSOU, « Les droits de l’homme dans la jurisprudence de la Cour constitutionnelle du
Bénin », Liège, Strasbourg, Bruxelles : parcours des droits de l’homme. Liber Amicorum Michel
Melchior, Anthemis, 2010, pp. 325-337 ; Ph. XAVIER, « La motivation des décisions de la Cour
constitutionnelle sud-africaine : essai d’analyse de la construction d’une jurisprudence de
protection des droits fondamentaux », Fabrice HOURQUEBIE et Marie-Claire PONTHOREAU
(dir.), La motivation des décisions des cours suprêmes et cours constitutionnelles, Bruxelles,
Bruylant, 2012, pp. 281-303 ; M. WETSH’OKONDA KOSO, préc., note 40. DIBUNDA KABUINJI, «
Application de normes internationales des droits de l’homme par la Cour suprême de justice »,
Revue analytique de jurisprudence zaïroise (RAJZ), vol. I, Fasc. unique, Kinshasa,1996, pp.77-84
.
45
Pour une étude spécifique sur les interactions entre le droit international des droits de
l’homme et les Constitutions africaines, voy. Maurice KAMTO, préc., note 32 ; A. ONDOUA,
« L’internationalisation des Constitutions en Afrique subsaharienne francophone et la
protection des droits fondamentaux », Revue trimestrielle des droits de l’homme », 2014, pp.
437-457 ; T. ZOGBELEMOU, préc., note 33, p. 98-130 ; Ph. BLACHER, « La
constitutionnalisation, traduction nationale de l’internationalisation des droits de l’homme »,
Stephane DOUMBE-BILLE, (dir.), Nouveaux droits de l’homme et internationalisation du droit,
Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. 239-246 ; M. LUNCA, « Le régionalisme, vecteur
d’internationalisation des nouveaux droits de l’homme », S. DOUMBE-BILLE, (dir.), préc., note
45, p. 247-258 ; A. SMITH, « Internationalisation and Constitutional borrowing in drafting bills
of rights », International & Comparative Quarterly, vol.60, october 2011, Part 4, pp.867-893.
46
M. KAMTO, préc., note 32, à la p. 36. Notre soulignement.

243
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

véritables Etats de droit de par le monde. Hélas, dans de nombreux cas, la


reconnaissance sert souvent d’alibi au non-respect effectif par un Etat donné et
son administration de ces droits »47. En parcourant les différentes Constitutions
africaines, l’on est frappé de constater la générosité des constituants dans
l’énonciation des droits48 même dans des Etats dont les pouvoirs publics vantent
une mauvaise réputation d’adversité à l’égard du respect des droits de l’homme.
La proclamation ou la reconnaissance de ces différents droits ressemble à une
litanie, sans être profane, incantatoire des vœux rédigés sous forme de « clauses
d’esthétique constitutionnelle » destinés à exercer un charme à l’extérieur de
l’ordre juridique concerné.
E. Jouanet critique les Etats africains qui s’illustreraient comme des
champions dans la ratification de nombreuses conventions internationales
relatives aux droits de l’homme et qui sont par la suite incorporées dans leurs
Constitutions. Mais elle observe un fossé entre cette consécration et la pratique
quotidienne. Elle exprime sa (virulente) critique en affirmant que le discours sur
les droits de l’homme est neutralisé en Afrique de trois façons :
« Les Etats africains adhèrent à des instruments internationaux relatifs
aux droits de l’homme et insèrent une Déclaration des droits dans leur
constitution (citée en exemple au niveau international), puis 1) sabotent
l’esprit de ces traités par une législation interne opposée, 2) les ignorent
complètement dans leurs pratiques ordinaires du pouvoir et 3) ne disent
jamais à quel point ces instruments internationaux sont incompatibles
avec les mœurs et coutumes en vigueur dans leur société. Ils ratifient
donc des instruments juridiques dont ils savent pertinemment qu’ils ne
seront jamais mis en œuvre »49.
Si cette critique peut être partagée à certains égards, en élaguant
certains excès, elle semble accorder peu de crédit au nouveau
constitutionnalisme africain qui se traduit notamment par l’émergence de la
justice constitutionnelle africaine, du moins dans certains États, sur le versant de
la protection des droits de l’homme. A titre purement indicatif, les Cours
constitutionnelles sud-africaine et béninoise ont produit une jurisprudence

47
Cité par R. S.M. DOSSOU, préc., note 44, p. 325-337, spéc. à la p. 337.
48
Pour plus de détails et à titre indicatif, voy. T. ZOGBELEMOU, préc., note 33, 98-130.
49
Emmanuel TOURME-JOUANET, Le droit international libéral-providence. Une histoire du droit
international, Bruxelles, Bruylant, éditions de l’Université de Bruxelles, 2011, p.270. C’est nous
qui soulignons.

244
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

prolifique sur le versant des droits fondamentaux qui n’a pas laissé la doctrine
indifférente50.

B Le préambule comme moteur d’insertion de la DUDH dans le bloc de


constitutionnalité

La DUDH est reprise dans la plupart des préambules des Constitutions


africaines. Nous pouvons affirmer une tendance généralisée en Afrique de
proclamer dans le préambule des Constitutions africaines, notamment
francophones, l’attachement ou l’adhésion des Constituants à la DUDH 51. Or la
plupart des Constitutions africaines francophones reconnaissent au Préambule
une force normative du fait qu’il est considéré comme partie intégrante de la
Constitution et intégré au bloc de constitutionnalité52. A titre indicatif, la reprise
récurrente de la DUDH dans les différents préambules des Constitutions zaïro-
congolaises, lui aurait permis, comme sous d’autres cieux, d’acquérir une valeur
juridique obligatoire qui est dans le cas d’espèce, une valeur constitutionnelle53.
Le Préambule de la Constitution congolaise proclame beaucoup d’intentions et
des idéaux qui sont étrangers au droit. Mais du moment où il procède
également au renvoi aux instruments juridiques internationaux et qui sont par la
suite détaillés dans le dispositif de la Constitution, nous sommes d’avis, s’il est
exagéré dans le cas d’espèce de parler de la force juridique du Préambule dans
son ensemble, mais du moins en cette partie du renvoi que le Préambule fasse
partie intégrante du texte constitutionnel et ce, même si le constituant congolais

50
Voy. H. ADJOLOHOUN, préc., note 35 ; Luc SINDJOUN, Les grandes décisions de la justice
constitutionnelle africaine, Bruxelles, Bruylant, 2009, 600 p ; Nircaise MEDE, Les grandes
décisions de la Cour constitutionnelle du Bénin, Saarbrücken, Editions universitaires
européennes, 2012 ; Xavier PHILIPPE, « La motivation des décisions de la Cour
constitutionnelle sud-africaine : essai d’analyse de la construction d’une jurisprudence de
protection des droits fondamentaux », F. HOURQUEBIE, Marie-Claire PONTHOREAU (dir.),
préc., note 44, 2012, p. 281-303.
51
Voy. sur ce point Placide MOUDOUDOU, La Constitution en Afrique. Morceaux choisis, Paris,
L’Harmattan-Congo, 2012, p.43 ; 1961 ; MUTOY MUBIALA, « L’Afrique et la Déclaration
Universelle des droits de l’homme », (2011) 2 Revue Juridique et politique, 230-236.
52
Franc DE PAUL TETANG, « La normativité des préambules des Constitutions des Etats
africains d’expression française », (2015) 4-104 RFDC, 953-978.
53
Tarek MAJZOUB, « Le juge libanais et le droit international des droits de l’homme », (2010) 4
Revue de Droit Public 1113-1134, 1118.

245
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

ne prévoit pas de disposition expresse intégrant le préambule dans la


Constitution54.

En d’autres termes, le Préambule de la Constitution congolaise du 18


février 2006 (dans ses références aux instruments des droits de l’homme coulés
ensuite dans le corps du texte constitutionnel) fait partie de la Constitution et
par voie de conséquence la DUDH. Celle-ci a acquis en droit congolais le statut
d’une norme faisant partie du « bloc de constitutionnalité » et c’est ce qui
expliquerait, à notre avis, son invocation devant les Cours et tribunaux. C’est en
vertu de cette « force juridique » que
« (..) poursuivi du chef de violation de consigne pour avoir noué une
relation non autorisée avec une personne étrangère, spécialement pour
avoir épousé une femme étrangère, le colonel (…) a été acquitté en
avril 1997 par le Conseil de guerre général qui a jugé qu’il n’appartient
pas au législateur d’intervenir dans le domaine du mariage, la
Déclaration universelle des droits de l’homme ayant consacré la liberté
de mariage »55.
En outre la loi n° 06/006 du 09 mars 2006 (modifiée en 2011, 2015 et
2017) portant organisation des élections présidentielles, législatives,
provinciales, urbaines, municipales et locales se conforme, outre aux
conventions internationales, mais aussi à la DUDH56. L’étude du Préambule dans
les Constitutions africaines et leur rôle dans l’appréciation du bloc de
constitutionnalité intéresse de plus en plus la doctrine57.

54
Ce passage du Préambule de la Constitution congolaise du 18 février 2006 peut être évoqué
avec intérêt : « (…).Réaffirmant notre adhésion et notre attachement à la Déclaration
Universelle des Droits de l’Homme, à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples,
aux Conventions des Nations Unies sur les Droits de l’Enfant et sur les Droits de la Femme,
particulièrement à l’objectif de la parité de représentation homme-femme au sein des
institutions du pays ainsi qu’aux instruments internationaux relatifs à la protection et à la
promotion des droits humains (…) ». Souligné par nous.
55
CGG, avril 1997, RPA 177/97-Lisisa Syla cité par Marcel WETSH’OKONDA KOSO SENGA, Les
textes constitutionnels congolais annotés, Kinshasa, Editions de la Campagne des droits de
l’homme au Congo, 2010, p.327. C’est nous qui soulignons.
56
Dans l’exposé de cette loi électorale nous pouvons lire : « … En conformité avec la Charte
des Nations Unies, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et la Charte africaine des
Droits de l’Homme et des Peuples… », JORDC, n° spécial du 10 mars 2006.
57
Boubacar BA, « Le Préambule de la Constitution et le juge constitutionnel en Afrique »,
(2016) Afrilex, 2016, en ligne, le 12 août 2016, à l’adresse : <http://afrilex.u-

246
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

En droit comparé non africain notons que le Conseil constitutionnel


libanais intègre la DUDH qui fait par ailleurs partie du préambule, dans le bloc de
constitutionnalité58. Au Liban le préambule de la Constitution, dont la valeur
normative est constamment affirmée par le Conseil constitutionnel, est intégré
au bloc de constitutionnalité et comprend, outre la DUDH, les pactes
internationaux relatifs aux droits de l’homme, spécialement conclus dans le
cadre des Nations-Unies. Dans un obiter dictum le Conseil constitutionnel du
Liban avait consacré la valeur constitutionnelle de ces textes en ces termes :
« Considérant qu’il est admis que ces pactes internationaux expressément
mentionnés au préambule de la Constitution forment, avec ledit préambule et la
Constitution, partie intégrante et jouissent de la force constitutionnelle »59. En
Autriche, la convention européenne des droits de l’homme a rang
constitutionnel et depuis l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 14 mars 2012, la
Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne est intégrée dans les
normes de référence pour le contrôle de constitutionnalité des normes 60. Par
ailleurs, l’article 75-22 de la Constitution argentine du 23 août 1994 confère au
Pacte international relatif aux droits civils et politiques, à la Convention
américaine des droits de l’homme, à la Déclaration universelle des droits de
l’homme et à la Déclaration américaine des droits et des devoirs de l’homme un
rang constitutionnel61.

Dans une analyse, sous forme « d’anatomie » consacrée à la normativité


des préambules des Constitutions d’Afrique francophone, Franc De Paul Tetang
conclut en ces termes sa contribution :
« [E]n tout état de cause, la puissance normative du préambule ne
réside pas dans la force prescriptive de ces énoncés, mais dans la force

bordeaux4.fr/sites/afrilex/IMG/pdf/Boubacar_BA_Preambule_et_juge_constitu
tionnel_en_Afrique.pdf > (consulté le 16 octobre 2018).
58
Tarek MAJZOUB, « Le droit international public et le juge libanais de la constitutionnalité »,
(2010) XXV-2009 Annuaire international de justice constitutionnelle, 63-77 ; T. MAJZOUB, préc.,
note 53, 1118.
59
Voy. les décisions du Conseil constitutionnel du Liban du 10 mai 2001 (décision n°2/01) et du
21 novembre 2003 (décision n°1/03) citées par T. MAJZOUB, préc., note 53, p.1117.
60
Pour un commentaire dudit arrêt, A. PELZI, « Quelques réflexions sur l’arrêt de la Cour
constitutionnelle autrichienne du 14 mars 2012 concernant le rôle de la Charte des droits
fondamentaux dans le cadre du contrôle juridictionnel », (2015) Revue des affaires
européennes, 367-385.
61
Sur ce point, voy. C. SCIOTTI-LAM, préc., note 38, p.253. Voy. aussi l’article 4 de la
Constitution moldave du 29 juillet 1994 qui s’inspire à ces deux articles.

247
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

de référence de ses modèles qui, bien que très souvent dénués


d’impératif catégorique, modélisent les conduites, légitiment les choix
politiques des gouvernants, révèlent l’esprit des Constitutions,
expriment et sanctuarisent les identités constitutionnelles au point de
fonder, bien que les exemples demeurent isolés, des révolutions »62.
A côté de la dimension prescriptive, les préambules sont dotés d’une
forte dimension historique : « ils retracent les vicissitudes d’un passé
constitutionnel avec lequel il faut rompre ; et ils dessinent un futur
constitutionnel qu’il faut s’atteler à construire »63. Ainsi lorsque les Constitutions
africaines disposent que le préambule fait partie intégrante de la Constitution, il
faudrait y percevoir la justiciabilité de certaines dispositions prescriptives
prévues dans lesdits préambules, notamment les références à certains
instruments juridiques internationaux ou à certaines options fondamentales. Les
dispositions non prescriptives sont dépouillées de toute force de justiciabilité 64.

C La DUDH en tant que moyen d’interprétation des dispositions


constitutionnelles relatives aux droits de l’homme

A travers l’article 39 de la Constitution sud-africaine de 1996, les cours et


tribunaux, en interprétant les dispositions relatives aux droits fondamentaux
prévues dans la Constitution doivent prendre en considération, entre autres, le
droit international conventionnel et coutumier. Au titre du droit international
coutumier la DUDH peut servir aussi de source d’inspiration.

En droit comparé non africain, nous pouvons évoquer le cas de l’Espagne


et du Portugal. Les Constitutions espagnole et portugaise exaltent les vertus de
la DUDH. Sont particulièrement pertinents dans cette perspective les articles 16-
2 de la Constitution portugaise du 2 avril 1976 et 10-2 de la Constitution
espagnole du 27 décembre 1978. Le premier (art.16-2) dispose que « les normes
constitutionnelles et légales se rapportant aux droits fondamentaux doivent être
interprétées et appliquées conformément à la Déclaration universelle des droits
de l’homme ». Dans la même optique abonde l’article 10-2 de la Constitution
espagnole quand il énonce : « Les normes relatives aux droits fondamentaux et

62
F. De Paul TETANG, préc., note 52, 978. Notre soulignement.
63
St. BOLLE, préc., note 22, à la p. 255.
64
A titre d’exemple, les préambules des Constitutions tunisienne du 27 janvier 2014,
égyptienne du 14-15 janvier 2014 constituent de véritables litanies de l’histoire, de la culture
d’un Peuple et dans lesquels la force normative ne peut être reconnue qu’à un noyau des
dispositions figurant dans lesdits préambules.

248
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

aux libertés que reconnaît la Constitution seront interprétées conformément à


la Déclaration universelle des droits de l’homme et aux traités internationaux
portant sur les mêmes matières ratifiées par l’Espagne ».

III LE STATUT INTERNATIONAL DE LA DUDH ET SON APPLICATION DANS


LE CONTENTIEUX AFRICAIN DES DROITS DE L’HOMME

A La DUDH assimilée à un traité international ou au droit international


coutumier

La DUDH est parfois assimilée à un traité international dans la pratique


de certaines juridictions africaines. A titre d’exemple, dans le contentieux relatif
à l’élection présidentielle en RDC du 29 novembre 2006, le requérant avait
soulevé parmi ses moyens, entre autres, celui tiré de la violation de l’article 21
de la Déclaration universelle des droits de l’homme en précisant, dans sa
requête que « l’article 21 de la Déclaration universelle des droits de l’homme à
laquelle a adhéré la République démocratique du Congo (…) ». Examinant ce
moyen invoqué conjointement avec l’article 12 de la Constitution, la Cour
suprême de justice, siégeant en matière de contentieux des résultats juge que
ce moyen, même s’il était établi, n’aura aucune incidence sur les résultats du
scrutin dont l’annulation est postulée65. Dans l’analyse de la jurisprudence du
juge constitutionnel congolais, il résulte que ce dernier se fonde principalement
sur la Constitution pour protéger les droits de l’homme66.

C’est plus à Madagascar où, examinant certaines lois relatives aux


élections, le juge constitutionnel, assurant le contrôle de conformité à la
Constitution malgache desdites lois situe la Déclaration universelle des droits de
l’homme au même titre que les traités relatifs aux droits de l’homme figurant au
préambule. Dans sa Décision du 3 mai 2018, la Haute Cour constitutionnelle
Malgache le dit clairement à travers le dixième considérant libellé en ces
termes :
« 10. Considérant que, outre les principes consacrés par les dispositions
de la Constitution, les améliorations apportées par la loi organique
déférée, se sont également référées aux exigences édictées par les

65
Cour suprême de justice, toutes chambres réunies, siégeant en matière de contentieux des
résultats à l’élection présidentielle du second tour du 29 novembre 2006. Audience publique
du 27 novembre 2006. En cause : Recours du Mouvement de libération du Congo, en sigle
MLC.
66
M. WETSH’OKONDA KOSO, préc., note 40.

249
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

traités internationaux dont, entre autres, la Déclaration Universelle des


Droits de l’Homme du 10 décembre 1948, le Pacte international relatif
aux droits civils et politiques, la Charte Africaine des droits de l’homme
et des peuples du 26 juin 1981, la Charte Africaine de la démocratie, des
élections et de la gouvernance du 30 janvier 2007 ; que la présente loi
organique soumise au contrôle de constitutionnalité est donc également
tenue de se conformer à ces conventions et traités internationaux
(…) »67.
Toutefois dans deux décisions postérieures de la même juridiction, celle-
ci s’est fondée, au titre des traités internationaux applicables, dans le cas
d’espèce, au Pacte international relatif aux droits civils et politiques d’une part,
et à la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance
d’autre part68.
La confusion résulte, à notre avis, de l’expression maladroite utilisée
dans certaines Constitutions dans lesquelles le préambule proclame
« l’attachement » ou mieux « l’adhésion à la Déclaration universelle des droits
de l’homme ». A titre illustratif, le préambule de la Constitution de la RDC du 18
février 2006 énonce que
« (…). Réaffirmant notre adhésion et notre attachement à la Déclaration
Universelle des Droits de l’Homme, à la Charte Africaine des Droits de
l’Homme et des Peuples, aux Conventions des Nations Unies sur les
Droits de l’Enfant et sur les Droits de la Femme, particulièrement à
l’objectif de la parité de représentation homme-femme au sein des
institutions du pays ainsi qu’aux instruments internationaux relatifs à la
protection et à la promotion des droits humains… ».
Plusieurs Constitutions africaines francophones comportent des
dispositions similaires ou proches proclamant la réaffirmation, l’adhésion ou

67
Haute Cour constitutionnelle. Décision n°15-HCC/D3 du 3 mai 2018 portant sur la loi
67
organique n°2018-008 relative au régime général des élections et des référendums Cour
suprême de justice, toutes chambres réunies, siégeant en matière de contentieux des résultats
à l’élection présidentielle du second tour du 29 novembre 2006. Audience publique du 27
novembre 2006. En cause : Recours du Mouvement de libération du Congo, en sigle MLC.
67
M. WETSH’OKONDA KOSO, préc., note 40.
67
Notre soulignement.
68
Haute Cour constitutionnelle de Madagascar. Décision n° 16-HCC/D3 du 3 mai 2018 portant
sur la loi organique n° 2018-009 relative à l’élection du Président de la République ainsi que la
Décision n° 17-HCC/D3 du 3 mai 2018 portant sur la loi organique n° 2018-010 relative à
l’élection des députés à l’Assemblée nationale.

250
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

l’attachement soit aux principes définis dans la Déclaration universelle des droits
de l’homme69 soit cette Déclaration est visée dans son ensemble70. Or
l’adhésion est une terminologie du droit international ayant un sens précis.
Selon le dictionnaire de droit international, l’adhésion peut couvrir différents
sens qui se recoupent autours d’un dénominateur commun. Elle est définie
comme « fait pour un État de donner son accord ou son consentement à une

69
La nouvelle Constitution du Tchad du 4 mai 2018 énonce, dans son préambule, la
réaffirmation de l’attachement « aux principes des droits de l’homme tels que définis par la
Charte des Nations Unies de 1945, la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, et
la Charte africaine des droits de l’homme et des Peuples de 1981… ». La Constitution
marocaine du 29 juillet 2011 réaffirme « son attachement aux droits de l’homme tels qu’ils
sont universellement reconnus. Le préambule de la Constitution sénégalaise du 20 janvier
2001 telle que révisée jusqu’à ce jour proclame solennellement l’attachement du Sénégal
« aux droits fondamentaux tels qu’ils sont définis dans la Déclaration des droits de l’homme et
du citoyen de 1789 et dans la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre
1948. Notre soulignement.
70
A titre illustratif, le préambule de la Constitution centrafricaine du 30 mars 2016 réaffirme
« son adhésion à la charte de l’Organisation des Nations Unies, à la Déclaration universelle des
droits de l’homme du 10 décembre 1948, aux Pactes internationaux du 16 décembre 1966
relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels d’une part et aux droits civils et politiques
d’autre part ; réaffirme son adhésion à toutes les Conventions internationales dûment
ratifiées, notamment celles relatives à l’interdiction de toute discrimination à l’égard des
femmes, à la protection des droits de l’enfant et celles relatives aux peuples autochtones et
tribaux,… ». La Constitution ivoirienne du 30 octobre 2016 réaffirme, dans son préambule la
détermination à bâtir un Etat de droit dans lequel les droits de l’homme (…) tels que définis
dans les instruments juridiques internationaux auxquels la Côte d’Ivoire est partie, notamment
la Charte des Nations Unies de 1945, la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948,
la Charte africaine des droits de l’homme et des Peuples de 1981 et ses protocoles
additionnels, l’Acte constitutif de l’Union africaine de 2001 ». La Constitution nigérienne du 25
novembre 2010 proclame son attachement « (…) aux droits humains tels que définis par la
Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, le Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels de 1966 et la charte africaine des droits de l’homme et des
peuples de 1981. Le préambule de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990 réaffirme
son attachement aux principes de la Démocratie et des droits de l'Homme tels qu'ils ont été
définis par la charte des Nations -Unies de 1945 et la Déclaration Universelle des Droits de l'
Homme de 1948, à la Charte Africaine des droits de l' Homme et des peuples adoptée en 1981
par l'Organisation de l' Unité Africaine, ratifiée par le Bénin le 20 janvier 1986 et dont les
dispositions font partie intégrante de la présente Constitution et du Droit béninois et une
valeur supérieure à la loi interne. Le préambule de la Constitution du Congo-Brazzaville
adoptée par voie référendaire le 25 octobre 2015 déclare partie intégrante de la Constitution
les principes fondamentaux proclamés et garantis par la Charte des Nations Unies du 24
octobre 1945, la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, la Charte
africaine des droits de l’homme et des peuples du 26 juin 1981 (…). Tous les textes
internationaux pertinents dûment ratifiés relatifs aux droits humains. Notre soulignement.

251
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

demande, à une action, à une résolution ou à un texte réalisé ou annoncé par


d’autres États ; fait de joindre son consentement à ceux des autres États. Ce
sens est plus politique que juridique ». C’est la deuxième définition qui
caractérise mieux l’adhésion, soit « mode de consentement à être lié par un
accord de la part d’un État ou d’une organisation internationale qui n’a pas
participé à la négociation de cet accord ou qui, ayant participé à sa négociation,
ne l’a pas signé dans le délai prévu à cet effet »71.
Partant de l’inspiration de la DUDH, les différents traités internationaux
et régionaux, voire sous-régionaux des droits de l’homme72 ainsi que l’invocation
aussi bien sur le plan interne qu’international de la DUDH lui confèrent une
valeur de droit international coutumier à travers la pratique (fréquence) et
l’opinio juris. Toutefois, en compulsant la jurisprudence des juridictions
régionales des droits de l’homme, celles-ci appliquent la DUDH sans relever sa
nature à telle enseigne qu’il est permis de s’interroger sur sa nature réelle dans
le contentieux international des droits de l’homme. Par elle-même, cette
déclaration est dépourvue de caractère contraignant. Or elle est appliquée de
manière autonome ou conjointe avec d’autres traités internationaux. Est-elle
assimilée à un traité international ?

Dans le droit applicable par la Cour africaine des droits de l’homme et


des peuples figure à l’article 3 non seulement la Charte des droits de l’homme,
mais aussi tous les traités pertinents relatifs aux droits de l’homme ratifiés par
les États membres73. En toute logique elle ne pourrait pas se fonder sur les
moyens tirés de la violation de la DUDH car elle n’intègre pas les prescrits de
l’article 3 précité. Néanmoins, les requérants l’invoquent conjointement avec
d’autres traités internationaux ratifiés par les États, et le dépouillement de la

71
Jean SALMON (dir.), Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant/AUF, 2001,
p.38.
72
Dans le cadre sous-régional, nous pouvons évoquer le cas d’un acte dérivé de la
communauté d’Afrique de l’Est appelée loi communautaire adoptée par l’Assemblée législative
de cette Communauté économique régionale avec le consentement du Conseil des ministres. Il
s’agit de la loi relative aux droits de l’homme et des Peuples (The East African Community
Human and Peoples rights Bill, 2011) s’inspirant à la fois de la DUDH que de la Charte africaine
des droits de l’homme et des Peuples.
73
L’article 3.1 du Protocole de Ouagadougou du 8 juin 1998 relatif à la création de la Cour
africaine des droits de l’homme et des Peuples dispose : « La Cour a compétence pour
connaître de toutes les affaires et de tous les différends dont elle est saisie concernant
l'interprétation et l'application de la Charte, du présent Protocole, et de tout autre instrument
pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par les Etats concernés ».

252
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

jurisprudence de la Cour africaine des droits de l’homme et des Peuples


confirme que cette Cour se fonde principalement sur les traités internationaux.

B Juridictions internationales africaines et la DUDH

En analysant certains arrêts des juridictions internationales africaines


(notamment la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, la Cour de
justice de la CEDEAO (CJCEDEAO), la Cour de justice de l’UEMOA), nous pouvons
constater que les requérants ou même certaines juridictions internationales
africaines assimilent la DUDH à un traité ou tout au moins lui confèrent un
caractère obligatoire. A titre illustratif, la Cour de justice de la CEDEAO s’est
orientée dans cette direction. Dans son arrêt du 18 novembre 2010, elle se
fonde sur la violation par le Sénégal, entre autres, des dispositions de la DUDH 74.
Dans son arrêt du 16 février 2016, cette juridiction régionale avait statué que la
République de Guinée avait violé le principe du contradictoire, le droit à un
recours effectif, le principe de l’égalité des armes et le droit des requérants
d’être jugés dans un délai raisonnable en se fondant sur une lecture combinée
des dispositions pertinentes de la DUDH, du Pacte international relatif aux droits
civils et politiques ainsi que de la Charte africaine des droits de l’homme et des
Peuples75. Dans son arrêt du 29 juin 2018 elle a relevé que l’État du Sénégal avait
violé, entre autres, l’interdiction de la détention arbitraire, le droit des
requérants à l’assistance d’un conseil en se fondant notamment sur la DUDH, le
Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Charte africaine des
droits de l’homme et des Peuples ainsi que le règlement n° 5/CM/UEMOA relatif

74
Cour de justice de la CEDEAO, Affaire Hissein Habré contre République du Sénégal, n°
ECW/CCJ/APP/07/08, Arrêt du 18 novembre 2010. Quelques paragraphes rendent compte de
cette application. § 48 : « Toutefois, en dépit des dénégations de pure forme du Défendeur, la
Cour note, qu’au-delà de la justification de la mise en conformité de sa législation avec ses
engagements internationaux, l’Etat du Sénégal a gravement méconnu les dispositions de
l’article 7.2 de la Charte africaine des droits de l’homme et des Peuples et de l’article 11.2 de la
Déclaration universelle des droits de l’homme qui interdisent la rétroactivité d’une disposition
d’ordre pénal ». § 57 : « La Cour (…). Au vu de ces circonstances exceptionnelles, la Cour ne
peut qu’acquiescer qu’il y a des indices raisonnables et convaincants de probabilité de
réalisation de la violation des articles 7.2 et 11.2 de la Charte africaine des droits de l’homme
et des Peuples et de la Déclaration universelle des droits de l’homme au détriment de
Monsieur Hissein Habré ; que dès lors la qualité de victime de violation de ses droits de
l’homme revendiquée par le Requérant sur la base de ces instruments internationaux est
avérée ; qu’il échet conséquemment d’y faire droit ».
75
Cour de justice de la CEDEAO. Affaire n° ECW/CCJ/APP/22/13. Arrêt n° ECW/CCJ/JUG/03/16.
Affaire : 1) Monsieur Ibrahim Sory Toure ; 2) Monsieur Issiaga Bangoura contre République de
Guinée. Arrêt du 16 février 2016.

253
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

à l’harmonisation des règles régissant la profession d’avocat dans l’espace


UEMOA76.
La Cour de justice de la CDEAO vérifie, avant l’exercice de sa compétence
si les États sont liés par les différents traités invoqués. Toutefois, elle se fonde
notamment sur la violation des dispositions de la DUDH. L’article 9.4 du
Protocole additionnel de 2005 attribue à la Cour de justice de la CEDEAO la
compétence de connaître de cas de violation des droits de l’homme dans tout
Etat membre (Art.9.4)77. Il ne précise pas la nature des actes juridiques
susceptibles d’être portés à sa connaissance. En analysant sa jurisprudence, la
Cour de justice de la CEDEAO applique les traités internationaux pertinents
relatifs aux droits de l’homme ratifiés par les États membres. Dans son arrêt du
19 février 2018 rendu dans l’affaire Alaza.Y. Pawimandom contre République du
Togo, elle souligne que
« [C]omme juge de la violation des droits de l’homme, elle applique les
normes internationales opposables aux Etats, c’est-à-dire, notamment,
les engagements internationaux de ceux-ci, qui consistent souvent en
traités ratifiés ou actes unilatéraux d’institutions internationales
auxquelles ils sont membres (…). La Cour doit également écarter les
normes internationales n’ayant pas un caractère obligatoire, ne liant
pas les Etats. L’on sait en effet que dans l’ordre international
notamment, peuvent être pris une foule d’actes n’ayant pas un
caractère impératif à l’égard des Etats, actes relevant de ce qu’on
appelle la soft law, droit vert ou mou, n’ayant qu’une portée incitative
mais ne pouvant pas être tenu pour obligatoire à l’égard des Etats »78.

76
Cour de justice de la CEDEAO. Arrêt n° ECW/CCJ/JUD/17/18 du 29 juin 2018. Messieurs
Khalifa Ababacar Sall et autres contre l’Etat du Sénégal. Arrêt du 29 juin 2018.
77
Protocole additionnel (A/SP.1/01/05) portant amendement du Préambule des articles
1,2,9,22 et 30 du Protocole (A/P.1/7/91) relatif à la Cour de justice de la communauté ainsi que
de l’article 4 paragraphe 1 de la version anglaise dudit Protocole signé à Accra le 19 janvier
2005.
78
Cour de justice de la CEDEAO. Affaire n° ECW/CCJ/APP/02/17. ECW/CCJ/JUD/06/18. Affaire
Alaza. Y. Pawimondom contre République du Togo. Arrêt du 19 février 2018. Notre
soulignement. Cette définition du soft law est conforme à celle habituellement admise en droit
international. En effet, selon le dictionnaire de droit international public, le soft law est
constitué par l’ensemble « des règles dont la valeur normative serait limitée soit parce que les
instruments qui les contiennent ne seraient pas juridiquement obligatoires, soit parce que les
dispositions en cause, bien que figurant dans un instrument contraignant, ne créeraient pas
d’obligation du droit positif, ou ne créeraient que des obligations peu contraignantes. J.
SALMON (dir.), préc., note 71, p. 1034.

254
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

En lisant ce passage, nous pouvons conclure en toute logique que la Cour


de justice de la CEDEAO ne peut qu’écarter le moyen tiré de la violation de la
DUDH étant donné qu’elle relève du soft law. Pourtant cette juridiction applique
la DUDH mais écarte d’autres résolutions adoptées par l’Assemblée générale et
qui sont invoquées par le requérant. Tout porte à soutenir que la DUDH
bénéficie du statut d’une résolution sui generis. Dans l’arrêt précité, la Cour de
justice de la CEDEAO poursuit son raisonnement en ces termes :
« [O]r, parmi les textes cités par le requérant, on trouve des actes de
telle nature : c’est le cas de l’Ensemble de principes pour la protection
de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention
ou d’emprisonnement ou encore de la Déclaration sur les principes de
justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d’abus de
pouvoir. Il s’agit là de deux instruments juridiques adoptés par
l’Assemblée générale des Nations Unies (respectivement 43/173 du 9
décembre 1988 et 40/34 du 29 novembre 1985), de telles résolutions
n’ayant en principe pas d’effet obligatoire »79.
Dans son arrêt du 16 février 2016, elle écarte aussi les Principes
fondamentaux relatifs aux traitements des détenus du 14 décembre 1990 80.
Tous ces actes constituent des résolutions de l’Assemblée générale ne se
différenciant pas formellement avec la DUDH et qui sont dépourvus d’une force
obligatoire. Toutefois la Cour tient à rappeler que ces instruments relevant du
soft law ne sont pas dépourvus d’intérêt pour la Cour du fait qu’ils peuvent
constituer
« (…) des indices précieux dans l’appréciation d’un consensus autour de
règles données, dans la perspective notamment de l’émergence d’une
coutume internationale, source incontestable de droit. Mais en eux-
mêmes, ces instruments à portée déclarative ne lient pas les Etats, et la
Cour a toujours insisté sur le fait que les allégations de violation des
droits de l’homme doivent reposer sur des textes qui obligent
effectivement ces Etats (…). Le régime international de protection des
droits de l’homme devant les organes internationaux repose
essentiellement sur les traités auxquels les Etats sont parties (…). La

79
Cour de justice de la CEDEAO. Affaire n° ECW/CCJ/APP/02/17. ECW/CCJ/JUD/06/18, Affaire
Alaza. Y. Pawimondom contre République du Togo, Arrêt du 19 février 2018. Notre
soulignement.
80
Cour de justice de la CEDEAO, Affaire Konso Kokou Parounam contre République du Togo,
Arrêt du 16 février 2016, § 27.

255
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

Cour estime qu’elle n’a vocation à sanctionner que la méconnaissance


d’obligations résultant de textes internationaux opposables aux
Etats »81.
Ces passages de l’arrêt demeurent ambigus sur la nature de la DUDH
dans son appréhension par la Cour de justice de la CEDEAO dans l’affaire sous
examen. Elle écarte la DUDH du champ du soft law et l’applique au même titre
que les traités internationaux relatifs aux droits de l’homme ratifiés par les États
car ces derniers les obligent. En d’autres termes, selon le raisonnement de la
Cour, la DUDH engage les États, mais sans préciser le fondement de cette
obligation. Est-ce en raison de la nature du droit international coutumier qu’il
conviendrait de reconnaître à la DUDH ? Rien n’est moins sûr d’autant plus que
la Cour de justice de la CEDEAO insiste sur le fait qu’elle applique
essentiellement les traités internationaux auxquels les États sont partie et
comportant des obligations à leur charge.
Or la DUDH qu’elle applique relève formellement du droit mou. En effet,
le droit mou ou soft law comprend une catégorie d’actes hétérodoxes. Relèvent
de cette catégorie et sans que cette liste soit exhaustive « les actes des
Organisations internationales dépourvus de caractère obligatoire, mais aussi les
préambules des traités, les dispositions conventionnelles rédigées en des termes
n’entraînant pas une modification de l’ordonnancement juridique, les traités
non encore en vigueur voire plus en vigueur ou encore les déclarations finales
de conférences internationales »82. La résolution 217 (III) A servant de support à
la DUDH est accompagnée notamment d’un point D relatif à la publicité à
donner à la DUDH, notamment par les États et d’un point E consacré à la
préparation d’un projet de pacte relatif aux droits de l’homme et de mesures de
mise en œuvre. Placée dans ce contexte, même si elle est formellement
dépourvue de valeur juridique obligatoire, cette Résolution produit certains
effets. Julien Cazala soutient par exemple que le recours aux instruments du soft

81
Cour de justice de la CEDEAO. Affaire n° ECW/CCJ/APP/02/17. ECW/CCJ/JUD/06/18, Affaire
Alaza. Y. Pawimondom contre République du Togo, Arrêt du 19 février 2018. Voy aussi Affaire
Konso Kokou Parounam contre République du Togo, Arrêt du 16 février 2016 ; Affaire CDP et
autres contre Burkina Faso, Arrêt du 13 juillet 2015. Notre soulignement.
82
Julien CAZALA, « Le rôle du soft law dans l’interprétation du droit international », (2009) VIII
Analele Universitat II Titu Maiorescu 42-53, 44. Voy. aussi du même auteur, « Le Soft law
international entre inspiration et aspiration », (2011) 66-1 Revue interdisciplinaire d’études
juridiques 41-84.

256
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

law peut être pertinent dans le cadre de la prise en compte du contexte de la


norme objet d’interprétation83.
Le statut de la DUDH dans la jurisprudence de la Cour de justice de la
CEDEAO est contingent. Tantôt elle est considérée dans sa nature formelle de
résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies, mais dont elle assortit
une obligation à charge des États, tantôt elle est assimilée à un traité
international. En effet, après avoir rappelé que conformément à sa
jurisprudence établie, dès lors que des violations de droits de l’homme
constituant des obligations communautaires ou internationales de l’État
membre mis en cause sont alléguées, elle est compétente pour les examiner, la
Cour de justice de la CEDEAO juge, entre autres, que l’Etat du Mali, partie
défenderesse, est tenu « de donner effet à la résolution 217 A (III) du 10
décembre 1948 par laquelle l’Assemblée générale a adopté la Déclaration
Universelle des droits de l’homme (…) »84. En d’autres termes, la Cour de justice
de la CEDEAO tire de ladite résolution l’obligation pour les Etats membres de la
CEDEAO de s’y conformer ou d’y donner effet. Du point de vue de la logique ce
raisonnement de la Cour n’est pas convainquant d’autant plus que l’option en
faveur de l’adoption d’une résolution plutôt que d’un traité international était
motivée par la recherche d’un instrument non contraignant.
Le traité révisé de l’UEMOA du 29 janvier 2003 dispose, en son article 3
que l’UEMOA « respecte dans son action les droits fondamentaux énoncés dans
la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et la Charte africaine
des droits de l’homme et des peuples ». C’est en vertu de ce fondement que la
Cour de justice de l’UEMOA avait écarté le bénéfice de l’immunité de juridiction
invoquée par la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) à
travers son agence principale de Cotonou (Bénin).
Le raisonnement de la Cour mérite d’être rappelé ici :
« (…). Considérant que l’’immunité de juridiction signifie que la Banque
Centrale et ses biens sont couverts à l’encontre de toute forme de
procès ; Qu’elle a pour effet de faire échapper la Banque à la
compétence d’une juridiction nationale des États membres devant
laquelle elle est citée à comparaître ; la juridiction nationale doit se

83
Id., à la p. 45.
84
Cour de justice de la CEDEAO, Affaire Bakary Sarré et 28 autres contre République du Mali,
Arrêt du 17 mars 2011. Notre soulignement.

257
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

déclarer incompétente pour connaître d’un litige impliquant la Banque


Centrale ;
« Considérant que l’’immunité d’exécution signifie que la Banque
Centrale bénéficie sur ses avoirs et sur ses biens, où qu’ils se trouvent
et quels qu’en soient les détenteurs, de l’immunité d’exécution,
notamment à l’égard de toute mesure de saisie, séquestre, blocage ou
autres mesures d’exécution forcée ou de sureté ;
« Considérant qu’ainsi décrit, ce privilège peut paraître exorbitant et
susceptible d’ouvrir la voie à des dénis de justice, puisque la Banque
Centrale se trouve être « une forteresse imprenable », « une zone de
non droit » contre laquelle aucune action en justice ne peut être
entreprise, alors qu’elle-même a le droit d’attraire en justice toute
personne physique ou morale devant les juridictions des États
membres ;
« Qu’une abondante jurisprudence des juridictions nationales des Etats
membres ou étrangers ont posé et confirmé le principe de l’immunité
de juridiction ou d’exécution en faveur de la Banque Centrale (…) ;
« Mais, considérant que l’article 3 du Traité du 10 janvier 1994 dispose
que « l’Union respecte dans son action, les droits fondamentaux
énoncés dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948
et la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des peuples de 1981 » ;
Que l’article 10 de la Déclaration Universelle de 1948 dispose que «
Toute personne a droit, en pleine égalité à ce que sa cause soit
entendue par un Tribunal indépendant et impartial, qui décidera soit de
ses droits et obligations, soit du bien fondé de toute accusation en
matière pénale dirigée contre elle » ; Que l’article 7 de la Charte
Africaine de 1981 stipule quant à lui que « Toute personne à droit à ce
que sa cause soit entendue. Ce droit comprend le droit de saisir les
juridictions nationales compétentes de tout acte violant des droits
fondamentaux qui lui sont reconnus et garantis par les conventions, les
lois, règlements et coutumes en vigueur… » ; Qu’ainsi, le principe
d’immunité reconnue à la Banque Centrale doit se combiner avec le
droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue par un Tribunal,

258
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

droit affirmé par les articles sus-cités auxquels se réfère le Traité de


l’Union (…) »85.
Notons aussi que dans son arrêt du 29 juin 2018, la Cour de justice de la
CEDEAO avait visé, entre autres, parmi les textes juridiques internationaux, le
règlement n° 5/CM/UEMOA relatif à l’harmonisation des règles régissant la
profession d’avocat dans l’espace de l’UEMOA avant de conclure que l’Etat du
Sénégal avait violé le droit à l’assistance d’un conseil pour les requérants
engageant ainsi sa responsabilité86.
Dans un autre cadre, la Cour commune de justice et d’arbitrage de
l’OHADA (CCJA) était saisie en matière de contentieux relatif au droit du travail
de la requérante au service du secrétariat permanent de l’OHADA bénéficiant de
l’immunité de juridiction au Cameroun. La requérante reprochait audit
secrétariat une discrimination sur son traitement salarial du fait des retenues
fiscales opérées sur son traitement étant donné qu’elle était ressortissante de
l’Etat du siège. Parmi les moyens invoqués figurait la violation de l’article 23.2 de
la DUDH en vertu duquel « tous ont droit, sans aucune discrimination, à un
salaire égal pour un travail égal ». Pour la requérante la discrimination sur son
traitement salarial constituait une violation, entre autres, des dispositions de
l’article 23.2 de la DUDH. Sans examiner la nature de la DUDH, la CCJA juge que
ce moyen n’est pas fondé87.
Nous pouvons affirmer que la DUDH se greffe dans le prolongement des
engagements des États en vertu de l’article 1er et 55 de la Charte des Nations
Unies dont elle détaille et précise le contenu. La nature coutumière de la DUDH
peut aussi être recherchée parmi les buts et principes de l’ONU, tels que fixés à
l’article 1er point 3 de la Charte des Nations Unies : « Réaliser la coopération
internationale en résolvant les problèmes internationaux d'ordre économique,
social, intellectuel ou humanitaire, en développant et en encourageant le respect
des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinctions
de race, de sexe, de langue ou de religion »88. La DUDH peut également être
interprétée comme une mise en œuvre de ce but et principe corroboré à

85
Cour de justice de l’UEMOA, Affaire n°02/2012, Recours en indemnisation. Demandeurs : 1)
Dame Mondoukpè Sidonie Sodabi ; 2) M. Léon Kougbenou contre la banque centrale des Etats
de l’Afrique de l’ouest (BCEAO). Agence principale de Cotonou, Arrêt du 19 décembre 2012.
86
Cour de justice de la CEDEAO, Arrêt n° ECW/CCJ/JUD/17/18 du 29 juin 2018, Messieurs
Khalifa Ababacar Sall et autres contre l’Etat du Sénégal. Arrêt du 29 juin 2018.
87
CCJA., Ass.plen., Arrêt n° 032/2015 du 23 avril 2015, Pourvoi n° 176/2012/PC du 28/12/2012,
Dame Djoumessap Motsebo Jacqueline Clarisse contre Secrétariat permanent de l’OHADA.
88
Notre soulignement.

259
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

l’article 55 (c) en vertu duquel les Nations Unies favoriseront « le respect


universel et effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour
tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion »89.
En outre au regard du développement du droit international des droits
de l’homme dont elle constitue la matrice et la principale source d’inspiration et
ce, sans oublier son invocation dans le droit interne de certains Etats et par
certaines juridictions internationales, nous pouvons soutenir que sa nature
coutumière semble une lapalissade. Emmanuel Decaux écrit à ce propos : « La
Déclaration universelle est la matrice juridique de tout le droit dérivé et la
boussole de toutes les activités onusiennes de protection et de promotion des
droits de l’homme, y compris les plus récentes (…). Comme pour les Conventions
de Genève, il est devenu essentiel de souligner la double nature conventionnelle
et coutumière des droits de l’homme (…) »90. La nature coutumière de la DUDH
peut aussi être recherchée parmi les buts et principes de l’ONU, tels que fixés à
l’article 1er point 3 de la Charte des Nations Unies : « Réaliser la coopération
internationale en résolvant les problèmes internationaux d'ordre économique,
social, intellectuel ou humanitaire, en développant et en encourageant le respect
des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinctions
de race, de sexe, de langue ou de religion »91.

CONCLUSION

Il résulte de considérations développées ci-dessus que la DUDH est


assimilée à un traité international par les juridictions internationales alors que
formellement elle ne l’est pas, mais bénéficie d’un statut de droit international
coutumier. Gilles Lebreton, dans un article critique de la DUDH, rappelle qu’elle
s’analyse comme « une résolution ayant la simple portée d’une
recommandation, et non comme un traité. Elle n’a donc aucune valeur juridique
propre »92. Les déclarations font partie du droit déclaratoire, lequel désigne,
selon une partie de la doctrine « certaines normes issues d’instruments
formellement non obligatoires (tels que les recommandations de l’Assemblée
générale de l’ONU ou d’autres organisations intergouvernementales,
universelles ou régionales) dont l’objet est néanmoins de déclarer l’existence, en

89
Notre soulignement.
90
Emmanuel DECAUX, « Brève histoire juridique de la Déclaration universelle des droits de
l’homme » (2018) 116 Revue trimestrielle des droits de l’homme 837-853, 852-853.
91
Notre soulignement.
92
Gilles LEBRETON, « Critique de la Déclaration universelle des droits de l’homme », (2009) 7
CRDF 17-22, 18.

260
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

tant que droit international, des principes qu’ils énoncent »93. Ces déclarations
ne sont pas toutefois dépourvues d’effet. Elles peuvent réaffirmer le droit
conventionnel existant ou encore contribuer à l’émergence ou à la cristallisation
des normes coutumières.
La DUDH a influencé la rédaction de la Convention européenne des droits
de l’homme, des pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques
d’une part et aux droits économiques, sociaux et culturels d’autre part, de la
Convention interaméricaine des droits de l’homme, de la Charte africaine des
droits de l’homme, de la Convention arabe des droits de l’homme, de la
Déclaration d’Asean sur les droits de l’homme. La transposition des garanties de
cette Déclaration dans les Conventions internationales et régionales des droits
de l’homme ; l’attachement ou l’adhésion des Etats dans le Préambule de leurs
Constitutions à ladite Déclaration ; la jurisprudence et la doctrine majoritaires
en faveur de cette Déclaration ont intégré cette dernière dans le droit positif94.
Introduisant le commentaire de la Charte africaine des droits de l’homme
et des Peuples, Maurice Kamto rappelle que ladite Charte, dans ses différents
articles, constitue une reproduction ou des réécritures, des aménagements des
articles correspondants de la DUDH95. Evoquant les liens entre la DUDH et la
Convention européenne des droits de l’homme, Guido Raimondi, Président de la
Cour européenne des droits de l’homme, soutient que « la référence à la
Déclaration universelle des droits de l’homme au début de la Convention
européenne établit une relation étroite entre cet instrument régional et les
normes universelles promues par René Cassin et retenues par les Nations Unies.
Les efforts régionaux et universels se complètent et se renforcent, sans
contradiction, pour donner corps aux droits de l’homme et les défendre »96.

93
J. SALMON (dir.), préc., note 71, p. 373.
94
MUTOY MUBIALA, « L’Afrique et la Déclaration universelle des droits de l’homme », (2011)
2 Revue Juridique et Politique 230-236.
95
Maurice KAMTO, « Introduction générale : la Charte africaine des droits de l’homme et des
Peuples et les perspectives de la protection des droits de l’homme en Afrique », Maurice
KAMTO, (dir.), La Charte africaine des droits de l’homme et des Peuples et le Protocole y relatif
portant création de la Cour africaine des droits de l’homme. Commentaire article par article,
Bruxelles, Bruylant, Editions de l’Université de Bruxelles, 2011, p.1-59, à la p.4. Voy. aussi en ce
sens TSHIMPANGA MATALA KABANGU, « Les droits de l’homme en Afrique : énoncé, garanties
et application », dans Karel VASAK, Amicorum Liber. Les droits de l’homme à l’aube du XXIème
siècle. Los derechos humanos ante el Siglo XXI. Human rights at the Dawn of the Twenty-first
century, Bruxelles, Bruylant, 1999, p.633-654, à la p.642.
96
Guido Raimondi. Intervention lors de la Conférence organisée par la Représentation
permanente du Saint-Siège auprès du Conseil de l’Europe (Strasbourg, le 10 septembre 2018)

261
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

L’empreinte de la DUDH est également manifeste dans la Convention


américaine des droits de l’homme97. La référence à la DUDH est également
proclamée dans la Déclaration des droits de l’homme de l’Association des
Nations d’Asie du Sud-est (Asean Human rights Declaration) adoptée le 18
novembre 2012.
La DUDH bénéficie d’un statut mouvant au sein de l’ordre juridique des
États et se prête à plusieurs utilisations aussi bien par les juridictions nationales
que les juridictions internationales à telle enseigne que sa nature juridique d’un
droit non contraignant comme il ressort du processus de son adoption laisse
progressivement place à son invocation en tant qu’instrument contraignant98. Le
dépouillement de la jurisprudence nationale et de certaines juridictions
internationales principalement africaines accrédite la thèse en vertu de laquelle
la DUDH est dotée en plus d’une autorité morale, d’une valeur juridique car
intégrée au bloc de constitutionnalité ou prise en compte en qualité de source
du droit applicable par les juridictions internationales africaines. Elle figure au
titre des normes de référence, non seulement pour les juridictions
constitutionnelles, mais aussi pour les juridictions communautaires, à l’instar de
la Cour de justice de la CEDEAO99.
Notons par ailleurs que, sans en préciser la nature, la Cour internationale
de justice, dans l’affaire du personnel diplomatique et consulaire américain à
Téhéran, avait relevé que « (…) le fait de priver abusivement de la liberté des
êtres humains et de les soumettre dans des conditions pénibles à une contrainte
physique est manifestement incompatible avec les principes de la Charte des
Nations Unies et avec les droits fondamentaux énoncés dans la Déclaration
universelle des droits de l’homme (…) »100. Dans la pratique internationale ayant

portant sur « La Déclaration universelle des droits de l’homme et la Convention européenne


des droits de l’homme ».
97
Marie ROTA, « La Déclaration universelle des droits de l’homme : source des droits garantis
par la Convention américaine relative aux droits de l’homme », (2009) 7 CRDF 63-72.
98
Pour une vue générale sur les différentes utilisations de la DUDH en droit comparé et en
droit international, voy. Marc GAMBARAZA, Le statut de la Déclaration universelle des droits de
l’homme. Une aventure juridique, Publications de l’Institut international des droits de l’homme,
Paris, Pedone, 2016.
99
Par ex. l’arrêt du 18 novembre 2010 de la Cour de justice de la CEDEAO ; Cour de justice de
la CEDEAO. Affaire Bakary Sarré et 28 autres contre République du Mali. Arrêt n°
ECW/CCJ/JUD/03/11 du 17 mars 2011 ; Ameganir Manavi Isabelle et consorts contre la
République du Togo (N. ECW/CCJ/JUD/09/ 11. Arrêt du 7 Octobre 2011.
100
Cour internationale de justice. Affaire Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à
Téhéran (Etats-Unis contre Iran), 24 mai 1980, Rec. 1980, § 91. Notre soulignement.

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(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

contribué à la nature coutumière de l’interdiction de la torture ressortissant du


domaine de jus cogens, la Cour internationale de justice cite, parmi les différents
instruments juridiques internationaux et la pratique interne, son interdiction
prévue par la DUDH101.
Au moment où le monde célèbre les 70 ans de la DUDH, sa vocation
« universelle » n’est pas moins mise en cause par le contexte-même de son
adoption102 et la prolifération des instruments juridiques internationaux qui, bien
que s’inspirant en ligne générale de l’esprit de ladite Déclaration, ne comportent
pas moins des mécanismes contrariant sa vocation universelle103.
Rome, le 10 décembre 2018

101
Cour internationale de justice. Affaire : Questions concernant l’obligation de poursuivre ou
d’extrader (Belgique contre Sénégal). Arrêt du 20 juillet 2012. Notre soulignement.
102
Gilles LEBRETON note par exemple que « dès sa naissance, la DUDH a donc échoué dans son
entreprise : l’universalisme de compromis est un enfant mort-né ». G. LEBRETON, préc., note
92, 19.
103
Voy. Paul TAVERNIER, « Les ambiguïtés de l’universalité des droits de l’homme. A propos de
l’adoption du Statut de la Cour arabe des droits de l’homme », dans Réciprocité et universalité.
Sources et régimes du droit international des droits de l’homme. Mélanges en l’honneur du
Professeur Emmanuel DECAUX, Paris, Pédone, 2017, p. 883. Voy. aussi la Déclaration des droits
humains de l’ASEAN du 18 novembre 2012. Pour une analyse de cette Déclaration, Jacques
DUPOUEY, « Les droits de l’homme au sein de l’ASEAN, un régime protecteur en
construction », (2018) 14 La Revue des droits de l’homme, en ligne :
<https://journals.openedition.org/revdh/3913> (consultée le 9 décembre 2018).

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Instruments internationaux des droits de la personne dans le


système juridique interne : une étude d’intégration et de
mise en œuvre des normativités internationales en droit
congolais
_____________________________

PIERRE FELIX KANDOLO ON’UFUKU WA KANDOLO

RÉSUMÉ
De nos jours d’aucuns parlent des droits de l’homme et de sa Déclaration
universelle. À cette occasion où le monde célèbre le 70è anniversaire de la
Déclaration universelle des droits de l’homme, il nous semble aisé d’expliquer en
quoi consiste cette déclaration, qu’elle est sa valeur et comment s’est-elle
appliquée au sein des Nations qui l’ont adoptées? En reconnaissant la Déclaration
comme un document universel de référence pour la promotion et la protection
des droits de l’homme, il apparaît une importance d’expliquer comme les
différents droits qu’elle proclame se sont ou s’intègrent-ils dans les divers
systèmes juridiques au sein des États et particulièrement dans le système
juridique interne congolais ? Le bilan que l’on peut faire de cette Déclaration, 70
ans depuis son adoption par l’Assemblée générale des Nations unies dépend d’un
analyste à un autre. Le présent article tente de dresser le bilan de son intégration
pratique dans le système juridique congolais après avoir développé les théories
afférentes à la technique d’intégration des instruments juridiques internationaux
en général et de ceux des droits de l’homme en particulier.

MOTS-CLÉS :
Déclaration universelle des droits de l’homme – justice – principe d’égalité –
dignité humaine – système moniste – système dualiste – soft law – intégration
du droit international – droit interne.


Docteur en droit de l’Université de Montréal (Canada), Professeur Associé, enseignant
de droit international et de Méthodologie de recherche à la Faculté de droit de
l’Université de Likasi, Professeur invité et Professeur visiteur des Universités
congolaises, Conseil à la Cour pénale internationale.

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ABSTRACTS

Nowadays, some people talk about human rights and its Universal Declaration. As
the world celebrates the 70th anniversary of the Universal Declaration of Human
Rights, it seems easy for us to explain what this declaration is, what it is, and how
it has been applied within the nations that have adopted it. Recognizing the
Declaration as a universal document of reference for the promotion and
protection of human rights, it seems important to explain how the different rights
it proclaims have or are integrated into the various legal systems within the states
and especially the Congolese domestic legal system? The record of this
Declaration, 70 years since it was adopted by the United Nations General
Assembly, depends on one analyst to another. This article attempts to take stock
of its practical integration into the Congolese legal system after having developed
theories relating to the technique of integration of international legal instruments
in general and human rights instruments in particular.

KEY-WORDS :
Universal Declaration of Human Rights – justice – principle of equality – human
dignity – monist system – dualist system – soft law – integration of international
law – domestic law.

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(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

________________________
SOMMAIRE
Instruments internationaux des droits de la personne dans le système juridique interne :
une étude d’intégration et de mise en œuvre des normativités internationales en droit
congolais
Pierre Félix KANDOLO ON’UFUKU WA KANDOLO

RÉSUMÉ
MOTS-CLÉS
ABSTRACTS
KEY-WORDS
INTRODUCTION
I INTÉGRATION GÉNÉRALE DES INSTRUMENTS JURIDIQUES INTERNATIONAUX
DANS LE SYSTÈME JURIDIQUE INTERNE DES ÉTATS
A Principes généraux
B Débat entre dualistes et monistes sur la mise en œuvre des instruments
juridiques internationaux relatifs aux droits de la personne
C Système moniste et distinction entre applications directe et immédiate des
traités
II MISE EN ŒUVRE DES INSTRUMENTS RELATIFS AUX DROITS DE LA PERSONNE
SUR BASE DU SYSTÈME JURIDIQUE MONISTE EN RDC
III INTÉGRATION DES NORMATIVITÉS INTERNATIONALES DANS LE DROIT INTERNE
CONGOLAIS
A Droits de la personne dans la Constitution congolaise
B Droits protégés et leur ramification sur les lois ordinaires
CONCLUSION

267
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

INTRODUCTION

Les principes consacrés pour la protection de l’être humain


contenus dans la Déclaration universelle des droits de l’homme sont-ils
contenus dans le système juridique congolais ? La réponse paraît si simple
et on peut l’imaginer facilement. Les éléments de réponses à cette ne
peuvent nous éloigner de celle de l’intégration générale de l’ensemble des
instruments juridiques internationaux d’une part (I) et de ceux relatifs aux
droits de la personne d’autre part. Il semble important, pour nous éloigner
de la réponse simpliste, de dégager avec précision le système juridique
adopté par le droit congolais (II) et dire comment cette intégration s’est-
elle ramifiée dans les différents textes des lois en RDC ? (III).

I INTÉGRATION GÉNÉRALE DES INSTRUMENTS JURIDIQUES


INTERNATIONAUX DANS LE SYSTÈME JURIDIQUE INTERNE DES
ÉTATS

Pour situer la procédure d’intégration des normes internationales


dans le droit interne, il faut analyser deux thèses, qui constituent les
systèmes juridiques d’intégration, en droit interne, des instruments
juridiques internationaux : il s’agit des systèmes juridiques monistes et
dualistes.
La Déclaration universelle des droits de l’homme est un texte  une
résolution  dont la valeur morale est évidente, mais qui n’implique pas,
de la part des États signataires, d’engagements juridiques précis, sauf pour
les États qui y font référence dans leur Constitution. Selon l’idée qui
prévalait traditionnellement, c’est la nature de l’ordonnancement
juridique d’un État qui détermine l’application, au niveau interne, d’un
traité international sur les droits humains. Lorsqu’un État ratifie un traité
de droits humains, ces dispositions ne sont pas automatiquement
intégrées comme partie intégrante de la législation nationale. Il faut donc
un texte d’intégration d’une norme internationale dans l’arsenal juridique
interne. L’intégration ou la non-intégration de ces textes dépend de la
nature du système juridique en vigueur au sein de l’État : moniste ou
dualiste.

268
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

A Principes généraux

L’idée de base est que les conventions internationales sont des


accords conclus entre États ou autres sujets de la société internationale
(comme le Saint-Siège ou les organisations internationales) en vue de
produire des effets de droit dans leurs relations mutuelles1. Les droits de la
personne, qui sont des prérogatives et des aspirations inhérentes à toute
personne humaine, sont organisés dans plusieurs conventions
internationales. En général, pour qu’un traité ou une Convention soit
applicable à l’intérieur d’un État, il doit acquérir la qualité de norme
interne de l’État concerné. La transformation d’un traité en norme de droit
interne se réalise par un processus appelé « introductoire ou réception »2.
En matière des Conventions relatives aux droits de la personne, la
plupart des États réceptionnent et intègrent dans leurs systèmes
constitutionnels et législatifs des clauses, des dispositions ou des textes
qui s’inspirent des normes de ces droits. Il n’est pas rare que ces normes
soient insérées dans une « déclaration des droits » inscrite dans la
Constitution et, constituer un fondement sur lequel les tribunaux peuvent
s’appuyer pour annuler toute législation ou mesure réglementaire qui est
en contradiction avec les principes qu’elle énonce.
Les systèmes constitutionnels comportent, en général, deux
paramètres qui conditionnent l’efficacité de la protection nationale des
droits de la personne ; le premier touche au contenu des droits reconnus
et le second à leur statut3. Dans ce cas, la législation nationale ou les
dispositions de la Constitution qui garantissent les droits humains

1 è
Raymond GUILLIEN et Jean VINCENT, Lexique des termes juridiques, 10 éd., coll.
"Lexique (Dalloz (Firme))", Paris, Dalloz, 1995, p. 542.
2
André MAZYAMBO KAKENGO, « L’application de normes internationales relatives aux
Droits de l’Homme par le droit congolais », inédit, p.3, dans LUZOLO BAMBI LESSA, Droit
congolais, droits de l’homme et engagements internationaux, Séminaire international
sur la gestion de la transition en République démocratique du Congo organisé par
l'Agence intergouvernementale de la Francophonie en collaboration avec le Ministère
des Affaires Étrangères et de la Coopération Internationale, Kinshasa, 26 au 28 avril
2004, p. 173‑181, à la page 175, en ligne : <democratie.francophonie.org/IMG/pdf/
V.B.2.pdf> (consulté le 19 juin 2017).
3
Julieta ROSSI, « Stratégies de mise en œuvre des droits économiques, sociaux et
culturels dans le cadre des systèmes juridiques nationaux », Le Cercle des Droits,
Module 22, en ligne : <http://www1.umn.edu/humanrts/edumat/IHRIP/frenchcircle/
M-22.htm> (consulté le 19 juin 2016).

269
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

reflètent, en règle générale, les priorités ou les valeurs considérées


comme précieuses dans le système concerné ; elles ne traduisent pas
nécessairement le contenu des garanties des droits humains
internationaux4.
Dans certains pays, un grand nombre de droits, aussi bien les droits
civils et politiques que les droits économiques, sociaux et culturels,
peuvent être protégés par la Constitution. D’autres pays ne reconnaissent
que quelques droits civils et, lorsque tel est le cas, ces derniers sont prévus
par des dispositions légales ordinaires. Le schéma de l’application des
droits humains au sein de différents systèmes varie donc
considérablement, non seulement en termes de niveau auquel lesdits
droits sont placés dans l’ordonnancement constitutionnel, mais encore en
termes de possibilités de recours5. Toutefois, même lorsqu’un Etat ratifie
un traité des droits de la personne, ces dispositions ne sont pas
automatiquement considérées comme partie intégrante de la législation
nationale. L’intégration ou la non-intégration de ces textes dépend de la
nature du système juridique propre à l’État6. Il est donc important
d’examiner les systèmes juridiques existant, moniste et dualiste, avant de
préciser lequel est appliqué en RDC.

B Débat entre dualistes et monistes sur la mise en œuvre des


instruments juridiques internationaux relatifs aux droits de la
personne

Dans le processus de réception et d’intégration des normes


internationales, il existe globalement deux grands systèmes : le système
des États dits « monistes » et celui des États dits « dualistes »7.
La différence établie est que, dans les États monistes, le système
qui prévaut est celui de « l’incorporation automatique » de la norme
internationale ratifiée en ce sens que les traités acquièrent le statut de
droit interne dès l’instant où ils deviennent des normes internationales

4
Id.
5
Ibid.
6
Pierre Félix KANDOLO ON’UFUKU WA KANDOLO, Réparations en droits de la personne
et en droit international humanitaire. Problèmes et perspectives pour les victimes en
République démocratique du Congo, Thèse de doctorat en droit, Faculté de droit,
Montréal, Université de Montréal, 2017, p. 373.
7
Id.

270
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

obligatoires pour l’État intéressé, c’est-à-dire dès le moment où cet État


exprime sa volonté à être lié par voie de ratification, adhésion,
acceptation, etc8. En termes plus clairs, dans le système qualifié de
« moniste », lorsqu’un État ratifie un traité international, les dispositions
du traité deviennent automatiquement partie intégrante de la législation
nationale. Il en résulte que la législation internationale devient
applicable. Tel est le système de beaucoup d’États européens dont
l’Allemagne, la France, l’Espagne, de la majorité des États latino-
américains et d’une bonne partie d’États africains (essentiellement les
pays d’expression française)9 où, une fois ratifiées, les dispositions du
traité deviennent automatiquement partie intégrante de la législation
nationale. Il en résulte que la législation internationale devient
applicable. Ce système repose sur la notion selon laquelle « le droit
international et le droit interne se confondraient »10.
Par contre, les « dualistes » considèrent que le Droit international
et le Droit interne sont deux systèmes distincts. Il faut, par conséquent,
que la législation internationale soit incorporée sous forme de texte de loi
avant d’être applicable au niveau national. Dans les États dualistes, les
traités, même ratifiés en bonne et due forme, ne font pas
automatiquement partie du droit interne. Pour qu’ils deviennent normes
internes, les traités doivent faire l’objet d’une réception formelle. Cette
réception, qui est l’œuvre du pouvoir législatif, peut se réaliser soit par
une loi qui reproduit le texte du traité (cas du Royaume-Uni) soit par une
loi dite d’exécution (cas d’Italie), soit encore par une simple modification
de la législation existante sans qu’une référence soit faite aux dispositions
de l’instrument international concerné. Tel est le cas des systèmes
juridiques du Royaume-Uni, de l’Irlande, de l’Italie et de la majorité des
anciennes colonies britanniques d’Asie et d’Afrique11. Contrairement aux
monistes, les « dualistes » considèrent que le droit international et le droit
interne sont deux systèmes distincts ; il faut, par conséquent, que la
législation internationale soit incorporée sous forme de texte de loi avant
d’être applicable au niveau national12.

8
A. MAZYAMBO MAKENGO, cité dans LUZOLO BAMBI LESSA, préc., note 2, p. 175.
9
Id.
10
J. ROSSI, préc., note 3.
11
A. MAZYAMBO MAKENGO, p. 4, dans LUZOLO BAMBI LESSA, préc., note 2, p. 176.
12
J. ROSSI, préc., note 3.

271
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

Il est important, dans le cadre de la définition des stratégies


susceptibles de garantir l’application de tous les droits de la personne, de
prendre en considération la nature du système juridique du pays
concerné. Il convient, toutefois, de noter que les traités internationaux
des droits de la personne ont établi certains principes qui régissent leur
application au niveau national, et cela quelle que soit la nature du système
juridique en vigueur : ils sont universels, indivisibles, interdépendants,
indissociables et intimement liés13. Le régime des traités internationaux
relatifs aux droits de la personne diffère de celui des traités de type
classique en ce que leur application ne peut pas être soumise à la
condition de la réciprocité14. Ils sont d’une application directe et
immédiate.

C Système moniste et distinction entre applications directe et


immédiate des traités

En sus d’un réseau d’engagements synallagmatiques ou bilatéraux,


les traités, dans les États monistes, créent des obligations objectives. Leur
application ne saurait donc être subordonnée à la réciprocité15.
L’applicabilité directe doit être comprise comme une aptitude pour
une règle de droit d’octroyer par elle-même aux particuliers, sans qu’il ait
besoin d’une mesure interne d’exécution des droits dont ceux-ci peuvent

13
NATIONS UNIES, Déclaration et programme d’action de Vienne. Adoptés par la
Conférence mondiale sur les droits de l’homme le 25 juin 1993, 30 (1993),
A/CONF.157/23, §5, en ligne : <http://www.ohchr.org/Documents/Events/OHCHR20/
VDPA_booklet_ fr.pdf> (consulté le 28 octobre 2015).
14
C’est dans ce sens qu’a décidé la Conférence mondiale sur les droits de l’homme
er
tenue à Vienne le 25 juin 1993 : le paragraphe 1 de la Déclaration issue de cette
Conférence annonce que « La Conférence mondiale sur les droits de l’homme réaffirme
l’engagement solennel pris par tous les États de s’acquitter de l’obligation de
promouvoir le respect universel, l’observation et la protection de l’ensemble des droits
de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, conformément à la Charte des
Nations Unies, aux autres instruments relatifs aux droits de l’homme et au droit
international. Le caractère universel de ces droits et libertés est incontestable. Dans ce
contexte, le renforcement de la coopération internationale dans le domaine des droits
de l’homme est essentiel pour que les objectifs de l’Organisation des Nations Unies
soient pleinement atteints. Les droits de l’homme et les libertés fondamentales sont
inhérents à tous les êtres humains ; leur promotion et leur protection incombent au
premier chef aux gouvernements ».
15
A. MAZAYMBO MAKENGO, p.4, dans LUZOLO BAMBI LESSA, préc., note 2, p. 176.

272
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

se prévaloir devant les autorités juridictionnelles de l’État dans lequel


cette règle est en vigueur. Cette tendance distingue cette applicabilité
directe de l’application immédiate qui, elle, correspond à l’absence de
condition d’introduction du droit international en droit interne16. D’autres
acteurs, et c’est la tendance générale, parlent d’applicabilité directe pour
se référer à l’introduction du droit international dans l’ordre interne sans
mesure interne d’application17. Il s’agit là d’une sorte d’application
automatique d’une norme internationale en droit interne.
Cependant, à la question de savoir si les instruments
internationaux relatifs aux droits de la personne sont applicables
directement dans l’ordre interne des États monistes a suscité et suscite
encore aujourd’hui de discussions sérieuses18. D’une manière générale, le
caractère self-executive est reconnu aux instruments et dispositions qui
proclament les droits individuels, civils et politiques. Les instruments
relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels, sont considérées
comme ne jouissant pas d’une applicabilité directe19 mais de celle
programmatoire ou progressive. C’est le cas des droits proclamés dans le
Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et
dans la Charte sociale européenne20. Les dispositions de ces instruments
apparaissent comme des dispositions-programme ou la mise en œuvre des
droits est conçue très progressivement et laisse aux États une grande
latitude dans leur mise en œuvre. De plus, l’efficacité éventuelle des droits
proclamés est subordonnée, bien souvent, aux mesures d’exécution

16
P. F. KANDOLO ON’UFUKU WA KANDOLO, préc., note 6, p. 375.
17
Dans ce sens, Matadi Nenga Gamanda écrit : « La loi en question [entendez « Loi
interne d’application du traité »] n’a pas pour objet de donner au traité […] une
autorisation d’application. Le rôle de la loi interne est d’abord d’harmoniser la
législation interne par rapport aux engagement contractés […] et ensuite de
règlementer les modalités d’application, notamment en tirant profit des ouvertures que
lui offre le traité […] » : MATADI NENGA GAMANDA, Le droit à un procès équitable, coll.
"Academia-Bruylant", Louvain-la-Neuve, Droit et idées nouvelles, 2002, p. 15 ; A.
MAZYAMBO MAKENGO, p. 5, dans LUZOLO BAMBI LESSA, préc., note 2, p. 176.
18
LUZOLO BAMBI LESSA, préc., note 2, p. 176. Dans le même sens, voy. Jacques Velu qui
écrit qu’ « Aucune disposition de la Convention ou du Pacte ne détermine « expressis
verbis » si tout ou partie des normes de ces instruments ont des effets directs dans
l’ordre juridique des États contractants » : Jacques VELU, Les effets directs des
instruments internationaux en matière des droits de l’homme, coll. "Prolegomena", n°2,
Bruxelles, H. Swinnen, 1981, p. 294.
19
P. F. KANDOLO ON’UFUKU WA KANDOLO, préc., note 6, p. 375.
20
A. MAZYAMBO MAKENGO, p. 8, dans LUZOLO BAMBI LESSA, préc., note 2, p. 177.

273
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

législatives ou réglementaires que les États doivent prendre21 au niveau


interne.
Il faut néanmoins noter que la volonté de protection et de défense
des droits de la personne que les États expriment à travers la ratification
des instruments internationaux est une chose, leur application en est une
autre.
De l’analyse qui précède, il reste à répondre à une question
importante, « De quel de deux systèmes juridiques l’on peut classer la RDC
et comment la Déclaration s’est-elle intégrée dans le système juridique
interne congolais » ? Il est important d’analyser concrètement le rapport
entre le droit positif congolais et les conventions internationales
protectrices des droits de la personne afin de déterminer les instruments
intégrés en droit interne et déterminer leur valeur juridique. Ces différents
instruments juridiques constituent l’assise juridique de la protection des
congolais et est le fondement de demande de réparation des victimes de
violation des droits de l’homme.

II MISE EN ŒUVRE DES INSTRUMENTS RELATIFS AUX DROITS DE LA


PERSONNE SUR BASE DU SYSTÈME JURIDIQUE MONISTE EN RDC

En RDC, la question du statut interne des instruments juridiques


internationaux relatifs aux droits de la personne est réglée par l’article 215
de la Constitution du 18 février 2006. Selon cette disposition : « Les traités
et accords internationaux régulièrement conclus ont, dès leur publication,
une force supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque traité ou
accord, de son application par l’autre partie ». Par cette disposition, la
Constitution congolaise consacre le système de l’incorporation
automatique des traités dans l’ordre juridique interne congolais et ce, à
partir du moment où ils sont publiés au Journal officiel22. Ils s’y incorporent
avec un rang supérieur à la loi, que cette loi soit antérieure ou postérieure.
C’est ce qui fait de la RDC un État à régime juridique moniste23.

21
P. F. KANDOLO ON’UFUKU WA KANDOLO, préc., note 6, p. 375-376.
22
Id., p. 376.
23
On peut lire cette affirmation dans RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO,
Instruments internationaux relatifs aux Droits de l’Homme ratifiés par la République
démocratique du Congo, Journal officiel de la République démocratique du Congo 124
(1999), 40è année, p. 5 ; RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO, Huitième, neuvième
et dixième rapports périodiques à la Commission africaine des droits de l’homme et des

274
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

La RDC applique ainsi les traités internationaux des droits de la


personne à condition qu’ils aient été régulièrement conclus et, dans ce
cas, occupent une place supérieure à celle des lois internes congolaises. Il
faut également avoir présent à l’esprit qu’il existe en droit international ce
que l’on appelle le « soft law » international24. Dans la foulée, nous
pouvons citer notamment les déclarations, les principes, les résolutions
internationales, (…) qui, eux, peuvent faire l’objet d’application
automatique en droit interne congolais sans être suivi nécessairement,
pour certains, d’une procédure de ratification par les États. C’est le cas des
autres droits réunis dans la catégorie la plus récente des droits de la
personne proclamés sur le plan universel dans des Déclarations25,
lesquelles font partie du soft law. Pour cette raison, ils ont été décrits
comme des « droits en devenir »26. Il y a également les Principes et
directives de 2005, considérés comme du soft law ou du droit mou, parce
qu’ils influencent largement la mise en œuvre de plans nationaux de
réparation des victimes de violation des droits de la personne sans que les
États les aient ratifiés et servent aux tribunaux, tant nationaux
qu’internationaux, comme critères herméneutiques pour déterminer la
portée des réparations en faveur des victimes27. Ils représentent donc une

peuples. Mise en œuvre de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples
(période de juillet 2003 à juillet 2007), Kinshasa, Ministère des droits humains, 2007.
24
Filippa CHATZISTAVROU, « L’usage du soft law dans le système juridique international
et ses implications sémantiques et pratiques sur la notion de règle de droit », (2005) 15-
14 Portique Rev. Philos. Sci. Hum., 1‑14, 3, en ligne : <http://leportique.revues.org/
591> (consulté le 17 octobre 2016).
25
NATIONS UNIES, « La Déclaration sur le droit au développement du 4 décembre 1986 »,
Doc. AG, Rés. 41/128, en ligne :
<http://www.un.org/fr/events/righttodevelopment/declaration.shtml> (consulté le 5
décembre 2015).
26
Georges T. CHATTON, « L’interdépendance des droits de l’homme. Essai au-delà du
dogme des trois générations », Berne, 2012, dans Maya Hertig RANDALL, « Typologie
des droits de l’homme », dans Maya Hertig RANDALL et Michel HOTTELIER (dir.),
Introduction aux droits de l’homme, Cowansville, Yvon Blais/LGDJ/Schulthess, 2014,
p. 39‑54 à la page 46.
27
L.M. CASTRO, « Soft Law y reparaciones a víctimas de violaciones de derechos
humanos : reflexiones iniciales », in R. UPRIMNY (dir.), Reparaciones en Colombia :
analisis y propuestas, Bogotá, Universidad Nacional de Colombia, 2009, pp. 77‑81, dans
Luis-Miguel GUTIERREZ RAMIREZ, « Les réparations “transformatrices”. Une nouvelle
approche des réparations dans la justice transitionnelle », (2014) 2014-98 Rev. Trimest.
Droits Homme 419-436, 432.

275
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

attente légitime des victimes qui exigent le respect de leur droit à faire
l’objet de mesures de réparations28.
Il existe beaucoup d’instruments internationaux relatifs aux droits
de la personne ayant fait l’objet de ratification par la RDC. Ces différents
instruments juridiques, qui ont leur base dans la DUDH, constituent, pour
les victimes, l’assise juridique de réclamation de réparation pour les
préjudices subis. Nous pouvons noter, dans le tableau 1 ci-après, les
différents instruments juridiques internationaux ratifiés par la RDC. Selon
les huitième, neuvième et dixième rapports périodiques consolidés,
soumis par la RDC à la Commission africaine des droits de l’homme et des
peuples en 200729, l’état de conclusion et/ou de ratification des traités
internationaux et régionaux relatifs aux droits de la personne est celui
contenu dans le tableau ci-dessous30.
Tableau 1: Liste des traités des droits de la personne ratifiés par la RDC

N° Traités internationaux Date Dates de


d’adoption ratification/adhésion
A Traités internationaux
Convention pour la
01 prévention et la répression 9 décembre 31 mai 1962
du crime de génocide 1948
02 Déclaration universelle des 10 décembre 1949
droits de l’homme 1948
03 Conventions de Genève I - IV 12 août 1949 20 février 1961 et 30
mars 200131

28
P. KALMANOVITZ, « Justicia correctiva vs. Justicia social en casos de conflicto
armado », Revista Estudios Socio-Juridicos, vol. 12, no 2, Bogotá, juillet-décembre 2010,
p. 61, dans L.-M. GUTIERREZ RAMIREZ, préc., note 27.
29
RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO, préc., note 23.
30
P. F. KANDOLO ON’UFUKU WA KANDOLO, préc., note 6, p. 372 et s.
31
Les Protocoles additionnels aux quatre Conventions de Genève du 12 août 1949
portent respectivement sur la protection des victimes des conflits armés internationaux
(Protocole I) et relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux
(Protocole II). Le Protocole I impose des limites à la manière dont les opérations
militaires peuvent être conduites. Il rappelle que le droit des parties à un conflit de
choisir des méthodes ou moyens de guerre n’est pas illimité et qu’il est interdit
d’employer des armes, des projectiles, des matières ainsi que des méthodes de guerre
de nature à causer des maux superflus (art. 35). Il étend la définition du conflit armé
international, prévue par les Conventions de Genève, aux guerres de libération
nationale (art. premier). Il définit en outre les objectifs légitimes en cas d’attaque

276
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

04 Convention pour la
répression de la traite des 2 décembre 31 mai 1962
êtres humains et de 1949
l’exploitation de la
prostitution d’autrui
05 Convention relative au statut
des réfugiés 28 juillet 1951 7 juillet 1965
Convention sur les droits
06 politiques de la femme 20 décembre -
1952
Convention supplémentaire
relative à l’abolition de
07 l’esclavage, de la traite des 7 septembre -
esclaves et des institutions 1956
et pratiques analogues à
l’esclavage
Protocole relatif au statut
08 des réfugiés 16 décembre 2 janvier 1968
1966
Pacte international relatif
09 aux droits économiques, 16 décembre 1er novembre 1976
sociaux et culturels 1966
Pacte international relatif
10 aux droits civils et politiques 16 décembre 1er novembre 1976
1966
Protocole facultatif se
11 rapportant au Pacte
international relatif aux 16 décembre 1er novembre 1976
droits civils et politiques 1976
Protocole additionnel aux
Conventions de Genève du
12 12 août 1949 relatif à la 8 juin 1977 3 juin 1982
protection des victimes des
conflits armés
internationaux (Protocole I)
Protocole additionnel aux
Conventions de Genève du

militaire. Le Protocole II a pour objectif de faire appliquer les règles principales du droit
des conflits armés aux conflits internes, sans toutefois restreindre le droit ou les
moyens dont disposent les États en matière de maintien ou de rétablissement de
l’ordre public, ni permettre la justification d’une intervention étrangère sur leur
territoire national (art. 3 du Protocole II).

277
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

13 12 août 1949 relatif à la 8 juin 1977 30 mars 2001


protection des victimes des
conflits armés non
internationaux (Protocole II)
Convention internationale
14 sur l’élimination de toutes 21 décembre 21 avril 1976
les formes de discrimination 1965
raciale
Convention pour la 30 novembre 11 juillet 1978
15 prévention et la répression 1973
du crime d’apartheid
Convention internationale
sur l’élimination de toutes 18 décembre 17 octobre 1986
16 les formes de discrimination 1979
à l’égard des femmes
Convention internationale
17 contre la torture et autres 10 décembre 18 mars 1996
peines ou traitements 1984
inhumains ou dégradants
18 Convention relative aux 20 novembre 28 septembre 1990
droits de l’enfant 1989
19 Statut de Rome de la Cour
pénale internationale 17 juillet 1998 30 mars 200232
Protocole facultatif à la
20 Convention relative aux
droits de l’enfant concernant
la vente d’enfants, la 25 mai 2000 12 novembre 2001
prostitution d’enfants et la
pornographie mettant en

32
En effet, ouvert à l’adhésion et à la ratification le 17 juillet 1998, le Statut de Rome
er
n’est entré en vigueur que le 1 juillet 2002. Le sort a voulu que le dépôt de
l’instrument de ratification dudit Statut par la RDC, le 11 avril 2002, soit déterminant
pour l’entrée en vigueur de cette Cour. C’est encore grâce à la RDC que la Cour a connu
ses premières affaires : Sayeman BULA-BULA, Droit international humanitaire, Louvain-
La-Neuve, Academia-Bruylant, 2010, p. 302 ; Joseph KAZADI MPIANA, « La Cour pénale
internationale et la République démocratique du Congo : 10 ans après : Étude de
l’impact du Statut de Rome dans le droit interne congolais », (2012) 25-1 Rev. Québ. dr.
Intern. 57‑90, 58, en ligne : <http://rs.sqdi.org/volumes/25-1_3_KazadiMpiana.pdf>
(consulté le 25 septembre 2015). C’est également par la RDC que la première décision
de réparation a été prise, dans l’affaire le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo et la
première en matière de reconnaissance des droits de la victime devant la Cour a été
reconnu (affaire le Procureur c. Jean-Pierre bemba, sujet congolais).

278
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

scène les enfants


Protocole facultatif à la
21 Convention relative aux
droits de l’enfant concernant 25 mai 2000 12 novembre 2001
l’implication des enfants
dans les conflits armés
Convention relative aux 13 décembre 1er août 2013
22 droits des personnes 2006
handicapées
B Instruments africains
23 Charte africaine des droits
de l’homme et des peuples 26 juin 1981 20 juillet 1987
Convention de l’Union
Africaine régissant les
24 aspects propres aux 10 septembre -
problèmes des réfugiés en 1969
Afrique
Protocole relatif aux droits
25 de l’homme en Afrique Juillet 1993 -
Protocole à la Charte
26 africaine des droits de 11 juillet 2003 9 février 2009
l’homme et des peuples
relatif aux droits des femmes

Depuis 2007, de nouveaux traités ont été ratifiés, à l’image du


Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples
relatifs aux droits des femmes ainsi que des traités conclus dans le cadre
de la Conférence internationale sur les Grands Lacs (CIRGL), notamment le
Protocole au Pacte sur la sécurité, la stabilité et le développement dans la
région des grands Lacs, sur la démocratie et la bonne gouvernance, le
Protocole au même Pacte sur la prévention et la répression du crime de
génocide, des crimes contre l’humanité et de toute autre forme de
discrimination, le Protocole sur la prévention et la répression de la
violence sexuelle à l’égard des femmes et des enfants, le Protocole sur la
protection et l’assistance aux personnes déplacées, le Protocole sur le
droit à la propriété des rapatriés et celui sur la gestion de l’information et
de la communication33. D’autres instruments non encore ratifiés existent.
Le tableau 2 ci-dessous identifie quelques-uns d’entre eux.

33
R. MINANI BIHUZO, « Du Pacte de stabilité de Nairobi à l’Acte d’engagement de Goma
: enjeux et défis du processus de paix en République démocratique du Congo »,

279
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

Tableau 2 : Liste de traités des droits de la personne non encore ratifiés par
la RDC34


Traités Dates
d’adoption
A Traités internationaux
Deuxième Protocole facultatif se rapportant au
01 Pacte international relatif aux droits civils et 15 décembre
politiques relatif à l’abolition de la peine de 1989
mort
Protocole facultatif à la Convention
02 internationale sur l’élimination de toutes les 10 décembre
formes de discrimination à l’égard des femmes 1999
Protocole à la Convention contre la torture et 18 décembre
03 les autres peines et traitements cruels, 2002
inhumains et dégradants
04 Protocole facultatif à la Convention relative aux 12 décembre
droits des personnes handicapées 2006
Convention internationale sur la protection des 18 décembre
05 droits de tous les travailleurs migrants et des 1990
membres de leur famille
Amendement au paragraphe 6 de l’article 8 de
06 la Convention internationale sur l’élimination 16 décembre
de toutes les discriminations raciales 1992
B Instruments africains
Charte africaine des droits et du bien-être de Juillet 1999
07 l’enfant
Charte africaine de la démocratie, de la 30 janvier
08 gouvernance et des élections 2007

Kinshasa, Ed. Cepas/Rodhecic, 2009, dans Jean-Pierre KIFWABALA TEKILAZAYA, Defi


FATAKI WA LUHINDI et Marcel WETSHOKONDA KOSO, La République démocratique du
Congo. Le secteur de la justice et de l’État de droit : une étude d’Afrimap et de l’Open
Society Initiative for Southern Africa, Johannesbourg, Open Society Foundations, 2013,
p. 3.
34
Source : Sur ces traités, lire notamment : <http://www.africa-union.org/root/au/
Documents/Treaties/treaties_fr.htm> (21 novembre 2009) et <http://www2.ohchr.org/
french/law/> (consulté le 21 novembre 2009).

280
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

Protocole portant Statut de la Cour africaine de 1er juillet 2008


09 justice et des droits de l’homme
Convention de l’UA sur la protection et 12 novembre
10 l’assistance aux personnes déplacées en Afrique 2009
Comment ces droits sont-ils intégrés dans notre système juridique
national ? Cette question répond au besoin de la connaissance des
techniques d’intégration des normativités internationales au sein du droit
interne de la RDC.

III INTÉGRATION DES NORMATIVITÉS INTERNATIONALES DANS LE


DROIT INTERNE CONGOLAIS

Le constituant congolais du 18 février 2006 a tenu à réaffirmer


l’attachement de notre pays aux droits humains et aux libertés
fondamentales tels que proclamés par les instruments juridiques
internationaux auxquels elle a adhéré. Aussi, a-t-il intégré ces droits et
libertés dans le corps même de la Constitution. Dès son préambule, la
Constitution de la RDC réaffirme son adhésion et son attachement à la
Déclaration universelle des droits de l’homme, à la Charte africaine des
droits de l’homme et des peuples, aux Conventions des Nations unies sur
les droits de l’enfant et sur les droits de la femme, ainsi qu’aux
instruments internationaux relatifs à la protection et à la promotion des
droits35.
Pour prouver cette proclamation, la RDC est partie à un nombre
important de traités internationaux et régionaux relatifs aux droits de la
personne36. La portée pratique de ces différents engagements
internationaux est néanmoins très faible. Toutefois, elle ne s’acquitte pas
toujours de son obligation d’adaptation et de mise en œuvre de sa
législation interne conformément à ses engagements internationaux et
accuse de retards dans la soumission des rapports périodiques qu’elle est
tenue de soumettre aux organes de supervision de certains de ces traités.

35
Préambule de la Constitution de la République démocratique du Congo : RÉPUBLIQUE
DÉMOCRATIQUE DU CONGO, Constitution de la République Démocratique du Congo,
modifiée par la Loi n° 11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de
la Constitution de la République démocratique du Congo du 18 février 2006 (Textes
è
coordonnés), (2006) Journal officiel de la République démocratique du Congo, 52
année.
36
Voir supra, tableau 1.

281
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

A cela s’ajoute le fait que l’application des traités internationaux comme


celle des décisions des organes internationaux et régionaux interprétant
lesdits traités se heurte à la résistance des autorités au pouvoir, y compris
des juridictions nationales37. Aussi, faute d’intégration des droits de la
personne dans les programmes d’enseignement et de vulgarisation, ces
traités ne sont pas suffisamment connus par les autorités nationales
chargées de l’application de la loi et par la population à laquelle ils doivent
s’appliquer. Ces droits sont d’abord incorporés dans la Constitution (A)
avant d’être coulés en textes de loi de nature ordinaire (B).

A Droits de la personne dans la Constitution congolaise

Comme on le sait, en tant que document de base et acte juridique


fondamental qui, dans un État, consacre, d’une part, l’existence des droits
et libertés fondamentaux des citoyens et, d’autre part, l’aménagement du
pouvoir politique nécessaire au fonctionnement de l’État38, la Constitution
établit, en premier, les droits et les devoirs qui reviennent aux membres de
la société politique et détermine, en second, les règles d’aménagement
des pouvoirs publics39. À ce jour, l’on ne conçoit pas, écrit Ngondankoy,
une Constitution moderne sans un chapitre, voire un titre, consacré aux
droits de l’homme40. Pour expliquer la valeur de la Constitution par rapport
aux droits de la personne, Jean Morange écrit, pour que la Constitution
soit bonne, « il faut qu’elle soit fondée sur les droits de l’homme41, et
qu’elle les protège évidemment ; il faut donc, pour préparer une
Constitution, connaître les droits que la justice naturelle accorde à tous les
individus, […] rappeler les principes qui doivent former la base de toute
espèce de société, et que chaque article de la Constitution puisse être la

37
Nous pouvons rappeler ici les décisions du Comité des droits de l’homme sur les
affaires Diomi Ndongala et Moïse Katumbi Chapwe c. la RDC, qui n’ont pas été
exécutées par la RDC.
38
NGONDANKOY NKOY-EA-LOONGYA, Droit congolais des droits de l’homme, coll.
"Bibliothèque de droit africain", n°1, Bruxelles, Academia-Bruylant, 2004, p. 64.
39
Francis DELPEREE, Le droit constitutionnel de la Belgique, Bruxelles–Paris, Bruylant-
L.G.D.J., 2000, p. 11.
40
NGONDANKOY NKOY-EA- LOONGYA, préc., note 38, p. 64.
41
C’est nous qui soulignons.

282
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

conséquence d’un principe. Un grand nombre de publicistes modernes


appellent l’exposé de ces principes une déclaration des droits »42.
Depuis l’indépendance, la manière dont les droits de la personne
sont organisés dans la Constitution congolaise démontre la volonté de
l’État d’intégrer les différents instruments y relatifs dans son système
juridique interne. En les intégrant dans la Constitution, ces droits
deviennent opposables vis-à-vis des citoyens et de l’État. En droit national
congolais, la Constitution, bien qu’ayant connu de nombreuses mutations,
révisions et modifications, demeure au-dessus des sources du droit43. Celle

42 è
Jean MORANGE, La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 4 éd., coll. "Que
sais-je ?", Paris, PUF, 2004, p. 14.
43
Nombreux textes constitutionnels ont régi la RDC depuis sa colonisation jusqu’à la
Constitution actuellement en vigueur. Jusqu’à la Constitution de 2006, en l’espace de
cinquante-six ans depuis l’indépendance, la RDC a connu sept Constitutions sans
compter le projet non mis en vigueur élaboré par la Conférence Nationale Souveraine
en 1992 (Constitution de la République Fédérale du Congo, Kin., Palais du Peuple,
Novembre 1992), avec un total de 18 modifications. Dans ces différents textes, la
protection des droits de l’homme n’a pas été oubliée depuis la Charte coloniale du 18
octobre 1908 (Article 6 de la Charte coloniale tel que modifié par la Loi du 5 mars 1912).
Après l’indépendance, la RDC a connu les textes suivants : la Loi fondamentale du 19
mai 1960 relative aux structures du Congo et la Loi fondamentale du 17 juin 1960
er
relative aux libertés publiques ; la Constitution du 1 août 1964 approuvée par voie
référendaire, dite « Constitution de Luluabourg » ; la Constitution du 24 juin 1967,
révisée 17 fois en l’espace de 23 ans, soit de 1967 à 1990 et a fait que même la
volonté exprimée par le congolais à travers le référendum de 1967 n’existait plus
(nous pouvons citer les modifications ci-après : loi n°70-025 du 17/04/1970, Loi n°70-
001 du 23/12/1970, Loi n°71-006 du 29/10/1971, Loi n°71-007 du 19/11/1971, Loi
n°71-008 du 31/12/1971, Loi n°72-003 du 05/01/1972, Loi n°72-008 du 03/07/1972, Loi
n°73-014 du 05/01/1973, Loi n°74-020 du 15/08/1974, Loi n°78-010 du 15/02/1978, Loi
n°80-007 du 19/02/1980, Loi n°80-012 du 05/11/1980, Loi n°82-004 du 31/12/1982, Loi
n°88-004 du 27/01/1988, Loi n°88-009 du 27/06/1988, Loi n°90-002 du 15/07/1990 et
loi n°90-008 du 25/11/1990) ; le Décret-Loi constitutionnel n°003 du 27 mai 1997,
l’Acte Constitutionnel de la Transition du 09 avril 1994 (né suite aux divergences des
vues de la classe politique congolaise sur l’ordre institutionnel, divergences qui ont
aggravé la crise politique créée par le dédoublement des institutions politiques (deux
gouvernements, deux parlements, l’un issu des travaux de la CNS et l’autre de la
mouvance présidentielle)). La réglementation des droits de la personne de l’année
2003 à 2006 est couverte par la Constitution de la Transition du 04 avril 2003 (il s’agit
véritablement d’une Constitution négociée résultant de l’Accord global et inclusif relatif
à la période de transition conclu à Sun City, le 17 décembre 2002 entre les différentes
composantes et entités au Dialogue Inter-congolais). Celle-ci a été suivie par la
Constitution du 18 février 2006. Tous ces textes peuvent être consultés dans IYELEZA
MOJU-MBEY, MASIKA KATSUVA et ISENGINGO KAMBERE N’GISE, Recueil des textes

283
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

du 18 février 2006, actuellement en vigueur, a intégré, dans son corps


même, des droits et libertés fondamentaux tels que prévus dans les
instruments internationaux des droits de la personne. La protection des
droits et libertés individuels et collectifs date de la période ayant précédé
son accession à l’indépendance le 30 juin 1960. C’est la Loi fondamentale
du 17 juin 1960 sur les libertés publiques qui constitue le point de départ
clair et suffisant de la réglementation en matière de protection des droits
fondamentaux au Congo.
Depuis la Constitution révolutionnaire de 1967 jusqu’à celle
actuellement en vigueur44, une évolution dans le cadre de protection des
droits et libertés individuels et collectifs a été observée. Plusieurs textes
de lois ont été promulgués pour protéger l’être humain, bien qu’au niveau
de leur exécution, plusieurs failles sont encore constatées. Parmi ces
failles, nous pouvons retenir l’absence des mécanismes spécifiques de
réparation des personnes qui subissent les différentes violations de ces
droits. Ces failles sont généralement dues à la recherche éternelle d’une
stabilité politique et d’une course effrénée au pouvoir par les dirigeants
politiques.
Quant au contenu de la Constitution, mis à part l’article 10 sur la
nationalité congolaise45, l’ensemble des droits de la personne prévus dans
la Constitution se trouvent énoncés au titre II relatif aux Droits humains,
libertés fondamentales et les devoirs du citoyen et de l’État. Ce titre
contient 67 articles (de 11 à 67) alors que la loi fondamentale, qui se
rapportait exclusivement aux libertés publiques, n’en comptait que 21. La
quantité est donc considérable. Manifestement, le nouveau constituant
tente d’y intégrer l’ensemble des instruments juridiques tant
internationaux que régionaux relatifs aux droits de la personne.

constitutionnels de la République du Zaïre, du 19 mai 1960 au 28 avril 1991 avec, en


annexe, la Charte coloniale du 18 octobre 1908, Kinshasa, Ise-Consult, 1991 ; Marcel
WETSH’OKONDA KOSO SENGA, Les textes constitutionnels congolais annotés, Kinshasa,
Campagne pour les Droits de l’Homme au Congo (CDH-ASBL), s.d.
44
Constitution de la République Démocratique du Congo, modifiée par la Loi n° 11/002
du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la
République démocratique du Congo du 18 février 2006 (Textes coordonnés), préc., note
35.
45 er
L’article 10, sur la nationalité congolaise, se trouve au Chapitre II du Titre I de la
Constitution.

284
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

Sur le plan de classification des droits, la Constitution s’inspire


largement de l’idéologie qui fut à la base de la mise en vigueur de deux
Pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme de 1966, celle de
classer les droits civils et politiques d’un côté, les droits économiques,
sociaux et culturels, de l’autre côté. Elle ajoute à cette philosophie une
classification doctrinale des « droits collectifs ». Ainsi, le parcours de la
Constitution du 18 février 2006 dégage que le titre II relatif aux droits
humains est reparti en trois chapitres : les droits civils et politiques (article
11 à 33), les droits économiques, sociaux et culturels (articles 34 à 49) et
les droits collectifs (articles 50 à 60). Le chapitre 4 a été ajouté pour
déterminer les devoirs constitutionnels du citoyen (articles 62 à 67) 46.
Outre ces innovations, la Constitution actuelle contient des
avancées relatives aux droits de la personne notamment la résolution de la
question de la parité homme-femme dans la représentation des femmes
au sein des institutions nationales, provinciales et locales (article 14),
l’élimination des violences sexuelles utilisées comme arme de
déstabilisation ou de dislocation de la famille (article 15), l’accès de
manière équitable aux médias audiovisuels et écrits d’État à tous les
courants politiques et sociaux (article 24), la prohibition de l’abandon et la
maltraitance des enfants notamment la pédophilie, les abus sexuels ainsi
que l’accusation de sorcellerie (article 14), le droit à un environnement
sain et propice (article 53), le droit d’être indemnisé ou de recevoir la
compensation en cas de pollution ou de destruction résultant d’une
activité économique (cas de stockage, de manipulation, d’incinération et
d’évacuation des déchets toxiques) (article 54), le droit de jouir des
richesses nationales (article 58) et du patrimoine commun de l’humanité
(article 59), la protection des droits dont on ne peut déroger même
lorsque l’état de siège ou l’état d’urgence aura été proclamé (article 61),
etc. Ce sont ces différents droits protégés qui sont éparpillés dans les actes
juridiques de caractère ordinaire (lois et règlements). Les différentes
dispositions ci-dessus nommées sont mises en application par les lois et se
trouvent incorporés dans les différents codes.

B Droits protégés et leur ramification sur les lois ordinaires

Tous les codes et lois ont, en principe, pour vocation de protéger,


soit la vie, soit la liberté, soit les biens de la personne humaine ou de la

46
P. F. KANDOLO ON’UFUKU WA KANDOLO, préc., note 6, p. 380 et s.

285
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

collectivité. Parmi ces lois, certaines ont un rapport direct avec les droits
de la personne tels qu’ils sont proclamés dans la Charte internationale des
droits de l’homme. Il en est ainsi des lois pénales comme le code pénal
ordinaire47. Il y a également le code pénal militaire48, les lois sur la

47
Composé de 220 articles, le Code pénal congolais est un texte particulièrement
protecteur des droits de la personne. En effet, lorsque le code pénal réprime
certaines faits tels que l’homicide ou les lésions corporelles, l’arrestation ou la
détention illégale, il voudrait protéger par ce biais le droit à la vie ou celui de ne pas
subir de torture ou traitement illégaux, de ne pas être arrêté ou détenu si ce n’est dans
les conditions fixées par la loi ; lorsqu’il réprime la violation de secret de
correspondance ou la violation de domicile, il voudrait protéger le droit à
l’inviolabilité du secret de correspondance ou à l’inviolabilité du domicile. Face à la
nécessité de prévenir et de réprimer sévèrement les faits se rapportant aux violences
sexuelles et d’assurer une prise en charge systématique des victimes de ces faits, il s’est
avéré impérieux de revisiter certaines dispositions du Code pénal congolais. Jusque-là,
le Droit pénal congolais ne contenait pas toutes les incriminations que le Droit
international a érigées en infractions, comme un rempart dissuasif depuis 1940 contre
ceux qui, petits et grands, violent le droit international, notamment humanitaire,
reniant ainsi à la population civile la qualité et les valeurs d’humanité. Ainsi, la loi n°
06/018 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le Décret du 30 janvier 1940 portant
Code pénal congolais intègre des règles du Droit international humanitaire relatives aux
crimes de violences sexuelles. Ces nouvelles dispositions modifient principalement les
articles relatifs aux infractions de viol et d’attentat. Des nouvelles incriminations telles
que la prostitution forcée, le harcèlement sexuel, l’esclavage sexuel, le mariage forcé, la
mutilation sexuelle, la zoophilie, la transmission délibérée des infections sexuellement
transmissibles incurables, la grossesse forcée, la stérilisation forcée, la pornographie
mettant en scène des enfants, la prostitution d’enfants ont été codifiées : REPUBLIQUE
DÉMOCRATIQUE DU CONGO, Code pénal congolais. Décret du 30 janvier 1940 tel que
modifié et complété à ce jour. Mise à jour au 05 octobre 2006, Journal officiel de la
è
République démocratique du Congo 51‑56 (2006), n° spécial, 47 année. La Loi n°04/016
du 19 juillet 2004 portant la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement
du terrorisme, définit et réprime ces faits.
48
Le Code pénal militaire congolais a introduit des incriminations qui tiennent compte
des Conventions internationales et autres instruments juridiques sur les droits de la
personne et le DIH : le crime de génocide, les crimes de guerre et les crimes contre
l’humanité. Cette introduction s’inscrit dans la suite de la ratification par la RDC du
Statut de Rome instituant la CPI. En conséquence, ces trois crimes ont été redéfinis et
mieux articulés en droit interne. Les règles générales d’incrimination, de répression,
d’organisation et de compétence judiciaires liées au statut spécifique de ces crimes
s’intègrent naturellement au droit pénal militaire congolais, qui réprime désormais un
certain nombre de comportements des Commandants d’unités, naguère punis sur pied
de l’incrimination générale de violation de consignes : v. « Lois n°023 et 024/2002 du 18
novembre 2002 portant Code judiciaire et code pénal militaire », (2003) JORDC, nº
è
spécial, 44 année, 20 mars 2003. Sauf sur quelques points peu nombreux, les
dispositions spéciales du Code pénal ne créent pas d’infractions essentiellement

286
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

procédure judiciaire49 ou sur l’administration de la justice50, les lois


électorales51, les lois civiles52 et sociales53, les lois qui organisent la question
de la nationalité54, etc.

nouvelles. Ce qu’en revanche le code apporte, c’est une mise au point de notions que
l’expérience et la science ont peu à peu précisées. Il s’ensuit une définition plus claire et
plus précise de certaines incriminations. À ce propos, Laurent Mutata Luaba fait
remarquer qu’il existe deux principes se rapportant à ces trois types de crimes ; d’une
part, celui de l’action complémentaire de la CPI dégagé par la règle de compétence
universelle et, d’autre part, celui de la compétence exclusive des juridictions militaires
en cas d’indivisibilité ou de connexité, dégagé par la norme nationale : Laurent MUTATA
LUABA, Droit pénal militaire congolais. Des peines et incriminations de la compétence
des juridictions militaires en RD. Congo, Kinshasa, Service de Documentation et d’Études
du Ministère de la Justice et Garde des Sceaux, 2005, p. 511. En dehors de ces trois
crimes, le droit pénal militaire congolais réprime également les actes de terrorisme
(articles 157-160). Il faut signaler que la législation pénale militaire congolaise s’inscrit
dans la logique de la Convention internationale pour la répression des attentats
terroristes à l’explosif signée à New York le 15 décembre 1997 et qui, à l’article 5, confie
à chaque État-partie le pouvoir d’adopter des mesures qui peuvent être nécessaires, y
compris s’il y a lieu, une législation interne, pour assurer que les actes criminels relevant
de la Convention ne puissent en aucune façon être justifiés par des considérations de
nature politique, philosophique, idéologique, raciale, ethnique, religieuse ou d’autres
motifs analogues : NATIONS UNIES, Convention internationale pour la répression des
attentats terroristes à l’explosif, 15 décembre 1997, en ligne : <http://www.un.org/
french/millenaire/law/16.htm> (consulté le 25 juin 2016).
49
Parmi les textes hérités de la colonisation et restés encore en vigueur à ce jour, l’on
peut citer le Décret du 6 août 1959 portant Code de procédure pénale, entré en vigueur
le 15 avril 1960 par Arrêté Royal du 15 mars 1960 et le Décret du 7 mars 1960 portant
Code de procédure civile, entré en vigueur le 15 mai 1960 par Arrêté Royal du 14 avril
1960. Ces textes peuvent être lus dans KALONGO MBIKAYI, Le code judiciaire zaïrois.
Dispositions législatives et règlementaires mises à jour au 31 janvier 1986, Kinshasa,
Service de Documentation et d’Études du Département de la Justice, 1986, p. 147‑178
et 271-305. Ces trois textes garantissent le droit à un procès équitable, le droit à un juge
(exigence de l’effectivité de ce droit, l’égalité devant les cours et tribunaux, la garantie
des voies de recours) et le droit à une bonne justice (l’indépendance et l’impartialité du
juge, la publicité, la célérité et l’équité de la procédure) : KABASELE LUSONSO, « Les
principes du procès équitable en droit judiciaire congolais et en droit comparé. », (2007)
11 Les Anal. Jurid. 10‑25, 11‑12. Sur le droit à un procès équitable, v. également
MATADI NENGA GAMANDA, préc., note 17.
50
Découlant de l’Ordonnance-loi n°82-020 du 31 mars 1982, le Code congolais de
l’organisation et de la compétence judiciaires est particulièrement utile aux droits de la
personne en ce qu’il permet à un justiciable de connaître tant la procédure que les
organes judiciaires mis en place par les pouvoirs publics pour recevoir ses recours et
requêtes en matière des droits de la personne et du DIH. À travers les mécanismes et
les garanties qu’il met en place, ce Code est normalement « une vitrine de

287
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

reconnaissance de l’importance et du respect qu’une législation attache, notamment


au droit à un procès équitable, un droit fondamental généralement affirmé » :
NGONDANKOY NKOY-EA- LOONGYA, préc., note 38, p. 76. Ce code garantit les droits
de la défense, le droit à un procès équitable, le caractère public des audiences,
l’indépendance et l’impartialité du juge, etc. Il détermine les juridictions devant recevoir
et réprimer les plaintes des victimes, leur compétence territoriale, matérielle et
personnelle. Il a été organisé par plusieurs textes dont le dernier est la loi organique d u
11avril 2013 : v. à ce sujet la Loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant
organisation, fonctionnement et compétence des juridictions de l’ordre judiciaire, en
ligne : <http://leganet.cd/ Legislation/Tables/droit_ judiciaire.htm> (consulté le 25 juin
2016). D’autres textes d’organisation judiciaire sont régulièrement pris, notamment
ceux ordonnant l’installation des hautes cours et des cours d’appel.
51
Les différentes lois congolaises qui forment le Code congolais spécial et général en
matière d’élections politiques constituent, elles aussi, des textes essentiels en matière
des droits de la personne. La plupart des droits politiques que la Constitution énonce
sont généralement précisés dans et par ces lois électorales. Toutes ces lois visent à
répondre à une préoccupation essentielle en matière de droits politiques, à savoir,
comment assurer la participation de tous les citoyens à la vie et à la gestion politiques
de leur espace étatique. Le droit à l’électorat et le droit à l’éligibilité sont donc deux
aspects importants du droit de participation politique. C’est seulement en 2006 qu’en
adoptant sa Constitution actuellement en vigueur que le Peuple congolais s’est engagé
résolument dans la voie de la démocratie. Il a donc mis en œuvre la Loi électorale n°
06/006 du 9 mars 2006 portant organisation des élections présidentielles, législatives,
provinciales, urbaines, municipales et locales. Cette loi a été suivie de la mise en place
d’un organe indépendant appelé « Commission Électorale Indépendante » (C.E.I) : v. La
Loi n°17/013 du 24 décembre 2017 modifiant et complétant la Loi n°06/006 du 09 mars
2006 portant organisation des élections présidentielles, législatives, provinciales,
urbaines, municipales et locales telle que modifiée à ca jour. Décision n°
003/CEI/BUR/06 du 09 mars 2006 portant mesures d’application de la loi n° 06/006 du
09 mars 2006 portant organisation des élections présidentielles, législatives,
provinciales, urbaines, municipales et locales. Cette loi électorale, prise en application
de l’article 5 de la Constitution, marque une étape décisive dans le processus
conduisant à des élections régulières, libres et transparentes. En conformité avec la
Charte des Nations unies, la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et la Charte
africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, la nouvelle loi met en œuvre les
principes suivants : - le peuple est la source exclusive du pouvoir ; - la volonté du
Peuple s’exprime par des élections régulières suivant une procédure garantissant la
liberté et le secret du vote ; - tout citoyen en âge de majorité a le droit de participer à la
direction des affaires politiques du pays dans les conditions fixées par la Constitution et
la présente loi ; - la représentation paritaire homme-femme, s’il échet et la promotion
des personnes vivant avec handicap : v. Exposé des motifs de la loi n°06/006 du 09 mars
2006 portant organisation des élections présidentielles, législatives, provinciales,
urbaines, municipales et locales. Il s’agit là d’un des droits politiques garantis par les
articles 21 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et 25 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques. Signalons qu’un nouvel organe a été
créé en 2010 pour remplacer la Commission Électorale Indépendante (CEI). Il est

288
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

dénommé « Commission Électorale Nationale Indépendante » (CENI), créée par la Loi


n°10/013 du 28 juillet 2010 portant organisation et fonctionnement de la Commission
Électorale Nationale Indépendante, (2010) Leganet.cd, en ligne : <www.leganet.cd/
Legislation/Droit Public/Divers/Loi.28.07.2010.pdf> (consulté le 25 juin 2016).
52 er
Dès sa promulgation, le Code de la famille, issu de la loi n°87-010 du 1 août 1987, a
été considéré comme un monument juridique complet traitant de toutes les questions
relatives aux droits de la personne et à ses rapports de famille. Il est une législation
er
authentique qui est venue remplacer l’ancien Code civil livre 1 sur des personnes, jugé,
de par son appellation et ses principes, trop « occidental ». Au regard des droits de la
personne, le code de la famille contient, au même titre que les autres codes, plusieurs
dispositions qui reconnaissent ou garantissent des droits aux individus et aux groupes :
er
v. Exposé des motifs de la Loi n°87-010 du 1 août 1987 telle que modifiée et complétée
par la Loi n°16/008 du 15 juillet 2016 portant Code de la Famille.
53
En RDC, c’est en 1967 que, par l’Ordonnance-loi n°67/310 du 09 août 1967, il y a eu
un premier texte complet en matière du travail. En effet, la liberté de travailler, de créer
un syndicat ou de s’y affilier, de jouir des conditions suffisantes de travail, du travail des
femmes et des enfants, la sécurité sociale, etc. sont autant de garanties de protection
des droits de la personne prévues par le Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels. Ce Code organise également la procédure de
conciliation devant l’Inspecteur du travail, préalable à la saisine de juridiction en cas de
conflit du travail. Depuis lors, il y a eu plusieurs arrêtés d’exécution. C’est la loi
n°015/2002 du 16 octobre 2002 portant Code du travail qui est venu remplacer le Code
de 1967. Cette loi garantit davantage le droit au travail avec toute sa suite et qui
constituent des droits économiques et sociaux protégés par le protocole relatif au Pacte
international sur les droits économiques, sociaux et culturels. Outre la procédure de
conciliation et l’institution des juridictions spéciales du travail, la nouvelle loi innove
entre autres quant à l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action
immédiate de leur élimination, le relèvement de l’âge d’admission à l’emploi (de 14 à
16 ans), le renforcement des mesures antidiscriminatoires à l’égard des femmes et des
è
personnes avec handicap : "Code du travail", (2002) JORDC, numéro spécial, 43 année,
25 octobre 2002, p.7.
54
La question de nationalité a subi plusieurs balbutiements en RDC. C’est d’abord le
décret du 27 décembre 1892, qui conférait la nationalité congolaise à « tout enfant né
er
au Congo des parents Congolais ». Après l’indépendance, c’est la Constitution du 1
août 1964 qui pose le problème de nationalité congolaise et qui consacre son unité,
l’attribue à la date du 30 juin 1960, à toute personne dont un des ascendants est ou a
été membre d’une tribu ou d’une partie de tribu établie sur le territoire du Congo avant
le 18 octobre 1908. Par le décret-loi du 18 septembre 1965, ce texte constitutionnel a
été précisé. Plusieurs textes annulant ceux qui les précèdent vont être pris, notamment
la loi n°72-002 du 05 janvier 1972 qui organise la nationalité après la Constitution de
1967 ; elle a été abrogée et remplacée par la Loi n°81-002 du 29 juin 1981 sur la
er
nationalité zaïroise et sera incorporée dans la loi n°87-010 du 1 août 1987 portant
er
code de la famille et en a constitué le livre 1 . La loi de 1981 a régi la nationalité zaïroise
jusqu’en 1999 et a été modifiée et complétée par le Décret-loi n° 197 du 29 juin 1999
sur la nationalité Congolaise. Ce décret-loi a été abrogé par la Loi n°04/020 du 12
novembre 2004 relative à la nationalité congolaise. Cette dernière loi a été adoptée en

289
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

Comme on peut le remarquer, la Déclaration universelle des droits


de l’homme est un texte fourre-tout. Elle contient les matières éparpillées
dans toutes les disciplines (des sciences et autres). Son importance à nos
jours n’est plus à contester.

CONCLUSION

Bien que le souci des Nations du monde exprimé dans le


préambule de la Constitution congolaise soit utile pour tous, les
instruments des droits de la personne se sont succédés et en face des
divisions politiques et idéologiques, force est de constater qu’il est
toujours courant aussi bien pour les décideurs publics que pour les ONG,
les enseignants et les chercheurs, de choisir parmi les droits de la
personne ceux qu’ils considèrent comme essentiels. Le consensus fait
encore défaut dans les milieux même des droits de la personne, et les
manuels présentent des listes très différentes. Beaucoup continuent à
faire la dichotomie entre les droits civils et les droits sociaux ; parmi ceux-
là certains ajoutent une troisième voire quatrième génération alors que
d’autres y sont opposés.
Quoi qu’il en soit, la Déclaration universelle des droits de la
personne nous responsabilise tous. Les principes qui y sont inscrits, parmi
lesquels l’égalité, la justice et la dignité humaine (contenus dans le
préambule et aux articles 1er, 7 à 10), sont tout aussi pertinents
aujourd’hui qu’ils l’étaient en 1948. Ils forment un bloc de
constitutionnalité indéniable à notre ère. Nous pouvons agir au quotidien
pour défendre les droits qui nous protègent tous et ainsi promouvoir
l’appartenance de tous les hommes à la famille humaine.
Les droits de la personne sont pertinents pour nous tous, tous les
jours. Notre humanité commune est enracinée dans ces valeurs
universelles. L’égalité, la justice et la liberté préviennent la violence et

exécution de la Résolution n°DIC/CPR/03 du Dialogue Inter-congolais, de l’Accord Global


et Inclusif et de la Constitution de la transition aux termes desquels les délégués ont
décidé de mettre fin à la fracture sociale créée par la question de nationalité, afin
d’établir la coexistence pacifique de toutes les couches sociales sur l’ensemble du
territoire national. Pour plus de détails sur la nationalité congolaise, voy. Pierre Félix
KANDOLO ON’UFUKU WA KANDOLO, Code expliqué du droit international privé
congolais. Commentaires des lois internes et conventions internationales à l’aide de la
jurisprudence et de la doctrine, [Troisième édition], Saarbrücken, Éditions universitaires
européennes, 2012.

290
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

maintiennent la paix. Ainsi, chaque fois que, et partout où les valeurs de


l’humanité sont abandonnées, nous sommes tous en danger. Car, comme
l’avait si bien dit René Cassin, «Il n'y aura pas de Paix sur cette planète tant
que les droits de l’homme seront violés en quelque partie du monde ». « Ce
monument, inspiré par un idéalisme pratique, repose sur l’unité de la
famille humaine et fournit, malgré ses inévitables imperfections, la base
d’une nouvelle éthique sans laquelle la société universelle ne pourrait
s’organiser sur les plans moral, politique, juridique et même
économique »55. Et comme l’a affirmé Koffi Annan,
« [C]ette Déclaration ne reconnaît aucune frontière, et chaque
société peut trouver au sein de son propre système et de sa propre culture
le moyen de la mettre en œuvre [...]. On entend souvent dire que les
droits de l’homme ne seraient pas un concept africain, asiatique ou latino-
américain. Mais ce sont les leaders qui affirment cela. Pas les peuples. Les
gens savent bien, eux, que les droits énoncés par cette Déclaration sont
essentiels, intrinsèques à la personne humaine, qu’ils n’ont pas de
frontières. Si vous parlez aux gens, ils comprennent que ce sont leurs
droits essentiels »56.
Les droits de la personne sont nés sur le terrain des idées, ils ont
servi d’étendard à des combats politiques, ils ont été consacrés par le droit
positif (c’est-à-dire le droit en vigueur). S’ils sont aujourd’hui enseignés
dans les Facultés de droit et des sciences sociales, ils n’ont perdu pour
autant ni leur dimension politique, ni leur dimension idéologique.
Les droits de la personne doivent par conséquent être analysés
simultanément dans toutes ces dimensions. Ils sont sous-tendus par un
système d’idées, de représentations, de valeurs, par une certaine
conception de l’homme, de la société, du pouvoir : ils postulent l’égalité
entre les hommes, l’existence de droits subjectifs opposables au pouvoir,
la primauté des droits de l’individu sur ceux de la collectivité. Ils mettent
en jeu – c’est là leur dimension proprement politique – les rapports entre
l’individu et l’État, mais aussi entre le pouvoir et le droit : c’est par la
médiation des normes juridiques, en effet, que les droits de la personne
acquièrent leur force et leur effectivité. Et, comme le conseille Danièle

55
ÉCOLE INSTRUMENT DE PAIX, « D’où vient la Déclaration universelle des droits de
l’homme (DUDH) », en ligne : <http://portail-eip.org/SNC/eipqc/publications/ droit2.
html> (consulté le 4 décembre 2018).
56
Koffi Annan, cité dans Id.

291
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

Lochak, il faut garder présente à l’esprit cette multiplicité des enjeux, pour
échapper aux deux dérives qui menacent l’approche des droits : la dérive
humaniste, qui tend à les transformer en une morale de bons sentiments ;
la dérive positiviste, qui conduit à s’enfermer dans un juridisme étroit57.
Si donc nous voulons être respectueux des droits de la personne,
pour nous-mêmes et pour les autres, nous devons contribuer et œuvrer
pour l’émergence d’une société où règnent l’égalité, la justice et la dignité
humaine. Ces trois vertus doivent exister de façon intrinsèque et
indivisible car, comme il avait été déclaré lors de la Conférence mondiale
sur les droits de l’homme qui a eu lieu à Vienne en 1993 : « Tous les droits
de l’homme sont universels, indissociables, interdépendants et intimement
liés. La communauté internationale [et les dirigeants politiques ou
gouvernementaux] doit traiter des droits de l’homme globalement, de
manière équitable et équilibrée, sur un pied d’égalité et en leur accordant
la même importance (…) »58.
La DUDH marque, à cet égard, une nouvelle étape dans l’histoire
des droits de la personne, en leur conférant une valeur et une portée
universelles, et en les plaçant sous la protection de la communauté
internationale. Cette prise en charge institutionnelle a sans doute
contribué à donner aux droits de la personne une vision pacifiée et
consensuelle. Telle est le souhait exprimé à travers cette réflexion.

57
Danièle LOCHAK, Les droits de l’homme, Nouvelle édition « Une synthèse
remarquable », coll. "Repères", n°333, Paris, la Découverte, 2009, p. 4.
58
Extrait de Déclaration et Programme d’action de Vienne, § 5.

292
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Repenser les systèmes de protection des droits de l’homme


en Afrique à l’aune de la codification du droit international
africain
_____________________________

ADOLPHE MUSULWA SENGA

RÉSUMÉ
Pendant longtemps, la question relative à la codification du droit international
africain constitue à la fois une nécessité et une urgence pour la régionalisation de
l’ordre juridique en Afrique et ce, dans l’optique de permettre aux États africains
de concevoir les modèles appropriés des systèmes de protection juridique,
susceptibles de répondre aux problèmes spécifiques. Bien entendu, au terme de
la quatorzième session ordinaire du 26-30 janvier 2009 a porté sur la création de
la Commission de l’Union africaine sur le droit international. Quoiqu’il en soit,
cette dernière ne doit pas, à toutes fins utiles, être appréhendée comme un
contrepoids de la Commission universelle ; bien au contraire, elle est un
instrument d’harmonisation et d’unification du droit de l’espace régional. Sur
pied de la Résolution 174 (II) de l’Assemblée générale en date du 21 décembre
1947, la Commission de l’Union africaine sur le droit international a vocation de
tirer ses soubassements dans le Statut de la Commission de droit international
des Nations unies. Par ailleurs, autant qu’il existe une litanie de domaines en
Afrique qui nécessitent une codification, autant l’un parmi ses domaines va
susciter notre intérêt à l’aune de la codification du droit international africain ; à
savoir, les systèmes de protection des droits de l’Homme tels que prévus au sein
de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples, et dans le Protocole de
Malabo et du Statut annexé, instituant la future juridiction de la Cour africaine de
justice, des droits de l’Homme et des peuples.
Notre modeste communication, Dès lors que nous cernons sur le versant de la
protection des droits de l’homme en Afrique en tenant compte des
balbutiements de juridictions, caricaturées au modèle occidental d’une part, et
créées sur base des prétentions « made in africa », d’autre part, notre modeste
communication réfléchit sur les tensions et les fluctuations qui naissent à
l’occasion de l’interprétation croisée des règles du droit international coutumier
et du droit international spécial, qui finissent par mettre en berne la protection
des droits de l’homme.


Assistant à la Faculté de droit de l’Université de Lubumbashi, Avocat au Barreau du
Haut-Katanga à Lubumbashi.

293
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

_________________________

MOTS-CLÉS :

Droit international africain – Droits de l’homme – Requêtes individuelles – Cour


africaine des droits de l’homme et des peuples – Cour européenne des droits de
l’homme – droit international africain – Protocole de Malabo.
________________________

ABSTRACTS
Nowadays, some people talk about human rights and its Universal Declaration. As
the world celebrates the 70th anniversary of the Universal Declaration of Human
Rights, it seems easy for us to explain what this declaration is, what it is, and how
it has been applied within the nations that have adopted it. Recognizing the
Declaration as a universal document of reference for the promotion and
protection of human rights, it seems important to explain how the different rights
it proclaims have or are integrated into the various legal systems within the states
and especially the Congolese domestic legal system? The record of this
Declaration, 70 years since it was adopted by the United Nations General
Assembly, depends on one analyst to another. This article attempts to take stock
of its practical integration into the Congolese legal system after having developed
theories relating to the technique of integration of international legal instruments
in general and human rights instruments in particular.
________________________

KEY-WORDS :

Universal Declaration of Human Rights – justice – principle of equality – human


dignity – monist system – dualist system – soft law – integration of international
law – domestic law.

294
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

________________________

SOMMAIRE
Repenser les systèmes de protection des droits de l’homme en Afrique à l’aune de la
codification du droit international africain
Adolphe MUSULWA SENGA

RÉSUMÉ
MOTS-CLÉS
ABSTRACTS
KEY-WORDS
INTRODUCTION
I. L’APPROCHE CONCEPTUELLE DE LA CODIFICATION
II. LES FONDEMENTS JURIDIQUES DE LA CODIFICATION DU DROIT INTERNATIONAL
AFRICAIN
III. LA PROBLÉMATIQUE DE L’EXISTENCE DU DROIT INTERNATIONAL AFRICAIN
IV. REPENSER LE SYSTÈME AFRICAIN POUR UNE ÉGALITÉ DE LA JUSTICE ET DE LA
DIGNITÉ HUMAINE DEVANT LA COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES
PEUPLES
V. REPENSER LE SYSTÈME AFRICAIN POUR UNE ÉGALITÉ DE LA JUSTICE ET DE LA
DIGNITÉ HUMAINE DANS LE CADRE DU PROTOCOLE DE MALABO ET DU STATUT Y
ANNEXÉ
CONSIDÉRATIONS CONCLUSIVES

295
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

INTRODUCTION

C’est un grand défi : dire ce que tout le monde connaît, sans pour
autant verser dans la trivialité. Le principe de la séparation des pouvoirs,
tous les juristes le classent dans le registre du connu. Quelle substance
peut-on encore en extraire afin d’en faire l’objet d’un débat scientifique ?
Plusieurs raisons justifient cependant ce choix, même si deux seulement
paraissent fondamentales. Dans le champ de la connaissance, le
relativisme s’impose. Ce qui signifie que même si tout semble avoir été dit,
il reste toujours à redire (…). Ainsi, s’est-il exclamé Évariste Boshab1. Par
ailleurs, ce qui était vrai pour ce dernier, l’est aussi vrai pour nous.
En effet, à l’âge de 70 ans de la Déclaration Universelle des droits
de l’Homme, s’évertuer à cogiter davantage sur la protection des droits de
l’Homme en Afrique parait à première vue, un exercice à objet
scientifique dépourvu de son intérêt, car la question semble être
inopportune à la portée d’un panel des discussions scientifiques
existantes. Néanmoins, nous devons admettre que la science se fait en se
défaisant, ce qui est vrai aujourd’hui peut-être faux demain et vice-versa.
Fort de caractère relatif de la science, nous voulons répondre aux contours
du thème principal retenu par les Nations unies à cette occasion, « Œuvrer
pour l’égalité, la justice et la dignité humaine ».
Nous avons estimé dégager les obstacles à la promotion des droits
de l’Homme2 qui se cristallisent au niveau de certaines juridictions

1 «
Évariste BOSHAB, Le principe de la séparation des pouvoirs à l’épreuve de
l’interprétation des arrêts de la Cour suprême de Justice par l’Assemblée Nationale en
matière du contentieux électoral », dans Grégoire BAKANDEJA wa MPUNGU, André
MBATA BETUKUMESU MANGU et Raoul KIENGE-KIENGE INTUDI (dir.), Participation et
responsabilité des acteurs dans un contexte d’émergence démocratique en République
Démocratique du Congo. Actes des journées scientifiques de la Faculté de Droit de
l’Université de Kinshasa, du 18 au 19 Juin 2007, Kinshasa, Presses de l’Université de
Kinshasa, 2007, p.19-27.
2
Nous pouvons rappeler à titre indicatif qu’il s’est toujours posé une querelle dans la
doctrine d’une part, et dans la jurisprudence française d’autre part, sur la portée
sémantique entre les droits humains et les libertés publiques. Certains souhaitent isoler
les libertés publiques aux matières des droits de l’homme. Selon ces auteurs, les libertés
publiques ne seraient, dans ce contexte, qu’une catégorie des droits de l’homme
reconnus et aménagés par l’État. Elles ne sont pas moins des droits au sens où ce sont
des prérogatives et/ou des facultés reconnues à tout être humain par une collectivité
humaine déterminée. Paul-Gaspard Ngondankoy préfère pour sa part l’expression
droits de l’homme à celle de libertés publiques, pour deux séries d’arguments : la

296
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

africaines. Comme on le sait, l’Afrique figure aussi parmi les autres régions
du monde qui se déploie à la codification d’un droit international. Certes,
les domaines3 qui requièrent une codification adéquate en Afrique sont
nombreux et non limitatifs. Il va de soi que les systèmes de protection des
droits de l’Homme soient inscrits sur l’agenda, aux fins de les repenser,
dans l’idéal d’une administration juridictionnelle qui tiendrait compte, à
toutes fins utiles, des principes de l’égalité, de la justice et de la dignité

première série concerne le rejet même de la notion de « libertés publiques » et la


seconde le choix stratégique de celle de « droits de l’homme » (…). Le terme droits de
l’homme préféré ici à celui de libertés publiques, est donc, tel qu’il résulte de la science
universelle des droits de l’homme, plus globalisant et plus progressiste. Il prend en
compte à la fois les « droits reconnus par la collectivité publique » et les droits « à
reconnaitre » parce que « inhérents à la nature humaine ». En outre, les termes droits
de l’homme, est à même de nous faire saisir d’autres réalités et d’autres institutions
qu’ignore précisément le concept de « libertés publiques », tel par exemple le droit au
développement ou la notion très controversée du « peuple ». A ce propos, lire
utilement, Paul- Gaspard NGONDANKOY NKOY-ea-LOONGYA., Droit congolais des droits
de l’homme, Coll. « Bibliothèque de Droit africain », Louvain-la-Neuve, Academia-
Bruylant, 2004, p.21-22. A contrario, Pierre Félix Kandolo enseigne que l’expression
« droits de la personne », paraît plus neutre et moins sexiste. Bien qu’utilisée dans tous
les documents et actes officiels des Nations unie, l’expression « droits de l’homme »
semble, selon lui, trop sexiste. Alors que le mot « personne » est le seul qui englobe
mieux l’espèce humaine et présente, sans doute, l’avantage d’inclure tous les genres
conformément à l’idée de base de la protection humaine consacrée par tous les
instruments internationaux des droits dits de « l’homme ». À ce sujet, lire Pierre Félix
KANDOLO ON’UFUKU WA KANDOLO, Réparations en droits de la personne et en droit
international humanitaire. Problèmes et perspectives pour les victimes en République
démocratique du Congo, Thèse de doctorat, Faculté de droit, Montréal, Université de
Montréal, 2017, p.43 et s.
3
Nous pouvons observer avec Hajer Gueldich, qui s’interroge si « (…). Peut-on dresser
une liste des matières de droit international à codifier au niveau régional ? Il est vrai
que des domaines précis restent des questions prioritaires et différentes selon le
contexte, les circonstances et la région. Par exemple, au niveau du continent, il est
è
prioritaire dans ce début du XXI siècle de codifier sur les questions relatives à la paix et
à la sécurité, à la lutte contre la criminalité et le terrorisme, la lutte contre la pauvreté,
les épidémies, des questions relatives à la gestion de l’environnement, la gestion de
l’eau, l’exploitation des ressources naturelles, le commerce extérieur, la gestion de
l’immigration, des refugiés et les déplacés, la gestions des conflits armés internes, la
sécurité alimentaire, l’intégration socio-économique, le commerce illicite des armes, les
changements anticonstitutionnels de gouvernements, etc. Voir Hajer GUELDICH, « La
mission des Nations Unies quant à la codification et au développement progressif du
droit international au niveau régional » (2015) Journal of the africa Union commission
on international law, 310.

297
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

humaine, gage de la protection et de la promotion des droits humains en


Afrique.
In casu sub specie, la présente réflexion est structurée en cinq
points, hormis l’introduction et la conclusion. En effet, au-delà des
élucubrations de nos propos introductifs, le champ sémantique nécessite
une exploration de l’approche conceptuelle (I), avant de cerner in fine le
fond de cette ébauche, constitué spécialement des fondements juridiques
de la codification du droit international africain (II), de la problématique de
l’existence du droit international africain (III), de repenser le système
africain pour une égalité de la justice et de la dignité humaine au sein de la
Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (IV) et, enfin, de
repenser le système africain pour une égalité de la justice et de la dignité
humaine dans le cadre du Protocole de Malabo et du Statut y annexé (V).

I. L’APPROCHE CONCEPTUELLE DE LA CODIFICATION

A la suite de Blaise Tchikaya qui enseigne qu’il n’existe pas une


définition unique de la codification du droit et précise que l’idée est fort
ancienne. La Commission de droit international des Nations Unies s’en est
d’ailleurs gardée. En droit interne, la codification incarnerait, selon Jean
Carbonnier, un « esprit de synthèse et de totalité, une intention de
renouveau politique, en même temps qu’un espoir d’arrêter le cours de
l’histoire »4. De son côté, Hajer Gueldich note que, pour définir la
codification, il y a lieu de dire que « codifier » signifie l’action d’ériger un
système cohérent de règles. À la base, la codification est une notion
empruntée au droit interne dont la conception est différente du droit
international. Mais en droit international, même si l’on scrute le Pacte de
la Société des Nations signé le 28 juin 1919 et entré en vigueur le 10
janvier 1920, rien n’a été dit sur le concept « codification ». C’est l’article
13 §1 de la Charte des Nations Unies qui a donné mandat à l’Assemblée
générale de « provoquer des études et de faire de recommandations en
vue (…) d’encourager le développement progressif du droit international
et sa codification. A ce niveau, il y a lieu de remarquer que les deux idées
de codification et de développement progressif du droit international sont
liées : « la codification apparaît donc comme une opération de conversion

4
Blaise TCHIKAYA, « Les orientations doctrinales de la Commission de l’Union africaine
sur le droit international » (2017) 30-1 Revue québécoise de droit international, 119-
120.

298
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

de règles coutumières en un corps de règles écrites, systématiquement


groupées ; le développement du droit est une opération d’affirmation ou
de consécration de règles nouvelles sur la base du droit existant. La
codification est la formulation la plus précise et la systématisation des
règles de droit international dans les domaines où existe déjà une pratique
étatique considérable des précédents et des opinions doctrinales »5.
Toutefois, il paraît qu’examiner la codification à elle seule ne suffit pas, il
faut scruter ses fondements juridiques.

II. LES FONDEMENTS JURIDIQUES DE LA CODIFICATION DU DROIT


INTERNATIONAL AFRICAIN

Avant toutes choses, il faut rappeler que l’article 1ier du Statut de la


Commission de droit international dispose que : « La commission du droit
international a pour but de promouvoir le développement progressif du
droit international et sa codification. Elle s’occupera au premier chef du
droit international public ». Elle a comme seul objet et orientation le droit
international général. L’article 5 définit le contenu à donner au
développement progressif en ce qu’il stipule, à son premier alinéa : « La
Commission de l’Union africaine sur le droit international identifie et
prépare des avant-projets de textes et études sur les secteurs qui n’ont
pas encore été règlementés par le droit international sur le continent
africain ou suffisamment développés dans la pratique des États
africains »6.
Sous la plume de Blaise Tchikaya, « les bases africanistes de cette
codification figurent dans le Statut de la Commission de l’Union africaine
sur la codification du droit international (CUADI) ». La lecture des 27
articles du Statut est édifiante. Si les onze juristes qui composent la CUADI
possèdent une compétence reconnue en droit international, la mission de
la Commission ne saurait se limiter à une simple lecture du droit
international existant. L’entreprise à laquelle engagent les juristes est
d’apporter des éléments nouveaux à la codification du droit international,
mais elle vise précisément à installer dans le droit international une

5
H. GUELDICH, préc., note 3, 296-297.
6
B. TCHIKAYA, préc., note 4, 120. L’article 6 alinéa 1 de la Commission de l’Union
africaine sur le droit international précise quant à lui que : « La CUADI procède à la
codification du droit international par une formulation systémique et précise des règles
dans les secteurs où il y a déjà eu une longue pratique étatique, une jurisprudence et
une doctrine sur le continent africain pour en faire des règles de droit international ».

299
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

présence africaine. Cette codification s’avère véritablement stratégique et


orientée selon les prescrits de l’article 4 du Statut. Il s’agit
« d’entreprendre des activités relatives à la codification et au
développement progressif du droit international sur le continent »7.
Aux termes d’une lecture couplée de ces deux instruments
juridiques suscités et partant de leurs pertinentes dispositions, il y a lieu
d’examiner la problématique de l’existence du droit international africain.

III. LA PROBLÉMATIQUE DE L’EXISTENCE DU DROIT INTERNATIONAL


AFRICAIN

Parlant de l’africanité et de la codification du droit international,


Blaise Tchikaya rappelle que : « cette question a sans doute traversé des
siècles, tout au moins, ceux au cours desquels l’Afrique a été impliquée
dans les relations internationales. L’africanité comme affirmation de
l’Afrique dans le système international est une dimension de travail qui se
pose à la Commission de l’Union africaine sur le droit international. Elle
n’est pas une question de stratification communautaire du droit
international, mais d’approfondissement de ce droit. Elle ne recherche pas
l’existence ou non de l’Afrique dans le droit international. De ce fait et
historiquement, ce continent est présent, il s’agit de rechercher comment
exprimer l’universalité du droit international en intégrant suffisamment les
valeurs propres et estimées communes à ce continent. Cette option
diplomatique est au cœur de l’enjeu (…)8. L’africanité ou la part africaine
dans le droit international ne peut être qu’un processus qui devrait
commencer par l’identification des valeurs et des normes africaines
partagées dans la négociation normative internationale9 ».
Cependant, Joseph Kazadi Mpiana renseigne, pour sa part, que
Pierre François Gonidec, en africaniste, s’est penché sur l’étude de
l’existence du droit international africain au regard de la spécificité et de
son effectivité avant de conclure de manière quelque peu sceptique que
« l’Afrique a encore beaucoup d’efforts à faire pour édifier sur des bases
solides un ordre juridique qui lui soit propre et qui lui permette de faire
face aux problèmes redoutables auxquels elle est confrontée depuis les

7
Id., p.118.
8
Ibid., p. 121.
9
Ibid.

300
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

indépendances »10. Il met en doute la spécialité du droit international


africain. Il souligne que le droit international africain ne serait que répétitif
et imitatif. Répétitif parce qu’il ne ferait que reproduire des règles qui
existent déjà au niveau du droit international universel et qui ont été
acceptées par les États africains. Imitatif, car, selon une pratique
couramment suivie en droit interne, les États ou les Organisations
internationales africaines (OIA) font preuve du suivisme ou du mimétisme.
Le droit international ne ferait que s’inspirer très étroitement de règles de
droit existant dans d’autres régions du monde sans nécessairement les
reproduire textuellement11.
Pour Balingene Kahombo12, tout en soutenant le régionalisme et la
reconnaissance tardive du droit international africain, le régionalisme
africain est aussi vieux que le continent lui-même. On ne doit pas oublier
que cette notion n’est pas exclusivement juridique, elle est avant tout une
donnée géographique et historique. Le régionalisme africain est aussi
politique, économique, idéologique, social et culturel.
Sur le plan juridique, le régionalisme africain comporte, comme
tout régionalisme de ce type, trois acceptions distinctes, à savoir un
ensemble d’approches ou de méthodes spécifiques d’appréhender ou
d’interpréter le droit international, une approche régionale d’élaboration
des normes adoptées restant limitée aux États concernés de la région.
Pour appuyer le rapport de la Commission de droit international,
Balingene avance en attestant que le droit international africain est
l’ensemble des règles juridiques adoptées à l’échelle continentale,
régionale, sous régionale ou dans tout autre cadre bi ou multilatéral
africains, dans le but de régenter les relations entre États africains en
quête des solutions aux problèmes qui leur sont spécifiques dans divers
domaines de rapports interafricains ou en coopération avec des sujets

10
Pierre-François GONIDEC, « Relations internationales africaines », Paris, LGDJ, 1996,
p.189-203 et 194, cité par Joseph KAZADI MPIANA, La position de droit international
dans l’ordre juridique congolais et l’application de ses normes, Paris, Publibook , 2013,
p. 209. Lire spécialement aux notes infrapaginales 791 et 793.
11
Id.
12
Commission du droit international (CDI), Rapport de la Commission du droit
international, cinquante- septième session (2 mai-3 juin, 11 juillet – 5 août 2005),
Annuaire de la Commission du droit international II (2005), paras. 451-456, cité par
BALINGENE KAHOMBO, « Présentation du traité de droit international public du
Professeur Auguste Mampuya : Regard croisées sur le régionalisme africain » (2016) 19
Recht in Africa- Droit en Afrique 217. Voy. Note infrapaginale 41.

301
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

non-africains. Il s’agit d’un système normatif, comportant des règles de


fond, des normes de procédures et celles relatives aux institutions,
chargées de leur élaboration ou application13 .
Pour notre part, sommes d’avis que l’existence du droit
international africain est corollaire de diverses manifestations juridiques
qui sont sécrétées au niveau de l’Afrique, parmi lesquelles nous pouvons
nous inspirer du régionalisme africain, de l’expérience de la mise sur pied
des chambres africaines extraordinaires au sein du système judiciaire
sénégalais, comme une juridiction sui generis, le rejet des changements
anticonstitutionnels de gouvernement, institué par l’Acte constitutif de
l’Union africaine du 11 juillet 2000, le Protocole d’Ouagadougou portant
création de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, les
particularités du Protocole de Malabo, etc14.
De ce qui précède, il s’avère indiqué de relever que la
régionalisation du droit international en Afrique, partant de sa
codification, suscite également un regard critique sur la protection des
droits de l’homme, telle qu’organisée par certaines juridictions africaines.
En toile de fond de cette communication, nous allons focaliser
notre regard sur la Cour africaine, des droits de l’homme et des peuples,
d’une part et d’autre part, sur le Protocole de Malabo et du Statut y
annexé, instituant la future juridiction de la Cour africaine de Justice, des
droits de l’homme et des peuples, pour repenser les systèmes de
protection des droits de l’homme, dans l’optique du respect de l’égalité de
la justice et de la dignité humaine.

13
Id., 220.
14
C’est nous qui mettons en relief. Signalons que cette énumération n’est pas
exhaustive.

302
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

IV. REPENSER LE SYSTÈME AFRICAIN POUR UNE ÉGALITÉ DE LA


JUSTICE ET DE LA DIGNITÉ HUMAINE DEVANT LA COUR AFRICAINE
DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES15

En matière contentieuse, la Cour africaine est compétente pour


recevoir des requêtes émanant de la commission africaine, des États
parties au Protocole et ceux impliqués dans une affaire en cours devant la
Cour comme demandeurs, défendeurs ou intervenants, des organisations
intergouvernementales africaines (article 5 §1). Les individus et les
Organisations non-gouvernementales (ONG) peuvent également saisir la
Cour, mais ils doivent, pour ce faire, satisfaire à la condition prévue à
l’article 34 §6 du Protocole d’Ouagadougou qui requiert, pour la saisine de
la Cour que l’État mis en cause ait préalablement fait une déclaration
reconnaissant la compétence de la Cour à recevoir de telles requêtes16.
Dans cet ordre d’idées, Joseph Kazadi ne soutient-il pas qu’au-delà de
l’interprétation de l’article 34 §617 joint à l’article 5 §3 du Protocole18, les
entités couplées, c’est-à-dire celles habilitées à saisir la Cour ADHP d’une
part, les entités habilitées sur déclaration préalable de reconnaissance de
la compétence de la Cour africaine des droits de l’homme et de peuples
d’autre part, constituent la cheville ouvrière des modes de saisine de la
Cour ADHP. Il estime pour sa part qu’en ce qui concerne l’analyse de
l’article 5 §3 du Protocole de 1998, les individus et les ONG, contrairement
au système européen qui prévoit la qualité de victime alléguant la
violation d’un droit garanti par la convention européenne des droits de

15
Initié depuis 1993, le processus de création de la Cour a pris forme le 9 juin 1998 à
l’occasion de l’adoption du Protocole créant la Cour Africaine des droits de l’homme et
de peuples à Ouagadougou, au Burkina Faso. L’entrée en vigueur de ce Protocole
remonte au 25 Janvier 2004. Cette Cour est composée de 11 membres de différentes
nationalités, élus par les Chefs d’États et de Gouvernements de l’Union africaine
(ancienne OUA), pour un mandat de six ans renouvelable une fois. Le siège de la CADHP
se trouve à Arusha, en Tanzanie. A ce propos, lire les instruments juridiques appropriés
et les manuels spécialisés.
16
MUTOYI MUBIALA, « La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, dix ans
ième
après » (2017) 520 Congo-Afrique, 57 année, 994- 995.
17
Article 34 §6 du Protocole : « A tout moment à partir de la ratification du présent
Protocole, l’État doit faire une déclaration acceptant la compétence de la Cour pour
recevoir les requêtes énoncées à l’article 5 (3) du Présent Protocole.
18
L’article 5 (3) du Protocole : « La Cour peut permettre aux individus ainsi qu’aux
organisations non-gouvernementales (ONG) dotées du Statut d’observateurs auprès de
la Commission d’introduire des requêtes directement devant elle conformément à
l’article 34 (6) du Protocole ».

303
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

l’homme et ses protocoles, dans le système africain de protection des


droits de l’homme, la qualité de victime n’est pas exigée pour saisir la Cour
ADHP et s’étend, non seulement aux droits garantis par la Charte africaine
des droits de l’homme et des peuples, mais aussi à tout autre instrument
conventionnel pertinent relatif aux droits de l’homme ratifié par l’État
concerné. Cette extension se dégage de la lecture de l’article 3 du
Protocole du 10 juin 1998 relatif à la compétence « matérielle » de la Cour
africaine des droits de l’homme et des peuples.
L’article 30 du Protocole de 2008 confirme cette extension de la
compétence matérielle au profit de la Cour africaine de justice et des
droits de l’homme. La rédaction de l’article 5 §3 lui paraît équivoque, car
sa lecture suggère que la Cour dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour
autoriser les individus et les ONG à la saisir en plus de la condition posée à
l’article 34 §6. La rédaction de l’article 5 §3 aurait gagné en clarté si elle
s’était limitée à énoncer que « Les individus ainsi que les organisations
non-gouvernementales (ONG) dotées du statut d’observateurs auprès de
la Commission peuvent introduire les requêtes directement devant elle
conformément à l’article 34 §6, de ce Protocole. L’adverbe
« directement » peut être interprété dans le sens que l’individu dispose de
deux itinéraires pour la protection des droits de l’homme : recours auprès
de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples d’une
part, et la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples d’autre
part.
Quant à l’article 34 §6, le Protocole ne spécifie pas si la déclaration
est irrévocable, conditionnelle ou susceptible d’être assortie de quelque
réserve. L’irrévocabilité lui semble incompatible avec le caractère
conventionnel dans la mesure où la faculté de s’engager implique
nécessairement en principe, celle de se délier. Si les réserves à la Charte
africaine ne sont pas envisagées, le silence du Protocole ne les exclut pas
d’autant plus que le Protocole ne crée pas des droits substantiels, mais
institue des droits et mécanismes « procéduraux ». Il résulte de ce qui
précède que la déclaration prévue au §6 de l’article 34 constitue un
véritable verrou à l’effectivité de l’accès à la Cour ADHP par les individus et
les ONG19.

19
Joseph KAZADI MPIANA, « La saisine du juge africain des droits de l’homme par les
individus et les ONG. Regards critiques sur les premiers arrêts et décisions de la Cour

304
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

A fortiori, nous pouvons remarquer que le §6 de l’article 34 du


Protocole en haleine étouffe l’émergence de la considération juridique de
l’individu comme sujet de droit international, dans l’occurrence du régime
conventionnel de la protection des droits de l’homme. Si dans le cadre de
la protection diplomatique20, l’effectivité de cette institution juridique doit
requérir un ensemble de conditions cumulatives, à savoir les liens de la
nationalité, les mains propres et l’épuisement des voies de recours par un
national à l’étranger, faute de quoi la protection désirée ne serait pas
effective. Il va de soi de s’en convaincre que les conditions préalables à
remplir rendent, selon une opinion doctrinale de droit, de considérer
l’individu comme un sujet controversé de droit international. Dans le cas
sous examen, le conditionnement préalable d’une déclaration de la
reconnaissance de compétence par l’État mis en cause devant la Cour
peut attester selon le cas, le défaut de la pleine capacité des individus à
entreprendre directement des actions devant la Cour, comme
demandeur21.
Diop Mamadou Falilon réfléchit sur la nécessité de respecter le
droit à un recours effectif en matière de protection des droits de l’homme
en Afrique. Pour lui, il sera nécessaire de lancer un appel aux États parties
à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples aux fins qu’ils
fassent la déclaration permettant aux individus d’accéder, sans entraves,
au prétoire de la Cour afin d’y défendre leurs droits. Les instruments

africaine des droits de l’homme et des peuples » (2013) Revue de droit international et
de droit comparé 320-328.
20
La protection diplomatique, comme renseignent Raymond Ranjeva et Charles Cadoux,
est une institution de droit international par laquelle l’État victime endosse le
dommage subi par un de ses ressortissants du fait de l’État de rattachement du
dommage et présente à ce dernier la demande en réparation du préjudice subi. Lire,
Raymond RANJEVA et Charles CADOUX, Droit international public, Paris, EDICEF, 1992,
p.220.
21
C’est nous qui mettons en relief. Lire à toutes fins utiles Guy-Fleury NTWARI, « La
Cour africaine des droits de l’homme et des peuples à la croisée des chemins – bilan des
cinq premières années d’activités judiciaires (2009-2014) » (2015) 102 Revue
trimestrielle des droits de l’homme 366-367. Il s’agit des arrêts et décisions suivants :
Michelot Yogombaye c. République du Sénégal, le 15 décembre 2009 ; Souflane Ababou
c. République du Cameroun et la République fédérale du Nigeria, le 23 septembre 2011 ;
Association juristes d’Afrique pour la bonne gouvernementale c. République de la Côte
d’Ivoire, 16 juin 2011 ; Daniel Amare et Mulugeta Amare c. République du Mozambique
et Mozambique Airline, 16 juin 2011 ; Convention nationale des syndicats d’enseignants
c. République du Gabon, 15 décembre 2011, etc.

305
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

africains de protection des droits de l’homme n’ignorent pas l’exigence


d’un recours effectif. En effet, la Charte africaine des droits de l’homme et
des peuples et plusieurs de ses Protocoles ont consacré le droit à un
recours effectif au profit des justiciables des États parties à la Charte22.
Toutefois, nombreux justiciables africains n’ont pas encore un accès direct
au prétoire de la Cour ADHP, par suite de l’absence de la déclaration que
doivent faire les États parties, afin que les requêtes individuelles puissent
être déposées contre eux. Cette situation constitue un frein à l’effectivité
des droits fondamentaux sur le continent africain23.
Le même constat, pertinemment nuancé, a été dégagé dans cette
perspective par Diop Abdou Khadre, lorsqu’il rappelle à l’évidence que la
question de l’accès direct des individus à la Cour africaine reste une
problématique cruciale dans le contentieux des droits de l’homme en
Afrique24. Il semble en effet que la subordination de l’accès direct de
l’individu à cette Cour au consentement déclaré de l’État relève d’un
anachronisme qui traduit manifestement l’infortune du recours individuel
direct devant le prétoire africain des droits de l’homme. Il est en effet
patent que les requêtes émanant des individus sont les plus nombreuses,
suivis de celles des ONG et, enfin, de la Commission. Aucune requête
provenant des États qui agiraient à titre personnel ou en qualité de
représentants de la victime d’une violation alléguée n’a été enregistrée25.
Il faut remarquer à ce propos que les États africains ont jeté leur
dévolu sur l’approche privilégiée par les européens lors de l’adoption de la
convention européenne des droits de l’homme et de sauvegarde des
libertés fondamentales le 04 novembre 195026.
En effet, le célèbre droit de recours individuel devant la
Commission européenne des droits de l’homme, prévu dans l’article 25 de
la Convention y relative, ne pouvait être exercé que si l’État mis en cause
avait au préalable émis le vœu, par l’entremise d’une déclaration

22
Mamadou DIOP FALILOU, « Plaidoyer pour l’accès direct des individus à la Cour
africaine des droits de l’homme et des peuples et à la future Cour africaine de justice,
des droits de l’homme et des peuples », (2016) 2 Revue de Droit public 657-658.
23
Id.
24
Diop ABDOU KHADRE, « La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples ou le
miroir stendhalien du système africain de protection des droits de l’homme », (2014)
55-2 Cahiers de Droit 547-548.
25
Id.
26
Ibid.

306
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

unilatérale expresse, de connaître les requêtes individuelles. Avec l’entrée


en vigueur du Protocole n°11 du 11 mai 1994, qui réforme le mécanisme
de contrôle institué par la Convention, en supprimant notamment la
Commission pour ne laisser substituer qu’une Cour unique, la Cour
européenne dispose aujourd’hui d’une compétence obligatoire à l’égard
des requêtes individuelles. En application de l’article 34 du Protocole n°11,
la Cour européenne est directement habilitée à connaître des requêtes
individuelles et sa compétence en la matière découle en droite ligne de la
ratification de ce Protocole. Celui-ci supprime donc le droit d’option qui
était laissé aux États parties en ce qui concerne la compétence à l’égard
des requêtes individuelles. L’accès des particuliers à la Cour européenne
est désormais de droit et ne nécessite pas la déclaration spéciale
d’acceptation, ce qui témoigne de l’importance quantitative des requêtes
devant cette juridiction, au point que l’on cherche aujourd’hui des
remèdes pour désengorger le prétoire de cette Cour27.
À cet effet, Mamadou Falilou Diop rappelle que la création de la
Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples constitue une
avancée majeure en termes de protection des droits de l’Homme en
Afrique. Elle illustre l’engagement des États africains à œuvrer davantage
en faveur de la protection des droits fondamentaux de la personne
humaine sur le territoire africain. Dès lors, cette Charte s’inscrit dans la
dynamique universelle de protection des droits de l’Homme28. Néanmoins,
pour que la Charte puisse avoir une réelle effectivité, il est impératif
d’annihiler toutes les entraves liées à l’accès des individus à ses organes de
contrôle29. Un système de protection des droits de l’Homme efficient doit
être fondé à la fois sur des instruments de protection énonçant des droits
fondamentaux de la personne humaine de manière exhaustive et des
mécanismes de contrôle du respect des exigences consacrées dans les
instruments susmentionnés30. En réalité, la consécration d’instruments de
protection des droits de l’homme sans leur affecter des organes de
contrôle efficaces constitue une contradiction31.
Par ailleurs, les restrictions relatives à l’accès direct des individus
au prétoire de la Cour ADHP ne justifient pas. De plus, elles ne sauraient

27
Ibid.
28
Ibid., p.654-655.
29
Ibid.
30
Ibid.
31
Ibid.

307
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

avoir comme explication que la volonté manifeste des États de ne pas


répondre des violations graves des droits de l’homme dont ils sont
souvent accusés. En réalité, un État ne doit pas ratifier une convention
internationale ou régionale de protection des droits de l’Homme sans tirer
les conséquences nécessaires de cet acte. Les conventions afférentes aux
droits de l’Homme mettent à la charge des États parties des obligations
positives. En d’autres termes, certaines exigences relatives aux droits de
l’homme s’imposent en soi aux États. Dès lors, il ne doit y avoir aucune
possibilité conférée aux États leur permettant de ne pas respecter leurs
obligations internationales de protection des droits de l’homme. Pour
cette raison, la condition liée à la saisine directe de la Cour africaine des
droits de l’Homme par les individus constitue une restriction regrettable.
La position de la Commission susmentionnée est importante : il est
impératif que les États partie à la Charte respectent leurs engagements en
termes de protection des droits de l’Homme. Toutefois, la situation
actuelle des droits de l’Homme en Afrique démontre qu’il reste encore de
nombreux efforts à faire dans ce domaine. Il faut trouver un moyen de
sortir les États de leur léthargie en matière de protection des droits de
l’Homme en Afrique.
A l’heure actuelle, la situation des droits de l’homme dans de
nombreux États africains ne s’améliore pas malgré la ratification et
l’entrée en vigueur de nombreux instruments africains et universels de
protection des droits de l’Homme. Ce constat est regrettable. Cela est
d’autant vrai que l’effectivité des droits de l’homme dans l’ordre juridique
interne des États partie à la Charte n’est pas satisfaisante. Les justiciables,
victimes de violations des droits de l’Homme, ont peu de chance d’obtenir
des réparations devant les prétoires des juridictions nationales existant sur
le territoire des États parties à la Charte. Par conséquent, la seule
alternative consistera à avoir recours aux juridictions régionales ou
internationales.
Lorsque la saisine d’une juridiction régionale de contrôle des droits
de l’Homme est tributaire de la volonté des États, il s’agit en réalité d’un
véritable déni de justice car de nombreux recours des victimes de
violations des droits de l’Homme ne sont pas effectifs devant les prétoires
des juridictions nationales. Un mécanisme africain de protection des droits
de l’Homme efficace ne saurait continuer à fonctionner de cette manière.
Un certain nombre d’États ont fait la déclaration permettant les requêtes
individuelles devant le prétoire de la Cour ADHP. Toutefois, cela reste

308
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

encore trop insuffisant. L’idéal serait d’arriver à inciter tous les États
parties à la Charte à faire la déclaration. Cela aboutirait, in fine, à une
réelle effectivité des droits garantis par la Charte africaine32. Toutefois, il
faut remarquer que la nécessité de repenser le système de la protection
des droits de l’Homme en Afrique n’est pas seulement observée au niveau
de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, mais aussi dans
le cadre du Protocole de Malabo et du Statut y annexé.

V. REPENSER LE SYSTÈME AFRICAIN POUR UNE ÉGALITÉ DE LA


JUSTICE ET DE LA DIGNITÉ HUMAINE DANS LE CADRE DU
PROTOCOLE DE MALABO ET DU STATUT Y ANNEXÉ

C’est en date du 27 juin 2014 que s’est tenue à Malabo la 23ème


session ordinaire de la Conférence de l’Union Africaine dans la capitale
équato-guinéenne, au cours de laquelle le Protocole de Maputo et le
Statut de la nouvelle Cour annexé furent adoptés. Cependant, le Protocole
de Malabo n’étant pas encore entré en vigueur, il y a lieu de signaler tout
de même que ce dernier renferme dans son sein certaines innovations
majeures par rapport au Statut de la Cour pénale internationale (CPI), à
savoir, la responsabilité pénale des personnes morales, à l’exception de
l’État. Les personnes morales visées ici sont des entreprises33. Il faut
relever que lors des négociations de Rome ayant abouti à l’adoption du
Statut de la CPI, les divergences sur la nécessité d’inclure la responsabilité
pénale des personnes morales étaient tellement profondes que les
négociateurs avaient décidé de l’écarter34.

32
D. MAMADOU FALILOU DIOP, préc., note 22, p.680-682. Signalons qu’au moment où
nous présentons cette communication, (le 10 Décembre 2018), la Gambie est devenue
le neuvième pays à permettre aux ONG et aux individus de saisir directement la Cour
africaine des droits de l’homme et des peuples, tel que prévu par l’article 34(6) du
Protocole. L’avis de dépôt a été signé par le Président Adama Barrow, le 23 octobre
2018. Ci-après les États qui ont déjà fait la déclaration de l’article 36(6) du Protocole
permettant aux ONG et aux individus de saisir directement la Cour africaine des droits
de l’homme et des peuples : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Ghana, Malawi, Mali,
Tanzanie, Tunisie (depuis Avril 2017), et la Gambie est dernier État en lice. Voy. en ligne,
à l’adresse : <http://[email protected]> (consulté le jeudi, 29
novembre 2018, à 17heures 50’).
33
Joseph KAZADI MPIANA, « Le Protocole de Malabo face à la Cour pénale
internationale : Concurrence ou complémentarité ? », Communication aux journées
scientifiques de la faculté de Droit de l’Université de Likasi, Likasi, 15 mars 2017.
34
Id.

309
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

En droit comparé, c’est la loi australienne d’adaptation au Statut de


la CPI qui prévoit la responsabilité pénale des personnes morales pour
crimes internationaux. La responsabilité pénale des entreprises ainsi que
l’ampliation de la liste des crimes de la compétence de la section du droit
international pénal peuvent s’inscrire dans la complémentarité avec le
Statut de la CPI35.
La principale innovation constituant un recul par rapport à
l’évolution du droit international et pouvant se traduire comme l’un des
points de friction avec la CPI réside dans le maintien de l’immunité dont la
liste des bénéficiaires est étendue. En effet, aux termes de l’article 46 A
bis, « Aucune procédure pénale n’est engagée ni poursuivie contre un chef
d’État ou de gouvernement de l’Union africaine en fonction, ou toute
personne agissant ou habilitée à agir en cette qualité ou tout autre haut
responsable public en raison de ses fonctions »36 . C’est à raison que nous
épousons l’opinion de Joseph Kazadi Mpiana qui, selon lui, cette
disposition contraste avec l’objectif de lutte contre l’impunité et de non-
pertinence de la qualité officielle aux fins de poursuites37. Or, les crimes
internationaux sont souvent commis à l’instigation, avec le soutien de
hauts responsables de l’État. Leur exclusion de toute poursuite équivaut à
aménager une impunité au sommet de l’État. Sous cet angle, le Protocole
de Malabo s’inscrit dans une concurrence « déloyale » non seulement à
l’égard du Statut de Rome de la CPI, mais surtout en contre-tendance de
l’évolution des juridictions pénales internationales et internationalisées38.
Les immunités apparaissent comme une prime à l’impunité et
s’inscrivent en marge du principe de l’égalité de tous les accusés devant la
Cour. L’autonomie de la Cour africaine, quoique rentrant dans l’optique de
la régionalisation de la justice pénale internationale, ne doit pas être
conçue dans l’optique de concurrence à l’égard de la CPI, mais de
complémentarité, d’autant plus qu’elles poursuivent la même finalité,
celle de contribuer à la lutte contre l’impunité39.

35
Ibid.
36
Ibid.
37
Ibid
38
Ibid.
39
J. KAZADI MPIANA, cité par Adolphe MUSULWA SENGA et Aimé MUYUMBA FUNDI,
« Le désengagement des États africains de l’obligation de coopération avec la Cour

310
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

Par ailleurs, nous estimons pour notre part qu’il y aurait de


l’anguille sous roche dans l’article 46 A bis suscité, dans le sens où, sous le
couvert de cette disposition certains dirigeants africains vont profaner
dans une certaine mesure les droits de l’homme et libertés publiques.
Sous cette trame défectueuse, nous osons croire que la future Cour
africaine de justice des droits de l’Homme et des peuples serait mal partie,
comme un système de la protection des droits de l’homme40.
Stefaan Smis et Ezéchiel Amani Cirimwami nous font remarquer que :
« [L]’octroi de cette immunité, même temporaire, est lourd des
conséquences juridiques et politiques. Tout d’abord, le texte de
l’article 46 A bis est ambigu. La formulation telle que « Toute
personne agissant ou habilitée à agir en cette qualité ou tout
autre haut responsable public en raison de ses fonctions » n’est
pas claire. Elle pourrait ouvrir la voie à une interprétation
extensive de l’article 46 A bis jusqu’à soustraire à l’exercice de
l’action pénale toute personne que l’État voudra qualifier, par
exemple, de haut responsable public agissant en raison de ses
fonctions, y compris potentiellement tous les ministres et même
tous les membres du parlement. Cette interprétation très large
aboutirait à l’application de règles différentes à des
fonctionnaires de différents États, car la question de savoir si une
personne jouit de l’immunité devant la CAJDHP41 dépendrait du
système constitutionnel de chaque État. Des conséquences
politiques de cette immunité sont aussi envisageables. En effet,
les dirigeants en exercice qui sont soupçonnés de commettre les
crimes consacrés par le Protocole n’auront aucun intérêt à se
retirer du pouvoir. Ils vont, au contraire, trouver tous les artifices
pour prolonger le plus possible, y compris à vie, leurs mandats.
Bien plus, cette immunité ouvre la porte à l’impunité à tous ceux
qui auront accédé au pouvoir au moyen de coup d’État, en
violation des prescrits de l’article 28 E du Protocole de Malabo
relatif au « crime relatif au changement anticonstitutionnel de
gouvernement ». Cela créera des problèmes et difficultés

pénale internationale : l’Union africaine sur le banc des accusés » (2018) Revue Justitia
de la faculté de Droit, Université de Lubumbashi 243.
40
Notre soulignement.
41
Acronyme pour signifier Cour africaine de Justice des droits de l’homme et des
peuples.

311
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

supplémentaires au processus déjà troublé de la transition


démocratique en Afrique, en provoquant des conflits
accompagnés de violences, sources de nombreuses violations
graves des droits de l’homme, y compris le génocide, les crimes
de guerre, et les crimes contre l’humanité »42.
C’est dans cet ordre d’idées que nombreuses Organisations non
gouvernementales en matière des droits humains, comme Amnesty
international, ont dénoncé le projet de la création d’une Cour africaine de
justice et des droits de l’homme comme devant considérablement
fragiliser la protection des droits de l’homme et « ralentir la lutte contre
l’impunité sur le continent »43.
Fort des lignes précédentes, il y a lieu de s’en convaincre que le
régime conventionnel de la protection des droits de l’Homme en Afrique,
et ce, au travers le Protocole de Malabo, présente certaines hérésies et
incohérences juridiques qui ne favorisent pas l’épanouissement des droits
de l’Homme en Afrique.

CONSIDÉRATIONS CONCLUSIVES

Nous pouvons, à la suite des considérations qui précédent,


préciser in limine litis que la pertinence de l’intérêt de la codification du
droit international africain n’est plus à démontrer. Les États africains sont
autorisés à codifier les différents domaines de la région, et ce, dans une
approche africaniste orientée vers le droit international. Il ressort de cette
codification la nécessité et le caractère impérieux de la protection des
droits de l’homme en Afrique, qui constitue la toile de fond de la présente
réflexion.
Par ailleurs, comme l’enseigne Blaise Tchikaya,
« [L]oin de se résigner, les pays africains veulent amplifier leur
vision africaniste du droit par une maîtrise technique de leur
contribution à la codification internationale. La part africaine dans

42
Stefaan SMIS et Ezéchiel AMANI CIRIMWAMI, « Repenser la création fragmentée des
juridictions hybrides en Afrique au profit de la Cour africaine de Justice, des droits de
l’homme et des peuples », (2017) 1 Revue Belge de Droit international 335-336.
43
AMNESTY INTERNATIONAL, « Protocole de Malabo : Incidences juridiques et
institutionnelles de la Cour africaine issue d’une fusion et à compétence élargie »,
(2016) Amnesty International 11.

312
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

le droit international a toujours été une question controversée.


Des recherches récentes tendent à établir que les droits de
l’homme furent déjà une donnée de gestion politique en Afrique
dès 13e siècle. Le texte de Kouroukan du Mali ou la Charte du
Mandé remonte à 1222. Il consacrait des droits fondamentaux : le
droit à la vie ; le tort demande réparation ; la guerre ne détruira
plus jamais de village pour y prélever des esclaves ; la faim n’est
pas une bonne chose ; l’esclavage n’est pas non plus une bonne
chose » 44.
Dans l’une de ses publications, Maurice Kamto, précise qu’
« [A]u demeurant, la codification régionale africaine ne peut
contribuer positivement et utilement au développement du droit
international que si elle se fait dans le respect des principes
généraux de ce droit. Autrement, le droit régional qu’il produirait
ne serait qu’un ersatz juridique marginal et marginalisé, en conflit
permanent avec le droit du reste de la communauté
internationale et isolé comme un droit du ghetto. En somme, la
codification régionale doit se garder d’enfermer l’Afrique dans un
ghetto juridique international. L’Afrique doit poursuivre son
entreprise de codification régionale, afin de répondre à ses
besoins spécifiques du droit entre les États du continent. Mais en
même temps, elle doit s’appuyer sur le droit international
existant pour le faire évoluer dans le sens de ses intérêts propres,
ou à tout le moins d’une manière qui prend en compte ceux-ci »45.
Cependant, l’incertitude de l’accès direct et effectif à la Cour
africaine des droits de l’homme et des peuples par les individus traduit un
obstacle majeur à la promotion des droits de l’homme en Afrique.
L’individu doit être placé dans les conditions nécessaires
d’épanouissement susceptible d’actionner ses droits, comme demandeur
ou défendeur, sans nécessairement être assujetti par un régime de
déclaration préalable de son État, en vertu de l’article 34 §6 de la Charte. À
cet effet, la saisine de la Cour par toute personne lésée de ses droits
fondamentaux devra demeurer aussi comme un apanage exclusif de

44
B. TCHIKAYA, préc., note 4, p. 122.
45
Maurice KAMTO., « La codification du droit international en Afrique : Méthode et
défis » (2015) 2 Journal of the African Union Commission on international Law 268.

313
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

l’individu, lorsque l’on sait que la protection des droits de l’Homme


s’inscrit dans le noyau dur de la vie humaine.
Pour cela, Stéphane Doumbé-Bille note que :
« [L]’on apparaît là bien loin des préoccupations directes de
garanties juridictionnelles des droits de l’homme en Afrique,
pourtant il n’en est rien comme le montre la question du sujet –
de l’adéquation ou non du système d’accès à la Cour à sa
fonction d’élargissement de la saisine. Marquée par des doutes et
des hésitations, qu’explique sans doute l’ampleur de la tâche
affectée à l’organisation continentale – lutte contre le
colonialisme hier, le développement économique durable
d’aujourd’hui – celle-ci risque de n’offrir à l’analyse qu’une image
déformée dont l’effet sur la protection juridictionnelle des droits
pourrait souffrir, avec comme victime collatérale un mécanisme
de saisine peu approprié à sa fonction »46.
Il convient dans cet ordre d’idées de regretter que la lecture du
Protocole de Malabo et son Statut, instituant la prochaine Cour africaine
de justice, des droits de l’Homme et des peuples, nous amène à constater
qu’en dépit de certaines innovations tant majeures que mineures, ce
dernier renferme dans son sein quelques dispositions qui obstruent ou
mieux qui se heurtent à la promotion des droits de l’Homme en Afrique.
Toute chose étant égale par ailleurs, il nous semble évident de soutenir
qu’à l’aune de la codification du droit international africain, il appert
judicieux que les systèmes de protection des droits de l’Homme en Afrique
soient repensés. Nous osons arguer que c’est au terme d’un réajustement
juridictionnel, allant dans le sens du renforcement des mesures de
protection des droits de l’Homme, gage de la promotion du bien-être des
individus, que l’Afrique pourra s’afficher valablement au forum de
rétablissement de l’égalité, de la justice et de la dignité humaine.

46
Stéphane DOUMBE-BILLE, « Le mécanisme de saisine de la Cour africaine des droits
de l’homme et des peuples est-il approprié à sa fonction ? », dans Mélanges en
l’honneur d’Emmanuel Decaux, Paris, Pedone, 2017, p.604.

314
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

Violation des droits de l’homme dans l’exploitation minière


en République démocratique du Congo : vers les atteintes
aux principes d’égalité, de justice et de la dignité humaine
__________________________

ÉLISEE TSHINYAM NZAV

RÉSUMÉ

La Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 est un


texte général dont l’objet est la protection des intérêts et des droits des humains
quels que soient les lieux où ils se trouvent et ce, pris individuellement ou
collectivement. A cette Déclaration, il faut ajouter le Pacte international relatif
aux droits civils et politiques et celui relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels ainsi que les différents protocoles additionnels facultatifs. Ce texte met
en relief les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la
personne humaine, dans l’égalité des droits des hommes et des femmes, afin de
favoriser et d’instaurer le progrès social dans des meilleures conditions de vie et
dans une plus grande liberté en prenant en compte la justice. A l’instar des autres
États, la République démocratique du Congo est signataire de cette Déclaration
et lui a réservé à travers son ordonnancement juridique une place de choix. C’est
dans cette perspective que les articles 11 à 67 du titre deuxième de la
Constitution portent sur les droits humains, des libertés fondamentales et des
devoirs du citoyen. De ces dispositions, certaines sont relatives à la protection
des minerais et au partage équitable des richesses nationales. Située au cœur de
l’Afrique, la République démocratique du Congo dispose des potentielles
ressources naturelles diversifiées dans son sol comme dans son sous-sol. Elle
possède des gisements contenant une cinquantaine des minerais recensés mais
seulement une douzaine d’entre eux sont exploités. Elle contient le cuivre, le
cobalt, le zinc, l’uranium, l’or, l’argent, l’étain, etc. Elle possède une réserve de
cuivre classée deuxième au monde avec 10 % du total. Elle est quatrième
productrice mondiale du diamant, elle possède 1/3 de la réserve mondiale du
cobalt et plus de 15 gisements de pétrole et bien d’autres minerais. Partant,
l’exploitation minière en RDC est une activité lucrative primordiale et attire tant
les investisseurs nationaux qu’étrangers, que ça soit pour le compte des
substances classées en mines que pour celles classées en carrière et ces


Assistant à la Faculté de droit de l’Université de Lubumbashi et Avocat au Barreau du
Haut-Katanga à Lubumbashi.

315
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

opérations minières se font soit de façon industrielle soit de façon artisanale.


Cependant, par cette exploitation, plusieurs problèmes liés au respect des droits
de l’homme sont souvent posés, à l’égard non seulement des personnes
(hommes, femmes et enfants) qui travaillent dans les mines, mais aussi à l’égard
des communautés locales qui accueillent ces exploitations dans leurs contrées.
Depuis un certain temps, les rapports des organisations non gouvernementales
de droits de l’homme et des organismes tant nationaux qu’internationaux
évoluant dans le secteur de protection des droits de l’homme sont devenus de
plus en plus grandissant en RDC. Au sujet des violations graves de droits de
l’homme, on y mentionne souvent des exactions militaires et barbares commises
dans la partie Est du pays au profit des minerais que la plus part qualifient de
« sang ». Il faut cependant signaler qu’à ces maux plusieurs risques de violation
des droits de l’homme en matière d’exploitation minière sont également
envisageable, c’est notamment les conditions socio-économiques des personnes
qui travaillent dans les mines, leurs conditions sanitaires, la protection des
femmes et des enfants dans les mines et les carrières, la question
d’indemnisation des communautés locales, la pollution de l’environnement par
les exploitants miniers et bien plus.
Dans cette réflexion, il sera question de circonscrire en termes des préludes les
droits de l’homme (I), en suite, faire un bref aperçu sur l’exploitation minière en
RDC (II), partant, dénicher étape par étape les violations des droits de l’homme
dans l’exploitation minière et dire en quoi ça serait une atteinte à l’égalité, à la
justice et/ou à la dignité humaine (III). Et enfin, donner les réponses à ces risques
éventuels de violation des droits de l’homme (IV).
______________

MOTS-CLÉS :
Droits de l’homme – responsabilité – droit minier – code minier – égalité – justice
– dignité humaine – substances minières

ABSTRACT
The Universal Declaration of Human Rights of December 10, 1948 is a general text
whose purpose is the protection of the interests and rights of human beings
wherever they are, whether individually or collectively. To this Declaration should
be added the International Covenant on Civil and Political Rights and the
Covenant on Economic, Social and Cultural Rights and the optional additional
protocols. This text highlights the fundamental rights of man, in the dignity and
worth of the human person, in the equal rights of men and women, in order to
promote and bring about social progress in the best conditions. life and in greater
freedom by taking into account justice. Like other States, the Democratic Republic

316
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

of the Congo is a signatory to this Declaration and has reserved a place of choice
through its legal system. It is in this perspective that Articles 11 to 67 of Title II of
the Constitution deal with human rights, fundamental freedoms and the duties of
citizens. Some of these provisions relate to the protection of minerals and the
equitable sharing of national wealth. Located in the heart of Africa, the
Democratic Republic of Congo has the potential diversified natural resources in its
soil as in its subsoil. It has deposits containing fifty ores identified but only a dozen
of them are exploited. It contains copper, cobalt, zinc, uranium, gold, silver, tin,
etc. It has a second largest copper reserve in the world with 10% of the total. It is
the world's fourth-largest diamond producer, with 1/3 of the world's cobalt
reserves and more than 15 oil deposits and many other minerals. Therefore,
mining in the DRC is a lucrative business and attracts both domestic and foreign
investors, whether on behalf of substances classified mines or quarry and these
mining operations are either industrial either by hand. However, through this
exploitation, many human rights issues are often raised, not only for the people
(men, women and children) who work in the mines, but also for the communities.
local authorities who host these farms in their regions. For some time, the reports
of human rights non-governmental organizations and both national and
international organizations operating in the area of human rights protection have
become increasingly important in the DRC. With regard to serious human rights
violations, it often mentions military and barbaric abuses committed in the
eastern part of the country in favor of the minerals that most describe as "blood".
It must be pointed out, however, that there are also several risks of human rights
violations in the mining sector, such as the socio-economic conditions of the
people working in the mines, their sanitary conditions, the protection of women
and children in mines and quarries, the issue of compensation for local
communities, environmental pollution by mining operators and more.
In this reflection, it will be question of circumscribing in terms of preludes human
rights (I), then, give a brief overview on the mining in the DRC (II), thus, find step
by step the violations of human rights in mining and say how it would be an
attack on equality, justice and / or human dignity (III). And finally, give the
answers to these possible risks of violation of human rights (IV).

KEY-WORDS :
Human Rights - Liability - Mining Law - Mining Code - Equality - Justice - Human
Dignity - Mining Substances

317
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

SOMMAIRE
Violation des droits de l’homme dans l’exploitation minière en République
démocratique du Congo : vers les atteintes aux principes d’égalité, de justice et
de la dignité humaine
Élisée TSHINYAM NZAV

RÉSUMÉ
MOTS-CLÉS
ABSTRACT
KEY-WORDS
I. PRÉLUDES SUR LES DROITS DE L’HOMME
II. EXPLOITATION MINIÈRE EN RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO
III. PRINCIPALES VIOLATIONS DES DROITS DE L’HOMME DANS LE SECTEUR
MINIER
IV. RÉPONSES AUX RISQUES DE VIOLATION DES DROITS DE L’HOMME

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(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

I. PRÉLUDES SUR LES DROITS DE L’HOMME

Il n’est toujours pas aisé de circonscrire les droits de l’homme ; tant


tôt, ils sont assimilés aux droits des gens, aux droits humains, au droit
humanitaire, aux libertés fondamentales, tantôt aux droits de l’homme lui-
même. Les droits de l’homme sont également appelés droits humains ou
encore droits de la personne. Ils constituent un concept à la fois
philosophique, juridique et politique, selon lequel tout être humain
possède des droits universels et inaliénables, quel que soit le droit positif
en vigueur ou d’autres. Cependant, on a toujours enseigné que les droits
de l’homme traduisent une inspiration à reconnaitre à l’être humain un
certain nombre des libertés fondamentales vis-à-vis du pouvoir, qu’il
s’agisse du pouvoir laïc ou religieux1. Toutes fois, parlant des droits de
l’Homme, on fait souvent référence à la Déclaration universelle des droits
de l’homme du 10 décembre 1948 au niveau mondial, au niveau
européen, à la convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales du 04 Novembre 1950, mais aussi
en Afrique, à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples. Le
premier texte étant le fondateur des seconds et les seconds assurent le
suivie ou la mise en application du premier.
De manière générale, il y a trois générations de droits de l’homme,
la première, celle des droits civils et politiques ; la seconde, celle des droits
économiques sociaux et culturels et la troisième concerne les droits
collectifs. A ces trois catégories s’ajoute une catégorie particulière, ce sont
les droits catégoriels, c’est-à-dire ceux qui sont reconnus à une catégorie
des personnes généralement considérés comme faibles. Il s’agit des
femmes2, les enfants3, des personnes vivant avec handicap4, des minorités
ethniques, le cas des réfugiés et des apatrides5, etc.

1
Jean IMBERT, Les droits de l’homme en France, Paris, Documentation française, 1985,
p.7. Voy. également Henri OBERDORFF et Jacques ROBERT, Libertés fondamentales et
ième
droits de l’homme, 13 éd, Paris, LGDJ, 2015.
2
C’est ici qu’on voit la Convention de New York sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination à l’égard des femmes du 18 décembre 1979. Voy. également son
Protocole facultatif proclamé par l’Assemblée générale des Nations unies le 6 octobre
1999.
3
Voy. la Convention de New York relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989 ;
le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, et concernant
l’implication d’enfants dans les conflits armés, signé à New York le 25 mai 2000 ; le
Protocole facultatif à la convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente

319
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

Cependant, il n’existe pas une hiérarchie ou une suprématie des


droits de l’homme par rapport aux autres, pareille orientation est bafouée
à ces jours en doctrine, car on estime que les droits de l’homme ne
doivent pas être fractionnés mais plutôt doivent être prise comme un
« tout ». Toutefois, tout dépend du contexte et du milieu dans lesquels on
veut l’appliquer. On a toujours insisté sur le droit à la vie, à la santé, à
l’information, à la participation, à l’alimentation, au logement, à l’eau, à
l’environnement sain, etc. Ces droits peuvent être violés en tout lieu
même dans le cadre de l’exploitation minière.

II. EXPLOITATION MINIÈRE EN RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU


CONGO

Parler de l’exploitation minière en RDC équivaut à parler du


système minier congolais, des conditions d’accès aux ressources minières,
ainsi que les obligations qui incombent aux titulaires de droits miniers6. De
toutes manières, les conditions d’accès aux substances minérales sont
tributaires du système minier en vigueur dans un État. Et le système
minier n’est rien d’autres que l’ensemble des mécanismes juridiques,
institutionnels et techniques organisant l’activité minière dans un État.
Universellement, il existe quatre systèmes miniers celui
d’appropriation7, d’accession8, régalien9 et celui domanial. Dans ce dernier

d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène les enfants,


signé à New York le 25 mai 2000 ; la Convention n°182 de l’organisation internationale
du travail concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action
immédiate en vue de leur élimination , adoptée à Genève le 17 juin 1999 ; la
Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption
internationale du 29 mai 1993 à la Haye.
4
Voy. la Convention relative aux droits des personnes handicapés du 13 décembre
2006 ; voy. également son Protocole facultatif signé à New York le 13 décembre 2006.
5
Lire à propos, la Convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet
1951 ; la Convention relative au statut des apatrides de New York du 28 septembre
1954.
6
Il sera question des obligations qui incombent aux opérateurs miniers mais qui
intéressent directement les droits de l’homme.
7
Dans le système d’appropriation, les gisements et les substances minérales sont des
biens sans maitre. La règle c’est le Res nullus, primo occupandis. Ceci signifie que les
gisements miniers appartiennent à ceux qui les découvrent.
8
Dans le système minier d’accession, les gisements et les substances minérales
appartiennent à ceux qui accèdent au sol. Dans ce cas, le principe Accessorium secuitur

320
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

système, à la différence des autres systèmes, les gisements et les


substances minérales sont la propriété de l’État, par conséquent, le
titulaire du droit foncier n’a aucune prestation sur les substances et que
l’autorisation pour l’exploitation de ces substances ne confère pas au
bénéficiaire un droit de propriété seulement de jouissance. C’est ce
système minier qui est en vigueur en droit congolais, qui découle de
l’article 9 de la constitution10, qui dispose que l’État exerce une
souveraineté permanente notamment sur le sol, le sous-sol… Cette
disposition est corroborée par l’article 53 de la loi dite foncière11 qui
dispose que le sol et le sous-sol appartiennent à l’État.
En RDC, l’accès aux ressources minières et des carrières repose sur
le principe de liberté des activités minières sous réserve de la propriété
des produits marchands, régulièrement extraits, et cette liberté connait
des limites concernant les substances réservées, stratégiques, les zones
interdites et les aires protégées. Et l’accès aux ressources minières est
aussi conditionné par l’octroi des titres miniers au regard des activités
sollicitée selon qu’il s’agit de la recherche, de la prospection ou de
l’exploitation et ce, par les autorités tant nationales12 que provinciales13 qui
interviennent dans le secteur minier. Cependant, les titulaires des droits
miniers ont des obligations, on évoquera celles qui ont trait au respect des
droits de l’homme parmi lesquelles on note en tête de liste « la
responsabilité sociale des entreprises minières » rentrant dans les
obligations sociales, et ensuite, les obligations environnementales.

principale est d’application, ceux qui sont titulaires des droits fonciers sont également
titulaires des droits miniers.
9
Alors que dans le système régalien, le titulaire des droits fonciers a simplement un
droit de préférence, ou de priorité sur les substances minérales qui se trouvent en
dessous de leurs fonds. Cependant, l’État apprécie l’opportunité de l’octroi du gisement
au titulaire des droits fonciers ou à une autre personne.
10
Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée en 2011.
11
Loi n°73/020 du 20 juillet 1973 telle que modifié par la Loi de 1980 portant régime
général des biens, régime foncier et immobilier et régime des suretés.
12
Il s’agit du Premier ministre, du ministre des mines, du ministre des hydrocarbures et
d’autres ministères notamment ceux des finances et de l’environnement.
13
Il s’agit du Gouverneur de province, du ministre provincial de mines et d’autres
services d’administration des mines : voir l’article 16 de la loi n°18/001 du 09 mars 2018
modifiant et complétant la loi n°007/2002 du 11 juillet 2002 portant code minier.

321
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

III. PRINCIPALES VIOLATIONS DES DROITS DE L’HOMME DANS LE


SECTEUR MINIER

Avant de présenter les principales violations des droits de l’homme


dans le secteur minier, il y a lieu d’indiquer les différentes obligations des
opérateurs miniers ayant trait aux droits de l’homme et ensuite démontrer
leurs violations.
En droit congolais, les articles 196 et suivants du code minier
indiquent que les opérateurs miniers ont des obligations de trois ordres,
celles administratives (qui n’intéressent pas la présente étude) et celles
sociales et environnementales.
S’agissant des obligations sociales, elles rentrent dans le cadre de
financement des projets de développement au profit des communautés
locales. Il s’agit en fait pour l’exploitant, d’établir un cahier de charge en
vue de l’amélioration des conditions sociales pour le développement des
communautés locales. Il s’agit en outre de la bonne cohabitation avec les
exploitants du sol, l’exemple des cimetières, des bases armées, des
chemins de fer, des barrages hydroélectriques, des sites archéologiques
etc.
Quant aux obligations environnementales, elles riment à ce que le
titulaire de droit minier doit veiller à la protection de l’environnement
dans ses activités minières, avant, pendant et après. Cette obligation
s’étend à la protection du patrimoine culturel ainsi qu’aux règles d’hygiène
et de sécurité14. L’environnement devra être entendu comme un milieu
naturel dans lequel des populations humaines sont établies avec tout ce
qui les entourent notamment la flore (ensemble des espèces végétales,
plantes, qui croissent dans une région ou un milieu donné)15, la faune
(l’ensemble des espèces animales vivant dans un espace géographique ou
un habitat donné), ainsi que les cours d’eaux et rivières. Et l’opérateur
minier établi l’étude d’impact environnemental et social (EIES) et le plan
d’atténuation et de réhabilitation du projet (PGEP) et la constitution d’une
sureté financière à cette fin. Ainsi, la fusion des obligations sociales et des
obligations environnementales étendues à la sécurité et à l’hygiène fait
appel à la responsabilité sociale des entreprises minières (RSE).

14
Voir les articles 202 et suivants du code minier congolais.
15
Vade-mecum de la responsabilité sociale des entreprises minières, Lubumbashi, éd
CEPAS, 2010.

322
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

En effet, au sens du code minier et du règlement minier, la


responsabilité sociale des entreprises prend deux formes d’abord la
responsabilité industrielle du titulaire ainsi que la responsabilité sociétale
du titulaire. La première rend responsable tout titulaire d’un droit minier
et/ou de carrières des dommages causés aux personnes, aux biens et à
l’environnement du fait de ses activités minières, même en l’absence de
toute faute ou négligence, il est tenu de réparer. Il en est de même en cas
de contamination directe ou indirecte du fait de ses activités minières
ayant un impact sur la santé de l’homme et/ou entraînant la dégradation
de l’environnement et se traduisant notamment sur la pollution des eaux,
du sol, de l’atmosphère et causant des dommages à l’homme, à la faune et
à la flore16. Il répare également tout dommage causé par les maladies
imputables à l’activité minière. La seconde, quant à elle, oblige le titulaire
des droits miniers d’exploitation et d’autorisation d’exploitation de
carrières permanentes de contribuer avec 0.3 % de son chiffre d’affaires à
la définition de la réalisation des projets de développement socio-
économiques et industriels des communautés locales affectées par les
activités minières sur base d’un cahier des charges pour l’amélioration des
conditions de vie desdites communautés.
Outre les aspects sus évoqués, il existe la directive relative à la
délocalisation, à l’indemnisation, à la compensation, au déplacement et à
la réinstallation des communautés affectées par les projets miniers. La
responsabilité sociale se traduit dans le fait que l’investisseur minier crée
des infrastructures sociales de base ainsi que d’intérêts communautaires
pouvant contribuer au développement des personnes impactées par le
projet minier.
Les obligations des opérateurs miniers rentrant dans le cadre de la
RSE mettent « l’homme » au centre de leur préoccupation. D’où, l’intérêt
de la théorie de 3P (Profit, Planète, Population). Cette théorie s’explique
par le fait que l’homme est au centre du développement. Il est vrai que
l’entreprise est conçu avant tout pour la réalisation des profits, et pour
atteindre cet objectif, elle utilise les ressources humaines, la population et
c’est encore cette dernière qui consomme les biens et services de
l’entreprise et, par conséquent, la prise en compte de la protection de la
planète où vit cette population serait indispensable.

16
Article 9 du code minier.

323
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

En RDC, nonobstant ces exigences légales, une série des droits de


l’homme rentrant dans le cadre du secteur minier sont violés à longueur
des journées. D’abord, l’article 23 de la Déclaration universelle des droits
de l’homme dispose que :
« Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à
des conditions équitables et satisfaisantes de travail, à la
protection contre le chômage ; tous ont droit, sans discrimination,
à un salaire égal pour un travail égal. Quiconque travaille a droit à
une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi que
sa famille une existence conforme à la dignité humaine et
complète, s’il y a lieu par tous les autres moyens de protection
sociale… ».
Cette disposition fait ressortir le droit à un traitement humain ou à
la dignité humaine dans le travail au travers d’une rémunération
satisfaisante et à une protection sociale adéquate. Les personnes œuvrant
dans les entreprises minières ou dans des comptoirs ou les creuseurs, n’y
trouvent pas, pour la plupart, l’équivalent du travail qu’ils fournissent, non
seulement le salaire est médiocre, mais aussi les conditions sanitaires sont
à décrier ; pas d’équipement pour la réalisation de ces travaux à haut
risque, notamment l’exposition à des maladies dues aux minerais
radioactifs. Ensuite, la Convention sur les droits de l’enfant de 1989 interdit
de soumettre les enfants aux travaux lourds. Pourtant, dans le secteur
minier artisanal en RDC, les jeunes de 12 à 18 sont très nombreux et
travaillent sans moindre orientation sous le visa de certains opérateurs
miniers appelés « négociants »17. Certaines violations touchent au droit à
la santé dans le cas des accidents survenus dans les mines, de la
responsabilité de publication des consignes de sécurité, y compris l’usage
des produits explosifs et d’autres nuisances.
En outre, la Convention de 1979 sur l’élimination de toutes les
formes de discrimination à l’égard des femmes prohibe la soumission des
travaux des femmes enceintes aux travaux lourds, surtout l’entrée dans les
mines pour ne pas exposer l’enfant à certaines malformations liées aux
effets radioactifs de certains minerais. En RDC, cette pratique est de
routine sous l’œil coupable tant des autorités du secteur minier que des
opérateurs miniers eux-mêmes.

17
Cette pratique est souvent remarquée dans les zones d’exploitations artisanales ou
les ZEA.

324
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

Dans le cadre du droit à l’éducation, l’opérateur minier a


l’obligation d’assurer la formation, le perfectionnement ou l’adaptation
professionnelle des travailleurs qu’il emploie ; il est tenu de prendre en
charge l’aspect éducation dans la contrée de son projet. En pratique,
l’observance de ce droit n’est que lettre morte, la plupart des populations
touchées par l’exploitation minière dans leur contrée sont restées
analphabètes et ce, pendant plusieurs années18. En plus, s’agissant du droit
à un environnement sain, il faut savoir que depuis la Déclaration de
Stockholm et les autres conventions en matière de l’environnement, il a
été reconnu à l’homme le droit fondamental à la liberté, à des conditions
de vie satisfaisantes, dans un environnement dont la qualité lui permet de
vivre dans la dignité et le bien-être social.
En RDC, la Constitution du 18 février 2006 en ses articles 53 à 60
souligne l’importance de la protection de l’environnement et donne
l’essentiel pour le fondement légal de sa préservation. Aussi, la question
de l’environnement est placée parmi les droits humains et les libertés
fondamentales, particulièrement dans la catégorie des droits collectifs ou
droits de solidarité, autrement dit, les droits de la troisième génération au
même titre que le droit à la paix, le droit au développement, le droit des
peuples à disposer d’eux-mêmes et le droit de propriété sur le patrimoine
commun de l’humanité. Toute personne a droit à un environnement sain
et propice à son épanouissement intégral et « tous les congolais ont le
droit de jouir du patrimoine commun de l’humanité ». En conséquence,
toutes ces violations font elles atteintes à la justice, à l’égalité et/ou à la
dignité humaine ?
Il faut d’emblée faire observer que la dignité humaine occupe une
place prépondérante dans la Déclaration universelle des droits de
l’homme. À l’alinéa premier de son préambule, il est renseigné que « la
dignité humaine constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la
paix dans le monde ». Elle renvoie au respect, à la considération que
mérite une personne. Cependant, cette dignité est intangible et doit être
respectée et protégée par le pouvoir public. Ainsi donc, toute atteinte à la
dignité humaine est interdite quel que soit le fait. D’ailleurs, pendant
longtemps, le principe de la liberté a suffi pour assurer la dignité de la

18
La cité de Fungurume dans la province du Lualaba possède à peine quelques écoles et
la vie même des communautés locales reste précaire et ne répond à aucune dignité
humaine en contre partie des ressources minérales qui sont exploitées dans cette
contrée.

325
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

personne humaine. Le concept s’est épanouie lorsque les droits de


l’homme qualifiés de traditionnels, centrés sur l’individu, sur sa liberté, sur
sa vie privée et sur son autonomie n’ont plus suffit.
Le principe de la dignité humaine est le premier principe qui fonde
tous les autres ; il exige de protéger l’individu contre toute forme
d’asservissement et de dégradation et implique que la personne humaine
reste maitresse de son corps et d’elle-même. Ce qui implique qu’elle ne
soit pas aliénée ni asservie à des fins étrangères à elle. C’est pourquoi,
l’article 1 de la Déclaration universelle des droits de l’homme dispose que
« tous les hommes naissent libres et égaux en dignité et en droits »19.
Dans l’exploitation minière en RDC, le constat reste amère, la
population est asservie ; elle ne bénéficie aucunement des avantages
adéquats et correspondant au travail qu’elle fournit surtout dans des
zones d’exploitation artisanale pour pouvoir vivre décemment et en toute
dignité. Aussi, avec le flux des populations dans ce que l’on appelle
généralement « carrières »20, le logement constitue un problème majeur,
les creuseurs21 passent nuit à la belle étoile et sont exposés aux
intempéries de tous ordres, sous l’œil indifférent de l’État. En plus, dans la
plupart des projets miniers, spécialement dans le grand Katanga22, le
problème de délocalisation des autochtones (communautés locales) fait
couler bien d’encre et salive. S’agissant par exemple de la situation du
Village Kawama et bien d’autres, la population est toujours perdante et
bénéficie à peine d’une juste et équitable indemnité pouvant leur
permettre de s’installer dignement nonobstant les prescrits de la loi.
Pourtant, la dignité humaine fait partie des noyaux durs des droits de
l’homme à telle enseigne que même lors de l’État de siège ou d’urgence, il
ne peut être dérogé aux droits et principes fondamentaux retenus comme
intangibles par l’article 61 de la Constitution.

19
Voir l’article 11 de la Constitution.
20
Ce sont des zones déclarées à exploitation artisanale par le gouvernement.
21
Ceux qui travaillent dans les carrières, hommes, femmes et enfants.
22
A l’issue de la décentralisation, cette province a été subdivisée en quatre provinces, à
savoir le Haut Katanga, le Lualaba, le haut lomami et le Tanganyika.

326
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IV. RÉPONSES AUX RISQUES DE VIOLATION DES DROITS DE


L’HOMME

De ce qui précède, il y a lieu d’indiquer que l’exploitation minière


en RDC est aujourd’hui en désaccord total avec les prescrits des droits de
l’homme. Les violations des droits de l’homme vantées sont dues à un
système inégal où la population ne profite pas des richesses minières ;
l’exploitation est considérée comme un moyen d’avoir plus d’argent par
des groupes et des personnes dont la principale préoccupation est de faire
des bénéfices.
Il importe de mettre l’homme au centre des préoccupations même
lorsqu’il s’agit de l’exploitation minière. Il faut cependant viser sur le bien-
être des hommes et des femmes dans le souci non plus exclusivement
d’une croissance économique mais d’abord et avant tout d’une croissance
de la dignité humaine. Il faut prendre en compte la valeur inestimable du
capital humain, un développement économique qui ne serait pas au
détriment des droits de l’homme. Cependant, les entreprises minières
doivent investir un peu plus afin de répondre aux obligations légales en
matière des droits humains et de l’environnement.
Il faut tenir compte de la théorie de 3P dans l’exploitation minière
(le profit, la population et la planète) et où l’homme est au centre de toute
activité, d’où, le caractère omniprésent des droits de l’homme.

327
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328
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Réseaux sociaux : réflexion sur l’émergence d’une nouvelle


forme de gouvernance des droits de l’homme en République
démocratique du Congo
__________________________

BROZECK KANDOLO WA KANDOLO

RESUMÉ
Le présent article fait une analyse des réseaux sociaux comme étant un nouvel
espace d’expression et d’application de certains droits fondamentaux en
République démocratique du Congo (RDC). Notre réflexion part d’un constat
établissant que les réseaux sociaux remettent à l’ordre du jour les libertés
considérées comme acquises : liberté d’expression, le droit à l’information, le droit
de réunion et la protection à la vie privée, etc. De ce fait, nous soulevons les
difficultés liées à l’absence d’une législation adaptée aux nouvelles réalités alors
même que les réseaux sociaux constituent aujourd’hui une autre façon de
gouverner et de faire gouverner l’État, pour s’adaptant aux nouvelles
technologies. Toutefois, il y a lieu de se demander, sur qui incombe la
responsabilité en cas de violation des droits fondamentaux sur les réseaux
sociaux ? Telle est la principale préoccupation sur laquelle va tourner le contenu
de cet article.
______________

MOTS-CLÉS :

Droits de l’homme – réseaux sociaux – droit numérique – régulation – égalité –


justice – dignité humaine – internet – télécommunications – hébergement –
gouvernance – Facebook – twitter – LinkedIn

ABSTRACT

This article analyzes social networks as a new space for the expression and
application of certain fundamental rights in the Democratic Republic of Congo
(DRC). Our reflection is based on a finding that social networks put back on the


Auteur est titulaire d’un diplôme de Licence en droit (Bac+5) de l’Université de
Lubumbashi, Étudiant-Master en droit du numérique à la Faculté de droit de l’Université
de Poitiers en France, initiateur et Directeur du cadre d’étude Réceptacle Cyberjustice.

329
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agenda freedoms considered as acquired: freedom of expression, the right to


information, the right of meeting and protection of privacy, etc. As a result, we
raise the difficulties of not having legislation adapted to new realities, even
though social networks are now another way of governing and governing the
state, adapting to the new technologies. However, one must ask, who is
responsible for the violation of fundamental rights on social networks? This is the
main concern that will turn the content of this article.

KEY-WORDS :
Human rights - social networks - digital law - regulation - equality - justice -
human dignity - internet - telecommunications - hosting - governance - Facebook
- twitter – LinkedIn
______________

SOMMAIRE

Réseaux sociaux : réflexion sur l’émergence d’une nouvelle forme de


gouvernance des droits de l’homme en République démocratique du Congo
Brozeck KANDOLO WA KANDOLO

RESUMÉ
MOTS-CLÉS
ABSTRACT
KEY-WORDS
PROLÉGOMÈNES
I LE DROIT À L’ÉPREUVE DES NOUVELLES TECHNOLOGIES CAS DES
RÉSEAUX SOCIAUX
A La règlementation de l’économie numérique
B Le droit lié aux réseaux sociaux
II LES DROITS DE L’HOMME À L’ÈRE DES RÉSEAUX SOCIAUX EN
RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO
A L’état de lieux de l'exercice des droits de l'homme sur les réseaux
sociaux
B Les réseaux sociaux face aux droits de l’homme
CONCLUSION

330
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

« Considérant qu’une conception commune de


ces droits et libertés est de la plus haute
importance pour remplir pleinement cet
engagement ».
Préambule de la Déclaration
universelle des droits de l’homme

PROLÉGOMÈNES

De nos jours, avec l’avènement de l’internet en général et des


réseaux sociaux en particulier, il est né une nouvelle forme de
participation des citoyens à la gestion de l’État (nouvelle gouvernance), qui
marche de pair avec l’internet1, « les (nouvelles) technologies de
l’information et de communication2 (TIC) », à travers les différents réseaux
de diffusion et de communication entre les membres de la société ou les
internautes, entendez par-là « les réseaux sociaux »3.
Aujourd’hui, les réseaux sociaux sont devenus un extraordinaire
espace d’expression « démocratique », qui semble produire des effets vis-
à-vis des gestionnaires des États et soulève une réelle question de la
gouvernance électronique dans un pays. Nous pouvons le constater par
l’attention particulière que le gouvernement attache aux communications

1
Sur le plan sémantique et étymologique, au cours de l'histoire de la création
d'Internet, différents noms sont parfois considérés comme ancêtres du terme « Internet
» : internetting, interconnecte, networks, internetworking, internetwork, international
inter-connected networks, Inter Net, internet et International Network. En 2008, ceux
qui prétendent connaître l'origine du terme sont légion (un exemple courant est
d'affirmer qu'« Internet » est l'acronyme d'interconnected networks). Voir à ce sujet,
NDUKUMA ADJAYI KODJO, Cyberdroit, télécoms, internet, contrats de e-commerce. Une
contribution au droit congolais, Kinshasa, PUC, 2009, p. 19.
2
Les expressions « nouvelles technologies de l’information et de la communication
(NTIC) », « technologies de l’information et de la communication » (TIC), ou encore «
information technologies (IT) » désignent tout ce qui relève des techniques utilisées
dans le traitement et la transmission des informations, principalement l’informatique,
l’internet et les télécommunications : voir en ligne :
<http://www.wikipedia.org/wiki/Technologies_et_de_la_communication> (consulté le
22 septembre 2018 à 21:41).
3
Le terme Réseaux Sociaux désigne l’ensemble des sites internet permettant de se
constituer un réseau d’amis ou de connaissance. Cela est professionnel et fournit à
leurs membres des outils et interfaces d’interactions, de présentation et de
communication, ainsi que les réseaux sociaux les plus connus sont Facebook, Twitter,
Linkedin, Instagram, Viadeo et YouTube.

331
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

faites à travers ce moyen. Ainsi, l’on peut dire que les réseaux sociaux
imposent une nouvelle forme de gouvernance et une nouvelle forme de
mise en œuvre des droits de l’homme, qui renforce la démocratie au sein
des États.
En RDC, par exemple, l’arrivée des réseaux sociaux et du web 2.0
(ou Web Social) dans l’internet a contribué à l’émergence de nouvelles
pratiques démocratiques, parfois inacceptables par le pouvoir public. Ces
dernières vont au-delà de la gouvernance étatique (gouvernement,
parlement et parti politique), puisqu’elles investissent désormais les
différents lieux de participation sociale : groupes de discutions sur
Facebook, forum d’échanges, blogues personnels ou professionnels, profil
personnel ou professionnel sur Twitter, Facebook, whatsapp, viber, skype,
Instagram, etc. À travers ce moyen, certains droits, parfois violés lorsque
l’on tente de les exercer, sont exercés sans qu’aucun gouvernement n’ait
le moyen de les empêcher. Nous pensons à la liberté d’expression, au droit
à l’information et à la liberté de réunion. Ces droits se manifestent très
activement à certaines périodes où tout citoyen se voit obligé d’émettre
un point de vue à l’actualité. C’est ce que nous connaissons aujourd’hui,
au moment où la question électorale devient une question de la vie
nationale. Ainsi, les réseaux sociaux concurrencent les médias nationaux,
souvent censurés par les gouvernements.
Le rôle des médias sociaux a été fixé par le co-fondateur de
Facebook, Mark Zuckerberg, comme une « […] tendance à rendre tout
plus ouvert et probablement le changement social le plus profond »4.
Dans une perspective de mobilisation citoyenne, les réseaux
sociaux contribueront à mettre à l’avant-scène politique des dossiers
controverses, autrement dit, des dossiers que l’on ne peut pas dire dans
nos medias nationaux. La protestation qui entoure les menaces de
fermeture ou de hausse de prix dans l’utilisation d’internet est une preuve
de participation de tout le monde aux réseaux sociaux. L’utilisation des
réseaux sociaux a fait du monde entier des journalistes. Damien Cambay le
confirme à travers la devise de Storify (un réseau social) lorsqu’il dit qu’

4
AGENCE FRANCE-PRESSE, « Facebook pas pressé d’entre en bourse », en ligne :
<http://www.lapresseaffaires.cyberpresse.ca/economie/technologie/201003/04/01-425
7381-facebook-pas-presse-dentrer-en-bource.php> (consulté le 04 septembre 2018 à
13:05).

332
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

«Aujourd’hui, tout le monde est journaliste»5. En janvier 2011, cette


phrase a pris tout son sens : le monde entier a suivi les révolutions
tunisienne et égyptienne à travers les images postées sur les réseaux
sociaux. Plus longtemps, les élections en Afrique, les situations au
Venezuela, en Algérie et au Soudan ont été suivies par le monde entier à
travers les réseaux sociaux
La RDC n’échappe pas à subir les conséquences de l’implosion des
réseaux sociaux. L’on se souviendra du rôle joué par les médias sociaux
dans les manifestations de janvier 2015, lorsque la population congolaise
de Kinshasa faisait des marches pour empêcher un changement d’une
disposition de la loi électorale devant conduire au « glissement6 » de
l’ancien Président de la république Joseph Kabila et de septembre 2016,
lorsque les congolais ont marché pour signifier un délai de préavis au
Président de la république qui arrive à la fin de son mandat présidentiel le
19 décembre 2016 mais aussi lors de l’élection présidentielle du 30
décembre 2018 ou dans la soirée les internautes congolais se mirent à
publier les procès-verbaux des différents bureaux de vote . Tant avant,
pendant qu’après ces manifestations, les congolais ont partagé des vidéos
et messages sur les réseaux sociaux montrant leur lutte contre le pouvoir,
ce qui a d’ailleurs poussé le gouvernement congolais à bloquer l’accès à
l’internet (uniquement lors de la première marche de janvier 2015 et lors
de les élections du 30 décembre) puis par après à certains réseaux sociaux
comme Facebook et Twitter pendant presque un mois sur toute l’étendue
de la république.
Ces exemples nous montrent que chaque citoyen a la capacité de
propager très rapidement et gratuitement une information à travers les
réseaux sociaux, qui peut atteindre chaque endroit de la planète couvert
par l’immense toile d’internet (le cyberespace). Toutefois, si la circulation
libre de l’information participe évidemment à la démocratie et à la liberté
d’expression, il est également devenu un lieu où l’information croise la
désinformation7, dans un flou entretenu et souvent manipulé. Les

5
Damien CAMBAY, « La circulation de l’information sur les réseaux sociaux », en ligne :
<http://www.clemi.com> (consulté le 20 septembre 2018)
6
« Glissement » est un terme utilisé en RDC pour désigner le dépassement d’un mandat
public, particulièrement celui du Chef de l’État, fixé constitutionnellement par l’article 70.
7
Marie PELTIER, « Internet et réseau sociaux : outils d’information ou de
désinformations », en ligne : <http://www.paxchristwb.be/publications/anlyses/internet-

333
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

pouvoirs en place, les publicitaires, les militants, les simples citoyens ont,
en effet, compris au fil du temps que l’enjeu était de taille : le web en
général et les réseaux sociaux en particulier sont un outil capable d’agir en
profondeur sur les esprits et d’impulser des comportements au sein de la
société. Le gouvernement et ses institutions passent eux-mêmes,
aujourd’hui, par le web et par les réseaux sociaux pour transmettre leurs
différents messages.
Ainsi, il est important de se demander si l’on peut considérer les
réseaux sociaux comme un nouvel outil par lequel la population contrôle
les actions du gouvernement et constitue une autre forme de gouvernance
de l’État, tant par les gouvernants que par les gouvernés ? Cette nouvelle
forme de gouvernance, en RDC, se base sur quel cadre juridique ?
Répondre à ces questions nous amène à faire une analyse sur l'état
de lieux de l'exercice des droits de l'homme sur les réseaux sociaux en RDC
(II). Mais bien avant, il est plus judicieux de faire une étude sur l’impact de
l’internet sur le droit, c’est-à-dire ce que dit le droit congolais face à la
question des nouvelles technologies et des réseaux sociaux (I).

I LE DROIT À L’ÉPREUVE DES NOUVELLES TECHNOLOGIES CAS DES


RÉSEAUX SOCIAUX

Les Technologies de l’information et de la communication (TIC)


offrent à la masse mondiale le moyen de communiquer en un clic avec les
populations du monde entier, de s’informer en temps réel, de s’instruire
et de conclure de transactions sans interlocuteur physique et sans bouger
de chez soi. Les distances et les frontières sont abolies. Ainsi, il est
question, dans cette première partie de notre réflexion, de faire une étude
sur l’état de lieux des TIC car les réseaux sociaux ont pour soubassement
l’informatique. C’est pourquoi, il nous paraît mieux d’analyser la
règlementation de l’économie numérique en RDC (A) avant d’étudier le
droit lié aux réseaux sociaux (B).

et-reseaux-outils-d-information-ou-desinformation-de-citoyennete-ou-de-
propagand,0000505.html> (consulté le 04 septembre 2018 à 15:30).

334
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

A La règlementation de l’économie numérique

1 Notions
A l’origine des télécommunications en RDC se trouvaient la sécurité
et la nécessité de communiquer des colons belges disséminés à travers un
vaste territoire à la nature hostile au départ et immensément doté des
potentialités de tout genre. Le pays hérita à l’indépendance en 1960 d’un
réseau filaire, des quelques relais à micro-ondes et d’une station terrestre
de standard. A l’indépendance, les télécommunications n’ont pas connu la
modernisation et le développement nécessaires pour couvrir la superficie
nationale et répondre à l’innovation technoscientifique8.
S’agissant de l’internet, la technologie Internet a pénétré le sol
congolais depuis 1995. C’est seulement vers 1998 qu’elle commence à
devenir accessible au grand public avec comme nom de domaine du pays «
.zr » qui devient par la suite « .cd » et qui est géré par une société privée
du nom de Congo Internet Management (CIM), agréée par le ministère des
Postes et télécommunications (PTT). Ici également, c’est l’initiative privée
qui est à la base9.
Quant au mode d’accès, le cybercafé a demeuré longtemps
l’unique modèle d’accès public à l’Internet. Mais actuellement, dans des
grandes villes, les gens ne sont plus obligés de se rendre dans le cybercafé
car l’internet est désormais accessible par téléphone portable.
2 Cadre juridique de l’économie numérique en République
démocratique du Congo
Les activités des télécommunications ont, pendant longtemps, été
réservées à la seule compétence de l’État. La puissance publique veillait à
fixer le cadre réglementaire applicable en même temps qu’elle prenait en
charge l’exploitation des réseaux et des services des télécommunications
notamment par le biais de l’administration centrale10.

8
François OSSAMA, Les nouvelles technologies de l’information : enjeux pour l’Afrique
subsaharienne, Paris, L’Harmattan, 2001, p.120.
9
Id., p.50.
10
Lepage BUSHABU WOTO, De la mise en œuvre de la régulation des télécommunications
en droit congolais (RDC), Paris, École nationale supérieure des télécommunications, 2005,
p.7, En ligne : in <https://www.telecom-parisch.fr> (consulté le 07 mars 2018 à 20:39).

335
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

La régulation consiste en l’application par l’autorité compétente de


l’ensemble des dispositions juridiques, économiques et techniques qui
permettent aux activités de télécommunications de s’exercer
effectivement à la satisfaction de consommateurs, des opérateurs et de
l’État11.
L’histoire congolaise du droit des télécommunications remonte à
l’année 1940. Elle est marqué par plusieurs étapes qui peuvent être
ramenées à trois : le monopole de l’État (a), la libéralisation de fait (b) et la
libéralisation de droit (c).
a L’état de gestion monopolistique des TIC en République
démocratique du Congo
Cette première étape de la naissance du droit des
télécommunications a débuté avec l’ordonnance législative n°254/TELEC
du 14 août 1940. Cette ordonnance constitue la première loi sur les
services de télécommunications, qui a accordé à l’État le monopole de
l’exploitation de télécommunications et celui de règlementation à l’État.
C’est l’administration des Postes, Téléphones et Télécommunications (PTT)
qui fut chargée de cette exploitation monopolistique en mode régie. Mais
en 1978 l’administration de PTT fut par la suite supprimée au profit de
l’Office Congolais des Postes et des Télécommunications (OCPT). Celui-ci
bénéficiait du monopole de l’État dans la gestion des postes et
télécommunications. L’OCPT deviendra l’office national des postes et des
télécommunications du Zaïre (ONPTZ), suite au changement du nom du
pays décidé sur le plan politique). Ce fut l’œuvre de l’Ordonnance-loi 6
n°8-475 du 13 décembre 1968 portant création de l’Office national de
postes et télécommunications du Zaïre, en abrégé « ONPTZ » 12.
A la création de l’Office Congolais des Postes et des
Télécommunications (OCPT), ce dernier avait de facto, exercé la fonction
de réglementation par la tenue des dossiers d’octroi de licences, la gestion
des fréquences radioélectriques, le pouvoir de concession et l’application

11
MUTOMBO KYAMAKOSSA, Étude de faisabilité du projet de création de l’Autorité de
Régulation de la Poste et des Télécommunications en R.D.C., Kinshasa, s.e., 2002, p.1.
12
En Droit administratif, la régie est un mode de gestion de service public. « On est en
présence d’une régie lorsque le service est directement exploité par l’Administration au
moyen de son personnel et de son patrimoine ». Voir Liévin MBANGU TSENGE, Droit du
travail congolais face à l’usage des technologies de l’information et de la communication :
la problématique de nouveaux défis, Bruxelles, L’Harmattan, 2016, p.154

336
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

de la législation et de la réglementation en vigueur. Cette situation a


perduré jusqu’à l’avènement de l’ordonnance n°82-027 du 13 décembre
1982 portant cadre organique du Département des PTT qui a rétabli le
Secrétariat général aux PTT autrefois confondu à l’OCPT. A l’occasion, les
fonctions d’exploitation et de réglementation furent séparées entre l’OCPT
et le Secrétariat général aux PTT.
b La libéralisation non consacrée par des textes législatifs (la
libéralisation de fait)
Quoique la libéralisation sur le plan législatif du secteur des
télécommunications interviendra en 2002, depuis 1989, il a été délivré des
licences de concessions de services publics des télécommunications aux
opérateurs privés alors que le monopole de l’État n’était pas encore
abrogé par un texte législatif. Le manque d’abrogation claire du monopole
donnera lieu à un contraste entre les faits tendant vers la libéralisation et
les textes qui continuaient à consacrer le monopole d’État. Ce qui fut le
cas en 1989 et en 1995.
En effet, en 1989, le Gouvernement zaïrois a approuvé un
opérateur de réseau mobile privé, appelé TELECEL (qui deviendra par la
suite STARCEL), employant la technologie AMPS13 ; sans aucune réforme
législative globale, une première étape de libéralisation venait d’être
lancée dans l'industrie des télécommunications en RDC : le fait a précédé
le droit.
En revanche, en 1991, rappelons-le, il y eut la création du
RENATELSAT également autorisé pour agir avec le monopole en dépit des
faits de concession du service public des télécommunications aux privés.
Toutefois, par la suite, les faits tendant vers la libéralisation corroboreront
l’élan vers la libéralisation du secteur des télécommunications tout en
demeurant sous l’égide des lois consacrant le monopole des entreprises

13
AMPS : Advanced Mobile Phone System. C’est une norme de téléphonie mobile
ère
analogique américaine de 1 génération développée par les Bell Labs et dont les
expérimentations ont débuté en Amérique du Nord en 1978, puis au Canada, au
Royaume-Uni, en Australie et dans quelques autres pays. Voir : « Téléphonie mobile – 1G,
2G, 3G et 4G expliquées », en ligne : <www.commentcamarche.net> (consulté le 15
décembre 2018). Voir également, « Bringing information to people : celebrating the
wireless Decade », en ligne : <www.milestonespast.com> (consulté le 15 décembre
2018).

337
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

publiques. Ainsi, en 1995, l’État zaïrois accordera une deuxième licence


d’exploitation de la téléphonie AMPS à COMCELL.
Les faits successifs observés entre 1995 et 2002 qui marquent la
démonopolisation sur le plan législatif, sont les suivants :
- En 1997 : le Gouvernement congolais désigna la technologie GSM
comme standard officiel de fonctionnement de mobile dans le pays
et a exigé aux deux premiers opérateurs de mobiles de digitaliser
leurs réseaux ;
- En 1998 : le Gouvernement accorda une licence GSM 900 à CWN
(Congolese Wireless Network, le premier opérateur de téléphonie
GSM qui a signé par la suite une joint-venture avec Vodacom
International Ltd en 2001, en vue de la création de l’actuelle
Vodacom Congo RDC sprl) ;
- En 2000 : le Gouvernement accorda une deuxième licence GSM
900 à Celtel-Congo, puis une troisième licence GSM 1800 à SAIT
Télécom14 et, enfin, dans la même année, une troisième licence à
un opérateur GSM 1800 du nom de Congo Chine Télécom (CCT, en
sigle, fruit d’une association entre les acteurs privés chinois et l'État
congolais).
c La libéralisation de droit
La libéralisation du secteur des télécommunications en RDC est
intervenue en 2002 par le biais de la loi-cadre15 n°013-2002 du 16 octobre
2002 sur les télécommunications. Cette loi-cadre ne permet cependant
qu’une libéralisation partielle16, se présentant comme un instrument de la

14
Qui avait été dénommé TIGO puis actuellement racheté par la société de
télécommunication Française ORANGE.
15
Une loi-cadre est une loi au contenu très général, définissant les grands principes ou
orientations d’une réforme ou d’une politique dont les domaines d’application sont
définis par les décrets.
16
La loi précitée a temporairement maintenu des droits exclusifs ou sociaux en faveur de
l’exploitant public, opérateur historique (OCPT, aujourd’hui SCPT et RENATELSAT).

338
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

nouvelle politique de télécommunications en RDC17 et introduisant


quelques innovations18.
En effet, le secteur de télécommunications connaît, depuis
quelques années, une profonde mutation. Celle-ci est la conséquence de
l’évolution constatée dans différents domaines techniques, politiques et
économiques. Cette mutation tend à transformer le secteur de
télécommunication, jadis administré et cloisonné au niveau national, en
un secteur de plus en plus immergé dans la compétition mondiale. C’est
pourquoi, depuis quelques années, certains pays africains ont promulgué
des lois sur les télécommunications qui ont restructuré le secteur. Ces
restructurations ont porté sur la dissociation des services postaux de
secteur des télécommunications, la séparation des actions de
réglementation de celles d’exploitation confiées à des organismes
distincts, la création d’instances indépendantes de réglementation, la
privatisation de l’exploitant publics par association des capitaux publics et
privés nationaux et même internationaux et sur l’ouverture à la
concurrence du marché des services à valeur ajoutée voire des services de
base.
3 De nouveaux défis posés à la régulation de l’internet
Les limites temporelles et spatiales, repères traditionnels du droit,
se trouvent bouleversées dans le contexte de la société de l’information,
marquée par l’absence de frontières et l’immatérialité des
communications. Le caractère international, polycentrique et évolutif du
réseau rend complexe sa régulation : sa dimension et son architecture
décentralisées font obstacle à l’identification des services et de leurs
responsables et à la sanction des contenus illicites ou préjudiciables
véhiculés.
Ainsi nous repérons comme difficulté de légiférer l’internet, la
dimension internationale du réseau qui rend plus difficile la lutte contre la
cybercriminalité, alors que la communication, le commerce, mais aussi le

17
Cette nouvelle politique définit de manière plus claire les principes, les règles et les
institutions qui régissent les activités, les réseaux et les services de télécommunications
en RDC. Pour plus de détails à ce sujet, voir l’exposé des motifs de la loi-cadre sur les
télécommunications en RDC.
18
Mis à part les aménagements relatifs au monopole et au statut de l’exploitation public,
cette règlementation innove essentiellement dans la séparation des fonctions de
régulation et d’exploitation, ainsi que dans les régimes d’exploitation.

339
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

crime, ne connaissent pas la notion de frontière, les lois restent


essentiellement tributaires de cadres nationaux. La lutte contre la
cybercriminalité et contre les contenus illicites se heurte à la différence
des législations applicables sur le réseau. En effet, la règle de territorialité
délimite la sphère géographique sur laquelle un État a le pouvoir d’édicter
des règles et de les appliquer, et les législations nationales peuvent
présenter d’importantes différences.
La RDC est un État qu’on pourra considérer comme un “paradis
numérique”, car la législation en matière numérique est encore laxiste, et
cette inefficacité des institutions judiciaires favoriseraient la
cybercriminalité. Si l’on ajoute les facteurs techniques, qui peuvent rendre
les preuves des infractions commises particulièrement volatiles, on
comprend les défis que la cybercriminalité lance aux systèmes nationaux
de répression des infractions. Le principe de territorialité de la loi, qui
témoigne de la souveraineté des États, s’applique donc mal avec la
pratique du réseau mondial, puisque les activités sur le réseau, rattachées
en droit au seul régime juridique du territoire sur lesquelles elles se
déploient, deviennent en fait internationales. Comme seconde difficulté, il
y a la dimension internationale du réseau qui induit une concurrence des
systèmes juridiques sous l’effet de la mondialisation. Les entreprises
cherchent les conditions économiques les plus favorables.
Traditionnellement, les règles fiscales et sociales applicables
constituaient le premier critère de choix. Aujourd’hui, le choix du droit
applicable développe ses effets dans de nouvelles matières et plus
particulièrement en matière de droit de la consommation. Avec le réseau,
ces pratiques de “forum shopping” (choix de la réglementation la plus
favorable) se diffusent : alors que dans le “monde réel” elles sont
essentiellement accessibles aux entreprises, n’importe quel internaute
peut, sans difficulté, faire héberger des pages personnelles en les
soumettant à une législation autre que la législation nationale. En outre,
certains acteurs proposant leurs services en français aux consommateurs
français peuvent très bien exercer depuis un autre pays sans que
l’utilisateur s’en rende compte au premier abord19.

19
Christian PAUL, Du droit et des libertés sur l’internet, la corégulation, contribution
française pour une régulation mondiale, Paris, Rapport au Premier ministre, mai 2000,
p.60.

340
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

La dimension mondiale du réseau ne signifie pas l’impuissance des


démarches nationales en matière de régulation des contenus. Comme
l’ont confirmé la consultation et les débats du “Sommet mondial des
régulateurs”20 organisés par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), il
apparaît peu raisonnable d’attendre l’avènement d’une conception
mondiale de la liberté d’expression pour se poser la question de la
régulation des contenus. Face à la diversité des législations, il s’avère
difficile d’élaborer des règles communes, y compris sur des objectifs de
protection essentiels tels que la lutte contre le FakeNews ou intox21 (dont
la perception est, à titre d’exemple, très différente en France et en RDC)
ou le racisme (appréhendé très différemment aux États-Unis et en
Europe). Une variété extrême des “seuils de tolérance”, sur différents
sujets, peut être en effet constatée d’un pays à l’autre.
Ainsi, nous estimons pour notre part qu’au regard du principe de
subsidiarité, la régulation du contenu relève essentiellement de la
responsabilité des États. Il reste maintenant de savoir quel est le droit qui
est lié aux réseaux sociaux ?

B Le droit lié aux réseaux sociaux

1 Notions
Nous pouvons définir l’Internet comme « un réseau informatique
mondial offrant une variété de services d'information et de
communication, composé de réseaux interconnectés utilisant des
protocoles de communication standardisés »22.
Quant aux réseaux sociaux, ils sont apparus sur Internet vers la fin
des années 1990, réunissant des personnes via des services d’échanges
personnalisés, chacun pouvant décider de lire les messages de tel ou tel
autre utilisateur. Un réseau social désigne « un ensemble de personnes

20
Sommet organisé à l’UNESCO du 3O novembre au 1er décembre 1999. Les
interventions à ce colloque sont disponibles sur le site du Conseil supérieur de
l’audiovisuel (Français), à l’adresse : <http://www.csa.fr>.
21
Fake news ou Intox est le fait de propager des informations délibérément fausses.
22
“Internet is a global computer network providing a variety of information and
communication facilities, consisting of interconnected networks using standardized
communication protocols”, en ligne : <http://oxforddictionaries.com/definition/
english/Interne>.

341
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

réunies par un lien social »23. Il est aussi « un ensemble d'identités sociales
comprenant des individus ou des organisations reliées entre elles par des
liens créés lors des interactions sociales. Il est représenté par une structure
ou une forme dynamique d'un groupement social »24.
Dans l’article de l’Encyclopaedia Universalis intitulé « Réseaux
sociaux, internet », Danah Boyd et Nicole Ellison, définissent les sites de
réseaux sociaux comme « des services Web qui permettent aux individus
de construire un profil public ou semi-public dans le cadre d'un système
délimité, d'articuler une liste d'autres utilisateurs avec lesquels ils
partagent des relations et de voir et de croiser leurs listes de relations et
celles faites par d'autres à travers la plate-forme »25.
Dans leur article « Facebook et autres », Claudine Chassaniol et
Gabriel Giacommotto, distinguent quatre catégories de réseaux :
professionnels (linkedin, viadeo,…), de loisirs (Myspace, flickr,...), de
microblogging (Twitter), multifonction (facebook) et à nous d’y ajouter le
service de messagerie telle que Whatsapp, viber et Imo. Les fonctions sont
ainsi listées : phatique (maintenir un contact), informative, professionnelle
(présenter son CV, ses travaux, …) et ludique (jeux, tests, quizz, recherche
d’amis, ennemis, connaissances)26.
Parmi les réseaux sociaux les plus connus en RDC, nous pouvons
citer Facebook, Twitter et Whatsapp. Nous pouvons aussi considérer
Youtube comme un réseau social puisqu’il a développé des outils
d’interactions entre ses membres.

23
Voir en ligne, à l’adresse : <http://www.futura-sciences.com/fr/definition/t/
informatique-3/d/reseau-social_10>.
24
Voici une vidéo de quatre minutes qui explique le concept en détail, voir à l’adresse :
<http://mediassociaux.eureka.ntic.org/
display_lo.php?oai_id=oai%3Aeureka.ntic.org%3A4dd4194e506a12.77745155>.
25
Christophe DUBOIS, Catherine CHATET et Aude THEPAULT (CNDP d'Aquitaine), Dossier :
« Les réseaux sociaux en CDI », dossier réalisé en aout 2011, disponible sur le site du
Centre National de Documentation Pédagogique (CNDP), en ligne :
<http://www.cndp.fr/savoirscdi/cdi-outil-pedagogique/reflexion/les-reseauxsociaux-au-
cdi.html#c6850>
26
Voir en ligne, à l’adresse : <http://www.cndp.fr/savoirscdi/cdi-outil-pedagogique/
reflexion/les-reseaux-sociaux-au-cdi.html>

342
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

Le réseau Facebook a été créé en 2004 par Mark Zuckerberg27 dans


sa chambre d’étudiant à Harvard. Les deux tiers de l’école s’inscrivent en
deux semaines28. Facebook est le plus connu parmi tous les réseaux
sociaux, mais aussi le plus utilisé à ce jour. Dans l’ouvrage, « Facebook, on
s’y trouve », Éric Delcroix et Alban Martin définissent Facebook comme :
« [U]n site dit communautaire, permettant de maintenir et de
tisser des liens entre individus. Il s’agit d’une boite à outils sociale,
en quelque sorte, qui peut servir à la fois personnellement et
professionnellement (jouer, se divertir, faire des rencontres,
trouver des bons plans) et professionnellement (acheter, vendre,
collaborer, organiser des évènements, se former, faire de la
publicité) ».
Fondé sur la théorie des six degrés de séparation29 de Frigyes
Karinthly et sur celle des réseaux de Dunbar et Mayfield30, Facebook
rassemble aujourd’hui plus de soixante-dix millions d’individus,
Le deuxième réseau social le plus répondu est Twitter. Le site
Twitter est
« [U]n service de micro-blogging. Cet outil de réseau social
permet d'envoyer des messages de 140 caractères maximum à
partir de son espace membre. A l'inverse, vous pouvez consulter
les messages des personnes que vous suivez. Cet outil de réseau

27
Mark Elliot Zuckerberg, né le 14 mai 1984 à White Plains (New York) est informaticien
et chef d’entreprise américain. Il est le fondateur du site internet de réseautage social
Facebook, dont il est le président-directeur général.
28
Éric DELCROIX et Alban MARTIN, Facebook, on s’y retrouve, Paris, Pearson Éditions,
2008, p.5.
29
Les six degrés de séparation est une théorie établie par le hongrois Frigyes Karinthy en
1929 qui évoque la possibilité que toute personne sur le globe peut être reliée à
n'importe quelle autre, au travers d'une chaine de relations individuelles comprenant au
plus cinq autres maillons.
30
Robin Dunbar est un anthropologue anglais, qui a émis comme hypothèse une limite
imposée au nombre d'individus ayant des relations stables au sein d'un groupe. Il a ainsi
prédit que 147,8 était la taille moyenne d'un groupe d'humains cohérent. Plus tard, ce
calcul a été adapté aux réseaux sociaux en ligne, notamment par Ross Mayfield. La
théorie a évolué, amenant ainsi à limiter à 150 la taille limite d'un groupe cohérent
d'individus, taille en deçà de laquelle il n'est pas nécessaire de développer d'efforts
supplémentaires afin d'assurer la cohésion du groupe. Une sorte de limite de retour sur
investissement.

343
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

social permet d'améliorer la communication, cela devient en


quelque sorte un média social»31.
Twitter est « un outil de réseau social et de microblogage qui
permet à l’utilisateur d’envoyer gratuitement des messages, bref, appelés
tweets (« gazouillis »), par Internet, par messagerie instantanée ou par
SMS »32.
Parler de l’Internet et des réseaux sociaux et leur relation avec la
démocratie nécessite également de mentionner le terme blog. Dans
l’ouvrage, Les Blogs – Nouveau média pour tous33, Benoit Desavoye
commença sa définition par ces mots : « Définir un blog n’est pas simple.
La multitude de définitions existantes en est la preuve. L’origine de cette
difficulté est que les blogs sont à la fois un outil et un phénomène aux
facettes multiples. Que l’on s’attache au fond ou à la forme, et la définition
variera rapidement». Pour lui, un blog est « un outil de publication
permettant à n’importe quel internaute de mettre en ligne des textes et
des images aussi facilement qu’il le ferait avec un logiciel de traitement de
texte »34.
Le terme Blog est « une abréviation de weblog, qui peut se traduire
par « journal sur Internet ». Défini souvent comme un site personnel, il
s’agit d’un espace individuel d’expression, créé pour donner la parole à
tous les internautes (particuliers, entreprises, artistes, hommes politiques,
associations,…etc.)»35.
2 La nature juridique des réseaux sociaux
D’entrée de jeux, il sied de préciser qu’en droit congolais il n’existe
pas encore jusqu’à la rédaction de cet article une loi sur l’usage des
réseaux sociaux moins encore de l’internet sous format de l’usage actuel.
De ce fait, nous constatons que les lois congolaises ont besoin d’une cure
de jouvence, mais du moins, pour des besoins scientifiques, nous ferons

31
Voir en ligne, à l’adresse : <http://glossaire.infowebmaster.fr/twitter/>
32
Voir en ligne, à l’adresse : <http://democratie.exprimetoi.net/t821-twitter-un-outil-de-
reseau-social>
33
Benoit DESAVOYE, Christophe DUCAMP, Xavier DE MAZENOD et Xavier MOISANT, Les
Blogs – Nouveau média pour tous, s.l., M21 Éditions, 2005, p.18.
34
Id.
35
Voir en ligne, à l’adresse : <http://www.overblog.com/offres-blog/definition-blog.php>

344
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

recours à la méthode comparative36 qui nous permet de faire une étude


sur la nature juridique des réseaux sociaux dans d’autres législations
comme celles France et d’autres États d’Afrique de l’Ouest étant du même
système juridique (Romano-germanique) que la RDC.
Pour notre part, il nous semble très difficile de qualifier
juridiquement un réseau social. Et pour y arriver tout d’abord, selon nous,
il faut distinguer le réseau, qui est, en quelque sorte, le service rendu, de
l’entreprise, prestataire de ce service. Ainsi, quand on parle de Facebook,
par exemple, on peut vouloir parler du réseau lui-même, dont l’adresse est
: www.facebook.com, ou de la société Facebook (Facebook, Inc.) dont le
siège social se trouve à Palo Alto en Californie au États Unies d’Amérique
et qui est dirigée par Mark Zuckerberg. Or, ce qui nous intéresse dans le
cadre de cet article ce sont les réseaux sociaux, eux-mêmes, et non la
société qui les contrôle même si, bien évidemment, on ne peut évoquer
l’un sans faire allusion à l’autre. Et, quand nous envisagerons la question
du droit de la responsabilité, c’est bien la société exploitant le réseau qui
est concernée. Mais, quand nous évoquons la difficulté à qualifier
juridiquement un réseau social, nous envisageons bien le réseau lui-
même, et non la société qui l’exploite. En effet, qualifier juridiquement la
société qui exploite un réseau social ne pose pas de grande difficulté. Si
nous prenons de nouveau l’exemple de Facebook Inc., il s’agit d’une
société américaine non cotée, « incorporée » dans l’État de Californie.
Pour ce qui est de son statut, une décision du Tribunal de grande instance
de Paris37 a confirmé ce que beaucoup d’auteurs avaient présagé, à savoir
que Facebook a la qualité de prestataire technique de service de
communication au public en ligne assimilable à un hébergeur alors qu’en
droit congolais la loi cadre de 2002 sur les télécommunications ne fait
aucunement mention d’un droit réservé aux hébergeurs des sites internet.

36
La méthode comparative, est une méthode de droit qui nous permet de faire une
comparaison qui peut s’effectuer entre les sources primaires et secondaires de deux
systèmes juridiques à comparer : d’un côté, le système juridique international et régional
et, de l’autre, le système juridique national. Elle peut également s’effectuer entre les
différentes familles juridiques, notamment entre la famille romano-germanique et celle
de la Common law (anglo-saxonne). Lire à ce sujet, Pierre Félix KANDOLO ON’UFUKU WA
KANDOLO, Guide Kandolo. Méthodes et règles de rédaction d’un travail de recherche en
droit, Mauritius, éditions Universitaires Européennes, 2018, p.287.
37
TGI Paris, 20 avril 2010, RLDI 2010/61 n°2019 cité par J. COUARD, « Facebook est un
prestataire technique de services de communication au public en ligne assimilable à un
hébergeur de sites » (2010) 64 RLDI.

345
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

Il sied de souligner la différence qui existe entre les hébergeurs et


les éditeurs au sein des services de communications au public en ligne. Les
hébergeurs sont définis comme « […] les personnes physiques ou morales
qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par
des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux,
d’écrits, d’images, de sons ou de message de toute nature fournis par des
destinataires de ces services »38. Tandis que les éditeurs peuvent être
déterminés comme « […] les prestataires qui ont le pouvoir de déterminer
les contenus mis à la disposition du public »39. À l’analyse de ces
définitions, on comprend pourquoi il était crucial pour les entreprises de
réseaux sociaux d’obtenir la qualification d’ « hébergeurs », car leur
régime de responsabilité est, en effet, bien moins contraignant que s’ils
avaient la qualification d’éditeurs de contenus. L’idée est que les
hébergeurs ne peuvent pas, a priori, avoir connaissance du caractère
éventuellement illicite des contenus que leurs utilisateurs, les éditeurs,
mettent en ligne. Et, le législateur européen a reconnu qu’il leur était
impossible de contrôler tous les contenus avant la mise en ligne. Par
conséquent, il a été décidé de ne pas les décharger complètement de
toute responsabilité, mais de limiter cette responsabilité aux cas où ils
avaient connaissance du caractère illicite d’un contenu et n’ont pas agi
suffisamment rapidement pour le retirer.
En revanche, si cette qualification d’hébergeur s’applique aux
sociétés exploitant un tel réseau (réseau social), elle ne répond pas à notre
question initiale, celle de savoir : quelle est la nature juridique des réseaux
sociaux ? En effet, en l’absence de réglementation spécifique aux réseaux
sociaux en droit congolais, pour déterminer quel régime juridique leur
appliquer, il faut déterminer leur nature juridique. Pour cela, nous allons
les comparer à un certain nombre d’objets dont on connait la nature
juridique et le régime, pour essayer de déterminer s’ils sont suffisamment
similaires pour que l’on puisse appliquer leur régime aux réseaux sociaux
ainsi nous procèderons par une approche comparative.
Pour déterminer le régime juridique applicable aux réseaux
sociaux, nous allons comparer les éléments dont le support électronique
est plus traditionnel tels que la presse écrite. Par-là, nous voulons

38
Cette définition est tirée de l’article 6 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la
confiance dans l'économie numérique (LCEN), prise à la suite de la directive « commerce
électronique », Directive n° 2000/31/CE du 8 juin 2000 de l’union européenne.
39
J. COUARD, préc., note 37

346
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

répondre à la question de s’il est possible de comparer la page personnelle


d’un individu sur un réseau social à un journal traditionnel ? Il faut
observer que la presse congolaise est soumise à un régime particulier
consacré notamment par la Loi n°96-002 du 22 juin 1996 fixant les
modalités de l’exercice de la liberté de presse40, mais aussi par
l’Ordonnance n°81-050 du 2 avril 1981 portant création et statuts d’un
établissement public dénommé Office de radiodiffusion et de télévision41
et l’Ordonnance-loi n°81-012 du 2 avril 1981 portant statuts des
journalistes œuvrant en RDC42.
Bien qu’il n’est pas question, pour éviter de nous écarter de notre
sujet, d’analyser dans cette réflexion le régime juridique de la presse, il y a
néanmoins lieu de préciser, avec Gérard Cornu, les contours du terme
« presse ». Selon ce dernier auteur, la presse peut être entendue comme
un « […] ensemble des moyens d’information quel qu’en soit le mode
d’expression »43. Cette définition, extrêmement large recouvre beaucoup
d’activités. S’y référant, l’on peut être tenté d’envisager les réseaux
sociaux comme faisant partie des organes de presse. En effet, il est vrai
que l’utilisateur des réseaux sociaux a le statut d’éditeur car il publie
régulièrement des photos, des vidéos, des commentaires voire parfois des
notes. Cette publication est, en général, limitée à ses « amis » voire « aux
amis de ses amis ». Mais, il est vrai qu’à l’intérieur de ce cercle, qui peut
être plus ou moins limité, chaque utilisateur agit comme un journaliste qui
reçoit des informations de ses sources et des agences de presses et les
publie. On pourrait dès lors concevoir un réseau social (Facebook ou
Twitter notamment) comme un organe de presse où tous les utilisateurs
seraient des journalistes qui s’échangeraient des informations entre eux.
Pour notre part, les réseaux sociaux, bien que phénomène récent,
empruntent beaucoup de caractéristiques à la presse. Mais nous
constatons qu’ils entrent dans le champ d’application de la loi fixant les
modalités de l’exercice de la liberté de presse. Mais quelle est la
problématique liée aux réseaux sociaux ?

40
J.O.R.Z., n° spécial, août 1996, p. 5.
41
J.O.R.Z., n° 8, 15 avril 1981, p. 41.
42
Id., p. 14.
43 e
Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, 8 édition, Paris, LGDJ., p. 713.

347
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

3 Problématique juridique liées aux réseaux sociaux


Parmi les problèmes juridiques posés par les réseaux sociaux,
beaucoup sont liés aux droits de la personnalité qui doivent être entendus
comme des « droits inhérents à la personnalité humaine, droits
inaliénables qui appartiennent à toute personne physique pour la
protection de ses intérêts primordiaux »44. Parmi ces droits, il y a le droit à
la vie, à l’intégrité physique ou encore le droit au respect de la vie privée.
Ces droits sont tout particulièrement mis à l’épreuve par l’existence même
des réseaux sociaux et par leur mode de fonctionnement. Ainsi, beaucoup
reste encore à faire aussi bien dans le domaine du respect de la vie privée
que dans celui de la détermination de la nature de la liberté d’expression
et de ses nécessaires limites dans le cadre de l’utilisation de ces réseaux.
D’où, dans cette partie de notre réflexion, nous analysons notamment les
droits lié au respect de la vie privée, la partie relative à la liberté
d’expression sur les réseaux sociaux sera analysée au point II du présent
article. Lorsqu’on parle du respect de la vie privée, il faut faire allusion au
droit à l’image (a), au droit d’auteur (b) au droit à l’oubli (c), considérés
comme les véritables assises de ce droit.
a Le droit à l’image
La notion du droit à l’imagine a pour base le droit de la
personnalité. Ce droit est organisé tant par les traité et accords
internationaux que par la constitution et les lois. En fait partie, le droit de
passage, le droit à l’intégrité physique, qui inclut le droit à la vie privée, le
droit à l’intégrité morale et le droit à l’image. Le droit à l’image confère, en
effet, d’une part le droit de s’opposer à toute prise ou diffusion et, d’autre
part, le droit d’exploiter son image45. Il permet à son titulaire d’autoriser
ou d’interdire la diffusion de son image. Cependant, dans certaines
situations, le droit à l’image connaît des restrictions. C’est le cas de
prendre l’image des personnalités publiques, l’image captée dans un lieu
public, etc.
Il faut toutefois noter que, dans tous les cas de figure, lorsque nous
sommes devant un journaliste, son devoir professionnel l’oblige de livrer

44
Id., p.679.
45
Vinny KOYAGIALO KONYELO, La liberté de la presse et ses limites en droit congolais,
mémoire de Licence en droit, Faculté de droit, Kinshasa, Université Protestante au Congo,
2013, en ligne : <http://memoireonline.com>

348
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

des informations vérifiables et, dans certaines circonstances, avec


l’autorisation du concerné. Malheureusement, les journalistes des réseaux
sociaux ou de l’internet n’ont pas encore un code de conduite moins
encore une éthique à respecter. Pour cela, nous estimons qu’en diffusant
l’image d’un individu à la télévisons et/ou sur internet sans son
consentement, il y a une atteinte aux droits de la personnalité. Sous cet
angle, les droits de la personnalité constituent une limite à la liberté des
médias traditionnels et même à celle des médias sociaux.
b Droit d’auteur
Il ne s’agit pas ici de faire d’une étude exhaustive du droit d’auteur
mais simplement de comprendre son fonctionnement et en quoi il peut
être mis en cause dans l’utilisation des réseaux sociaux.
Le droit d’auteur est fondé sur la notion d’ « œuvre de l’esprit ».
Cette notion, bien qu’au cœur de la matière, n’est pas définie dans notre
loi sur la propriété intellectuelle46. Par un souci de simplification, nous
allons nous servir de la définition que donne Gérard Cornu, celle qui
consiste à considérer le droit d’auteur comme une « […] création de
l’esprit empreinte d’originalité […] »47. Cette définition est clarifiée par la
Loi congolaise qui énumère les éléments du droit d’auteur. En effet, selon
l’article 2, alinéa 2 de la loi sur la propriété intellectuelle, les éléments du
droit protégé sont : « les inventions, les dessins et modèles industriels, les
signes distinctifs, les dénominations commerciales et géographiques ainsi
que les enseignes peuvent faire l’objet d’un titre de propriété industrielle
appelé, selon le cas, brevet ou certificat d’enregistrement ». De cette
manière, toute œuvre de l’esprit est protégée, d’une part par un droit
moral attaché à la personne de l’auteur, perpétuel, inaliénable,
imprescriptible, opposable à tous, discrétionnaire et d’ordre public et,
d’autre part, par des droits patrimoniaux exclusifs, temporaires et
cessibles. Or, l’on remarque que régulièrement un certain nombre
d’œuvres de l’esprit circulent sur les réseaux sociaux.
Il faut néanmoins chercher à déterminer quels sont les
comportements qui vont à l’encontre de la protection de ces œuvres et
quels sont les comportements autorisés et qui ne portent pas atteinte à la
propriété intellectuelle ?

46
En R.D.Congo cette matière est régie par la loi n°82-001 du 7 janvier 1982.
47
G. CORNU, préc., note 43, p.633.

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(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

La première situation à envisager est celle de l’auteur de l’œuvre


de l’esprit qui décide de publier son œuvre sur un réseau social. Prenons
l’exemple d’un utilisateur qui décide de publier ses dessins sur Facebook.
À ce niveau, quelques questions suscitent notre attention : l’auteur de
l’œuvre perd-t-il toute prérogative sur son œuvre publiée sur un réseau
social ? Peut-il revenir sur sa décision de publication ? Un tiers peut-il «
réutiliser » l’œuvre publiée dans ces conditions ? Tout d’abord, il faut
noter que le droit de divulgation, c’est-à-dire le « don de l’œuvre au public
»48, est une prérogative du droit moral de l’auteur. Par conséquent,
l’article L121-2 du code français de la propriété intellectuelle précise que :
« L'auteur a seul le droit de divulguer son œuvre. […] il détermine le
procédé de divulgation et fixe les conditions de celle-ci ». Pour revenir à
notre exemple, non seulement l’auteur des dessins a le droit de les publier
sur Facebook ce qui a pour effet de les divulguer mais il est le seul à avoir
ce droit et il choisit aussi le procédé de divulgation. Ainsi, non seulement
un tiers ne peut pas divulguer les dessins sans son accord mais s’il décide
de les divulguer en les publiant sur Facebook, un tiers ne peut pas, sans
son accord les publier sur un autre réseau comme Twitter, par exemple.
On pourrait par ailleurs discuter sur le fait de savoir si la publication
d’une œuvre sur un réseau est une « divulgation ». À cette préoccupation,
la jurisprudence française s’est interrogée sur la question de savoir si la
communication de l’œuvre à un cercle restreint de personnes ou à un ami
devait être considérée comme une divulgation49. On se demande
également si la publication sur un réseau social est une mise à disposition
du public ? Comme dans les autres cas que l’on a étudiés jusqu’ici, tout
dépend des paramètres de confidentialité de la personne sur le réseau.
Toutefois, il faut noter que dans ce cas-ci, un autre paramètre semble
attirer l’attention de la jurisprudence50 : la volonté de l’auteur. Mais il faut
considérer, comme cela sera le cas dans 90%, que la publication d’une
œuvre sur un réseau conduit à sa divulgation. On s’interroge alors sur les
conséquences de cette divulgation.
La divulgation d’une œuvre n’entraîne évidemment pas la perte de
toute prérogative de l’auteur sur l’œuvre, au contraire, on pourrait même
dire que le droit d’auteur commence réellement à s’appliquer au moment

48
Olivier LALIGANT, La divulgation des œuvres artistiques, littéraires et musicales en droit
positif français, Paris, LGDJ, 1983, p.49.
49
CA Paris, 1er septembre 2001.
50
TGI Paris, 17 février 1999.

350
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

de la divulgation. En effet, même si théoriquement, une œuvre est


protégée dès sa création, dans les faits, avant qu’elle ne soit divulguée, la
question du droit d’auteur se pose peu. C’est à partir de sa divulgation
qu’il faut se situer pour parler du droit d’auteur.
c Le droit à l’oubli
Cette notion est une création prétorienne de plusieurs juridictions
européennes et françaises en particulier. Ce droit peut être défini comme
le principe selon lequel « toute personne qui s'est trouvée associée à un
événement public, même si elle en a été le protagoniste, est fondée à
revendiquer un droit à l'oubli et à s'opposer au rappel d'un épisode de son
existence »51. Ce droit à l’oubli, qui est un droit de la personnalité, vise à
protéger la vie privée des individus qui, à un moment de leur existence, se
sont retrouvés impliqués dans un événement qui a été médiatisé.
L’idée des juges qui ont créé ce droit est que, si au moment des
faits, par exemple au cours d’un procès, des éléments concernant la vie
privée d’un individu peuvent être rendus publics sur les réseaux sociaux au
nom du droit à l’information, cette exception est liée à « l’actualité » de
ces faits. Par conséquent, quand, des années plus tard, une personne
décide de publier de nouveau ces mêmes informations, la personne
concernée, qui ne pouvait empêcher leur parution à l’époque des faits,
pourrait s’y opposer au nom du « droit à l’oubli ». Ainsi, toute publication
de telles informations après le temps d’actualité doit être faite avec
l’accord du concerné, sinon, l’auteur de cette publication portera atteinte
au droit à l’oubli et donc supportera les conséquences de la publication
faite. Comment sont protégés tous ces droits en République démocratique
du Congo à l’ère des réseaux sociaux et, surtout, les droits dits de l’homme
?

II LES DROITS DE L’HOMME À L’ÈRE DES RÉSEAUX SOCIAUX EN


RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, tout homme


peut dorénavant s'adresser directement à tout autre homme et se hausser
individuellement au niveau de l'universel. Chacun peut à l'instant devenir
l'interlocuteur de tout autre et jouer un rôle positif dans la consolidation

51
TGI Paris, 25 mars 1987 : D. 1988, somm. p. 198, cité par Marine DE MONTECLER, Le
droit à l’heure des réseaux sociaux, Mémoire de recherche, Paris, HEC Paris, 2011, p.37.

351
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

de la communauté humaine. De l'universalité abstraite des premiers


principes des droits de l'Homme, nous sommes passés, en quelques
générations, à leur possible universalisation. L’humanité peut désormais
se porter garante de la protection des droits de tout homme, et, à ce titre,
l'appropriation de la Toile par les citoyens du monde constitue une étape
véritablement révolutionnaire dans l'appropriation des droits de l'homme
eux-mêmes52. Mais quel est l'état de lieux de l'exercice des droits de
l'homme sur les réseaux sociaux en RDC (A) et quel est l’impact des
réseaux sociaux face au respect des droits de l’homme (B) ? Telles sont les
deux questions auxquelles nous nous efforcerons de proposer des
réponses dans cette partie de notre réflexion.

A L’état de lieux de l'exercice des droits de l'homme sur les réseaux


sociaux

Grâce à l’Internet, la barrière entre l'homme et la communauté


humaine est effectivement sur le point de tomber, ce qui permettrait à
chaque être humain de vivre dans un monde un peu plus libre, et un peu
plus fraternel. L’Internet rend possible et encourage le partage d’une
éthique des droits de l’homme par tous les hommes. Il est sans doute un
outil extrêmement important dans la diffusion des droits de l’homme à
l’échelle mondiale. Pourtant, plusieurs violations aux droits de l’homme
découlent de l’utilisation de l’Internet53, comme par exemple, la
pédophilie et la protection des mineurs, le droit d’auteur, l’accès à
l’information, la liberté d’expression, la protection des données
personnelles, ou la protection de la vie privée54. Malgré les efforts
étatiques et internationaux, la réponse à ces violations semble difficile
dans la mesure où l’Internet apparaît comme un espace qui échappe à
toute autorité étatique.

52
Marc AGI, « Les droits de l'homme et Internet », étude élaborée par l’Académie
internationale des droits de l'Homme, disponible en ligne :
<http://www.educnet.education.fr/legamedia/droits-homme/default.htm (consulté le 20
juin 2018).
53
Voir à cet égard, UNESCO, Droits de l’homme dans le cyberespace, UNESCO, Economica,
mars 2005.
54
Agathe ALEPAGE, « Les droits de personnalité confrontés à l’Internet », dans Rémy
ème
CABILLAC et al. (dir.), Libertés et droits fondamentaux, 12 éditon, Paris, Dalloz, 2006, p.
227-254, à la page 228.

352
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

En RDC, l'utilisation des TIC ne cessent de croître. Dans un pays de


plus de 80 millions d'habitants55 où le taux de pénétration de la téléphonie
mobile s'établit à 56% et continue de croître de façon exponentielle dans
ce pays d'Afrique centrale, mais le taux de pénétration de l'Internet reste
l'un des plus bas sur le continent : 4,2%56. Il y a cinq opérateurs de
télécommunications principaux offrant des services d’appels et des
données – Vodacom, Airtel, Orange, Africell et Standard Telecom – dont la
plupart d’entre eux fournissent l'accès à la connectivité 3G également. En
mi-2016, il y avait plus de 53 fournisseurs d’Accès Internet (FAI)
répertoriés dans le pays57, bien que la plupart des lois et législations
congolaises régissant les communications numériques soient en brouillon.
Ce qui est inquiétant, ce que le pays continue également à enregistrer des
violations croissantes des libertés sur Internet pendant que le nombre
d'utilisateurs des TIC augmente alors que les articles 23, 24 et 25 de la
Constitution garantissent aux citoyens le droit à la liberté d'expression,
d'information et d'association.
En l’absence de lois traitant des problèmes spécifiques de
participation des citoyens à l’internet, la loi-cadre n°013/2002 sur les
Télécommunications58 et la Loi 014/2002 établissant l'Autorité de
Régulation59 sont les principales lois ayant une incidence sur les libertés
sur Internet car elles contiennent diverses dispositions sur la vie privée en
ligne, la protection des données et la surveillance. En l’occurrence, l'article
52 de la Loi-cadre n°013/2002 sur les Télécommunications dispose
que : « La confidentialité de tout email envoyé au travers les services des
télécommunications est garantie par la loi. Cette confidentialité ne peut
être violée que par l'autorité publique lorsque cela est nécessaire pour
l'intérêt public tel que décrit dans la loi ». Cependant, il n'existe pas de

55
NATIONS UNIES, « République Démocratique du Congo profil du pays », en ligne :
<http://dat.un/org/CountryProfile.aspx?crName=democratic%20republic%20the%2àcong
o>.
56
“BuddeComm, Democratic Republic of Congo – Telecoms, Mobile and Broadband –
Statistics and Analyses”, en ligne : <https://www.budde.com.au/Research/Democratic-
Republic-of-Congo-Telecoms-Mobile-and-Broadband-Statistics-and-Analyses>.
57
« Fournisseur d'accès Internet (FAI) au Congo », en ligne : < http://www.pagesclaires.
com/fr/Activites/Fournisseur-d-acces-Internet-FAI>.
58
Voir la loi, en ligne : <http://www.daldewolf.com/documents/document/20151
125094235-25_loicadre_n%C2%B0_013_
2002_du_16_octobre_2002_sur_la_t%C3%A9l%C3%A9communication.pdf>.
59
Voir la loi, en ligne : <http://unpan1.un.org/intradoc/groups/public/documents/
unpan/unpan034864.pdf>.

353
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

définition explicite de ce que signifie réellement l' « intérêt public », ce


qui, à notre avis, donne souvent ouverture à des abus du pouvoir public.
Mais nonobstant cette liberté attribuée au pouvoir public pour garantir
l’ordre public, l'article 54 de la Loi-cadre n°013/2002 prévoit que
l'interception des communications est interdite « sans autorisation
préalable du procureur général ». Tandis que l'article 55 explique ce qui
pourrait motiver cette autorisation et dispose que « seules les nécessités
de l'information motivées par les besoins de la manifestation ultime de la
vérité dans un dossier judiciaire peuvent autoriser le Procureur général de
la République de prescrire l'interception, l'enregistrement et la
transcription des correspondances émises par voies de
télécommunications ». Cependant, l'expression vérité ultime est ouverte à
l'interprétation erronée et à l'abus. Les articles 57 et 58 de la Loi-cadre
n°013/2002 prévoient un contrôle judiciaire dans la conduite de la
surveillance des communications. En conséquence, le procureur général
doit nommer un magistrat qui, à son tour, approuve un agent qualifié pour
procéder à l'interception. Le magistrat doit détailler les procédures de
chaque interception et soumettre le rapport au procureur général60. Selon
les articles 59 à 60, dans des circonstances exceptionnelles, le Ministre de
l’intérieur peut accorder l'autorisation d'interception sur proposition écrite
du Ministre de la Défense et du Chef des services de renseignements.
Outre la collecte de renseignements sur la sécurité nationale,
l'interception peut également être autorisée en vue de protéger les
éléments essentiels du potentiel scientifique, économique et culturel de la
RDC. La prévention de la criminalité et de la délinquance organisée est
également une des raisons qui peuvent motiver l'interception de la
communication « dans des circonstances exceptionnelle s», selon l’Article
59 de la Loi-cadre. Selon l'Article 56, l'autorisation pour des motifs
exceptionnels ne peut pas durer plus de six mois, mais peut être
renouvelée si les conditions demeurent inchangées.
L'article 46 de La loi-cadre accorde au gouvernement le droit
d'interdire l'utilisation des installations de télécommunication soit pour la
sécurité nationale, soit pour « tout autre motif ». Conformément à l'article
4 du décret n°1-6 du 25 février 1961 sur les questions qui concernent la
sécurité nationale, le refus de respecter un tel ordre dans des
circonstances exceptionnelles, telles que les situations d'urgence,

60
Voir Article 57 et 58 du cadre de loi 013/2002.

354
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

constitue une « présomption de culpabilité ». Lorsque la sécurité nationale


est citée, tous les opérateurs de téléphonie mobile et les Fournisseurs
d’accès Internet (FAI) sont obligés de se conformer à cette loi.
Cependant, toute personne, y compris les agents de l'État, qui viole
la vie privée des utilisateurs de télécommunications risque six mois de
prison et/ou une amende de 100 000 francs congolais (près de 63$ US),
comme indiqué aux articles 71-73 de la loi-cadre n°013/2002. Ceux qui
perturbent ou bloquent l'utilisation des services publics de
télécommunications courent le risque de payer une amende de 5 000
francs congolais (près de 3$ US).
La loi n°14/2002 instituant l'Autorité de régulation de la Poste et
des télécommunications du Congo (ARPTC) accorde au gouvernement, en
particulier au législateur, le droit de « procéder à des visites sur place,
d'effectuer des enquêtes et de collecter toutes les données nécessaires »
de la part des fournisseurs de services de télécommunications. Cette loi
autorise le gouvernement à « collecter toutes les données nécessaires »
auprès des entreprises de télécommunications, en cas de besoin. Il faut
néanmoins noter que la RDC ne dispose pas d'une loi spécifique sur la
protection des données en dehors de l'article 21 b) de la loi-cadre
n°013/2002 qui mentionne seulement que les opérateurs télécoms sont
soumises à une certaine confidentialité et neutralité quant au contenu des
messages échangés par leurs clients.
L'article 7 d’un arrêté ministériel de 201561 confie aux entreprises
de télécommunication la protection de la vie privée de leurs abonnés,
mais le libellé est vague et trop permissif pour les acteurs étatiques. Par
exemple, si la sécurité nationale ou une affaire judiciaire est citée, cet
article permet aux « autorités », à savoir les ministères et autres
organismes, de violer la vie privée des abonnés, sans aucune
documentation ou consentement du procureur général. L'article 11 du
même arrêté oblige les entreprises de télécommunication à envoyer des
données collectées sur l'identité des abonnés aux services
gouvernementaux avant de les supprimer de leur serveur. Cela permet
une surveillance facile par l'État. L'arrêté ministériel a été promulgué pour
faire appliquer l'enregistrement obligatoire de la carte SIM par tous les
abonnés des réseaux de télécommunication, une mesure qui a suscité des

61
Voir, en ligne : <http://www.leganet.cd/Legislation/Droit%20economique/tele
communication/AIM.19.05.2015.html>.

355
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

critiques de la part des militants des droits de l’homme, mais le


gouvernement n'a pas changé sa position62. Quoi qu’il en soit, l'article 31
de la Constitution et les articles 52 et 53 de la Loi-cadre n°013/2002
garantissent le droit à la vie privée à tout citoyen de la RDC.
Les agences gouvernementales qui peuvent « légalement »
surveiller les communications des citoyens comprennent l'Agence
Nationale de renseignements (ANR), créée en vertu du décret n°003-2003,
ayant pour mandat de rechercher, de centraliser, d'interpréter, d'utiliser
et de diffuser des informations politiques, diplomatiques, stratégiques,
culturelles, scientifiques et d'autres informations intéressantes sur la
sécurité intérieure et extérieure de l'Etat63 ; la Détection militaire des
activités anti-patries (DEMIAP), qui est le service de renseignement
militaire, a été utilisé pour réprimer l'opposition et le Conseil Supérieur de
l’Audiovisuel et de la Communication (CSAC) créé en vertu de l'article 212
de la Constitution en charge de la réglementation des médias.
De ce qui précède, pour dresser un état de lieux complet sur le
respect des droits de l’homme sur les réseaux sociaux, il faut aborder la
situation de liberté d’expression sur les réseaux sociaux (1) car étant
jusqu’à présent les droits de l’homme le plus mise en exergue en RDC,
surtout lorsqu’on fait référence aux réseaux sociaux. Il faut également
aborder le point relatif aux coupures de l’internet comme moyen
d’étouffement des incidents politiques provoqués ou émanés de la
population (2).
1 La liberté d’expression sur les réseaux sociaux
La « liberté d’expression », est garantie par la Déclaration
Universelle des Droits de l’Homme de 1948, en son article 19 : « Tout
individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le
droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de
recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations
et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit ». La liberté

62
ASSSOCIATION CONGOLAISE POUR L’ACCÈS À LA JUSTICE (ACAJ), « Respect de la vie
privée en télécommunications », en ligne : <https://acaj-asbl.org/2015/12/29/respecter-
le-secret-descorrespondances-emises-par-la-voie-de-telecommunications-communique-
de-presse/>.
63
Voir la loi régissant le servie national de renseignement, en ligne :
<http://www.droitcongolais.info/files/4.69.7_decret-loi__agence_nationale_de_ren
seignemen.pdf>.

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(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

d’expression « permet à chacun d’exprimer librement ses idées par tous les
moyens qu’il juge appropriés (ex : livre, film). Elle implique donc la liberté
de la presse et, aujourd’hui, la liberté de la communication
audiovisuelle »64.
Pour notre part cette définition est en réalité très restrictive,
puisqu’elle ne prend pas en compte un phénomène de société récent,
l’apparition des « nouvelles technologies ». Car la liberté d’expression peut
se concrétiser aussi par le biais de l’Internet, sur des forums, sur des
réseaux sociaux, sur son propre blog, etc. Aujourd’hui, en RDC, nous
pouvons dire que l’Internet est en effet le seul support possible de libre
expression pour les citoyens. En dehors de l’internet, il suffit de passer en
revue tous les modes d’expression traditionnels65 possibles pour
comprendre qu’en réalité la libre expression est impossible, sauf si on
enfreint la loi.
Le support qu’utilisent les internautes en RDC est souvent le
Smartphone, plus que l’ordinateur. Mais que ce soit sur Smartphone ou
sur ordinateur, la transmission de la parole et de l’opinion de l’internaute
se fait de toute façon sur les réseaux sociaux, qui peuvent être de toute
nature, par l’intermédiaire de la rédaction d’articles ou par les
commentaires laissés sur son compte ou sur le compte d’un autre. Toute
personne peut le faire, un simple citoyen lambda, un membre de
l’administration, un journaliste, ou même un étranger. Les réseaux sociaux
sont donc devenus un système qui permet à tout utilisateur d’être lui-
même éditeur de contenus, de commenter ou de modifier des contenus
mis en ligne par d’autres utilisateurs ou encore, et c’est la particularité des
réseaux sociaux, d’obtenir des contenus et des messages par le simple fait
d’appartenir à une communauté.
La doctrine considère des réseaux sociaux de « medias sociaux ».
Comme un media stricto sensu repose en effet sur une multitude de
signifiants, il peut être perçu comme un outil de communication, un
moyen d’information et d’éducation, mais il possède également une

64
Selon le site en ligne : <www.vie-publique.fr>.
65
Avant l’apparition d’Internet, les formes d’expression possibles étaient les moyens de
diffusion naturels (l’écriture, le langage, l’affiche, les journaux), ou techniques (la
télévision, la radio, le cinéma).

357
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

fonction de distraction66. En outre, l’idée de contenant et de contenu est


significative pour la garantie d’une société démocratique.
L’histoire a en effet pu démontrer que les réseaux sociaux ont pu
donner une pleine efficacité à la liberté d’expression lors du printemps
arabe. En effet, ces derniers ont permis de réunir en masse des individus
voulant contester le régime mis en place et de prôner la démocratie. Ces
nouveaux moyens de communication ont donné la possibilité aux
opposants du régime de se rassembler pour manifester. De plus, le réseau
social est également un outil du collectif. Et cette aidée nous pouvons la
retrouver sur Facebook, par lequel il peut-être créés des groupes ou des
pages dans lesquelles il est possible de traiter d’un sujet important. Le
réseau social se retrouve comme étant un outil du marketing, puisqu’il
permet à des individus ou entités reconnues de diffuser plus largement les
informations souhaitées. Les réseaux sociaux peuvent aussi véhiculer un
symbole démocratique de liberté d'expression à travers un nouveau mode
de campagne utilisé par les politiques.
En effet, il est possible de constater depuis quelques années, et
notamment au regard de la campagne présidentielle en RDC de décembre
2018, que les politiciens utilisent les réseaux sociaux en vue de réaliser
leur propre campagne. Il est intéressant de noter que certaines chaines de
télévision de radio ont une orientation politique différente, voir favorisent
un candidat. Dans ce contexte, les réseaux sociaux peuvent permettre aux
candidats ayant des budgets moins importants de faire parler d’eux
directement sur leur compte Facebook ou Twitter. De cette manière, les
medias sociaux garantissent aussi une pluralité d’opinions. En outre, les
réseaux sociaux peuvent être le support d'une véritable stratégie pour les
candidats leur permettant également de toucher les jeunes de 18 à 24 ans.
Enfin, les réseaux sociaux facilitent l'organisation des campagnes
(meetings via des messages groupés, etc.). Les réseaux sociaux sont
également un outil stratégique de communication direct et innovant pour
les politiciens qui sont à même de contrôler ab initio les informations qu’ils
souhaitent diffuser via leur propre compte67. Tous ces aspects démontrent
le potentiel des réseaux sociaux en termes de liberté d’expression, lui
assurant de facto une promotion.

66
H. ISAR, Droit des medias et des télécommunications, cours, inédit, 2012-2013.
67
C. DE MALET, « Les réseaux sociaux ont joué un rôle marginal », lefigaro.fr, 20 avril
2012, en ligne : <www.lefigaro.fr>.

358
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2 La situation des coupures d’internet comme moyen d’étouffement des


incidents politiques pour le maintien de l’ordre public national
Des coupures d'Internet ont eu lieu lors d'événements majeurs
comme les élections et les manifestations de masse, alors que les actes de
surveillance active du contenu des messages des citoyens et l'intimidation
de ceux qui expriment des opinions contraires aux différents points des
vues et actes du gouvernement sont également courants.
La première coupure eut lieu le 19 janvier 2015, le gouvernement
ordonna aux compagnies de télécommunications de suspendre tous les
services Internet et les messages courts (SMS) au milieu des protestations
contre un projet de loi électorale. Quatre jours plus tard, seules les
banques et les agences gouvernementales ont eu accès à Internet, mais
pas au grand public. Vingt jours après l'arrêt initial, l’Internet et les
services mobiles ont été entièrement restaurés, mais avec de nouvelles
restrictions sur certaines communications68. Les utilisateurs pouvaient
accéder à leurs e-mails (courriels) et à d'autres sites Web, mais pas aux
plateformes de médias sociaux comme Facebook et Twitter. Ces
restrictions ont été levées plus tard le 5 février 2015 après que la loi
électorale ait été adoptée par les deux chambres du Parlement. Le
ministre de l'Information, Lambert Mende, a tenu une conférence de
presse au cours de laquelle il a annoncé la restauration des services69.
Un peu plus avant ces coupures, entre les 3 et 28 décembre 2011,
le gouvernement avait auparavant ordonné que toutes les
communications SMS soient bloquées alors que le pays attendait les
résultats de l'élection présidentielle qui avait eu lieu un mois plus tôt.
L'ordre de blocage du SMS a été fait par le ministère chargé des Affaires
intérieures et de la sécurité, dans une lettre du 3 décembre 2011 aux
opérateurs de téléphonie mobile qui a ordonné que les services SMS
soient suspendus « jusqu'à nouvel ordre », pour « maintenir l'ordre public

68
« Les coupures de réseaux en RDC : les entreprises de TIC ont besoin de règles claires »,
en ligne :<http://www.ihrb.org/focusareas/information-communication-technology/net
work-shutdowns-in-the-drc-ictcompanies-need-clear-rules> (consulté le 20 décembre
2018).
69
RADIO OKAPI, « Lambert Mende annonce le rétablissement d'Internet dans «les heures
qui suivent» », en ligne :
<http://www.radiookapi.net/actualite/2015/02/06/rdc-lambert-mende-annonce-le-
retablissementdinternetdans-les-heures-qui-suivent> (consulté le 20 janvier 2019).

359
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

et protéger la sécurité des biens et des personnes »70. Le Réseau national


des ONG pour les droits de l'homme de la RDC (RENADHOC), un réseau
d'organisations non gouvernementales nationales de défense des droits de
l'homme, demanda au gouvernement de reconsidérer sa décision71.
Et la dernière coupure de l’internet et SMS date de décembre 2018,
lors de l’attente des résultats de l’élection présidentielle conduisant au
changement du régime car le président Joseph Kabila n’était pas candidat
à sa propre succession. Le gouvernement s’est basé sur le motif de
publication des procès-verbaux des résultats des bureaux de vote par les
internautes en lieu et place de la Centrale électorale congolaise, seule
habilitée à le faire. La situation a été réhabilitée plus de 20 jours qui ont
suivi la décision de coupure. À ce jour, il faut noter que certaines ONG des
droits de l’homme, en l’occurrence l’Association congolaise pour l’accès à
la justice (ACAJ) ont annoncé avoir saisi les juridictions congolaises contre
les compagnies de téléphonie pour obtenir la réparation des préjudices
causés aux citoyens et aux entreprises par cette coupure qui ne se justifie
pas.
Toutefois, si au point de vue de la forme de la décision ayant
accompagné cette coupure on peut relever des irrégularités, Pierre Félix
Kandolo, interviewé par la Radio Okapi, estime que le gouvernement est
fondé à prendre des mesures nécessaires pour maintenir l’ordre public et
assurer la sécurité des personnes et des biens s’il pense que laisser-aller la
connexion internet pour tous créerait un trouble social, alors que la
protection de l’ordre public et de la sécurité nationale fait partie de son
pouvoir régalien72. Il explique et enseigne à ce propos que la liberté
d’information ne fait pas partie des droits intangibles protégés par l’article
61 de la Constitution de la République, c’est-à-dire que, selon lui, le droit à

70
« Le gouvernement élève une interdiction de trois semaines pour envoyer des SMS »,
en ligne :<https://rsf.org/en/news/government-lifts-three-week-oldban-texting>
(consulté le 20 janvier 2019)
71
RESEAU NATIONAL DES ONG CONGOLAISES POUR LES DROITS DE L'HOMME,
« Déclaration de suspension », en ligne : <https://rsf.org/sites/default/files/_
declaration_du_renadhoc_sur_la_suspension_prolongee_de_s_sms_en_rdc_22.12.2011-
2.pdf> (consulté le 15 décembre 2018).
72
Interview de Pierre Félix Kandolo, Professeur de droit international à la Faculté de droit
de l’Université de Likasi, par la Radio Okapi de Lubumbashi, au micro de Neully Kabena,
sur la coupure de l’internet de décembre 2018 à janvier 2019 par le Gouvernement
congolais, émission du 16 au 18 janvier 2019.

360
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

l’information peut être suspendu par l’État et à tout moment pour des
circonstances exceptionnelles73.

B Les réseaux sociaux face aux droits de l’homme

Dans cette partie de notre réflexion, nous parlerons du droit


d'accès neutre à internet, comme nouvelle pierre angulaire des droits
fondamentaux (1), des règles communes de protection des droits
fondamentaux qu’on retrouve sur les réseaux sociaux comme des règles
opposées aux États (2) et les responsabilités en cas d’atteinte des droits de
l’homme sur les réseaux sociaux (3).
1 Le droit d'accès neutre à internet, nouvelle pierre angulaire des droits
fondamentaux
Il faut « considérer comme un droit fondamental à part entière »
l'accès à internet74 car ce dernier est lui-même devenu une liberté
fondamentale.
C'est par la France que la question de la reconnaissance de l'accès à
internet comme droit fondamental s'est présentée le plus concrètement,
au moment où le gouvernement poussait à l'adoption de la loi « favorisant
la diffusion et la protection de la création sur internet » (dite « loi Hadopi I
»). Celle-ci prévoyait de confier à une autorité administrative
indépendante le pouvoir d'ordonner la suspension de l'accès à internet
d'un abonné accusé de n'avoir pas pris les mesures suffisantes pour
empêcher la mise à disposition du public d'œuvres contrefaites.
C'est dans ce contexte que le Conseil constitutionnel français eut à
se prononcer sur l'existence d'un droit fondamental d'accéder à internet. Il
jugea qu' « […] en l'état actuel des moyens de communication et eu égard
au développement généralisé des services de communication au public en
ligne ainsi qu'à l'importance prise par ces services pour la participation à la
vie démocratique et l'expression des idées et des opinions », le droit à la
liberté d'expression et de communication protégé par l'article 11 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 « implique la

73
Pierre Félix KANDOLO ON’UFUKU wa KANDOLO, Droit international humanitaire,
syllabus du cours, première Licence, Faculté de droit, Likasi, Université de Likasi, 2018-
2019, p. 84 et s.
74
CONSEIL D’ÉTAT, Étude annuelle 2014 : Le numérique et les droits fondamentaux, août
2014, p.90.

361
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

liberté d'accéder à ces services »75. Aussi, parce que la sanction de


suspension de l'accès à internet aménagée par la loi Hadopi I pouvait
« conduire à restreindre l'exercice, par toute personne, de son droit de
s'exprimer et de communiquer librement, notamment depuis son domicile
», le Conseil décidait de censurer la disposition qui confiait ce pouvoir à
une autorité administrative. La loi fut en revanche validée lorsque cette
prérogative jamais appliquée et finalement supprimée76 fut confiée dans
une loi Hadopi II à l'autorité judiciaire77. Le juge constitutionnel français
venait ainsi de reconnaître le droit d'accès à internet en « empruntant par
capillarité la nature de son tuteur, la liberté d'expression »78, et en y
transposant sa jurisprudence.
Au niveau universel également, le rapporteur spécial des Nations
Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et
d'expression, Franck La Rue, a considéré en 2011 que « […] supprimer
l'accès à l'internet et ce, quelle que soit la justification fournie, [...] est
excessif et constitue une violation » de l'article 19 §3 du Pacte
International relatif aux droits civils et politiques79. Quelques mois plus
tard, il précisera que « bien que l'accès à internet ne soit pas encore un
droit de l'homme en tant que tel », il est « indispensable non seulement à
l'exercice du droit à la liberté d'expression mais aussi à celui d'autres
droits, comme le droit à l'éducation, le droit de s'associer librement avec
d'autres et le droit de réunion, le droit de participer pleinement à la vie
sociale, culturelle et politique et le droit au développement économique
ou social »80.

75
Conseil Constitutionnel, décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009, §12.
76
Un seul jugement ordonnant la suspension de l'accès a été prononcé, mais il n'a jamais
été mis en œuvre. Le décret n° 2013-596 du 8 juillet 2013 est ensuite venu abroger le
dispositif réglementaire. Ne reste plus qu'une amende de cinquième classe.
77
Christophe CARON, La lutte contre la contrefaçon sur internet dans les lois HADOPI I et
II, CCE n° 1, Janvier 2010, comm. 1.
78
Laure MARINO, Le droit d'accès à internet, nouveau droit fondamental, D.2009, p.2045.
79
Frank LA RUE, “Report of the Special Rapporteur to the Human Rights Council on key
trends and challenges to the right of all individuals to seek, receive and impart
information and ideas of all kinds through the internet”, A/HRC/17/27, 16 mai 2011, §78.
en ligne : <http://www.ohchr.org/EN/Issues/FreedomOpinion/Pages/Annual.aspx>.
80
Frank LA RUE, « Rapport établi par le Rapporteur spécial sur la promotion et la
protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression », A/66/290, 10 août 2011,
§61 », en ligne : <http://ap.ohchr.org/documents/dpage_e.aspx?si=A/66/290>.

362
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

Par crainte que le modèle français ne fasse tache d'huile, le


Parlement européen s'était emparé du sujet pour tenter d'y faire obstacle
au nom des droits fondamentaux. Ainsi, au niveau régional, la Cour
européenne des droits de l'homme (Cour EDH) a eu l'occasion de «
déduire de l’ensemble des garanties générales protégeant la liberté
d’expression qu’il y a lieu de reconnaître un droit d’accès sans entraves à
Internet »81. Avant elle, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe
avait reconnu que « l'accès limité ou l'absence d'accès aux [technologies
de l'information et de la communication] peut priver les individus de la
capacité d'exercer pleinement leurs droits fondamentaux »82. Dans l'Union
européenne, la Commission a estimé que « la sécurité, la stabilité et la
résilience de l'internet et des autres technologies des communications
électroniques constituent une des pierres angulaires de la démocratie » et
qu'il y a donc « lieu de prévenir toute tentative arbitraire visant à
empêcher les citoyens d'y accéder ou à en perturber l'accès »83.
Sans aller jusqu'à reconnaître un « droit à » qui générerait une
obligation positive de fournir l'accès à internet, les États ont donc, au
minimum, l'obligation de garantir la liberté d'accéder à internet en tant
que « facilitateur » de l'exercice des droits de l'homme, ce qu'ils ne
peuvent toutefois faire qu'avec le concours des fournisseurs d'accès à
internet (FAI), qui font office d'intermédiaire entre l'internaute et
l’internet. Or ces FAI n'offrent pas toujours le même internet, selon qu'ils
décident ou non d'appliquer des restrictions.
2 Des règles communes de protection des droits fondamentaux
opposées aux États
Parlant des règles communes de protection des droits
fondamentaux qu’on retrouve sur les réseaux sociaux et qui sont opposées
aux États, nous avons la Global Network Initiative (GNI) et les
Telecommunications Industry Dialogue (TID) (a), les principes communs de
liberté d'expression et de respect de la vie privée contre les États (b).

81
Cour EDH, 18 décembre 2012, Ahmet Yildirim c. Turquie (req. N°3111/10), §31.
82
CONSEIL DE L'EUROPE, « Déclaration du Comité des Ministres sur les droits de l'homme
et l'état de droit dans la Société de l'information », 13 mai 2005, CM(2005)56 final, en
ligne : <https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=849009>.
83
COMMISSION EUROPÉENNE, Un partenariat pour la démocratie et une prospérité
partagée avec le sud de la Méditarrenée, COM(2001) 200 final, 8 mars 2011, p. 12.

363
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

a La Global Network Initiative (GNI) et les Telecommunications Industry


Dialogue (TID)
Il est très fréquent que des entreprises privées ou des associations
se réunissent dans des consortiums pour défendre des intérêts communs
contre des gouvernements ou contre d'autres organisations. Il est
beaucoup plus rare qu'elles le fassent prioritairement pour défendre les
droits des tiers contre leur propre pouvoir de nuisance. C'est pourtant en
partie la philosophie de la Global Network Initiative (GNI), une coalition
d'entreprises des technologies de l'information et de la communication
(TIC), d'organisations de la société civile, d'investisseurs privés et
d'universitaires, qui s'est créée en 2008 pour « fournir une direction à
l'industrie des TIC et à ses parties prenantes sur la manière de protéger et
promouvoir les droits de l'homme à la liberté d'expression et à la vie privée
lorsqu'elle est confrontée à des pressions de gouvernements pour
entreprendre des actions qui enfreignent ces droits »84.
Aux côtés d'institutions universitaires (dont le Berkman Center for
Internet & Society de Harvard ou la George Washington University Law
School) et d'associations de défense des droits de l'homme (dont Human
Rights Watch), la GNI compte actuellement six entreprises multinationales
membres qui offrent des services d'intermédiaire de l'internet, toutes
d'origine américaine : Facebook, Google, LinkedIn, Microsoft, Procera
Networks et Yahoo. Ses trois membres fondateurs étaient Google,
Microsoft et Yahoo.
Souhaitant créer un véritable ordre juridique supérieur qui lie les
membres entre eux, à l'instar de ce que peuvent être les traités
internationaux entre les États, la GNI prévoit dans ses directives que les
engagements pris par les entreprises participantes sont supérieurs à tout
autre engagement. Elles stipulent en effet que « [L]es participants devront
s'abstenir de conclure des accords volontaires les contraignant à limiter la
liberté d'expression des utilisateurs ou portant atteinte au respect de la vie
privée d'une manière incompatible avec les Principes » énoncés dans les
documents de base de l'organisation, et qu'ils doivent dénoncer dans les

84
GLOBAL NETWORK INITIATIVE, « What does the Global Network Initiative aim to
accomplish ? », en ligne : <https://globalnetworkinitiative.org/content/frequently-asked-
questions> (consulté le 22 novembre 2018).

364
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

trois ans tout engagement préalable qui ne serait pas compatible85. Les
Principes eux-mêmes stipulent que « [L]es Participants vont chercher à
accroître dans le monde entier le nombre des organisations appuyant ces
Principes pour qu'ils s'imposent comme la nouvelle norme mondiale »86.
La GNI offre également ses moyens logistiques à une autre
organisation plus étroite, les Telecommunications Industry Dialogue (TID),
qui s'est créée en 2013 pour établir des règles de conduite spécifiques aux
opérateurs et fournisseurs d'outils de télécommunication. Contrairement
à la GNI dont la gouvernance est multipartite, les TDI n'accueillent en son
sein que des entreprises qui discutent ensemble des règles qu'elles
acceptent de s'imposer, selon un mode décisionnel qui semble être celui
de l'unanimité87. L'organisation se décrit comme un « groupe d'opérateurs
et de fournisseurs de télécommunications qui abordent communément les
droits à la liberté d'expression et à la vie privée dans le secteur des
télécommunications dans le contexte des Principes Directeurs des Nations
Unies sur les Entreprises et les Droits de l'Homme ». Les TID comptent
actuellement neuf membres, principalement européens : Alcatel-Lucent,
Orange, Nokia, Telefonica, Telenor, TeliaSonera, Millicom, Vodafone et
AT&T.
Ensemble, ces deux organisations forment les deux principales
structures d'autorégulation visant à apporter aux individus une meilleure
protection des droits de l'homme face aux menaces que représentent les
ingérences de l’État. Il faudrait toutefois noter que même sans en être
membres, de nombreux autres intermédiaires de l'internet agissent
désormais selon les mêmes principes, en tout ou partie.

b Les principes communs de liberté d'expression et de respect de la vie


privée contre les États

85
GLOBAL NETWORK INITIATIVE, « Directives de mise en œuvre des Principes de liberté
d'expression et de respect de la vie privée », §5, en ligne :
<https://www.globalnetworkinitiative.org/sites/default/files/pdfs/FR_Implementation_G
uidelines_ FRA.pdf> (consulté le 22 novembre 2018).
86
GLOBAL NETWORK INITIATIVE, « Principes de liberté d'expression et de respect de la
vie privée », Préambule, en ligne : <https://www.globalnetworkinitiative.org/
sites/default/files/pdfs/FR_Principles_FRA.pdf> (consulté le 22 novembre 2018).
87
Voir : « Aucune forme de statuts n'est publiée sur le site officiel de l'organisation », en
ligne : <http://www.telecomindustry dialogue.org/>.

365
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

Que ce soit la GNI ou les TID, les deux organisations ont fait le choix
de se concentrer exclusivement sur les problématiques liées à la liberté
d'expression et au respect de la vie privée, qui sont les deux droits les plus
menacés par l'action des États sur internet. Mais les principes de la GNI
rappellent, dans une formule qui n'est pas sans évoquer la Déclaration et
le programme d'action de Vienne88, selon lequel « [L]es droits de l'homme
sont indivisibles, interdépendants et étroitement liés », que « la restriction
de l'un d'entre eux pénalise tous les autres », et donc que la protection
des deux droits précités « facilite une matérialisation constructive des
autres droits de l'homme ».
Alors que les Principes directeurs de Ruggie, adoptés aux Nations
Unies, se contentent de faire état de la responsabilité des entreprises « de
se conformer à toutes les lois applicables et de respecter les droits de
l'homme »89. Les membres de la GNI vont plus loin, ils choisissent d'ignorer
cette quadrature du cercle qui consisterait à demander à la fois aux
entreprises d'obéir à des lois nationales et de respecter les droits de
l'homme, alors que ce sont parfois les droits nationaux qui sont à l'origine
des violations des droits fondamentaux, et assument de chercher à
imposer un rapport de force aux États pour la protection des droits, quelle
que soit leur législation. Les adhérents à l'organisation reconnaissent ainsi
explicitement que « [L]es entreprises du secteur des technologies de
l'information et de la communication (TIC) sont responsables du respect et
de la protection du droit à la liberté d'expression et au respect de la vie
privée de leurs utilisateurs », et disent vouloir « assurer à l'échelle de la
planète la protection et la promotion de la jouissance des droits de
l'homme », ce qui est d'ordinaire perçu comme une prérogative et une
obligation dévolue aux seuls États. Aussi, non seulement que les membres
de la GNI « respecteront et protégeront » les droits visés, en « cherchant à
éviter ou à minimiser l'impact des restrictions gouvernementales », mais,
en plus, elles protégeront les droits des « utilisateurs soumis à des

88
NATIONS UNIES, Déclaration et programme d'action de Vienne, Conférence mondiale
sur les droits de l’homme, 12 juillet 1993, A/CONF.157/23, §5. (« Tous les droits de
l’homme sont universels, indissociables, interdépendants et intimement liés »)
89
CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME, « La promotion, la protection et l’exercice des
ème
droits de l’homme sur l’internet », 20 session, A/HRC/RES/20/8, Résolution 20/8 du 5
juillet 2012, en ligne : <http://ap.ohchr.org/documents/alldocs. aspx?doc_id=20340>.

366
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

exigences du gouvernement, des lois et des règlements » contraires aux


principes énoncés par l'organisation90.
En pratique, selon les directives de mise en œuvre des principes,
les membres de la GNI « encourageront les gouvernements à être précis,
transparents et cohérents dans leurs demandes, dispositions législatives et
réglementaires concernant le respect de la vie privée en ligne », «
exécuteront a minima les demandes gouvernementales compromettant le
respect de la vie privée », et même « poursuivront le gouvernement devant
les tribunaux nationaux […] en cas de demandes gouvernementales
semblant incompatibles […] avec les lois internationales sur les droits de
l'homme et les normes de liberté d'expression»91. C'est ainsi par exemple
que Microsoft, membre de la GNI, a déposé un recours aux États-Unis
contre une ordonnance demandant l'accès à des données privées
hébergées dans un centre de données en Irlande92. Malheureusement, ses
entreprises lorsqu’elles se retrouvent en RDC, ne savent plus revendiquer
tous ces droits, lorsque les autorités leurs demandent de couper l’internet.
Concernant les TID, leurs propres principes directeurs stipulent en
introduction qu'elles « visent à remédier à ces situations exceptionnelles »
dans lesquelles « les technologies de télécommunications peuvent […] être
détournées par les gouvernements d'une manière qui peut affecter la
liberté d'expression et la vie privée de leurs citoyens »93.
Les opérateurs de télécommunication sont néanmoins bien plus
mesurés que les membres de la GNI dans leur opposition aux
gouvernements. En prenant le cas de la RDC, il y a lieu de penser que sans
doute qu'ils n'ont aucune possibilité de déménager, puisqu'ils doivent par
nature être présents dans le pays qui accueille leurs infrastructures. Ainsi,
les membres des TID se disent « conscients des responsabilités qui
découlent de la fourniture de produits, de services et d'infrastructures de
communication », de la nécessité de s'appuyer « sur des relations de long

90
Principes de la GNI, §1.
91
GLOBAL NETWORK INITIATIVE, Directives, préc. note 82, §3 et §4.
92
Liam TUNG, « Microsoft files fresh appeal against handing over email in Irish datacentre
», ZDNet, 9 décembre 2014, en ligne : <http://www.zdnet.com/article/microsoft-files-
fresh-appeal-against-handing-over-email-in-irish-datacentre/>
93
TELECOM INDUSTRY DIALOG, « Principes directeurs en matière de liberté d'expression
et de protection de la vie privée dans les télécommunications », 12 mars 2013, p. 2, en
ligne : <http://www.telecomindustrydialogue.org/wp-content/uploads/ Telecoms_
Industry_Dialogue_ Principles_Version_1_-_FRENCH.pdf>.

367
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

terme, stables » avec les gouvernements, et n'édictent leurs principes que


« dans la mesure qui ne les place pas en violation des lois et règlements
nationaux », ce qui relativise largement leur portée et leur sincérité. En
revanche, on peut souligner une volonté implicite de leur donner un
caractère contraignant, puisqu'il est précisé en toute fin que « seule la
version anglaise [des principes directeurs] prévaudra en cas de litige ». Là
aussi, les principes des TID stipulent que les entreprises de
télécommunication devront notamment
« […] s'assurer que les exigences du gouvernement sont
réexaminées par du personnel dûment qualifié et expérimenté
afin d'évaluer leur conformité juridique ainsi que la régularité de
la procédure », « rechercher des mesures de remplacement qui
pourraient minimiser ou atténuer l'incidence des impacts négatifs
sur la liberté d'expression et le respect de la vie privée », ou
encore « rechercher le contrôle judiciaire, dès lors qu'il est
possible » 94.
Enfin, les deux organisations prévoient de rendre compte de leurs
engagements à travers la publication de rapports, qui doivent permettre
au public de vérifier le respect effectif de leur responsabilité de protéger
les droits de l'homme, malheureusement pour les entreprises œuvrent en
R.D.C aucun rapport n’a été établie jusqu’à présent.
c Les responsabilités en cas d’atteinte des droits de l’homme sur les
réseaux sociaux
Le développement des réseaux sociaux soulève des problématiques
juridiques multiples et épineuses comme celles relatives à l’atteinte au
droit d’auteur, à la protection des données personnelles, à la
responsabilité des sites de réseaux sociaux, à l’application de la
réglementation relative à la publicité sur les réseaux sociaux, à la
diffamation, à la pornographie, à la haine raciale, au terrorisme et aussi au
respect des droits fondamentaux. Devant cette multitude de
problématiques, celle relative à la responsabilité des réseaux sociaux
taraude plus l’esprit du juriste et mérite davantage d’être éclairée pour
que nul n’en ignore.

94
Id.

368
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

En effet, on peut se poser la question de savoir si les informations


diffusées dans les réseaux sociaux engagent la responsabilité des
utilisateurs, des prestataires de services tels que les fournisseurs d’accès,
les fournisseurs de contenus et les hébergeurs. En d’autres termes, qui est
responsable des informations préjudiciables ou d’un cas de violation des
droits de l’homme sur les réseaux sociaux ?
Selon l’arsenal juridique congolais sur la notion de la responsabilité,
celle-ci peut être retenue à l’encontre d’une personne physique ou morale
(utilisateurs ou fournisseurs de contenu) ou morale (fournisseurs d’accès,
hébergeurs). Mais il sied de souligner que la responsabilité sur les réseaux
sociaux n’a jamais été règlementée. Ainsi, retenir la responsabilité des
utilisateurs ou des gérants des réseaux sociaux s’avère difficile voire
chimérique, sauf à se fonder sur les vieux articles 258 et 259 sur la
responsabilité civile pour tout fait quelconque de l’homme qui cause
préjudice à autrui95. D’ailleurs, la désignation de la juridiction
territorialement compétente pour connaitre des litiges nés du contenu des
messages circulant à travers les réseaux sociaux de dimension
internationale se heurte aux mêmes difficultés relatives à la détermination
de la loi applicable.
L’une des causes qui rendent la détermination du responsable du
contenu illicite difficile est sans nul doute l’existence de plusieurs
intervenants sur la toile, notamment les intermédiaires techniques
appelés aussi prestataires de services et le fournisseur de contenu qui est
le premier responsable de la divulgation de l’information litigieuse.
En RDC, la loi-cadre sur la télécommunication constitue aujourd’hui
l’arsenal juridique sur lequel le juge s’appuie nécessairement pour statuer
sur un éventuel litige relatif, de manière générale, aux nouvelles
technologies de l’information et de la communication. Ainsi, cette loi est
restée muette sur les responsabilités des utilisateurs des réseaux sociaux
que pour les personnes morales fournisseurs d’accès ou hébergeurs ou
encore opérateurs. Autrement dit, en droit congolais la responsabilité en
matière d’utilisation des réseaux sociaux n’existe pas encore clairement.

95
Sur le point de vue critique de ces dispositions du code civil livre III et les propositions
de réforme et de leur adaptation aux réalités actuelles, voir Pierre Félix KANDOLO
ON’UFUKU WA KANDOLO, Réparations en droits de la personne et en droit international
humanitaire. Problèmes et perspectives pour les victimes en République démocratique du
Congo, Thèse de doctorat, Faculté de droit, Montréal, Université de Montréal, 2017.

369
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

Mais la responsabilité civile peut être retenue sur le fondement de l’article


258 du Code civil congolais Livre 3. Cette disposition permet d’attester que
les utilisateurs qui causent un dommage à autrui par le biais d’un réseau
social sont tenus, en principe, de le réparer personnellement.
De ce fait, en l’absence donc de textes spéciaux, on doit chercher
des solutions en recourant au droit étranger. En droit français, il existe une
irresponsabilité de principe des fournisseurs d’accès. En effet, l’article
L.32-3-3 du code des postes et communications électroniques dispose :
« [T]oute personne assurant une activité de transmission de
contenus sur un réseau de communications électroniques ou de
fourniture d’accès à un réseau de communications électroniques
ne peut voir sa responsabilité civile ou pénale engagée à raison de
ces contenus que dans les cas où, soit elle est à l’origine de la
demande de transmission litigieuse, soit elle sélectionne le
destinataire de la transmission, soit elle sélectionne ou modifie
les contenus faisant l’objet de la transmission ».
Ainsi, le fournisseur d’accès ou l’hébergeur ou encore l’opérateur
sont, en principe, exonérés de toute responsabilité sauf dans les cas
précédemment retenus par l’article L.32-3-3 susvisé. Cette position
témoigne simplement le désir affiché par plusieurs pays, surtout
occidentaux, d’exonérer les intermédiaires internet (fournisseurs d’accès,
opérateurs). Déjà en 1988, le Parlement canadien a ajouté à la Loi sur le
droit d’auteur la disposition antérieure à l’actuel article 2.4(1)b) prévoyant
que la personne qui ne fait que fournir « à un tiers les moyens de
télécommunication nécessaires pour que celui-ci effectue une
communication » n’est pas elle-même partie à une communication illicite.
S’agissant de la responsabilité en cas de violation de la liberté
d’expression sur les réseaux sociaux, en droit français, les fournisseurs
d'hébergements sont dispensés de toute obligation générale de
surveillance des informations qu'ils transmettent ou stockent. Toutefois,
en dehors de ces principes édictés par le législateur, les hébergeurs et
réseaux sociaux doivent concourir à la répression de certains contenus
rejetés de façon récurrente en France. Ce sont notamment les contenus
faisant l'apologie des crimes contre l'humanité, incitant à la haine raciale
ou à la pornographie infantile.
Il a également été prévu que ces intermédiaires doivent participer
à la lutte contre la diffusion de certaines infractions prévues par la loi du

370
(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

29 juillet 1881 et par le code pénal français comme l'incitation à la


violence et les atteintes à la dignité humaine. Le respect de ces
dispositions suppose, selon le législateur, que l'hébergeur mette en place
un dispositif de signalement des contenus illicites facilement accessibles et
visibles pour que les personnes puissent porter à leur connaissance ce
type de données. A titre d'illustration, pour les réseaux sociaux, il s'agit de
la mise en place sur Facebook de l'onglet « signaler un problème » situé
sur l'icône de paramétrage, facilement accessible et visible, qui permet à
tout utilisateur de signaler rapidement un contenu illicite.
En cas d’abus de liberté d’expression par un internaute. Le régime
de responsabilité commun s'appliquera pour les abus civils, telles que les
atteintes au droit à la vie privée et au droit à l'image, aux droits de
propriété intellectuelle.

CONCLUSION

Beaucoup d’observateurs ont mis en exergue depuis ces derniers


temps la formidable dimension émancipatrice des médiations
technologiques, non seulement des téléphones portables, mais de
l’Internet et des réseaux sociaux (tels que Facebook et Twitter),
permettant à l’opinion publique de s’affranchir des canaux officiels de
diffusion de l’information, donnant ainsi aux citoyens la possibilité de
provoquer des mobilisations sans précédent, de déborder les systèmes de
contrôle. Ce sont bien de nouvelles modalités d’expression et de
résistance politiques qui sont apparues, confortant l’idée que le pouvoir
n’est plus seulement celui des États mais qu’il réapparaît des formes
inédites de contestations.
Et les récents événements en RDC font retentir avec une acuité
particulière cette réflexion sur une nouvelle forme des droits de l’homme
grâce aux réseaux sociaux. Tout le monde s’accorde aujourd’hui à penser
que les réseaux sociaux ont joué un rôle considérable pendant la période
électorale mais aussi on a enregistré plusieurs violations de certains droits
sur internet que l’on pourra qualifier des droits fondamentaux.

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générale de droit et Courriel :
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de Likasi. ABONNEMENTS DE SOUTIEN

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Katanga) République Démocratique recherche et d’augmenter le niveau
du Congo de recherche dans notre Université,
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Tél. +243 995 472 023 bonne volonté manifestent leur
Courriel : intérêt pour la Revue générale de
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être adressée au Directeur de la L’abonnement de soutien donne
Revue générale de droit et aussi droit à recevoir les deux
interdisciplinaire, Faculté de droit, numéros annuels de la Revue
Université de Likasi

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(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

générale de droit et a paru aux éditions universitaires


interdisciplinaire. européennes (EUE) en 2018. Ce livre
de 444 pages oriente le chercheur-
RÉCENTES PUBLICATIONS DE LA juriste sur les répartitions des
FACULTÉ DE DROIT travaux de recherche, les différents
styles de citation (notes de bas de
En vue de faire connaître les
page et notes bibliographiques), les
publications faites par les
règles de rédaction des travaux
chercheur.es. de la Faculté de droit
scientifiques, les différentes
ou par ceux (celles) de l’Université
méthodes propres aux études
de Likasi, la Revue consacre une ou
juridiques, etc. L’ouvrage, qui se
plusieurs pages pour la publicité de
distingue de tous les autres, tend à
nouvelles publications.
renforcer les capacités critiques et
Pour l’année 2018, la Faculté de réflexives, ainsi qu’à instaurer les
droit de l’Université de Likasi a le recherches basées sur le standard
plaisir d’annoncer à la communauté international en faveur des
universitaire qu’elle a été honorée étudiants en droit en général et ceux
d’une publication de haute qualité de l’Université de Likasi en
scientifique sur la Méthodologie de particulier.
recherche en droit.
Pour s’en procurer cet ouvrage,
Cette œuvre de Pierre Félix prière de contacter :
KANDOLO, Docteur en droit de
Email : [email protected]
l’Université de Montréal et
Professeur Associé à l’Université de Tél : (+243) 972 244 939
Likasi, intitulé « Guide Kandolo.
Méthodes et règles de rédaction Ou acheter en ligne sur le site de
d’un travail de recherche en droit », l’éditeur : www.eue.com

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(2018)1-2 RGDILI Revue Générale de Droit et Interdisciplinaire de Likasi

DERNIÈRES PUBLICATIONS DE LA FACULTÉ DE DROIT,


UNIVERSITÉ DE LIKASI

En vue de faire connaître à nos aux études juridiques, etc. L’ouvrage,


lecteurs les différentes publications qui se distingue ses prédécesseurs,
faites par les chercheur.es de la tend à renforcer les capacités
Faculté de droit ou par ceux (celles) critiques et réflexives, ainsi qu’à
de l’Université de Likasi, la Revue instaurer les recherches basées sur
consacre une ou plusieurs pages le standard international en faveur
pour faire connaître de nouvelles des étudiant.es en droit en général
publications. et ceux (celles) de l’Université de
Likasi en particulier.
Pour l’année académique 2018-2019,
la Faculté de droit de l’Université de La deuxième œuvre, intitulée
Likasi a le plaisir d’annoncer à la « Manuel de droit civil des obligations.
communauté universitaire et aux Le contrat, le quasi-contrat, le délit, le
chercheur.es qu’elle a été honorée quasi-délit et le régime général des
par trois publications de haute obligations (avec adaptation du droit
qualité scientifique faites par ses OHADA et implication du droit
chercheurs, respectivement sur la français) » a été publiée sous la
Méthodologie de recherche en plume du Chef de travaux et
droit, sur le droit des obligations et doctorant en droit, Léon
sur les régimes matrimoniaux. KANKONDE NETUPETE, aux
éditions Presses universitaires de
Ces publications sont les œuvres Likasi (P.U.LIK.), en 2019. Ce
respectives des Professeur Pierre Manuel est le résultat des
Félix KANDOLO, Chef de travaux enseignements de droit civil des
Léon KANKONDE et Assistant obligations que l’auteur assure
Blaise BWANGA ANEMBALI. depuis plusieurs années à la Faculté
de droit de l’Université de Likasi.
La première œuvre, celle du
Professeur Pierre Félix KANDOLO, La troisième publication,
est intitulée « Guide Kandolo. sous la plume de l’Assistant Blaise
Méthodes et règles de rédaction d’un BWANGA ANEMBALI, est intitulée
travail de recherche en droit », parue « La place des régimes matrimoniaux
aux éditions universitaires en droit congolais et en droit
européennes (EUE), en Allemagne, comparé ». Ce livre a été publié en
en 2018. Ce livre de 444 pages 2019 dans les Éditions universitaires
oriente le chercheur-juriste sur les européennes, en Allemagne.
répartitions des travaux de L’auteur de cette grande œuvre
recherche, les différents styles de intellectuelle a accompagné le Chef
citation (notes de bas de page et de travaux Léon KANKONDE dans
notes bibliographiques), les règles de ses enseignements de droit civil et
rédaction des travaux scientifiques, assiste, de manière permanente, le
les différentes méthodes propres Professeur KANDOLO dans tous

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les enseignements qu’il dispense en


droit et en sciences sociales.
Pour se procurer ces ouvrages et
encourager les auteurs, prière de
contacter soit le Secrétariat de la
Faculté de droit, soit l’Assistant
Blaise BWANGA :
Email : [email protected]
Tél : (+243) 995 472 023
Pour les ouvrages publiés aux
Éditions universitaires européennes,
ils peuvent s’acheter en ligne sur le
site de l’éditeur : www.eue.com

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UNIVERSITÉ DE LIKASI
La deuxième Université publique de la province du Haut-Katanga, située
dans une première ville en industries minières et en montagnes dans la même
province. Le Congo se développe, l’Université de Likasi constitue le meilleur
milieu où la science s’élabore et où la jeunesse se construit pour l’avenir de la
République et de la province. Les diplômés de cette Université font un
rayonnement non contestable sur l’échiquier tant national (dans les recherches de
grande envergure, dans la vie politique, dans les entreprises, dans la société civile
nationale) qu’international.
FAITES VOTRE CHOIX :
Pour la R.D. Congo : MOI, JE CHOISIS l’Université de Likasi
Pour la province du Haut-Katanga : MOI, JE CHOISIS l’Université de Likasi
Pour la ville minière, industrielle et montagneuse : MOI, JE CHOISIS l’Université
de Likasi
Pour la vie sociale et pour mon meilleur avenir : MOI, JE CHOISIS l’Université de
Likasi
Pour l’amélioration de la vie et le développement de mon pays : MOI, JE CHOISIS
L’UNILI.

NE VOUS FAITES PAS DE LA PEINE, IL N’Y A PAS MEILLEUR QUE DANS


CETTE UNIVERSITÉ !

La Faculté de droit à l’Université de Likasi : mon premier choix


Pourquoi ? Mais parce que …
Je deviens Licencié en droit dans 5 ans
Quatre Départements regroupant plus ou moins 1000 étudiantes et étudiants qui suivent des
enseignements de qualité dans un programme national. Une Faculté dans une Université qui
permet aux étudiant.es d’assimiler les enseignements et d’échanger directement avec leurs
enseignant.es. dans un espace et sur un site aéré (à Mivuka). Choisissez votre Département parmi
les suivants :

I. Département de doit général : Graduat en droit (3 ans)


Premier graduat droit (1 an) ; Deuxième graduat droit (1 an) ; Troisième graduat droit (1 an) et
choisir parmi les trois Départements : Département de droit économique et social ; Département de
droit privé et judiciaire et Département de droit public.
II. Licence en droit (2 ans), prolonger votre choix en Licence :
Département de droit économique et social ; Département de droit privé et judiciaire et
Département de droit public.
III. Programme de Diplôme d’Études Approfondies et de Doctorat en droit
Ne vous inquiétez pas! Les Diplômes délivrés par l’Université de Likasi étant reconnus et ses
Diplômés appréciés aux niveaux national et international, les finalistes de la Faculté de
droit qui souhaiteraient poursuivre leurs études de 3 cycle sont autorisé.es. à le faire
ème

sans inquiétude ni obstacle dans n’importe quelle Université congolaise et/ou


internationale autorisée à organiser ce programme (DESS., DEA et doctorat) en droit.
Allez-y… la RDC a besoin de vous et le monde vous attend !
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