Leçon 4 Transition Et Partie II. A.

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Transition I à II

Les obstacles internes et externes au bonheur nous font le concevoir comme un


simple idéal. Pour parvenir au bonheur, suffirait-il d’apprendre à vivre au présent ? Par
quels moyens pourrait-on y parvenir ?

II. La perspective d’un bonheur réel dépend d’un travail spirituel permanent.

L’idéal se définit ici comme ce qui est conforme à la perfection, et le réel comme ce
qui se produit effectivement. Dans ce cas, il serait nécessaire de se concentrer sur le réel
afin de pouvoir trouver une satisfaction stable, entière et durable.

A. On peut maîtriser notre tendance à vouloir désirer toujours plus.

Au sein de la vie de plaisir, on cherche à faire comme si notre liberté était absolue.
C’est l’exemple du jouisseur qui ne parvient pas à se retenir. En littérature, Le portrait de
Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde en donne un exemple. L’œuvre met en lumière une
critique subtile de la quête insatiable de plaisir et de la pure jouissance, en mettant en
scène la transformation morale et physique du personnage principal, Dorian Gray. Ce
dernier, au début de l’histoire, est un jeune homme beau et innocent, séduit par le monde
de l’art et du luxe de la haute société londonienne. Son portrait, peint par Basil Hallward,
capture sa jeunesse et sa beauté, tandis que Dorian lui-même est obsédé par la quête de
plaisirs sensuels et la recherche du bonheur immédiat, sans conséquences morales.
Cependant, lorsque Dorian réalise que son portrait vieillira et portera les marques de ses
péchés et de ses excès, alors que lui-même restera jeune et beau, il fait un pacte implicite
avec son portrait pour conserver sa jeunesse éternelle. Cette décision marque le début de
sa descente dans la débauche et la corruption morale. À travers le personnage de Dorian
Gray, Oscar Wilde met en garde contre les dangers de vivre une vie entièrement dédiée à
la recherche du plaisir et de la satisfaction des désirs égoïstes. Dorian Gray devient
esclave de ses propres passions et de ses indulgences, perdant progressivement tout
sens de la moralité et de l'empathie envers autrui. Son portrait, qui agit comme un reflet de
son âme corrompue, devient de plus en plus hideux à mesure que Dorian s'engage dans
des actes immoraux. Le roman souligne ainsi la vacuité de la vie de pure jouissance et le
danger de céder à ses impulsions les plus sombres sans considération pour les
conséquences morales. Wilde suggère que la véritable beauté réside dans la moralité et la
noblesse d’esprit, et non dans la recherche insatiable de plaisirs éphémères. En fin de
compte, Dorian Gray est condamné par sa propre quête de jouissance et de beauté
éternelle, sa vie se transformant en un cauchemar sans fin alors qu’il est tourmenté par le
poids de ses péchés. Ce type de vie est incompatible avec les lois civiles et morales. Il
ne faut pas confondre cette vie avec la thèse philosophique de l’hédonisme. Dans
l’hédonisme, le plaisir est visé dans le but de fuir ce qui trouble notre esprit et notre
corps. Il ne s’agit pas de poursuivre tous les plaisirs, mais d’en sélectionner afin de viser
l’équilibre des satisfactions. Voici ce qu’écrit l’hédoniste Épicure dans sa Lettre à
Ménécée :

§5 Il faut, en outre, considérer que, parmi les désirs, les uns sont naturels, les
autres vains, et que, parmi les désirs naturels, les uns sont nécessaires, les autres
naturels seulement. Parmi les désirs nécessaires, les uns le sont pour le bonheur, les
autres pour l'absence de souffrances du corps, les autres pour la vie même. En effet, une
étude de ces désirs qui ne fasse pas fausse route, sait rapporter tout choix et tout refus à
la santé du corps et à l'absence de troubles de l'âme, puisque c'est là la fin de la vie
bienheureuse. Car c'est pour cela que nous faisons tout : afin de ne pas souffrir et de
n'être pas troublés. Une fois cet état réalisé en nous, toute la tempête de l'âme s'apaise,
le vivant n'ayant plus à aller comme vers quelque chose qui lui manque, ni à chercher
autre chose par quoi rendre complet le bien de l'âme et du corps. Alors, en effet, nous
avons besoin du plaisir quand, par suite de sa non-présence, nous souffrons, < mais
quand nous ne souffrons pas, > nous n'avons plus besoin du plaisir.
§6 Et c'est pourquoi nous disons que le plaisir est le principe et la fin de la vie
bienheureuse. Car c'est lui que nous avons reconnu comme le bien premier et
connaturel, c'est en lui que nous trouvons le principe de tout choix et de tout refus, et
c'est à lui que nous aboutissons en jugeant tout bien d'après l'affection comme critère.
Et parce que c'est là le bien premier et connaturel, pour cette raison aussi nous ne
choisissons pas tout plaisir, mais il y a des cas où nous passons par-dessus de
nombreux plaisirs, lorsqu'il en découle pour nous un désagrément plus grand ; et nous
regardons beaucoup de douleurs comme valant mieux que des plaisirs quand, pour
nous, un plaisir plus grand suit, pour avoir souffert longtemps. Tout plaisir donc, du fait
qu'il a une nature appropriée < à la nôtre >, est un bien : tout plaisir, cependant, ne doit
pas être choisi ; de même aussi toute douleur est un mal, mais toute douleur n'est pas
telle qu'elle doive toujours être évitée. Cependant, c'est par la comparaison et l'examen
des avantages et des désavantages qu'il convient de juger de tout cela. Car nous en
usons, en certaines circonstances, avec le bien comme s'il était un mal, et avec le mal,
inversement, comme s'il était un bien.
§7 Et nous regardons l'indépendance < à l'égard des choses extérieures >
comme un grand bien, non pour que absolument nous vivions de peu, mais afin que, si
nous n'avons pas beaucoup, nous nous contentions de peu, bien persuadés que ceux-là
jouissent de l'abondance avec le plus de plaisir qui ont le moins besoin d'elle, et que tout
ce qui est naturel est facile à se procurer, mais ce qui est vain difficile à obtenir. Les
mets simples donnent un plaisir égal à celui d'un régime somptueux, une fois supprimée
toute la douleur qui vient du besoin ; et du pain d'orge et de l'eau donnent le plaisir
extrême, lorsqu'on les porte à sa bouche dans le besoin. L'habitude donc de régimes
simples et non dispendieux est propre à parfaire la santé, rend l'homme actif dans les
occupations nécessaires de la vie, nous met dans une meilleure disposition quand nous
nous approchons, par intervalles, des nourritures coûteuses, et nous rend sans crainte
devant la fortune.
§8 Quand donc nous disons que le plaisir est la fin, nous ne parlons pas des
plaisirs des gens dissolus et de ceux qui résident dans la jouissance, comme le croient
certains qui ignorent la doctrine, ou ne lui donnent pas leur accord ou l'interprètent mal,
mais du fait, pour le corps, de ne pas souffrir, pour l'âme, de n'être pas troublée. Car ni
les beuveries et les festins continuels, ni la jouissance des garçons et des femmes, ni
celle des poissons et de tous les autres mets que porte une table somptueuse,
n'engendrent la vie heureuse, mais le raisonnement sobre cherchant les causes de tout
choix et de tout refus, et chassant les opinions par lesquelles le trouble le plus grand
s'empare des âmes.
§9 Le principe de tout cela et le plus grand bien est la prudence. C'est pourquoi,
plus précieuse même que la philosophie est la prudence, de laquelle proviennent toutes
les autres vertus, car elle nous enseigne que l'on ne peut vivre avec plaisir sans vivre
avec prudence, honnêteté et justice, < ni vivre avec prudence, honnêteté et justice >
sans vivre avec plaisir. Les vertus sont, en effet, connaturelles avec le fait de vivre avec
plaisir, et le fait de vivre avec plaisir en est inséparable.

Épicure (−341 / −270), Lettre à Ménécée, traduction de Marcel Conche.


Le désir est toujours quête de plaisir pour Épicure. Cependant, la doctrine
épicurienne a souvent été déformée et comprise comme appelant à une vie de débauche.
En réalité, le plaisir consiste à ne pas souffrir, et tous les plaisirs ne sont pas à choisir.

Plan de la Lettre à Ménécée :


- La philosophie, thérapie de l’âme : Épicure appelle les hommes, jeunes ou vieux, à
philosopher. La philosophie est un moyen pour atteindre le bonheur, et vivre «
comme un dieu parmi les hommes ».
- Les quatre règles pour être heureux : « le quadruple remède » : Pour Épicure, le
malheur des hommes vient de leurs représentations fausses. Il faut donc lutter et
défaire ces fausses représentations :
1/ Il ne faut pas craindre les dieux : Épicure envisage les dieux comme des « vivants
bienheureux et immortels », qui ne se mêlent pas de la vie des hommes. Il ne faut
donc pas craindre leur colère ou leur châtiment.
2/ Il ne faut pas craindre la mort. La mort est une absence de sensation, et donc, « la
mort n’est rien pour nous » : nous ne l’éprouvons pas. Elle n’est pas douloureuse en
elle-même. Ce qui nous fait souffrir, c’est la crainte de la mort. Le sage ne rejette ni
la vie ni la mort. Il ne cherche donc pas à vivre le plus longtemps possible, mais à
vivre le mieux possible.
3/ Le bien est facile à atteindre : le bien réside dans le plaisir, qui est absence de
douleur psychique (l’ataraxie) et absence de douleur physique (aponie). Un tel plaisir
est naturel, et tout ce qui est naturel est aisé à se procurer.
4/ On peut supprimer la douleur : Il est possible de parvenir à l’ataraxie et à l’aponie
en faisant un usage contrôlé des plaisirs.

- La classification des désirs : Épicure distingue :


o Les désirs vains : ces désirs sont source de souffrance. Ils reposent sur de
fausses représentations (désir de richesse, de gloire…). Il faut éliminer ces désirs
par un travail sur nos représentations.
o Les désirs naturels : ces désirs viennent de la nature de l’homme. Ces désirs,
contrairement aux désirs vains, sont aisés à satisfaire. Ils se subdivisent en :
1. Désirs naturels seulement : il s’agit des besoins qui viennent de
notre nature, mais qui ne mettent pas notre vie en danger (la
sexualité par exemple).
2. Désirs nécessaires : ce sont les désirs à privilégier, car ils sont
essentiels à notre bonheur, c’est-à-dire à l’absence de douleur
physique et psychique. Ces désirs sont par nature limités,
puisqu’une fois assouvis, on ne les éprouve plus. Ce n’est que la
douleur qui nous fait désirer.
- les uns sont nécessaires au bonheur (avoir des amis, faire de la
philosophie).
- les autres sont nécessaires à la tranquillité du corps (ne pas
avoir de douleur).
- d’autres encore sont nécessaires à la vie (manger ou boire).

Attention, les désirs nécessaires ne sont pas seulement des besoins !


Le calcul des plaisirs et des peines : Si le plaisir est toujours un bien, et la douleur
toujours un mal, tous les plaisirs ne sont pas à choisir, ni toutes les douleurs à rejeter :
on peut préférer une douleur momentanée pour obtenir un plaisir plus grand ultérieur, et
rejeter un plaisir immédiat qui nous causera par la suite de la douleur.
L’idéal autarcique : Le sage doit savoir se suffire à lui-même. Pour cela, il doit
éviter les excès, et apprendre à se contenter d’une vie simple et sobre, afin de ne pas
souffrir dans les moments de privation. Le plus important est de bien raisonner : «
ni les beuveries et les festins continuels, ni la jouissance des garçons et des femmes,
ni celle des poissons et de tous les autres mets que porte une table somptueuse,
n'engendrent la vie heureuse, mais le raisonnement sobre cherchant les causes de
tout choix et de tout refus, et chassant les opinions par lesquelles le trouble le plus
grand s'empare des
âmes. »
La prudence : Le plus grand des biens. C’est une sagesse pratique, au sens du
discernement, qui nous guide dans nos choix.

Ce sont les désirs naturels et nécessaires qui nous conduisent au bonheur. Une
fois assouvis, de tels désirs sont supprimés. Le bonheur consiste à ne pas souffrir. Ainsi,
une telle volonté d’éviter la souffrance apparaît comme une quête nécessaire au sein de
notre existence.

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