De La Negritude Au Socialisme - Léopold Sédar Senghor PDF
De La Negritude Au Socialisme - Léopold Sédar Senghor PDF
De La Negritude Au Socialisme - Léopold Sédar Senghor PDF
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-Les nasses identitaires en Afrique. Pour une remise en question des pouvoirs balafrés, les
Éditions Universitaires Européennes, 2011
Samba DIAKITE
DIFFERANCE PERENNE
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ISBN
NUMERIQUE 978-2-924532-22-5
PAPIER 978-2-924532-25-6
Préface
Que me soit permis cet audacieux postulat, qui avec le temps s’imposera
peut-être comme un constat. Le «senghorisme» est à la Francophonie ce que
le marxisme est à l’économie, c’est-à-dire une logique de pensée holistique
alternative à ce point articulée et cohérente qu’elle est capable, à elle seule,
d’expliquer le fonctionnement de la société. Par le biais d’une lecture
historiographique de l’œuvre de Léopold S. Senghor, en cela inspiré par la
présente réflexion de notre collègue Samba Diakité, il nous est permis de
proposer une hypothèse exploratoire centrale, non pas tant sur Senghor lui-
même, que sur son legs et plus globalement encore, sur ce qu’est devenue
l’un de ses projets phares : la Francophonie.
Senghor : une indépassable théorisation?
Nous postulons que Senghor, même si cela n’aura jamais été sa prétention, a
théorisé un système-monde dont la Francophonie, depuis sa fondation, ne
s’est jamais réellement idéologiquement émancipée, ne serait-ce que
minimalement distancée. Le cadre conceptuel bâti par Senghor s’impose
dans le discours des intellectuels organiques comme un référentiel aussi
indispensable qu’indépassable. Une lancinante question se pose alors, que
Senghor du reste serait peut-être aujourd’hui le premier à formuler : la
Francophonie souffrirait-elle du «syndrome de Fukuyama», d’une sorte de
fin de son histoire, institutionnellement condamnée à se répéter, incapable de
se régénérer?
Avec le temps, cet unilatéralisme idéologique des différents opérateurs de
l’OIF s’est lentement transformé en une rhétorique somme toute assez
banale. Or, d’un point de vue ontologique, il s’agit d’une attitude intellectuelle
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qui est aux antipodes de l’état d’esprit insufflé par Senghor lui-même. En
l’absence d’une remise en question épistémique et méthodologique
rigoureuse, la Francophonie s’est lentement éloignée de sa francophonie.
Bref, c’est paradoxalement en invoquant Senghor que la Francophonie aura
oublié Senghor.
Senghor : une pensée voyageuse
Pour autant, cette légitime soif de dépassement du regard que nous portons
sur Senghor ne pourrait justifier l’étourderie de ne pas réitérer toute la
profondeur et l’étendue de son héritage. Voilà bien là un autre grand mérite
des travaux du professeur Diakité.
En outre, qu’il me soit ici permis d’insister à quel point Senghor fut un
passeur d’identité. On aura jusqu’ici eu trop peu conscience de l’influence
décisive de sa pensée (et celle de son compagnon de route Aimé Césaire)
dans l’évolution de l’identité nationale des canadiens-français des années
1960. En effet, le discours sur la négritude aura une résonnance telle dans la
«Laurentie» que de nombreux Québécois en arriveront à se considérer eux-
mêmes comme des «nègres blancs d’Amérique», expression popularisée par
le marxiste Pierre Vallières.
Le discours de Senghor illustre à merveille la migration des idées dans
l’espace de la Francophonie et l’identification de trajectoires étrangement
communes à des peuples pourtant si différents les uns des autres. En ce sens,
le senghorisme est le creuset d’une large et complexe mémoire collective
transnationale qu’il nous revient de réinterpréter.
Senghor : l’idéateur d’une utopie fédératrice
La pensée de Senghor est certes voyageuse; elle est aussi rassembleuse. Si cela
est possible, c’est peut-être parce que Senghor, habité par le doute
méthodologique, se méfie des étiquettes racoleuses. Sans nier la
reconnaissance de la primauté du bien commun, le senghorisme reconnaît
du même souffle l’imprescriptible valeur ontologique de la personne. En ce
sens, le senghorisme est un carrefour intellectuel, alimenté par une tension
créatrice, dont on n’a pas fini d’épuiser les potentialités théoriques.
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Avant-propos
Au temps du silence,
Au temps de la somnolence,
Ils ont le revolver
Parce qu’ils ont le vers.
Et dans leur cœur,
Ils défient la peur
Et chantent en chœur.
Au temps du glaive,
Ils sont encore les gladiateurs
Qui n’ont point peur des prédateurs.
Mais quand arrive la braise,
C’est encore eux qui sont sur la fournaise.
L’Africain Nouveau
Est un commencement nouveau,
Par un Esprit nouveau,
Pour un comportement nouveau,
Par un Homme Nouveau.
Avec moi,
Avec vous,
Avec eux et avec les Autres,
Pour une nouvelle émergence,
Pour une nouvelle renaissance,
La renaissance des connaissances,
La connaissance de l’émergence,
L’ÉMERGENCE DES INTELLIGENCES.
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Introduction
Autour des années 30, l’on assiste à l’éclosion à Paris d’un mouvement
littéraire animé par des jeunes Noirs. Sa doctrine, rompre avec les traditions
2 KESTELOOT (L.). Les écrivains noirs de langue française : naissance d’une littérature, ( Bruxelles,
Université Libre de Bruxelles, 1967), pp.25-27.
3 DAILLY (C.).-‘’Vers une révolution idéologique de la littérature négro-africaine ‘’in Revue de littérature et
patiemment que l’Europe ait résolu ses affaires de famille , sans profiter des
leçons du triste spectacle qu’on leur offrait pour remettre à leur tour en
question la puissance de l’Occident ? Comment s’étonner que cette époque
ait connu l’éveil des nationalismes africains ? Le mythe de la civilisation
occidentale comme modèle et comme absolu, enseigné dans les colonies,
s’effritait dès que les Africains mettaient le pied en France »4.
quelles que soient les issues. Il fallait donc aller jusqu’au bout non quémander
un asile mais commander une liberté et refuser l’exil de la
pensée. « Cependant, la Négritude, même définie comme « l’ensemble des
valeurs culturelles de l’Afrique noire », ne pouvait nous offrir que le début de
la solution de notre problème, non la solution elle- même. Nous ne
pouvions plus retourner à la situation d’antan, à la négritude des sources.
Nous étions des étudiants de Paris et du XXème siècle ? De ce XXème
siècle dont une des réalités est, certes, l’éveil des consciences nationales, mais
dont une autre, plus réelle encore, est l’interdépendance des peuples et des
continents. Pour être vraiment nous- mêmes, il nous fallait incarner la culture
négro-africaine dans les réalités du XXème siècle. Pour que notre négritude
fût, au lieu d’une pièce de musée, l’instrument efficace d’une libération, il nous
fallait la débarrasser de ses scories et l’insérer dans le mouvement solidaire du
monde contemporain 9»
pointé au hasard sur les pages d’un dictionnaire, que fut choisi le nom du
‘’mouvement’’, un nom le plus dénué de sens possible, ‘’dada’’ dont Trista
Tzara conservera dans toute son œuvre la spontanéité qui définit le groupe
Dada .
13 JUMINER (B).-Au seuil d’un nouveau cri, (Paris, Présence Africaine, 1973), p.24.
14 BARTOLI-ANGLARD (V.), op. cit., p.6.
15 KANE (C.H).- L’aventure ambiguë , (Paris, Julliard, 1961), p.49.
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caractère religieux que vivent les marabouts et le chef coutumier , en tirant les
conséquences des prémisses qu’elle n’a pas voulues, elle déclare sans
ambages : « Notre grand père, ainsi que son élite ont été défaits. Pourquoi ?
Comment ? Ces nouveaux venus le savent. Il faut le leur demander ; il faut
aller apprendre chez eux l’art de vaincre sans avoir raison »16.
Dans Les bouts de bois de Dieu, le rôle exceptionnel des femmes qui
font cinquante kilomètres à pied pour soutenir leurs maris grévistes de Thiès
à Dakar, malgré une multitude d’obstacles, de lourdes fatigues et de
privations de toutes sortes, montre le lien solide de leur entraide et
l’émancipation de la femme noire. Les femmes contribuent au succès de la
grève des cheminots. La vieille Niakoro conseille la prudence car
l’expérience des grèves antérieures lui, a en montré certaines fâcheuses
conséquences. Elles se joignent aux hommes pour combattre les forces de
l’ordre, elles affrontent courageusement les miliciens. L’héroïque Penda,
d’abord comme prostituée de Thiès qui vit sous l’impulsion de ses intérêts et
de ses désirs, ensuite comme femme engagée , saisie d’un vif sentiment de
solidarité , emboîte le pas des grévistes et se mêle à l’action sociale en faveur
des cheminots du Dakar –Niger. –Comme femme contestée, impie, elle doit
faire face au mépris des épouses des grévistes qui n’entendent pas bénéficier
de son assistance encore moins de sa compagnie permanente. Mais son
courage finit par imposer sa personnalité à tous, hommes et femmes et à lui
faire gagner une loyale estime. De ce fait, elle réussit comme citoyenne
respectée grâce à son action sociale et contestataire, à faire oublier sa
condition antérieure de femme damnée, jetable aux orties, pour ne plus
paraître, malgré son statut de ‘’femme libre’’ que comme citoyenne à part
entière. -Première femme émancipée, elle s’impose comme martyre, après
avoir bravé les hommes et guidé les femmes. Elle tombe sous les balles
des forces miliciennes de Dakar ; mais ce n’est plus la modeste prostituée
que l’on élimine, c’est une héroïne qui tombe et dont le sang fera germer de
nouveaux courages. Cet éveil du féminisme marque la posture des femmes
africaines, prêtes à se battre et à combattre pour la libération de leurs
hommes, de leurs familles et par ricochet de leur propre libération. En réalité,
À tous ses lutteurs noirs, Bertené Juminer peut écrire : « Jaillis des
entrailles de la nuit , poussés à bout par vos détresses, assoiffés de dignité
perdue, vous aviez lavé votre humiliation dans le sang. Rouges «étaient vos
mains désormais, aussi rouges que celles des maîtres ; mais vos échines , trop
longtemps courbées, s’étaient du même coup raidies ; vos bouches, trop
longtemps muettes avaient conquis le verbe de la revendication fulgurante ;
vos forces , trop longtemps gaspillées à enrichir autrui , à couper, à gerber, à
transporter la canne maudite et, en même temps , à préparer à petit feu votre
mort collective , avaient enfin porté feu et mort chez les colons »17.
La lutte pour la reconnaissance entérine les revendications identitaires et
indépendantistes. Désormais, il faut aller plus loin surtout lorsqu’on tient le
colon par ses testicules. Ces testicules, ce sont tous ces opprimés, asservis qui,
soudainement, acceptent de dire non au maître ; ce sont ces jeunes nègres,
partis à leur école et qui ont appris la contestation, qui ont étudié les notions
de droit et de liberté, qui parlent couramment leur langue, la langue de la
civilisation ; qui ont lu Sartre, Marx, Machiavel, Freud et Gramsci.
faisant d’elle non plus l’instrument d’une aliénation sociale mais celui de la
conquête de la liberté . « Le langage devient une arme : c’est en restaurant le
règne de l’imagination créatrice que l’individu pourra vraiment s’exprimer
de façon authentique et non plus en se satisfaisant des règles théoriques du
réalisme et du principe de l’imitation . Le langage est à la fois l’instrument
de la communication avec autrui mais aussi de sa libération : dedans et
dehors »21.
Telle est la raison pour laquelle les poètes reprennent à leur compte
le thème occultiste de l’analogie et de la métaphore. Si la dominante
sémantique essentielle à toute poésie est l’image, pour le négro-africain, elle
devient un aspect fondamental de la vie. Toute représentation est image,
affirme Senghor, et l’image est symbole, idéogramme, ligne et couleur.
L’image n’est pas seulement une vision, elle est une pensée. L’image sert de
guide et d’éducation ; c’est pourquoi, la pensée des sages africains est faite
d’images afin d’amener l’interlocuteur à en dévoiler les sens, à les décoder, à
les déchiffrer. Toute vie n’est-elle pas une initiation aux sens, à la
compréhension des symboles ? « L’image, dira Césaire, relie l’objet , achevé ,
en en montrant la face inconnue , d’accuser sa singularité , mais par la
confrontation et la révélation de ses rapports , définit non plus son être,
mais ses potentialités ; bref, le dote de sa transcendance fondamentale . C’est
pourquoi il est très vrai de dire qu’elle est essentielle à la poésie »23 . Ainsi
donc la pensée négro-africaine restitue toute sa charge signifiante à l’image
poétique. Source sacrée et valeur suprême, l’image devient analogie avec
l’objet, elle le signifie, ce qui traduit un désir de transport et de transfert
monadique, un désir de compréhension de sens, d’appartenance et de
reconnaissance.
Le mot « négritude », nous l’avons dit fut lancé au cours des années
1933-1935 par MM. Léopold Sédar Senghor et Aimé Césaire. Tandis que
l’indépendance est le refus de l'assimilation politique, la négritude est le refus
de l'assimilation culturelle, à ses premières heures. Elle est , par la suite,
devenue l’un des éléments qui donnent force à la volonté d’affirmation de la
personnalité politique de l’Afrique, conception que Senghor a, évoquant ses
premières années de vie étudiante à Paris, synthétisé en ces termes : « Nous
ne pouvions plus retourner à la situation d’antan, à la négritude des sources.
Nous ne vivions pas sous les Askia du Songhaï, ni même sous chaka le
Zoulou. Nous étions des étudiants de Paris et du xxème siècle dont une des
réalités est certes l’éveil des consciences nationales, mais dont une autre, plus
réelle encore, est l’interdépendance des peuples et des continents. Pour être
vraiment nous-mêmes, il nous fallait incarner la culture négro-africaine dans
les réalités du 20ème siècle. Pour que notre négritude fût, au lieu d’une pièce
de musée, l’instrument efficace d’une libération, il nous fallait la débarrasser
de ses scories, de son pittoresque, et l’insérer dans le mouvement solidaire du
monde contemporain. »24
23 KESTELOOT (L.).-Aimé Césaire ,Poète d’aujourd’hui, (Paris, Seghers ; 1962), n°85 , P.205.
24 DECRAENE (Philippe), citant Léopold Sédar Senghor in le panafricanisme ( Paris, PUF -
Que sais – je ? 1964) , P. 38.
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Afrique, n’est- il pas frappé de voir des hommes, des femmes et des enfants
toujours gais et souriants, de découvrir des visages qui malgré les conditions
précaires de l’existence quotidienne savent respirer une humeur allègre ? Pour
être reçu en toute cordialité, pour être invité à partager un repas, un litre de
vin de palme, un coin de chambre ; il n’a pas besoin d’être d’abord connu !»25
Dans tous les cas, les poètes de la négritude, dans leur tentative de
dénonciation des exactions commises sur le peuple noir par les colonisateurs,
parviennent finalement aux sources de leur objectif en s'incrustant dans la
nuit ancestrale, en s’enfonçant dans l’être noir, ils découvrent les conditions
de leur santé. Dès lors et puisque, c’est par le refus de trahir que le poète se
rétablit, l’acte par lequel il prononce cet arrêt n’est pas simplement poétique,
mais éminemment politique. Le culturel conduit au politique et le fonde
allègrement. D’ailleurs, en Afrique comme ailleurs, la politique peut-elle
nécessairement se départir du culturel? En articulant leur effort dans le souci
de libérer des peuples colonisés, en combattant pour la dignité de leurs
peuples, pour leur vérité et pour leur reconnaissance, c’est en définitive pour
le monde tout entier qu’ils combattent, pour le libérer de la tyrannie de la
haine et du fanatisme, pour montrer l’universalité de la culture et son éthique
d’ouverture qui exclut l’exclusion, qui bannit la haine de l’autre et qui prône la
tolérance et la fraternité entre les peuples. Ils auraient ainsi contribué à donner
un sens au mot le plus galvaudé et partout le plus glorieux: la négritude. Ils
auraient ainsi aidé à fonder l’humanisme et la justice universels, la
CIVILISATION DE L’UNIVERSEL.
26NDENGUE (Abanda Jean Marie). - De la négritude au négrisme (Yaoundé, Clé, 1970), P. 19.
37
27 KARAMOKO (Abou). – Les enjeux du discours philosophique sur l’Afrique, Thèse d’Etat, (Abidjan,
30 CESAIRE (Aimé). - Cahier d’un retour au pays natal (Paris, Présence Africaine, 1956), P. 83.
40
34 Cette formule a été prononcée par Wolé Soyinka en 1962 et reprise dans son livre, The Burden
of memory, the Muse of forgiveness, New York/Oxford, Oxford University Press,1999(dans les
notes :The Burden)
35 DIBI (Augustin Kouadio)-L’Afrique et son autre : la différence libérée (Abidjan, éd. . Stratéca, 1981.). ,
P. 29.
45
36N’JOH (Mouellé Ebenezer). - Jalons II, l’africanisme aujourd’hui (Yaoundé, Clé, 1979), P. 17.
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bien plutôt comme une médiation vers elle. Dans plusieurs parties de ces
deux tomes : Liberté I et Liberté II et surtout dans son recueil de poèmes :
Chants d’ombres, Senghor insiste sur la continuité du passage qui permet de
s'élever de la sensation à la science, passage qui n’est au demeurant que
l’actualisation de ce qui est en puissance dans la sensation : car le particulier,
objet de la sensation, est en puissance l’universel, objet de la science. Si le
bonheur doit être un état de sécurité sereine, cette sécurité s’obtiendra
d'abord par la connaissance qui est le préalable et le fondement de toutes les
autres activités humaines en ce qu’elle rétablit un contact confiant entre
l’homme et sa culture. Le premier intermédiaire de ce contact est la sensation
et c’est sur les exactitudes des informations qu'elle fournit que Senghor édifie
son système. Il admet la véracité des sensations, la connaissance et la re-
connaissance de l’humain par le cœur , par les sentiments donc par la
sensibilité en se fondant surtout sur le fait que le cœur voit mieux que la
raison et qu’il accepte mieux l’humain que la raison qui , selon ses intérêts,
peut devenir calculante et instrumentale.
Cette vision des choses a sans doute fait dire à Marcien Towa que « la
poésie de Senghor, sensuelle, éllégiaque,nostalgique crée une atmosphère
tranquillisante et mystique fort différente de celle d’un Damas ou d’un
Césaire. Le monde n’y est pas absolument exact que c’est une poésie de
l'acquiescement profond, il est du moins vrai que le poète trouve dans le
monde des aspects positifs, il découvre toujours dans le présent même de
quoi assouvir la soif de bonheur et de tendresse de sa sensibilité. Elle ne
rompt pas avec le monde, mais l'aménage et compose avec lui. Son
problème n’est pas de révolutionner le monde, mais de l’amender.»41
41 TOWA (Marcien). - Léopold Sedar Senghor : Négritude ou servitude (Yaoundé, Clé, 1976), P. 13
49
44 TOWA (Marcien). - Essai sur la problématique philosophique dans l’Afrique actuelle (Yaoundé, Clé,
1979), P. 47.
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Mais ce qui semble échapper à ces auteurs, est que la révolution n’est
pas seulement que politique. Elle est aussi et surtout culturelle, elle est
mentale. Et la révolution culturelle est de loin la plus importante et nécessaire
pour le peuple car elle montre sa maturité intellectuelle et sa capacité à opérer
des changements notoires pour son destin. La révolution culturelle appelle à
la révolution sociale, c’est donc le ciment de la révolution politique. Les
grandes révolutions naissent des grandes idées et la perpétuation de leurs
mises en action, de leur effectivité. Sur ce point, la Négritude et son chantre le
plus écouté, Léopold Sédar Senghor ont été révolutionnaires. Les critiques
littéraires de Senghor et les autres ont précipité la déclaration par la Métropole
des indépendances africaines, même s’il faut reconnaître que même en 2016,
ces indépendances sont encore à l’état de balbutiement. Senghor et les siens
ont mené leurs combats, celui de la reconnaissance culturelle d’abord et
ensuite de la reconnaissance politique et sociale des peuples noirs. L’histoire
est une suite d’évènements qui peuvent se ressembler mais qui ne sont jamais
les mêmes. À chaque temps, ses hommes, ses idées et ses priorités. Les
priorités d’hier ne sont pas forcément celles d’aujourd’hui.
choses. Notre foi, c’est l’expression subjective d’une réalité et d’une volonté
positives. Notre conscience morale et notre conscience d’action ou de
changement doivent être indissolublement liées pour constituer la trame
d’une seule Afrique émergente et pleinement épanouie, car on se donne tout
entier dans une situation qui presse et non de se cacher derrière le paravent
du culte des anciens, de se blottir au mur nauséabond du passé, de rester les
bras croisés derrière le rideau de l’authenticité ou de continuer dans la critique
acerbe contre les devanciers pour refuser l’effort réellement créateur et
préférer les solutions de facilité qui se présentent à nous. Ce que nous
demandons maintenant, c’est de déployer notre créativité en vue d’édifier une
Afrique moderne. Il est temps, aujourd’hui, d’aller au-delà de la Négritude, de
la dépasser, d’opérer une dialectique du changement et de la métamorphose.
« Que cesse à jamais l’asservissement de l’homme par l’homme. C'est-à-dire
de moi par un autre. Qu’il me soit permis de découvrir et de vouloir
l’homme, ou qu’il se trouve. 48»
Conclusion
Bibliographie