SPA - Introduction-A-La-Science-Politique
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In t r o du c t i o n
I) LES OBSTACLES À L’ANALYSE POLITIQUE
Produire un discours rigoureux sur la politique n’est pas simple.
Le politiste est un individu quelconque, socialisé à la politique. La politique est quelque
chose de familier pour lui : c’est son univers professionnel (relations de familiarité avec des
institutions, avec des actes comme le vote ou les manifestations, …), dont l’apprentissage
s’est fait tout au long de sa scolarité.
Ce rapport familier pose problème : l’acquisition de savoirs fabrique des façons de
penser la politique, de penser des représentations instituées de la politique. Ces visions qui
sont en nous peuvent être inconscientes.
Pour développer une réflexion, il faut avoir des questions à se poser. Il faut aussi être
capable de se défaire de toute culture qui nous habite.
A) CATÉGORIES DE LA VIE POLITIQUE ET CATÉGORIES DE L’ANALYSE POLITIQUE
Les théories de la politique ne sont pas nouvelles. Elles ont le postulat suivant : les
citoyens s’intéressent aux phénomènes politiques. Ils connaissent les problèmes, les
idéologies et les programmes politiques. Quand ils votent, ces citoyens expriment un choix
réfléchi.
Ex : Lors d’élections, il y a trois intervenants : les journalistes, les experts et
les acteurs politiques. On assiste à une mise en scène du vote. Ces
intervenants parlent sur le mode d’opinions publiques. On retrouve
dans leurs discours l’attitude du citoyen modèle.
Daniel Gaxie (Le Sens Caché) refuse les a priori de la théorie de la démocratie. Pour lui,
il s’agit d’une idéologie politique qui mérite d’être analysée. Pourtant, cette analyse ne va pas
de soi.
La politisation des électeurs est quelque chose de complexe, contrairement à ce que
peuvent dire (par exemple) les journalistes. Pour Gaxie, c’est un degré en fonction duquel des
individus accordent leur attention aux évènements politiques. Il engage alors une enquête en
s’intéressant à la participation politique : appartenir à une institution politique est une manière
privilégiée d’avoir une activité politique. Gaxie assimile la politisation à des activités
politiquement orientées.
En France comme aux EtatsUnis, le pourcentage des adhérents aux partis politiques
varie de 2 à 4% de la population en âge de voter. La théorie de la démocratie est ici réduite.
Gaxie essaye d’appréhender le degré de connaissance que les citoyens peuvent avoir de
la politique. Le travail de l’enquêteur est de croiser les résultats concernant les questions
politiques et ethnologiques. Les questions de Gaxie nous éloignent des postulats de la théorie
de la démocratie.
La politisation n’est pas universellement partagée. Elle s’élève quand s’accroît la
position sociale des personnes interrogées. Pour Gaxie, il y a des exclus dans l’univers
politique : il s’agit des personnes étant indifférentes à la politique.
Il existe des idées reçues sur les comportements électoraux. Ces idées se sont
naturalisées et il est difficile de les interroger.
Le discours de la science politique est différent de celui d’une série de penseurs. Il n’est
pas produit de la même façon et ne s’adresse pas au même public.
B) ANALYSE JURIDIQUE ET ANALYSE POLITIQUE
La science politique ne se situe pas sur le même terrain que celui du droit : la science
politique n’est pas l’étude d’objets politiques à partir d’objets juridiques. Quand on fait de la
science politique, on ne peut se séparer de connaissances politiques. En effet, le droit est
pensé comme une variable de l’action publique. Le politiste ne peut s’en tenir à des
explications juridiques pour comprendre les relations entre les différentes institutions. Les
règles de droit ne suffisent pas à l’analyse politique.
Ex : Révision constitutionnelle de 1962 Le président de la république
doit être élu par tous les citoyens jouissant du droit de vote. Il s’agit de
renforcer la légitimité d’unie institution. De Gaulle se sent le porteur
d’une légitimité personnelle. Il a le sentiment qu’une grande part de
l’autorité présidentielle est liée à son action personnelle. Cette réforme
est en contradiction avec la culture républicaine, qui remonte à la IIIe
République et qui se méfie d’un exécutif trop puissant. En 1962, il existe
des outils juridiques pour réviser la Constitution. Se pose le problème du
passage à l’assemblée qui est hostile à De Gaulle. La solution est de
passer par l’article 11, ce qui entraîne l’insurrection de la classe
politique.
Pour comprendre la finalité des pratiques politiques, il faut aussi avoir des réflexions en
termes juridiques. Les analyses de la science politique se fondent sur une entreprise qui
désacralise les institutions apparemment familières.
II) LES DÉMARCHES DE LA SCIENCE POLITIQUE
Il existe certaines conditions à respecter pour faire une analyse politique.
A) RÈGLES DE MÉTHODE
Elles sont au nombre de trois.
1) LE DÉPASSEMENT DU SENS COMMUN
La connaissance produite dans le cadre d’une analyse savante ne coïncide pas tout à fait
avec la connaissance immédiate de phénomènes politiques ou sociologiques. Cette
connaissance spontanée est qualifiée de sens commun et formée de présupposés, d’intuitions,
de croyances et d’apparences.
Une analyse politique ne s’arrête pas aux connaissances communes. Il faut se méfier des
a priori formant cette connaissance spontanée. Il faut être conscient que cette connaissance
tend des pièges à l’analyse politique.
2) DISTANCE CRITIQUE AVEC LES CONCEPTIONS DES ACTEURS
Un politiste se tient informé de l’actualité. Il se tient donc à l’écoute de toute une série
de personnes. De ce fait, ses discours ne sont pas neutres.
Marx analyse le coup d’Etat de 1852 en France. Il est amené à étudier la conjoncture
politique et toute une série de luttes entre 1848 et 1852. Cette étude lui permet de faire
apparaître deux camps : les montagnards (=attachement à la République) et les girondins
(=partis de l’ordre). Ce second camp est luimême divisé en deux groupes : les légitimistes et
les orléanistes. Ces deux camps semblent s’opposer pour des raisons politiques.
Marx ne s’arrête pas là. Il étudie les intérêts politiques des deux camps. Avec les
Bourbons, la propriété foncière domine. Avec les orléanistes, la finance est synonyme de
puissance.
Marx arrive à démontrer que ces deux camps s’opposent pour des raisons plus
profondes, raisons qui sont d’ordre socioéconomique.
3) TENDRE VERS L’EXPLICATION
Un politiste est à l’image de tout chercheur en science sociale : il doit avoir des
explications à produire ( être capable de problématiser le sujet).
L’argent peut être un moyen d’analyser le fonctionnement d’un parti politique.
Pour répondre aux interrogations, des protocoles sont mis en place.
B) TECHNIQUES DE COLLECTE ET DE TRAITEMENT DE L’INFORMATION
Il n’existe pas de méthodes propres à la science politique, qui est une branche des
sciences humaines.
Les comportements politiques sont analysés par plusieurs biais : archives, entretiens,
anthropologie politique, …
Quand on choisit une méthode pour rassembler des informations, ce choix a une
influence sur la suite de la démarche. L’objet n’est pas découpé de la même manière selon la
méthode suivie.
Les techniques d’enquête doivent être appropriées à l’objet étudié. Cependant, le choix
va laisser dans l’ombre plusieurs problèmes de l’objet étudié.
Il faut être vigilant afin de ne pas produire des phénomènes artificiels.
Tout le monde n’est pas forcément capable d’avoir une opinion sur l’ensemble des
objets.
Il ne faut pas idéaliser les objets et les outils.
Les techniques d’enquêtes ne suffisent pas à fournir une analyse savante. Il faut alors
maîtriser les biais inhérents à toutes les techniques d’enquête.
I) LES OBJETS D’INVESTIGATION
C) SCIENCE DE L’ETAT/SCIENCE DU POUVOIR
La thèse d’une science de l’Etat est celle de Marcel Rélot : la politique désigne
étymologiquement la Cité, c’estàdire l’unité de base de la vie juridique dans l’antiquité.
Aujourd’hui, la cité est représentée par l’Etat. Selon Rélot, la science politique est une science
de l’Etat.
La thèse d’une science du pouvoir est celle de Raymond Aron et de Maurice Duverger.
Pour eux, la science politique est la science du pouvoir et des leaders. Ces deux penseurs sont
gagnés par les définitions anglosaxonnes, et notamment américaines. “Est politique l’étude
des relations entre les individus et les groupes, et l’étude de la hiérarchie des puissances à
l’intérieur de toutes les communautés, nombreuses et puissantes” (Aron). “C’est la science
de l’autorité, des gouvernants, du pouvoir” (Duverger).
Ce conflit a un coté plus dogmatique que scientifique. La première thèse est l’héritière
d’une conception ancienne de l’Etat : l’Etat est le seul souverain. L’autre camp est l’héritier
d’une approche plus sociologique : le pouvoir relatif à l’Etat ne se distingue pas
nécessairement d’autres formes de pouvoirs.
Ces deux camps présentent cependant des faiblesses. Dans la première thèse, l’Etat est
crédité d’une supériorité ( thèse de plus en plus contestable). La deuxième thèse est plus
extensible : il est plus difficile de définir le politique.
La science politique s’est façonnée au fil du temps par des travaux interposés. Ces
travaux ont pu dessiner l’architecture d’une nomenclature. La cohérence de cette
nomenclature repose sur la définition du politique.
D) LE POLITIQUE/LA POLITIQUE
1) LE POLITIQUE
Braud désigne ainsi “un champ social de contradictions d’intérêts (réels, imaginaires
ou symboliques) mais aussi de convergences et d’agrégations partielles, régulé par un
pouvoir disposant de la coercition légitime”. Cette définition implique l’existence d’un
espace ouvert à l’expression d’intérêts. Le pouvoir légitime est désigné par les affrontements
de cet espace. Ce pouvoir devient politique dès qu’il dispose du monopole de la coercition.
Selon Max Weber, le pouvoir est incarné par l’Etat. Pour qu’il soit politique, il faut que
le problème soit régulé par le pouvoir politique.
2) LA POLITIQUE
Pour Braud, la politique est “la scène où s’affrontent les individus et les groupes en
compétition pour conquérir le pouvoir d’Etat ou pour l’influencer : partis, lobbies,
mouvements sociaux plus ou moins éphémères. La vie politique est caractérisée par un débat
permanent, plus ou moins réactivé par les échéances électorales, qui se nourrit de problèmes
issus de la société globale, mais codés en fonction des exigences propres”.
1e partie :
Les rég imes poli t i q u e s
Il existe plusieurs types de régimes : dictature, démocratie, république, monarchie, etc…
Ces catégories servent à juger les qualités des modes de gouvernement. Elles servent à tracer
une ligne de partage entre la plupart des Etats ( démocraties pluralistes/ régimes autoritaires
et totalitaires).
Chapitre 1 :
La class i f i c a t i o n des f o rmes de gouvernemen t
Section 1 : LA DÉMOCRATIE REPRÉSENTATIVE
§ 1 : LA CIVILISATION DES MŒURS
La politique a longtemps été le lieu par excellence de luttes, souvent violentes. Cette
façon de faire de la politique tombe en désuétude, notamment grâce à l’intervention d’un
nouveau mode de gouvernement : la démocratie représentative.
A) LA PACIFICATION DES LUTTES POLITIQUES
La pacification des luttes politiques est le fruit d’un long processus historique.
Au MoyenAge, la politique s’exprime à travers l’affrontement des seigneurs. Ils vont
jusqu’à mettre en scène des tournois dans lesquels ils vont s’entre tuer. Il n’y a pas vraiment
de sphère politique autonome. Le seigneur rend la justice, prélève les taxes et est propriétaire
des terres et des personnes. A ce moment, la politique rime souvent avec l’action violente.
Elias analyse les transformations de l’Etat entre le XIe et le XVIIIe siècle. La
construction de l’Etat central s’est jouée à ce momentlà. L’Etat central est le centre de force
qui obtient le monopole de la violence physique légitime. L’Etat se voit obtenir le droit de
passer par la violence contre les personnes par l’intermédiaire d’administrations. Les formes
de violences se sont trouvées disqualifiées ( émergence d’une sphère politique autonome).
Un espace politique commence à se développer. Les luttes deviennent symboliques,
dans lesquelles l’aptitude à convaincre est importante pour l’emporter. La figure centrale de
ces luttes est le peuple, réputé souverain.
Lincoln a une vision idéaliste de la démocratie, qui serait “le gouvernement du peuple,
par le peuple et pour le peuple”. La plupart des démocraties actuelles affichent des ambitions
plus limitées.
Le gouvernement du peuple renvoie à la démocratie directe. Or, le peuple gouverne par
l’intermédiaire de représentants. Il peut alors y avoir un décalage entre ce que veulent les
électeurs et ce que font les gouvernants.
La participation des citoyens se manifeste dans le cadre d’élections. Elle répond à trois
conditions :
• L’existence d’une liberté de candidature, qui va de pair avec la libre
formation et fonctionnement des partis politiques
• La liberté de suffrage à travers l’égalité homme/femme au moment des
élections
• La liberté de scrutin : secret du vote, respect de l’égalité d’information et
de propagande pendant la campagne
Le gouvernement de la majorité est considéré comme légitime. Cette majorité doit
respecter une règle : respecter l’opposition de la minorité, qui doit disposer d’un droit de
critique. Après des élections libres, une minorité peut devenir majorité ( alternance du
pouvoir).
Le parlement anglais est souvent cité en modèle car l’opposition est reconnue au
RoyaumeUni (Shadow Cabinet). Elle peut faire figure de gouvernement éventuel. La place
de l’opposition est alors légitimée.
Quermonne propose de définir la démocratie occidentale comme “le gouvernement du
peuple exercé par la majorité librement exprimée de celuici dans le respect du droit de la
minorité de manifester son opposition”. Selon Quermonne, la démocratie va jusqu’à garantir
la survie de la minorité.
B) LA REPRÉSENTATION POLITIQUE
Weber définit le concept de représentation politique comme le fait que “l’action de
certains membres d’un groupement (les représentants) soit imputées aux autres ou bien
qu’elle doit être considérée par ces derniers comme légitime et que, les liant, elle le devienne
en fait”. L’enjeu essentiel de la représentation politique est la question de la légitimation des
représentants.
L’obéissance au pouvoir établi se joue à travers les mécanismes de la représentation.
En démocratie, il suffit que le peuple participe à des élections libres pour que les
représentants vainqueurs se voient attribuer un pouvoir légitime de diriger le pays. C’est un
système souvent opposé à la démocratie directe. La plupart des régimes ont renoncé à ce
second mode de représentation.
La taille des régimes et la complexité du processus décisionnel expliquent que la
démocratie directe soit largement tombée dans l’oubli. En même temps, il subsiste
ponctuellement certaines techniques de démocratie directe. La démocratie directe n’est plus
applicable au gouvernement d’un pays d’un million de personnes.
Le fait de faire des critiques de la démocratie représentative ne signifie pas être anti
démocratique. Une première vague de critique commence au début du XXe siècle avec Mosca,
Pareto et Michels. Ces trois auteurs ont été considérés comme des théoriciens élitistes de la
démocratie. Ces auteurs s’en prennent à l’essence même de la démocratie représentative.
“Les représentants ne sont pas élus, ils se font élire” (Mosca). Les représentants sont
loin d’être les serviteurs du peuple. En fait, les élus sont les maîtres du pouvoir.
Selon ces théoriciens, la démocratie représentative est un système se manifestant par
l’apparition de professionnels de la politique et d’entreprises spécialisées dans la conquête du
pouvoir. En fait, à travers le développement de différents rôles, une minorité de gens vont
parvenir à reconquérir le pouvoir.
“Qui dit organisation, dit tendance à l’oligarchie”. Ici, Michels a forgé le principe de la
loi d’airain de l’oligarchie : il s’agit de la mise en place d’une division entre une minorité
dirigeante et une masse dirigée. Plus on avance dans le temps, plus cette minorité apprend à
monopoliser le pouvoir. La minorité parvient alors à exister hors de tout contrôle. En effet, les
gens n’ont ni le temps ni le pouvoir de le contrôler.
En 1914, Michels a travaillé sur les partis qui se prétendent être les plus démocratiques.
Au sein de ces partis, il y a un système de captation du pouvoir en échappant au contrôle des
masses.
Gaxie a travaillé sur ces questions en s’intéressant à la période 19591980. Il nuance les
aspects positifs de la démocratie participative. A la faveur des électeurs, Gaxie montre que le
résultat est le reflet des inégalités sociales de représentation.
Ex : Sous la Ve République, les classes supérieures représentent 6,5% de la
population française. Minoritaires dans la société, ce groupe représente
72% des députés et plus de 92% des membres du gouvernement. Les
classes moyennes (environ 34% de la population active) représente
14,5% des députés et 4,5% des membres du gouvernement. Ces
classes sont plus importantes et ont moins de représentants à leur
image. Les classes populaires (46% de la population active) sont 8% à
l’assemblée et 3% au sein du gouvernement.
Un groupe minoritaire dans la société est ultra majoritaire dans la conquête du pouvoir.
Si la démocratie représentative est censée représenter le peuple, l’image est ici déformée.
Pour Schumpeter, la méthode démocratique est “le système institutionnel aboutissant à
des décisions politiques, dans lequel des individus acquièrent le pouvoir de statuer sur ces
décisions à l’issue d’une lutte concurrentielle portant sur les votes du peuple”. En
démocratie, le peuple a une utilité : il est convoqué pour voter à intervalles réguliers. Il s’agit
d’une lutte concurrentielle pour la conquête des suffrages.
§ 2 : LA COMPÉTITION POUR LA CONQUÊTE D’UN MARCHÉ POLITIQUE
A) L’AUTONOMIE RELATIVE DU POLITIQUE ET LA QUESTION DE L’ÉCHANGE POLITIQUE
Par le passé, les luttes pour le pouvoir étaient complexes : il y avait des luttes politiques,
économiques et sociales. Dans ce cadre, il n’y avait pas de fonctions politiques spécialisées,
fonctions qui se développent au fil du temps.
Weber fait coïncider la naissance de la politique moderne avec la fin de la domination
des notables.
Pour Weber, les notables sont “des personnes qui, de part leur situation économique,
sont en mesure, à titre de profession secondaire, de diriger et d’administrer un groupement
quelconque sans salaire, ou contre un salaire minimal ou honorifique, et qui jouissent d’une
estime sociale”.
Dans beaucoup de démocraties occidentales (jusqu’à la fin du XIXe siècle), la politique
est l’affaire du notable : elle est l’affaire d’individus partant à la conquête du pouvoir en
amateurs éclairés. Il s’agit de personnes puissantes bénéficiant d’un estime sociale : ils sont
personnellement connus sur le plan social. Leur réussite électorale prolonge leur réussite
sociale et personnelle.
Ce mode de domination va se transformer et le travail parlementaire va se compliquer.
De plus, au fil du temps, des organisations politiques vont se développer, ce qui permet de
lutter contre les notables.
Toute une série de compétences politiques vont devenir décisives pour pouvoir faire de
la politique. Ces compétences sont mises en place par les adversaires des notables. Les
notables vivent “pour la politique, mais ne cherchent pas forcément à vivre de la politique”
(Michels). A ces notables se substitue une autre catégorie : les entrepreneurs politiques. Pour
Weber, ils se mettent à vivre pour la politique et de la politique.
La rémunération de l’homme politique est un élément permettant la professionnalisation
des fonctions politiques. En 1848 est créée une indemnité parlementaire (9 000 francs). Il
s’agit de permettre aux gens sans ressources de faire de la politique. En 1906, cette indemnité
passe à 15 000 francs. La politique coûte de l’argent. Cette augmentation est liée aux
parlementaires. A l’époque sont arrivés des parlementaires modestes, entraînant des
transformations sociales. Aujourd’hui, l’indemnité est d’environ 20 000 francs.
La politique devient une activité à temps complet. Une législation interdit aux
parlementaires de cumuler certains emplois, permettant ainsi le développement d’une sphère
autonomisée. De véritables cursus électifs apparaissent. Un élu peut commencer dans un
mandat local et terminer dans un mandat national. Pour faire une carrière politique, il faut
accumuler les trophées politiques. Une forme de spécialisation se fait à travers le cumul des
mandats.
Il peut s’agir du champ politique, c’estàdire d’un lieu abstrait définit pour les besoins
de l’analyse. Pour Gaxie, un champ politique est “un réseau de relations concurrentielles
pour la représentation et l’occupation des positions de pouvoir politique, donc pour le droit à
l’action légitime ou non et avec les ressources du pouvoir politique”.
D’autres auteurs distinguent un champ politique central et des champs politiques
périphériques. Ces derniers sont considérés comme inégalement différenciés,
professionnalisés ou spécialisés.
Ces champs politiques sont considérés comme des espaces correspondant à une structure
d’offre d’un marché politique. Pour Gaxie, les marchés politiques sont des systèmes de
rapports force et des systèmes concurrentiels, où se trouvent des agents politiquement actifs.
Ces agents mettent en œuvre des stratégies pour se démarquer de leurs rivaux et pour obtenir
le soutien des agents plus passifs : il y a donc une relation d’échange.
Les produits de l’action politique s’apparentent à des biens offerts sur un marché
politique. Ces biens sont diffusés dans la concurrence opposant des hommes, mais aussi des
partis pour conquérir le pouvoir politique. Le marché politique est le lieu par excellence où
ces biens sont appropriés et consommés par les profanes. En échange, ces profanes accordent
différents appuis aux acteurs politiques avec lesquels ils entrent en relation. Ces appuis
peuvent se manifester par la participation à une manifestation, par l’adhésion à un parti
politique, etc…
Les biens politiques spécialisés sont faits pour ceux qui sont prêts à y adhérer. Il s’agit
de biens symboliques se distinguant des biens matériels. Les catégories de biens sont plus
individualisées, d’ordre plus privatif. Cela renvoie à la façon de faire des notables.
Aujourd’hui, la politique est professionnalisée, mais cette activité conserve des façons
de se faire élire tout en opérant une symbiose avec des techniques nouvelles. Ces nouveaux
produits doivent être adaptés aux situations et aux interlocuteurs.
Plus le terrain est autonomisé, plus la relation prend la forme de croyances.
Les acteurs participant à ce jeu ne vivent pas nécessairement la situation sur le mode
d’un échange : les citoyens peuvent refuser de voir leurs idéaux réduits à une transaction
politique. Les échanges politiques reposent sur une croyance forte dans la valeur des enjeux
des enjeux qui sont débattus.
Toute une série d’acteurs politiques, pris dans les échanges politiques, vont dénier ces
transactions. Pourtant, certains acteurs dénoncent l’existence de ces marchés.
B) LA RECHERCHE D’UN ÉQUILIBRE À TRAVERS L’ORGANISATION DES POUVOIRS
PUBLICS
La monarchie absolue se caractérise par la concentration des pouvoirs entre les mains du
roi. Les acteurs vont imaginer une meilleure distribution des pouvoirs en créant une
architecture constitutionnelle afin de lutter contre le despotisme.
1) LES RÉGIMES PARLEMENTAIRES
Un régime parlementaire peut se définir comme un gouvernement exerçant le pouvoir au
nom du chef de l’Etat, qui est politiquement irresponsable. Ce gouvernement est
politiquement responsable devant une assemblée législative, qui dispose des moyens pour
renverser le gouvernement. L’assemblée peut aussi être dissoute par l’exécutif. Il existe donc
des moyens de contrôle réciproque entre le législatif et l’exécutif.
Le chef de l’Etat fait figure de symbole de l’unité, audessus des luttes partisanes.
L’assemblée nationale, quant à elle, a plus de pouvoir que la deuxième chambre. En
effet, l’harmonie entre les deux chambres n’existe pas toujours.
On est souvent conduit à trouver deux variantes à ce régime :
Le régime d’assemblée est un régime où la puissance de
l’exécutif est amoindrie ; les croyances politiques ont mis en
place ce régime
Le régime de l’exécutif dominant : l’ordre du jour des
assemblées est maîtrisé par le gouvernement ; il existe des
clauses restrictives limitant la mise en jeu politique du
gouvernement ; la puissance du législatif est réduite par rapport
à l’exécutif
Les conditions du contrôle parlementaire changent.
2) LES RÉGIMES PRÉSIDENTIELS
Dans ce type de régime, l’autonome l’emporte car le pouvoir gouvernemental et les
assemblées législatives sont autonomes. Le chef de l’exécutif ne peut dissoudre le parlement,
qui ne peut mettre fin à l’existence du gouvernement.
La séparation des pouvoirs n’est cependant pas aussi forte. Pour nommer des ministres,
le chef de l’Etat doit recevoir l’appui du Sénat. Il peut être mis en accusation par la chambre
des représentants et destitué par le Sénat.
Le président peut directement proposer des projets de lois et peut intervenir dans les
débats parlementaires par l’intermédiaire de messages.
Les ministres sont les collaborateurs du président et relèvent de son autorité ( exécutif
monoséphal).
L’exécutif est devenu prépondérant dans certains pays.
Section 2 : LES RÉGIMES AUTORITAIRES
Il s’agit de régimes très divers.
§ 1 : LES CRITÈRES D’IDENTIFICATION
A) L’AMBITION POLITIQUE DES LEADERS
Les gouvernants d’un pays (élus démocratiquement ou non) revendiquent une parcelle
d’autorité légitime.
L’adjectif «autoritaire» est synonyme de violence arbitraire. Cela renvoie à un mode
d’exercice du pouvoir dont le fondement est l’excès d’autorité.
“L’autoritarisme désigne un rapport gouvernants/gouvernés reposant de manière
suffisamment permanente sur laquelle la force plutôt que la persuasion (…). Il s’agit d’une
relation politique dans laquelle le recrutement des dirigeants relève de la cooptation et non
de la mise en concurrence électorale des candidats aux responsabilités publiques. Souvent,
enfin, ces régimes ignorent les procédures codifiées ou de relève pacifique de leur dirigeants,
et la cessation et l’attribution du pouvoir ne peuvent y être que le résultat de confrontations
violentes (occultes ou publiques) relevant de l’accident et non de l’institutionnalisation”
(Hermet).
La concentration des pouvoirs d’Etat intervient dans les mains de groupes dont la
préoccupation essentielle se soustrait à des aléas d’un jeu concurrentiel qu’ils ne
contrôleraient pas de bout en bout. Ces régimes sont donc illégitimes car les dirigeants
arrivent au pouvoir en trichant ( point de vue externe).
“Les régimes autoritaires sont des systèmes à pluralisme limité, mais sont responsables,
sans idéologie élaborée (…) ni volonté de mobilisation intensive ou extensive, sauf à certains
moments de leur développement” (Linz).
Il existe deux aspects discriminants.
Premièrement, l’autoritarisme se traduit par le maintien d’une distinction entre l’Etat et
la société. Le pluralisme limité renvoie à un gouvernement fort cherchant à maintenir un
pluralisme social et économique, plus que politique et idéologique.
Enfin, dans un régime autoritaire, le gouvernement fort est soutenu par un parti unique,
mais il existe d’autres instances de socialisation.
L’autoritarisme s’accommode de certaines formes d’expressions idéologiques. Les
régimes totalitaires visent à réduire le pluralisme idéologique en encadrant de manière totale
le peuple et la culture.
B) LES VARIANTES DE L’AUTORITARISME
Les dirigeants respectent quatre grands modes de gouvernements.
Ils cherchent à se prémunir des incertitudes de la concurrence électorale. Ils peuvent
aller jusqu’à supprimer les élections : cela suppose que les pays n’est pas de tradition
participative.
Les dirigeants se préoccupent de maîtriser le plus complètement possible l’appareil
étatique. On peut être confronté à des Etat où les sphères politiques ne sont pas différenciées.
Les dirigeants s’appuient sur des allégeances personnelles différenciées. Ils s’appuient sur des
allégeances personnelles. Ces alliés vont être chargés d’encadrer les masses.
Les dirigeants sont soucieux de leur image pour faire bouger les masses en leur faveur.
Il n’y a pas de pluralisme de la presse. La liberté d’expression concerne uniquement la presse
culturelle.
Certains régimes autoritaires cherchent le consensus (plébiscites, acclamations,
élections, etc…).
Ce ne sont pas des formes de gouvernement modéré. Les dirigeants craignent que les
opposants ne reversent le régime. D’où une utilisation de la violence, qui peut être physique
ou judiciaire.
§ 2 : LES TYPES DE RÉGIME
A) L’AUTORITARISME PATRIMONIAL ET LES OLIGARCHIES CLIENTÉLISTES
Les traits de l’autoritarisme ont été analysés par Weber : il s’agit d’un “mode de
domination orienté principalement dans le sens de la tradition et exercé en vertu d’un droit
personnel absolu”. Ces régimes font échos à des modes de domination traditionnelle.
“On appelle patriarcalisme la situation dans laquelle, au sein d’un groupement
domestique, la plupart du temps économique et familial primaire, un seul homme désigné
selon les règles de succession fixe exerce la domination” (Weber).
“Avec l’apparition d’une direction administrative et militaire purement personnelle du
détenteur du pouvoir, toute domination traditionnelle incline au patriarcalisme et à l’apogée
du pouvoir du seigneur le sultanisme” (Weber). Dans ce système, l’autorité du prince
correspond à celle du père de famille.
Dans le cadre d’un gouvernement rudimentaire, le gouvernement des collectivités
fonctionne sur le modèle du gouvernement d’un foyer domestique.
Eisenstadt met en place la notion de néopatrimonialisme pour qualifier certains régimes
contemporains autoritaires et peu différenciés sur le plan institutionnel. Il s’est appuyé sur les
monarchies du Golfe et sur certains Etat subsahariens, c’estàdire sur des systèmes où le
prince dispose de prérogatives importantes.
Les élites des affaires se succèdent aux plus hauts postes du gouvernement. Ces
gouvernants s’appuient sur des liens clientélaires pour conquérir le pouvoir.
Les institutions demeurent faibles : la corruption d’Etat est importante. Cet appareil est
faible pour remplis ses missions.
B) BONAPARTISME, POPULISME ET BUREAUCRATIES AUTORITAIRES
Le bonapartisme se caractérise par un exécutif omnipotent et fait référence au principe
de la souveraineté nationale. Les élections sont subtilement encadrées par une série
d’administrations : les préfets interviennent pour favoriser l’élection d’un candidat du
parlement. Une fois élus, les parlementaires ont un rôle effacé. En même temps, l’Etat est très
développé.
Le bonapartisme anticipe des régimes forts, dirigés par des militaires, c’estàdire des
dictatures populistes. On est en présence de régimes exaltant l’émancipation et l’égalité.
L’armée est fondamentale car elle sert de tremplin social aux enfants issus des classes les plus
modestes.
Qui dit bureaucratie dit Etat développé. Il s’agit d’un régime dans lequel, pour chaque
branche d’activité, des corporations sont créées par l’Etat et contrôlées par la bureaucratie
étatique. Il en est de même dans les régimes progressistes avec un parti unique omnipotent. La
bureaucratie de ce parti a pour vocation de contrôler toutes les activités économiques,
sociales, etc…
Section 3 : LES RÉGIMES TOTALITAIRES
C’est un concept né dans un contexte précis : l’analyse des régimes stalinien et nazi.
Cette notion ne renvoie pas toujours à une analyse scientifique. Elle permet de stigmatiser les
opposants des démocraties occidentales. C’est une notion pertinente pour les politistes.
§ 1 : L’EMPRISE DE L’ETAT TOTALITAIRE
A) LES SYSTÈMES SOCIAUX TOTALITAIRES
Selon Anna Arendt, le totalitarisme aurait eu pour effet de dissoudre les liens sociaux.
Allen (in Une petite ville nazie – 1935) montre que, en 1933, les nazis s’emploient
systématiquement à détruire toutes les associations, les syndicats, etc… Ils mettent en place
de nouvelles formes d’intégration dociles à l’égard du pouvoir.
La société est divisée en classes. Deux groupes vont alors émerger : les élites dirigeantes
et les groupes dominés. Ces groupes ne sont pas homogènes. Les élites dirigeantes sont
composées de chefs de l’armée, de patrons d’entreprises, de chefs politiques, de représentants
des classes moyennes. Cette élite est traversée par des rivalités. Les groupes dominés, quant à
eux, sont composés de membres d’ethnies (dites «inférieures»), de ressortissants étrangers,
etc… Ici, les critères de désignation sont différents.
La diversité nous renseigne sur les ressorts complexes de la domination nazie. Cette
domination est profondément politique et arbitraire.
La société nouvelle est travaillée par des hiérarchies multiples. De plus, elle est
traversée par des divisions entre les politiques. La division est forte entre les gouvernants
possédant un pouvoir d’extermination et leurs victimes.
Traditionnellement, la distinction se fait entre l’Etat et la société civile. Ici, cette
distinction ne marche pas. Ce régime est caractérisé par une violence particulière.
Les rapports économiques fonctionnent au profit des entreprises militaires.
La domination politique a des effets propres : dépossédés de toute protection juridique,
des groupes sont considérés comme inférieurs ou nuisibles par le Reich. L’ennemi doit être
physiquement détruit. Se pose le problème des institutions de ce régime.
II. LES INSTITUTIONS TOTALITAIRES DE MOBILISATION ET DE
RÉPRESSION
Il existe un parti unique.
Dans les années 1920, le NSDAP a une faible influence. Dix ans plus tard, il est présent
dans toutes les sphères de la société, et dans l’armée en particulier. C’est un parti où le
pouvoir tend à se concentrer au sommet. Il existe des tensions au sein de ce parti. Le pouvoir
policier y est fondamental. Cette institution fonctionne facilement en secret, même si elle est
soumise au pouvoir central.
Après 1918, l’Allemagne s’est vue interdite de toute force de frappe. Toute une série de
hauts militaires vont alors mettre en place une police militairement développée et entraînée.
En 1939, elle est composée de 131 000 hommes, qui vont participer à la solution finale. En
1933 est créée une armée de police territoriale (56 000 hommes) et une police secrète d’Etat
(la Gestapo), censée rechercher les ennemis politiques du régime. Cet appareil et puissant et
développée. La mobilisation est donc acquise sous la menace.
§ 2 : L’ENCADREMENT IDÉOLOGIQUE DES MASSES
A) IDÉOCRATIES ET LOGIQUES MORTIFÈRES
Tous les faits et gestes des gouvernants font l’objet de justifications en fonction de
représentations systématiques, contrôlées par le pouvoir central.
Les visions de l’Etat sont produites par les élites politiques et rediffusées à tous les
niveau de l’appareil étatique. On peut alors parler d’idéocratie à travers la création d’un
ministère de la propagande.
La propagande est une priorité qui se développe dans différentes institutions. Elle a
installé un rapport de dévotion à l’égard du chef, et entre les masses et leur chef.
Le contrôle idéologique n’est pas seulement politique : il s’étend aussi aux institutions
culturelles. Des formes de résistance vont alors apparaître.
Cette idéologie est fascinée par la destruction et par la mort. La société vit alors dans un
climat de tension permanente.
B) DU CULTE DU CHEF À LA REDÉCOUVERTE DES «HOMMES ORDINAIRES»
Le chef totalitaire incarne toute l’idéologie du parti et est censé représenté le peuple.
Son culte se répand dans toute la société. La population a des attentes visàvis du chef : il
redore le blason de l’armée et redonne fierté à la nation ( discours de la propagande nazie).
La machinerie totalitaire ne peut fonctionner uniquement avec un dictateur.
Browning cherche à comprendre comment des citoyens inoffensifs se sont mués en
criminels de guerre, c’estàdire à comprendre la transformation de gens simples en tueurs
sanguinaires. Cette transformation n’est pas le fruit d’hommes totalement endoctrinés. En fait,
le choix est laissé à ces hommes. Browning montre ce qui s’est passé, c'estàdire le
conformisme du groupe et le respect de l’autorité. Pour beaucoup d’acteurs, le plus répugnant
était de participer aux bataillons.
Chapitre 2 :
Les par t i s poli t i q ue s et le gouvernemen t des
rég imes
Section 1 : QU’ESTCE QU’UN PARTI POLITIQUE ?
Il n’y a pas une seule et unique définition du parti politique : plusieurs définitions
cherchent à imposer leurs points de vue. Ces luttes, plus ou moins partisanes, opposent des
gens prétendant définir ce qu’est un parti politique.
§ 1 : LA FORMATION DES PARTIS POLITIQUES
A) UNE NOTION ENJEU DE LUTTES DE DÉFINITIONS
La Palombra et Weiner proposent une définition très restrictive des partis politiques :
c’est “une organisation durable dont l’espérance de vie politique est supérieure à celle de ses
dirigeants en place ; une organisation locale bien établie et apparemment durable entraînant
des rapports réguliers et variés à l’échelon national ; la volonté délibérée des dirigeants
nationaux et locaux de l’organisation de prendre et exercer le pouvoir seuls ou avec d’autres
et non pas simplement d’influencer le pouvoir ; le souci enfin de rechercher un soutien
populaire à travers des élections ou de toute autre manière”. Cette définition conduit à
exclure toute une série d’objets. Elle pose donc certains problèmes.
Weber a une approche plus large des partis : il s’agit “d’associations reposant sur un
engagement formellement libre ayant pour but de procurer à leurs chefs le pouvoir au sein
d’un groupement et à leur militants actifs des chances idéales ou matérielles de poursuivre
des buts objectifs, d’obtenir des avantages personnels et de réaliser les deux ensembles”.
Mes entreprises partisanes sont plus générales que la notion de partis politiques.
La scission entre parti et syndicat est récente. Weber insiste sur plusieurs choses. Un
syndicat est un type de relations servant d’abord les dirigeants, puis les militants. Les profits
sont très variés : matériels, idéaux, publics, … Cependant, Weber ne s’arrête pas là : le partie
offre des avantages à ceux qui le font exister. Il existe des points communs aux deux
définitions : elles invitent à observer des interactions.
Pour Offerlé, les partis politiques sont comme “une espèce de concurrence entre les
agents ainsi disposés qu’ils luttent pour la définition légitime du parti et par le droit de parler
au nom de l’entité et de la marque collective dont ils contribuent par leur compétition à
entretenir l’existence, ou plutôt la croyance en l’existence”. Il existe un champ de
concurrence rassemblant les agents intéressés par l’existence d’une entreprise partisane.
Les partis sont présentés comme un lieu de relations privilégiées entre les individus qui
les composent. Les différentes espèces de capitaux objectivés font vivre les partis qui
n’existent pas par euxmêmes, mais à travers les relations entre les gens.
B) LA GENÈSE DES PARTIS
L’explication souvent avancée est d’ordre politicoinstitutionnel : les partis politiques
seraient nés du parlement et de l’extension du droit de vote. Cette hypothèse ne se vérifie pas
toujours.
Janda étudie 72 partis africains. Dans la majeure partie des PVD, les partis sont nés de la
création d’Etats.
La création des partis est pragmatique. Elle est inséparable de la croyance. Les acteurs
doivent investir utilement dans les croyances de ces organisations.
Tackett montre que la création et l’organisation d’élections ne se sont pas traduites par
la naissance de partis à l’image de ceux que nous connaissons aujourd’hui.
Pendant la période postrévolutionnaire, le terme de parti existe, mais il s’agit d’une
réunion parlementaire. Un parti est alors formé pour coordonner le parlement. Pendant
longtemps, la droite républicaine est formée de notables éclairés indépendants
économiquement, ayant du temps libre et une autorité politique. Sous la IIIe République, toute
une législation interdit la naissance d’organisation politique.
Peu avant la naissance des partis, le suffrage universel est apparu. Cela suppose
l’organisation d’élections. Le réseau d’administration préfectoral est obligé de devenir expert
en élection. Le gouvernement lui a imposé comme mission de faire les élections au sens de
“faire voter les électeurs pour les candidats du gouvernement”. Le gouvernement central a
des relais locaux pour faire face à la présence trop nombreuse d’électeurs et pour faire gagner
les candidats du gouvernement.
Les élections permettent un apprentissage de la politique par les candidats et par les
électeurs.
Le système des notables dure pendant le Second Empire. A l’époque, les réunions
publiques et les partis sont interdits, entraînant une surveillance importante de l’activité
politique. Le dispositif de la candidature officielle se met en place grâce à l’administration
préfectorale dans la mesure où le préfet a un circuit politique. Il reçoit pour mission
d’organiser les élections et de faire en sorte que toute une série de candidats ayant l’aval du
gouvernement soient élus.
Les notables ne s’investissent pas dans la politique et les partis restent localisés à
l’assemblée.
La IIIe République va introduire des innovations importantes. Des petits comités vont
apparaître au moment des élections.
Les notables ne sont pas étrangers à cette évolution. Avec ces transformations, ils vont
essayer de mettre en place des réunions politiques. Ces organisations sont locales,
généralement à l’échelle de la circonscription, ont une courte durée de vie et c’est une sorte de
propriété personnelle.
Les transformations sont liées à une modification des recrutements des candidats. En
effet, peu à peu, les notables ne sont plus les seuls à être candidats. Des personnes plus
modestes vont se regrouper autour de candidats à leur image.
Ces candidats vont pousser la formation d’organisations politiques nationales. Ces
formations sont continues dans le temps et indépendantes des cycles électoraux. Ces
organisations vont devenir des partis politiques.
Les petits candidats font des programmes d’action. Ils vont diffuser un matériel de
propagande sur tout le territoire. Il y a donc un nouveau crédit politique avec des marques, des
sigles, des idéaux et des programmes.
Une nouvelle catégorie d’acteurs et inventée et les partis politiques recrutent des
employés (= transformations importantes).
§ 2 : LES PARTIS ET LA REPRÉSENTATION POLITIQUE
A) QUELQUES GRANDES TYPOLOGIES
Weber distingue les partis nés avant le suffrage universel et les partis nés après. Il y a
alors une opposition entre les partis de cadre et les partis de masse.
Pour Duverger, les partis de cadre sont des créations intérieures, c’estàdire formés au
sein des assemblées représentatives.
Les partis de masse sont des formations extérieures au pouvoir et ont des racines du coté
des sociétés secrètes, des institutions religieuses ou syndicales et des associations. De plus, les
partis de masse sont des institutions dénuées de représentations parlementaires.
Le parti de cadre est décentralisé, faiblement articulé sur le plan national. Il est composé
de comités et de notables influents et s’appuie sur eux pour obtenir des crédits ou faire le lien
avec les électeurs.
Le parti de masse s’appuie sur le dévouement des militants, lui permettant d’être une
organisation plus structurée. Il fonctionne sur l’appel au public vers lequel il envoie les mots
d’ordre et les appels à cotisation. Cela permet la fabrication d’un public s’intéressant à la
politique.
Pour Charlot et Kircheiler, un parti doit s’étendre sur une grande partie des classes
sociales pour l’emporter. Il s’agit alors de partis de rassemblement.
D’autres auteurs sont allés dans d’autres directions.
Pour Rokkan, les partis sont à la fois des agents de conflit et des agents d’intégration
politique. Selon lui, toute une masse de conflits s’offrent à nous, mais cinq grands conflits ont
permis le développement de ce type de parti :
• Clivage Etat/Eglise
• Clivage centre/périphérie
• Clivage urbain/rural
• Clivage possédant/travailleur
• Clivage occidentaux/orientaux
Ces clivages sont définitifs, entraînant la formation de grandes familles politiques. A
cela s’ajoutent des clivages partisans qui seraient nés de la Révolution.
B) SYSTÈMES DES PARTIS ET SYSTÈMES POLITIQUES
Pour Wisseller, le système des partis est “un ensemble structuré, constitué de relations
tantôt d’opposition, tantôt de coopération, qui existent entre les partis politiques agissant sur
la scène politique d’une même société”. Ces relations peuvent être plus ou moins
conflictuelles.
On distingue deux grands types de partis : le bipartisme et le multipartisme.
Le bipartisme repose sur l’alternance plus ou moins régulière de deux partis à vocation
majoritaire. Le bipartisme absolu n’existe pas, même si les EtatsUnis et la NouvelleZélande
s’en rapprochent. Cela correspond au mode de scrutin en vigueur (scrutin majoritaire à un
tour) favorisant une opposition dualiste. L’efficacité remporte sur l’effectivité. En Angleterre,
un parti peut obtenir la majorité des sièges, mais cette majorité n’est pas forcément
représentative des suffrages exprimés.
Concernant le multipartisme, un parti ne suffit pas à former un gouvernement. Pour
qu’un gouvernement soit formé, il faut une majorité de coalition.
On peut avoir un parti à formation quasi majoritaire auquel s’opposeront les petits partis
à vocation minoritaire. Ces derniers ne pourront former une coalition de longue durée. On
peut avoir aussi deux partis à vocation majoritaire cherchant à élargir leurs bases. S’il y a
plusieurs petits partis, le gouvernement de coalition est la norme. Des contraintes
institutionnelles poussent à l’émergence de ce système.
Pour Duverger, le multipartisme est lié au scrutin majoritaire à deux tours ou à la
représentation proportionnelle. La proportionnelle pousse à l’émiettement partisan. Dans ce
cas, la justice l’emporte.
Il peut y avoir un troisième système des partis : le système du parti unique. Ce parti
remplit des fonctions de sélection et de formation des nouvelles élites, intégrées dans la
hiérarchie. Il contrôle tous les organes de l’Etat et s’insère dans toutes les sphères de la
société. Il développe sa doctrine pour être en relation avec tous les milieux sociaux. Ce
contact va du haut vers le bas. Ce réseau sert à diffuser la propagande et à appuyer les organes
de police. Pour une minorité de personnes, ce système constitue le moyen d’accaparer le
pouvoir à leur profit.
Section 2 : LES PARTIS COMME ORGANISATION
§ 1 : LES MOYENS MATÉRIELS D’ACTION ET DE MOBILISATION
A) LES RESSOURCES DES PARTIS
En démocratie, les partis sont indépendants de l’Etat. Ce n’est pas le cas pour le système
totalitaire où il y a une fusion entre l’Etat et les partis.
Les partis se sont appuyés sur des financements privés. Des inégalités peuvent
apparaître entre les partis conservateurs (dont les fonds patronaux sont importants) et les
partis de gauche. Les partis conservateurs ont plus de moyens de faire de la politique. Un
certain nombre d’acteurs politiques estiment qu’il est nécessaire d’encadrer ces financements
pour maintenir le pluralisme politique.
Les ressources des partis se sont organisées en quatre grands pôles :
Cotisation des militants et prélèvements sur les indemnités des élus
Dons versés par les entreprises et les particuliers . Se pose le problème
des origines et des raisons de ces dons. Le législateur a pris soin de les
encadrer. Les dons des personnes morales sont interdits depuis 1995.
les comptes des campagnes sont publiés au JO.
Les soutiens publics. Les candidats ayant obtenu un certain nombre de
suffrages reçoivent un remboursement forfaitaire de leurs dépenses
électorales. Des aides sont accordées aux groupes parlementaires, qui
sont proportionnelle au nombre d’élus inscrits dans le groupe. Il existe
aussi des aides directes aux partis
Les financements occultes
Pour Meny (Corruption de la République), même au niveau des collectivités locales,
avec la décentralisation ; des pratiques condamnables se sont développées.
B) LES DÉPENSES DES PARTIS
Pendant longtemps, les dépenses n’ont pas fait l’objet d’une législation. En 1988, les
dépenses ont été limitées pour les candidats à la présidence et à l’assemblée.
Ces dépenses sont réparties sur quatre postes : coûts fixes de fonctionnement ; dépenses
de formation des militants ( embrigadement interne) ; dépenses externe de propagande ;
financement des campagnes.
Les campagnes sont devenues coûteuses avec les moyens actuels de la politique
spectacle.
§ 2 : LA DIRECTION ET LES MILITANTS
A) LA COMPÉTITION INTERNE
Selon certains directeurs de partis, les partis politiques peuvent être nécessaires à la
démocratie. En fait, ces partis incarneraient la démocratie. Le caractère oligarchique de la
démocratie est ici mis en évidence.
Le mode de fonctionnement idéal n’est pas toujours de mise. Certains textes juridiques
et règlements sont ignorés.
Quand les rivalités deviennent trop vives, cela peut avoir un effet non voulu. Toute une
partie du travail essaye de minimiser et de canaliser les partis.
Pour exister, un parti a besoin d’un petit nombre d’individus servant à le représenter. Le
pouvoir semble alors être capté par une minorité d’individus. Cela revoie à la tendance
oligarchique des organisations et des partis.
Michels s’est appuyé sur la socialdémocratie allemande d’avant 1914. Elle s’est
présentée comme l’incarnation de la démocratie. Michels montre qu’elle gravite autour de la
loi d’airain de l’oligarchie. Cette loi se développe dans toutes les organisations.
“L’organisation est la source d’où naît la domination des élus sur les électeurs, des
mandataires sur les mandants, des délégués sur ceux qui les délèguent. Qui dit organisation
dit oligarchie” (Michels).
C’est un processus de différenciation interne, de division du travail dans les partis. Ce
système s’accompagne d’une bureaucratisation.
Un parti a besoin de professionnels qui vont parvenir à maîtriser des ressources de la
machine politique. Ces gens, dont l’univers est le parti, finissent par s’y installer. Ils
deviennent inamovibles et indépendants des masses.
Des facteurs renforcent cette oligarchie. Ces gens ont des moyens matériels et humains.
Ils maîtrisent toute une série de textes et de règlements.
B) LA DIVISION DU TRAVAIL POLITIQUE
Elle renvoie à la mise en place d’un système de position. Les organigrammes font voir
cette division du travail.
Tout le monde ne devient pas militant. Des dispositions à la participation politique sont
socialement déterminées. Elles vont s’accentuer dans la conjoncture. Elles sont différentes
selon les individus. On est face à des situations variées.
La défense d’une cause peut permettre de comprendre la participation à des
mobilisations ponctuelles.
Pour Olson, la probabilité de s’engager de manière continue sans une action collective
sera plus forte que les rétributions retirées de cette action. Ces actions ne sont pas uniquement
collectives. Olson met en évidence les rétributions sélectives.
“Audelà des rétributions purement matérielles dont disposent les entrepreneurs pour
rétribuer leurs auxiliaires, il faut aussi prendre en compte ce qui apparemment ne compte pas
dans une vision étroite de l’économie des rétributions : les rétributions offertes par l’exercice
de responsabilité de tout niveau ou par l’activité militante” (Gaxie). C’est une critique
d’Olson. Ces rétributions sont limitées. Gaxie considère l’engagement militant en interrogeant
les usages sociaux de la relation partisane. Il considère cette relation comme un marché
scolaire et culturel. Les militants acquièrent un savoir faire et une culture politique. Cette
relation peut être considérée comme un marché économique.
Des militants se créent un réseau de relations sociales. On peut penser cette relation
comme un lieu de sociabilité et un marché matrimonial. Ces usages ne sont pas calculés. En
devenant militants, des individus sont placés dans ces situations.
Section 3 : LA DÉMOCRATIE ET LES PARTIS POLITIQUES
§ 1 : LES PARTIS ET LA COMPÉTITION INTERPARTISANE
A) LES PARTIS ET LA LÉGITIMATION DE L’ORDRE PUBLIC
L’action des partis tend à fabriquer des solidarités nouvelles entre groupes d’individus.
Les partis sont des agents de socialisation. Des partis peuvent s’unir pour délivrer un message.
Le jeu politique est légitimé par les partis. La compétition permet la reproduction de
toute une série de postulats ( légitimation de l’activité politique).
“Les portesparoles des partis délimitent l’univers du possible, du pensable et du
dissible politiquement. En labellisant des produits comme politiques, il se réservent et
s’approprient le monopole de leur production et de leur distinction” (Offerlé). Pour leurs
activités quotidiennes, les partis fabriquent un espace où un certain nombre de choses peuvent
être pensées. Les partis politiques s’assurent du contrôle de cet espace. Ils ont le monopole
des discours tenus pour légitimes.
Les partis produisent des biens politiques, qui ne sont pas tous en accord. La logique de
la compétition partisane conduit les partis à se distinguer des autres.
B) LES PARTIS ET LA STRUCTURATUIIB DE L’ESPACE POLITIQUE
La structuration de cet espace est le produit d’une concurrence à laquelle se livrent les
entrepreneurs politiques pour la conquête de trophées dans les champs politiques.
L’offre politique est liée au marché pour lequel elle sera produite. Sa fabrication est
dépendante du public auquel elle s’adresse. Les partis doivent se préoccuper des concurrents.
Les thèmes produits par les partis ne sont pensables que rationnellement. Ils ont plus ou
moins le monopole de certains courants. La fabrication renvoie à un travail réalisé sur la
réalité. Une opération d’alchimie s’opère alors.
Des problèmes vont être convertis pour justifier l’activité politique des partis. L’offre
sera ellemême multiforme. Chaque parti n’est pas en mesure de mobiliser n’importe quelle
attente. Des problèmes sociaux peuvent longtemps exister sans qu’aucun acteur ne s’y
intéresse. Il existe des conjonctures de crises dans lesquelles les mécanismes politiques ont du
mal à fonctionner.
§ 2 : DE L’ÉCHANGE POLITIQUE À LA GESTION DU POUVOIR
A) LES PARTIS COMME OPÉRATEURS DE L’ÉCHANGE POLITIQUE
Tous les individus ne se sentent pas concernés au même niveau par la politique. Derrière
cela, les investissements sont inégaux. Les électeurs n’assimilent pas de la même façon les
programmes et les enjeux politiques. Les groupes mobilisés sont hétérogènes. L’électorat est
le groupe d’individus se mobilisant pour différentes raisons.
Les transactions sont “des rassemblements de groupes primaires et d’individus (fédérés
par des entreprises qui, travaillant sur leurs attentes, se chargent de les unifier et de les
convertir politiquement) et des conglomérats de groupes secondaires réactivant dans des
interrelations sociales et des activités sociopolitiques (…). L’électorat est donc un groupe qui
prétend à l’existence véritable grâce au travail de représentation qui l’a fait connaître et qui
entretient la croyance en son existence et en son unité” (Gaxie et Offerlé). Les électorats
existent à travers le travail politique et le travail de représentation. Une partie du travail
consiste à légitimer l’existence de l’électorat. Les représentants de ces organisations se
considèrent comme des portesparoles légitimes.
B) LA PARTICIPATION DES PARTIS À L’EXERCICE DU POUVOIR
Le but ultime de toute organisation politique est de conquérir le pouvoir. Les partis
politiques proposent des programmes pour se maintenir au pouvoir. Les vainqueurs se voient
attribuer toute une série de postes pour gouverner. Ils ne gouvernent pas un groupe, mais un
Etat tout entier. Les hommes politiques issus de cette sélection ne sont pas seuls au
gouvernement. Une fois au gouvernement, ces personnes se heurtent à des résistances d’ordre
bureaucratique ou administratif.
Entre les différents ministères, il existe des luttes. Un gouvernement est traversé de
rivalités, renvoyant à des rivalités bureaucratiques.
Tous les partis n’ont pas de forces égales pour exercer des responsabilités
gouvernementales. Ces partis sont souvent fondamentaux. On est surtout en présence de partis
majoritaires (partis gestionnaires). A coté de ces partis, il existe d’autres partis considérés
comme des partis contestataires et qui s’appuient sur les mécontentements des groupes
dominés.
Le PCF a une fonction tribunitienne. Cette fonction est forgée par Lavau (A quoi sert le
PCF) : “En canalisant et en disciplinant les révoltes, en leur donnant des débouchés
politiques, légaux et ordonnés (défilés, votes, …) le PCF sert d’autant mieux le
fonctionnement du système que les résultats politiques de cette activité tribunitienne se
traduisent dans les cas les plus favorables par des pannes dans le fonctionnement du système
ou par un accroissement de quelques points du pourcentage recueilli par le PC, mais ils
n’ont jamais pu menacer la vie même du système”. Le PCF a contribué au maintien du
système français.
Des partis sont apparemment hostiles au système politique. Ces partis ne sont pas
forcément une gène pour le système. Les partis politiques prennent des risques en, restant
dépendant d’un seul groupe social.
2e partie :
La consol i d a t i o n et la t r a n s f o rm a t i o n des
rég imes
Chapitre 1e :
L’empr i s e et l’empre i n t e du dro i t
Section 1 : LES STRUCTURES INSTITUTIONNELLES DE LA POLITIQUE
Toute société peut se caractériser par l’existence d’un ordre assurant sa stabilité.
L’ordre social est garanti par les institutions définies comme “des faits sociaux
impersonnels et consultatifs présentant permanence, continuité, stabilité”. Chevalier note que
“elles sont dotées d’une constance propre, détachées des volontés qui les font naître et
installées dans la durée, elles imposent leurs lois aux membres de la société en modelant les
pensées et les comportements”.
§ 1 : LA SCIENCE POLITIQUE ET L’ANALYSE DES INSTITUTIONS
Au départ, la science politique délaisse l’analyse des institutions, analyse d’abord faite
par des juristes.
A) DEUX PERSPECTIVES INSTITUTIONNELLES CLASSIQUES
L’analyse politique a longtemps été dominée par le légalisme formel. L’approche
dominante s’appuie sur l’élaboration de classifications construites. C’est une approche légale
rationnelle.
Ces catégories permettent de distinguer différents systèmes nationaux et de les
comparer. Elles permettent de caractériser des systèmes politiques et de juger les
performances concrètes à travers des modèles abstraits.
Les institutions incarnent des politiques de base. Aux EtatsUnis, des chercheurs se sont
intéressés aux bases sociales du pouvoir, à des processus de décision, … Ces études reflètent
des facteurs sociaux décisifs. Ce courant est qualifié de behavioriste : les institutions sont
pensées comme un système. Ces institutions sont conçues comme des ensembles stables
fournissant des règles aux acteurs. Ces règles sont présentées comme immuables, comprises et
acceptées par tout le monde.
B) LE NÉOINSTITUTIONNALISME ET LE RENOUVEAU DE LA SOCIOLOGIE DES
INSTITUTIONS
Des travaux vont remettre en cause l’idée selon laquelle les règles de droit seraient des
principes d’explication pertinents et suffisants pour comprendre la politique. Pour Lacroix,
cette conception de la règle juridique “invite à concevoir la pratique comme exécution de la
règle, ce qui a pour inconvénient (…) de penser la pratique en tant que telle”.
La force des énoncés juridiques n’est pas la même partout. “Les agents sociaux
obéissent à la règle quand l’intérêt à lui obéir l’emporte sur l’intérêt de lui désobéir”
(Weber).
Les règles juridiques ne sont pas automatiquement efficaces par ellesmêmes. La
sanction n’existe pas. Il faut donc s’affranchir des règles.
La politique se confond avec un cadre institutionnel. C’est un espace juridique codifié.
Le néoinstitutionnalisme est né aux EtatsUnis. Ce courant tend à considérer les
institutions comme des forces potentiellement indépendantes, de nature à altérer les résultats
de l’activité politique. Il est rendu possible car le jeu politique s’inscrit dans la durée, dans le
temps. La durée permet à la structure et aux règles de ce jeu de se conférer une sorte de
solidité propre.
Les institutions peuvent influencer la façon dont les acteurs politiques définissent leurs
intérêts. Pour Stone, “toute institution définit un corps cohérent de normes et de principes de
comportement, de formes complexes de politiques symboliques, de structures discursives et
rituelles qui peuvent pénétrer et même orienter des comportements plus prosaïquement
intéressés des acteurs”. Les avocats de ce courant refusent l’hypothèse selon laquelle les
institutions seraient la base d’un ordre stable. Pour eux, le sens des institutions est ambigu.
§ 2 : DES INSTITUTIONS AUX LOGIQUES D’INSTITUTIONNALISATION
Les institutions ont toujours une histoire qui n’est pas évidente à reconstituer. En effet,
l’histoire est le fruit d’une multitude d’individus. Pour Berger et Heckman (Construction
sociale de la réalité), il existe trois temps forts permettant la construction de ces institutions :
o L’extériorisation renvoie au processus suivant : les institutions finissent
par se détacher des individus qui les ont fait naître
o L’objectivation fait écho à d’autres processus : une institution acquière
l’apparence d’une réalité objective
o L’intériorisation les institutions sont assimilées au quotidien des
individus
A) LES INSTITUTIONS COMME UNIVERS SOCIAUX COMPLEXES DES SIGNIFICATIONS
Dans toute société, il existe des signes qu’il faut déchiffrer pour agir. La diffusion de ces
signes permet de réduire les incertitudes et garantit un minimum de prévisibilité.
Les institutions politiques font écho à un univers de significations stable. Les acteurs
politiques sont obligés de respecter un certain nombre de contraintes qui s’imposent à eux à
travers l’existence d’institutions.
B) L’INSTITUTIONNALISATION DES RÔLES ET LA SIGNIFICATION DE L’ACTION
L’ordre social se complexifie. Les institutions ne peuvent naître et se développer qu’en
liaison avec des individus.
Les rôles sont souvent liés à l’émergence d’un système de position. La fabrication des
rôles permet d’institutionnaliser des comportements, des conduites. L’institutionnalisation est
liée à une stratification sociale, c’estàdire à un mouvement de structuration et d’organisation
de la société. Cette stratification coexiste avec des espaces diversifiés.
La conduite politique peut être pensée selon un triple mouvement :
Mouvement de différenciation politique
Constitution d’un espace politique
Ces positions conduisent les acteurs à remplir des fonctions politiques
différenciées ou complémentaires
Section 2 : LES RÈGLES DU JEU POLITIQUE
Les processus d’institutionnalisation permettent de consolider un espace politique.
§ 1 : LA CODIFICATION JURIDIQUE DE L’ORDRE POLITIQUE
A) LES FONCTIONS DES CONSTITUTIONS
Les articles 2, 8 et 24 de la constitution permettent de réévaluer l’apparente homogénéité
des constituions.
L’article 2 s’apparente à une proclamation. L’article 8 définit un organe ; c’est un acte
d’autorité fondateur qui renvoie à des corps institués. L’article 24 définit la compétence d’un
organe et signale une relation de subordination ; il s’agit de consacrer la pratique.
Ces énoncés montre que le droit constitue une parole d’autorité. Un travail de création
symbolique est à l’œuvre à travers ces formules.
La constitution incarne une origine à partir de laquelle est racontée une histoire. Elle
définit l’originalité de la société. Elle se présente comme la solution aux problèmes de la vie
en société. La constitution reflète aussi un certain nombre de volontés. Cela permet d’affirmer
l’existence d’un certain nombre d’individus.
Une constitution définit la citoyenneté. Cet outil nomme l’espace au sein duquel le
groupe vit. Elle en désigne les subdivisions et affiche les valeurs emblématiques souhaitées
par les gens ayant fait la constitution. C’est l’emblème d’un groupe.
La constitution est une image qui préfigure l’organisation des pouvoirs publics. Elle
institue une forme de division et limite le pouvoir des gouvernants. Les constitutions justifient
le rôle et l’existence des portesparoles. Elle justifie aussi le silence des représentants. Elles
légitiment une division du travail politique entre représentants et représentés. Cette division
est rendue naturelle. Elle tend à transformer toute protestation en acte illégitime.
Quand elle s’installe dans la durée, toute constitution tend à imprimer une certaine
marque de conservation. Son emprise se fait de plus en plus sentir. Ses principes peuvent être
remis en question. Cela devient une sorte de point de repère des dominants.
B) LES CONVENTIONS DES CONSTITUTIONS
La connaissance de la constitution écrite d’un pays ne suffit pas à en connaître les règles
effectives.
Pour Pierre Avril, la convention renvoie à des arrangements et à des usages qui ne sont
pas du droit. S’ils régissent la conduite des organes du pouvoir, ils ne sont pas sanctionnés par
les tribunaux.
Pour Weber, la validité du droit “est garantie par la chance d’une contrainte, par
l’existe d’un appareil de coercition”. L’influence s’exerce “en suscitant une réaction de
simple approbation ou désapprobation dans le groupe d’hommes qui forme l’entourage de
celui qui agit”.
Sous la Ve République, de nombreux premiers ministres ont démissionné sans
qu’aucune règle les y oblige. Entre avril 1962 et juin 1997, il y a eu 26 démissions. Sur ces
démissions, 6 résultaient d’une responsabilité non écrite. Des compromis sont passés entre le
président et le premier ministre.
§ 2 : LA FORCE RELATIVE DU DROIT
A) LA FORCE DE LA FORME JURIDIQUE
Le droit se présente sous une forme écrite. Le rôle du scribe est né dans l’ombre des
dirigeants : c’est un symbole de pouvoir. La mise par écrit a une vertu propre. Bourdieu parle
de mise en ordre symbolique.
La constitution permet une communication minimale entre toute une série de partenaires
politiques. Elle confère à des pratiques de la simplicité et de la clarté. Cela va permettre de
prévoir certaines conduites. Les constitutions sont une ressource d’actions et de justifications.
Il y a toute une série de croyance dans la force du droit. Cependant, le droit n’a pas de
force en soi. Les professeurs de droit constitutionnel sont prédisposés à développer une vision
juridique du monde. Ils apportent une vision juridique au formalisme constitutionnel et
permettent de diffuser la croyance en la force du droit.
B) LES USAGES SOCIAUX DU DROIT
En période de cohabitation, l’article 5 permet au président d’affirmer à ses rivaux qu’il
exercera pleinement ses fonctions.
La constitution n’est pas toujours n’est pas toujours mise en avant par les acteurs
politiques. Les politiques sont les usagers du droit.
La connaissance des règles de droit n’est pas suffisante pour comprendre le
fonctionnement des institutions. Les rapports de force sont aussi importants que la
connaissance des règles. En politique, cette connaissance ne va pas de soi.
Aujourd’hui, il y a une juridisation de la vie politique. De plus, il existe des décalages
entre la vie politique et la vie juridique.
Section 3 : LA POLITIQUE SAISIE PAR LE DROIT ?
C’est un système important surtout dans les démocraties pluralistes. Cela suppose le
respect des règles, parfois inscrites dans les normes. Ce retour ne peut se résumer par un
retour juridique.
§ 1 : LA REDÉCOUVERTE DU DROIT
Elle est attestée par de multiples signes. Le droit acquiert une force de plus en plus
importante. La redécouverte résulte d’un processus compliqué. Il a fallu que s’opère une
subordination des branches du droit au droit constitutionnel (A). Des constitutionnalistes vont
s’ériger en portesparoles de l’ordre juridique tout entier (B).
A) LA CONSTITUTIONNALISATION DU DROIT
Le droit constitutionnel est une discipline paradoxale : son objet concerne les normes les
plus élevées, sa pratique n’a rien à voir avec l’univers des disciplines juridiques. C’est un
droit abstrait et lié à la réflexion. Il ne permettrait pas de saisir ce que pense la société civile.
La constitution a une supériorité théorique sur les autres normes. Il y a une ouverture
doctrinale depuis 1971. C’est à ce moment qu’apparaît la juridictionnalisation du conseil
constitutionnel. Selon les néoconstitutionnalistes, la jurisprudence du conseil concerne tout le
monde.
Au début des années 80, la définition du droit constitutionnel et de ses rapports avec les
autres branches du droit a été bouleversée. Le droit constitutionnel se divise en trois
branches : droit constitutionnel fondamental, droit constitutionnel institutionnel, droit
constitutionnel relationnel.
B) LA JURIDISATION DES DÉBATS POLITIQUES
Il y a des conjonctures qui sont plus favorables au retour en force de controverses
constitutionnalistes. Ces périodes sont favorables à une juridisation des problèmes débattus
dans l’arène politique.
En 1986, Mitterrand refuse à trois reprises de signer des ordonnances préparées par le
gouvernement, ordonnances correspondant à deux lois d’habilitation. Des juristes ont affirmé
la supériorité du droit. Ils sont apparus comme des consultants politiques. Ils développement
l’idée selon laquelle le problème est juridique. Un doute a été émis : en refusant de signer une
ordonnance, le président n’a pas violé de textes, mais a accompli un acte politique. Il y a une
sorte d’emprise du droit sur l’analyse de la situation.
Les juristes vont une revendication tacite sur la politique. Cela a eu des effets tacites sur
les hommes politiques. L’existence du droit a été martelée avec force. Les juristes ont laissé
des traces de leur intervention, qui ont donné des armes juridiques aux acteurs politiques pour
se combattre. Le retour au droit n’implique pas un retour à la raison juridique.
§ 2 : DE LA RAISON JURIDIQUE AUX STRATÉGIES DES ACTEURS POLITIQUES
Le retour au droit ne se résume pas à un gouvernement du Conseil Constitutionnel.
A) L’USAGE PRAGMATIQUE DU DROIT PAR LES PROFESSIONNELS DE LA POLITIQUE
C’est une idée importante.
L’objectif des hommes politiques n’est pas de respecter le droit à tout prix. La relation
avec le droit est suspendue aux chances de profit politique que les hommes politiques sont
susceptibles de retirer de son usage.
L’univers du politique n’est pas celui des juristes. Pour l’emporter, les acteurs politiques
réunissent des ressources. Les politiciens évaluent les règles de droit, en particulier leur intérêt
normatif ou pragmatique.
Pour Bailey, les règles normatives sont “des lignes très générales de conduite. On s’en
sert pour juger des actions particulières selon les critères moraux du bien et du mal. Les
règles normatives ne prescrivent aucun type particulier d’action, mais délimitent plutôt de
façon très large le champ des actions possibles”. Les règles sont souvent vagues et découlent
de la notion d’honnêteté.
Selon Bailey, les règles pragmatiques sont des “constatations qui ne visent pas à juger
telle ligne particulière de conduite en terme de juste ou d’injuste : elles indiquent si celleci
sera efficace ou non ; d’un point de vue normatif, elles sont neutres. Elles peuvent
fonctionner dans les limites définies par les règles du jeu, tout comme elles ne peuvent pas en
tenir compte”.
Les acteurs politiques peuvent s’écarter des règles de droit pour être efficaces. Il y a une
redécouvert des règles juridiques. Cela permet une montée en puissance du conseil
constitutionnel.
B) LES LIMITES DE LA JURIDISATION DES DÉBATS POLITIQUES
Les hommes politiques ne sont pas tous capables d’intervenir dans le domaine juridique.
La juridisation des débats politiques renvoie à des débats ésotériques. La mise en forme
juridique des débats politiques passe au second plan.
Les coups juridiques ne sont pas systématiquement utilisés par les hommes politiques. Il
s’agit de construire une réalité politique.
Les acteurs politiques se servent du droit. Cependant, ils ne sont pas devenus plus
respectueux des règles de droit.
Chapitre 2 :
La par t i c i p a t i o n élec t o r a le
La participation électorale suppose l’existence d’agents spécialisés minimalement. Plus
loin, il y a les électeurs, qui sont tenus à l’écart. Il existe différentes formes de participation.
Cela permet aux profanes de faire un apprentissage de la vie politique. Cet apprentissage est
assez complexe. Il peut renvoyer à la maîtrise des catégories de la vie politique ou à d’autres
aptitudes.
Section 1 : L’INVENTION DE L’ÉLECTEUR
§ 1 : L’ENCADREMENT JURIDIQUE DE LA PARTICIPATION ÉLECTORALE
Il s’agit de la conquête récente du droit de vote. Il s’est développé en liaison avec
d’autres techniques.
A) LA CONQUÊTE D’UN DROIT
1789 : Les gouvernants s’appuient sur la légitimité du peuple. Des citoyens porteurs du droit
vont être formés. Un corps de 4 millions de citoyens est mis en place. Il y a une distinction
entre citoyen actif et citoyen passif. Ce droit a fluctué. “Le peuple citoyen est
l’universalité des citoyens” (article 7 de la constitution de 1793).
Un système censitaire est mis en place sous la Monarchie de Juillet.
1820 : 100 000 électeurs
1846 : 250 000 électeurs
1848 : Le droit de vote connaît une transformation radicale. Le corps électoral passe à 9
million d’électeurs
1850 : Toute une série de personnes sont exclues du droit de vote, dont les extrémistes de
gauche.
Il y a ensuite un processus progressif d’extension du droit de suffrage. Ce processus
n’est pas accompagné d’une procédure d’exclusion.
On ne fixe plus de critère de fortune pour l’élection et l’appartenance religieuse ne
pose plus de problème.
Il n’y a pas de sélection sur la base du statut social ou de la race, ni d’exclusion dans le
cadre de l’alphabétisation. Le droit de vote demeure longtemps réservés aux seuls
français. La situation des militaires et des indigènes fait exclusion à la règle.
18721944 : Seuls les militaires en inactivité ou les militaires en congé de longue durée ont le
droit de vote.
1938 : Les personnes naturalisées doivent suivre une sorte de stage probatoire de 5 ans
21 avril 1944 : Le droit de vote est donné aux femmes. L’élargissement du droit de vote est
constamment dans les débats
1983 : Suppression du stage créé en 1938
1992 : Ouverture du droit de vote aux ressortissant de l’Union Européenne. Ils prennent part
aux élections locales
Ces mesures dessinent l’image du corps électoral.
B) LA DÉFINITION DES CONDITIONS D’EXERCICE DU SUFFRAGE
Le mode de scrutin accompagne le droit de vote. Ce n’est pas une technique anodine.
Les candidats recherchent le processus de leur élection.
Le suffrage a longtemps été indirect. Les modes de scrutin dépendent alors des élites
politiques. Par la suite, le découpage électoral façonne localement le peuple.
Entre 1958 et 1986, il n’y a pas de redécoupage, ce qui entraîne des inégalités.
§ 2 : LES SAUVAGES ET LE SUFFRAGE
Le vote est lié à l’expression d’une opinion politique. Pendant longtemps, l’élection est
liée à une opération mal différenciée. Elle prend place au sein d’une foule de rapports sociaux
préexistants.
A) L’ÉLECTION COMME FORME DE RATIFICATION DE L’AUTORITÉ SOCIALE
Pour Geuniffrey, il n’y a pas d’élections sans électeurs.
Au départ, le vote n’est pas l’expression d’une opinion politique. Il prend place sur ce
qui existe, c’estàdire sur les liens communautaires. Ces liens donnent du sens au vote. En
effet, le vote se fait derrière la communauté d’appartenance.
Tocqueville montre les principes de la mobilisation. Même dans les grandes villes, des
cortèges se forment à partir des liens professionnels. Les scores sont donc très unanimistes. A
l’époque, le poids des notables est très important. En fait, le vote prolonge les relations
sociales.
B) LA MOBILISATION ÉLECTORALE COMME EXPRESSION D’UNE DOMINATION AMBIGUË
Les électeurs sont considérés comme culturellement incompétents. Pour les élites, ils
sont techniquement et politiquement incompétents. Les électeurs des campagnes sont
présentés comme des brutes.
Les élites maîtrisent une culture politique légitime. Cette culture ne va pas de soi pour
tout le monde, en particulier pour les populations des campagnes.
L’abstentionnisme est analysé comme une inculture. Cette vision ne correspond pas
nécessairement à la réalité.
Le droit de vote ne va pas nécessairement dans le sens des républicains. Ces derniers
attendent des électeurs qu’ils se conforment à des règles politiques.
Les hommes politiques sont préoccupés par le fait d’essayer d’intéresser les citoyens au
vote. En fait, il s’agit de désigner “le résultat de l’ensemble des incitations par lesquelles des
entrepreneurs politiques travaillent à créer l’accoutumance au vote ou à réactiver à leur
profit l’orientation passive ou active vers le marché politique que les mécanismes de la
mobilisation et que des acteurs ont générés à activer” (Offerlé).
La mobilisation peut être analyser comme “l’ensemble des processus permettant la
création et la pérennisation d’un marché politique où des agents en concurrence tentent
d’échanger des biens politiques contre des soutiens actifs ou passifs” (Offerlé). Les élites
politiques travaillent dans ce sens.
Tous les électeurs ne se sentent pas également concernés par les luttes politiques.
Cependant, les foules électorales deviennent de moins en moins «sauvages». Cela est lié au
changement d’élite politique. Ces foules sont pensées comme plus disciplinées.
§ 3 : L’APPRENTISSAGE DE LA POLITIQUE
A) LES INSTRUMENTS DE LA CONVICTION
La naissance de l’électeur moderne s’est opérée sous les effets de la transformation
générale de la transformation électorale. Cette transformation va avoir un impact sur le vote.
Elle s’est développée dans la durée.
A partir des années 1880, des candidats d’origine sociale plus modeste font leur
apparition. Ils n’ont pas les mêmes moyens que les notables. Pour faire campagne, ils vont
devoir inventer de nouveaux moyens pour gagner les élections. Ils vont se présenter comme
les défenseurs d’une cause politique et vont prétendre représenter les électeurs au nom de
cette cause. Ils vont s’appuyer sur des biens à caractère public : les biens publics indivisibles.
1881 : Un député radical a mis en place un recueil de professions de foi. Sa proposition de loi
oblige les candidats à présenter à l’assemblée leur profession de foi afin qu’elle soit
publiée. Ce document est censé représenter un idéal politique.
Cette simple innovation va peu à peu obliger les notables à s’orienter vers de nouvelles
formes de communication politique. Cela les oblige à justifier politiquement leur candidature.
Les luttes politiques ont concouru à l’invention de la dignité électorale.
Toute une série de combats est menée contre la fraude électorale. La transaction
électorale est redéfinie.
1914 : Loi anticorruption.
Juillet 1913 : Adoption, de l’isoloir et du secret du vote. Cela permet de refléter les
convictions des citoyens. Lors des élections suivantes, des électeurs refusent de
passer par l’isoloir. Il s’agit souvent de gens modestes.
Une nouvelle transaction électorale est affirmée. Le vote devient libre, individualisé et
doit traduire l’expression de l’opinion publique. Un comportement de conviction est alors mis
en place.
B) LA MODERNISATION DE LA POLITISATION DE L’ÉLECTION
La participation électorale ne s’est développée que sous l’effet de transformations
internes à la sphère politique. Des changements sociaux ont aussi concouru à ces
transformations.
Il existe une relation entre la politique et l’économie. Ces relations sont complexes et
interdépendantes. Elles ne se développent pas sur un rythme harmonieux.
Des transformations économiques vont peser sur la disparition progressive des liens de
dépendance traditionnels. La croissance économique tend à diminuer le nombre des indigents.
La puissance des notables et alors amoindrie.
Le métayage est un mode d’exploitation économique. Il existe des modes de domination
derrière ces métayages.
Vont se développer des activités de salariat. Les ouvriers sont de plus indépendants de
leur patron.
Les campagnes vont se désenclaver et s’ouvrir sur des horizons plus vastes grâce au
développement des moyens de communication. L’urbanisation et l’exode se développent.
Ces désenclavements se développent par rapport à la politique. Les scores unanimistes
sont de plus en plus rares. Il y a une “ratification sociale de l’autorité suffisante” (Ziegfried).
La politique prend alors forme aux yeux des citoyens.
Il y a une intermédiation de la presse. Cela construit des électorats
Un électorat est “une construction symbolique, produit objectivé du travail d’une
multiplicité d’agents (hommes politiques, journalistes, commentateurs politiques) qui sont
parvenus à imposer l’idée que l’on pouvait expliquer de manière unitaire ce qui est le résultat
de mécanismes complexes et très différenciés qui ont amené des électeurs à voter pour des
raisons plus que pour un même candidat et a fortiori pour des candidat de la même marque”
(Offerlé). Les hommes politiques en viennent à simplifier les choses.
Les électorats sont des tendances politiques, dont les commentateurs politiques forcent
le trait.
Section 2 : L’ORIENTATION DES COMPORTEMENTS ÉLECTORAUX
Se pose le problème de l’inégale répartition des citoyens à la politique, le vote étant
défini comme un acte personnel.
§ 1 : PARTICIPER OU SUBIR
A) LE CENS CACHÉ
C’est le titre d’un ouvrage dans lequel Gaxie traite du problème de l’exclusion politique.
Il montre qu’il existe une majorité d’individus que leur position sociale tient à l’écart de la vie
politique.
Il n’existe pas “un intérêt pour la politique universellement partagé par des citoyens
universellement compétents pour se prononcer sur des enjeux”.
Gaxie invite à se méfier d’explications mettant en avant des choix politiques calculés.
C’est un cadre s’appuyant “sur le déterminisme de l’âge, du sexe, de la position sociale,
du niveau d’instruction, de la position familiale, de l’histoire personnelle, du hasard (…), des
critères dévaluation, des préoccupations et des fantaisies de chacun”.
Moins de 5% des citoyens sont inscrits dans des partis politiques. 90% des citoyens
n’exercent aucune activité politique à l’exception du vote.
B) DOMINATION ET DÉPOSSESSION
Les groupes sociaux dominés sont dépourvus de capitaux économiques, culturels et
relationnels. Ces groupes sont en marge du jeu politique car ils ne sont pas en mesure de
comprendre les règles et le langage du jeu politique.
Il s’agit de “l’aptitude plus ou moins mesurable des individus à reconnaître les
différences entre les prises de position des hommes politiques, leur capacité à justifier et à
situer leur préférence par rapport à ces prises de position, et tout autant la croyance qu’ils
ont en l’importance de ces débats et des actes assurant l’arbitrage entre des programmes
politiques” (Lagroye). En fait, c’est l’incapacité à s’approprier les catégories de jugement et
d’expression des opinions imposées par l’existence d’un ordre politique légitime.
Il n’y a pas de rapport uniforme à la politique. Les formes différenciées d’intérêt et de
participation politique sont inégalement inaccessibles aux individus. Ces formes sont
socialement construites.
L’exclusion politique ne renvoie pas à une absence d’opinion, mais à l’inaptitude de
s’approprier les problématiques en cours dans l’arène politique. Cette exclusion n’est pas un
complot venant des dominants.
Pour Lagroye, les règles du jeu politique sont entretenues par des professionnels de ce
jeu. Ces règles tendent à favoriser les dominants. Le nombre de participants est donc restreint,
ainsi que la possibilité d’accession.
§ 2 : Les déterminants sociaux du vote
La participation ne va pas de soi pour tout le monde.
Les pratiques sont inégalement distribuées dans les groupes sociaux.
Le vote gagne à être analysé comme le résultat d’un ensemble de contraintes sociales
plus lourdes.
Mayer et Perrinau relèvent toute une série s’attributs susceptibles de fabriquer un
électeur. “Les appartenances biosociales (âge, sexe) déterminent une place dans la division
sexuelle du travail et le système des rôles liés à l’âge. Les positions sociales (type d’activité,
tranche de revenu, niveau de patrimoine, d’étude) suivent l’individu dans la division du
travail social. Enfin, les appartenances socioculturelles (statut du logement, nationalité,
situation familiale, appartenance associative, religion, résidence urbaine/rurale, conception
de sa place dans la société) dessinent différents degrés d’intégration dans la société”.
La notion des déterminants sociaux du vote est complexe. Ses éléments sont difficiles à
analyser.
A) L’APPARTENANCE DE CLASSE
Les électeurs les plus vieux semblent se montrer plus abstentionnistes.
Au début des années 80, les français les plus favorisés votent à droite et les groupes
votant le plus à gauche sont les ouvriers. Au sein des cadres moyens, on trouve différentes
professions.
La situation salariale peut aussi être prise en compte. Il existe alors des clivages : les non
salariés votent souvent à droite alors que les salariés votent plutôt à gauche. Il n’y a pas de
lignes directrices claires.
Il existe aussi des variables secondaires. Le contexte régional et la diversité des
configurations politiques permettent de comprendre un certain nombre de différences.
L’appartenance sociale n’est pas vécue de la même façon.
Il existe aussi des variables dans le cadre de l’offre politique.
Tous ces éléments peuvent infléchir les effets du statut socioéconomique. Les classes
renvoient à des processus de vie.
B) L’ATTACHEMENT À DES GROUPES DE RÉFÉRENCE
1986 : Il n’y a pas de relation forte entre le degré d’identification au système politique et
l’inclination à voter pour des partis de droite. Cette identification passe par une
multitude de réseaux.
Années 1960 : Des chercheurs américains ont montré que la variable explicative du vote aux
EtatsUnis est l’identification partisane. Plus d’un tiers des citoyens se disaient
appartenir à l’un des deux partis. Cette identification a évolué rapidement. 20 ans
plus tard, 40% des citoyens refusent de s’identifier à un parti.
§ 3 : LES CONDITIONS DU CHOIX ÉLECTORAL
La participation suppose la conviction électorale des électeurs concernant l’importance
du vote. Cela suppose des électeurs rationnels, calculateurs et conscients de leur poids
électoral.
A) LE VOTE COMME L’EXPRESSION D’UNE OBLIGATION SOCIALE
Lors d’un vote, on apporte son soutien à la consolidation d’un ordre politique. Il s’agit
de reconnaître la légitimité de cette forme de participation politique. Cependant, cet acte peut
représenter le rejet d’un certain nombre de pratiques légitimes, qui sont fragiles.
L’obligation de vote est battue en brèche. Il peut y avoir des régularités observables.
Le vote renvoie à la fabrication d’une dynamique historique : concevoir le vote comme
une obligation morale. Cela renvoie à l’instruction civique.
Il y a un lien étroit avec les processus par lesquels s’effectue l’apprentissage du vote.
L’abstention montre que cet apprentissage a du mal à se faire.
Aujourd’hui, un certain nombre de pratiques politiques posent problème. Elles sont en
phase avec un idéal politique.
B) LE VOTE COMME MANIFESTATION D’UN CHOIX POLITIQUE
Cette croyance n’est pas spontanée. Il a fallu que soit mis en évidence des «électeurs
flottants». Ce constat a permis de réintroduire le concept de choix politique et individuel.
Pour Ziegfried, les comportements électoraux sont stables.
La variation peut renvoyer à un changement des critères d’appréciations utilisés par un
individu pour agir. Il peut y avoir des rationalités différentes qui agissent. Ce changement
peut renvoyer à des ruptures d’identification temporaires.
Des élections ont une portée pouvant être considérée comme peu importante.
Le changement peut dépendre de l’offre électorale. Des électeurs peuvent être soucieux
de faire des choix politiques lors d’un vote. Les électeurs seraient sensibles à la conjoncture.
Les médias se voient reconnaître une place importante.
Toute une série de variable est susceptible de peser sur le vote.
BIBLIOGRAPHIE
Science politique – Dominique CHAGNOLLAUD – Dalloz, collection “Cours”
Traité de science politique – Madelaine GRAWITZ et Jean LECA – Presses FNSP
Dalloz – 1991
Science politique – Yves SCHEMEIL – Albert Colin – 1998
L’invention de l’homme politique moderne – Eric PHELIPPEAU – Belin, collection
“SocioHistoire”