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Le travail, quelles valeurs ?: Idées reçues et propositions
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Le travail, quelles valeurs ?: Idées reçues et propositions
Livre électronique117 pages1 heure

Le travail, quelles valeurs ?: Idées reçues et propositions

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À propos de ce livre électronique

Les Français sont-ils ceux qui travaillent le moins en Europe, ceux qui coûtent le plus cher ?

La réduction du temps de travail peut-elle résoudre la question du chômage ? Les 35h sont-elles la principale source de difficultés économiques en France ? Le travail est-il une valeur importante, le principal lien social et la source d’émancipation et de réalisation de soi ? Seul le travail justifie-t-il reconnaissance et protection ?

En analysant quinze affirmations véhiculées par le discours politique et la plupart des médias, ce livre décrypte les véritables objectifs qui se cachent derrière ces affirmations apparemment « de bon sens ».

Le travail, mais quel « travail » ? La valeur travail, mais quelle « valeur » ? Plus le travail devient rare, précaire et souvent privé de sens, plus on parle de souffrance au travail, plus on en fait une valeur morale. De moyen il est devenu fin. Mais doit-on et peut–on libérer le travail, ou se libérer du travail ?

Fruit de plusieurs années de réflexions du Mouvement Utopia, en s’appuyant sur les travaux et les études de chercheurs indépendants et d’intellectuels, ce livre propose également six principales mesures ou orientations pour remettre le travail à sa vraie place.

Un ouvrage collectif pour revisiter en profondeur la notion de travail et lui rendre son sens premier.

EXTRAIT

Lorsqu’on aborde la question du travail, la difficulté principale vient du fait qu’aujourd’hui ce vocable désigne des choses très différentes. On « travaille » à
l’école, on « travaille » à l’usine, on « travaille » en faisant la vaisselle, on « travaille » en préparant une pièce de théâtre… L’amalgame entre activité et travail, la confusion entre emploi, salaire et travail est source de malentendus. C’est en jouant sur les différentes significations du mot travail que l’on a pu créer cette notion fourre-tout et la transformer en « valeur ».

À PROPOS DES AUTEURS

Trait dʼunion entre le mouvement social, le monde politique et le monde intellectuel, le Mouvement Utopia se définit comme une coopérative
citoyenne et politique. Il défend ses convictions altermondialistes et écologistes dans une perspective de dépassement du capitalisme et de la logique productiviste.
LangueFrançais
ÉditeurUtopia
Date de sortie20 févr. 2018
ISBN9782919160921
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    Aperçu du livre

    Le travail, quelles valeurs ? - Mouvement Utopia

    Préface

    Au moment où ces lignes sont écrites, le nombre de demandeurs d’emploi sans activité vient de dépasser les trois millions en France, presque 4,5 millions de personnes étant à la recherche d’un emploi. Les travaux pionniers du sociologue Lazarsfeld et de ses collègues ont montré, dès les années 1930, à partir de l’étude portant sur les effets de la fermeture des usines de la petite ville autrichienne de Marienthal¹, combien le chômage bouleversait les identités des personnes et les rythmes sociaux, constituant comme l’écrit Bourdieu, une véritable « expérience de la déréliction ». Dans des sociétés « fondées sur le travail », ainsi que les dénomme Habermas, dans lesquelles l’occupation d’un emploi et la réalisation d’un travail sont devenues une norme, la privation de travail constitue, comme les travaux de Baudelot et Gollac² l’ont confirmé, une source de malheur et de décohésion sociale. Ce qui explique pourquoi chaque crise s’accompagne à la fois d’un « oubli » de la question du travail, de son contenu et de ses conditions, au détriment d’un raisonnement quantitatif en termes d’emploi et d’un retour des réflexions sur le caractère anthropologiquement absolument nécessaire du travail.

    C’est bien ce qui s’était passé lors de la grande crise du début des années 1990, qui avait vu le taux de chômage atteindre des niveaux jamais connus. C’est à ce moment que se sont développées en France, dix ans après l’Allemagne, des analyses qui donnèrent lieu à ce faux débat sur « la fin du travail ». Et pourtant, dans les années 1980, les sociologues et anthropologues français avaient accumulé, à la suite des Allemands, un matériel impressionnant : lancement par Maurice Godelier d’un programme de recherche sur les représentations du travail ; article fondateur de Marie-Noëlle Chamoux³, anthropologue, sur la catégorie de travail, dans la lignée des recherches de Jean Pierre Vernant⁴ ; affirmation par Michel Freyssenet, en ouverture des réflexions du colloque du Pirrtem que le travail est une « invention » récente, une catégorie historique ; médiatisation des travaux de Gorz opposant le travail hétéronome et le travail autonome ; retour sur les thèses des « dégâts du progrès ». Le milieu des années 1990 vit ces analyses réduites à un débat mal engagé sur la valeur à accorder au travail. On en vint à se jeter à la figure des chiffres qui montraient que les personnes étaient toujours attachées à la « valeur travail » et à ouvrir la voie aux débats nauséabonds et inutiles qui se développèrent pendant toutes les années où se mit en place la réduction du temps de travail. Les campagnes présidentielles de 2007 et de 2012 mirent la question de la dégradation de la valeur travail au centre de leurs plateformes politiques et la réhabilitation de la valeur travail devint un nouveau mot d’ordre. Des commissions se réunirent pour soutenir que certes le travail faisait souffrir mais qu’il n’était pas une souffrance. On oublia durant toutes ces années le fait que la notion de travail était non stabilisée et historique et que ses différentes dimensions étaient profondément contradictoires. Revenons-y un instant.

    Il n’existe pas, l’introduction du Dictionnaire du travail qui vient d’être publié⁵ y revient, de définition univoque et consensuelle du travail. Il existe au contraire une oscillation permanente entre une conception extensive du travail (le travail serait tout effort créateur de valeur d’usage ou plus encore toute activité comportant une dimension d’obligation ou une finalité) et une conception plus réduite dans laquelle le travail est l’activité reconnue utile par la société et donc doublement sanctionnée par un échange monétaire comptabilisé officiellement (le corrélât du travail figure dans le PIB) et des règles définissant les conditions d’exercice du travail indépendant et du travail salarié. Dans le premier cas, ce qui est fait à l’intérieur du foyer (le plus souvent par les femmes…), mais aussi par les enfants à la maison, par les bénévoles… serait du travail, un travail non reconnu à sa juste valeur, dans le second, seule pourrait être qualifiée de travail l’activité que la société reconnaît officiellement en l’enserrant dans des règles collectives et en lui attachant une rémunération.

    L’oscillation ou la plurivocité est consubstantielle au travail. Parce que le concept de travail est le résultat de plusieurs siècles d’élaboration théorique, il est constitué, aujourd’hui plus que jamais, de plusieurs couches de significations qui constituent autant de supports pour les individus soucieux de faire triompher l’une ou l’autre de ces significations. Rappelons le très rapidement : le travail est à la fois, dans les représentations, un facteur de production, l’essence de l’homme et le système de distribution des revenus, des droits et des protections. C’est le XVIIIe siècle qui a théorisé l’idée, qui constituera le fond de commerce des économistes, que le travail est un « facteur de production », c’est-à-dire que ce qui importe dans l’activité de travail c’est la richesse créée par celle-ci. Le travail est une désutilité, un effort, une peine qui permet de fabriquer la production. Il est aussi une « force » susceptible de faire l’objet d’un échange, ce que Buret au XIXe siècle ou Polanyi au XXe considéreront comme un acte d’une portée considérable. C’est seulement au début du XIXe siècle, au moment où se développent les conditions de travail les plus épouvantables et les théories de ceux qui s’attaquent à la question sociale, que le travail est soudainement représenté comme une liberté créatrice, comme l’essence de l’homme. Non plus cette activité douloureuse qui permet de fabriquer la production et d’obtenir un revenu mais cette activité transfiguratrice du monde par laquelle l’être humain transforme radicalement le monde et lui-même. Marx⁶ est celui qui pousse le plus loin l’assimilation du travail et de l’activité humaine et défend l’idée que le travail, actuellement aliéné, deviendra un jour premier besoin vital. Alors l’essence du travail qui consiste pour l’homme à mettre tout donné naturel sous la forme de l’humain pourra-t-elle être actualisée. À la fin du XIXe siècle, avec la mise en place des linéaments de la société salariale, le travail devient emploi, le système de distribution des revenus, des droits et des protections. On le voit, ces définitions sont profondément contradictoires. Le travail n’est pas « de toute éternité », comme on l’entend souvent, ceci ou cela. Il est ce que les êtres humains vivant à une époque déterminée décident d’en faire ou parviennent à en faire.

    Pourquoi le travail, essence de l’homme, peut-il être source de souffrance ? Parce

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