Russie Et IVe Revolution
Russie Et IVe Revolution
Russie Et IVe Revolution
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particulière, voici ce que nous pouvons lire : « Le point d'appui et la clé
d'interprétation du Message de Fatima est constitué par ces paroles de Notre-
Dame :
« Vous avez vu l'enfer où tombent les âmes des pauvres pécheurs. Pour les
sauver, Dieu veut établir la dévotion à Mon Cœur Immaculé dans le monde. S’ils
font ce que je vous dis, beaucoup d’âmes seront sauvées et auront la paix. La
guerre est sur le point de se terminer ; mais s’ils ne cessent d’offenser Dieu, une
situation encore pire commencera sous le pontificat de Pie XI. Lorsque vous
voyez une nuit éclairée par une lumière inconnue, sachez que c'est le grand
signe que Dieu vous donne qu'il est sur le point de punir le monde pour ses
crimes, par la guerre, la faim et les persécutions contre l'Église et le Saint-Père.
Pour l'éviter, je viendrai demander la consécration de la Russie à Mon Cœur
Immaculé et la communion de réparation les premiers samedis. S’ils acceptent
Mes demandes, la Russie se convertira et ils auront la paix ; sinon, il répandra
ses erreurs à travers le monde, favorisant les guerres et les persécutions contre
l’Église. Les bons seront martyrisés, le Saint-Père aura beaucoup à souffrir,
diverses nations seront détruites. Finalement, Mon Cœur Immaculé triomphera.
Le Saint-Père Me consacrera la Russie, qui se convertira, et une période de paix
sera accordée au monde. »
Notre-Dame demande donc la conversion de l'humanité et déclare que si ses
demandes sont acceptées, la Russie se convertira et il y aura la paix, sinon elle
« répandra ses erreurs dans le monde entier, favorisant les guerres et les
persécutions de l'Église ». Cet horizon tragique contient cependant une lueur
d'espoir immense : la conversion de la Russie et le triomphe final du Cœur
Immaculé de Marie.
Quelles sont les erreurs de la Russie dont parle Notre-Dame ? Selon tous les
interprètes du Message, ce sont les erreurs du communisme, l’idéologie
criminelle du XXe siècle. Entre 1989 et 1991, l’Union soviétique s’est
désintégrée, mais le poison communiste continue de se propager à travers le
monde (...) Vladimir Poutine propose un variante national-communiste, qui
réconcilie l'héritage de Staline avec celui des tsars. Quel que soit le jugement
porté sur Poutine, il n’y a certainement eu ni conversion de la Russie à la vraie
foi, ni triomphe du Cœur Immaculé de Marie. Cela signifie que la Russie n’a
cessé de propager ses erreurs à travers le monde et sera l’instrument que Dieu
utilisera pour punir l’humanité impénitente. Notre-Dame ne se trompe pas dans
ses prédictions, même si elle les cache parfois aux yeux des humains. »
Ainsi, selon de Mattei, la situation géopolitique actuelle est claire : la Russie,
comme elle l’avait déjà fait au siècle dernier avec le communisme, est en train
2
de répandre des idées mortifères dans le monde, conformément au message de
Notre Dame à Fatima.
Nous le voyons bien : la question russe divise.
De prime abord, la position de Mgr Vigano semble la plus raisonnable. En effet,
quand on écoute le discours médiatique russe, les vrais problèmes y sont
dénoncés : mondialisme, libéralisme (et avec lui, perte du sens religieux et
même du sens de la loi naturel), matérialisme, individualisme, etc…les vrais
acteurs du désastre identifiés : l’élite occidentale (américaine en particulier) et
les lobbies internationaux. Par ailleurs, l’alternative multipolaire qu’il prône en
lieu et place du Village Universel qu’essaient de bâtir les insensés
susmentionnés, semble ouvrir la porte à un rééquilibre des relations
internationales et surtout, une restauration – mieux vaut cela que rien du tout –
du droit naturel.
Alors, d’où de Mattei sort-il sa thèse ? N’est-elle pas un peu tirée par les
cheveux ?
S’il est vrai qu’à première vue, l’idée de de Mattei est complètement en
déphasage avec la réalité, reconnaissons tout de même qu’il part d’une idée très
pertinente : le message de Notre Dame à Fatima. Et « Notre Dame ne se trompe
pas dans ses prédictions, même si elle les cache parfois aux yeux des humains ».
Par ailleurs, beaucoup de personnes et même de catholiques ne s’intéressent
qu’à l’aspect négatif du discours russe et n’en considèrent pas souvent -ou du
moins de façon très hâtive – l’aspect positif. Car, comme nous le disions tantôt,
la Russie veut elle aussi instaurer un nouvel ordre mondial : un ordre mondial
multipolaire. Nous sommes-nous vraiment intéressés aux fondements
philosophiques et religieux qui sous-tendent cette conception du monde ?
Combien de ‘’fans’’ de la Russie ont entendu parler de l’Eurasisme ?
D’Alexandre Douguine, l’intellectuel le plus influent sur les élites russes à
l’heure actuelle ?
Hitler et Mussolini étaient contre le libéralisme. Ont-ils fait mieux avec le
nazisme et le fascisme ? Marx, avec raison, critiquait le capitalisme. Le
communisme est-il mieux pour autant ? Luther s’indignait devant les déboires
des clercs de son temps, la réforme protestante a-t-elle amélioré les choses ?
Pour intéressantes qu’elles soient, les analyses géopolitiques d’un Xavier
Moreau ou d’un Idriss Aberkane sont insuffisantes à expliquer la situation
mondiale actuelle car elles ne considèrent que les questions stratégiques,
économiques, culturelles…comme s’il n’eut été question que de cela. S’il est
vrai que l’homme est un animal politique, il est tout aussi vrai qu’il est un
3
animal religieux. Ce faisant, avec toutes ces questions politiques, temporels, il y
a aussi des enjeux surnaturels. Un clerc dont nous avons malheureusement
oublié le nom déclarait un jour : « Qui ne tient pas compte en histoire, non
seulement de La Providence, mais de l’enfer, n’aura jamais que des vues
indécises et ne fournira que des explications incomplètes. Dieu et Satan se
disputent le cœur de l’homme ». Politique et religieux ont été toujours été liés,
même chez les peuples païens. Quand elles n’étaient pas confondues, les
autorités politiques et religieuses étaient toujours intimement liées. La séparation
entre ces deux ordres est très récente à l’échelle de l’Histoire puisqu’elle est
issue des principes putrides de 1789. La politique s’occupe du temporel, la
religion de l’éternel. Or, l’homme doit faire son salut éternel et dans la cité et
dans le temps. De ce fait, derrière les questions politiques, il y a toujours une
toile de fond religieuse. Le célèbre contre-révolutionnaire Juan Donoso Cortes
l’avait bien compris ; ce pourquoi il disait que « toute réalité politique finit
toujours par se convertir en réalité théologique ». Et force est de constater que
derrière tout le discours russe, il y a une toute une dimension théologique ! Fait
devant lequel, hélas, beaucoup de chrétiens restent aveugles. Dom Guéranger se
plaignait déjà en son temps de ce naturalisme qui gangrenaient la pensée
chrétienne. A sa suite, le père Julio Meinveille nous avertissait bien : « La simple
connaissance érudite des théories et des faits politiques, ce qu’on appelle
l’actualité politique, est nocive sans une authentique philosophie politique et
sans la métaphysique naturelle de l’intelligence humaine. (…) Les faits ne sont
explicables qu’à la lumière des principes ontologiques, et les faits politiques
qu’à la lumière des principes ontologiques de l’être humain. A la lumière de ces
principes, l’observation et l’interprétation des faits est nécessaire pour
comprendre les conditions de fait d’une cité concrète et déterminée »2
Suivant le précieux conseil du maitre, tentons, à la lumière du sens chrétien de
l’Histoire et d’une conception catholique de la politique, de définir, qui de
Mattei ou de Vigano est sur la bonne voie.
La Russie dernier rempart de l’Humanité ou outil de propagation d’une nouvelle
révolution ?
I) Bref rappel du sens chrétien de l’Histoire
Qu’est-ce que l’Histoire ?
On pourrait designer l’Histoire comme étant, ontologiquement, l’ensemble
des mouvements de l’Humanité de son commencement jusqu’à sa fin.
L’Histoire est toujours en cours mais finira un jour ; nul ne saurait dire
2
Julio Meinvielle, Conception Catholique de la politique, page 17
4
précisément ni le jour ni l’heure. Comme tout mouvement, elle se situe dans
un cadre spatial et temporel. L’homme agit, mais il agit dans l’espace et le
temps. Ce pourquoi ces deux paramètres sont fondamentaux pour la
compréhension des différents évènements qui jalonnent le parcours
historique. L’Histoire, c’est aussi l’histoire des sociétés, puisque l’homme est
naturellement porté à vivre en communauté ainsi qu’a pu le démontrer
Aristote.
Par ailleurs, l’Histoire désigne aussi la science qui étudie ce mouvement.
Mais l’histoire n’est pas juste une connaissance pompeuse de ces données :
notre compréhension de l’Histoire est définie par la conception que nous
avons de l’homme, de sa finalité, de ses aspirations les plus profondes, du
monde dans lequel il vit…etc. Par exemple, notre analyse et notre
compréhension des données historiques changent radicalement selon qu’on
considère l’homme comme un animal très évolué ou un être doué de raison et
appelé à une destinée éternelle... Une conception erronée de la nature
humaine aboutit à une approche biaisée de la lecture historique et donc à une
approche biaisée des évènements politiques actuels (puisque l’Histoire est
toujours en cours).
Définir le sens de l’Histoire, revient à définir le sens de l’existence humaine,
sa place dans la création et les fins vers lesquelles elle doit tendre.
La première donnée certaine que nous avons sur l’Homme est qu’il est une
créature. L’homme a été créé i.e. fait à partir de rien par Dieu. Dieu est donc
l’auteur de l’Histoire. A cet effet, si nous voulons percer le sens de l’Histoire,
il faut se référer au plan que Dieu a pour nous, hommes. Et ce plan, nous le
connaissons par la Révélation : Dieu appelle l’homme, dans Sa Sagesse
insondable à participer à Sa vie divine et pour ce faire, Il lui donne dans le
temps, les grâces nécessaires pour répondre à cette suave sollicitation. Dieu
est donc le principe et la fin de l’Histoire. L’homme s’insère dans l’Histoire
par une soumission libre à ce décret éternel de la Providence. « L’histoire est
la pensée de Dieu écrite dans le temps. »3 écrivait le père Meinveille. Toute
l’Histoire, y compris les évènements que nous vivons actuellement, n’est que
la succession des siècles selon le Plan de Dieu.
Toutefois, nous aurions une bien naïve conception de l’Histoire si on n’y
considérait que le Bon Dieu et l’homme. Il y a dans l’Histoire, un troisième
protagoniste : le diable qui, haïssant Dieu et jalousant l’homme, cherche à
détourner l’Histoire de sa fin, en poussant l’homme à la désobéissance de
Dieu. Mgr Gaume, dans son Traité du Saint Esprit, énonce très clairement
3
Julio Meinvielle, Les trois Peuples bibliques en lutte pour la domination sur le monde, Page 4
5
cette vérité : « Deux Esprits opposés se disputent l’empire du monde.
L’Histoire n’est que le récit de leur lutte éternelle. Ce grand fait suppose :
L’existence d’un monde supérieur au nôtre ;
La division de ce monde en bon et en mauvais ;
La double influence du monde supérieur sur la création inferieure »4.
Attention toutefois ! Il n’y a pas de manichéisme. Le démon reste
essentiellement inferieur à Dieu et c’est en vain qu’il s’échine à entraver les
desseins divins. D’ailleurs, il n’aurait aucun pouvoir sur l’Histoire si Dieu ne
Lui en donnait la permission.
Nous savons, toujours par la Révélation, que le père du genre humain s’est
détourné volontairement, à l’instigation du démon, du plan que Dieu avait
établi pour Lui. Dès lors, les portes du Ciel étaient fermées aux hommes,
désormais condamnés à errer, esclaves du démon, dans cette vallée de larmes.
Celui qui vient délivrer l’Humanité pécheresse c’est le Christ !
La deuxième personne de la Très Sainte Trinité, qui pour nous élever jusqu’à
Lui et nous faire participer à sa vie divine, s’abaisse jusqu’à nous en prenant
notre nature dans le mystère de l’Union hypostatique. Et par ce mystère qui
dépasse toute intelligence, le Christ redonne tout son sens à l’Histoire. Le
Christ est véritablement le héros de l’Histoire. De la même manière que
dans un film ou dans un roman, toute la trame, les éléments perturbateurs,
tous les évènements tournent autour du protagoniste, de même tous les
évènements passés, présents et futurs s’articulent autour du Christ et
participent d’une manière ou d’une autre, même lorsqu’ils essayent de le
contrarier, à l’avènement du Christ et Son triomphe final !
‘’Héros’’, le terme est bien choisi. Désignant dans les récits grecs, des êtres
d’origine mi-divine mi-humaine, envoyés pour délivrer les hommes d’un
mal, et divinisés après leur mort, de même le Christ, l’Homme-Dieu, est
envoyé par Son Père pour délivrer les hommes du Mal et demeure dans la
mémoire de l’Humanité reconnaissante, par Sa mort et Sa Résurrection,
comme le Seul, Vrai et Unique Dieu, comme « le Chemin, la Vérité et la
Vie ».
Le Christ est le centre de l’Histoire, et cela même les historiens les plus
incrédules sont obligés de le signifier malgré eux dans leur système de
datation : avant et après Jésus-Christ. Il est véritablement le repère, la
référence sans laquelle l’Histoire reste illisible parce qu’insensée.
4
Mgr Gaume, Traité du Saint-Esprit, page 19
6
« L’histoire a pour fin et pour destinée de faire que nous appartenions au
Christ. Elle n’a pas d’autre fin ultime, ni d’autre raison d’être. L’histoire
signifie le Christ et elle est totalement à son service. »5 nous enseigne le père
Julio Meinveille.
En conclusion, l’Histoire, tout compte fait, est ordonné essentiellement à la
Gloire du Christ et au salut des âmes et cela tant et si bien que lorsque le Corps
Mystique du Christ i.e. l’Eglise, la société des élus, sera complet, ce sera la fin
de l’Histoire : « ce monde n’est conservé que pour les élus qui sont la cause de
la venue du Fils de Dieu dans la chair »6
II) Conception catholique de la politique
Ceci étant posé, il nous sera maintenant aisé de comprendre la doctrine du règne
social du Christ. L’Histoire, c’est l’Histoire des civilisations. Leurs débuts, leurs
évolutions, leurs fins, leurs rencontres. L’homme ne vit pas seul, il vit entouré de
ses semblables et c’est quelque chose de naturel et même d’essentiel. L’homme
est fait pour vivre en société. Aristote va jusqu’à dire que celui qui vivrait hors
de la société serait soit un fou soit un être surhumain. La société, comme
l’intelligence et la volonté doivent servir l’homme dans sa fin. La société est
faite pour l’homme, pour son bonheur. L’homme s’ordonne à Dieu par la
société. Ce faisant, la politique, entendu ici au sens de science et art de
l’organisation de la cité doit se soumettre au sens chrétien de l’histoire.
L’homme étant corps et âme, se dégage en lui quatre dimensions
fondamentales :
En effet, l’homme est quelque chose, c’est une chose ;
L’homme est animal, c’est un être sensible, qui cherche le bien délectable
L’homme c’est un être rationnel, qui s’oriente selon le bien honnête
L’homme, participant à l’essence divine, est appelé à la communauté de
vie avec Dieu.
Il y a donc en tout homme quatre formalités essentielles :
La formalité surnaturelle ou divine ; grâce
La formalité humaine ou rationnelle ; vertu
La formalité d’animal ou sensible ; prospérité économique
La formalité de réalité ou de chose ; santé et sécurité
5
Julio Meinvielle, le communisme dans la Revolution anti-chrétienne, page 24
6
Dom Guéranger, Jésus-Christ, Roi de l’Histoire, page 30
7
Ces formalités sont ordonnées entre elles. On se soigne pour travailler, on
travaille pour penser et on pense pour prier. Et toute civilisation authentique doit
satisfaire à ces quatre formalités. Seulement, la politique abandonnée à elle-
même en est incapable : la formalité surnaturelle lui est inaccessible. Et ce
n’est pas tout ! En raison du péché et ses suites, elle ne peut satisfaire
pleinement ou du moins de manière durable au simple bien-commun naturel i.e.
la paix. Saint Augustin définit la paix comme la tranquillité dans l’ordre. Pour
l’homme, la paix - donc le bonheur - réside dans l’ordre de chacune de ses
formalités. L’homme a nécessairement besoin de la grâce sanctifiante. Et après
le Christ, la seule dispensatrice de ce Bien, c’est l’Eglise et l’Eglise seule, étant
par essence l’Incarnation continuée. A partir de là, on comprend tout de suite
l’absurdité de la laïcité de l’Etat.
7
Plinio Correa de Oliveira, Revolution et Contre-Révolution, page 21. Tous les autres extraits seront tirés de cet
ouvrage
8
Julio Meinvielle, Le Communisme dans la Revolution anti-chrétienne, p. 44
9
Phase 1 : Protestantisme
- Qui rompt le lien avec l’Eglise, seule dispensatrice du bien commun
surnaturel
- Remise en cause de l’autorité du Pape et de toute la Tradition
ecclésiastique
Phase 2 : Revolution française
- Qui rompt le lien qui unit à l’Etat, gardien et pourvoyeur de la vertu
- Remise en cause de l’autorité politique
Phase 3 : Le communisme
- Rupture avec les sociétés économiques
Nous ne pouvons que le constater, le tsunami révolutionnaire a bien réussi à
détruire tous les fondements de la Cité catholique.
Par contre, si pour le père Meinveille, il n’y a que trois révolutions possibles,
Plinio Correa, lui, pense qu’une quatrième révolution consécutive au
communisme est envisageable. Mais cela soulève plusieurs questions : De quelle
façon ? Et quels en seraient les cibles, les particularités ? Quelle formalité va -t-
elle attaquer puisque tout est détruit ? Laissons parler le contre-révolutionnaire :
« Il est impossible de ne pas se demander si la société tribale rêvée actuellement
par les courants structuralistes ne répond pas à cette question. Le
structuralisme considère la vie tribale comme une synthèse illusoire entre les
sommets de la liberté individuelle et du collectivisme consenti, dans laquelle ce
dernier finit par dévorer la liberté. Dans un tel collectivisme, les différents
"je", les personnes individuelles avec leur intelligence, leur volonté et leur
sensibilité, et par conséquent leurs façons d'être caractéristiques et
contradictoires, se fondent et se dissolvent dans la personnalité collective de la
tribu, génératrice d'un penser, d'un vouloir et d'un comportement fortement
communs.
Bien entendu, le chemin vers cet état de choses tribal doit passer par l'extinction
des vieux modèles de réflexion, volition et sensibilité individuelles,
graduellement substitués par des formes de pensée, de délibération et de
sensibilité de plus en plus collectives. C'est donc en ce domaine que la
transformation doit principalement avoir lieu.
- Sous quelle forme ? - Dans les tribus, la cohésion entre les membres est
assurée surtout par un "penser" et un "sentir" communs, d'où dérivent des
10
habitudes communes et un vouloir commun. La raison individuelle s'y trouve
réduite à presque-rien, c'est-à-dire aux mouvements premiers les plus
élémentaires que son état atrophié lui consent : "La pensée sauvage" (90),
pensée qui ne pense pas et qui se tourne seulement vers le concret. C'est à ce
prix qu'on obtient la fusion collectiviste tribale. Il appartient au sorcier
d'entretenir, sur le plan mystique, cette vie psychique collective, au moyen de
cultes totémiques chargés de "messages" confus, mais "riches" de feux follets
et même de fulgurations provenant du monde mystérieux de la
transpsychologie ou de la parapsychologie. C'est par l'acquisition de ces
"richesses" que l'homme compenserait l'atrophie de la raison. Raison naguère
hypertrophiée par le libre examen, le cartésianisme, etc., divinisée par la
Révolution française, utilisée jusqu'à une exacerbation abusive par toute l'école
de pensée communiste, et maintenant, enfin, atrophiée et réduite en esclavage
au service du totémisme transpsychologique et parapsychologique »
Il poursuit :
« Dans cette perspective structuraliste, où la magie est présentée comme une
forme de connaissance, jusqu'à quel point est-il donné au catholique d'entrevoir
les fulgurations trompeuses, le cantique à la fois sinistre et séduisant, émollient
et délirant, athée et fétichistement crédule par lequel, le prince des ténèbres
attire, du fond des abîmes où il gît éternellement, les hommes qui ont renié
Jésus-Christ et son Eglise ? »
« Le dégoût croissant pour tout ce qui est raisonné, structuré et méthodique ne
peut conduire, dans ses ultimes paroxysmes, qu'au vagabondage perpétuel et
fantaisiste de la vie en forêt, en alternance avec l'accomplissement instinctif et
presque mécanique de quelques activités absolument indispensables à la vie.
L'aversion à l'égard de l'effort intellectuel, notamment de l'abstraction, de la
théorisation, de la doctrine, ne peut amener, en fin de compte, qu'à une
hypertrophie des sens et de l'imagination, à cette "civilisation de l'image" »
Ordo ab chaos…La Revolution n’est pas que destruction, elle est aussi
construction. Apres avoir détruit les fondements de la Cité de Dieu, elle va
chercher à bâtir sur Terre, la cité du Diable : cité tribale néopaïenne ou Satan et
la magie règnent en maitre.
IV – Russie et IVe Revolution
Revenons maintenant à l’actualité géopolitique et voyant si oui ou non, la Russie
est en train de répandre ses erreurs dans le monde.
11
De fait, la Russie bien qu’elle se serve de certaines stratégies rhétoriques
communistes n’est pas en train de répandre le communisme dans le monde. Si
elle ne répand pas le communisme, ce ne peut être alors que la quatrième
révolution dont parle Plinio Correa.
Analysons donc maintenant, les fondements philosophiques et religieux de la
pensée russe. Pour ce faire, nous considèrerons rapidement les trois
personnalités fortes de la Russie actuelle : Poutine, pour le pouvoir politique,
Alexandre Douguine pour la pensée intellectuelle, et le Patriarche Cyrille, pour
la pensée religieuse.
Le principal concept défendu par la Russie est celui de la multipolarité. En
réaction au monde unipolaire libéral rêvé par les Américains, la Russie veut un
ordre mondial ou il n’y aurait pas qu’un seul bloc idéologique mais plusieurs
gros blocs civilisationnels en accord avec la théorie géopolitique de Samuel
Huntington développé dans son livre Le Choc des Civilisations. Pour
Huntington l’ère de l’idéologie était terminée avec la chute de l’UR.S.S.. Ce
faisant, le monde n’est revenu qu’à un état de choses normal caractérisé non plus
par des conflits entre différents systèmes de pensée (capitalisme, communisme,
etc…) mais plutôt des luttes entre blocs culturels. A cet effet, si l’on veut
comprendre et analyser les relations internationales et les potentiels de conflit
avenirs, le concept de civilisation va devenir central car le fondement des
prochains conflits, guerres et grands bouleversements politiques sera la religion
(car pour Huntington, chaque grande civilisation est basée sur une religion9) et
l’identité culturelle (langues, histoire, valeurs, habitudes, institutions…).
Huntington distingue 8 grandes civilisations :
- La civilisation chinoise (Chine, Corée, Vietnam…) fondée sur le
confucianisme
- La civilisation japonaise, avec ses spécificités
- La civilisation indienne (Inde, Sri Lanka…) fondée sur l’hindouisme
- La civilisation islamique (De la Mauritanie à l’Indonésie) fondée sur
l’islam
- La civilisation occidentale (l'Europe, l'Amérique du Nord et l'Océanie)
fondée sur le christianisme
- La civilisation latino-américaine
- La civilisation africaine (Afrique sub-saharienne). On n’y trouve pas de
religion dominante mais plutôt un ensemble de pratiques animistes
9
Feliks Koneczny, un autre philosophe de l’Histoire conteste cette vision des choses dans ses travaux. Nous en
reparlerons une prochaine fois.
12
- La civilisation orthodoxe (Russie, Ukraine, Serbie, Grèce,) fondée sur le
Christianisme orthodoxe
Toujours suivant cette théorie, les conflits civilisationnels se manifestent de 4
façons :
1. Entre deux civilisations sur leurs frontières : cas de l'islam au contact
des autres civilisations
2. Entre civilisations du fait de la domination de l'Occident : les autres
civilisations cherchent à s'affirmer face à un Occident dominateur (on
pourrait parler aujourd’hui de la guerre en Ukraine ou des luttes
panafricanistes) ;
3. à l'intérieur d'une civilisation : lutte de pouvoir pour le contrôle d'une
civilisation, comme la lutte entre islamistes et réformateurs dans le monde
islamique ;
4. lutte à l'intérieur d'un pays : cas d'un pays déchiré entre plusieurs
civilisations (Huntington cite le Mexique, la Russie et l'Australie)
10
www.geopolika.ru
13
Nomos de la Terre (dans la terminologie de K. Schmitt). Ce Nomos doit être
radicalement différent du modèle globaliste unipolaire, basé sur la dictature de
l'idéologie libérale.
Nous partons du principe fondamental de l'anthropologie culturelle (F. Boas et
son école), qui affirme qu'il n'y a pas et ne peut pas être une mesure
universelle commune en comparant les cultures et les civilisations. Il n'y a pas
de progrès absolu, ni de régression absolue, et personne n'a le droit de
considérer certains pays, peuples ou cultures plus « développés » et d'autres «
moins », et leur imposer des critères et des valeurs uniques.
Le temps et l'espace sont des constructions sociologiques, totalement et
entièrement dépendantes de la société. Passant d'une société à une autre, nous
changeons non seulement le langage, la religion, les coutumes, mais aussi la
compréhension des choses les plus fondamentales - Dieu, l'homme, le temps,
l'espace.
Le respect de l'identité de chaque peuple, de chaque civilisation et de chaque
culture est à la base de ce modèle multipolaire, activement défendu par des
analystes, des politologues, des sociologues et des ethnologues rassemblés
autour de notre portail.
Dans le domaine de l'idéologie, nous rejetons les trois théories politiques de
l'Europe moderne :
1) Le libéralisme
2) Le communisme
3) Le fascisme
les considérant comme totalement inadaptés à la compréhension de l'essence
des processus qui se développent autour de nous dans le monde contemporain et
suivant les principes de la Quatrième Théorie Politique. »
Avec la « multipolarité », c’est le respect de toutes les civilisations qui est
affirmé, et de leurs religions, attachées à des territoires dans une sorte de
déterminisme historique. L’universalisme de l’Europe occidentale est présenté
comme le mal historique et actuel, car il n’y a pas de vérité absolue, seulement
des « peuples » à la valeur quasi mystique, chacun ayant sa propre immanence
vitale, plongeant ses racines historiques dans une Tradition religieuse originelle
qui a donné naissance aux religions sur le fondement d’une révélation
multiforme. Cela aboutit forcément à un syncrétisme et à un relativisme. Les
grandes références intellectuelles de Douguine sont les ésotéristes René Guenon
et Julius Evola. Douguine fonde tout son système politique international sur le
14
concept de Tradition primordiale repris et développé par ces derniers. La «
Tradition » défendue ici n’est pas celle de la transmission de la vérité révélée :
elle est celle des mythes, des archétypes, de la mémoire primordiale. L’Occident
est présenté comme s’étant exclu de cet héritage, en choisissant un «
matérialisme11 » libéral et hégémonique qu’il faut combattre à tout prix
Douguine et les Russes dénoncent l’idéologie des droits de l’homme, non en que
celle-ci rejette les droits de Dieu, mais en ce qu’elle proclame les droits des
personnes en tant qu’individus et non de manière « collective ».
Il rejette explicitement la philosophie réaliste, le principe de non-contradiction,
vantant le Chaos d’où l’ordre peut naître face au Log D’ailleurs, le symbole de
l’Eurasisme, bloc idéologique piloté par les Russes est l’étoile d’Ishtar :
symbole du chaos.
Partageons un exemple de lecture historique de Douguine :
« Maintenant vient le temps de révéler la vérité, de dévoiler une essence
spirituelle que les lèche-bottes ordinaires définissent comme de l’« extrémisme
politique ». Nous les avons embrouillés, changeant les registres de nos
sympathies politiques, la couleur de nos héros, passant du chaud au froid, du
droitisme au gauchisme et inversement. Tout cela n’était qu’une préparation
intellectuelle, une sorte de réchauffement idéologique.
11
Pour les gnostiques, l’homme est un esprit enfermé dans un corps. D’ailleurs, selon eux, au commencement
l’homme était pur esprit et la Chute du genre humain consiste en cette chute dans l’ordre matériel.
15
attention au royaume de la pensée, tombèrent dans la physiologie, dans la
recherche de la vie privée, de la vie personnelle. (…) Les fils de l’ancienne
connaissance conduisirent Marx, Netchaïev, Lénine, Staline, Mao, Che
Guevara… Le Vin de la Révolution socialiste, le plaisir de la révolte contre les
forces du destin, la passion furieuse et sacrée de la destruction totale de tout ce
qui est sombre pour l’amour de trouver une nouvelle Lumière non-terrestre… »12
Le père Julio Meinvielle a bien expliqué l’erreur du gnosticisme dans son livre
De la Cabale au progressisme :
« L’humanité a été instruite des mystères divins dès le berceau. Il existe donc
une tradition primordiale ou Cabale, qui enseigne à l’homme, les vérités
fondamentales de la nature et la grâce qui peuvent le sauver. Toutefois, si la
tradition remonte au berceau de l’humanité, cela ne veut pas dire qu’elle arrive
complète et parfaite. La tradition est progressive, elle se perfectionne peu à peu
grâce aux trois économies que nous avons déjà évoquées. Le Christ lui-même est
la perfection de la Tradition »13
Toutefois : « Cette tradition orale communiquée par Dieu à l’homme dès le
premier jour de son existence au paradis terrestre fut immédiatement déformée
et faussée par la rébellion de l’homme. La tradition orale judéo-catholique
donna naissance, à l’instigation de l’esprit malin, à une tradition gnostico-
cabaliste » 14
Ainsi, depuis la Chute du genre humain, il existe deux traditions :
1- La Tradition judéo-catholique, inspirée par Dieu, dont l’Eglise est la seule
détentrice, qui conduit au Christ
2- La Tradition gnostico-cabaliste, inspirée par le démon et qui conduit en
enfer
Le père Meinvielle a, par ailleurs, bien fait ressortir les différences essentielles
entre ces deux Traditions :
12
Alexandre Douguine, Le prophète de l’eurasisme, Partie IV – Essais philosophiques, Le gnostique, pp. 217-220
13
De la Cabale au progressisme, page 40
14
Idem, page 26
16
fait du monde une apparence de
divinité
La gnose est la tradition religieuse multimillénaire partagée par tous les peuples
païens. Toutefois, comme a pu le démontrer le père Meinvielle et plus
récemment l’historien Jean-Claude Lozac’hmeur dans son livre Le Fils de La
Veuve, cette Tradition a connu dans l’Histoire plusieurs interprétations :
- L’interprétation naturaliste
- L’interprétation chrétienne
- L’interprétation occultiste
- L’interprétation judéo-masonico-satanique
Mgr Gaume et le père Meinvielle ont su montrer dans leurs travaux comment la
tendance révolutionnaire commence durant la Renaissance avec l’introduction
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dans la pensée chrétienne de cet esprit gnostique parallèlement au retour dans
l’éducation des auteurs et des mœurs païens et surtout, comment cet esprit
gnostique a imprégné toute la marche de la Revolution dans l’Histoire.
Autrement dit, de même que le christianisme est le fondement et la religion de
l’action et la cité catholique, de même la Gnose est le fondement religieux
de la Revolution et de la Cité du Diable. Nous l’avons vu, les trois révolutions
historiques ont détruit les fondements de la Cité catholique, la quatrième
révolution vient poser les bases de la restauration du règne de Satan avec le
retour de la Gnose.
Douguine est un idéologue fou et pourtant écouté et soutenu par les élites
politiques russes et surtout par le patriarche Cyrille, lui-même, ancien membre
du KGB, de la section TCEKA, la police terroriste soviétique. Le Patriarche
Cyrille soutient que la ‘’Sainte Russie’’, la ‘’Troisième Rome’’ a une mission
théologique : celle d’évangéliser le monde et de mener la guerre de la fin du
monde contre le diable USA. Raison pour laquelle, il soutient fortement la
guerre en Ukraine. Soit dit en passant, il n’y a pas que les élites russes qui
écoutent Douguine :
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Kemi Seba, grand militant panafricaniste, grand pratiquant de vaudou et ex-
polygame15, est lui aussi partisan de la théorie de Douguine à la différence qu’il
a plus une lecture afrocentriste de l’Histoire.
En conclusion, nous voyons bien que la Russie est en train de répandre une
quatrième révolution, celle anticipée par le génie de Plinio Correa. De Mattei, au
sortir de cette analyse semble plus proche de la vérité que Mgr Vigano et les
catholiques qui placent un espoir de restauration des sociétés dans la Russie se
trompent lourdement. Le conflit actuel entre Américains et Russes n’est qu’une
bataille, comme on en a souvent vu dans l’Histoire, entre deux tendances
révolutionnaires, deux factions de la Cité du Diable (avec victoire probable de la
Russie).
Le seul vrai restaurateur, c’est le Christ et le Christ seul. Et son règne sur les
sociétés ne sera restauré que la puissante intercession de Sa Sainte Mère.
Ayons donc recours à Elle plutôt qu’à Poutine ou Kemi Seba.
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Sans surprise, il a divorcé de sa première ‘’femme’’. Nous en parlerons un peu plus une prochaine fois.
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