Catechisfranc 00 Unse

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PRINCir»ES

de’
morale républicaine
A L’ U S AG E

DES ÉCOLES PRIMAIRES,


Dîscenàa virtus est ; ars est bonum fierî,
lisant apprendre la vertu elle ne vient
j

point par hasard.

SÉNÈQUE, lettre 24.

DE l’imprimerie DE DIDOT JEUNE.

A PARIS,
Chez Eu CH s, quai des Augustins, n°. s.8.

l’AN TROISIÈME.

ÏHfiNEWBERRy
''
UBKAKY
AVE RT I s s E MEN T.

I-jA pensée pressée aux pieds nombreux de


la poésie me Jiert plus rapidement dit Mon-
taigne : c’est ce qui m’a fliit entreprendre ce

petit ouvrage. J’ai cru que des principes se

graveraient plus facilement dans la mémoire


des en fans par la forme cadencée. Q.îielque

forts pour leur âge que puissent paraître quel-


ques-uns de mes quatrains, ils seront encore

plus intelligibles que le galimatias obscur de

l’ancien catéchisme. En s’accoutumant à tracer


une sentence morale comme exemple d’écri-

ture ,
en la récitant de mémoire, on l’imprime
en traits ineffaçables ;
et quand cette sentence

est une vérité , elle devient une jouissance

toute acquise pour l’intelligence qui parvient

à la saisir. Si nous avons vu l’empire des pré-


jugés et des erreurs devenir si puissant par
A ii
4 AVERTISSEMENT,
c^tte seule influence des premières impres-

sions ,
quel sera donc celui des vrais princi-

pes ? Un autre aurait pu faire mieux sur ce


plan;

Mais si de f agréer je n’emporte le prix ,

J’aurai du moins l’honneur de l’avoir entrepris.

L AC HABEAUSSIERE^
chef à la Commission d^instruG^
tion publique.

i
P

CATÉCHISME /

Première question.
Qui êtes-vous P

H O M M E. libre et pensant ,
républicain par choix ;

Né pour aimer mon frère et servir ma patrie ,

Vivre de mon travail ou de mon industrie,


Abhorrer l’esclavage et me soumettre aux lois.

I L
Qui vous a cre'é

L’Etre dont le pouvoir a tout fait en tout lieu,


Le ciel ,
les éléraens ,
les animaux ,
les hommes,
Les astres ,
la lumière, et le globe où nous sommes:
d’y crois en l’admirant ,
et je l’appelle Dieu.

I I L
QiPest ce que Dieu P

Je ne sais ce qu’il est, mais je vois son ouvrage :

Tout à mes yeux surpris annonce sa grandeur :

Je me crois trop borné pour m’en l'aire fimâg.


11 échappe à mes sens ,
mais il parle à mon cœur^
A iij
,

6 CATECHISME
I V.

Comment faut-il honorer Dieu?

L’ordre de l’univers atteste sa puissance :

Tout est ,
autour de nous ,
ou merveilîe ou bienfait.
Son culte est le respect et la reconnaissance :

L’hommage qu’il préfère est le bien que Lon fait.

V.

Qu est-ce que la vie P

Chaque pas du berceau nous conduit au cercueil;


C’est la route prescrite : on y voit maint écueil.

L’homme qui la parcourt d’un œil sûr, d’un pas ferme


En embellit l’espace et n’en craint pas le terme.

V I.'
-

Qu est-ce que le cercueil ou la mort P

Le repos des douleurs, le seuil d’une autre vie;


Un instant que craint seul l’homme lâche ou pervers;
Désirable ,
s’il sauve ou l’opprobre ou les fers ;

Glorieux, s’il devient utile à la patrie.

-V I 1.

Qu est-ce que Vaine P

Je n’en sais rien : je sais que je sens, que je pense ,

Que je veux ,
que j’agis, que je me ressouviens ;

Qu’il est un être en moi qui hors de moi s’élance ;


Mais j’ignore oii je vais ,
et ne sais d’où je viens.

I
FRANÇAIS. 7

V I I 1.

Vame est-elle immortelle ?

Tout cliange sans périr : l’ame est donc immortelle ?


Elle survit entière au corps décomposé :

J’en ressens le désir j Dieu m’eût-il abusé?


Pour sitôt la détruire eût-il tant fait pour elle?

I X.

Dieu récom-pense-t-il et jmnit-il après la mort ?

Des prix pour la vertu ! des peines pour le crime !

C’est le frein du méchant ,


l’espoir du mallieureux ,

La consolation du juste qu’on opprime.


Espérons dans le doute ,
et soyons vertueux.

X.

Qu^est-ce que la vertu P

Eemplir tous ses devoirs, craindre etfuir tous les vices,


N’est point encore assez pour le bon citoyen :

En fesant ce qu’on doit on est homme de bien 5

Mais on n’est vertueux que par des sacrifices.

X I.

Quel est le genre de sacrifice le plus méritoire ?

S’il sert à la patrie ,


à la société :

Toute œuvre , sans ce but , est une œuvre stérile.


Pour être vertueux , servons l’humanité :

Le sacrifice est nul quand il n’est pas utile.


A iv
8 CATÉCHISME
'
• XII.
Comment distinguer le bien et le mal ?

^
Dieu mit ,
pour diriger notre inexpérience ,

Près de nos sens grossiers un sens plus délicat


;

II suit nos mouvemens , les guide ou les combat ;

C’est la raison qui parle à notre conscience,

XIII.
Qit est-ce que la conscience ?

C’est cette voix secrète et cet instinct suprême


Qui de la volonté précède et suit l’effet.
Qui l’écoute, est toujours en paix avec lui-même;
Et qui veut le tromper, y trouve son arrêt.
'

XIV.
Wavons-nous pas des passions P Que^e en est la

source P

La joie et le chagrin , la crainte et l’espérance

Sont les instigateurs de tous nos mouvemens :

I.eur borne est la raison ,


leur frein la tempérance i

Au-delà c’est désordre ;


ils deviennent tourmens.

X V.

Comment définissez-vous les passions P

l.a révolte des sens : d’immodérés désirs ,

'
Du feu céleste en nous obscurcissant la llâme ,

Détruisant en tyrans la libellé de l’âme,


ICt menant aux regrets par l’appât des plaislrs>^
FRANÇAIS. 9
XVI.
Les passions peuvent-elles s'accorder avec la raison ?

D’un char à deux coursiers Pâme est comme le guide:


L’un est paisible et doux ,
l’autre vif et fougueux ;

L’un attend l’aiguillon , l’autre appelle la bride ;


L’un a besoin de l’autre , et le char de tous deux.

XVII.
Pourquoi VEtre suprême nous a^t-il donné de si grands

ennemis que nos passions ?

S’il fit mes ennemis, il les fit pour ma gloire.

Pour les vaincre, il m’a mis les armes à la main :

Si je sais m’en servir^ le triomphe est certain.

Le péril du combat embellit la victoire.

XVIII.
Comment éviter les surprises ?

La raison fait toujours exacte sentinelle :

A son premier appel arnions-naus aussitôt ^

Signalons le tyran ,
frappons-le au premier mot,
Et de peur d’incendie étouffons l’étincelle.

XIX. \

Quels sont les différens états auxquels Vhomme est

appelé i* et que doit-il être i*

Bon fils ,
bon citoyen ,
bon époux et bon père ;

Titres saints ! trop heureux qui peut tous vous porter !

Vous avez des devoirs, des soins ,


un ministère :

C’est en les remplissant qu’il faut vous mériter.


A T
, f ,

ÎO CATÉCHISME
X X.

Quels sont les devoirs généraux du citoyen ?

A son pays il doit ses facultés entières 5

Secours aux malheureux ,


obéissance aux lois 5

A ses frères des soins ,


au monde ses lumières.
Qui trahit ses devoirs perd à l’instant ses droits.

XXI.
^ Quels sont les droits du citoyen P

De librement penser, croire, agir, s’exprimer;


De posséder les fruits que son travail lui donne ,

D’étre sûr dans ses biens et sûr dans sa personne


Et d’opposer sa force à qui veuf l’opprimer.

XXII.
Comment le faible résistera-t-il au plus fort P

L’Eternel ,
qui nous fit d’inégale mesure ,

Inégaux en talens ,
en force, en facultés,
Lui-méme a réparé ces inégalités,
Et l’ordre social corrige la nature.

XX I I L
Comment la corrige-t-il ?

Ün pacte dont le nœud unit la masse entière


Du grand nombre au petit oppose la barrière
Fort de l’appui de tous, le faible ,
par les lois.

Inégal en moyens, devient égal en droits.


,

FRANÇAIS. I î

X XI V.

Qiû est-ce que la loi P

La volonté de tons, la règle universelle,


L’efFroi des malfaiteurs, l’appui des innocens.
Respect aux magistrats ses organes puissans!
Sitôt qu’elle a parlé ,
courbons-nous devant elle,

XXV.
Quel doit être le caractère dit magistrat ?

Des intérêts du peuple il est dépositaire ;

Î1 doit, par ses vertus, justifier son choix:


Pour commander l’amour et le respect des lois

Qu’il leur ouvre en son cœur leur premier sanctuaire.

XXVI.
Qitest-ce que la Constitution?

Le garant de nos droits ,


de notre volonté ;

De nos mœurs ,
nos devoirs ,
la règle et la mesure.
Républicains , veillons pour la conserver pure !

C’est le Palladiiiin de notre liberté.

XXVII.
Qu est-ce que la liberté?

Le plus beau don du ciel et son plus bel ouvrage ,

Le trésor des liumalns : qui le perd doit mourir.


Esclaves ! travaillez à la reconquérir !

Dieu fit la liberté , V homme a fiait V esclavage.


Nota. Ce beau vers est du député Chénier.
îâ CATÉCHISME
XXV I I 1.

Zja liberté donne donc le droit de tout faire ?

La liberté n’est pas ce penchant de nature


De repousser tout frein de haïr tout pouvoir;
,

Elle est le droit d’agir comme on doit le vouloir:


La justice est sa règle et la loi sa mesure.
,

XXIX.
Quels sont les devoirs des enfans envers les auteurs
de leurs jours ?

Docilité ,
respect, soins et reconnaissance :

Mes enfans pour moi-méme en auront à leur tour.


Puis-je autrement payer que par un saint amour.
Tous les maux qu’à ma mère a coûtés ma naissance ?

XXX.
Quels sont les devoirs réciproques des époux?

Estime mutuelle ,
égards et complaisance ,

Communauté de soins ,
de travail ,
de plaisir,
Egalité de droits ,
rapports de confiance :

C’est pour se rendre heureux qu’on a dû se choisir,

XXX T. ,

Quels sont les devoirs des père et mère j et des ins-


titut eurs ?

Tracer aux jeunes cœurs les routes du devoir ;

Au civisme , y préparer des temples


aux vertus ,
:

Par la douce amitié tempérer le pouvoir ,


Et joindre à ses leçons l’ascendant des exemples.

\
F R A N C A I i3

XXXII.
Quels sont les -principes généralise qui constituent les
devoirs de V homme en société ?

Crains Dieu ,
sers ton pays ,
et chéris ton semblable ;

Respecte le malheur ,
honore les vieillards ;

Admire les talens ,


encourage les arts ,

Et, même en punissant ,


plains un frère coupable.

XXXIII.
XJn coupable ne cesse-t-^il pas être mon frère P
Prompt à croire le bien, lent à croire le mal,
Ne condamne jamais sur la simple apparence.
Attends, pour l’accuser ,
son jugement légal :

Le soupçon quelquefois plane sur l’innocence,

XXXIV.
Quelles doivent être les qualités sociales et les occû'-
pat ions qui peuvent distinguer le vrai républicain ?

Etre humain ,
juste et franc ;
poursuivre sans pitié
I.’ égoïsme ,
le vice et toute tyrannie ;

Cultiver avec soin, pour embellir sa vie,


L’amour de son pays, l’étude et l’amitié.

XXXV.
Qiéest-ce que Vamour de sonpays ou le patriotisme ?

Ün mouvement sublime un élan plein ,


de fîâme
Dont le vrai citoyen sent son cœur transporté :

Lui seul fait les héros , exalte , agrandit l’ame j

C'est l’enfant de l’honneur et de la liberté.


, , , ,

14 CATECHISME
XXXVI.
^ quoi sert V étude P

LVfiide instruit l’enfance, embellit la vieillesse


Augmente le bonheur , console la détresse 5

Et contre l’ignorance armant


, la vérité

Aux pièges de l’erreur oppose sa clarté.

XXXVII. '

Td ignorance est donc nuisible P

Tous les maux de la terre ont été son ouvrage ;


Elle a produit l’oubli ,
l’abandon de nos droits ,

Servi le fanatisme ,
enfanté l’esclavage ,

Consacré l’imposture et dégradé les lois.

XXXVIII.
QiPesi-ce que Vamitié P

Un sentiment fondé sur les plus doux rapports ,

El a t te U r P our q U i 1 ’i nsp i r e, b e U r eu X P O ur qu i 1 ’ép rou Ve

Où l’on rend à son tour le charme qu’on y trouve.


L’amitié partagée est une aine en deux corps.

XXXIX.
Quelles sont les quatre vertus principales dl* où dérivent
- toutes les autres P

Soyons justes ,
prudens ,
sobres et courageux
Et nuis destins alors n’égaleront les nôtres.
De la société l’une affermit les nœuds;
Le bonheur personnel est le prix des trois autres.
,

FRANÇAIS.

Quel est y
pour V homme y le danger des vices opposés
à ces quatre vertus F

La haine universelle attend l’Iniquité;


Le malheur est souvent le fruit de l’Imprudence ;

Les douleurs et la mort suivent l’Intempérance ,

Et le poids du mépris charge la lâcheté.

X L I.

Que prescrit la justice P

Ne fais à nul mortel ce que tu crains pour toi ;

Religieusement garde toujours ta foi ;

Sols bienfesant par goût, sans vouloir le paraître;


Ne crois point aux ingrats ,
et'garde-tol de Tétre.

X L T I.

A quoi sert la prudence P

La prudence avertit ,
fait prévoir et choisir

Evite les écueils, prépare les ressources;

Et ,
du bonheur réel désobstruant les sources ,

Fait servir le présent à fonder l’avenir.

X L I I I.

QitesUce que la tempérance P

Savoir régler ses goûts ,


modérer ses besoins.

Oui fuit l’excès jouit ,


et mieux ,
et davantage:
î.e plus sage est celui qui desire le moins.
L’abus même du bien en corromprait l’usage.
ï6 CATÉCHISME
X L I V.

QiCesl-ce que le courage?

Ce n’est ni la froideur ,
ni la témérité ;
• i

Mais braver , quand il faut ,


un danger nécessaire j
Supporter des revers avec tranquillité:
Savoir les dominer ,
c’est presque s’y soustraire,

XL V.

Quels sont les vices -principaux où nous entraUient


^ nos passions ?

La colère ,
l’orgueil ,
l’avarice et l’envie,
Fauxcalciils de l’esprit , écarts de la raisons
Il en est deux plus vils par leur combinaison ;

Ce sont ceux du mensonge et de l’hypocrisie.

X L V I.
/

Le mensonge est donc un grand mal ?

Le mensonge avilit, dégrade un caractère:


La vérité doit seule emprunter notre voix j
Il ne faut la trahir ,
l’altérer ni la taire:

On ne croit plus celui qui mentit une fois.

X L V I I.

QiCest-ce que V hypocrisie ?


\

De la corruption c’est le degré suprême ,

Qui prend , pour se cacher , le dehors des vertus ^

Mais tôt ou tard il perce et se trahit lui -meme.


L’art de masquer le vice est un vice de plus.
, ,,

FRANÇAIS. 17

X L V I I I.
/

Peignez-moi la colère.

Elle est souvent Fexcès d’un orgueil exalté :

Elle fait triompher celui qui nous offense ;

Et ,
symptôme avéré d’une courte démence
Elle altère les traits et nuit à la santé.

XL I X. -

Quel est le caractère de V orgueil et quel en est


le remède P

Trop d’estime de soi mène au méj)ris d’autrui


Nuit même au vrai mérite , et fait douter de lui.

Le moyen d’arriver au plus haut point de gloire


Est d’y toujours prétendre, et ne jamais s’y croire*

L.

QiCesl-ce que tavarice ?

L’avare veut gagner ,


et c’est pour enfouir :

Dur , chagrin, inquiet, ennemi de lui-même,


Il vit sans vivre ,
et meurt dupe de son système*
La soif de posséder détruit l’art de jouir.

L I.

Qu* est-ce que V envie?

Oe l’émulation distinguez bien l’envie :

L’une admire un succès , et veut le surpasser;


L’autre en fait son poison ,
et voudrait l’effacer :

L’une mène à la gloire ,


et l’autre à l’infamie.
,

i8 CATECHISME FRANÇAIS.
L I 1.

Ija -paresse est -elle pas aussi un vice P

Dans le corps social chaque membre placé,


S’il n’a part aux travaux ,
n’a droit aux bénéfices.
La paresse d’ailleurs engendre tous les vices :

L’homme oisif est souvent un méchant commencé,

FIN.

NOTE.
Depuis que cet ouvrage est connu ,
quelques per-
sonnes paraissent croire que la morale élémentaire ne
doit point être en vers. J’avoue que je ne suis point
frappé du motif de cette opinion. J’ai motivé la mienne
dans mon avertissement. Comment la raison perdrait-
elle de son prix pour emprunter le langage de la poésie?
Ceux qui disent qu’on n’a pas besoin de vers me sem-
blent bien rigoureux : ils oublient peut-être que les
Stoïciens recommandaient expressémebt de mettre la

morale en maximes courtes et pressées 5


que les Vers
dorés ,
les Pensées de Sénèque les Maximes de La Ro^
chefoucaiild y et même les Quatrains de Pibrac y ont,
par leur succès ,
confirmé l’utilité de cette méthode,
N O T E. 19
et rendu service àl’lnstruction. Enfin, si Je me trompe,

mon erreur au moins ne peut pas nuire ;


et je persiste à
croire qu’en attendant les livres élémentaires confiés h
des mains habiles ,
mais qui n’existent pas encore ,

celui-ci peut exercer utilement la pensée ,


la mémoire
et la main des jeunes Républicains.

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