Prisons Prisonniers 1959 1
Prisons Prisonniers 1959 1
Prisons Prisonniers 1959 1
Rédaction et Administration :
P A R A IT T O U S LE S T R O IS M O IS
ET PRISONNIERS
AVEZ-VOUS RE NO UV E L É VOTRE ABONNEMENT ?
Sommaire du N° 41
Abbé Pierre DU BEN : Rajeunissement.
Le Pape chez les prisonniers.
Pierre V ILLEM IN : De la serre au plein vent (suite et fin).
R . P. MOULU N : La situation juridique et sociale des Tziganes.
Daniel BECOURT : La Justice et les Hommes.
Dr Raymond TROTOT : La douleur dans les prisons.
Eux et Nous :
E. DU PEYRAT : Un parmi les autres.
L. M. : Mon vieux copain.
S. LE BEGUE : Les Prisons de la Force.
R . P. A V R IL : J’étais en prison.
Message du Pape aux détenus de la Maison Centrale de Melun.
Nouvelles Internationales.
Nous avons vu, nous avons lu pour vous :
Cérémonie à la Prison de la Petite Roquette.
Lettre d’une visiteuse.
Cas n° 12.
r - 1 6 e t 1 7 a v r il 1 9 5 9
— 220 —
LE PAPE
chez les prisonniers
Au matin du 26 décembre, avant de L ’hommage
commencer sa journée de travail, le Saint- du Ministre de la Justice
Père voulut faire une des œuvres de misé
ricorde les plus insignes et les plus méri Le ministre Gonella adressa alors au
toires : visiter les prisonniers. Saint-Père, entouré de toutes les autorités,
les hommages reconnaissants du Gouver
Dès l’instant où, le lundi précédent, Il nement et des éminents magistrats repré
avait tenu à annoncer lui-même cette nou sentant la Cour suprême ainsi que l’Ordre
velle, on se sentait heureux à Rome, parti judiciaire tout entier. Après avoir rappelé
culièrement les détenus. que, dans son premier message aux Véni
Les autorités et les aumôniers se sont tiens, le Saint-Père avait recommandé de
faits les interprètes des désirs même des visiter lès prisonniers, le ministre pour
détenus, cherchant à préparer l’accueil le suivit ainsi :
plus chaleureux au Père de toutes les âmes, « Cet appel était déjà allé droit au cœur
tout en sachant qu’il souhaitait le maxi de tous, et la visite de Votre Sainteté
mum de simplicité (ce qui, d’ailleurs, se aujourd’hui, à une maison pénitentiaire
réalisa) puisque son seul but était d’appor placée sous le vocable de la Reine du
ter le réconfort et de promouvoir le bien. Ciel, est un nouvel acte de charité évan
gélique que le monde admire.
L’Auguste Pontife est arrivé à « Régina
Cœli » à 8 h 05. Le cortège pontifical était «Cet événement historique, sans précé
réduit au maximum. Seul, le maître de dent, implique une profonde signification
chambre, S.E. Mgr Nasalli Rocca di Corne- sur le plan exclusivement humain, attendu
liano et le secrétaire privé de Sa Sainteté, que la Justice ne se borne pas à l’appli
Mgr Loris Capovilla, accompagnaient le cation de la loi, noble mission des juees,
Saint-Père, la voiture du Pape était précé mais s’associe à la charité pour le rachat
dée d’une estafette, dans laquelle avait du prisonnier. Le plus noble sentiment de
pris place le professeur Rocchi et le lieu fraternité chrétienne habite aujourd’hui
tenant-colonel Bernardo. cette maison que nous tenons à considérer
non comme un lieu de vindicte, mais
A l’entrée de la prison, où les honneurs comme un lieu de rénovation.
étaient rendus par un détachement de gar « C’est dans cet esprit que nous sommes
diens, se trouvaient le ministre de la Justi disposés à rénover tout notre système péni
ce, Gonella, directeur général des Services tentiaire afin de le rendre plus humain, et
pénitentiaires, Reale, l’aumônier de la pri plus générateur de rédemption.
son, le Père Luigi Cefaloni, des Mineurs
conventuels, et d’autres personnalités. « Le geste si humain et pastoral qu’est la
visite de Votre Sainteté est le meilleur
Le Saint-Père se rendit d’abord, avec le présage que, dans la sérénité des fêtes de
ministre et les autres personnalités qui Noël, l’étoile de l’espérance brille aussi
l’avaient accueilli à son arrivée, dans une pour les prisonniers, et qu’ils puissent re
salle de réunion. devenir des hommes de bonne volonté au
221
milieu de leur famille, dans le sein d’une confions notre humble prière, afin qu’Elle
société compréhensive. » la rende efficace auprès de Toi. »
Dans la grande rotonde Aussitôt après cette lecture, l’aumônier
transformée en chapelle en chef, le Père Cefaloni, adressa ses res
Une fois cette adresse de respectueuse pectueux hommages au Souverain Pontife,
bienvenue terminée, le ministre présenta au nom des présents, il souligna l’émotion
au Saint-Père les personnalités présentes, de tous à la vue de l’Auguste Personne du
puis le Pape se rendit dans la grande ro Pape en ces lieux, fait unique dans l’his
tonde que les détenus, les gardiens, et le toire des prisons d’Italie, il rappela éga
personnel avaient transformée en chapelle. lement l’œuvre inlassable du maître de
Au milieu avait été dressé un autel, face chambre de Sa Sainteté, Mgr Mario Nasalli
la statue de la Vierge Immaculée de l’en Rocca, qui, durant de nombreuses années
trée. A gauche de l’entrée avait été ins et spécialement pendant la guerre, exerça
tallée une crèche suggestive. De nombreux le ministère sacerdotal dans la prison de
détenus étaient alignés derrière l’autel ; « Regina Cœli », et s’acquit le titre de
d’autres se pressaient dans les loges et aux « Prêtre des prisonniers » en assistant plus
giilles des trois étages desservant les pa de 50 condamnés à la peine capitale. Il re
villons dont se compose l’édifice. mercia ensuite avec effusion Sa Sainteté
pour le cadeau inestimable qu’Elle avait
A l’entrée du Saint-Père, les acclama fait à tous en venant visiter cette maison.
tions des détenus furent bruyantes et en Il promit que la lumière émanant de la
thousiastes. charité du Christ et témoignée par son
Immédiatement après eut lieu une céré Vicaire ne s’étendra pas de sitôt et rendra
monie liturgique. Du haut de la première plus serein ce lieu de misère.
loge, la chorale des détenus interpréta
YAdeste fideles. Le vieux chant de Noël Enfin, il pria Sa Sainteté de daigner
était comme un présage d’espoir, de paix accepter en témoignage de gratitude de la
et de joie indéfinissable. Aussitôt après part de tous ses chers fils, un Missel ro
l’encensement fait par Sa Sainteté et le main artistiquement et amoureusement
chant du Tantum ergo, Mgr Pieri donna relié par eux, ainsi que la promesse de
la triple bénédiction avec le Saint-Sacre prier et d’offrir au Seigneur leurs souf
ment, suivi du Dieu soit Béni. frances aux intentions de Sa Sainteté.
Puis un détenu, d’une voix qui trahis « Et maintenant, Très Saint-Père, nous
sait sa profonde émotion et sa foi sin tous ici présents, nous nous inclinons aux
cère, lut la Prière du détenu, appel émou pieds de Votre Sainteté pour implorer vo
vant et confiant à la Miséricorde de Jésus tre Apostolique et Paternelle Bénédiction,
Rédempteur. En voici quelques passages : non seulement pour nous, mais aussi pour
« Fais que la justice des hommes soit tous les détenus d’Italie et pour leurs fa
dictée par ta divine justice et que la peine milles, pour les dirigeants et les gardiens. »
que nous subissons soit une expiation de Un autre détenu s’avança alors, et offrit
ces fautes que Toi seul connais et répa à Jean XXIII, au nom de tous les détenus,
res. » un Missel relié en cuir blanc et enrichi
« Que la chaude tendresse de ton Cœur de vignettes artistiques et d’une dédicace.
éteigne toute colère, toute rancœur, toute Le Saint-Père reçut avec joie le présent,
haine, tout dessein de vengeance et nous et bénit l’assistance.
rende capables de souffrir avec humilité
et profit spirituel. » Le Pape s’adresse aux détenus
« Rends-nous l’honneur, renoues les Ensuite, le silence fut total dans la vastes
liens de l’amour, console ceux qui nous rotonde, lorsque le Souverain Pontife se
sont chers, hâte le jour de notre libération, leva pour dire quelques mots.
prépare pour tous l’éternelle joie du ciel. » Les premiers mots du discours, c Mes
« A la Vierge, Ta Mère, que sur la Croix chers fils, et chers frères, nous voici dans
tu proclamas également notre Mère, nous la maison du Père qui, en ces jours et en
— 222 —
cette circonstance, exprime ce qu’il y a, l’encens sur les braises. Qui se soucie de
dans la maison du Père, de plus triste l’encens ? Il faudrait, au contraire, y pen
et de plus pénible », le fait d’avoir consi ser souvent. L’encens, qu’est-ce à le voir ?
déré comme maison du Père, en raison Une matière brute, vilaine : mais lors
de son aimable présence, précisément un qu’on le met dans le feu, voilà qu’il se met
lieu de punition, a éveillé chez tous les à pétiller, et à répandre un parfum extra
auditeurs un mouvement de profonde ordinaire. Il sert de symbole et d’expres
affection. sion au sacrifice. Notre vie, à bien y réflé
Sa Sainteté a commencé par rappeler la chir, a vraiment l’apparence de l’encens ;
douloureuse impression reçue lorsque, c’est une matière extérieurement grossière,
encore enfant, il lui fut donné de se ren insensible, vu qu’elle a perdu tout le goût
dre compte de ce qui arrive à quiconque de la vraie vie. Eh ! bien — poursuivait
transgresse la loi, fut-ce en matière légè le Saint-Père — laissez-la pénétrer par le
re et involontaire. Mais les lois sont néces regard de Jésus, laissez-la envahir par ce
saires en pays civilisé et doivent compor qu’il y a de plus sain dans votre éducation,
ter des sanctions. laissez-là illuminer par le souvenir des
Par la suite, pendant sa préparation au âmes chères, innocentes, qui sont, à votre
sacerdoce et au cours de son ministère, il foyer, l’objet de votre amour ; et la voilà
lui est arrivé plus d’une fois de visiter les ennoblie. Laissez-là se purifier par le sacri
prisons parce que, comme il l’avait dit, il fice pour se transformer en agréable
est inutile de chercher dans de vaines odeur.
idéologies des formules particulières pour On dit très justement que la loi de la
refaire l’humanité et pourvoir au progrès vie réside dans l’exercice de la justice, et
humain, si l’on oublie la leçon de l’Evan naturellement dans la confiance dans les
gile nous disant que dans les quatorze règlements de la justice; il y a lieu de bien
œuvres de Miséricorde se trouve le secret réfléchir. Il advient parfois que, ou bien
de la douceur, de la paix, de la tran l’esprit est perdu, ou le sens de la rectitude
quillité, et même de l’art. Que l’on pense nous échappe, voire même la vision de
combien de choses ont été accomplies en la réalité, des règlements, et c’est la ca
Italie au nom de la Miséricorde, en chaque tastrophe : Il faudra passer en jugement,
ville pour ainsi dire, et qui constituent, être contraint à de pénibles situations, qui
comme le testament de nos Pères. Et ces apporteront dans votre vie, amertume, dé
œuvres de Miséricorde s’étendaient à tout couragement, et désarroi.
et en premier lieu, se consacraient au Mais n’oubliez jamais que tout cela peut
soin des prisonniers. être ennobli et transformé s’il est pénétré
Le Pape dit encore son humiliation, son de la grâce du Seigneur.
amertume, son émotion, chaque fois qu’il Jésus avait toujours présente la vision
a visité une prison comme secrétaire de du sacrifice, de la souffrance et de la
son Evêque, ou en d’autres circonstances. mort : mais il rappelait aux siens qu’après,
Et maintenant, qu’allait dire Sa Sainteté vient la résurrection. Ce sont là des paro
à ses chers fils ? les graves ; mais le Pape peut-il parler un
Après les nobles paroles du ministre, autre langage que celui de l’Evangile ? Du
qui résument ce qui est la saine philoso reste ce sont les paroles de Notre Seigneur
phie des efforts faits par ceux qui ont la toutes imprégnées de tendresse.
responsabilité de l’ordre social, le Pape Tandis que l’Evêque d’Orvieto élevait le
avait médité sur la cérémonie liturgique. Corps de Jésus dans l’Ostensoir pour la
Le Saint-Sacrement est le Seigneur venu triple bénédiction, le Saint-Père se repré
au milieu de nous, prisonnier, Lui aussi, sentait les intentions des présents. La pre
dans le Sacrement de son amour, pour de mière Bénédiction, nous dit l’Evangile,
meurer près de nous, et être des nôtres, Jésus l’a donnée aux petits enfants, et le
Lui, Jésus notre Rédempteur ! Pape pensait à tous leurs enfants, créatures
Pour mieux manifester leur adoration, le innocentes, qui sont cause de tristesse
Souverain Pontife entouré du Clergé, met mais aussi de consolation pour le Père
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absent. Jésus bénit et multiplia le pain Ayant ainsi parlé, Sa Sainteté annonça
et le Saint-Père pensait, lui aussi, aux exi Sa Bénédiction, signe et symbole que le
gences parfois terriblement dures de Seigneur nous a donné. Il désirait que Sa
l’existence, lorsque le pain manque et Bénédiction fut un encouragement pour
qu’on est tenté de se le procurer de façon les présents et pour ceux qui apportent leur
illégale ; enfin, Sa Sainteté se représen concours à l’œuvre d’assistance et de fra
tait la Bénédiction finale, alors les élus se ternité chrétienne.
ront d’un côté, et les réprouvés de l’autre. La bénédiction était également pour
Ces choses sont simples : le Saint-Père ceux qui déploient leur activité sur le ter
aime les reprendre en y mettant tout son rain pénitentiaire : magistrats, personnel
cœur, car elles sont en totale conformité administratif et technique, aumôniers,
avec la vérité de l’Evangile. Elles sont infirmiers, gardiens. Le Saint-Père s’inté-
aussi l’unique chemin par où les âmes doi réssait à tous ceux qui contribuent à don
vent passer pour arriver à la vie par ner à ce lieu d’expiation une note plus
faite, fortunée, prospère et de toute sécu réelle, de douceur et de tolérance.
rité, à la vie que personne ne pourra nous Le discours du Pape fut écouté avec émo
enlever. tion et bien des personnes pleuraient. Mais
« Nous voici donc ensemble — a conti l’émotion fut plus grande encore lorsque,
nué le Souverain Pontife avec Sa conqué avec la bénédiction, le Saint-Père reprit la
rante affabilité — Je suis venu, vous parole pour prendre congé :
m’avez vu ; nous nous sommes regardés, « Dans la première lettre que vous écri
mon cœur est tout près du vôtre ; cette rez à ceux qui vous sont chers, vous direz
rencontre, soyez-en sûrs, restera gravée que le Pape est venu vous rendre visite,
profondément dans mon cœur, et au s’est entretenu avec vous. Et que le Pape
commencement de l’année nouvelle, de la à la Sainte Messe, et en récitant son cha
première année de ce qu’on nomme mon pelet chaque jour, aura une pensée parti
Pontificat, je me réjouis d’y trouver un culière et extrêmement affectueuse pour
geste de charité, une œuvre de Miséri chacun de vous, pour ceux qui vous sont
corde, parce que la première appelle tou chers, pour tous... »
tes les autres, donne le ton à tous les au
tres, assouplit, adoucit et rend doux et La phrase fut couverte par des applau
agréables jusqu’à ces rapports les plus dissements impossibles à faire taire. Ces
insipides. Que le Seigneur vous bénisse. pauvres prisonniers prouvaient ainsi qu’ils
Retenez cette belle prière qui vient d’être avaient compris la bonté du Seigneur, dont
lue, à l’adresse de notre Mère du Ciel. la bienveillance et l’incomparable charité
de son Vicaire sur la terre donnaient une
« En cette année qui finit, le cœur du idée.
Prêtre, de l’Evêque et du Vicaire de Notre
Seigneur Jésus-Christ est à coup sûr, parti Puis le Saint-Père fit la visite de l’inté
culièrement attiré vers la Vierge, qui, vous rieur des différentes sections de la prison.
le savez, est apparue dans une grotte Les détenus, agenouillés, l’acclamaient, lui
à Lourdes. La Vierge est au-dessus de l’hu criaient son doux nom de Père, baisant sa
manité souffrante et elle a réalisé l’ultime main droite, certains retenaient le plus
testament de notre Seigneur « Mon Fils longtemps possible les pans de son man
voici Ta Mère ». teau. Et tous, tous étaient rayonnants de
joie, comme au passage du Seigneur lui-
« Ce sont là de grandes choses : le Chris même.
tianisme est ici, le catholicisme est ici.
Pourquoi tant de gens qui portent sur le La dernière visite fut pour l’infirmerie,
front le signe du Christ ont-ils mis la au troisième étage de l’édifice. Là aussi se
Vierge à la porte ? Pourquoi ne veulent-ils renouvelèrent les gestes de bonté simple
pas en entendre parler ? C’est comme met de la part du Saint-Père, et de fervente
tre à la porte sa propre maman. Cette fa gratitude de la part des malades.
çon de faire ne peut qu’amener le L’Osservatore Romano.
désastre. » N° 473, 9 janvier 1959.
224
DE LA SERRE Un inédit de
Pierre Villem in
(suite et fin)
AU PLEIN VENT
iv choses ne parvient plus à être panoramique,
et leur faculté de prévoyance semble être
PLAN DE L’INTELLIGENCE voilée, affaiblie, dans la proportion de
l’acuité de l’intérêt qu’ils portent à ce dé
tail. On dirait qu’il n’y a plus connexion
De ce qui précède, nous pouvons retenir des éléments de l’ensemble. Aussi leur ju
déjà que l’intelligence d’un détenu mani gement est-il faussé dans la mesure ou le
feste un enrichissement ou une obnubila détail les a touchés plus personnellement
tion suivant les cas. et plus directement en faisant appel à leur
Que beaucoup, sous l’influence d’élé intérêt sur le plan émotionnel ; on voit
ments affectifs émotionnels ou volitifs, font donc combien l’intelligence est mêlée ici
preuve soit d’un dérèglement du jugement, d’éléments affectifs et comporte même plus
soit d’un sens éminemment pratique. de sentiment que de logique.
Un certain nombre ont acquis une ouver On ne s’étonnera donc pas de constater
ture plus grande sur une gamme de problè très souvent, notamment chez de tels su
mes plus ou moins étendue, une curiosité jets, une atrophie correspondante des facul
de certaines valeurs morales, spirituelles ou tés de déduction et d’induction (causalité,
esthétiques. abstraction).
On note également une mémoire très De même, parallèlement à l’hypertrophie
développée des faits qui les touchent direc de l’imagination, à la propension à l’affa
tement, même si leur version de ces faits bulation, certains sujets présentent un
semble prouver qu’ils les ont déformés : il développement ou même un éveil de dons
est rare qu’au fond de leur conscience ils artistiques, restés en puissance jusque-là.
n’en aient pas gardé une version exacte. Nous en avons traité précédemment (Plan
Mais un don d’affabulation poussé est des acquisitions physiques), mais nous de
tellement apparent chez certains, qu’il peut vons ajouter les goûts littéraires, et nous
faire croire à une duplicité qui, si elle ne pouvions mieux les décrire qu’en citant
existe parfois, reste le fait de quelques-uns quelques exemples.
seulement, comme une hypertrophie de — X..., 19 ans, illettré, marié jeune, n’a r
l’imagination au service d’une réaction rive pas à subvenir aux besoins de sa
d’autodéfense de la conduite adoptée par famille par suite des emplois trop subalter
le sujet avant ou pendant son incarcération. nes que son analphabétisme lui permet
Cependant, il semble qu’on doive enre seuls de tenir. Révolte, vol, incarcération
gistrer parfois, comme conséquence proba comme jeune. Préparation du C-E.P.
ble d’un repliement sur soi et sur les faits d’adulte en vue du C.A.P. Au bout de trois
qui ont motivé et accompagné la condamna mois et demi, c’est-'à-dire alors qu’il ne
tion, une sorte d’atrophie du mode de pen possédait pas encore la maîtrise de la lan
sée, en ce sens que pour de nombreuses gue écrite, malgré une soif d’apprendre et
situations, il est devenu fragmentaire, in un acharnement au travail rarement ren
capable de dépasser un des faits qui les contrés, X... fit preuve d’un réel talent lit
constituent et de le relier à l’ensemble. Les téraire d’observateur et de conteur dans
sujets s’attachent à un détail, rarement le les épreuves de rédaction. Il va sans dire
plus important, et jugent de la situation en que, s’il restait égal pour tous les thèmes,
fonction de ce détail. Leur vision des il excellait particulièrement dans les sujets
— 225 —
libres où sa mémoire visuelle et auditive parente et moyen de défense d’un sujet
pouvait enfin s’exprimer à sa mesure. Le qui se sent infériorisé ;
Corps Académique lui décerna ses félicita — L’éveil d’intérêts métaphysiques et reli
tions et ses encouragements. gieux, et parfois, un besoin de dépasse
— Y..., 28 ans, scolarité normale, bien que ment, une soif d’absolu.
fils de mariniers. Participation à une ac
tion délictueuse en bande. Incarcération. A. — Plan moral et social.
Découvre la littérature. Se met à écrire
dans sa cellule, le soir, ses souvenirs de Mais ce qu’il y a lieu surtout de signaler,
marinier et de marin : observation juste, c’est la déformation, chez beaucoup, de la
style alerte, simple, d’une lecture facile et notion de culpabilité. Certes, un certain
sans longueur mais attrayante, intérêt sou nombre de détenus gardent une conscience
tenu tout le long du récit, fidélité des ima très nette du bien et du mal, mais une
ges, sens des images et des instantanés. Un grosse majorité s’est fait, par généralisa
exemple : la traversée de la France en tion de cas individuels, une classification
péniche, une vingtaine de pages une fois manichéenne de la Société ; il y a les bons
dactylographié. Le manuscrit découvert et il y a les mauvais. Les bons sont ceux
au hasard d’une fouille, est transmis à un qui pensent comme eux, admettent leurs
directeur d’école et à un professeur de rhé critères de conduite. Les mauvais sont
torique. Devant leur étonnement, on pro tous les autres.
cède à une enquête qui amène au jour les Ou bien ils n’engagent pas leur respon
7 brouillons de 'la rédaction découverte, et sabilité personnelle dans leurs fautes. Us
prouve indéniablement qu’Y... n’a jamais les enregistrent mais en rejettent la res
eu connaissance, ni avant, ni pendant sa ponsabilité sur la société, leur milieu, leur
détention (fichier de la bibliothèque de la éducation, leurs employeurs, etc. Ils ne
prison), d’ouvrages ou récits de ce genre. sont jamais que les victimes d’un détermi
Nous ne savons pas si Y... a été reclassé, à nisme social.
sa sortie, dans le journalisme de reportage
comme le groupe d’orientation l’avait Par ailleurs, la forme de duplicité la plus
conseillé alors. fréquente que l’on rencontre est celle du
système D, chez ceux qui ont conservé un
Et combien d’autres : l’un qui apprit une esprit d’initiative, ou l’ont développé sous
langue est devenu traducteur d’ouvrages le stimulant des contraintes, ou à l’école
pour jeunes ; un autre s’est même vu décer des plus pervertis de leurs compagnons de
ner un prix littéraire, pour un roman. détention. Mais outre qu’il y a déjà là une
immoralité foncière, bien que parfois peu
V grave, elle se trouve aggravée chez eux par
une conception très particulière de la
PLAN MORAL, SOCIAL répartition de la puissance monétaire, de
ET INTERETS METAPHYSIQUES la notion de réussite sociale et des moyens
de se procurer l’argent qui satisfera les
besoins auxquels une paresse accrue ne
Résumons ce qui a déjà été dit jus leur permet pas de répondre par un gain
qu’ici comme conséquences de modifica mensuel honnête et fixe.
tions psychologiques d’un autre ordre :
— On constate un certain égoïsme qui et Donc, c’est la conception du bien d’autrui
de la propriété personnelle qui semble
n’était pas originel ; atteinte des plus graves désordres. Et il
— Une sorte d’asocialité, par écœurement reste, bien entendu que, nous ne parlons pas
de la société dont le sujet se sent la ici des gens chez qui cette attitude sociale
victime, et par refus des rapports so était antérieure à la détention, mais uni
ciaux ou des contraintes sociales, ou par quement des sujets chez qui elle constitue
orgueil et mégalomanie ; une acquisition nouvelle, due aux réper
— Une forme d’antisocialité indirecte ou cussions profondes de cette incarcération
intentionnelle par vengeance et com et de ses corollaires moraux et matériels.
pensation ; Cette déformation se rencontre d’ailleurs
— Une conduite immorale par faiblesse de sous bien des formes, tantôt moins graves,
caractère ; tantôt nettement plus antisociales.
— Une duplicité qui n’est souvent qu’ap C’est, par exemple, l’esprit de récupéra
226 —
tion ou cette sorte de cleptomanie de trémisme de tous les convertis. Attention
l'employé de bureau qui s’appropriera vo nous serons peut-être la première person
lontiers enveloppes, papier, buvard et ne que cet homme, ou cette femme, ren
même objets mis à sa disposition, pour en contrera sur le sentier de la liberté
faire un usage personnel chez lui. recouvrée. Notre comportement de chré
C’est encore le cas du libéré qui fera tien sera déterminant pour le redépart
appel à la solidarité ou à la pitié d’an définitif de cet être, soit que nous serons
ciens amis ou camarades de détention et un frère dont la joie d’avoir retrouvé la
vivra ainsi plusieurs années de prêts qui brebis perdue du Seigneur sera vraie, soit
lui auront été consentis en confiance, mais que notre attitude envers lui sera celle d’un
qu’il n’avait pas du tout l’intention de Juge, réticente, méfiante. Car de tels êtres
rendre jamais, ou que, s’il en avait l’in abordent alors une vie nouvelle, qu’ils
tention originellement, il ne s’efforcera n’ont jamais connue. Leur éducation prati
pas de rendre si cela lui demande un effort que est à faire, si Dieu leur en a fait trou
mensuel. ver le principe de base. Ils ont besoin de
soutien, comme un prématuré pendant ses
Chez d’autres, ce sera plus que de l’in premiers mois de vie, et pendant long
conscience, un manque de conscience pro temps. Nous devenons alors vraiment édu
fessionnelle. Mais il est à noter que le cateurs, collaborateurs de la Grâce. Et
détenu qui se reclasse ne manifeste pas c’est cela qui doit dicter notre conduite,
ce défaut du jour au lendemain sans cause. même et surtout de rechute en rechute,
Si rien ne vient entraver son redépart sur car cette route sera dure pour le nouveau
le plan matériel et psychique, si les dif voyageur : elle est déjà si dure pour ceux
ficultés ne l’assaillent pas avant qu’il ait qui ont eu le bonheur inestimable de jouir
eu le temps de reprendre confiance et de d’une naissance en famille et milieu chré
sentir le présent, tout au moins, assez ferme tiens, d’une éducation religieuse et morale
sous ses pas pour ne pas se décourager chrétienne !
devant les obstacles, il semble que ce tra
vers ne soit le fait que d’un petit nombre Quant au sens de l’autorité, chez les uns
à moins qu’il ne soit antérieur à l’incar il est aigu au point de se traduire par un
cération. Mais par contre, il ne sera pas assujettissement à quiconque fait preuve de
rare, même chez des sujets qui laissaient dynamisme, de volonté forte et par la peur
bien augurer de leur resocialisation, si les de toute personne qui a un titre reconnu :
conditions que nous venons d’énoncer ne chef de service, contremaître, délégué syn
sont pas réalisées. dical, prêtre, assistante sociale, agent de
A l’opposé, on trouve les sujets, peu police, inspecteur, etc. ; chez d’autres, il est
nombreux jusqu’ici, qui déroutent toujours déformé par les contacts qu’ils ont eus avec
quiconque veut s’occuper d’eux. Ce sont les représentants de l’autorité, et cela se
ceux qui ont trouvé leur chemin de Damas, traduit par un rejet de toute autorité en
sous une forme ou sous une autre, dans général, de tout devoir civique chez les
leur détention : une lecture, un camarade, détenus politiques (chat échaudé...).
un aumônier, une assistante sociale, par Par contre, d’autres ont déduit de leur
fois même un surveillant, un directeur ou expérience personnelle qu’il suffit d’avoir
un éducateur le cas échéant. de l’autorité pour avoir tous les droits. Et
En général, de tels sujets ont peu exté ils feront tout pour avoir droit à une part
riorisé leur transformation, leur conver d’autorité ; même par les moyens les plus
sion. Simplement, peu à peu, ils n’ont plus déplorables et dans les milieux les plus
fait parler d’eux, se sont fondus dans une sujets à caution.
sorte d’anonymat. Quiconque alors s’in
téresse à eux sans savoir le cheminement Le sens social qui n’existait déjà pas
lent qu'ils ont suivi risquent de se trouver beaucoup chez certains, sinon sous la for
en face d’une âme qui a besoin de se me de l’esprit de solidarité dans le mal,
confesser à quelqu’un. Et comme nous existera moins encore sauf chez certains
sommes toujours méfiants, ne faisons pas politiques et chez les convertis, mais ceux-
suffisamment confiance à Dieu et à Sa ci auront déjà tellement à faire pour s’ac
Grâce, nous pensons : « Toi, je te vois ve climater à leur vie nouvelle, qu’il ne
nir, tu veux m’avoir... » Leur excès de faudra les aiguiller vers l’action sociale
droiture, leurs exigences pour eux-mêmes qu’autant qu’elle constituera pour eux un
ne sont pas feintes. Ils souffrent de l’ex étai par elle-même ou par les contacts et
— 227 —
les amitiés qu’elle leur procurera. Ce qui B. — Intérêts métaphysiques.
est souvent le cas d’ailleurs.
Un gros problème est celui de la sexua Ce que nous avons dit de la conversion
lité. Une grande partie des libérés ont une introduit fort à propos les remarques qui
conception anormale des rapports sexuels. suivent :
Mais beaucoup de jeunes, dont le déve 1° Bon nombre de libérés permettent de
loppement physique n’était pas terminé, constater qu’ils ont perdu toute concep
n’ont pas, à leur incarcération, les bases tion spiritualiste de l’existence. Saint
morales et les notions intellectuelles indis Thomas d’Aquin a dit qu’il faut un mini
pensables pour sublimer leur instinct ou mum de bien-être pour pratiquer -les ver
seulement lui accorder sa juste place dans tus chrétiennes. Gn voudra bien reconnaî
le plan du Créateur. Or, la prison ne les tre que ce minimum est rarement réalisé
leur donne pas. On a, certes, introduit des dans une prison. D’autre part, les lectures,
dérivatifs, tels que le sport depuis quelques l’impression que la grande malhonnêteté
années. Mais à l’âge du rêve, il est dif n’est jamais inquiétée, qu’avec de l’argent
ficile d’empêcher qu’un jeune, qu’il soit en on peut tout se permettre, font rejeter
cellule séparée ou en dortoir commun, ait toute conception morale et, par suite, toute
assez d’un minimum de sport pour lutter croyance.
contre un instinct accru par le rêve et sou 2° Mais il est des gens qui, au contraire,
vent par les magazines. oublient le spirituel dans l’abondance ou la
Chez les uns, ce sera l’onanisme poussé simple aisance routinière et retrouvent
jusqu’à l’abrutissement. leur foi, leur religion, quand un revers
les atteint et les débarrasse du confort
Chez d’autres, l’inversion, la pédérastie. sous lequel elle gisait endormie.
Cette perversion de l’instinct se trouve Ceci reste vrai de gens qui n’avaient
aussi chez des adultes, de n’importe quel jamais eu d’éducation religieuse, quelle
milieu : manuel ou intellectuel. qu’elle soit. Nous n’en voulons pour preuve
que l’étude du Bouddhisme, du Vishnouis
Chez beaucoup enfin, on trouvera la li me, de la Bible et de la Mystique Chré
cence la plus totale envers le sexe opposé tienne, pour laquelle nous avons vu litté
sinon le proxénétisme ou la prostitution. ralement emballés, des détenus de toutes
Car il est bien entendu que dans tout ce origines et de toutes catégories.
problème, nous parlons aussi bien des Il semble que ce ne soit pas là un simple
femmes que des hommes, et ce ne sont pas dérivatif, mais une révélation profonde
elles qui nous apporteront un démenti. qui produise peu à peu une libération in
térieure — la liberté des enfants de Dieu,
Que faut-il voir là ? La paresse, le besoin a d’ailleurs dit un de nos Eminents prélats,
de confort, le rejet du conformisme social, parlant à nos détenus — un affinement de
les difficultés matérielles pour un psychis la conscience, une transformation de tout
me affaibli ? . l’être et .de son orientation d’avenir. Mais il
Et nous le rappelons encore, nous ne faut que de tels sujets soient dûment signa
parlons pas des gens qui présentaient cette lés aux organismes post-pénaux, et bien
perversion avant leur arrestation, mais uni pris en main avec confiance et affection
quement de ceux chez qui elle est apparue fraternelle, car l’homme qui sort alors de
peu à peu. prison est un nouveau-né, sans aucun
point commun avec celui qui, sous le même
Il semble, mais notre expérience est nom et la même fiche anthropologique, y
trop peu étendue pour l’assurer, que ce a été mis. Il faut que l’on utilise leur dy
soit chez les femmes qu’elle apparaisse le namisme à plein tout en les aidant maté
plus tôt, notamment chez celles d’entre riellement au maximum, pour qu’il ne se
elles qui avaient la vie la plus aisée. On se produise pas avec eux ce qu’un Evêque
laisse d’abord aller au manque de pudeur Africain a dit récemment de ses catéchu
sous prétexte que la prison ne tient pas mènes : « Nous faisons des Chrétiens. La
compte de certaines exigences physiologi vie nous les prend ». En effet, les soucis
ques féminines ; puis, aux conversations matériels et économiques, l’insécurité du
et confidences plus ou moins érotiques, lendemain, à plus forte raison si le sujet
etc... les actes seule ou avec partenaire sui a charge d’une famille qui a souffert de sa
vent bientôt. détention, et doit reprendre la ccmversa-
— 228 —
tion (cum-versatio : marche vers un même vie même. Nous nous permettons à ce
but), avec une femme qui a suivi une évo sujet un conseil : c’est d’avoir toujours pré
lution propre selon un angle de divergeance sente à l’esprit la méthode du « Retour à
parfois considérable par rapport à la Dieu », ces élévations multiples de la pen
sienne, peuvent étouffer tout désir de sée vers Lui, si prônée par nos auteurs
mieux et ternir à jamais ce qui aurait pu spirituels, notamment Dom Chautard.
devenir un foyer de rayonnement, d’abord D’autre part, qu’on ne s’y trompe pas,
dans le père de famille lui-même, ensuite certaines de ces âmes, que ne retient au
sur sa famille, sur ses proches. C’est ici cune obligation antérieure, ne sont plus
qu’il faut se rappeler la parole de Saint faites pour la médiocrité du monde, et ne
Bernard : « Je ne veux pas savoir ce qu’un doivent pas y être renvoyées sous prétexte
homme a été, ni ce qu’il est, mais ce qu’il d’un quelconque dynamisme apostolique
veut être ». dont elles font preuve. Leur place est au
D’une façon générale, le détenu qui a cloître. Et nous en connaissons qui, aujour
pris, ou repris conscience des réalités spi d’hui, regrettent qu’on ne les ait pas
rituelles a des besoins religieux accrus. Il comprises et mal conseillées.
faut qu’un prêtre s’intéresse à lui, le guide
et discute ses problèmes en véritable di
recteur de conscience. Combien n’avons-
nous pas connu de tels sujets qui n’ont pas
poursuivi leur marche ascendante et en Tout ceci semble bien disparate et l’est
pleurent aujourd’hui au point de regretter en effet. Mais si on veut bien essayer de
parfois la prison et leur cellule, pour procéder à une vérification dans le concret,
n’avoir jamais, malgré leurs demandes on s’apercevra qu’il était impossible de
répétées, obtenu qu’un prêtre entretienne situer un ou deux types de détenus, car les
avec eux ce contact de personne à per conditions se réunissent toujours différem
sonne, d’âme à âme. La messe et son prône, ment et souvent paradoxalement : une
souvent si insipide, si peu nourrissant, ne amélioration ou une qualité nouvelle voisi
suffisent pas à ces gens qui sont venus ou neront chez un même individu avec des
revenus à la foi par la réflexion, donc par faiblesses notoires, les unes sur un plan,
le plan intellectuel, mais qui n’ont pas les autres sur un autre ; des contrastes très
encore acquis toutes les notions de cette forts apparaîtront parfois sur un même
foi pour en vivre. Les sacrements ne leur plan ; tel sujet sera totalement différent
ont pas encore livré leurs richesses totales, soit en bien, soit, hélas ! en mal.
et leur pratique les laisse sur une faim. Mais d’une façon générale, c’est avec le
Dans le cas où certains cherchent eux- cœur et sans arrière-pensée qu’il faut les
mêmes leur nourriture, sans les guides aborder tous, les laisser s’épancher et
nécessaires, ils se nourrissent mal et le prendre confiance avant d’entreprendre
résultat est le même : malnutrition, avita quoi que ce soit d’autre que ce qui s’avère
minose et indigestion spirituelles les mè urgent pour leur donner le climat de sécu
nent à des erreurs, des lassitudes, au rité morale et matérielle sans lequel il est
dégoût. vain de vouloir penser poursuivre une
action : salaire, logement, amitiés, enca
A noter encore cette tendance à une drement.
forme d’esprit du type « tout ou rien », à Reprenant la parole du Christ-Jésus et la
l’exagération chez de tels sujets. Qu’on ne parodiant, un jour peut-être un homme se
s’étonne pas de les voir vouloir tout de lèvera pour attester de nous devant Lui :
suite le mieux, et tomber ensuite dans la « J ’étais dans les chaînes, et il a fait plus
nuit spirituelle la plus noire. Dieu les a que me consoler, il m’a empêché d’y retour
attirés, mais il leur enlève, d’ailleurs assez ner ».
rapidement, Ses consolations. Au prêtre, En la fête de N.-D. de la Merci.
alors de ne pas croire à un coup de tête, Paris, le 24 septembre 1958.
à une tromperie ou à une versatilité, mais
à obliger ces âmes à se fortifier dans la Pierre VILLEMIN
229
UN DRAME PEU CONNU
— 238 —
nant les populations d’origine gitane, compte Puisque donc la vie des tziganes s’établit
tenu des projets en cours concernant leur à un double rythme :
installation sur des lieux de stationnement — le voyage durant l’été, de village en
aménagés et équipés. » village ;
— le stationnement durant l’hiver auprès
d’une grande cité,
deux réformes s’imposent d’urgence :
C E QUI PARAIT SOUHAITABLE 1° La possibilité de stationner au moins
Dans son allocution à la Grotte, pour quelques jours, disons huit jours (?), dans
accueillir les tziganes qui faisaient à Lour convenable,communes
toutes les de France en un lieu
à proximité d’un point d’eau
des leur premier pèlerinage, Mgr Theas
prononça des paroles d’une grave portée : et d’une école.
«A l’heure où l’on proclame l’égalité des 2° La possibilité de stationner environ six
nations et des races, la législation civile ne mois (d’octobre à avril) aux abords des gran
doit plus avoir à l’égard des gitans des lois des villes, sur des terrains officiellement
d’exception. » désignés et aménagés (adduction d’eau, écou
La réforme la plus urgente est bien la lementdes
des eaux usées, W.-C., enlèvement
ordures, éclairage suffisant).
révision de la loi du 16 juillet 1912. Le
procès-verbal du 2 mars 1950, à Toulouse, Ces stationnements pour devenir rentables
le déclare : « La législation actuelle est une aussi bien dans les communes de province
législation de police de répression, de dé que sur les terrains proches des grandes
fense. Elle aboutit à faire vivre presque villes, pourraient comporter un prix modi
complètement en marge de la vie sociale que de location. A-t-on calculé qu’à raison
française une population de 40.000 nomades de 50 fr. par jour et par voiture, cela ferait
environ pour l’ensemble du territoire fran un million environ en six mois pour un
çais... » (nous pouvons dire 60.000 en 1958 terrain accueillant une centaine de voitu
et ils seront le double dans vingt ans). res ? Nous souhaitons donc la nomination
La réforme portera surtout sur les points d’un fonctionnaire, ami des tziganes, à qui
seraient confiées toutes ces tâches.
suivants :
1° Suppression du carnet anthropométri Si ces vœux de réalisaient, quels chan
que. Les 30.000 tziganes d’Angleterre possè gements ! Alors on pourrait enfin dire aux
dent les mêmes pièces d’identité que les tziganes qu’ils peuvent et doivent aimer la
citoyens anglais. France !
2° Assouplissement du régime des amen Alors les hommes pourraient enfin gagner
des. En particulier, si le régime des procès- normalement leur vie !
verbaux doit encore durer pour le station Alors les enfants pourraient enfin appren
nement interdit ou l’absence de visa d’un dre à lire... et davantage !
carnet, du moins qu’on obtienne pour les Alors les foyers pourraient enfin se
villes le système des carnets à souche en marier !
usage dans les campagnes, pour paiement Alors surtout, on ne lirait plus sur les
immédiat, afin d’éviter que ces amendes pas visages la même tristesse parfois révoltée,
sent automatiquement de 900 à 5.000 et mais le plus souvent résignée parce qu’ils
8.000 fr. ou de 18.000 à 35.000 fr. croient leur cause désespérée !
3° Désignation de terrains officiels de sta Alors, en un mot, les tziganes seraient
tionnement. Forcer tous les tziganes, sans enfin traités comme des « hommes à part
transition, à une vie sédentaire, — beaucoup entière », selon la belle expression de
d’entre eux déjà y ont accédé, — ce serait Mgr Theas.
inhumain et inefficace ; et très certainement
ce serait les jeter dans un sous-prolétariat, H. MOULIN
en faire bientôt une pègre, alors qu’ils sont aumônier des tziganes
un peuple sain et très capable d’évoluer. pour la région parisienne.
239 —
LA JUSTICE
ET LES HOMMES
Au fil des jours, au long des siècles, au en soi, pour dépendre d’une preuve, autre
hasard des civilisations, un même besoin ment dit d’une force au second degré.
s’affirme, profond, nécessaire, aussi élé La justice naît de l’adoption d’une morale.
mentaire que manger ou dormir, aussi Mince progrès sans doute quand l’adminis
impérieux qu’aimer : le besoin de justice. tration de la preuve se limite au respect
Justice — mot-clé — traduit dans toutes de formes étroitement réglementées sans
les langues, compris chez tous les peuples, souci d’une justification plus profonde.
qui rend compte de l’homme dans sa plé Mais, de même que la loi Jdu talion
nitude, témoin tour à tour exigeant ou éliminait les vengeances privées, les orda
résigné. lies ou le jugement de Dieu, par leurs
abus mêmes, allaient imposer une justice
Mais il est des clés qui ouvrent plusieurs moins soumise aux forces physiques de
portes, passe-partout de la confusion, lais l’individu.
sant entrer pêle-mêle hôtes respectueux,
voyageurs égarés, et spécialistes de l’ef Car une telle forme de justice ne se
fraction de pensée. Et chacun s’imagine peut concevoir que religieuse, par la
posséder le maître-mot, s’étonne, impuis croyance dans une aide divine réservée
sant, de n’être pas compris ou, sûr de par essence à l’innocent et refusée au
son pouvoir, aspire à régner seul. coupable.
Aux termes d’une définition tradition L’échec de l’expérience impose une
nelle, la Justice s’entend de la vertu de autre solution à fondement, cette fois, non
rendre à chacun ce qui lui appartient. plus moral, mais social. Le soin de tran
Une telle vertu semble la mieux partagée cher les différends, au lieu de se trouver
du monde, dans la mesure du moins, où confié à un arbitre qui se contente de
l’on attend d’autrui, quand nos propres faire respecter les formes, « de compter
intérêts risquent d’être mis en péril. Ce les coups », se voit dévolu à un juge char
qui est juste à nos yeux, c’est ce qui nous gé d’examiner les prétentions en présence
convient le mieux. Le recours à la justice, et de se prononcer objectivement au nom
loin d’apparaître spontanément, intervient du groupe. La justice est devenue une
pour faire respecter les intérêts particu institution.
liers, c’est-à-dire, au fond, à partir du sen Oui, mais qui jugera et en vertu de
timent de l’injustice. A l’origine de toute quoi ? A vrai dire cette double question
société, le seul fondement de la Justice appelle des réponses parallèles. Dès l’ins
réside dans la protection d’une situation tant, en effet, où les membres du groupe
acquise : la force crée le droit. délèguent à quelques-uns d’entre eux le
Mais un droit perd toute valeur à demeu pouvoir de disposer d’eux-mêmes, de leur
rer à la seule merci d’une autre force plus personne et de leurs biens, leur choix se
puissante. Il lui faut, pour s’affirmer, porte naturellement vers ceux dont l’expé
s’appuyer sur une notion respectée de rience garantit à la fois la compétence et
tous, donc unique : la vérité. Dès lors, le l’impartialité. Des Sept Sages de l’ancienne
droit cesse de se confondre avec la force Grèce aux Rachimbourgs carolingiens.
240 —
comme au Conseil des Anciens des tribus l’institution même de la Justice ? Il serait
arabes ou africaines, il s’agit toujours aussi vain de lui dénier toute valeur,
d’une même conception de la Justice à motif pris de ses imperfections. Ceux
partir de lois non écrites. d’ailleurs qui s’en vont répétant : « Il n’y
Mais dès què le groupe croît en impor a pas de justice », il suffit de les interroger
tance, que la collectivité évolue sans cesse pour s’apercevoir que leur déception tient
vers une unification et une centralisation pour le plus grand nombre de raisons
toujours plus poussées, uii tel système personnelles ou d’un procès perdu. La
s’avère de moins en moins praticable à justice idéale ne saurait être que divine, et
mesure que s’estompe la relation humaine il nous faut nous contenter d’hommes.
entre Ses membres du groupe et de leurs Mieux vaut après tout, plutôt qu’une insti
pairs chargés de les juger. Dans le même tution mécanisée d’une glaciale perfec
temps la diversité des coutumes cède à tion, une justice imparfaite parce que à
une législation unique qui s’impose à tous. la mesure humaine.
Juger devient une fonction, sinon un Encore faut-il ne pas abdiquer toute
métier. L’expérience humaine née de la ambition d’y porter remède. Une froide
vie ne suffit plus là où l’application de mécanique broie tout aussi bien sans
textes requiert une connaissance pure l’excuse de la perfection. Or il faut con
ment technique. L’application de la loi venir que c’est l’impression majeure qui
se substitue progressivement à l’équité, se dégage de la fréquentation de notre
dont la simple vêture passe volontiers ina_ système judiciaire qu’il s’agisse des spé
perçue au milieu des riches artifices de cialistes ou des particuliers. Côté « pro
la procédure. La Justice, c’est maintenant duction », lois et décrets s’amassent en
l’appareil judiciaire dans son ensemble toutes matières, parfois contradictoires ou
— les lois et les juges. même illégaux, presque toujours mal rédi
Alors le cercle se ferme. Car les magis gés, rarement animés d’un esprit de syn
trats n’ont plus pour tâche que d’appliquer thèse visant au général, mais se perdant
la loi, non de la concevoir pour chaque au contraire dans des détails superflus.
cas particulier. Leur décision est sans Enserré dans ces textes comme une momie
appel et tient lieu de vérité par l’auto dans ses bandelettes, le juge se trouve
rité de la chose jugée. Leur jugement réduit à un rôle d’enregistreur, impuissant
prend de ce fait force exécutoire : il s’im à appliquer des principes généraux en les
pose à tous et en premier lieu aux par harmonisant aux cas qui lui sont soumis.
ties. Avoir le droit pour soi, c’est avant Côté « distribution », une procédure
tout avoir fait triompher son point de longue, compliquée, coûteuse, des pro
vue dans les règles. Et si la loi est mal blèmes techniques toujours nouveaux et
faite, tant pis. Le pouvoir judiciaire est toujours plus complexes, entraînent une
indépendant du pouvoir législatif. Mais la dissociation des pouvoirs des juges délé
Justice dans tout cela ? La vertu de rendre gués à l’expert Côté « consommation »,
à chacun ce qui lui est dû — ne parlons enfin, un langage barbare compliqué à
même pas de la vérité — que devient-elle? plaisir déroute le justiciable, ce jeu d’où
Questions sans réponses, sinon sans inté lui seul semble exclu le déconcerte, quel
rêt ; « res judicata pro veritate habetur », ques erreurs judiciaires achèvent de le
chose jugée est tenue pour vraie. décourager. « C’est ça, la justice ! »,
Le véritable problème n’est pas là. Car conclut-il.
ce syllogisme s’impose inéluctablement à Eh oui ! c’est cela. Une justice où il n’a
propos de toutes les institutions qui pro point part, un temple pour initiés, « où
cèdent directement ou indirectement d’une de vivants piliers laissent parfois sortir
délégation. Les ayant établies — et com de confuses paroles », une justice qui le
ment se passerait-on de juges ! — il faut dépasse et qu’il a cessé de vénérer préci
les accepter avec toutes leurs consé sément parce qu’il croit en la Justice. Et
quences — et comment remettre en ques peu importe alors si ses critiques sont
tion un jugement sans mettre en cause exagérées, partiales, voire méchantes. Peu
241
importe qu’il lui soit rendu exactement Nous vivons actuellement une époque
ce qui lui est dû, s’il estime, lui, ne pas de transition, où nos anciennes institu
avoir son compte et n’accepte plus d’être tions chancellent, sans que d’autres puis
jugé. Entre la justice telle qu’il la sent et sent encore les remplacer. Famille, ma
la justice telle qu’il la voit, c’est le divorce; riage, propriété, justice, font l’objet d’une
il ne s’agit plus des mêmes mots, ou plu révision impitoyable d’où peut sortir le
tôt les mêmes mots ne veulent plus dire meilleur comme le pire. C’est dire le rôle
la même chose. C’est tantôt « Ubu » et capital du juge, seul intermédiaire entre
tantôt « Kafka ». Encore faudrait-il faire ceux qui font les lois et ceux pour qui
une place à part à la justice dite poli elles sont faites, à qui revient la lourde
tique, expression commode .permettant de responsabilité d’une synthèse difficile. Sa
couvrir du premier terme tout ce qui se compétence et sa bonne volonté ne sont
cache sous le second, comme si une telle pas en cause. Qu’il veuille bien seulement
juxtaposition pouvait avoir un sens. Nous se souvenir toujours que le Droit n’est
en parlons plus loin. jamais autre chose qu’une étiquette collée
Faut-il insister sur la gravité du dan sur chacune des manifestations de la vie,
ger ? Quand les institutions d’un pays seule vérité impossible à travestir. Car s’il
cessent d’être vécues pour devenir subies, est vrai que les hommes ne sauraient se
quand les objecteurs de conscience sociale passer de justice, la Justice aussi a besoin
ne se voient plus répondre que par des d’hommes.
arguments de forme, leur voix condamnée
à être couverte faute d’emprunter un mas Daniel BECOURT,
que de modèle réglementaire, c’est que la Avocat à la Cour d’Appel de Paris,
justice n’est plus la justice, mais l’expres
sion déguisée du droit du plus fort ou Membre du bureau exécutif
du plus habile ou du plus fortuné. C’est des « Amis du Droit ».
aussi qu’elle court un risque de devenir
un jour à la merci de l’intrigue, de l’ar Extrait de la « Vie Judiciaire » avec
gent, du pouvoir : un instrument. l’autorisation de l’auteur.
LA DOULEUR DANS LES PRISONS
par le Docteur Raymond TR O T O T
Neuro-chirurgien de l'Hôpital Central des Prisons de Fresnes (1)
244
sion organique, ou, si elles sont dispro de la douleur physique exige une connais
portionnées, n’en sont pas moins de vraies sance de l’homme lui-même, aussi pro
douleurs. Ce qu’on peut en dire, c’est que fonde que possible.
« leur composante psychique » est exces
sive et même déformée par rapport aux
douleurs physiques habituelles. Mais la douleur physique
Par contre, il est des douleurs parfai revêt-elle, en prison,
tement illégitimes : ce sont celles des
simulateurs, et l’on comprend que nous des aspects particuliers ?
ayons à y revenir à propos des prison
niers ! Elle revêt d’abord des aspects inatten
dus pour ceux qui n’ont sur la psycholo
c) Un troisième enseignement fourni gie des prisonniers que des idées toutes
par l’observation des malades, et non plus faites. En effet, loin d’être habituellement
des animaux de laboratoire, c’est que « un dur », le prisonnier est très souvent
chacun de nous a ses prédispositions plus sensible à la douleur physique qu’on
particulières à souffrir. ne croit, et, fait remarquable, il y est
Revenons-en à Leriche. « L’individuel plus sensible que lorsqu’il est en liberté.
a certainement une part considérable Pourquoi ?
dans la génèse et l’entretien de la douleur
physique. Nous ne sommes pas tous égaux D’abord, parce qu’un homme dépourvu
devant la douleur. Le sens populaire ne de toutes les « distractions » de la vie
s’y trompe pas. Il dit que celui-ci est dur courante se trouve obligé de s’occuper de
au mal, et que celui-là gémit pour rien. » lui-même, puisqu’il se trouve sans cesse
en face de soi. Ainsi prend-il des habitu
Ainsi, pour bien connaître ce phéno des d’auto-observation qui, chez les uns
mène complexe de la douleur physique, se limitent à quelques constatations, chez
ne peut-on en faire seulement un acte les autres peuvent aller jusqu’à une minu
réflexe qui utilise un appareil nerveux tieuse auto-critique, quand il ne s’agit
qui est le même pour tous. Il faut tenir pas d’un état quasi obsessionnel.
un grand compte de ce que cet appareil
a de personnel à chacun de nous, non Cet état est souvent accru par une an
seulement dans sa contexture, mais aussi goisse particulière : celle de l’état de
dans sa manière de vivre, de fonctionner, claustration, qu’on peut comparer assez
de s’accorder ou non avec le reste de à cette incertitude douloureuse qu’éprou
l’organisme. Il faut, pour apprécier ces vent certains dans une obscurité pro
éléments d’une « douleur vivante » qui fonde.
lui donnent « une certaine âme »,. en Enfin, nombre de prisonniers ont un
noter les caractéristiques, savoir interro complexe d’infériorité et pensent, d’une
ger celui qui souffre, mieux encore : part, qu’on ne leur fournit qu’une sorte
savoir le laisser parler, expliquer sa souf de « médecine de rabais », et que méde
france, faire, comme le dit encore Leri cins et infirmières, d’autre part, abusent
che, « sa déposition douloureuse », de leur pouvoir, quand ils ne font pas
En un mot, il est certes indispensable, des essais de médicaments !
pour être un vrai spécialiste de la dou Il résulte de tout cela que la douleur
leur, de connaître les bases anatomiques physique du prisonnier prend un carac
des voies et centres qui en sont le sup tère et, si l’on peut dire, un « coloris »
port chez tous, d’en connaître les divers très différents de la douleur de l’homme
aspects cliniques, les diverses expressions libre. On ne saurait croire l’invraisem
suivant les cas. Mais il est impossible blable importance d’une rage de dents,
de séparer l’Homme malade de sa mala par exemple, et qui tient assurément à
die, l’Homme qui souffre de sa douleur, des facteurs extérieurs à la qualité de la
la Personne de l’Homme d’une quelconque douleur elle-même, avant tout à la vieille
de ses parties. Et déjà, la connaissance crainte de l’Homme devant la Mort, que
— 245 —
la souffrance, si minime soit-elle, lui rap n’est malheureusement pas toujours vraie,
pelle et lui annonce trop souvent. surtout au début d’une période de claus
Assurément, la vie en prison développe tration. Que de révoltes intérieures, que
aussi l’esprit de fraude. de souffrances ramenant le prisonnier à
un état élémentaire, que de difficulté à
Mais avant d’acquérir la déformation de reprendre l’ascension vers lfe ciel 1 C’est
l’adjudant, sans cesse à la recherche des là qu’un mot, un regard — que dis-je !
« fricoteurs », le médecin doit se sou un silence éloquent et respectueux —
venir des psychopathes, auxquels je fai peuvent faire tant, lorsqu’ils viennent du
sais allusion plus haut, et qui souffrent prêtre ou du médecin !
réellement et légitimement. On devient
aisément psychopathe en prison ! Car, Pascal en convient aussi : trop
Et la simulation vraie de la douleur souvent « les hommes ont un instinct
n’est pas si facile ! Il ne suffit pas d’affir secret qui les porte à chercher le diver
tissement et l’occupation au dehors, qui
mer son existence, il' faut encore qu’elle vient du ressentiment de leur misère
ait des caractères vraisemblables, selon continuelle... De là vient que les hommes
son siège, son intensité, ce qui la provo aiment tant le bruit et le tumulte du
que, ce qui l’atténue. Le mal de tête, à monde ; que la prison est un supplice si
cause de ses très nombreuses variétés, horrible ; et qu’il y a si peu de person
est assurément la douleur la moins faci nes qui soient capables de souffrir la soli
lement contrôlable. En fait, dans ce do tude ».
maine comme dans bien d’autres, tout
dépend de l’intelligence du sujet. Les gens De là vient, ajouterons-nous, qu’un des
sans finesse veulent en « mettre trop » éléments fondamentaux de la souffrance
et leur symptomatologie trop riche est causée par la claustration en soi est un
rapidement suspecte. Le meilleur moyen sentiment de frustration, qui porte non
« d’avoir » le médecin est de choisir une seulement sur la simple liberté, mais sur
douleur invérifiable, en principe une dou l’exercice normal de la vie, dans tous les
leur profonde, et de s’y cramponner sans domaines : physique, sexuel, affectif,
broder sur le thème ! intellectuel. Tout le monde ne peut, comme
Cervantès, utiliser la prison pour écrire
Mais il n’est pas que la douleur physi Don Quichotte ! Aussi, tant de limitations
que qui doive nous retenir : la douleur finissent par retentir sur l’organisme, et
morale s’impose à nous plus souvent le caractère complexe de la souffrance
encore. due à la claustration ne fait que s’en
Avant d’en définir les aspects chez les enrichir.
prisonniers, il importe, à mon sens, de
reprendre le problème de la claustration Et encore, ai-je laissé de côté volontai
et des effets qu’elle peut produire. rement tout ce que peut réaliser, dans
une cellule destinée à un homme seul, la
En premier lieu, il faut distinguer l’état terrible promiscuité de sujets d’âges et
du prisonnier mis en cellule et celui du de moralités bien différents !
sujet mis en collectivité.
Signalerai-je la très intéressante expé
L’isolement en cellule peut être excel rience qu’il m’avait été donné de faire
lent, tout spécialement pour celui qui a il y a quelques années. L’administration
un caractère trempé, à plus forte raison m’avait autorisé à créer à la Maison Dépar
lorsqu’il a cet idéal religieux dont Pascal tementale de Nanterre une salle collective
dit « qu’il rend la vue de soi-même de 16 malades neurologiques, dont j’avais
supportable et fait que la solitude et le la libre organisation. Les résultats sur la
repos soient plus agréables à plusieurs santé physique et morale de ces hommes
que l’agitation et le commerce des hom ont été remarquables, et un certain nombre
mes ». d’entre eux, depuis eur libération, ont
Mais, pour vérifiable que soit souvent gardé contact avec moi et repris une exis
cette affirmation du grand penseur, elle tence absolument normale.
— 246 —
La douleur morale du prisonnier tient dividualisme, et, pour être plus sûr d’agir
donc d’abord à la claustration elle-même avec correction et impartialité, je crois
dont nous venons d’analyser rapidement toujours préférable d’ignorer les causes
les conséquences. de l’incarcération. Ainsi n’a-t-on pas à
Elle tient à d’autres facteurs, variables, connaître du terrain pénal qui ne nous
évidemment, suivant les sujets et les cau concerne pas ; ainsi n’est-on pas tenté de
ses de l’incarcération. juger celui qui ne doit voir en vous que
Le remords de la faute ne doit pas faire la face miséricordieuse, ni amené à lui
sourire les sceptiques, et, sur ce point, donner, avec les meilleures intentions du
vous êtes infiniment mieux documentés monde, de faux espoirs, sources d’amères
que moi î II s’y ajoute d’ailleurs très sou déceptions.
vent la perspective douloureuse du reten Inversement, je crois que le médecin ne
tissement que peut avoir l’incarcération peut, sous prétexte de collaboration effi
sur l’entourage du prisonnier, sur sa cace, se transformer en délateur ni même
femme, ses enfants, ses parents. porter atteinte à la personne du prison
De l’association progressive de toutes nier. J ’en donnerai deux exemples vécus.
ces souffrances (physique, par claustra Il y a quelques années, j’ai dû donner
tion pure et parfois en plus par maladie mon avis sur l’état grave d’un détenu qui
morale, par suite de l’isolement ou au affirmait, avec force détails circonstan
contraire de la promiscuité de la pri ciés, que l’atrophie musculaire qu’il pré
son, et par suite des réflexions que tout sentait et les douleurs qui l’accompa
ceci entraîne dans l’âme du prisonnier) il gnaient n’étaient que la conséquence des
résulte assurément un état complexe, qui mauvais traitements de ses gardiens. Le
ne peut être observé dans d’autres condi cas était troublant, car il existait au dos
tions humaines, et qui méritait bien, je sier un certificat médical, établi par l’hô
pense, de faire l’objet d’une évocation pital de la ville où se trouvait la prison,
entre nous. qui témoignait, de façon formelle, quel
A mon sens, le médecin, comme le prê ques heures après le début des signes, de
tre, doivent se pencher avec une attentive lésions manifestement traumatiques. J’ai
miséricorde sur ce problème, et diriger estimé que je remplissais très exactement
leur comportement en fonction de ce qu’ils mon rôle de médecin de prison en don
sont amenés à constater et à ressentir. nant mes soins au malade, et en avertis
Il m’est arrivé, bien des fois, de me sant l’administration qu’une enquête de
préoccuper du sort des familles des pri sa part « pouvait être utile » — ce qui n’a
sonniers, quand je n’étais pas appelé à pas manqué d’être fait, bien entendu. —
éclairer les juges d’instruction sur la véra Ainsi, j’ai respecté la personne du pri
cité de leurs plaintes et sur la légitimité sonnier en lui laissant sa chance d’obtenir
d’une mise en liberté provisoire pour rai justice s’il disait vrai ; mais je me suis
son de santé. La thérapeutique de la dou bien gardé de prendre fait et cause pour
leur physique et morale ne tient pas lui en établissant un certificat médical
seulement dans un geste chirurgical, une tendancieux qui aurait entravé l’action
prescription médicamenteuse : elle tient personnelle de l’administrations péniten
au moins autant à l’attitude qui est nôtre tiaire.
et au souci que nous pouvons avoir de Autre exemple : lors d’une certaine réu
l’angoisse qui l’accompagne. nion de médecins de prisons, un haut fonc
Assurément, pour être pitoyables, nous tionnaire du Ministère de la Justice nous
ne devons pas donner dans une sentimen a demandé quelle attitude nous estimions
talité — qui serait d’ailleurs vite exploi devoir prendre devant un prisonnier
tée ! — ni gêner l’Administration Péniten faisant la grève de la faim ? Utiliserions-
tiaire dans son libre exercice. Trop nous la force pour le nourrir malgré lui?
souvent le médecin peut se frapper la Au seul médecin qui répondait « que
poitrine pour avoir péché par excès d’in nous étions aux ordres de l’Administration
— 247 —
et que nous devions mettre à sa disposi Mais, quel que soit notre désir profond,
tion tous procédés techniques pour empê à nous, médecins, d’apporter toute notre
cher le prisonnier de mettre fin à ses contribution au bien de ce pauvre monde,
jour », j’ai le plaisir de dire que tous les nous ne devons jamais oublier, dans notre
autres ont exprimé leur indignation, et conduite, cette règle d’or qui est celle de
ont au contraire bien précisé que, dans la modestie.
l’exercice de la médecine, fut-ce sur un Ne trouvons-nous pas notre voie tracée
prisonnier, le respect de la personne avait de façon parfaite par ce qu’en disait
la première place. Pie XII, de vénérée mémoire ?
De tout ce que je viens de dire, je Le médecin rencontre inévitablement la
crois qu’il est facile de conclure, à pré douleur et la mort au cours de ses recher
sent, sur l’importance de la collaboration ches scientifiques, comme un problème
du médecin et de l’aumônier dans la pri dont son esprit ne possède pas la clef,
son. et dans Vexercice de sa profession, com
Que de fois aurai-je eu d’excellentes me une loi inéluctable et mystérieuse, en
conversations avec l’aumônier de Fresnes face de laquelle souvent son art demeure
à propos de « nos » prisonniers, et impuissant et sa compassion stérile. Il
aurons-nous pu ainsi nous éclairer mu peut bien établir son diagnostic d'après
tuellement, nous aider à « jauger » ces tous les éléments du laboratoire et de la
hommes pour la meilleure conduite de clinique, formuler son pronostic suivant
notre action réciproque! A l’occasion de toutes les exigences de la science : mais,
la douleur, que de découvertes, que de au fond de sa conscience, dans son cœur
surprises, sur le caractère de l’un, sur les d’homme et de savant, il sent que l’expli
capacités de résistance de l’autre, sur ses cation de cette énigme s’obstine à le fuir.
possibilités profondes d’élévation et de Il en souffre ; l’angoisse le tenaille ine
transformation ! Comme des rencontres xorablement, aussi longtemps qu’il ne de
entre médecins de prison et aumôniers mande pas à la foi une réponse qui, bien
seraient souhaitables ; ne fut-ce qu’une qu’incomplète, telle qu’elle est dans le
correspondance permettant des échanges mystère des desseins de Dieu et se mani
qui feraient cesser un isolement souvent festera dans l’éternité, vaut cependant
bien pénible ! pour tranquilliser son âme.
— 248 —
“ EUX ET NOUS”
I
— 250 —
PRISO N S D’ H IE R E T D’A U JO U R D ’ H U I
252
“ J’ÉTAIS EN PRISON
e t v o u s M’AVEZ VISITÉ ”
par le R. P. A.-M. AVRIL O.P.
D’un cœur très paternel Nous venons à secret d’une vie transformée par l’accep
vous, chers fils qui êtes en prison. Ne pou tation généreuse de la souffrance expia-
vant vous visiter Nous-mêmes, comme Nous trice, et soyez sûrs que vos douleurs ca
le faisions récemment pour les détenus de chées, offertes pour le plus grand bien de
Rome, Nous désirons au moins que ces votre patrie, retomberont aussi en béné
quelques mots vous portent le témoignage dictions sur vos familles éprouvées, que le
de Notre sollicitude et vous soient, à tra Seigneur saura réconforter et consoler.
vers notre humble personne, un gage de
la miséricorde divine à votre égard. En ce début d’année, comme un Père
Dans les épreuves que nous attirent sou soucieux du bien de vos âmes, Nous vous
vent nos propres fautes, l’appel du Christ souhaitons la paix que donne une conscien
retentit toujours comme une invitation à ce purifiée par la grâce divine. Nous
l’espérance : « Venez à moi vous tous qui prions pour vous, pour tous les vôtres, et
peinez et qui êtes accablés, et je vous sou vous accordons, en gage de réconfort spi
lagerai ». Tournez-vous donc avec confiance rituel, notre paternelle bénédiction apos
vers le seul Sauveur. Apprenez de lui le tolique.
— 255 —
Æeuaeitet JntematiatiaCeô
Du 12 au 19 octobre 1958 s’est déroulé à nouvelle incorporation à la vie civile dans
Santiago du Chili le Premier Congrès lati le sein de la Société, va inaugurer dans
no-américain d’Etudes et d’Action péniten quelques jours « La Maison du Libéré »
tiaires chrétiennes. avec l’annexe « Institut de promotion pé
Présidées par Son Eminence le Cardinal nale et pénitentiaire ». C’est cette circons
Rodriguez, archevêque de Santiago, qui tance qui a poussé les Aumôniers de prisons
était entouré de Son Excellence le Nonce a convoquer le premier Congrès sud-améri
Apostolique et de nombreux Evêques ou cain, auquel participeront des délégués de
représentants de l’Episcopat sud-améri la nation Argentine et d’autres pays du
cain, ces journées d’études inaugurent dans continent.
le domaine pénal et post-pénal une colla Sa Sainteté, que vous avez tenu à infor
boration qui sera certainement fructueuse mer de l’organisation de ces manifesta
et qui s’insère dans le travail pastoral com tions, a vu avec plaisir les sentiments de
mun auquel s’applique depuis plusieurs filial attachement que vous lui avez témoi
années le C.E.L.A.M. (1). gnés à cette occasion, et m’a chargé de vous
De nombreux et éminents juristes ont exprimer sa gratitude et de vous trans
participé à ces travaux. mettre ses vœux.
Rappelons à cette occasion qu’en Europe La paternelle sollicitude du Vicaire du
le dernier Congrès Pénitentiaire Catho du Christ a fait l’objet particulier de ses
lique International s’est déroulé à Fri soins : « Ce triste monde de souffrance
bourg en 1954 (le premier eut lieu à Rome imposée, que la sévérité de la Justice a
en 1950). créé en définitive, non pour humilier mais
La liaison entre les Aumôniers Généraux pour racheter et où, dans l’ombHœ des cel
est réalisée par une réunion annuelle et le lules muettes, se déroulent de douloureux
prochain Congrès national à Paris permet drames intérieurs » (S.S. Pie XII, aux Ju
tra aux Aumôniers Généraux qui se réu ristes Catholiques Italiens, 26 mai 1957).
nissent à cette occasion d’accueillir le R-f*. Pour cette raison, le lumineux magistère
de Azpiazu, Aumônier Général d’Argen de l’Auguste Pontife a mis en relief, entre
tine. autres thèmes, non seulement les proposi
tions d’ordre idéologique dans lesquelles
Sa présence parmi nous assurera de très doit prendre racine tout système pénal,
utiles contacts et une liaison avec le conti mais aussi, l’idéal de Charité qui doit ani
nent sud-américain. mer les activités de ceux qui assistent les
A l’occasion de ce Congrès, le R.P. Inaki détenus et les meilleurs moyens de le réa
de Azpiazu, Aumônier Général d’Argentine, liser ; donnant la consigne aux organismes
avait reçu de Monseigneur Dell’Acqua, religieux et ecclésiastiques qui dirigent ces
substitut de la Secrétairerie d’Etat la lettre œuvres, non seulement de « laisser se dé
suivante dont nous vous donnons la tra velopper les énergies qui émanent de la
duction intégrale : Foi chrétienne, mais aussi que soient uti
lisés, en faveur des détenus, tous les résul
Révérend Père, tats précédents, sûrs, de l’investigation et
Le Secrétariat d’Aide Chrétienne aux des expériences psychologiques, psychia
Prisons, né, il y a peu d’années en cette triques, pédagogiques ». (S.S. Pie XII, Dis
ville de Buenos-Aires, afin d’assister les cours aux juristes catholiques italiens,
reclus et de les réhabiliter en vue de leur 5 décembre 1954).
(1 ) C o n s e il E p is c o p a l la tin o -a m é r ic a in . A la transgression de la loi humaine ou
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divine doit succéder la sanction, c’est-à- cher sa rédemption morale en même temps
dire, une peine dont le sens et la finalité sont que civique. Pour la part de tous : dans le
la réparation de la faute et la restauration secours matériel et moral possible, sinon
de l’ordre violé. Mais le délinquant qui directement au prisonnier parce que ce
expie sa faute, moyennant la peine imposée n’est pas faisable, du moins à ses familiers
ne doit pas être pour cela un désabusé de presque toujours plus malheureux que lui-
la vie sociale, ni la communauté son irré même et quelquefois plus nécessiteux
conciliable ennemie. La fonction péniten d’une main amie et bienfaitrice. La société,
tiaire est fonction de justice, mais d’une en réservant au détenu libéré après l’ac
justice qui ne finit pas avec l’énoncé d’une complissement d’une peine, un accueil
sentence, avec l’attribution d’une peine, compréhensif — pour prudent qu’il soit —
mais qui veut suivre le condamné dans le qui lui permette, quand cela est possible,
difficile chemin de sa complète régénéra de s’insérer à nouveau dans l’engrenage
tion, avec un esprit vigilant de guide des occupations quotidiennes, complétera
conscient, d’humanité et de compréhension. l’œuvre de miséricorde déjà commencée.
Si on parvient à faire luire aux yeux du Celui qui s’apprête à accomplir l’œuvre
détenu la véritable finalité de l’expiation de relèvement des détenus doit tirer de sa
de sa faute, celui-ci « deviendra l’artisan propre conviction et de ses richesses inté
conscient de sa propre résurrection morale rieures, ce qu’il veut communiquer au cou
et s’adjugera l’honneur de ministre de la pable ; la richesse de la pensée chrétienne
Souveraine Justice, pour lequel il y a gloire ne tend pas seulement à appliquer au cri
égale dans l’ordre inviolé ou rétabli par minel le précepte de l’amour, distinctif des
l’expiation » (S.S. Pie XII, radio-message à disciples du Christ, mais, à la lumière des
tous les prisonniers, 30 décembre 1951). paroles avec lesquelles II prononcera la
sentence finale des temps : « J’étais pri
Cette aide, donc, que l’on doit au sonnier et vous m’avez visité » (Mat. 25,
condamné, tant du point de vue chrétien 36), l’individu et la communauté « doivent
que strictement civico-social, il faut la don s’approcher tellement du coupable qu’en
ner, laissant, sans s’en mêler, l’exercice des lui on voit, on honore et on aime le Sei
organismes répressifs et exécuteurs de la gneur » (S.S. Pie XII, Discours aux juristes
loi, mais sans oublier que le détenu catholiques italiens, 5-11-1955).
« appartient à une famille, à une commu
nauté sociale, professionnelle, civile ; à un Que le ciel donne une vie féconde aux
Etat, à un peuple, à une nation, et finale nouvelles institutions qui commencent leur
ment, à l’Eglise ». (S.S. Pie XII, discours existence ; qu’il accorde des fruits toujours
aux juristes italiens, 26 mai 1957). plus nombreux à celles qui existent déjà, et
à tous ceux qui leur apportent une colla
Un sincère pardon, croire en ce qu’il boration désintéressée, qu’il donne le cent
peut y avoir de bon, toujours, en tout hom pour un. En gage de lumières et de grâces
me et une authentique charité, à l’exemple pour les travaux de ce Congrès, l’Auguste
du Christ, sont les forces que le Saint-Père Pontife se plait à répandre sur tous les
propose comme inspiratrices d’une aide participants une spéciale et paternelle
efficace aux reclus. Bénédiction Apostolique.
Pour la part de ceux qui sont directe Recevez l’assurance de ma considération
ment chargés de son sort et de son soin, elle distinguée, avec laquelle je suis, de votre
consistera dans l’abord charitable, dans le Seigneurie le fidèle serviteur.
zèle pour l’application des lois indultives
sans retard ni négligence, l’entrée dans Signée : A. DELL’ACQUA
l’intimité de chaque individu, pouir cher Substitut
Mauô amttô tu...
M quô auouô au pour vous...
CEREMONIE A LA PRISON EXTRAIT DE LA LETTRE DE M A D A M E X...#
DE LA PETITE ROQUETTE VISITEUSE DE PRISONS
258 —
CENTRES D’ACCUEIL Le "CAS” âe Frisons et Prisonniers
Rectifications en ce qui concerne les Centres
de l'Armée du Salut. CAS N° 12
1. La Cité du Refuge : 336 lits pour hommes, Complice quasi involontaire d'une escro
241 lits pour femmes. querie commise par son patron, elle est
2. Le Refuge temporaire, rue Beaubourg, 39 condamnée à rembourser solidairement une
lits pour femmes. grosse somme qui dépasse de beaucoup ses
possibilités, sinon ce sera la contrainte par
3. La Maison du Jeune Homme : Ce centre qui corps. On s'est ému de divers côtés. Nous
est un foyer de jeunes gens ne reçoit pas voudrions dans notre modeste mesure
de libérés de prison. participer au sauvetage. L'intéressée, à
4. La Bonne Hôtellerie du Havre et La Bonne qui l'on ne peut guère reprocher autre
Hôtellerie de Rouen sont des institutions de chose qu'une confiance mal placée, le
l'Armée du Salut. mérite.
DISTINCTION
Avis important
Nous apprenons, avec plaisir, que l'ouvrage
de notre collaborateur A. Vexliard, Le Clochard, Nous rappelons que, quelle que soit la date
(Etude de Psychologie sociale, Ed. Desclée, de d'abonnement ou de réabonnement à « Prisons
Brouwer), a été couronné par l'Académie Fran et Prisonniers », tous nos abonnements partent
çaise, qui lui a décerné, au cours de sa séance du numéro du mois de janvier de l'année en
solennelle du 18 décembre dernier, le Prix cours, et donnent droit aux quatre numéros
Lange. annuels.
Le prix de l'abonnement est de 300 francs
pour la France et 400 francs pour l'Etranger.
Abonnement de soutien, 500 francs.
PRISONS et PRISONNIERS
REDACTION, A D M IN IS T R A T IO N :
En raison des modifications apportées par de
120, rue du Cherche-Midi, PARIS (6e) récents textes aux questions de Relégation, nous
Tél. : LITtré 41-71 avons cru devoir suspendre la publication des
C.C.P. : PRISONS et PRISONNIERS, PARIS 6076-52
pages consacrées par M. Robert Lehz, directeur
de l'Administration Pénitentiaire, au « Problème
Directeur-gérant : M gr Jean RODHAIN de la Relégation ». Cet exposé était, en effet,
Rédactrice en Chef : Céline LHOTTE antérieur aux nouvelles dispositions.
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CONGRÈS
DE L’AUMONERIE DES PRISONS
ET DU SERVICE PRISONS DU SECOURS CATHOLIQUE
15 - 16 - 17 A v r il 1959
à la M a i s o n d e la C h im ie
« P E IN E ET R É É D U C A T IO N ”