Travail Et Technique
Travail Et Technique
Travail Et Technique
Problématisation générale :
Le Travail et la Technique sont deux concepts particuliers dans la philosophie, dans le sens où
ils sont omniprésents dans nos vies et qu’ils font l’objet de discussions au-delà du simple
cadre de la philosophie, et plus radicalement en ce sens que l’Homme entretient
individuellement et collectivement une relation ambigüe de ces deux termes, qui a pu
évoluer au cours de l’Histoire (européenne).
1) Le Travail
Le Travail est tantôt perçu comme le lieu de la réalisation de l’homme, comme l’activité qui
lui permet de s’élever physiquement et moralement de garantir sa dignité et de se distinguer
de la nature et des animaux, tantôt comme ce qui aliène l’homme, ce qui le réduit à un état
proche de l’esclavage, donc une sorte de contrainte que l’on ne fait que pour gagner un
salaire et subvenir à ses besoins. Cette dualité dans la perception du travail est due à une
évolution dans la représentation que l’on se fait de cette activité et que l’on retrouve
particulièrement dans la distinction latine otium/negotium. L’otium est le temps libre, le loisir
mais dans le sens où on le consacre à la méditation, à l’étude, à la philosophie. C’est le temps
de la retraite, de la vie contemplative, plus généralement de l’étude et de la lecture des
textes. L’otium ce n’est pas l’oisiveté, ne rien faire, mais c’est positif, c’est une pause dans la
vie active, dans la vie économique et les affaires. C’est donc la marque des individus
véritablement libres, et il s’agit de pratiquer l’otium de manière modérée dans sa vie et de
trouver une sorte de médiété entre vie contemplative et vie active, entre travail et loisir dans
ce sens précis. L’otium est une sorte de topos littéraire. A l’inverse le negotium qui a donné le
mot « négoce », signifie la vie active au sens large, à la fois politique, économique. Le
negotium est associé chez les penseurs latins comme quelque chose de négatif, de
nécessaire, mais qui ne serait pas le plus important dans la vie de l’homme.
2) La Technique
Par la production d’objets que l’on dit justement techniques, est tantôt perçue positivement,
comme un progrès, comme ce qui permet à l’homme d’apprivoiser la nature, de toujours
mieux la controler, donc de subvenir adéquatement à ses besoins et de décupler ses
capacités d’action (c’est particulièrement le cas pour les progrès techniques dans le domaine
agricole ou médical), tantôt négativement car la technique devient de plus en plus complexe,
prend de plus en plus de place dans nos vies. Nous en devenons dépendants, à tel point que
qu’aujourd’hui on ne peut plus expliquer le fonctionnement des outils dont on se sert
quotidiennement. En ce sens on peut ici penser à l’expression du miracle de la technique,
puisque la technique semble d’un côté extraordinaire, elle permettrait de faire des choses
qu’on ne pensait possibles auparavant, et donc de vivre dans de nouvelles conditions
(progrès médical), à tel point que la complexité croissante de la technique peut nous faire
penser que la technique n’est pas d’origine humaine mais divine, une sorte de miracle, mais
cela veut aussi dire que la technique comme outil devient de plus en plus dangereuse avec la
façon dont on s’en sert, les techniques les plus performantes sont les plus graves (ex : la
bombe atomique lol).
Définitions :
Travail : Activité de transformation de la réalité dans le but de produire ce qui est utile, càd ce
qui en dernière instance permet à l’homme de subvenir à ses besoins. Notion d’échange
d’effort contre un bien et je sais pas. La perception et définition du travail a beaucoup évolué
au cours de l’histoire de la philosophie et de l’humanité. Cette perception prend un tournant
majeur à la révolution industrielle car le travail devient une notion bien plus positive. On
retrouve des points communs : le travail produit quelque chose d’utile pour un individu, donc
qui a de la valeur pour cet individu. Cette caractéristique de la valeur perçue a amené les
penseurs à discerner le travail de l’homme et celui des animaux, en particulier Marx dans Le
Capital : il distingue le travail des abeilles du travail de l’homme, en affirmant que seul
l’homme est conscient de son but. A partir d’études qui ne concernent pas les abeilles mais
d’autres animaux, il a été montré que certains animaux ont conscience de leur effort (social
et partage de la nourriture, etc…). 2 ème caractéristique : le travail est avant tout dans la
perception une activité forcée qui permet de gagner sa vie, comme une contrainte, une
nécessité dont l’homme aimerait se passer mais sans pouvoir le faire. Autrement dit le travail
se distingue du jeu, du loisir, de la contemplation et de la création artistique. Dernier point
commun, le travail est une trasnformation tout comme la technique, c’est une médiation
entre l’homme et la nature, et cette médiation permet à l’homme de nier ce qui est animal
en lui. Le travail est une nécessité vitale d’abord, il devient source d’humanité. « En
produisant les objets, l’homme se produit comme sujet. »
Evolution de la conception du travail : On a une vision assez caricaturale de la manière dont
les hommes se représentaient le travail à l’Antiquité et au Moyen Age. Jusqu’au XVIII ème le
travail est considéré comme un supplice, une source d’inégalités entre les individus. Après,
pensée libérale et pensée des lumières, plus positive, où l’homme se réalise et contribue au
développement de la société, elle-même contestée par Marx car elle serait caractéristique de
le société bourgeoise et de l’oppression. Tout cela est caricatural.
En réalité pendant l’Antiquité certaines civilisations grecques et romaines percevaient le
travail comme des inégalités, et des hommes politiques athéniens ont voulu limiter ces
inégalités. Dans la cité grecque on distingue 3 groupes d’individus : le citoyen qui possède la
terre et n’a pas besoin d’exploiter lui-même, et peut donc se consacrer à d’autres activités,
notamment la vie politique, le citoyen qui ne travaille pour subvenir à ses besoins, le citoyen
le plus pauvre, qui ne peut se consacrer matériellement à d’autres activités, en particulier à
l’étude et à la vie politique. D’où un certain nombre de réformes, qui ont fait le succès de la
démocratie à Athènes : d’abord Solon avec la Sisachtie, terme technique pour désigner
l’abolition de l’esclavage pour dettes, qu’il a mis en place en -594, puis Périclès qui crée le
Misthos, une indemnité versée à tous les citoyens participant aux institutions de la cité ( la
Boulè est une institution juridique fermée, l’Héliée est le tribunal populaire, l’Ecclésia est
l’assemblée de tous les citoyens) remboursant la participation à la vie politique et permettant
aux citoyens les plus pauvres de pouvoir participer sans perdre leurs moyens de subsistance.
Ces deux mesures ont permis de limiter les conséquences néfastes du travail. Chez un bon
nombre de penseurs grecs, notamment Aristote, distinction entre vie active et vie
contemplative, et idée que la vie active n’est pas le sommet de l’existence pour l’homme.
Au Moyen Age, le travail n’est pas un supplice et péjoratif comme le laisse penser le mot latin
tripalium (trois pales) et une lecture assez simpliste la Genèse de la Bible, en particulier le
passage qui suit le péché originel. S. Hasdenteufel montre que l’étymologie est contestée,
tripalium ne désigne pas qu’un instrument de torture mais aussi un outil pour changer les
fers des animaux, certes c’est une contrainte pour l’animal mais cela ne renvoie pas à une
idée de supplice. Certains étymologistes considèrent que l’idée selon laquelle le travail
repose sur tripalium est fantaisiste. Ce que montre H c’est qu’au Moyen-Age la conception du
travail n’est pas unique et évolue. Le Moyen Age chrétien fonde son interprétation de la vie
sur la bible, et il ne faut pas surestimer l’influence des passages de la Genèse sur les
hommes, influence mais pas la seule du tout, 2 autres : Jésus est fils de charpentier, d’un
artisan, d’un travailleur. Nouvelle définition, positive, que l’on retrouve particulièrement dans
les ordres monastiques, qui travaillent la terre, qui produisent eux-mêmes leur subsistance,
et qui construisent des abbayes. Textes de St Augustin, père de l’église, pose la question dans
un commentaire sur la Genèse, de savoir si Adam et Eve travaillent au Paradis, et répond que
oui, car il observe « certains s’adonnent avec tant de plaisir au travail de la terre qu’ils ne
l’abandonnent qu’à contre-cœur pour d’autres tâches. Donc c’est un signe pour lui que le
travail n’est pas qu’une simple nécessité vitale, on peut ressentir un plaisir et une joie à
travailler, et en particulier à transformer la création divine, à l’améliorer, à la rendre plus
productive, pour répondre à ses besoins. Donc la chute, le péché originel n’a pas créé le
travail, elle a rendu simplement pénible le travail par la nécessité de l’effort, par l’existence
des besoins du corps, et par l’éloignement avec Dieu. Artisanat, capacité technique, habilités,
développées et acquises par l’individu, l’artisanat le plus favorisé est l’orfèvrerie. Nibelungen
saga mythologique germanique, actions de Siegfried qui terrasse le dragon, persos orfèvres
qui créent des anneaux notamment.
Le travail au moyen age devient une valeur par opposition à la paresse comme ce qui permet
de l’éviter.
//La paresse est donc une valeur négative mais qui n’a pas de valeur en soi, juste une valeur
car elle empêche quelque chose d’autre. La paresse vient d’otium, c’est un adjectif qui
désigne une parole vaine, une personne qui ne fait rien. Le terme disparaît, ce n’est plus le
fait de s’éloigner de la vie active. L’oisiveté correspond à un péché capital. Les 7 péchés
capitaux apparaissent pendant l’Antiquité tardive et acquièrent leur importance avec St
Thomas d’Aquin puisqu’il les décrit précisément dans la « Somme théologique ». Il précise
que la paresse n’est pas n’importe quel péché capital, celui encore plus capital car il entraîne
les autres capitaux : « L’oisiveté est mère de tous les vices » donc paresse = vice moral,
spirituel, à l’époque on appelle ça acédie, dans le sens chrétien a un sens moral, se traduit
par l’ennui, l’éloignement de la prière et la pénitence, l’éloignement de Dieu. C’est une
instabilité intérieure, un vagabondage de la pensée et une négligence des devoirs envers
Dieu et la société, d’où le fait que le travail permet de l’éviter et permet donc de mener une
vie qui est basé par l’effort et la contribution à la société. Le travail au Moyen Age permet
d’éviter le statut de vagabond, statut juridique précis et qui a été caractérisé par le fait de ne
pas avoir de travail et pas de papier d’identité, par opposition aux autres membres de la
société. //
A la fin du XVIIIème siècle avec la révolution industrielle et les Lumières, le travail prend son
sens moderne, petit à petit celui de l’emploi, car il concerne de plus en plus de personnes
dans la société. Le travail devient alors le cœur de la vie d’un individu, avec cette idée que
désormais il n’est plus question de seulement subvenir à ses besoins, mais d’avoir accès à des
services nouveaux qui dépassent les besoins primaires, et c’est une idée qui vient cette fois
du progrès humain et civilisationnel et qu’on commence à voir apparaître avec Montesquieu
dans « L’Esprit des Lois ». C’est aussi l’époque du développement de l’économie et on voit
apparaître les premiers économistes comme Adam Smith qui défend le libéralisme
économique. Le travail devient véritablement ce qui permet à l’homme de se réaliser.
//USA : ceux qui sont riches ont une grande autorité sociale (héritage de protestantisme :
Luther, 1517, critique la religion catholique car l’Eglise aurait perdu de vue certains de ses
principes comme la chasteté, et les catholiques ne veulent pas traduire la bible, car cela crée
une dépendance vis-à-vis des prêtres. Il réforme l’Eglise et forme le protestantisme,
notamment en traduisant la bible en allemand. Le protestantisme s’est ensuite importé aux
Etats Unis.)//
Au XVIIIème siècle, on commence à penser que le travail est une valeur positive, ce qui
accompagne historiquement l’essor de la bourgeoisie et la naissance des marchés financiers.
Cette valeur est particulièrement illustrée dans le texte de Adam Smith : la valeur d’échange
ne représente pas adéquatement la valeur d’un bien. Il utilise le paradoxe de l’eau et du
diamant. Il pense donc une nouvelle valeur qu’il appelle la valeur travail : « Ainsi le travail ne
variant jamais dans sa valeur propre est la seule mesure réelle et définitive qui puisse servir
dans tous les temps et dans tous les lieux à apprécier et à comparer la valeur des
marchandises. Il est leur prix réel, l’argent est leur prix nominal. Le prix monétaire varie et
pose un nombre de problèmes et de paradoxes. Avec la révolution industrielle, le travail
devient en dernière instance une marchandise qu’on livre sur le marché, ce qui s’incarne
dans le nouveau statut du salariat qui diffère du statut du Moyen Age de serf, car le travail du
serf est une devoir et non un droit, et il y a une proximité relative du serf avec son maître qui
s’inscrit sur le temps long alors que le salarié a une relation beaucoup plus précaire avec son
employeur, car pouvant être licencié à tout moment.
A l’époque moderne, deux conceptions du travail : le travail comme valeur fondamentale de
la société (surtout en occident, et s’observe très bien dans la gestion des colonies car les
occidentaux ne comprennent pas que les autochtones puissent fonder leur vie sur autre
chose que le travail, et se limitent à leurs besoins naturels), ou alors le travail comme
esclavage caché, comme accroissement permanent du capital d’autrui (critique du
capitalisme). Depuis les années 50/60 il y a toujours une pensée communiste française mais
teintée de désillusion, car dans les années 50 à peu près tous les intellectuels sont
communistes, par souci de crédibilité et d’effet de foule, jusqu’à la publication en 1956 du
rapport Khrouchtchev ( nouveau chef de l’URSS après la mort de Staline en 1953) qui
dénonce une partie des exactions et méfaits de Staline, la manière dont il a utilisé le
Marxisme pour se maintenir au pouvoir et neutraliser toute opposition. Un certain nombre
de penseurs sont marqués par la désillusion, et se développe l’idée que le capitalisme est
inéluctable et qu’il est devenu bien trop central pour être supprimé entièrement. Cette idée
est développée par André Korz notamment dans Adieux au prolétariats où il explique que le
capitalisme aurait pu être éliminé lorsqu’il n’était pas encore aussi dominant, et que
désormais on ne peut qu’en limiter les effets négatifs en repensant le travail. L’individu
travaillerait juste ce qu’il faut pour avoir une vie digne mais sans chercher à s’enrichir au-
delà, afin de limiter les effets du capitalisme sur l’individu (gestion du temps, santé, qualité
de vie des individus). Il prolonge sa réflexion en disant que c’est un objectif de moins
produire pour moins polluer, c’est un début d’écologie.
LA TECHNIQUE
La technique qui vient du grec techne, désigne la faculté propre à l’homme de transformer
les choses extérieures à lui-même. C’est un savoir-faire qui par un ensemble de moyens
permet d’obtenir efficacement un résultat déterminé qui est jugé utile.
Definition de Clastres dans La Société contre l’Etat : l’ensemble des procédés dont se dotent
les hommes pour s’assurer une maîtrise du milieu naturel, adaptée et relative à leurs
besoins.
Un savoir-faire est une action précise et inventée qui est reproductible par l’apprentissage et
l’habitude.
On ne peut comprendre la technique qu’en la rapportant à un but, à un projet, c’est donc un
moyen en vue d’une fin. Ce moyen peut être de 2 natures : d’abord intellectuelle, donc une
connaissance rationnelle, une méthode par laquelle l’individu effectue de manière efficace
quelque chose, mais aussi matérielle car la technique aussi l’ensemble des objets techniques,
càd l’ensemble des objets artificiels produits et utilisés par l’homme pour une utilité pratique
(instruments, machines). C’est surtout ce deuxième sens qui est utilisé en philosophie. Les
objets techniques sont des objets qui permettent de rendre nos actions plus efficaces, de
nous remplacer dans la réalisation de certaines tâches. Il y a 3 types d’objets techniques :
1) L’outil qui est un instrument artificiel fabriqué, un prolongement du corps humain qui
dépend des gestes techniques de celui ou celle qui l’utilise. Définition de Hans
Jonas dans Evolution et liberté : un outil est un objet inerte fabriqué artificiellement à
dessein, qui va être interposé en médiateur càd en tant que moyen entre l’organe
corporel qui agit et l’objet extracorporel sur lequel s’exerce l’action.
2) La machine est un instrument technique complexe mis en marche par un moteur et
caractérisé par un certain degré d’automatisme, càd de répétition du mouvement,
donc qui ne dépend plus du corps de l’homme. Gilbert Simondon, dans Du mode
d’existence des objets techniques : il définit la machine comme un objet qui effectue
une tâche que l’homme ne pourrait accomplir sans elle, ou alors pas aussi vite ni
aussi précisément, mais qui reste confinée ou cantonnée à un projet précis.
3) Le robot est une machine évoluée qui est caractérisée par un mécanisme
automatique avec une commande électronique et qui peut remplacer l’homme dans
la réalisation de certaines tâches, y compris des tâches complexes. On a vu apparaître
récemment des robots intelligents.
La technique est en dernière instance, càd à l’origine de la culture en opposition de la nature,
opposition classique de la philo. La nature est héréditaire, ce qui est inné, donc ce qui semble
à première vue nécessaire et indépassable, tandis que la culture c’est ce qui est acquis, ce qui
est construit, donc ce qui change dans le temps.
Evolution de la technique :
On distingue schématiquement deux périodes. De l’Antiquité au 17 ème et du 17ème à
maintenant. Jusqu’au 17ème, la technique n’est pas guidée par la science. Elle est fondée sur
un savoir-faire pratique, empirique, et non sur des connaissances théoriques. Pendant
l’Antiquité, la science et la technique sont distinctes, à l’inverse d’aujourd’hui, où ils sont
intimement liés. Les Romains s’inspirent des Etrusques, les Grecs qui ont longtemps été
considérés comme moins avancés techniquement pouvaient construire de nombreuses
choses, à la différence qu’ils distinguaient encore la techne et l’epistémé. Le tournant se
produit véritablement au XVIIème avec Galilée qui défend les théories coperniciennes : celle
de l’héliocentrisme, contre une tradition héritée d’Aristote, en particulier dans un ouvrage
intitulé Dialogue sur les deux grands systèmes du monde (Galilée est un savant italien qui est
ingénieur. Il construit des machines, en particulier à usage militaire (amélioration des
canons), et on lui demande de montrer les deux théories (géo et hélio), ce qu’il fait dans un
dialogue entre 3 persos paru en 1633) Galilée est le premier à lier le développement de la
science au développement de la technique. Il travaille beaucoup à l’aide d’expériences
sensibles, alors peu courantes à cette époque. C’est à partir de là que la technique et la
science sont dans une dépendance réciproque, car les principes de la rationnalité technique
sont les mêmes que ceux de la rationnalité théorique, donc de la science, optimise les
critères essentiels : efficacité et économie. Question de l’optimisation permanente, obtenir le
même résultat avec le moins de matériaux requis. C’est dans cette démarche de Galilée que
nait la technique moderne et le progrès technique. La technique doit désormais être
reproductible efficace et vérifiable.
Quelle est la thèse défendue par Platon concernant le rôle de la faculté de technique dans la
vie humaine ?
La thèse défendue par Platon est que la faculté de la technique est le moyen de subsistance
de l’espèce humaine, sa compensation face à son manque d’attributs physiques lui
permettant de survivre.
En quoi la technique est-elle le signe d’une faiblesse mais également d’une liberté naturelle
chez l’Homme ?
La technique est donnée à l’homme car il est trop faible physiquement pour survivre, mais ce
don est en quelque sorte exponentiel car la technique connaît très peu voire pas de limites et
donc assure la domination de l’espèce humaine sur les autres espèces.
Rédiger paragraphe argumenté justifiant la relation que l’homme entretient avec la
technique.
Correction :
Le texte est tiré du Protagoras. Or Protagoras c’est un sophiste. Or le thème principal du texte
ce n’est pas la question de la science et la technique, mais plutôt de la politique et de
l’éducation des citoyens à la politique et à l’art politique. C’est un dialogue de la jeunesse de
Platon et il reprend ses termes dans la République quand il se demande quel devrait être le
gouvernement de la cité idéal. Dans le cadre de ces questions il présente des mythes dont
celui-ci, dans lesquels les dieux attribuent à l’homme des qualités que l’Homme n’a pas
naturellement, la technique et l’art politique (la capacité de réfléchir aux meilleures
institutions possibles par la raison), donc ce qui sert pour Platon à montrer que les
institutions civiques doivent être créées par l’Homme de manière consciente dans le cadre
de la démocratie athénienne. Dans le cas des deux mythes, il y a cette différence entre les
animaux et les hommes, puisque les animaux ont des qualités qui lui sont innées, qui
dépendent de leur nature, alors que l’homme reçoit ses qualités car sa nature en manque.
C’est une manière de mettre l’homme à part dans l’ordre cosmique. Platon définit la
technique comme quelque chose d’origine divine, un miracle pas inhérent à la nature de
l’homme. Aristote contrairement à Platon défend que la technique est naturelle (ex : la main)
dans le texte Des parties des animaux. On retient de Platon que la technique est une
puissance d’adaptabilité, et si Platon la définit comme d’origine divine, la société moderne la
voit plutôt comme une seconde nature ou une pratique qui est devenue habituelle pour
l’homme.
Condition de l’homme moderne et La crise de la culture, de 1954 et 1958, et l’article
« L’action collective pensée par Anna Arendt : comprendre et agir ensemble pour le
favoriser », écrit par Michel Duval dans le journal Service Social :
Anna Arendt distingue dans ses textes 3 types d’activités humaines qui renvoient chacune à
une dimension de la condition de l’Homme : l’œuvre, le travail et l’action. Les dimensions
sont donc l’animal laborans, càd l’animal qui travaille, soumis au rythme biologique pour
assurer sa survie, l’homo faber, càd l’homme fabriquant, qui fabrique invente et réalise des
objets destinés à durer, et le zoon politikon, càd l’être politique, le citoyen capable de
discuter dans l’espace public, elle précise que c’est l’activité dans laquelle l’homme se réalise
authentiquement. Arendt s’inscrit dans la tradition aristotélicienne, mais redéfinit la
distinction entre action et fabrication en se fondant sur la conception moderne de la science
et de la technique. Insiste sur le rôle du temps, car rapport différent à la vie humaine selon
les 3 dimensions. Le domaine de l’action est caractérisé par la pluralité, càd la relation à
l’autre, avec cette idée que toute action se fait dans une société, donc dans une
communauté humaine. Le domaine de l’œuvre, c’est celui de l’appartenance au monde, qui
est caractérisé chez Anna Arendt par la durée. Le domaine du travail, c’est celui des
nécessités biologiques, donc du corps. C’est un domaine qui est cyclique.
Le travail, c’est une activité dont Anna Arendt dit que son temps de production est équivalent
à son temps de consommation, ce qui veut dire que le travail est cyclique et qu’il faut
toujours continuer à travailler pour survivre. C’est le cycle de la survie, de la consommation
vitale de biens immédiats, et à ce titre Anna Arendt considère que l’on ne travaille d’abord
que pour assurer notre survie. Ce qu’elle critique dans la société moderne, c’est que la
logique propre au domaine du travail, une logique d’immédiateté, a envahi les deux autres
domaines, alors même que ces domaines ont des logiques tout à fait différentes.
L’œuvre au contraire, c’est ce qui est caractérisé par une forme de stabilité, c’est le fait de
produire un objet qui va durer, et cela crée un monde que l’on habite en commun, qui est
donc intersubjectif. Ces objets, on les transmet, soit entre individus, soit de manière plus
large d’une génération à l’autre. Le monde, chez Anna Arendt, c’est donc le domaine de la
culture en particulier, le monde des œuvres d’art. Le domaine du travail parle de crise de la
culture car on a un rapport à l’art qui est maintenant lié à la consommation et plus
seulement à la contemplation, à cause de la logique du domaine du travail qui s’est étendue
aux deux autres domaines. Anna Arendt parle de philistinisme : les philistins dans la bible
sont ceux qui n’éprouvent aucun intérêt pour l’art, et Arendt reprend ce terme dans deux
catégories. Le philistinisme inculte, qui est le fait de ne porter aucun intérêt au domaine de la
culture, en particulier à l’art. Le philistinisme cultivé, c’est une tendance qui consiste à ne
donner à l’art qu’une valeur économique et sociale, ce n’est qu’une manière de se
positionner dans la société. Dans le domaine de l’œuvre il y a 2 types d’objets, les œuvres
d’art et les objets techniques, et elle les qualifie d’œuvre dans le sens où elles sont durables.
Les œuvres d’art ont une durée de vie potentiellement illimitée. Les œuvres d’art apportent
une stabilité dans la vie cyclique du travail, caractérisée par la consommation, donc par la
constante disparition.
L’action est caractérisée par le commencement et la fragilité, ce qui s’explique par son
rapport au temps : une action ne dure que le temps de sa réalisation et elle a deux limites
qui sont l’imprévisibilité et l’irréversibilité. Ce qu’Anna Arendt montre à propos de l’action
c’est qu’elle ne peut devenir vraiment durable que grâce aux œuvres, si elle est relayée par
exemple par un grand récit ou relayée par un tableau (on peut penser à l’arc de triomphe, ou
au tableau de Delacroix « La liberté guidant le peuple »). Il ne faut pas entendre l’action dans
son sens courant, mais comme un renouvellement, comme la capacité humaine d’initier
quelque chose de nouveau plutôt que de répéter ou d’exécuter des gestes, un signe de la
liberté de l’homme. L’ action c’est « le pouvoir qu’a l’homme de commencer quelque chose
de neuf à partir de ses propres ressources, quelque chose qui ne peut s’expliquer à partir de
réactions à l’environnement et des évènements. » Donc ce qui chez Anna Arendt distingue
l’homme de l’animal, c’est la capacité de l’homme à innover alors que l’animal ne suit que
son instinct.
Il y a 2 domaines de l’action dans l’existence humaine, la politique et la morale, qui sont
toutes deux caractérisées par la relation à l’autre, d’où la définition de l’homme comme zoon
politikon. Dans ces domaines, à chaque fois l’action est caractérisée par la pluralité, par l’idée
que j’agis dans une société, un groupe humain. La pluralité c’est une somme d’individus tous
uniques, une somme de vies, dans laquelle chaque instant est lui aussi unique, avec cette
idée qu’il y a un renouvellement constant de l’existence par l’action. Cela s’explique par ce
que Anna Arendt appelle la natalité, càd qu’il y a constamment des hommes nouveaux qui
naissent.
Dans cette triple catégorie, seule l’action est essentielle à la nature de l’homme. Lorsque
Anna Arendt parle de crime contre l’humanité qu’on ne peut ni totalement punir ni
totalement pardonner, c’est cette idée que les crimes contre l’humanité ne sont pas
seulement des crimes qui consistent à mettre fin à des vies, mais qui s’attaquent à ce qui fait
qu’un homme est un homme est un homme, càd à la natalité.
« Les hommes, bien qu’ils doivent mourir, ne sont pas nés pour mourir mais pour innover. » Il
y a donc action parce qu’il y a renouvellement constant de l’espèce humaine, parce qu’il y a
naissance d’individus toujours nouveaux et différents de leurs prédécesseurs. Dans Totalité
et Infini, Levinas s’intéresse au phénomène de la natalité et de la filiation en montrant que
l’enfant est celui qui nait de 2 parents mais qui ne s’y résume pas. La filiation c’est une
expérience de l’altérité absolue, d’un être à la fois semblable et à la fois radicalement autre
que ses parents. Arendt rejoint donc Levinas sur ce point. Arendt se rapproche aussi des
analyses de Sartre et de cette idée propre à l’existentialisme de l’autodétermination. Ici
Arendt reprend ici une distinction de St Augustin : initium c’est le commencement de
l’homme et principium c’est le commencement du monde. Dans la pensée de St Augustin
l’initium et plus radical que le principium à cause de la capacité de renouvellement de
l’homme permanente, que le monde ne possède pas. Quelles sont alors les spécificités de la
morale et de la politique ? Dans le cas de la politique, on voit l’héritage d’Aristote car Arendt
fait de l’homme un animal politique avec l’idée qu’agir c’est toujours agir politiquement et
ensemble, dans une société préexistante, interagir, pour construire un monde toujours
nouveau. Agir dans le domaine politique c’est exprimer sa liberté par des choix qui ne sont
pas individuels, mais qui sont en dernière instance politique. Donc l’action caractérise
l’homme comme être humain mais aussi comme être politique. « Nous sommes libres de
changer le monde et d’y introduire de la nouveauté. Sans cette liberté de dire oui ou non en
exprimant notre approbation ou notre désaccord aux réalités telles qu’elles nous sont
données, il n’y aurait aucune possibilité d’action. ». Or elle définit cette capacité comme une
responsabilité et en particulier comme le contraire de la résiliation « si caractéristique de
l’Europe pendant la dernière guerre ».
Quelle est alors la spécificité de la morale ? La morale c’est ce qui permet de répondre à la
fragilité de l’action qui est double. D’abord on n’agit jamais seul, puis l’action peut être
imprévisible et irréversible. Elle trouve 2 solutions qui sont caractéristiques de la morale : la
promesse et le pardon. « Promettre contre l’imprévisible et pardonner contre l’irréversible. »
Texte de Aristote :
Ici Aristote contrairement à Platon fait de la technique une propriété naturelle à l’homme,
quelque chose qui fait partie de sa nature et de son corps, et non une invention pour
compenser les faiblesses de ce dernier. Il centre son analyse sur la main et montre que la
main révèle la nature intelligente de l’Homme qui le distingue des autres animaux. La
technique et l’intelligence sont inscrites dans le corps humain comme cause finale et
formelle de la main. Dans La Physique et la Métaphysique, Aristote distingue 4 causes : la
cause finale, la cause formelle, la cause matérielle et efficiente, et ces 4 causes s’inscrivent
dans la pensée aristotélicienne qui est finaliste. Il considère que chaque être possède un
telos (=potentiel maximum), qu’il peut atteindre au cours de son existence, et c’est ce telos
qui conditionne l’existence de l’être. Cause finale=ce en vue de quoi la chose est faite, la
cause formelle est la nature de la chose, ce qui la constitue, cause matérielle=matière de la
cause, ce en quoi la chose est faite, cause efficiente=celui qui fait la chose. Ex statue de
marbre (cause matérielle), doit devenir une belle statue (finale), par celui qui la taille
(efficiente), pour être adirée. Cette théorie pour la main n’est pas scientifique. La science dit
que c’est parce que l’Homme a des mains qu’il est intelligent. Leroi-Gourhan, spécialiste
français de la technique, s’est intéressé à la paléontologie et au développement de
l’intelligence chez l’Homme. Il suit une explication non pas finaliste mais mécanique,
chronologique, qui montre l’enchaînement des phénomènes. Il montre que c’est d’abor la
station verticale, à partir de l’homo erectus, qui fait que les mains deviennent libres, et
permet la préhension. C’est le développement de la main qui permet le développement du
cerveau, donc qui rend intelligent. Il montre que le développement du supérieur nait de
l’inférieur. « Le départ du corps humain n’a pas été pris par le cerveau mais par le pied. »
Aristote, dans une conception opposée, lie la main à la bipédie, en montrant que c’est que
comme l’homme se tient debout il a les mains libres, et ça devient un organe indéterminé,
qui peut ainsi remplir un plus grand nombre de fonctions. Aristote distingue ici deux ordres :
l’ordre chronologique et l’ordre ontologique. Il ne s’intéresse pas à leur ordre chronologique
mais à l’importance de l’intelligence qui démarque l’homme et lui permet d’utiliser ses
mains. De manière courante, l’intelligence est une capacité à résoudre des problèmes qui
peuvent être théoriques ou pratiques. C’est une manière de vaincre un obstacle et de
trouver une solution. Donc la main est un multi-outil. A la fin, Aristote compare aux animaux
qui ont des organes plus spécialisée mais moins efficaces dans d’autres situations. Leroi
définit la main comme un organe incroyablement archaïque, par rapport à l’évolution de
l’espèce humaine à laquelle elle peut s’adapter en raison de sa non-spécialité. Aristote liste
les différentes capacités de la main : pas que saisir les objets, mais aussi explorer le monde ,à
s’informer, à communiquer, à éprouver par le toucher la résistance du corps, et « à faire
expérience par la caresse de l’altérité radicale de l’autre » (Levinas). Paul Valéry détaille les
capacités de la main dans Le discours aux chirurgiens. (Kheirourgia, en grec main+œuvre,
donc chirurgie =œuvre de la main) « Cette main est philosophe. Elle est même avant St
Thomas ». « Comment trouver une formule pour cet appareil qui tour à tour frappe et bénit,
reçoit et donne […] successivement instrumental, symbolique, oratoire, calculatrice, agent
universel, ne pourrait-on la qualifier d’organe du plus possible comme elle est d’autre part
l’organe de la certitude positive. Dans ce texte, Aristote ne s’intéresse pas au corps de
l’homme avant l’homme, mais ce qui fait sa nature humaine, càd son intelligence et sa
capacité technique qui sont présents en creux de sa main.