Les RRII Debat Entre Sciences Écono Et Économie Politique
Les RRII Debat Entre Sciences Écono Et Économie Politique
Les RRII Debat Entre Sciences Écono Et Économie Politique
AU CŒUR DU DÉBAT
ENTRE SCIENCE ECONOMIQUE
ET ECONOMIE POLITIQUE
par
(*) Maître de Conférences en science économique à l’Université Pierre Mendès France de Grenoble.
124 fanny coulomb
Plus optimiste, J.S. Mill annonce que l’esprit militaire, déjà affaibli par le
développement du commerce international, lequel a des vertus civilisatrices
et pacificatrices, devrait disparaître définitivement. Mais il considère aussi
que l’atteinte d’un état stationnaire est inéluctable et qu’à la recherche du
progrès économique se substituera celle du développement des potentialités
spirituelles de l’humanité. Le thème de l’état stationnaire a en outre été
développé par T.R. Malthus. Ouvertement pessimiste, celui-ci considère que
l’humanité étant menacée de surpopulation, l’insuffisance de débouchés et
de territoires pourra à terme engendrer des guerres. Les actions des hommes
pouvant parfois être dictées par leurs passions, en-dehors de toute rationa-
lité économique, il importe au gouvernement de prendre des mesures pour
assurer la sécurité nationale, même au détriment du libre-échange. Malthus
aboutit ainsi à un renversement complet des propositions mercantilistes,
tout en défendant les restrictions au commerce des céréales, pour atteindre
l’autosuffisance alimentaire. La sécurité et la stabilité interne de l’État doi-
vent représenter les buts de l’économie politique, et non sa richesse et sa
puissance économique sur les marchés extérieurs.
manufacturés contre des produits primaires). List envisage que dans le très
long terme, toutes les nations auront atteint le même degré de développe-
ment et pourront s’unir en une « confédération universelle », qui garantira la
« paix perpétuelle ». Le sort des pays de la « zone torride », colonisés par les
pays de la « zone tempérée » reste cependant indéterminé dans son ouvrage.
List entérine la séparation entre deux conceptions de l’analyse économique.
Celle-ci ne saurait se satisfaire de l’énoncé de principes normatifs non direc-
tement applicables à l’environnement international contemporain. La
réflexion politique est indissociable de l’analyse des mécanismes économi-
ques.
que le rôle du secteur militaire sur le taux de profit. Marx avait pourtant
projeté d’écrire un ouvrage sur les relations entre les industries civiles et
militaires, avec une analyse approfondie des relations internationales, mais
celui-ci ne fut jamais réalisé. Il délégua même à Engels l’étude des questions
militaires et stratégiques. Cependant plusieurs textes ont été consacrés plus
ou moins directement à la question des relations internationales.
Dans la théorie de Marx, peu de doutes subsistent quant au caractère fon-
damentalement conflictuel du capitalisme et donc des relations inter-capita-
listes. Les conflits politiques sont situés dans la superstructure du capita-
lisme; ils sont directement déterminés par les relations de production, les-
quelles sont caractérisées par des contradictions importantes, menant à un
déclin progressif du taux de profit (avec une augmentation du capital aux
dépens du travail et la réduction du surplus) et à la lutte des classes. Or,
le libre-échange ne peut être favorable au progrès technique qu’à un niveau
spécifique de l’évolution sociale, lequel est maintenant dépassé. La concur-
rence économique internationale, d’abord progressiste par rapport au pro-
tectionnisme parce qu’elle permet d’accélérer la maturation du capitalisme,
devient elle-même rétrograde, servant la classe bourgeoise pour perpétuer sa
domination économique, qui sera contestée par le prolétariat. La concur-
rence sur les marchés étrangers est de plus en plus rude, élevant les nations
contre les nations. Marx et Engels présentent ainsi une conception « non-
dite » de la guerre économique. L’ensemble de l’analyse du libre commerce
revient à transposer la lutte des classes aux relations internationales.
Cependant, l’interprétation des conflits internationaux soulève d’autres
problèmes. Peu d’indications sont données sur la nature des événements sus-
ceptibles d’impulser le passage d’un mode de production à un autre, et donc
du capitalisme au socialisme, même si les guerres ou les révolutions sem-
blent être les explications les plus évidentes, la violence étant présentée
comme un facteur indispensable au progrès. La guerre, bien que directement
soumise au déterminisme de la lutte des classes, exerce des fonctions
capables de modifier la forme et le rythme de la loi d’évolution sociale, et
notamment d’accélérer la marche vers le communisme. Mais tous les conflits
internationaux ne sont pas également souhaitables car certains peuvent être
rétrogrades. Ainsi, dès 1883, Engels prédit le déclenchement d’une guerre
mondiale « totale » car utilisant de nouvelles techniques militaires particuliè-
rement destructrices, capable d’accélérer le processus révolutionnaire. Mais
à la fin de sa vie, il tempère son optimisme sur le caractère progressiste de
l’affrontement à venir, craignant qu’il n’aboutisse au contraire à un regain
du chauvinisme défavorable à la cause ouvrière.
Marx et Engels n’ont ainsi jamais appliqué leur théorie économique déter-
ministe à une analyse systématisée des conflits internationaux. Le passage
de la théorie économique à l’analyse politique s’avère complexe, notamment
sur la question de l’identification des vraies facteurs de progrès social.
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son économie marquée par la crise des années 1930, mais sans verser dans
la guerre économique, laquelle ne peut à terme que déboucher sur un conflit
armé, l’imposition de sanctions économiques à l’égard de régimes non démo-
cratiques et à tendance agressive... Keynes élargit ainsi les concepts de
défense et de sécurité. Il ne concerne pas seulement la guerre et sa prépara-
tion mais également la sécurité économique, c’est-à-dire l’indépendance éco-
nomique nationale aussi bien que le bon fonctionnement de l’économie
nationale.
Après la Seconde Guerre mondiale, d’autres analyses hétérodoxes des
guerres ont été menées. Le courant du « keynésiannisme militaire » considère
que si la demande agrégée est faible relativement au potentiel productif, la
hausse des dépenses militaires conduit à un accroissement de la demande,
des profits et de la croissance économique. Cependant le raisonnement « key-
nésien » a aussi été utilisé par des économistes comme J. Robinson pour
montrer que les dépenses militaires exercent un effet négatif sur la crois-
sance économique, d’autres investissements publics étant plus efficaces.
D’autres analyses connaissent un certain retentissement : ainsi, Rostow pré-
sente la guerre comme un moment clé dans le développement économique
des nations ; pour F. Perroux, la coexistence pacifique et la convergence des
systèmes conduit à la réduction des tensions militaires et marque le début
de la « fin de la guerre ». En 1967, un rapport anonyme préfacé par J.K. Gal-
braith présentait la guerre comme l’un des pilier du système capitaliste. La
défense ne serait qu’une fonction apparente de la guerre, qui a d’autres
fonctions non militaires, économiques, politiques, sociologiques. La dispari-
tion des guerres est donc difficile, même si des substituts à la guerre pour-
raient être envisagés.