13 FSR - 2023 - Rapport

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Rapport

macroprudentiel
2023
© Banque nationale de Belgique

Tous droits réservés.


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éducatives et non commerciales est autorisée avec mention de la source.
Rapport
macroprudentiel
2023
Table des matières

Rapport macroprudentiel 7

Introduction7

1. Impact des niveaux élevés d’inflation et de la hausse des taux d’intérêt 7

2. Conséquences des turbulences sur les marchés financiers 9

3. Secteur financier belge 10

4. Politique macroprudentielle 14

5. Conclusions et recommandations 18

5
Rapport macroprudentiel

Introduction

La loi du 25 avril 2014 a officiellement désigné la Banque comme autorité macroprudentielle en Belgique.
En vertu de ce mandat, la Banque suit attentivement les évolutions du secteur financier et s’attelle en particulier
à la détection de risques éventuels pouvant mettre en péril la stabilité du secteur financier. Lorsque pareils risques
systémiques se produisent, la Banque est mandatée pour adopter les mesures macroprudentielles nécessaires
afin d’éviter que ceux-ci ne continuent à se développer et de réduire les vulnérabilités et les expositions du
secteur financier à ces risques. Ces mesures comprennent non seulement l’utilisation des instruments relevant
de la compétence directe de la Banque, mais également la publication de recommandations à d’autres autorités
habilitées à mettre en œuvre certaines dispositions particulières. Sur une base annuelle, la Banque explicite,
en publiant son Rapport macroprudentiel, la manière dont elle a rempli sa mission de garant de la stabilité du
système financier.

Le présent Rapport macroprudentiel brosse un aperçu de la politique macroprudentielle de la Banque et


inscrit cette politique dans les contextes macroéconomique et macrofinancier caractérisés, d’une part, par la
persistance d’un niveau d’inflation élevée et par un resserrement marqué de la politique monétaire et, d’autre
part, par une période de turbulences sur les marchés financiers sur fond d’inquiétude quant aux vulnérabilités
de certains pans du secteur bancaire aux États-Unis et en Suisse. Les évolutions spécifiquement liées au secteur
financier belge ainsi qu’aux cycles de crédit et immobilier sont étudiées en détail dans le Financial Stability
Overview du Financial Stability Report 2023.

Les deux premiers chapitres du présent Rapport examinent l’incidence, pour le secteur financier, du niveau
élevé de l’inflation ainsi que de la hausse des taux d’intérêt et des problèmes majeurs rencontrés par certaines
institutions bancaires depuis le mois de mars. Le troisième chapitre est consacré au secteur financier belge. Le
quatrième chapitre dresse un état des lieux de la politique macroprudentielle en Belgique dans ce contexte
économique incertain. Enfin, le dernier chapitre du Rapport comprend une série de recommandations
macroprudentielles.

1. Impact des niveaux élevés d’inflation et de la hausse des taux d’intérêt

Après des années de taux d’intérêt bas voire négatifs, l’environnement opérationnel du secteur financier a été
caractérisé – entre autres choses – par une remontée rapide et significative des taux d’intérêt. En 2022, la forte
reprise après la pandémie de coronavirus a été suivie d’une nouvelle période de turbulences économiques,
qui a propulsé l’inflation au-delà des prévisions et l’a maintenue à un niveau élevé. L’invasion de l’Ukraine par la
Russie a exacerbé les tensions préexistantes sur les marchés de l’énergie, principalement par la voie des sanctions
économiques mutuelles entre les pays occidentaux et la Russie. L’augmentation considérable des prix du gaz
naturel en particulier, et de l’électricité qui y est liée, a été initialement le principal moteur de la hausse rapide
de l’inflation en Europe.

2023 ¡ Rapport macroprudentiel 7


L’inflation a pesé sur le pouvoir d’achat et les pouvoirs publics ont pris une série de mesures visant à réduire
la facture énergétique des ménages et des entreprises ou à en compenser la hausse, comme la prolongation
de l’élargissement de l’application du tarif social pour l’énergie ou la réduction de la TVA. Si l’indexation
automatique des salaires a pu limiter les retombées du haut niveau de l’inflation sur la situation financière des
ménages, elle a généré une pression supplémentaire pour les entreprises, elles aussi confrontées, dans le même
temps, à une augmentation de leur facture énergétique.

Même si depuis lors, les prix de l’énergie ont diminué pour renouer avec des niveaux plus comparables à ceux
qu’ils présentaient avant l’invasion de l’Ukraine, le niveau atteint par l’inflation sous-jacente a continué à croître
jusqu’en mars, un nombre croissant de producteurs ayant répercuté, en partie au moins, l’accroissement de
leurs coûts sur les prix de vente.

La hausse rapide et la persistance de l’inflation ont contraint de nombreuses banques centrales à resserrer leur
politique monétaire. Ainsi, la BCE a relevé ses taux directeurs de 375 points de base en plusieurs étapes depuis
le mois de juillet, portant le taux de dépôt à 3,25 % en mai 2023. Les taux du marché ont également augmenté
significativement dans le segment à long terme de la courbe des taux mais de manière toutefois moins marquée,
ce qui a contribué à un aplatissement et même à une légère inversion de la courbe des taux à la fin d’avril 2023.

Graphique  1
Taux directeur et courbe des taux sans risque

Taux de politique monétaire Courbe des taux en euros

7 4.0

3.5
6
3.0
5
2.5
4
2.0

3 1.5

2 1.0

0.5
1
0.0
0
–0.5

–1 –1.0
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023

1 an

2 ans

3 ans

4 ans

5 ans

6 ans

7 ans

8 ans

9 ans

10 ans

Taux de dépôt de la BCE Fin 2021


Taux cible de la Fed Fin 2022
Fin avril 2023


Source : Refinitiv.

Sur fond d’inflation persistante et de remontée des taux d’intérêt, l’économie a commencé à nettement ralentir
à partir de l’été 2022. Cet épisode n’a toutefois pas débouché sur une récession et, selon les projections
économiques, une croissance économique d’environ 1,0 % en moyenne est attendue dans la zone euro en 2023,
dans le scénario de base. Pour le secteur financier, il s’agira néanmoins – à court terme à tout le moins – d’une
période moins favorable, notamment sur le front du volume d’activité. Les projections portant sur ce scénario de

8 Rapport macroprudentiel ¡ 2023


base restent par ailleurs caractérisées par un degré relativement élevé d’incertitude, lequel a augmenté à partir
de mars 2023 au vu des turbulences apparues sur les marchés financiers (voir ci-dessous).

La forte remontée des taux d’intérêt sans risque a pesé sur la valorisation des marchés d’actions et d’obligations.
Dans l’ensemble, les corrections de prix sur les marchés financiers traditionnels se sont néanmoins déroulées de
manière globalement ordonnée.

La hausse des taux d’intérêt a également entraîné un retournement du cycle de crédit et du cycle immobilier. Au
cours des premiers mois de 2023, la croissance annuelle des crédits aux entreprises et aux ménages a commencé
à s’inscrire en baisse. Tel a notamment été le cas pour les crédits hypothécaires. Sur une base mensuelle, le
montant des nouveaux crédits hypothécaires a atteint 2,7 milliards d’euros en moyenne au cours des quatre
premiers mois de 2023, un niveau inférieur d’environ 25 % à celui enregistré, en moyenne, à la même période
au cours des cinq années précédentes. La croissance en base annuelle des prix nominaux de l’immobilier s’est
ralentie, passant de plus de 8 % au premier trimestre 2022 à moins de 4 % au quatrième trimestre. En termes
réels, les prix de l’immobilier ont baissé de près de 6 % en base annuelle au quatrième trimestre. On observe
par ailleurs une accentuation du différentiel de prix entre les biens présentant une bonne efficacité énergétique
et ceux en présentant une moins bonne. Les différents éléments susvisés indiquent que le marché immobilier
résidentiel en Belgique tend à se refroidir après des années caractérisées par un dynamisme très marqué.

2. Conséquences des turbulences sur les marchés financiers

Les problèmes sévères rencontrés par les banques américaines Silicon Valley Bank, Signature Bank et Silvergate
Bank durant la première quinzaine de mars 2023, à la suite d’importantes fuites de dépôts, ont entraîné une
nouvelle période de turbulences sur les marchés financiers et dans le secteur financier. Ces banques présentaient
de nombreuses vulnérabilités. Dans le cas de la Silicon Valley Bank, le modèle d’entreprise et les sources de
financement étaient caractérisés par un degré de concentration particulièrement élevé. La très grande majorité
des dépôts collectés par cette banque n’étaient en outre pas couverts par la garantie de la Federal Deposit
Insurance Corporation (FDIC). Ces facteurs ont contribué à la formation d’un mouvement de défiance des
déposants vis-à-vis de leur banque, consécutivement à la vente d’un portefeuille d’actifs, qui a amené la Silicon
Valley Bank à réaliser de nouvelles ventes forcées d’actifs à perte, renforçant de la sorte un cercle vicieux qui a
finalement poussé les autorités américaines à prendre possession de la banque. Des lacunes importantes dans
la gestion du risque de taux d’intérêt n’ont pas été corrigées à temps du fait de l’assouplissement, depuis 2018,
de la supervision des banques américaines dont le bilan est inférieur à 250 milliards de dollars.

Aux États-Unis, les autorités ont dès lors dû intervenir de manière décisive en assurant une couverture de
l’ensemble des dépôts de ces banques et en introduisant un nouveau programme de liquidité afin de limiter le
risque de contagion à d’autres acteurs et plus particulièrement aux banques régionales, dont la First Republic
Bank. Malgré ces interventions, le sentiment du marché est demeuré fragile et les semaines qui ont suivi sont
restées caractérisées par d’importantes sorties de dépôts d’une série de banques à ancrage régional vers des
banques de plus grande taille et des money market funds. Fin avril, la First Republic Bank a dû être sauvée,
le soutien initial apporté par un consortium d’autres banques sous la forme de dépôts n’ayant pas permis de
stabiliser la confiance des déposants dans la situation financière de la banque. La First Republic Bank a été
reprise par la FDIC, puis vendue à JP Morgan.

En Europe, le Crédit Suisse, initialement soutenu par une importante ligne de liquidité de la banque centrale
suisse, a fait l’objet d’une reprise par son concurrent UBS, comme annoncé le dimanche 19 mars. Le Crédit Suisse
présentait également des vulnérabilités propres, ayant été impliqué dans de nombreux dossiers problématiques
par le passé (Archegos, Greensill) et enregistrant des pertes à répétition, malgré différentes phases de
restructuration au cours des dernières années. Afin de s’assurer que cette opération puisse être menée à bien,
des mesures extraordinaires de liquidité et une garantie par le gouvernement fédéral helvétique, en cas de pertes
atteignant des seuils déterminés, ont également été prévues. L’une des particularités de l’accord conclu tenait

2023 ¡ Rapport macroprudentiel 9


au fait que, alors que les actionnaires avaient été – partiellement – indemnisés à hauteur de trois milliards de
francs suisses, l’autorité suisse de surveillance des marchés financiers (FINMA) a déterminé que les titres dits
« additional Tier 1 » (AT1) devaient être entièrement amortis, ce principe étant contractuellement prévu en cas de
survenance de certains événements spécifiques, notamment en cas d’octroi d’une aide publique exceptionnelle.
Généralement détenus par des investisseurs institutionnels, ces titres AT1 sont des obligations perpétuelles
convertibles en actions à certaines conditions qui avaient été émises en masse après la crise financière
mondiale de 2008, en application d’un nouveau cadre réglementaire visant à faire porter le poids d’éventuels
problèmes majeurs au sein d’une banque par ses créanciers et non plus par les pouvoirs publics. La décision
de la FINMA a de facto mené à une inversion de la hiérarchie des créanciers attendue par le marché. Dans la
foulée, les autorités compétentes de l’Union européenne et de la zone euro ont précisé qu’elles entendaient
suivre la hiérarchie normale des créanciers si un cas tel que celui du Crédit Suisse venait à se produire. Outre
cette inversion de la hiérarchie des créanciers, la dépréciation des titres AT1 du Crédit Suisse a rappelé que
ces derniers pouvaient servir à supporter des pertes dans des cas graves. Ces différents développements ont
entraîné à la hausse le coût du financement pour les banques, pour les titres AT1 spécifiquement, mais aussi
pour d’autres types de financement.

Dans les jours qui ont suivi, sur fond de grande nervosité sur les marchés financiers, le cours de l’action de
la Deutsche Bank a subi d’importantes corrections dans le sillage d’une hausse marquée des credit defaults
swaps – un produit financier fournissant une forme d’assurance contre le défaut de paiement d’une institution.
Si la Deutsche Bank s’était caractérisée dans le passé par une série de restructurations, elle ne présente, pour le
reste, que très peu de similitudes avec le Crédit Suisse. La Deutsche Bank est un établissement beaucoup plus
robuste et rentable, ce qui constitue une différence essentielle avec le Crédit Suisse. Un large consensus s’est
rapidement dégagé pour dire que la correction du cours de bourse de la Deutsche Bank avait eu lieu dans un
contexte de grande nervosité, que la hausse des credit default swaps résultait d’un nombre limité de positions
sur un marché relativement illiquide et que ces évolutions ne devaient donc pas être interprétées comme une
remise en question des bons fondamentaux de cette banque.

Le fait que les problèmes du secteur bancaire américain et du Crédit Suisse ne se soient pas propagés aux
banques de la zone euro témoigne de leur résilience et de l’importance de leurs réserves de capital et de
liquidités.

Le secteur financier belge s’est révélé très résilient face aux événements survenus dans les secteurs bancaires
américain et suisse. Il ne présentait pas d’expositions importantes à ces établissements. Cette résilience reflète
également les différences majeures entre les banques belges et les établissements américain et suisse qui ont
dû être soutenus.

3. Secteur financier belge

Le secteur financier belge dispose d’une position de solvabilité solide et est donc à même d’absorber des chocs
potentiellement importants. Le ratio CET1 des banques belges, un indicateur clé de la solvabilité, s’établissait
en moyenne à 17,3 % à la fin de 2022, un niveau largement supérieur tant à la moyenne européenne (15,1 %
à la fin de septembre 2022) qu’aux exigences minimales en la matière. Ainsi, les banques belges disposent
d’amples coussins de fonds propres libres, qui s’établissaient à environ 20 milliards d’euros à la fin de 2022.
Les derniers tests de résistance menés en 2021 pour l’ensemble des banques européennes ont souligné la
robustesse des banques belges face à de potentiels chocs importants et confirmé qu’elles figuraient parmi
les plus solides d’Europe. Sur les 75 milliards d’euros de fonds propres réglementaires dont dispose le secteur
bancaire belge, il convient également de souligner que seuls 4 milliards prennent la forme de capital dit AT1,
ce qui rend les banques belges peu sensibles aux perturbations observées sur ce marché. En ce qui concerne
le secteur de l’assurance, le taux de couverture du capital de solvabilité requis (Solvency Capital Requirement,
SCR) s’établissait à 209 % à la fin de 2022, un taux plus de deux fois supérieur au niveau réglementaire requis.
Ce niveau confortable permettra notamment aux entreprises d’assurance d’absorber de potentiels chocs qui

10 Rapport macroprudentiel ¡ 2023


découleraient d’une correction plus importante de la valeur de marché à l’actif du bilan – par exemple en cas
de corrections de prix sur les marchés financiers ou d’augmentation des primes de risque sur les obligations
détenues – qu’au passif.

Graphique  2
Ratios de solvabilité et de liquidité des banques belges

Ratio de solvabilité CET1 Ratio de couverture de liquidité


(en %) (en %)

20 200

18 180

16 160

14 140

12 120

10 100

8 80

6 60

4 40

2 20

0 0
2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022 T3

2022 T4
2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022 T3

2022 T4

Belgique Zone euro


Sources : BCE, BNB.

Les banques belges disposent également d’importants coussins de liquidité qui pourraient être mobilisés dans
un scénario peu plausible de pressions de liquidité intenses. Le ratio de couverture de liquidité des banques
belges – un indicateur attestant qu’une banque détient une quantité suffisante d’actifs liquides de haute qualité
pour couvrir des sorties « stressées » de fonds durant 30 jours en période de crise – s’établissait en moyenne à
un peu moins de 160 % à la fin de 2022, un niveau largement supérieur aux 100 % requis.

La base de financement du secteur bancaire belge est par ailleurs diversifiée, stable et comprend une part
importante de dépôts couverts par la garantie publique prévue à hauteur de 100 000 euros. Quelque 60 % des
dépôts des ménages et des entreprises belges sont en effet couverts par cette garantie.

Enfin, les banques belges gèrent activement les risques de taux engendrés par la hausse marquée et rapide des
taux d’intérêt. Cette bonne gestion des risques résulte notamment de la solidité du cadre réglementaire et de
contrôle instauré dans la zone euro.

Le secteur financier belge présente donc de très grandes différences avec des institutions telles que la Silicon
Valley Bank ou le Crédit Suisse et figure parmi les plus solides en Europe.

Il n’en reste pas moins que la conjonction de la hausse des taux sans risque et des turbulences observées au
cours du mois de mars sur les marchés financiers n’est pas sans conséquence pour les banques et entreprises
d’assurance belges.

2023 ¡ Rapport macroprudentiel 11


La rentabilité des banques avait à nouveau atteint un niveau élevé en 2022. Le secteur bancaire belge avait en
effet engrangé un bénéfice net de 7,6 milliards d’euros, présentant ainsi, tout comme en 2021, un rendement
sur fonds propres proche de 10 %. Ce bon niveau avait notamment été soutenu par la hausse du revenu
d’intérêts et le maintien à un niveau bas des provisions pour pertes sur crédits.

Une bonne gestion du risque des taux permet aux banques de bénéficier de la hausse généralisée des taux
d’intérêt après une longue période de taux bas, voire négatifs. Cette période avait en effet constitué un défi
important pour la rentabilité de l’intermédiation financière classique dans le secteur bancaire (conversion
des dépôts en prêts) et des assurances-vie présentant un rendement minimal garanti. Les évolutions futures
du revenu d’intérêts des banques dépendront toutefois de plusieurs facteurs. Dans un contexte où le
comportement des déposants pourrait s’avérer plus volatil qu’initialement estimé, les hypothèses adoptées
par les institutions financières – notamment en ce qui concerne la sensibilité de la rémunération des dépôts
à la hausse des taux de marché et aux rendements offerts sur des placements alternatifs – dans le cadre de
leur stratégie de couverture contre le risque de taux revêtiront une importance majeure. À supposer que la
sensibilité des dépôts aux taux d’intérêt ait été sous-estimée, cela pourrait peser significativement sur le coût
de financement des banques et sur leur rentabilité. Dans la foulée notamment des événements qui ont touché
le Crédit Suisse, le coût du financement de marché a été poussé à la hausse, les investisseurs exigeant une
prime de risque plus élevée par rapport aux taux d’intérêt sans risque. Compte tenu en outre du caractère
plat, voire inversé, de la courbe des taux sans risque, ces différents facteurs pourraient grever le revenu
d’intérêts des banques belges à l’avenir. Un risque de taux d’intérêt existe également pour les entreprises
d’assurance en ce sens que des contrats d’assurance peuvent être rachetés avant l’échéance (lapses). Dans le
cas des assurances-vie à rendement garanti, une nette remontée des taux peut entraîner un accroissement
des rachats de contrats existants par les assurés désireux de réinvestir leur capital dans des actifs offrant un
meilleur rendement. Les assureurs doivent bien évaluer et gérer ce risque, notamment en ce qui concerne le
risque de liquidité qui y est lié : en cas de rachats massifs de contrats d’assurance-vie, les assureurs doivent en
effet disposer de suffisamment d’actifs liquides qui puissent être réalisés pour pouvoir satisfaire la demande
de rachats anticipés.

Les provisions pour pertes sur crédits étaient restées à un niveau faible au cours de la crise énergétique de 2022,
en partie grâce aux mesures publiques et, pour les ménages, à l’indexation automatique des salaires, dans un
contexte de bonne prestation du marché de l’emploi. Des pertes de crédit pourraient toutefois se matérialiser
de manière plus prononcée à l’avenir au vu du retournement – à présent acté – du cycle de crédit et du cycle
immobilier. Par ailleurs, il ne peut être exclu que les turbulences survenues sur les marchés financiers et leurs
conséquences, en premier lieu en ce qui concerne le coût de financement des institutions financières, n’amplifient
le resserrement des conditions d’octroi de crédit à l’œuvre et ne pèsent sur la croissance économique, renforçant
l’ampleur des pertes de crédit potentiellement attendues.

Si le refroidissement observé sur le marché immobilier, qui pourrait mener à la diminution de valeur de certains
biens résidentiels, venait à s’accompagner d’une augmentation des difficultés de remboursement, cela pourrait
mener à la matérialisation des vulnérabilités qui se sont accumulées au cours des dernières années sur le marché
immobilier résidentiel et dans les portefeuilles de crédits hypothécaires. La matérialisation potentielle des
vulnérabilités observées sur le marché immobilier résidentiel ne serait alors pas sans conséquence pour le secteur
financier, ni pour la stabilité financière. Sur la période 2014-2022, l’encours total des prêts hypothécaires accordés
par les banques belges aux ménages belges est passé d’environ 170 milliards d’euros à quelque 287 milliards
d’euros. En pourcentage du total de l’actif des banques, cela correspond à une augmentation, de 15 % à
environ 21 %. Le cas échéant, il importera que les banques offrent des solutions aux emprunteurs présentant
une capacité de remboursement érodée, afin notamment de permettre d’éviter tout choc macroéconomique
indu, par exemple sous la forme d’une augmentation marquée des défauts de paiement de crédits hypothécaires
et d’évictions, pouvant entraîner une correction des prix de l’immobilier. Si elle le jugeait nécessaire, la Banque
pourrait, à cette fin, également libérer, le cas échéant, moyennant le respect de certaines conditions, le coussin
de fonds propres constitué par le secteur bancaire depuis 2013 (voir le chapitre « Politique macroprudentielle »
ci-dessous).

12 Rapport macroprudentiel ¡ 2023


Même si elles sont moins importantes que les expositions au segment résidentiel, les expositions à l’immobilier
commercial sont également significatives. Pour les banques, elles atteignaient 67 milliards d’euros à la
fin de 2022, soit environ un tiers des crédits aux entreprises belges. Pour les entreprises d’assurance, les
expositions étaient de quelque 29 milliards d’euros, soit un peu moins de 10 % de leur actif total. Le marché
de l’immobilier commercial reste caractérisé par une forte polarisation entre segments prime et non prime
qui, sur fond de croissance économique faible, pourrait conduire à une accentuation des pertes de crédit à
l’avenir notamment pour les expositions dont le remboursement est en partie lié à la performance de biens
« non prime » et/ou pour celles garanties par de tels biens. En outre, si des risques venaient à se matérialiser
sur le marché de l’immobilier résidentiel, cela ne serait pas sans conséquence pour le marché de l’immobilier
commercial. Environ 30 % des crédits aux entreprises – bien entendu en premier lieu des entreprises des
secteurs de la construction et des activités immobilières – peuvent être considérés comme « vulnérables » à un
choc sur le marché de l’immobilier résidentiel en raison de l’activité menée par ces entreprises ou des garanties
reçues par la banque.

La rentabilité des banques sera également moins fortement soutenue par la croissance économique, revue à la
baisse depuis 2022. Il en sera de même pour les entreprises d’assurance. En 2022, le secteur belge de l’assurance
avait toutefois à nouveau enregistré de bons résultats, engrangeant un résultat net de 3,7 milliards d’euros,
ce qui correspond à un rendement des fonds propres de 16 %.

Outre les risques de crédit et de taux d’intérêt à court terme et leurs retombées potentielles sur la rentabilité
du secteur financier, les évolutions structurelles liées à la numérisation et à la transition vers une économie
bas carbone continuent de représenter des défis majeurs pour le secteur financier qu’il convient également
de suivre au vu de leur incidence potentielle sur la stabilité financière. La numérisation du monde financier
offre aux établissements financiers des opportunités, mais présente également son lot de risques, notamment
des cyber-risques. Le changement climatique et la transition vers une économie plus durable et bas carbone
pourraient également avoir une incidence importante sur l’économie et sur la stabilité du système financier. L’un
des principaux risques pour le secteur financier recensé par la Banque en la matière en Belgique est le risque de
transition associé aux bâtiments à faible efficacité énergétique (voir le chapitre « Politique macroprudentielle »
ci-dessous).

Enfin, il convient également de suivre de près les risques potentiels pour la stabilité financière émanant
d’institutions autres que les banques ou les entreprises d’assurance. En Belgique, l’intermédiation financière
non bancaire se concentre principalement dans des fonds d’investissement autres que des fonds d’actions et
couvrait un montant d’actifs – sur la base de la définition utilisée par le Financial Stability Board (FSB) – de
161 milliards d’euros à la fin de 2022. Ce secteur a fait preuve de résilience – tant durant la pandémie qu’au
cours de la crise énergétique – grâce notamment à sa gestion des risques globalement prudente. L’économie
belge n’est par ailleurs liée que de manière limitée au secteur financier non bancaire mondial. La vigilance reste
toutefois de mise, étant donné les évolutions rapides et les vulnérabilités de ce secteur. Ces dernières ont à
nouveau été mises au jour en 2022 lorsque, au Royaume-Uni, la banque centrale a dû intervenir pour stabiliser
le marché des obligations d’État britanniques qui avait été fortement perturbé par l’interaction néfaste entre
les investissements à effet de levier des fonds de pension britanniques et la forte hausse des rendements des
obligations d’État britanniques. Afin de pallier les déficiences observées depuis quelques années – y compris
celles mises en lumière par la faillite des véhicules d’investissement Greensill et Archegos ou les tensions de
liquidité de certains fonds durant la pandémie de COVID-19 –, il convient à présent de traduire dans le cadre
réglementaire et de surveillance au niveau international les réformes préconisées, établies sous l’égide du
Financial Stability Board (FSB), dans le secteur financier non bancaire mondial.

Les développements du marché des crypto-actifs, qui ne fait pas partie du système financier réglementé, doivent
également faire l’objet d’un suivi étroit. Ce marché s’est récemment caractérisé par des évolutions négatives
majeures, comme l’effondrement du troisième plus grand stablecoin (TerraUSD) et la faillite d’une importante
plateforme de négociation (FTX). Ces échecs ont notamment trouvé leur source dans des déficiences aux
niveaux de la gestion opérationnelle et de la bonne gouvernance des opérateurs de ces marchés. Cela étant,

2023 ¡ Rapport macroprudentiel 13


en raison des faibles interconnexions des établissements financiers réglementés avec le monde des crypto-actifs,
l’incidence de ces turbulences sur le système financier traditionnel est restée très limitée.

4. Politique macroprudentielle

Au cours de dernières années, les décisions de politique macroprudentielle ont été prises dans un environnement
incertain, caractérisé par une succession de crises, de nature et d’origine différentes et par un resserrement
rapide la politique monétaire. La crise du COVID-19 avait mené, en 2020, à un assouplissement de la politique
macroprudentielle qui s’était notamment traduit, en Belgique comme dans de nombreux pays européens,
par la libération du coussin de fonds propres contracyclique. Au début de l’année 2022, à la faveur de
la reprise économique et de la suppression des restrictions liées à la pandémie de COVID-19, la politique
macroprudentielle s’apprêtait à suivre un mouvement de retour à la normale et à une politique proche de celle
de début 2020. L’invasion de l’Ukraine par la Russie a néanmoins forcé les autorités macroprudentielles, à la
lumière de l’incertitude générée, à postposer et réévaluer dans un second temps la réintroduction d’exigences
précédemment levées.

Dans le contexte actuel caractérisé par un resserrement de la politique monétaire et par le retournement des
cycles financier et immobilier, les décisions récentes de politique macroprudentielle en Belgique ont poursuivi
divers objectifs. Il a tout d’abord fallu veiller à ne pas opérer de manière procyclique, et notamment à ne pas
amplifier des phénomènes de resserrement des conditions d’octroi de crédit déjà à l’œuvre, tout en veillant à
préserver la résilience du secteur financier belge pour faire face à de potentiels chocs à l’avenir. Par ailleurs, il est
important d’encourager le maintien de politiques d’octroi de crédits saines mais, dans le même temps, de veiller
à faire preuve de la flexibilité nécessaire afin de ne pas freiner plus encore et de manière indue et excessive le
dynamisme – déjà affaibli – du cycle de crédit. Ces différents objectifs ont guidé les actions que la Banque a
adoptées en sa qualité d’autorité macroprudentielle au cours des derniers trimestres.

Graphique  3
Politique macroprudentielle de la Banque

2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023

Monitoring
Coussin de fonds propres (stock) Add-on linéaire + multiplicateur SSyRB
Attentes prudentielles (production)
Collecte et analyse des PEB (production)

… 1,5 % pour 4 banques


Coussin pour banques systémiques
… 0,75 % pour 4 banques Crelan

pas de
Coussin contracyclique 0,5 % X réactivation

Limitation des dividendes X


Source : BNB.

À l’instar de nombre d’autres autorités macroprudentielles, la Banque avait libéré, en mars 2020, le coussin
de fonds propres contracyclique, qui avait été activé (à un niveau de 0,5 %) en Belgique en 2019 eu égard
à l’accélération du cycle financier alors observée. Ce coussin de fonds propres contracyclique est un coussin
temporaire constitué dans la phase ascendante du cycle de crédit afin de garantir que les banques disposent
d’une marge de manœuvre suffisante pour couvrir les pertes de crédit (potentielles) dans la phase descendante

14 Rapport macroprudentiel ¡ 2023


du cycle. La libération, au début de 2020, de ce coussin, qui se montait à environ un milliard d’euros, avait
donné aux banques belges une marge de manœuvre supplémentaire qui avait notamment permis de financer
des moratoires et d’autres solutions de restructuration de dette pour les emprunteurs viables mais qui faisaient
face à des problèmes temporaires ou plus structurels de remboursement de prêts bancaires.

Au vu de l’impact de la crise énergétique et du niveau élevé de l’inflation sur la croissance ainsi que du
retournement alors attendu du cycle de crédit et du cycle immobilier, la Banque avait décidé dès septembre 2022
de ne pas réactiver le coussin contracyclique. De la sorte, elle entendait s’assurer que les banques belges
disposent d’une flexibilité totale pour utiliser leurs amples réserves de fonds propres disponibles afin de soutenir
l’économie réelle, c’est-à-dire de continuer d’octroyer un flux de crédit adéquat à l’économie réelle et d’offrir de
manière proactive des moratoires et d’autres options de rééchelonnement de dette aux emprunteurs en proie
à des difficultés de remboursement temporaires ou plus structurelles.

Au regard des incertitudes additionnelles générées par les turbulences observées sur les marchés financiers
en mars et considérant que le retournement du cycle financier et du cycle immobilier est à présent acté, la
Banque a confirmé cette décision à la fin de mars 2023. Elle entend ce faisant ne pas amplifier le phénomène
de resserrement des conditions d’octroi de crédit inhérent à la phase descendante du cycle financier. La Banque
réitère néanmoins les attentes précédemment formulées à l’encontre du secteur financier (voir le chapitre
« Conclusions et recommandations » ci-dessous) et suivra de près l’utilisation par les banques belges de la
marge de manœuvre en fonds propres apportée par la décision de ne pas activer le coussin de fonds propres
contracyclique.

Afin de pouvoir parer à d’éventuels chocs susceptibles de générer des pertes pour le secteur bancaire, il est
toutefois important de préserver sa résilience. En tant qu’autorité macroprudentielle, la Banque impose
des exigences de fonds propres spécifiques aux banques dites d’importance systémique nationale afin
d’accroître leur capacité de résistance, compte tenu des coûts économiques et sociaux élevés qu’entraînerait
leur défaillance. Ces exigences ont été maintenues en 2023. La liste de ces établissements, publiée sur une
base annuelle, comprend huit banques. La surcharge de fonds propres appliquée dépend de l’importance
de la banque. Elle s’élève à 0,75 % des actifs pondérés pour quatre d’entre elles et à 1,5 % pour les quatre
autres. Ces coussins, introduits progressivement depuis 2016, sont relativement importants : à la fin de 2022,
ils représentaient au total plus de cinq milliards d’euros pour les banques belges concernées. Faisant suite
à l’acquisition d’AXA Bank Belgium par Crelan à la fin de 2021, la Banque a adapté la liste des banques
d’importance systémique pour y ajouter Crelan, à qui un coussin équivalant à 0,75 % des actifs pondérés
s’applique depuis le 1er janvier 2023.

La Banque a récemment maintenu un autre coussin de fonds propres qui avait été instauré en 2013 afin de
couvrir les risques systémiques dans les portefeuilles de crédits hypothécaires des banques recourant à un modèle
de risques interne pour calculer les exigences minimales de fonds propres. Ce calcul aboutit généralement à
des pondérations de risque faibles, la Belgique n’ayant jamais subi de crise immobilière. Il sous-estime donc les
pertes potentielles qu’induirait un choc important sur le marché.

Le coussin a, depuis 2013, été prolongé et adapté à diverses reprises et a fait l’objet, en 2023, d’une nouvelle
prolongation jusqu’à la fin d’avril 2024. Malgré l’amélioration marquée de la qualité de la nouvelle production
de crédits hypothécaires (voir ci-dessous), la Banque a décidé de maintenir ce coussin au même niveau que
précédemment – à savoir environ deux milliards d’euros pour l’ensemble du secteur –, suivant en ce sens l’alerte
(warning) de septembre 2022 du Comité européen du risque systémique (European Systemic Risk Board, ESRB)
qui faisait état d’une augmentation de la probabilité de matérialisation d’un certain nombre de risques pour
la stabilité financière et de la nécessité, dans ce contexte, de préserver la résilience du secteur, tout en tenant
dûment compte des éventuels effets procycliques liés aux décisions macroprudentielles.

Depuis mai 2022, le coussin est constitué sous la forme d’un coussin de fonds propres sectoriel pour risque
systémique (sectoral systemic risk buffer, SSyRB) de 9 % appliqué aux actifs pondérés par les risques concernés.

2023 ¡ Rapport macroprudentiel 15


Dans un contexte d’accentuation – au vu notamment du retournement du cycle immobilier – de la probabilité
de la matérialisation des risques sur le marché immobilier, la Banque – comme elle l’avait déjà signalé par le
passé – se tient prête à libérer ce coussin de fonds propres macroprudentiel au cas où l’on observerait, par
exemple, une aggravation substantielle des difficultés de paiement pour les emprunteurs hypothécaires. S’il
venait à être libéré, ce coussin devrait alors non seulement servir à absorber les pertes liées aux défauts de
paiement, mais également permettre de financer des solutions à apporter aux clients rencontrant des problèmes
de remboursement afin de ne pas générer une large vague de défauts de paiement, d’expulsions et de ventes
forcées de logements.

Outre ce coussin de fonds propres, la Banque a pris d’autres mesures afin d’atténuer les risques pour la
stabilité financière liés aux expositions significatives du secteur financier belge au marché du logement.
Au début de 2020, la Banque avait ainsi instauré des attentes prudentielles pour les établissements financiers
accordant des crédits hypothécaires. Ces recommandations visaient à améliorer la qualité de crédit moyenne
des nouveaux prêts hypothécaires, en particulier en réduisant la part des crédits présentant une quotité (ratio
loan-to-value, LTV) élevée, et à faire ainsi en sorte que les risques observés dans le stock de crédits restent
sous contrôle.

Chaque année, les établissements financiers individuels doivent attester auprès de la Banque le respect de
ces attentes prudentielles ou, le cas échéant, justifier les raisons pour lesquelles ils ne les ont pas respectées,
notamment en ce qui concerne la production de crédits contractés en vue de l’acquisition de biens immobiliers
destinés à la location. Les deux premiers compliance reports – qui avaient porté sur les productions de 2020
et 2021 – avaient permis de déterminer que le secteur financier avait très largement suivi les recommandations
de la Banque ou, le cas échéant, fourni des explications attestant que la politique de crédit menée était saine.
La Banque analyse actuellement le troisième compliance report reçu à la fin d’avril 2023 et portant sur la
production de crédits de 2022. Les chiffres à la disposition de la Banque montrent toutefois d’ores et déjà que,
tout comme c’est le cas depuis 2020, le secteur a donné suite aux attentes de la Banque en 2022.

S’agissant des crédits contractés en vue de l’acquisition de biens immobiliers destinés à la location, qui sont
considérés comme présentant davantage de risques, la Banque a établi un seuil de référence plus bas et une
marge de tolérance plus faible que pour les autres crédits hypothécaires. La part de tels emprunts assortis d’un
ratio LTV excédant le seuil de 80 % a nettement reculé, retombant de 33 % en 2019 à 9 % en moyenne en 2022,
un niveau à présent inférieur à la marge de tolérance de 10 % définie par la Banque. Pour certaines institutions
individuelles, cette part est toutefois restée supérieure à la marge de tolérance. Lors des précédentes évaluations
du respect de ces attentes par le secteur financier, la Banque avait néanmoins jugé que les explications fournies
justifiaient un tel dépassement de la marge de tolérance en ce sens qu’elles confirmaient que les établissements
financiers appliquaient une politique de crédit saine pour ce segment.

En ce qui concerne les primo-acquéreurs, pour lesquels les recommandations sont les plus flexibles, le pourcentage
de crédits présentant un ratio LTV supérieur à 90 %, à savoir le seuil de référence appliqué par la Banque, était
revenu de 45 % en 2019 à 25 % en 2021 et s’est stabilisé aux alentours de ce niveau en 2022. Ce pourcentage
reste ainsi nettement inférieur au niveau de la marge de tolérance qui est définie par la Banque et selon laquelle
35 % de ces nouveaux crédits hypothécaires peuvent dépasser le seuil de 90 % de ratio LTV. Le fait que les
marges disponibles pour octroyer des prêts présentant un ratio LTV élevé ne soient pas complètement utilisées
montre que les recommandations de la Banque laissent une marge de manœuvre suffisante – en termes de
quotité – pour les primo-acquéreurs. Les données de la Centrale des crédits aux particuliers indiquent par ailleurs
que la part des crédits octroyés à des emprunteurs âgés de moins de 35 ans dans le total des nouveaux crédits
est restée stable ces dernières années, aux alentours de 35 % et a même augmenté en 2022 et 2023.

Dans un environnement de hausse des taux, l’on s’attend toutefois à ce que cela soit principalement les taux
d’intérêt hypothécaires qui limitent – à charge de dette mensuelle et maturité constantes – la capacité d’emprunt
des candidats acquéreurs et ce, dans une mesure plus large que la quotité. C’est dans ce contexte – et partant
de l’hypothèse que le budget mensuel à consacrer au remboursement d’un crédit hypothécaire représente dans

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la plupart des cas une contrainte forte – que la Banque a accueilli favorablement l’allongement modéré des
maturités des nouveaux prêts hypothécaires observé depuis 2022 puisqu’il contribue à préserver la capacité
d’emprunt des ménages lorsque les taux hypothécaires augmentent et permet ainsi d’éviter un ralentissement
excessif de l’octroi de crédits hypothécaires et du dynamisme du marché.

Graphique  4
Critères d’octroi de crédits hypothécaires

Ventilation des nouveaux crédits hypothécaires Ventilation des nouveaux crédits


en fonction de la quotité, par sous-segment hypothécaires en fonction de la maturité et
(pourcentages) part des emprunteurs de moins de 35 ans
(pourcentages)

100 100 45

90 90 40
80 80
35
70 70
30
60 60
25
50 50
20
40 40
15
30 30

20 20 10

10 10 5

0 0 0
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022

2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

janv. − avril 2023


Primo-acquéreurs Buy-to-let

≤ 80 ]80 ; 90] ]90 ; 100] ≤ 10 ans


]100 ; 110] > 110 ]10 ans ; 15 ans]
]15 ans ; 20 ans]
> 20 ans
Part des emprunteurs < 35 ans
(échelle de droite)


Source : BNB.

Toujours en ce qui concerne les expositions immobilières des établissements financiers belges, la Banque a
publié, à la fin de 2020, une circulaire détaillant ses attentes et ses demandes de données en ce qui concerne
la prise en compte de l’efficacité énergétique des expositions immobilières dans la gestion des risques liés
au changement climatique par le secteur financier (voir ci-dessus). Dans le cadre du suivi de ces attentes, la
Banque a pu constater que le secteur financier avait enregistré d’importants progrès en la matière. Elle estime
toutefois que le secteur devrait encore améliorer la collecte de données pertinentes, notamment les certificats
PEB des biens financés ou pris en garantie, poursuivre le développement d’un cadre de suivi des risques liés
à l’(in)efficacité énergétique de ces biens et procéder à des analyses approfondies permettant d’intégrer
adéquatement l’efficacité énergétique dans le cadre de gestion des risques.

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5. Conclusions et recommandations

Le contexte économique et financier actuel, caractérisé par le retournement du cycle de crédit et du cycle
immobilier, et les incertitudes additionnelles générées par les évolutions observées dans les secteurs bancaires
américain et suisse mettent à nouveau en lumière le rôle à jouer par le secteur financier en soutien de
l’économie. Il convient donc non seulement que le secteur financier utilise à cette fin la marge de manœuvre
laissée par l’autorité macroprudentielle mais qu’il maintienne également une marge de manœuvre additionnelle
suffisante, au vu des incertitudes persistantes, en faisant notamment preuve de prudence dans le cadre de ses
décisions en matière de dividendes et d’autres types de distribution de bénéfices.

Au vu de sa décision de maintenir le taux du coussin de fonds propres contracyclique à 0 %, la Banque compte


sur le secteur bancaire pour maintenir l’octroi de crédits aux ménages et aux sociétés non financières, sans
resserrement procyclique indésirable des conditions de crédit. Il convient notamment d’éviter tout ralentissement
excessif de l’octroi de crédits hypothécaires aux primo-acquéreurs, dont la capacité d’emprunt est mise sous
pression par l’augmentation des taux d’intérêt. Pour ce faire, le secteur financier peut procéder à un allongement
modéré des maturités des nouveaux prêts hypothécaires mais également utiliser les marges disponibles pour
octroyer des crédits avec des quotités plus élevées.

La marge de manœuvre en fonds propres apportée par la décision de ne pas activer le coussin de fonds propres
contracyclique doit également être utilisée par les banques belges pour offrir des solutions de rééchelonnement
de dette aux clients faisant face à des difficultés de remboursement, et ce de manière proactive, et pour
augmenter, si nécessaire, les provisions pour risques de crédit, dans le contexte d’une potentielle matérialisation
de risques concernant les actifs accumulés au bilan lorsque les taux d’intérêt étaient bas et que le cycle du crédit
se trouvait en phase ascendante.

Les banques et entreprises d’assurances belges ont prudemment géré les risques de taux d’intérêt et de liquidité
inhérents à une période de hausse des taux d’intérêt. Le secteur financier doit continuer à traiter ces risques
de manière prudente. Les événements survenus aux États-Unis et en Suisse ont montré que des problèmes
idiosyncratiques pouvaient avoir des répercussions plus larges, dans un environnement de resserrement général
des conditions financières.

Par ailleurs, même si la situation des banques européennes et belges présente de nombreuses différences avec
celle des banques telles que la Silicon Valley Bank ou le Crédit Suisse, les régulateurs européens et nationaux
ne peuvent pas faire preuve de complaisance et se doivent de rester vigilants. Les événements dans le secteur
bancaire nous ont rappelé que seules une réglementation suffisamment sévère et une supervision étroite
peuvent éviter des problèmes majeurs dans le secteur financier et assurer ainsi qu’il puisse continuer à jouer son
rôle majeur d’intermédiation financière. Dans la zone euro, un cadre de contrôle solide et harmonisé est en place
notamment par la voie du mécanisme de supervision unique composé de la BCE et des superviseurs nationaux.
Il convient toutefois de s’assurer que l’on maintienne un niveau de contrôle et de réglementation suffisamment
sévère. La Banque souligne à nouveau la nécessité que les discussions actuelles concernant la transposition finale
des normes de Bâle en Europe mènent à un meilleur alignement des futures exigences bancaires européennes
avec les normes définies au niveau international par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire. Seul un cadre
réglementaire crédible peut garantir la stabilité financière à l’avenir. Ce cadre devra à l’avenir également pouvoir
être adapté au vu des leçons tirées des événements récents. Il conviendra par exemple d’évaluer dans quelle
mesure les hypothèses relatives aux retraits de dépôts en période de crise telles qu’utilisées dans le calcul des
ratios de liquidité des banques sont suffisamment sévère dans un environnement de plus en plus numérisé.

Enfin, en ce qui concerne le secteur de l’assurance, un nouveau cadre juridique stable déterminant sans
ambiguïté la manière dont les coûts des dommages liés aux futures catastrophes naturelles seront répartis reste
nécessaire. L’incertitude juridique résultant de cette situation entraîne des conséquences importantes pour les
assureurs belges, notamment en ce qui concerne la possibilité, le niveau et le coût de réassurance du risque de
catastrophe, mais peuvent aussi à terme engendrer une augmenter des primes pour les assurés.

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Couverture et mise en page : BNB CM – Prepress & Image

Publié en mai 2023

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